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ÉDITORIAL

Michel Hautefeuille

De Boeck Supérieur | « Psychotropes »

2017/1 Vol. 23 | pages 5 à 7


ISSN 1245-2092
ISBN 9782807391338
DOI 10.3917/psyt.231.0005
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2017-1-page-5.htm
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Alcools
Éditorial

Michel Hautefeuille
Praticien hospitalier
Centre médical Marmottan
17-19 rue d’armaillé – F 75017 Paris
Courriel : m.hautefeuille@gpspv.fr

Est-il encore nécessaire de consacrer un dossier à l’alcool, ce produit qui


a accompagné les hommes et les dieux depuis des temps ancestraux ?
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La réponse est évidemment oui. Si l’on en croit les données de l’enquête
ESCAPAD de 2014, l’alcool reste la substance psychoactive la plus uti-
lisée chez les jeunes de 17 ans. Dans le même ordre d’idée, l’enquête
HBSC montre que près de la moitié des élèves de sixième ont déjà goûté
une boisson alcoolisée et que 6,8 % ont connu une ivresse alcoolique.
Ce pourcentage se trouve multiplié par cinq dans les classes de troisième
(34 %). En population adulte (18-75 ans), le test Audit-C montre que
31 % des buveurs sont à risque ponctuel et 8 % à risque chronique.
Au-delà des données chiffrées, nous enregistrons de nouveaux types
de comportements comme l’Alcoolisation Ponctuelle Importante (API)
plus connue dans les pays anglo-saxons sous le nom de binge drinking.
Malheureusement, les données concernant ces nouveaux comportements
sont peu documentées. L’article de Laurence SIMMAT-DURAND
et coll. se propose de cerner de façon plus précise cette problématique
dans le cadre de la grossesse, à partir des quelques données dont nous
disposons et par l’analyse des forums d’échange. Le développement de
cette pratique a amené les USA et la Grande-Bretagne à créer des struc-
tures d’accueil spécifiques de nuit pour les jeunes femmes présentant
une alcoolisation ponctuelle importante. Le binge drinking est en effet

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Éditorial

lié à des prises de risques : relations non protégées, risques d’agressions,


etc. D’autre part, l’API fait partie des facteurs associés à une grossesse
non suivie. Le binge drinking apparait comme une pratique des jeunes
ou très jeunes adultes qui relève de l’enjeu identitaire, voire du rite de
passage qui nécessiterait un nouveau discours et des nouvelles politiques
de la part des pouvoirs publics.
Plus largement, l’alcoolodépendance a été abordée sous de nom-
breux angles : sociaux, familiaux, environnementaux, sanitaires. Sophie
ROCHE nous en propose un autre, moins investigué, celui de l’emotion-
nalité. Plus particulièrement, l’auteure va étudier les notions de honte
et de culpabilité, et leur lien direct avec la psychopathologie de l’alcoo-
lisme. Par une revue critique de la littérature, elle montre, même si le
faible nombre d’études nous incite à rester prudents, que la culpabilité
serait un facteur protecteur. À l’inverse, la honte est un facteur de vulné-
rabilité qui joue un rôle important « dans l’apparition et le maintien de
la consommation problématique d’alcool. » La capacité de l’individu à
réguler ses émotions pourrait ainsi être un axe de prévention et de soins
intéressant avec des stratégies de « réduction de la honte » accessibles
par exemple dans le cadre des TCC.
Dans l’article suivant, nous verrons que le rôle de l’entourage est
également crucial dans ce type de situation. Après avoir précisé ce
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qu’elle entend par « lien familial » et l’évolution de la notion de famille
en fonction des époques et des écoles, Isabelle TAMIAN nous propose
une réflexion sur la souffrance de l’entourage confronté à l’alcoolisation
d’un de ses membres. La famille peut être considérée comme un système
à l’intérieur duquel toute action d’un des membres a une influence sur
les autres, homéostasie qui pérennise le système et évite ou empêche
le changement. À travers un exemple clinique, l’auteure montre que la
restauration de la parole est instigatrice de lien et permet de découvrir ce
qui fait lien de réciprocité.
Même si l’alcoolisme est une pathologie répandue qui tue à peu
près 50.000 personnes par an, les connaissances des médecins généra-
listes qui reçoivent ces patients en première intention ou de façon plus
régulière méritent interrogation. C’est en tout cas la problématique que
pose Aymeric DJENGUE. À partir de 622 questionnaires d’évaluation
des connaissances, il apparaît que 77,5 % des internes n’ont pas obtenu
la moyenne. Le niveau de connaissance dépend de l’importance de la
formation en addictologie donnée par les Facultés lors du cursus univer-
sitaire. Il paraît notoirement insuffisant par rapport à une problématique
omniprésente en médecine générale.

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Enfin, parmi les complications liées à l’abus d’alcool, il en est


une dont la prise en charge est particulièrement compliquée, c’est le
Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Celui-ci associe trois caracté-
ristiques : une dysmorphie faciale, un retard de croissance anté et post-
natal et des troubles du développement neurologique 1. Ce syndrome a
été décrit pour la première fois par Paul Lemoine. C’est sur ses travaux
peu reconnus en leur temps que Thierry FILLAUT et coll. nous pro-
posent de revenir. Paul Lemoine est pédiatre et s’intéresse au SAF à la
fin des années cinquante. Il en fera une description plus précise dès 1967.
Mais l’accueil de la communauté médicale est froid. Ceci est peut-être
dû à la « banalité » de la consommation d’alcool en France et à la sous-
estimation de son pouvoir toxique… C’est finalement vers 1975 que la
reconnaissance lui viendra des États Unis, le rapport entre alcoolisme de
la mère et SAF ayant été précisément établi.
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1. S. Toutain, Rose-Marie Chabrolle et Jean-Pierre Chabrolle, « Prise en charge d’en-


fants porteurs du syndrome d’alcoolisation fœtale », Psychotropes, vol 13 (2), 2007.

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