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Ben Dickinson
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144 Ben Dickinson
L’impact le plus immédiat des flux financiers illicites (FFI) revêt la forme
d’une réduction des dépenses et des investissements nationaux, tant publics
que privés. Cela se traduit par une diminution du nombre d’hôpitaux et
d’écoles, de policiers dans la rue, de routes et de ponts. Cela signifie aussi une
baisse des emplois. En outre, bon nombre des activités générant des fonds illi-
cites sont criminelles. Si les délits financiers comme le blanchiment d’argent,
la corruption et l’évasion fiscale sont nuisibles pour tous les pays, les effets sur
les pays en développement sont particulièrement délétères. À titre d’exemple,
la corruption détourne des fonds publics destinés à l’usage public vers une
consommation privée. Nous savons qu’en général, la consommation privée
induit beaucoup moins d’effets multiplicateurs positifs que les dépenses pu-
bliques consacrées aux services sociaux, comme la santé et l’éducation. Les
revenus liés à la corruption ou à des activités criminelles sont généralement
dépensés pour la consommation de produits tels que des véhicules de luxe, ou
investis dans l’immobilier, l’art ou les métaux précieux. L’impact social d’un
euro dépensé pour acheter un yacht ou importer du champagne sera très dif-
férent de celui d’un euro investi dans l’enseignement primaire.
Le blanchiment de capitaux nuit aussi au secteur financier : l’efficacité
d’un secteur financier repose sur une réputation générale d’intégrité, que
compromet le blanchiment d’argent. Ce dernier peut ainsi entraver la crois-
sance économique à long terme, au détriment du bien-être d’économies tout
entières.
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Les flux financiers illicites sont définis de plusieurs façons, mais ils sont essen-
tiellement générés par des méthodes, des pratiques et des délits visant à trans-
férer des capitaux financiers hors d’un pays, en violation du droit national ou
international.
Les travaux récents sur la question suggèrent que les flux financiers illi-
cites impliquent généralement les pratiques suivantes : blanchiment d’argent,
pots-de-vin par des entreprises internationales et évasion fiscale, falsification
des transactions commerciales.
Ces catégories ne nous apprennent cependant rien sur la source ou l’ori-
gine de ces flux. Ils peuvent être issus de pratiques illégales ou corrompues
comme la contrebande, la fraude ou la contrefaçon. Leur provenance peut éga-
lement être légale, mais leur transfert, illégal, comme dans le cas de l’évasion
Flux financiers illicites et développement 145
fiscale pratiquée par des particuliers et des entreprises. Nous ne sommes pas
non plus renseignés sur l’utilisation qui en est prévue. Ils pourraient être des-
tinés à d’autres activités illégales, telles que le financement du terrorisme ou
les pots-de-vin, ou à la consommation légale de marchandises.
En pratique, la gamme des flux financiers illicites peut aller d’une transac-
tion aussi simple qu’un virement effectué par un particulier sur ses comptes
privés à l’étranger sans payer d’impôts, à des systèmes très compliqués repo-
sant sur le recours à des réseaux criminels qui mettent en place des structures
à plusieurs couches dans diverses juridictions, de manière à cacher l’identité
du véritable propriétaire.
Les quelques études consacrées à ce phénomène se sont surtout intéres-
sées aux sorties de bénéfices liés à la corruption, notamment ceux de klep-
tocrates comme Sani Abacha (Nigeria), Valdimiro Montesinos (Pérou) et
Ferdinand Marcos (Philippines). Chacun a, d’une certaine manière, pillé son
pays, que ce soit par le contrôle direct de la Banque centrale (Abacha), l’extor-
sion de fonds par le biais d’entreprises du secteur de la défense (Montesinos)
ou la confiscation de sociétés (Marcos). Après qu’ils ont quitté le pouvoir, en
raison de leur décès, de bouleversements politiques ou d’une condamnation
pénale, on a découvert qu’ils avaient tous investi d’énormes fortunes à l’étran-
ger dans un large éventail d’actifs. À un niveau de responsabilité moins élevé,
on peut citer quelques personnalités politiques semi-autonomes, tels les gou-
verneurs de deux États du Nigeria récemment condamnés devant les tribu-
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3 BLANCHIMENT D’ARGENT
Les flux financiers illicites quittent souvent les pays en développement par
le biais du système financier commercial. Grâce à ce système, les fonds sont
blanchis pour en dissimuler la provenance. Les régimes de lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) font par-
tie des outils efficaces permettant d’empêcher que les fonds illicites soient
détenus, reçus, transférés et gérés par les grandes banques et les centres
financiers.
Les actions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme sont régies par les recommandations du Groupe d’action finan-
cière, GAFI (Financial Action Task Force, FATF).
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Cet article est un résumé de l’Évaluation des mesures prises par l’OCDE en réac-
1
tion aux flux financiers illicites provenant des pays en développement, 2013.
Flux financiers illicites et développement 147
4 ÉVASION FISCALE
La lutte contre l’évasion fiscale internationale est cruciale car elle représente
une source majeure des flux financiers illicites en provenance des pays en dé-
veloppement. Les pays d’Afrique subsaharienne mobilisent encore moins de
17 % de leur produit intérieur brut (PIB) en recettes fiscales. Afin de lutter
contre les délits fiscaux, il est essentiel de mettre en œuvre un échange efficace
d’informations entre les pays. Depuis 2000, le nombre d’accords sur l’échange
de renseignements entre les pays de l’OCDE et les pays en développement a
régulièrement progressé (pour atteindre environ 1 300). Bien que la plupart
des accords signés depuis 2005 soient conformes aux normes du Forum mon-
dial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, des
améliorations sont encore possibles. À cet égard, l’échange automatique de
renseignements peut être un outil efficace, susceptible de dissuader les frau-
deurs de l’impôt et d’augmenter le montant des impôts payés volontairement.
Même si l’efficacité des échanges automatiques d’informations est de plus en
plus reconnue, il reste néanmoins des exceptions. Les systèmes fiscaux des
pays en développement pâtissent de la corruption et de capacités insuffisantes,
et se montrent donc souvent incapables de participer à des échanges d’infor-
mations efficaces. La priorité réside dans le renforcement des institutions et
des systèmes pour juguler l’évasion fiscale.
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Le rapatriement d’avoirs volés dans leur juridiction d’origine peut fournir des
ressources supplémentaires aux pays en développement, tout en exerçant un
effet dissuasif et en faisant justice aux communautés bénéficiaires des fonds
rapatriés. Les progrès en matière de rapatriement de fonds dans les pays de
l’OCDE ont été toutefois modestes, avec seulement un petit nombre de pays
ayant gelé ou restitué des avoirs. Entre 2010 et 2012, les pays de l’OCDE
ont restitué 147 millions de dollars et gelé près de 1 400 milliards de dollars
d’avoirs volés.
Les pays qui remportent le plus de succès dans l’identification, le gel
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Au cours des dernières années, les bailleurs de fonds ont intensifié leur enga-
gement dans la lutte contre les flux financiers illicites. Les organismes d’aide
ont soutenu les organisations de la société civile ainsi que les chercheurs
œuvrant sur cette question, et ils ont appuyé les efforts des pays désireux de
renforcer leurs capacités dans la lutte contre l’évasion fiscale, le blanchiment
d’argent et la corruption. Les organismes donateurs font le lien entre les pays
de l’OCDE et les pays d’où proviennent les flux financiers illicites. Ils peuvent
jouer un rôle efficace en soutenant la lutte contre les flux financiers illicites
et en améliorant leurs propres capacités de prévention et d’enquête face à la
délinquance économique.
RÉFÉRENCES
FATF (2010), FATF 40 Recommendations 2003, FATF/OECD, Paris, disponible à
www.fatf-gafi.org/topics/fatfrecommendations/documents/the40recommenda-
tionspublishedoctober2004.html.
FINANCIAL SERVICES AUTHORITY (2011), “Banks’ management of high mo-
ney laundering risk situations, How banks deal with high-risk customers (in-
cluding PEPs), correspondent banking relationships and wire transfers”, The
Financial Services Authority, London.
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