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MODERNISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE DANS LES PAYS EN

DÉVELOPPEMENT : IMPACT DE LA TVA


Modernizing the Tax Administration in Developing Countries: Impact of the VAT

Jean-Paul Bodin

De Boeck Supérieur | « Revue d'économie du développement »

2012/3 Vol. 20 | pages 83 à 103


ISSN 1245-4060
ISBN 9782804175764
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Modernisation de l’administration
fiscale dans les pays en développement :
impact de la TVA
Modernizing the Tax Administration
in Developing Countries: Impact of the VAT
Jean-Paul Bodin *
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Depuis plus d’une vingtaine d’années, la TVA a permis de renforcer la mobilisation des ressources
dans les pays en développement et de lancer des réformes importantes en matière d’administration
fiscale. Les performances de cette taxe sont toutefois en deçà des potentialités dans beaucoup de
pays. L’amélioration de ces performances et la modernisation du système fiscal passent par une
accélération de la réforme de l’administration fiscale qui exige des investissements conséquents en
matière de ressources humaines et d’informatisation. Elle implique également une plus grande
efficacité dans l’organisation et l’utilisation de l’assistance technique qui est indispensable pour
appuyer ces réformes.

Mots clés : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pays en développement, réformes fis-
cales, modernisation de l’administration fiscale, assistance technique.
Classification JEL : H26, H29

Since the early 1990s, introduction of the VAT has had a positive impact on resources mobiliza-
tion in developing countries. It has also been a vehicle to implement major tax administration
reforms. While VAT performance is still below the potential in many countries, enhancing tax
administration reforms is critically needed to improve the productivity of this tax and to further
modernize the tax system. This necessitates significant additional human resources and informa-
tion technology investments as well as a more effective organization – and use – of the technical
assistance needed to implement these reforms.

Key words: Value-added Tax (VAT), developing countries, tax reforms, tax admi-
nistration modernization, technical assistance.

* Consultant en matière de politique et d’administration fiscale, ancien chef de division


chargé de l’administration fiscale et douanière au Département des Finances Publiques
du Fonds Monétaire International.

83
84 Jean-Paul Bodin

1 INTRODUCTION

Cet article a pour objet l’examen des conséquences de la propagation de la


taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans la majorité des pays en développement
en mettant en évidence l’impact de cette réforme majeure sur la modernisa-
tion des administrations fiscales.
L’adoption de la TVA représente incontestablement la réforme fiscale la
plus importante qui soit intervenue dans plus de 140 pays depuis une cinquan-
taine d’années (Ebrill, Keen, Bodin, et Summers, 2001) et son introduction
dans les pays en développement est en forte accélération depuis le début des
années 1990 1. Malgré des performances qui sont souvent en deçà de son
potentiel, la TVA a permis une amélioration de la neutralité économique du
prélèvement fiscal et une progression des recettes de fiscalité indirecte
interne dans la plupart des pays en développement 2. Instrument pivot de la
transition fiscale 3, la TVA a contribué de manière décisive à compenser les
pertes de recettes tarifaires liées aux politiques de libéralisation commerciale
et à la réforme des tarifs douaniers, tout en ayant un impact majeur sur
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l’organisation et le fonctionnement des administrations fiscales des pays con-
cernés.
Les caractéristiques des premières TVA adoptées dans les pays en dévelop-
pement variaient en fonction de la date d’introduction et des traditions souvent
confortées par les experts originaires des anciennes puissances coloniales
(Bodin et Koukpaizan, 2009). Ainsi les TVA anciennes qui avaient été intro-
duites dans les pays francophones avant les années 1990 (Algérie, Côte
d’Ivoire, Maroc, Sénégal, et Tunisie) avaient initialement en commun, à l’ins-
tar de la TVA mise en œuvre en France depuis le début des années 1950, la
multiplicité des taux et la pluralité des seuils d’assujettissement.
De même, une particularité des TVA adoptées en Amérique latine dans les
années 1980 était, comme dans le cas de l’Espagne ou du Portugal, la faiblesse
du seuil d’assujettissement. Enfin, dans les pays anglophones pour lesquels
l’expérience en matière de TVA est relativement plus récente, la fragmentation
caractéristique de l’administration fiscale du Royaume Uni jusqu’au début

1 Tableau 1 en annexe.
2 Tableau 2 en annexe.
3 Dans un contexte de baisse des recettes tarifaires, la transition fiscale consiste à maintenir
les recettes publiques à un niveau adéquat grâce à un accroissement de la contribution de
la fiscalité interne (surtout indirecte). L’objectif est une amélioration de la neutralité
économique du prélèvement fiscal (Chambas, 2005).
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 85

des années 2000 expliquait les hésitations dans l’organisation de l’administration


de la TVA.
Depuis le début des années 1990, la majorité des pays ayant adopté une
TVA a bénéficié de l’appui des experts des organisations internationales
impliquées dans l’aide au développement. Malgré des déviations importan-
tes, la plupart des TVA récentes sont basées sur les principes développés
dans les documents qui ont été publiés par le FMI (notamment Ebrill,
Keen, Bodin, Summers, 2001). Ces TVA plus modernes et plus efficaces ont
porté l’accent sur la simplicité pour améliorer les performances et faciliter
l’administration 4.
Au fil du temps, certains pays (Algérie, Côte d’Ivoire, et Sénégal par exem-
ple) qui avaient adopté des TVA de « première génération » ont réussi à les
améliorer. Dans d’autres pays (Égypte, Maroc, et Tunisie entre autres),
l’expérience montre toutefois que la modernisation d’une TVA ancienne peut
s’avérer plus difficile que la mise en place d’une TVA moderne conforme aux
meilleures pratiques.
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Bien que les aspects administratifs aient parfois été négligés, l’adoption
de la TVA a également eu des conséquences majeures en termes de moderni-
sation des administrations fiscales, notamment dans les pays en développe-
ment. L’objectif initial de la TVA était de mettre en place un instrument
économiquement neutre pour faire face aux besoins de recettes que les systèmes
fiscaux ne pouvaient satisfaire. Dans la plupart de ces pays, la TVA a ainsi
remplacé des systèmes de taxes indirectes qui étaient caractérisés par une
base étroite, des taux multiples, et des dispositifs complexes pour réduire
l’effet de « cascade » (ITD, 2005). La mise en place d’une TVA moderne conforme
aux meilleures pratiques a également débouché sur un environnement plus
favorable pour réformer l’administration fiscale. Dans le contexte de services
fiscaux qui étaient caractérisés par des modes d’organisation obsolètes et des
procédures archaïques, l’introduction de la TVA a souvent permis de lancer
des réformes majeures dans l’organisation de ces services et leurs méthodes
de taxation.

4 Leurs caractéristiques ainsi que les déviations les plus fréquentes sont résumées dans
le tableau 3 en annexe.
86 Jean-Paul Bodin

2 IMPACT DE LA TVA SUR LE FONCTIONNEMENT


DE L’ADMINISTRATION FISCALE

2.1 Organisation des administrations fiscales


Plusieurs approches ont été retenues selon les pays lors de l’introduction de la
TVA. Alors que la collecte de la TVA sur les importations a naturellement été
confiée à la Douane dès l’origine dans la plupart des pays, trois modèles
d’organisation ont été adoptés pour administrer la TVA intérieure :
– Direction des douanes dans un petit nombre de pays (mais souvent de façon
éphémère).
– Nouvelle direction dédiée à la TVA dans quelques pays (du moins jusqu’à une
date récente).
– Direction unifiée des impôts dans une vaste majorité des pays (en fait, quasi-
totalité actuellement).
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L’expérience a montré que l’intégration de l’administration de la TVA et
celle des autres impôts intérieurs est une composante essentielle dans la
modernisation de l’administration fiscale (cf. encadré 1). Dans les pays qui
avaient opté pour des modèles d’organisation fragmentée, l’intégration a été
particulièrement délicate et a exigé une forte volonté politique. En période de
crise, l’intégration de la direction créée pour gérer la TVA avec les services de
gestion des impôts directs s’est avérée difficile et plusieurs années ont été
nécessaires pour vaincre les résistances au changement et parachever la
modernisation des structures. Tel est par exemple le cas du Liban (depuis le
début des années 2000) et de l’Égypte (depuis 2006) où cette réforme impor-
tante est toujours en cours d’exécution.

Encadré 1. Évolution de l’organisation des administrations fiscales


Organisation fragmentée. Dans ce modèle devenu obsolète, les administrations
étaient spécialisées par catégorie d’impôts. Dans plusieurs pays, des administrations dif-
férentes (les « régies ») étaient responsables respectivement des impôts directs, des
impôts indirects, voire des droits d’enregistrement et de timbre. Cette approche compor-
tait de nombreux inconvénients, y compris : absence de vision globale sur la situation des
contribuables, multiplication des interlocuteurs, superposition des contrôles, multiplica-
tion de procédures redondantes, cloisonnement des services, aggravation des risques de
collusion entre agents et contribuables, et alourdissement des coûts administratifs tant
pour l’administration que pour les entreprises.
Organisation unifiée. Dans la vaste majorité des pays, une administration unifiée gère
désormais tous les impôts intérieurs. Dans ce modèle devenu prédominant, l’organisation
est structurée sur la base des principales missions (immatriculation et services aux contri-
buables, contrôle fiscal, recouvrement, gestion des ressources, et informatisation) et les
informations fiscales concernant un même contribuable sont regroupées dans un « dossier
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 87

unique ». Ce type d’organisation présente des avantages évidents par rapport à la structure
fragmentée des anciennes « régies », notamment : diminution des coûts de gestion pour le
contribuable et pour l’administration, simplification des formalités et amélioration des ser-
vices, amélioration des programmes de contrôle et de recouvrement, et traitement plus
cohérent de l’ensemble des obligations fiscales.
Prise en compte de la segmentation des contribuables dans l’organisation. L’intro-
duction de la gestion du risque a commencé par l’adoption de la « segmentation » depuis
le début des années 1990. L’application de ce concept à l’administration fiscale a été faci-
litée par l’adoption de la TVA qui a débouché sur une meilleure connaissance des chiffres
d’affaires déclarés. Dans les pays en développement, la segmentation est souvent basée
sur un classement en trois catégories de contribuables selon le niveau de chiffre
d’affaires : les grandes, moyennes, et petites entreprises 5. L’élaboration de programmes
d’éducation et de contrôle intégrant les besoins spécifiques de ces catégories et des risques
qu’elles présentent a débuté par la création d’une direction des grandes entreprises. Dans
plusieurs pays, le concept a ensuite été approfondi en créant des services des moyennes
entreprises et des services spécialisés pour les petits contribuables. Dans ce type d’orga-
nisation, chacun des services (y compris les services centraux et chacun des services opé-
rationnels) reste organisé sur une base fonctionnelle.
En facilitant une meilleure utilisation des moyens disponibles pour les adapter aux
enjeux et aux besoins des contribuables, la prise en compte de la segmentation doit permet-
tre des améliorations en termes d’efficacité et d’efficience de l’administration fiscale.

La mise en place d’une administration fiscale unifiée pour gérer l’ensemble


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des impôts directs et indirects intérieurs est désormais le modèle dominant. Mal-
gré des avantages initiaux en termes d’efficacité de gestion de la TVA, la mise
en place de directions spécialisées, en particulier dans les pays de tradition
anglophone, a compliqué et souvent retardé la modernisation de l’ensemble de
l’administration fiscale. Par ailleurs, s’agissant des pays francophones, malgré
l’apparence d’une organisation initialement mieux adaptée pour gérer la TVA,
plusieurs d’entre eux ont également été confrontés jusqu’à une date récente à
des difficultés importantes du fait de la fragmentation des missions fiscales
entre la direction des impôts (chargée des travaux de gestion et du contrôle) et
la direction de la comptabilité publique (chargée du recouvrement).
En définitive, l’adoption de la TVA a mis en évidence les inconvénients
des organisations fragmentées héritées de la période coloniale dans les pays en
développement (cf. encadré 2). Les impératifs de sa gestion et la généralisation
des procédures fondées sur le principe du « consentement volontaire à l’impôt »
qui ont été développées pour la TVA (cf. ci-dessous) aux impôts sur les bénéfices

5 Les grandes entreprises représentent souvent moins de 1 % du total des contribuables et


sont à l’origine de plus de 70 % des recettes fiscales intérieures. En revanche, les petites
entreprises (définies comme celles dont le chiffre d’affaires est inférieur au seuil d’assujet-
tissement à la TVA) constituent la majorité des contribuables (plus de 80 %) alors que les
recettes générées par leurs activités représentent une part très faible des recettes (moins de
5 %). Entre ces extrêmes, les entreprises moyennes représentent de 10 à 20 % du total des
contribuables et génèrent de 20 à 30 % des recettes (Bodin et Koukpaizan, 2009).
88 Jean-Paul Bodin

ont démontré le besoin d’un changement profond de la structure de l’adminis-


tration fiscale. Dans la plupart des pays, le modèle d’organisation est désormais
celui d’une administration unifiée, structurée sur la base des missions fiscales
essentielles.

Encadré 2. Intégration de l’administration fiscale


dans les pays en développement
Cas des pays anglophones. Dans les pays anglophones, le choix d’une organisation
pour gérer la TVA a donné lieu à des hésitations qui reflétaient la situation particulière
du Royaume Uni où pour des raisons liées à des circonstances historiques 6, la gestion des
anciens impôts indirects puis de la TVA avait été confiée à la Douane.
Dans les quelques pays en développement qui ont tenté de suivre le modèle du
Royaume Uni (Pakistan, Jordanie, et Malawi par exemple), des carences importantes ont
rapidement été constatées en matière de gestion de la TVA intérieure. Ces pays à l’instar
de plusieurs autres pays anglophones (Égypte, Ghana, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanza-
nie, et Zambie entre autres) ont alors choisi de créer une direction spéciale pour la TVA.
Malgré quelques avantages dans le court terme, la fragmentation de l’administration fiscale
résultant de cette approche s’est avérée source d’inefficacité, qu’il s’agisse de la multiplica-
tion des interlocuteurs pour un même contribuable, de l’utilisation de systèmes d’immatri-
culation différents, du manque de coordination entre les directions, voire de la duplication
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des tâches et de l’impact négatif sur les coûts de fonctionnement.
La TVA est un impôt basé sur la comptabilité et son contrôle implique un rapproche-
ment de données qui sont également nécessaires pour calculer l’impôt sur les bénéfices.
Ceci explique que l’intégration des informations fiscales concernant une même entreprise
dans un dossier unique se soit progressivement imposée comme la meilleure pratique en
termes d’organisation des services fiscaux. Depuis le début des années 2000, le Royaume
Uni et la majorité des pays anglophones ont mis fin aux inconvénients de la fragmenta-
tion en créant des administrations fiscales unifiées organisées sur une base fonctionnelle
pour tous les impôts intérieurs.
Cas des pays francophones. Malgré l’apparence d’une organisation a priori mieux
adaptée pour gérer la TVA, plusieurs pays francophones ont été confrontés jusqu’à une
date récente à des difficultés importantes du fait de la séparation des missions entre la
direction des impôts (chargée de l’assiette et du contrôle) et la direction de la comptabilité
publique (chargée du recouvrement). L’expérience a montré que la fragmentation des
missions fiscales entre deux directions est incompatible avec les procédures de déclara-
tion et paiement spontanés nécessaires à la gestion d’un système fiscal fondé sur le con-
sentement volontaire à l’impôt, en particulier la TVA.
Certains pays francophones ont résolu ce problème en créant une exception pour la
TVA. Tel a été le cas en France et en Côte d’Ivoire où la TVA a été confiée à la direction
générale des impôts dès l’origine. La plupart des autres pays concernés ont choisi une
approche plus radicale en transférant le recouvrement de l’ensemble des impôts à leur
administration fiscale, soit avant l’introduction de la TVA (par exemple au Bénin et au
Togo au début des années 1990), soit après (depuis le début des années 2000 en Maurita-
nie, au Maroc, et au Sénégal par exemple) 7.

6 La gestion des taxes sur la consommation avait été confiée aux douanes durant la sec-
onde guerre mondiale pour occuper les agents d’une administration désœuvrée du fait
du ralentissement des échanges extérieurs (Tait, 1991).
7 S’agissant de la France, après l’échec de la tentative de transfert de toutes les attributions
de recouvrement à la direction générale des impôts en 2003, une voie originale a été
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 89

Malgré plusieurs expériences, les tentatives d’intégration de l’administration


fiscale et de la Douane n’ont pas débouché sur un modèle pertinent. Certains pays
ont ainsi tenté de regrouper l’administration fiscale et celle des douanes dans
une même organisation. Dans les pays en développement, tel a notamment été
le cas dans les agences de recettes semi-autonomes mises en place avec l’appui
de certains partenaires au développement en Amérique latine et en Afrique
anglophone.
Toutefois, compte tenu des spécificités propres des opérations fiscales et
douanières, les tentatives d’intégration de ces deux métiers différents sont géné-
ralement limitées à la mise en commun des ressources humaines et des moyens,
voire parfois à la coordination des programmes de lutte contre la fraude. Parmi
les pays de l’OCDE, le principal exemple crédible en matière d’intégration des
métiers douaniers et fiscaux est celui du Danemark où la TVA a été mise en place
initialement dans la direction des douanes avec, ultérieurement, un transfert
progressif de la gestion de l’impôt sur le revenu qui relevait des collectivités loca-
les, à l’administration centrale chargée des douanes et de la TVA.
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Malgré cet exemple, les perspectives d’intégration des métiers douaniers et
fiscaux dans les autres pays sont pour le moins incertaines 8. Contrairement à
la forte tendance d’intégration de la gestion de toutes les recettes publiques
internes (notamment la prise en charge du recouvrement des cotisations
sociales dans les administrations fiscales les plus modernes) il n’y a pas de
tendance dominante en matière d’intégration de l’administration fiscale et de
la douane. En fait, les impératifs de renforcement du contrôle des flux de mar-
chandises et des personnes d’une part, et les besoins de modernisation des
administrations fiscales d’autre part, permettent de s’interroger sur l’efficacité
des modèles dans lesquels une structure commune a été créée pour tenter
d’intégrer ces métiers différents.
Cela étant, quel que soit le type d’organisation, une bonne coordination de
l’administration fiscale et des autres administrations publiques, y compris la

retenue depuis 2008 en regroupant cette direction et celle de la comptabilité publique dans
une nouvelle « direction des finances publiques ». Cette approche est sans équivalent dans
les pays de l’OCDE et il est vraisemblablement encore prématuré d’apprécier son
impact sur la modernisation de l’administration fiscale.
8 Dans un passé relativement récent, le Canada (dans les années 1990) et le Royaume
Uni (au cours de la seconde moitié des années 2000) présentaient deux autres exemples
d’intégration de la douane et de l’administration fiscale. Dans chacun de ces pays,
l’objectif essentiel de cette intégration temporaire fut toutefois en réalité la création
d’une administration fiscale unifiée pour gérer l’ensemble des impôts intérieurs. Dans
les deux pays concernés, la cohérence de l’administration fiscale a rapidement été ren-
forcée par la création d’une agence séparée pour le contrôle des frontières.
90 Jean-Paul Bodin

douane, est bien entendu essentielle pour promouvoir la communication des


informations nécessaires au contrôle de la TVA et des autres impôts. L’expérience
montre à cet égard que des progrès importants sont encore indispensables en
matière d’échange de renseignements, y compris dans plusieurs agences de recet-
tes semi-autonomes où les directions des douanes et des impôts ont été placées
sous une autorité commune.

2.2 Influence de la TVA sur les méthodes de taxation


Malgré des réticences initiales dans certains pays, les procédures de déclaration
et paiement spontanés basées sur le principe du consentement volontaire à
l’impôt se sont imposées pour la TVA. Dans la plupart des pays, les procédures
traditionnelles utilisées pour l’impôt sur les bénéfices jusqu’à la fin des
années 1990 étaient inadaptées pour la TVA. La fréquence, généralement
mensuelle, des obligations de déclaration et paiement de la TVA impliquait
l’adoption de procédures simples et peu coûteuses, à la fois du point de vue des
entreprises et de celui de l’administration (cf. encadré 3).
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Encadré 3. Évolution des méthodes de taxation
L’approche traditionnelle. Le développement des méthodes de taxation a connu plu-
sieurs phases. Dans l’approche la plus ancienne, l’effort de l’administration portait sur
tous les travaux préalables au paiement de l’impôt, y compris le recensement de la
matière imposable et la détermination de la base d’imposition (« l’assiette »), le calcul de
l’impôt (la « liquidation »), puis la préparation et l’envoi des avis d’imposition aux contri-
buables. Dans les pays francophones, la fragmentation des responsabilités entre deux
directions alourdissait les coûts de gestion. Cette fragmentation avait pour conséquence
des procédures complexes caractérisées par la longueur des circuits administratifs et des
risques importants de confusion pour les contribuables.
Le passage au « système déclaratif ». Au cours de la seconde moitié du siècle dernier,
l’adoption des dispositifs d’impôt sur le revenu a débouché sur la mise en place d’un système
pour lequel la base imposable est déterminée et déclarée à l’administration par le contribua-
ble. Cette approche, souvent décrite comme celle du « système déclaratif », a conduit à por-
ter l’accent sur le contrôle fiscal, y compris la mise en place de services de vérification
spécialisés. Cette évolution a généralement été accompagnée d’une accélération du paie-
ment de l’impôt avec l’adoption de systèmes de paiement par acomptes trimestriels, le solde
de l’impôt étant exigible après vérification des déclarations et émission d’un avis d’imposi-
tion (ou, le cas échéant, d’un avis de restitution du trop perçu).
Le système du « consentement volontaire à l’impôt ». Dans une phase plus récente
(depuis une vingtaine d’années dans les pays en développement), l’introduction de la TVA
a été accompagnée d’une évolution qui caractérise désormais les systèmes fiscaux moder-
nes, à savoir l’adoption du principe du « consentement volontaire à l’impôt ». Dans ce sys-
tème, l’impôt est calculé et payé spontanément par le contribuable au moment de la
souscription de la déclaration. Ce mode de gestion a conduit à porter l’accent sur la mise
en place de nouveaux dispositifs d’identification des contribuables et de programmes cou-
vrant (1) l’éducation des contribuables et la simplification de leurs obligations de décla-
ration et de paiement, et (2) la surveillance de leur comportement fiscal et le contrôle de
leurs obligations en utilisant des méthodes basées sur la gestion du risque.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 91

Dans les nouvelles procédures, le contribuable remplit ses obligations fis-


cales avec une intervention limitée de l’administration. Ceci implique un dis-
positif dans lequel il bénéficie d’une bonne information sur ses obligations,
calcule l’impôt exigible, remplit sa déclaration spontanément, l’adresse au
service des impôts accompagnée du paiement, et se tient prêt à justifier sa
déclaration lors d’un contrôle éventuel. Ces procédures permettent d’accroître
l’efficacité des agents des impôts en concentrant leurs travaux sur les contri-
buables qui ne respectent pas leurs obligations. Par ailleurs, pour améliorer
les services aux contribuables, plusieurs pays ont développé des dispositifs de
paiement des impôts dans les banques, très souvent en commençant par le
paiement de la TVA. Plus récemment, les techniques de souscription de décla-
ration et de paiement par internet ont également fait leur apparition dans cer-
tains pays en développement, notamment pour les grandes entreprises (cf. ci-
dessous).
En diminuant les besoins de contact avec l’administration, les procédures de
déclaration et paiement spontanés permettent d’alléger les coûts du contribuable
pour respecter ses obligations et débouchent sur un environnement moins
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favorable à la corruption. Dans ces conditions, le recours à ces procédures
s’est progressivement imposé pour les autres impôts, y compris l’impôt sur les
bénéfices.
L’introduction de la segmentation et de la gestion du risque dans un envi-
ronnement informatisé est indispensable au bon fonctionnement des procédu-
res basées sur le consentement volontaire à l’impôt. Après plusieurs échecs
dans les années 1990, l’informatisation connaît un nouvel essor dans les admi-
nistrations fiscales des pays en développement depuis une dizaine d’années.
L’évolution des applications a été influencée par les changements en matière
de technologie et par les besoins exprimés par les utilisateurs dans le cadre de
la modernisation des méthodes de taxation.
L’approche de développement (« in house ») d’applications informatiques
pour répondre aux besoins spécifiques d’une administration fiscale donnée est
de plus en plus rarement utilisée. Malgré des coûts élevés, les résultats de ces
applications ont fréquemment été très en deçà des attentes. Depuis une
dizaine d’années, plusieurs administrations ont choisi d’acquérir des progi-
ciels disponibles sur le marché (« Commercial Off-The-Shelves packages ») en
les adaptant à leurs besoins. Après les progiciels initialement prévus pour la
gestion de la TVA dans les années 1990, tous les progiciels disponibles sont
désormais conçus pour une gestion intégrée de l’ensemble des impôts.
92 Jean-Paul Bodin

3 LES PRINCIPAUX DÉFIS À RELEVER

Les conditions de bon fonctionnement d’un système fiscal basé sur le consen-
tement volontaire à l’impôt sont exigeantes, notamment pour la TVA. Elles
impliquent un effort permanent de simplification de la législation et des pro-
cédures, des programmes efficaces et bien ciblés en matière d’éducation et de
services aux contribuables, des systèmes de traitement automatique des décla-
rations et des paiements (y compris la relance immédiate et systématique des
défaillants), un dispositif de contrôle fiscal basé sur la gestion du risque, et des
procédures d’appel équitables et efficaces.
Malgré des initiatives nombreuses depuis une dizaine d’années, l’apport
de l’informatique reste en deçà des besoins de la plupart des administrations
fiscales des pays en développement. Cette carence contribue aux faiblesses
constatées en matière de services aux contribuables. Elle explique également
le recours encore insuffisant aux méthodes basées sur la gestion du risque et,
pour une certaine part, les mauvaises performances en matière de surveillance
du comportement fiscal et de contrôle. Dans plusieurs pays, ces difficultés sont
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à l’origine de mauvaises pratiques qui ont souvent des conséquences néfastes
sur le bon fonctionnement du système fiscal et de son administration.

3.1 La relance de l’informatisation


Plusieurs raisons expliquent les difficultés rencontrées dans les pays en dévelop-
pement pour développer des systèmes informatiques performants, le coût élevé de
l’installation d’un tel système étant une des principales raisons. La mise en
place d’un progiciel de qualité exige en effet des financements qui ne peuvent
souvent être effectués qu’avec l’appui des partenaires au développement dans
le cadre d’un projet de modernisation. Les capacités de préparation et de mise
en œuvre d’un tel projet sont inégales selon les pays, notamment en Afrique.
Elles sont également fortement influencées par l’approche des partenaires au
développement. La réussite d’un projet de modernisation exige des moyens
matériels et financiers appropriés et une expertise en matière d’appui au pilo-
tage de projet qui n’a pas toujours été suffisamment développée chez certains
partenaires 9.

9 Ces aspects sensibles mériteraient d’être étudiés de façon approfondie en comparant les
différentes approches des partenaires impliqués dans l’aide au développement, chacun
d’entre eux ayant bien entendu des avantages comparatifs dans un domaine ou dans un
autre. Ainsi par exemple, l’expertise des services d’assistance technique du FMI en
matière de diagnostic et d’élaboration de stratégie de modernisation est souvent reconnue.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 93

Dans les pays où des progiciels ont été installés, l’expérience montre que les
conditions préalables au succès de l’informatisation doivent être bien maîtri-
sées pour tirer le meilleur parti des investissements engagés. À cet égard, les
aspects suivants sont particulièrement importants :
– Tout d’abord, l’achat d’un progiciel ne devrait être envisagé que dans le
cadre d’une stratégie globale de modernisation de l’administration fiscale, y
compris la restructuration des services fiscaux et la réingénierie des
processus de travail. L’installation d’un progiciel sans véritable stratégie de
modernisation des structures et des procédures a rapidement montré ses
limites. Tel a par exemple été le cas du Mali depuis la fin des années 1990
ainsi que de la Côte d’Ivoire où un système informatique a été développé
localement pendant la même période sans qu’une réflexion approfondie sur
la modernisation ait été possible dans un contexte de crise des institutions.
– Par ailleurs, le calendrier de mise en place du progiciel doit être synchronisé
avec les changements de structure et de procédure. Dans le cas de l’Algérie par
exemple, les retards d’installation du progiciel n’ont pas permis de tirer profit
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des réformes de structure engagées depuis plusieurs années. Inversement l’ins-
tallation récente d’un progiciel en Égypte ne portera pas ses fruits tant que la
démarche de modernisation des structures, des procédures, et de la législation
fiscale qui a été interrompue depuis 2008, ne sera pas relancée.
– Enfin, l’appropriation du progiciel et la pleine utilisation de son potentiel
exigent des efforts importants de formation et de sensibilisation des utili-
sateurs. L’exemple du Sénégal, où ces efforts étaient encore insuffisants
jusqu’à une date récente illustre parfaitement ce point.

3.2 L’amélioration des services aux contribuables et du contrôle


L’absence de système informatique performant freine l’amélioration des servi-
ces aux contribuables qui est indispensable pour bien gérer un système fiscal
basé sur le consentement volontaire à l’impôt, particulièrement en matière de
TVA. Dans nombre de pays en développement, les procédures de déclaration
et de paiement sont sources de complications qui alourdissent le coût des obli-
gations fiscales. Dans les pays où des progiciels ont été installés (par exemple

Il en est de même en ce qui concerne l’expérience et le savoir-faire de la Banque Mondiale


ou d’agences comme le DFID (le département d’aide au développement du Royaume Uni)
ou de l’USAID (l’agence d’aide au développement des États-Unis) qui ont recours à des
consultants professionnels pour appuyer la conduite de projets de modernisation en
partenariat avec les administrations fiscales.
94 Jean-Paul Bodin

en Ouganda, Rwanda, et Maroc), la télédéclaration et le télépaiement sont


encore, au mieux, limités aux grandes entreprises et les progrès sont relative-
ment lents même si les résultats escomptés à terme sont prometteurs.
Bien entendu, les insuffisances en matière informatique ne sont pas le seul
facteur négatif pour l’amélioration des services aux contribuables. Les procédures
d’immatriculation sont souvent inutilement complexes et conduisent à une mul-
tiplication des numéros d’identification pour les administrations financières et
douanières qui s’opposent parfois à l’utilisation du numéro fiscal comme iden-
tifiant unique. De même, les imprimés de déclaration et de paiement exigent
souvent des informations inutiles, voire redondantes 10, et les formalités sont
souvent accomplies sur place dans des centres des impôts où les conditions
d’accueil sont précaires. Tel est encore le cas dans de nombreux pays d’Afrique
malgré les efforts consentis depuis quelques années.
Après le recentrage des missions fiscales pour mieux prendre en compte les
besoins des contribuables en matière d’éducation et de services, l’amélioration de
la qualité du contrôle est essentielle pour bien gérer un système fiscal basé sur le
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consentement volontaire à l’impôt. Dans une administration fiscale moderne, les
programmes de surveillance et de contrôle sont basés sur la gestion du risque.
Les ressources disponibles sont concentrées sur les dossiers à risque élevé et
ceux pour lesquels des anomalies importantes, voire des présomptions de
fraude, ont été identifiées en adaptant l’action des services fiscaux et les sanc-
tions éventuelles au niveau des risques et aux fraudes constatées.
La création d’une direction des grandes entreprises dans les administrations
fiscales de la majorité des pays en développement a constitué une étape impor-
tante pour l’initiation à la gestion du risque. Des centres spécialisés ont
ensuite été mis en place dans certains pays pour la gestion fiscale des entrepri-
ses moyennes (le plus souvent définies comme celles dont le chiffre d’affaires
excède le montant du seuil d’assujettissement à la TVA) 11. Dans les pays qui
ont restructuré leurs services fiscaux sur cette base, le dispositif de contrôle
repose sur des services de vérification spécialisés par secteur dans la direction

10 Tableau 4 en annexe.
11 Le nombre et la répartition des centres des moyennes entreprises varient. À titre
d’exemple, le Cameroun a créé une direction des grandes entreprises à Yaoundé et deux
centres des moyennes entreprises à Yaoundé et à Douala où sont regroupés plus de
95 % des assujettis à la TVA. De même, le Sénégal a créé un service des grandes entre-
prises à Dakar et un centre des entreprises moyennes est également en cours de créa-
tion à Dakar où sont localisées plus de 90 % des entreprises assujetties à la TVA. En
2010, le nombre des grandes entreprises était de l’ordre de 600 au Cameroun et de 500
au Sénégal, et celui des entreprises moyennes (c’est-à-dire les assujettis à la TVA) était
de l’ordre de 15 000 et 10 000, respectivement.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 95

des grandes entreprises et dans les centres des moyennes entreprises. Le con-
trôle de la TVA est un élément clé de ce dispositif qui est souvent complété par
des services de recherche 12.
La formation des vérificateurs et la modernisation des méthodes de con-
trôle et de recherche sont encore à un stade rudimentaire dans la plupart des
pays en développement. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer les problè-
mes rencontrés pour développer des programmes de contrôle efficaces, notam-
ment les difficultés de recrutement de vérificateurs qualifiés et la crainte que le
contrôle ne conduise au harcèlement des contribuables, voire à des opportunités
de collusion. Ces problèmes sont particulièrement aigus dans les administrations
fiscales ne disposant pas de la flexibilité nécessaire pour adopter un système de
rémunération transparent pour l’ensemble de leurs agents.
La faiblesse du contrôle reflète également parfois un manque de volonté poli-
tique et, dans beaucoup de pays en développement, l’absence de cadre législatif et
judiciaire approprié pour garantir l’équilibre entre les impératifs de lutte con-
tre la fraude et le respect des droits des contribuables. Cette situation a des
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inconvénients multiples, en commençant par les risques de minoration du
montant des recettes fiscales. Ces risques contribuent à la stagnation des per-
formances de la TVA et aux difficultés rencontrées par les entreprises pour
obtenir le remboursement de leurs excédents de crédits de TVA.

3.3 L’amélioration du remboursement des excédents


de crédit de TVA
Le remboursement des excédents de crédits est de toute évidence une particu-
larité essentielle de la TVA. Le remboursement des crédits non imputés est la
conséquence du principe de déductibilité de la TVA acquittée en amont sur la
TVA qui est due sur les ventes, notamment pour les exportateurs et pour les
entreprises en phase d’investissement. Il est également vital pour pallier les
situations de crédit structurel dans les pays où un précompte a été institué 13
et dans ceux pour lesquels un taux réduit a été adopté sur les ventes intérieu-
res (le taux de TVA sur ventes étant souvent inférieur à celui appliqué sur les

12 Dans une organisation des services fiscaux basée sur les principes examinés précédemment,
un des objectifs primordiaux de la recherche du renseignement devrait être l’élargisse-
ment de la base imposable, y compris la détection des « fausses » petites entreprises
dont le chiffre d’affaires non déclaré excède le seuil de la TVA et dont le dossier fiscal
devrait être contrôlé par le centre des entreprises moyennes, voire par la direction des
grandes entreprises.
13 Tableau 4 en annexe.
96 Jean-Paul Bodin

consommations intermédiaires). Un dispositif de remboursement efficace est


donc primordial pour maintenir le véritable caractère d’impôt sur la consom-
mation de la TVA.
Si le remboursement des excédents de crédit de TVA va de soi en théorie,
sa mise en pratique pose des problèmes dans les pays en développement. La
complexité des procédures et la lenteur des délais de remboursement expliquent
la persistance des mauvaises pratiques qui contribuent au manque d’efficacité
de l’administration fiscale et donnent lieu à des abus, qu’il s’agisse des exoné-
rations parfois prévues dans les codes d’investissement, de celles des entrepri-
ses en zone franche ou de celles très souvent accordées aux entreprises
d’exploitation des ressources naturelles, voire du maintien de régimes complexes
d’achats en franchise pour les exportateurs dans les pays francophones.
Les études effectuées pour comparer le niveau des remboursements de
TVA et les pratiques en vigueur permettent d’établir une classification des
systèmes de TVA selon les pays (Harrison et Krelove, 2005). Ces études con-
firment les difficultés rencontrées dans les pays en développement pour rem-
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bourser les excédents de crédits légitimes. Pour la période 1998-2001, le
montant des remboursements était inférieur à 10 % des recettes brutes de
TVA en Afrique subsaharienne, de l’ordre de 16 % dans les pays d’Afrique du
Nord et Moyen Orient, 17 % en Amérique latine, et 20 % en Asie contre plus
de 35 % dans les pays de l’OCDE. Une autre conclusion est le niveau constant
des remboursements dans chaque pays 14, ce qui doit en principe faciliter la
budgétisation des montants correspondants.
Plusieurs facteurs expliquent les retards des services fiscaux des pays en
développement dans le traitement des demandes de remboursement de TVA,
y compris les tensions budgétaires, voire les carences en matière de gestion
des dépenses publiques (par exemple l’insuffisance des prévisions effectuées
au titre des remboursements de TVA) et les risques de corruption. Toutefois,
le handicap le plus important est généralement la crainte de demandes frau-
duleuses qui conduit à multiplier les exigences de documents justificatifs en
procédant au contrôle systématique de toutes les demandes.
Les contrôles systématiques sont souvent formels et inefficaces. Ils ont
pour inconvénient de générer des coûts excessifs pour les contribuables et de
mobiliser les agents des impôts sur des tâches improductives. En fait, dans
certains pays le but de ces contrôles est de faire pression sur les contribuables

14 Par exemple pendant les 4 années écoulées de 1998 à 2001 : de 39.9 % à 40.9 % au
Royaume Uni ; de 18 % à 20.5 % au Pakistan ; de 28,1 % à 29,6 % au Chili ; et de 6,4 à
7,2 % au Kenya.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 97

pour qu’ils renoncent à faire valoir leur droit au remboursement 15. Certains
contribuables avertis, en particulier ceux qui pratiquent des dissimulations de
recettes, en ont depuis longtemps conclu que l’accumulation de crédits réels
ou fictifs, sans demander leur remboursement, est une approche moins ris-
quée pour minorer le montant de la TVA due. L’expérience de plusieurs pays
en développement montre à cet égard que la mobilisation d’une part excessive
des effectifs des vérificateurs sur les seules demandes de remboursement de
TVA a pour inconvénient de dégarnir les effectifs nécessaires à la réalisation
de l’ensemble du contrôle fiscal, y compris les contrôles qui devraient permet-
tre de lutter contre les risques en matière de dissimulation de recettes et de
minoration des revenus imposables.
La fixation d’un seuil d’assujettissement élevé et l’élaboration de programmes
efficaces pour maîtriser l’immatriculation des entreprises sont les premières
mesures pour limiter les risques en matière de remboursement de TVA et optimi-
ser l’utilisation des moyens disponibles. Une autre mesure fréquente dans les
pays en développement est de limiter le remboursement de TVA aux exporta-
teurs et aux investisseurs. Indépendamment de ces dispositions, l’amélioration
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du traitement des demandes de remboursement implique toutefois également le
développement de méthodes de contrôle basées sur la gestion du risque dans un
environnement informatisé. Ces chantiers de réforme sont incontournables pour
parachever la modernisation de l’administration fiscale. Leur mise en œuvre
exige des investissements conséquents. Elle implique également une plus grande
efficacité dans l’organisation de l’assistance technique qui est indispensable pour
appuyer la réforme de l’administration fiscale.

4 CONCLUSIONS

L’adoption de la TVA dans les pays en développement a manifestement eu un


impact important sur la réforme de l’administration fiscale. L’analyse des sys-
tèmes fiscaux qui étaient en vigueur avant la TVA et les caractéristiques des
administrations fiscales qui avaient peu évolué depuis la fin de la période colo-
niale montrent qu’il n’y avait pas d’alternative crédible. L’organisation frag-
mentée de l’administration fiscale était source d’inefficacité. De même, les
méthodes de taxation basées sur des procédures complexes (enrôlement après
vérification systématique des déclarations et, souvent, négociation de l’impôt

15 Comme le reconnaissait un directeur des impôts d’un grand pays d’Afrique lors d’un
atelier de travail sur la TVA : « …chez nous le remboursement n’est pas un problème,
les contribuables savent bien ce qui les attend s’ils font une demande ».
98 Jean-Paul Bodin

avec le contribuable) étaient particulièrement propices à la corruption. Dans


un environnement caractérisé par l’importance du secteur informel, la TVA
s’est avérée plus efficace que les taxes qu’elle a remplacées à condition que sa
législation et sa structure soient simples et que les réformes indispensables aient
été mises en œuvre pour rationaliser l’organisation des services fiscaux et déve-
lopper des méthodes de taxation plus efficaces et plus respectueuses des droits
des contribuables.
Ce constat confirme que les réformes de politique fiscale et celles d’admi-
nistration fiscale sont deux volets indissociables pour moderniser le système
fiscal. Dans plusieurs pays en développement, la faiblesse de l’administration
a conduit à adopter des options de politique fiscale qui ont eu pour inconvé-
nient de compromettre les bonnes intentions initiales. Ainsi, par exemple,
l’incapacité de l’administration à mettre en place des dispositifs de contrôle
efficace et à rembourser promptement les excédents de crédit de TVA a con-
duit à la prolifération d’exonérations et à l’adoption de systèmes d’achats en
franchise de taxe avec pour conséquence une complexité accrue de la TVA et,
donc, des handicaps additionnels pour améliorer l’efficacité de l’administra-
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tion fiscale.
Quel que soit le degré d’efficacité de l’administration, des options de poli-
tique fiscale contestables conduisent inéluctablement à des mauvaises prati-
ques administratives. Les critiques formulées par les économistes qui se sont
interrogés sur le bien-fondé du recours à la TVA dans les pays en développe-
ment (par exemple Emran et Stiglitz, 2005, ainsi que Bird et Gendron, 2007)
étaient souvent fondées sur l’analyse des problèmes posés par les TVA adop-
tées dans certains pays (par exemple le Mozambique) sans tenir compte des
bonnes pratiques développées depuis le début des années 1990 – taux unique,
exonérations réduites, et seuil d’assujettissement élevé. L’expérience montre
que ces principes sont fondamentaux dans les pays à faible capacité. La multi-
plicité des taux et la prolifération des exonérations compliquent inexorable-
ment les obligations comptables et les formalités de déclaration, ainsi que leur
contrôle. De même, l’insuffisance du seuil de TVA (Keen, 2004 et 2008) et
l’assujettissement d’un nombre excessif de petites entreprises ont conduit à la
mise en place de mauvaises pratiques telles le précompte de TVA, voire des régi-
mes de forfait TVA pour les petites entreprises qui mobilisent des ressources
inversement proportionnelles aux enjeux en termes de recettes.
Malgré un bilan d’ensemble positif, les performances de la TVA sont en
deçà des potentialités et des efforts importants sont nécessaires pour poursui-
vre la modernisation du système fiscal et de son administration dans plusieurs
pays. La réforme de l’administration fiscale est un processus complexe. La
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 99

réorganisation des structures et le développement de procédures basées sur la


gestion du risque sont des chantiers de longue haleine qui exigent des investis-
sements conséquents en matière de ressources humaines et d’informatisation.
Ces changements sont difficiles dans les pays à faible capacité où les progrès
sont souvent lents et fragiles. Leur succès dépend de plusieurs conditions, y
compris le soutien des autorités, la préparation de stratégies de modernisa-
tion, l’identification de « champions » pour conduire le changement, et la mise
à disposition des ressources humaines et financières appropriées.
L’expérience des vingt dernières années montre que deux facteurs particu-
liers devraient également retenir l’attention pour moderniser l’administration
fiscale dans les pays en développement, à savoir le cadre institutionnel et l’assis-
tance technique. S’agissant du cadre institutionnel, les avantages supposés de
la création des agences de recettes dans les pays d’Afrique anglophones et
d’Amérique latine dans les années 1990, avaient parfois été mis en doute
faute d’avoir été accompagnés de vraies réformes de l’administration fiscale.
Néanmoins, après une série de changements majeurs dans l’organisation et
les procédures des services fiscaux de ces agences depuis le début des années
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2000 (par exemple en Ouganda et au Rwanda), l’impact du nouveau cadre ins-
titutionnel est maintenant plus sensible. En donnant à l’administration fis-
cale une autonomie accrue, la création des agences de recettes peut conduire à
une amélioration du professionnalisme des personnels qui est fondamentale
pour permettre aux réformes d’organisation et de méthode de produire les
résultats escomptés.
Les résultats obtenus en matière de réforme sont également influencés par
les approches des partenaires au développement en matière d’assistance techni-
que. Dans nombre de pays, notamment ceux où une agence de recettes a été
mise en place, l’approche dominante est celle d’une « coopération de projet »
caractérisée par un partenariat permettant la mise en commun des finance-
ments procurés par le gouvernement et par les agences de développement dans
un budget de modernisation. Dans cette approche, les partenaires au dévelop-
pement procèdent initialement à une étude de faisabilité, puis, après approba-
tion du projet, des consultants professionnels sont sélectionnés sur la base
d’un appel d’offres. Les ressources mobilisées dans le cadre de cette assistance
couvrent généralement la réforme des structures et des procédures, l’acquisi-
tion d’un progiciel, la valorisation des ressources humaines, les équipements,
voire la rénovation des locaux. L’intérêt de cette approche est la capacité de
mobilisation de moyens importants et le renforcement de la gouvernance du
projet. Dans la plupart des cas, les partenaires au développement veillent à ce
que l’administration fiscale soit dotée d’une flexibilité suffisante dans la ges-
tion de ses ressources pour faciliter la réussite du projet.
100 Jean-Paul Bodin

Une autre approche dans certains pays, notamment en Afrique francophone,


est celle de la conduite des réformes d’administration fiscale au sein du minis-
tère des finances avec un appui plus ou moins important des partenaires au
développement. Dans cette approche, chaque partenaire se concentre sur un
volet particulier et organise ses missions d’expert (souvent des fonctionnaires
détachés) en accord avec les autorités. Les inconvénients de cette approche
sont les risques posés par une coordination souvent difficile et un contrôle
parfois insuffisant de la qualité des travaux des experts, voire la faiblesse de la
gouvernance du projet et la difficulté de mobilisation de ressources suffisantes
pour couvrir tous les volets de la stratégie de modernisation. La lenteur des
progrès dans plusieurs pays à faibles capacités administratives devrait conduire
à s’interroger sur l’efficacité de la multiplication croissante des missions
d’experts de courte ou longue durée et à rechercher un cadre plus transparent
et plus efficace dans la mise en œuvre des ressources disponibles en matière
d’assistance technique.
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RÉFÉRENCES

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TAIT, A. A. (1991), VAT: International Practice and Problems, IMF.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 101

ANNEXE

Tableau 1 : La propagation de la TVA

Moyen
Nombre de Asie
Orient 3/
pays avec Europe 1/ Amériques Afrique 2/ et Total
et Asie
une TVA : Pacifique
Centrale
En 1970 7 3 1 0 0 11
En 1980 14 12 2 1 1 30
En 1990 20 18 5 2 6 51
En 2010 44 26 41 12 21 144

Source : FMI.
1/ Y compris la Russie et les pays d’Europe centrale.
2/ Y compris les pays du Maghreb. Au 31 décembre 2010, l’introduction de la
TVA était par ailleurs en cours de préparation en Angola, Gambie, Guinée-Bis-
sau, Liberia, République Démocratique du Congo, Seychelles, Sierra Leone, et
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Swaziland.
3/ L’adoption de la TVA est également prévue depuis plusieurs années dans les
pays du Gulf Cooperation Council.

Tableau 2 : Ressources publiques et impôts indirects intérieurs dans les pays en


développement

1989–91 T1/ 1994–96 T 2000–02 T 2007–09 T


Ressources publiques
en % du PIB 19,5 (86) 19,8 (97) 20,7 (102) 23,2 (99)

Impôts indirects 4,8 (79) 5,6 (101) 5,8 (109) 7,2 (61)
internes en % du PIB

Source : Brun et Chambas 2011 à partir de GFS (FMI), données nationales, et


base de données CERDI. Les données présentées sont des moyennes arithmé-
tiques calculées sur des périodes de trois ou quatre ans.
1/ T : taille de l’échantillon.
102 Jean-Paul Bodin

Tableau 3 : Caractéristiques d’une « TVA moderne » et déviations les plus fréquentes:

Caractéristiques Déviations les plus fréquentes

Assiette large et Dans les pays en développement, l’élargissement de l’assiette est


exonérations réduites souvent limité du fait de l’exonération des produits alimentaires,
des services de santé et d’éducation, voir des services financiers
auxquels s’ajoutent parfois des pans entiers de l’économie
(agriculture, pêche, secteurs miniers et pétroliers par exemple).
Ces exonérations, notamment celles qui poursuivent un objectif
social, sont à l’origine de pertes de recettes importantes et de
distorsions allant à l’encontre de la neutralité économique de la
TVA. De plus en plus d’analyses montrent que ces mesures
peuvent exercer des effets sociaux non désirés en créant des
distorsions au détriment des producteurs locaux les plus pauvres.

Adoption d’un taux Recommandation généralement appliquée dans les pays en


unique et taux zéro développement, notamment en Afrique.
pour les exportations

Seuil Le seuil se situe souvent dans une tranche de 50,000 USD à


d’assujettissement 100,000 USD. Dans les pays francophones, la dualité de
unique et seuils (services et marchandises) est fréquente et les seuils
suffisamment élevé ne s’appliquent généralement pas aux personnes morales.
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Remboursement Mesure adoptée dans la plupart des pays. Elle est essentielle pour
des crédits dans garantir la neutralité de la TVA, mais d’application difficile. Les
les 30 jours pour délais pour les exportateurs excèdent souvent plusieurs mois et
les exportateurs peuvent être encore plus longs dans les autres cas. De plus, les
et excédents à demandes de remboursement déclenchent fréquemment des
reporter pendant contrôles dissuasifs.
six mois pour les
autres activités
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 103

Tableau 4 : Exemples de mauvaises pratiques en matière de gestion de la TVA

Exemples : Observations :

Documents annexes aux déclarations : Les administrations modernes substituent à


l’exigence de joindre un relevé des factures, ces pratiques intrusives et peu efficaces, des
voire copies de factures, à la déclaration de approches de recoupements sélectifs, basées
TVA est une complication coûteuse pour les sur l’analyse du risque, avec le support de
entreprises quel que soit le support exigé l’informatique, y compris :
pour la transmission des informations. – Des recoupements réguliers des achats
L’objectif est, en principe, de procéder au ou ventes de marchandise ou fourniture
traitement informatique des factures pour de services auprès des grandes
identifier les insuffisances de déclaration de entreprises dans des secteurs pour
TVA. Malgré des résultats anecdotiques (et lesquels des risques de fraude sont
le caractère prétendument dissuasif de présumés.
l’exigence) les résultats sont inévitablement – La recherche de renseignements
disproportionnés par rapport à la lourdeur permettant d’évaluer l’enrichissement
du dispositif. des entrepreneurs (patrimoine, éléments
du train de vie, etc.).
Documentation exigée avec les demandes de La simplification des procédures passe par
remboursement de TVA, y compris factures l’introduction de la gestion du risque pour
d’achat et de vente, voire documents concentrer les contrôles sur les demandes
douaniers, en vue d’un contrôle préalable. pour lesquelles des risques sont identifiés.
L’absence de procédure basée sur la gestion Ces aspects sont fondamentaux pour
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du risque pour rembourser les excédents de l’efficacité de la TVA. Dans l’attente de
crédit des exportateurs et investisseurs est dispositifs informatiques efficaces, les
un obstacle au bon fonctionnement de la mesures suivantes doivent permettre
TVA avec pour conséquences : d’améliorer le traitement des demandes :
– Des délais de traitement excédant – Accélérer le traitement des demandes
souvent plusieurs mois qui entraînent un des entreprises dont le comportement
accroissement des coûts de trésorerie fiscal est favorablement connu (paiement
pour les entreprises. et déclaration à l’échéance, absence
– Le caractère artificiel des contrôles d’anomalies pour lesquelles la mauvaise
effectués (la qualité des contrôles est foi a été démontrée lors des contrôles).
souvent inversement proportionnelle à la – Procéder à un contrôle préalable pour
lourdeur des exigences administratives) les demandes présentées par toutes les
et, en conséquence, un manque entreprises nouvelles et celles dont le
d’efficacité dans la détection des fraudes. comportement fiscal habituel a révélé des
– Une perte de confiance dans le système anomalies importantes.
de TVA et le lobbying des entreprises – Procéder à une vérification sélective et a
pour revendiquer des systèmes d’achat au posteriori de certaines demandes pour
taux zéro (par exemple des achats en lesquelles la bonne foi a été présumée,
suspension de TVA pour les soit dans le cadre d’une vérification
exportateurs), voire l’exonération du générale, soit dans le cadre d’un contrôle
secteur concerné. ponctuel.

Retenue à la source de TVA : dans ce Cette pratique est incompatible avec le bon
système, le montant de la TVA est fonctionnement de la TVA. Le principal
« précompté » par le Trésor et les argument présenté pour justifier le
entreprises publiques au moment du précompte étant le risque posé par le
paiement des factures. Malgré un avantage comportement des petites entreprises,
initial en termes de recettes, le précompte l’approche appropriée est l’adoption d’un
débouche rapidement sur des difficultés de seuil de TVA suffisant pour éliminer le
trésorerie pour les entreprises précomptées. besoin de recourir au précompte.
L’expérience montre également qu’il génère S’agissant des marchés de l’État, la réponse
des abus importants de la part des adaptée est la communication des
« précompteurs », y compris des retards informations en éliminant des fournisseurs
dans le reversement des retenues opérées. de l’État les défaillants en matière de TVA.

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