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Jean-Paul Bodin
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Mots clés : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pays en développement, réformes fis-
cales, modernisation de l’administration fiscale, assistance technique.
Classification JEL : H26, H29
Since the early 1990s, introduction of the VAT has had a positive impact on resources mobiliza-
tion in developing countries. It has also been a vehicle to implement major tax administration
reforms. While VAT performance is still below the potential in many countries, enhancing tax
administration reforms is critically needed to improve the productivity of this tax and to further
modernize the tax system. This necessitates significant additional human resources and informa-
tion technology investments as well as a more effective organization – and use – of the technical
assistance needed to implement these reforms.
Key words: Value-added Tax (VAT), developing countries, tax reforms, tax admi-
nistration modernization, technical assistance.
83
84 Jean-Paul Bodin
1 INTRODUCTION
1 Tableau 1 en annexe.
2 Tableau 2 en annexe.
3 Dans un contexte de baisse des recettes tarifaires, la transition fiscale consiste à maintenir
les recettes publiques à un niveau adéquat grâce à un accroissement de la contribution de
la fiscalité interne (surtout indirecte). L’objectif est une amélioration de la neutralité
économique du prélèvement fiscal (Chambas, 2005).
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 85
4 Leurs caractéristiques ainsi que les déviations les plus fréquentes sont résumées dans
le tableau 3 en annexe.
86 Jean-Paul Bodin
unique ». Ce type d’organisation présente des avantages évidents par rapport à la structure
fragmentée des anciennes « régies », notamment : diminution des coûts de gestion pour le
contribuable et pour l’administration, simplification des formalités et amélioration des ser-
vices, amélioration des programmes de contrôle et de recouvrement, et traitement plus
cohérent de l’ensemble des obligations fiscales.
Prise en compte de la segmentation des contribuables dans l’organisation. L’intro-
duction de la gestion du risque a commencé par l’adoption de la « segmentation » depuis
le début des années 1990. L’application de ce concept à l’administration fiscale a été faci-
litée par l’adoption de la TVA qui a débouché sur une meilleure connaissance des chiffres
d’affaires déclarés. Dans les pays en développement, la segmentation est souvent basée
sur un classement en trois catégories de contribuables selon le niveau de chiffre
d’affaires : les grandes, moyennes, et petites entreprises 5. L’élaboration de programmes
d’éducation et de contrôle intégrant les besoins spécifiques de ces catégories et des risques
qu’elles présentent a débuté par la création d’une direction des grandes entreprises. Dans
plusieurs pays, le concept a ensuite été approfondi en créant des services des moyennes
entreprises et des services spécialisés pour les petits contribuables. Dans ce type d’orga-
nisation, chacun des services (y compris les services centraux et chacun des services opé-
rationnels) reste organisé sur une base fonctionnelle.
En facilitant une meilleure utilisation des moyens disponibles pour les adapter aux
enjeux et aux besoins des contribuables, la prise en compte de la segmentation doit permet-
tre des améliorations en termes d’efficacité et d’efficience de l’administration fiscale.
6 La gestion des taxes sur la consommation avait été confiée aux douanes durant la sec-
onde guerre mondiale pour occuper les agents d’une administration désœuvrée du fait
du ralentissement des échanges extérieurs (Tait, 1991).
7 S’agissant de la France, après l’échec de la tentative de transfert de toutes les attributions
de recouvrement à la direction générale des impôts en 2003, une voie originale a été
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 89
retenue depuis 2008 en regroupant cette direction et celle de la comptabilité publique dans
une nouvelle « direction des finances publiques ». Cette approche est sans équivalent dans
les pays de l’OCDE et il est vraisemblablement encore prématuré d’apprécier son
impact sur la modernisation de l’administration fiscale.
8 Dans un passé relativement récent, le Canada (dans les années 1990) et le Royaume
Uni (au cours de la seconde moitié des années 2000) présentaient deux autres exemples
d’intégration de la douane et de l’administration fiscale. Dans chacun de ces pays,
l’objectif essentiel de cette intégration temporaire fut toutefois en réalité la création
d’une administration fiscale unifiée pour gérer l’ensemble des impôts intérieurs. Dans
les deux pays concernés, la cohérence de l’administration fiscale a rapidement été ren-
forcée par la création d’une agence séparée pour le contrôle des frontières.
90 Jean-Paul Bodin
Les conditions de bon fonctionnement d’un système fiscal basé sur le consen-
tement volontaire à l’impôt sont exigeantes, notamment pour la TVA. Elles
impliquent un effort permanent de simplification de la législation et des pro-
cédures, des programmes efficaces et bien ciblés en matière d’éducation et de
services aux contribuables, des systèmes de traitement automatique des décla-
rations et des paiements (y compris la relance immédiate et systématique des
défaillants), un dispositif de contrôle fiscal basé sur la gestion du risque, et des
procédures d’appel équitables et efficaces.
Malgré des initiatives nombreuses depuis une dizaine d’années, l’apport
de l’informatique reste en deçà des besoins de la plupart des administrations
fiscales des pays en développement. Cette carence contribue aux faiblesses
constatées en matière de services aux contribuables. Elle explique également
le recours encore insuffisant aux méthodes basées sur la gestion du risque et,
pour une certaine part, les mauvaises performances en matière de surveillance
du comportement fiscal et de contrôle. Dans plusieurs pays, ces difficultés sont
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9 Ces aspects sensibles mériteraient d’être étudiés de façon approfondie en comparant les
différentes approches des partenaires impliqués dans l’aide au développement, chacun
d’entre eux ayant bien entendu des avantages comparatifs dans un domaine ou dans un
autre. Ainsi par exemple, l’expertise des services d’assistance technique du FMI en
matière de diagnostic et d’élaboration de stratégie de modernisation est souvent reconnue.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 93
Dans les pays où des progiciels ont été installés, l’expérience montre que les
conditions préalables au succès de l’informatisation doivent être bien maîtri-
sées pour tirer le meilleur parti des investissements engagés. À cet égard, les
aspects suivants sont particulièrement importants :
– Tout d’abord, l’achat d’un progiciel ne devrait être envisagé que dans le
cadre d’une stratégie globale de modernisation de l’administration fiscale, y
compris la restructuration des services fiscaux et la réingénierie des
processus de travail. L’installation d’un progiciel sans véritable stratégie de
modernisation des structures et des procédures a rapidement montré ses
limites. Tel a par exemple été le cas du Mali depuis la fin des années 1990
ainsi que de la Côte d’Ivoire où un système informatique a été développé
localement pendant la même période sans qu’une réflexion approfondie sur
la modernisation ait été possible dans un contexte de crise des institutions.
– Par ailleurs, le calendrier de mise en place du progiciel doit être synchronisé
avec les changements de structure et de procédure. Dans le cas de l’Algérie par
exemple, les retards d’installation du progiciel n’ont pas permis de tirer profit
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10 Tableau 4 en annexe.
11 Le nombre et la répartition des centres des moyennes entreprises varient. À titre
d’exemple, le Cameroun a créé une direction des grandes entreprises à Yaoundé et deux
centres des moyennes entreprises à Yaoundé et à Douala où sont regroupés plus de
95 % des assujettis à la TVA. De même, le Sénégal a créé un service des grandes entre-
prises à Dakar et un centre des entreprises moyennes est également en cours de créa-
tion à Dakar où sont localisées plus de 90 % des entreprises assujetties à la TVA. En
2010, le nombre des grandes entreprises était de l’ordre de 600 au Cameroun et de 500
au Sénégal, et celui des entreprises moyennes (c’est-à-dire les assujettis à la TVA) était
de l’ordre de 15 000 et 10 000, respectivement.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 95
des grandes entreprises et dans les centres des moyennes entreprises. Le con-
trôle de la TVA est un élément clé de ce dispositif qui est souvent complété par
des services de recherche 12.
La formation des vérificateurs et la modernisation des méthodes de con-
trôle et de recherche sont encore à un stade rudimentaire dans la plupart des
pays en développement. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer les problè-
mes rencontrés pour développer des programmes de contrôle efficaces, notam-
ment les difficultés de recrutement de vérificateurs qualifiés et la crainte que le
contrôle ne conduise au harcèlement des contribuables, voire à des opportunités
de collusion. Ces problèmes sont particulièrement aigus dans les administrations
fiscales ne disposant pas de la flexibilité nécessaire pour adopter un système de
rémunération transparent pour l’ensemble de leurs agents.
La faiblesse du contrôle reflète également parfois un manque de volonté poli-
tique et, dans beaucoup de pays en développement, l’absence de cadre législatif et
judiciaire approprié pour garantir l’équilibre entre les impératifs de lutte con-
tre la fraude et le respect des droits des contribuables. Cette situation a des
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12 Dans une organisation des services fiscaux basée sur les principes examinés précédemment,
un des objectifs primordiaux de la recherche du renseignement devrait être l’élargisse-
ment de la base imposable, y compris la détection des « fausses » petites entreprises
dont le chiffre d’affaires non déclaré excède le seuil de la TVA et dont le dossier fiscal
devrait être contrôlé par le centre des entreprises moyennes, voire par la direction des
grandes entreprises.
13 Tableau 4 en annexe.
96 Jean-Paul Bodin
14 Par exemple pendant les 4 années écoulées de 1998 à 2001 : de 39.9 % à 40.9 % au
Royaume Uni ; de 18 % à 20.5 % au Pakistan ; de 28,1 % à 29,6 % au Chili ; et de 6,4 à
7,2 % au Kenya.
Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 97
pour qu’ils renoncent à faire valoir leur droit au remboursement 15. Certains
contribuables avertis, en particulier ceux qui pratiquent des dissimulations de
recettes, en ont depuis longtemps conclu que l’accumulation de crédits réels
ou fictifs, sans demander leur remboursement, est une approche moins ris-
quée pour minorer le montant de la TVA due. L’expérience de plusieurs pays
en développement montre à cet égard que la mobilisation d’une part excessive
des effectifs des vérificateurs sur les seules demandes de remboursement de
TVA a pour inconvénient de dégarnir les effectifs nécessaires à la réalisation
de l’ensemble du contrôle fiscal, y compris les contrôles qui devraient permet-
tre de lutter contre les risques en matière de dissimulation de recettes et de
minoration des revenus imposables.
La fixation d’un seuil d’assujettissement élevé et l’élaboration de programmes
efficaces pour maîtriser l’immatriculation des entreprises sont les premières
mesures pour limiter les risques en matière de remboursement de TVA et optimi-
ser l’utilisation des moyens disponibles. Une autre mesure fréquente dans les
pays en développement est de limiter le remboursement de TVA aux exporta-
teurs et aux investisseurs. Indépendamment de ces dispositions, l’amélioration
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4 CONCLUSIONS
15 Comme le reconnaissait un directeur des impôts d’un grand pays d’Afrique lors d’un
atelier de travail sur la TVA : « …chez nous le remboursement n’est pas un problème,
les contribuables savent bien ce qui les attend s’ils font une demande ».
98 Jean-Paul Bodin
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Modernisation de l’administration fiscale dans les pays en développement 101
ANNEXE
Moyen
Nombre de Asie
Orient 3/
pays avec Europe 1/ Amériques Afrique 2/ et Total
et Asie
une TVA : Pacifique
Centrale
En 1970 7 3 1 0 0 11
En 1980 14 12 2 1 1 30
En 1990 20 18 5 2 6 51
En 2010 44 26 41 12 21 144
Source : FMI.
1/ Y compris la Russie et les pays d’Europe centrale.
2/ Y compris les pays du Maghreb. Au 31 décembre 2010, l’introduction de la
TVA était par ailleurs en cours de préparation en Angola, Gambie, Guinée-Bis-
sau, Liberia, République Démocratique du Congo, Seychelles, Sierra Leone, et
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Impôts indirects 4,8 (79) 5,6 (101) 5,8 (109) 7,2 (61)
internes en % du PIB
Exemples : Observations :
Retenue à la source de TVA : dans ce Cette pratique est incompatible avec le bon
système, le montant de la TVA est fonctionnement de la TVA. Le principal
« précompté » par le Trésor et les argument présenté pour justifier le
entreprises publiques au moment du précompte étant le risque posé par le
paiement des factures. Malgré un avantage comportement des petites entreprises,
initial en termes de recettes, le précompte l’approche appropriée est l’adoption d’un
débouche rapidement sur des difficultés de seuil de TVA suffisant pour éliminer le
trésorerie pour les entreprises précomptées. besoin de recourir au précompte.
L’expérience montre également qu’il génère S’agissant des marchés de l’État, la réponse
des abus importants de la part des adaptée est la communication des
« précompteurs », y compris des retards informations en éliminant des fournisseurs
dans le reversement des retenues opérées. de l’État les défaillants en matière de TVA.