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Christian Valenduc
Abstract – This paper investigates how tax policy could contribute to structural
reforms that benefit the Belgium economy. We start by highlighting two facts: Belgian
has a low employment rate and a high taxation of labour. The main direction for tax
reform should be to reduce the taxation of labour with a targeting on the segments of
the labour market that are the most reactive to such a change. The medium term fis-
cal policy stance clearly requires that such a reform should be at least fully compen-
sated. We suggest a tax shifting to consumption and the integration of external costs
in the prices of energy and transport. Base broadening could also contribute in a sig-
nificant way to the financing of such reforms, while having in itself positive effects on
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Les débats sur la politique fiscale portent souvent sur le niveau des prélèvements.
Dans cette contribution, nous laissons de côté le débat sur la hauteur du taux de
prélèvement global : celui-ci étant inévitablement lié aux dépenses publiques à
financer, il ne s’agit pas d’un débat de politique fiscale mais d’un débat sur la taille
du secteur public. Notre contribution s’inscrit dans la lignée des travaux sur la «
qualité des recettes publiques » 2. Il s’agit de voir dans quelle mesure des réformes
du système fiscal actuel peuvent contribuer à une meilleure allocation des res-
sources sur les marchés. Dans cet exercice, il faut intégrer les arbitrages et les
contraintes : l’objectif retenu peut entrer en conflit avec d’autres objectifs, dont
principalement l’équité.
Deux contraintes majeures doivent être prises en compte : l’assainissement
budgétaire et l’ouverture de l’économie. La première contrainte rend contre-indiquée
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baissé de 43,8 % en 2004 à 41,5 % en 2009. La baisse serait plus nette encore si
on intègre l’effet des subventions salariales, dont les récentes dispenses de verse-
ment de précompte professionnel 3. Il n’empêche qu’au niveau du salaire moyen
du secteur marchand, les taux nominaux de ces prélèvements fiscaux et sociaux
génèrent toujours le coin fiscal le plus élevé de toute l’OCDE 4.
En raisonnant à salaires bruts inchangés – et donc à court terme –, les baisses
de cotisations sociales ciblées sur les bas salaires peuvent avoir deux types
d’effets : du côté de la demande de travail, elles permettent de réduire le « piège à
la productivité » qui provient de l’écart entre le coût salarial et la productivité des
peu qualifiés, en sauvegardant le salaire minimum : elles se traduisent en effet
dans une baisse du taux effectif moyen qui peut atteindre près de 25 points en cas
de suppression totale des cotisations patronales. Du côté de l’offre de travail, elles
contribuent à réduire les pièges à l’emploi. À terme, la distinction entre les effets
sur le coût salarial et sur le salaire net peut s’estomper si une partie des réductions
de cotisations patronales est reprise en hausse des salaires bruts. L’effort de
réduction du coin fiscal a surtout porté sur le côté « demande de travail » et sur les
prélèvements qui sont en amont du salaire brut.
Le ciblage des réductions sur les bas salaires permet de maximiser l’effet sur
l’emploi pour un coût budgétaire donné. Il a cependant aussi pour effet de porter
les taux marginaux à des niveaux très élevés dans les zones où les réductions sont
reprises : chaque euro gagné y est non seulement soumis au barème progressif
de l’impôt mais aussi à une « taxe » additionnelle, sous forme de la « réduction de
la réduction » de cotisation sociale. Des crédits d’impôt ciblés sur les bas salaires
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3. Valenduc (2011) intègre les subventions salariales en déduction du calcul du taux d’imposition im-
plicite des salaires qui revient alors en deçà de 40 %.
4. Voir OECD (2010d).
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5. Par « retraite anticipée » nous entendons un départ dans les cinq années qui précèdent l’âge légal
de la retraite. La « préretraite » vise les départs antérieurs.
6. Les réductions d’impôt sur les pensions sont plafonnées. Un passage de la pension au-delà du
plafond ne génère donc pas de réduction d’impôt additionnelle : le taux marginal est celui du
barème. De plus, la réduction d’impôt est partiellement reprise lorsque le revenu s’élève. Le taux
marginal d’imposition des pensions peut donc être plus élevé que le taux marginal d’imposition
des salaires, et donc forcément plus élevé que le taux moyen d’imposition des salaires.
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7. L’inventaire annuel des dépenses fiscales les définit comme « une moindre recette, provenant
d’une dérogation au système général de l’impôt, en faveur de certaines activités économiques, so-
ciales ou culturelles et qui aurait pu être remplacée par une subvention directe ». Pour un examen
de la problématique, voir par exemple Valenduc (2004) ou Conseil supérieur des Finances (2002)
pour la Belgique et OECD (2010a) pour une approche internationale.
8. Voir par exemple OCDE (2009), chapitre 4.
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principales catégories d’impôt dans les recettes fiscales totales. Cette modélisa-
tion conclut sur un classement des différents types d’impôts en fonction de leurs
effets sur la croissance, qui est le suivant, en partant du « pro-croissance » :
– les impôts sur la propriété immobilière,
– les impôts sur la consommation,
– les impôts sur le revenu et les cotisations sociales,
– les impôts sur les bénéfices des sociétés.
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10. Voir par exemple OCDE (1995). Plus globalement, les résultats obtenus dans la plupart des études
empiriques donnent des élasticités très faibles, souvent non significatives, et même dans certains
cas négatives. D’un point de vue théorique, rappelons que les effets-revenu et de substitution ag-
issent en sens inverse et que l’effet est donc ambigu.
11. Voir European Commission (2006).
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à la consommation et donc régressive par rapport au revenu. Ceci n’est rien d’autre
qu’un des nombreux cas de conflit entre croissance et répartition. Cette question
doit toutefois être examinée dans un cadre plus global : si la hausse de la taxation
de la consommation permet de financer des politiques qui augmentent le taux
d’emploi des peu qualifiés, ou encore de préserver les prestations sociales de
base en période d’assainissement budgétaire, l’ensemble de l’opération n’est pas
anti-redistributif
Les effets d’un report des prélèvements du travail vers la consommation doi-
vent donc être relativisés. Il n’en reste pas moins vrai que la consommation reste
une des rares bases taxables alternatives suffisamment large et que cette option
ne peut donc être rejetée.
12. Quelques études empiriques récentes confirment d’ailleurs cette intuition théorique. Voir Arulam-
palam et al. (2007).
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et il n’y a pas là de coût net s’il n’y a que la déduction pour capital à risque qui vient
en réduction de l’impôt dû.
L’analyse de cette réforme a été faite dans Valenduc (2009). D’un point de vue
allocatif, elle a deux mérites essentiels : elle supprime la discrimination entre les
fonds propres et les fonds empruntés et annule la taxation de l’investissement
marginal, c’est-à-dire celui dont les revenus équilibrent juste les coûts. L’impôt des
sociétés devient alors un impôt sur le profit pur, ce qui génère moins de distorsions
qu’un impôt des sociétés classique. Valenduc (2009) explique qu’on pouvait obtenir
ces avantages en limitant l’octroi de la mesure aux nouveaux fonds propres, et que
l’appliquer au capital existant a généré un effet d’aubaine.
Si ce choix a été fait, c’est uniquement pour préserver l’activité des centres de
coordination. Au vu du large consensus politique dont ce régime préférentiel a
bénéficié depuis sa création, il semble qu’il « aille de soi » que l’activité de banquier
interne d’un groupe multinational doive être subsidiée et que sans cela, la main-
d’œuvre très qualifiée employée par ces sociétés serait au chômage…
Le coût budgétaire de la réforme a deux causes : l’application au stock de
capital existant et l’absence des mesures anti-abus pour éviter des constructions
juridiques qui génèrent des doubles déductions et/ou des gonflements artificiels
de fonds propres. La première est à mettre au rayon des erreurs passées mais la
seconde reste d’actualité. Réduire la planification fiscale ne devrait pas être trop
dommageable en termes de performance économique et il y a vraisemblablement
un meilleur usage des deniers publics que de la financer. En fait, une réforme des
« intérêts notionnels » pourrait permettre d’obtenir à moindres frais les mêmes
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13. Selon Halleux, Haulotte et Valenduc (2006), 59 % des sociétés renseignent un effectif du personnel
nul. Ceci confirme l’importance des transformations d’entreprises individuelles en sociétés.
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celles qui génèrent un coût social. Le recyclage des revenus par la réduction, par
exemple, des prélèvements sur le travail serait lui générateur de bien-être. C’est le
fondement de la thèse du « double dividende ». Cette voie est d’autant plus indi-
quée que, en comparaison avec les autre pays européens et/ou membres de
l’OCDE, la Belgique recourt peu à la fiscalité environnementale, surtout dans les
domaines de la taxation de l’énergie et du transport 14, alors qu’elle est pratique-
ment championne de l’imposition des revenus du travail.
Parmi les recommandations politiques, signalons celles du Conseil supérieur
des Finances (2007) qui retenait la taxation au kilomètre du transport de marchan-
dises par route comme un des moyens de financer une baisse de la taxation des
revenus du travail. Dans son Rapport de 2009, le même CSF recommande une
révision profonde de la fiscalité de l’énergie et du transport, qui (1) supprime les
régimes fiscaux qui ont un impact environnemental négatif (au premier rang, les
voitures de sociétés), (2) intègre une taxation des émissions de CO2 à 30 € la
tonne et (3) prône une forme de réduction des incitants fiscaux pour les dépenses
visant à économiser l’énergie, ces investissements étant rendus rentables par la
hausse du prix de l’énergie.
Un tel glissement nécessite assurément des politiques d’accompagnement,
notamment dans le domaine de la fixation des prix hors taxe de l’énergie mais ces
politiques sont en elles-mêmes des réformes structurelles souhaitables. Une autre
politique d’accompagnement importante est celle d’une meilleure transparence
sur la performance énergétique des bâtiments pour le marché immobilier, tant locatif
qu’acquisitif 15. Sur le plan social, une politique de compensation s’avère nécessaire
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14. Voir, par exemple, Conseil supérieur des Finances (2009) et OECD(2011), chapitre 3.
15. Voir les recommandations de CSF, 2009, chapitre 4.
16. Voir Ravaillon (2004) pour une définition de ce concept.
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En intégrant dans l’analyse les modalités des prélèvements fiscaux, l’OCDE fait un
certain nombre de constats supplémentaires qui débouchent également sur des
recommandations de politique fiscale. Ainsi, baisser les taux d’imposition et élargir
les bases imposables dans un cadre budgétairement neutre est favorable à la
croissance. À l’inverse de la plupart des autres recommandations, celle-ci ne bute
pas sur le conflit efficacité-équité. Élargir la base imposable, c’est réduire les dis-
torsions créées par l’impôt : à la limite en cas d’impôt parfaitement uniforme, les
prix relatifs ne sont pas modifiés et l’élasticité des bases taxables s’en trouve forte-
ment réduite. Élargir les bases imposables, c’est aussi assurer davantage d’équité
horizontale. Ainsi, à l’impôt sur le revenu, supprimer des dépenses fiscales permet
de progresser vers le principe « à revenu égal, impôt égal ». De plus, les bénéfi-
ciaires des dépenses fiscales sont très souvent concentrés dans les classes supé-
rieures de revenu et élargir la base imposable est donc redistributif.
Mettre en œuvre de telles politiques aujourd’hui, ne va toutefois pas sans
poser un certain nombre de problèmes : ceux-ci sont largement commentés, dans
une optique de Political Economy, dans OECD (2010b) et dans OECD (2010a) pour
ce qui concerne plus particulièrement l’élargissement des bases imposables. Cas-
tanheira et Valenduc (2006) expliquent comment procurer des avantages fiscaux
sélectifs est une stratégie électoralement rentable. Une conséquence commune à
toutes les réformes qui combinent un élargissement de la base imposable et une
baisse des taux d’imposition est que les gains sont largement répandus mais indi-
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17. Voir notamment CSF (2001) pour l’impôt des sociétés et CSF (2002) pour la rationalisation des dé-
ductions fiscales à l’impôt des personnes physiques.
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4 CONCLUSIONS
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