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Abstract – The debt-equity bias is present in many tax systems since a significant
number of decades: while interest is tax deductible, the return on equity is subject
to tax at the corporate level and may be taxed again at the personal level. The re-
cent financial and economic crisis has clearly made the point the excessive leverage
may be damaging, so there is a renewed interest in the consequence of the debt-
Equity bias. This article sets out the main solutions for the debt-equity bias that have
been suggested in the economic literature. We nest present the Belgian and Italian
reforms: both counties have introduced an Allowance for Corporate Equity (ACE) but
the design of the allowance is very different. We describe the two reforms and some
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1 L
A PROBLÉMATIQUE ET LES SOLUTIONS
POSSIBLES
La neutralité de la fiscalité au regard des décisions économiques et notamment
des décisions d’investissement est généralement considérée comme un objectif
important s’agissant de la conception des systèmes fiscaux. Dans la pratique,
cela se révèle souvent comme un objectif difficile à atteindre comme en té-
moignent tant le goût immodéré des décideurs politiques pour faire de la fiscalité
un instrument d’intervention économique que l’accumulation des niches fiscales
qui bien souvent en résultent 4.
Ce thème revêt aujourd’hui une importance particulière lorsqu’on se penche
sur le traitement fiscal des différentes modalités de financement des entreprises.
En effet, en matière de fiscalité des sociétés, on constate le plus souvent que
fonds propres et fonds empruntés reçoivent un traitement différent du fait même
de la déductibilité des intérêts d’emprunts, alors que la rémunération des fonds
propres ne donne lieu de son côté à aucune déduction.
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Financement de l’investissement et neutralité fiscale Financement de l’investissement et neutralité fiscale
6. Commission européenne (2011). Voir en particulier le chapitre : « Une meilleure conception des
différents impôts et taxes ».
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Michel Aujean , Vieri Ceriani et Christian Valenduc
8,0 %
6,0 %
4,0 %
Coin fiscal (p-s)
2,0 %
0,0 %
–2,0 %
–4,0 %
–6,0 %
–8,0 %
–10,0 %
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2010
2011
2012
2013
2014
Augmentation de capital Emprunt Autofinancement
Cette entorse à la neutralité fiscale a donné lieu depuis longtemps à des ré-
flexions fort diverses chez les économistes, les solutions envisageables oscillant
entre deux positions extrêmes :
–– la non-déductibilité intégrale des intérêts d’emprunts, souvent présentée
comme Comprehensive Business Income Tax, CBIT, du nom donné à cette
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7. TreasuryDepartment (1992). Dans cette proposition, les intérêts ne seraient plus ni déductibles ni
imposés lorsque payés à des entités couvertes par CBIT et les dividendes non imposés. Pour une
reprise récente de ces idées, voir Hasen (2013).
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Financement de l’investissement et neutralité fiscale Financement de l’investissement et neutralité fiscale
Une action coordonnée perd de son efficacité dès lors que le champ d’attraction
de taux plus faibles se réduit si tous les pays européens font de même.
Dans la pratique, aucun pays n’a mis en œuvre une CBIT. Ceci peut s’expli-
quer notamment par les difficultés que peut poser une mise en œuvre unilaté-
rale à l’égard des règles de base de la fiscalité internationale : déductibilité des
intérêts d’emprunt et taxation des bénéfices dans le pays de la source, taxation
des intérêts et élimination de la double imposition des bénéfices distribués dans
le pays de résidence. Beaucoup de pays se sont cependant efforcés de limiter
la déductibilité des intérêts soit en introduisant des règles de sous-capitalisa-
tion qui établissent une relation entre le montant des capitaux empruntés et celui
des capitaux propres (par ex. un ratio dettes/fonds propres < à 4:1 dans des
pays tels que Danemark), soit par des « Earnings-stripping rules » qui limitent la
déductibilité lorsque le montant net des dépenses d’intérêts dépasse un certain
pourcentage de l’EBITDA (Allemagne, Italie et récemment France).
La seconde approche, basée sur l’octroi d’une déduction pour la rémunéra-
tion des fonds propres, améliore l’efficacité économique dans la mesure où elle
élimine la distorsion entre dettes et capitaux propres et réduit le coût du capital.
Utilisée seule, elle est considérée comme attractive pour des pays à taux élevés
et assiette large (Allemagne avant réforme, Espagne, Italie). En revanche, si on
décide d’accroître le taux d’IS pour la financer, cette réforme peut éroder encore
l’assiette par le profit shifting que provoque la hausse du taux et par conséquent
cela tend à réduire le bien-être. Une action coordonnée au niveau européen ré-
duit ces risques en réduisant le champ du profit shifting.
Du fait des conséquences opposées de ces deux approches, leur combinai-
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Michel Aujean , Vieri Ceriani et Christian Valenduc
l’efficacité économique. Une telle politique pourrait aussi résulter d’une conver-
gence ordonnée des systèmes fiscaux de la France et de l’Allemagne (et de ses
effets d’entraînement sur les autres pays) à la condition que cette convergence
ne vise pas uniquement la consolidation des recettes comme cela semble trop
souvent être le cas à l’heure actuelle et qu’elle se fonde sur des objectifs de
renforcement de la neutralité et de l’efficacité économique des systèmes d’impo-
sition des sociétés 8.
2 L’EXPÉRIENCE BELGE
La Belgique a introduit en 2006 une déduction pour la rémunération des fonds
propres, dénommée officiellement « déduction pour capital à risque » (DCR) et
plus connue sous le nom d’« intérêts notionnels ». Dès le départ, cette réforme
pourtant fondamentale s’est avérée controversée, ce qui a inspiré le titre de
Valenduc (2009). Ceci tient à une ambiguïté, voire à une confusion, dans les ob-
jectifs poursuivis. L’exposé des motifs de la loi fait la part belle à la suppression
de la discrimination entre les fonds propres et l’emprunt, prenant ainsi le relais
de l’argumentation bien connue de la théorie économique de la politique fiscale.
Ce n’est qu’en fin d’exposé des motifs qu’il est mentionné que cette réforme
apporte une solution au démantèlement du régime fiscal des centres de coor-
dination, alors requis par la Commission européenne dans le cadre de la mise
en œuvre du Code de conduite sur la fiscalité des entreprises et de ses compé-
tences en matière de contrôle des aides d’état. Or c’est ce second motif qui est
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8. Voir à cet égard les pistes de convergence énoncées en matière de déductibilité des intérêts
d’emprunts dans Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (2012).
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Financement de l’investissement et neutralité fiscale Financement de l’investissement et neutralité fiscale
9. Les résultats des calculs de taux effectifs faits par le ZEW et publiés par la Commission euro-
péenne (2013) maintiennent une discrimination à l’encontre du capital. Ceci provient du fait que
les auteurs imposent un taux d’intérêt à long terme de 5 % dans tous les pays, mais utilisent le
taux légal de la DCR pour la Belgique, en brisant ainsi le lien entre le taux de la DCR et le taux
d’intérêt à long terme. Ils sous-estiment donc l’impact de DCR.
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Michel Aujean , Vieri Ceriani et Christian Valenduc
ont un revenu imposable élevé et un total du bilan élevé. Ces sociétés ne sont
cependant pas importantes en termes de valeur ajoutée et d’emploi. » On voit là
une première trace de l’objectif du maintien en Belgique de l’activité qui était celle
des centres de coordination. Les sociétés financières qui en ont pris le relais ont
toutes les caractéristiques énoncées par le Conseil supérieur des Finances.
Peu d’études ont été faites pour mesurer l’impact de la DCR sur la structure
du bilan des sociétés, à l’exception notoire de Princen (2011). Cette étude pro-
cède suivant la méthode « différence par différence » et conclut que l’introduction
de la DCR a réduit le taux d’endettement des sociétés non financières belges à
concurrence de 2,7 points. Elle ne décèle par contre aucun effet à l’actif du bilan
et aucun effet sur l’emploi.
Un autre point d’évaluation est celui de l’utilisation de la DCR comme outil de
tax planning par les groupes de sociétés à des fins d’érosion de leur base taxable
consolidée. La presse a régulièrement mis en exergue des cas où des groupes
de sociétés localisaient en Belgique une importante activité financière sans payer
d’impôt. Zangari (2014) fait une comparaison systématique des mesures anti-
abus spécifiques en Belgique et en Italie et conclut que l’Italie a pris nettement
plus de mesures anti-abus et les a ciblées sur les transactions entre entreprises
apparentées. Valenduc (2009) pointe également les lacunes des mesures anti-
abus. À la lecture de Zangari (2014) et de la description résumée des mesures
anti-abus italiennes qui est donnée ci-après, le lecteur comprendra que les adop-
ter en Belgique était incompatible avec l’objectif du maintien l’activité exercée
autrefois dans les centres de coordination et maintenant dans les sociétés spé-
cialisées dans le financement intra-groupe.
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Financement de l’investissement et neutralité fiscale Financement de l’investissement et neutralité fiscale
réforme. Mais la planification fiscale faite à partir de la DCR, et amplifiée par l’ab-
sence de mesures anti-abus adéquates, va à l’encontre de la neutralité. Quant
aux retombées sur la croissance et sur l’emploi, le constat n’est pas positif.
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Michel Aujean , Vieri Ceriani et Christian Valenduc
10. Un taux minimum global de 27 % était initialement imposé, mais il a été annulé en 2001.
11. Les instruments financiers hybrides sont exclus, principalement dans un souci de simplification.
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Financement de l’investissement et neutralité fiscale Financement de l’investissement et neutralité fiscale
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Michel Aujean , Vieri Ceriani et Christian Valenduc
13. Bordignon et al. (1999) ont démontré une diminution de la préférence fiscale pour le finance-
ment par l’emprunt et ont estimé que le DIT réduisait le coût du capital dans la plupart des cas.
Bordignon, Giannini et Panteghini (2001) ont calculé les taux effectifs d’imposition et ont fourni
des preuves d’une réduction de la discrimination à l’encontre des fonds propres.
14. Il en est ainsi car la base ACE dépend des bénéfices réservés tels que mesurés sur la base des
règles comptables plutôt que des règles fiscales. Ceci surcompense le fait que le taux de rentabi-
lité utilisé dans le calcul de l’ACE est légèrement inférieur au taux d’intérêt sans risque.
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l’EATR italien pour des niveaux plus élevés. L’ACE pourrait être un moyen plus
efficace de réduire le coût du capital en période de resserrement du crédit et
d’amoindrissement des bénéfices.
4 Q
UEL AVENIR POUR LA DÉDUCTION
POUR CAPITAL À RISQUE ?
Le récent rapport du Conseil supérieur des Finances a, sur ce sujet aussi, éclairé
le débat : le maintien de la DCR dans sa forme actuelle est parfaitement cohérent
avec une stratégie « de niches » et la Belgique ne s’est finalement écartée de
cette stratégie que pendant les années 1990 (Valenduc, 1999) après l’avoir prati-
quée dans la décennie antérieure et y être revenue au tournant du siècle.
L’autre option est évidemment celle du « taux bas, base large ». Elle serait
défavorable à la localisation des activités de financement intra-groupe, mais fa-
vorable aux activités opérationnelles, et celles-ci créent davantage d’emploi et
de valeur ajoutée. On a quelque difficulté à croire les arguments des lobbyistes
comme quoi la localisation des secondes est liée à celle des premières, dans
un contexte mondial de fragmentation des chaînes de valeur. Il ne faut cepen-
dant pas exagérer la baisse du taux nominal qui serait possible dans une telle
stratégie. Raisonner sur le coût brut n’est pas exact, car la suppression de la
DCR aurait pour conséquence de perdre la base taxable brute des sociétés de
financement. Dans une approche dynamique, le Conseil supérieur des Finances
chiffre la marge de baisse entre 3 et 6 points selon les hypothèses retenues.
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