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La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral : la

fiction de l’individu entrepreneur de lui-même face au


sujet de la psychanalyse
Jérémie Clément
Dans Cahiers de psychologie clinique 2020/2 (n° 55), pages 143 à 163
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1370-074X
ISBN 9782807393585
DOI 10.3917/cpc.055.0143
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FICTIONS SUJECTIVES
ET CULTURELLES
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LA FABRIQUE
DES SUBJECTIVITÉS
EN CONTEXTE
NÉOLIBÉRAL : LA
FICTION DE L’INDIVIDU
ENTREPRENEUR
DE LUI-MÊME FACE
AU SUJET DE LA
PSYCHANALYSE
Jérémie CLÉMENT1
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1 Docteur en
Résumé Le néolibéralisme se présente à l’heure actuelle Psychopathologie et
comme une pensée totale et un système global, imposant la Psychanalyse, Chargé
d’enseignement à
rationalité marchande et entrepreneuriale dans les moindres l’Université Paris Diderot,
domaines de l’existence humaine et prescrivant à l’ensemble Sorbonne Paris Cité,
du champ social de nouvelles normes de société, de vie et CRPMS EA 3522,
Psychologue clinicien
d’existence. Davantage encore, il dispense désormais une à l’hôpital de jour pour
nouvelle norme subjective, celle d’un individu immergé dans adolescents La Grange
la culture d’entreprise : l’individu entrepreneur de lui-même. Batelière, 13 rue de
la Grange Batelière,
Celui-ci est un homme qui s’épanouit et réussit sa vie car il 75009 Paris – jeremie.
est autonome, rationnel et performant, et parce qu’il dirige sa clement.10@gmail.com

DOI: 10.3917/cpc.055.0145 145


146 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

vie à la manière dont on dirige une entreprise. Cet article vise


à montrer les spécificités propres à la fiction de cet individu
entrepreneur de lui-même, puis à en exposer les limites et les
impensés, au regard de notre lecture clinique du sujet de la
psychanalyse.
Mots-clefs néolibéralisme, individu entrepreneur de lui-
même, entreprise de soi, fabrique des subjectivités, fiction.

THE CREATION OF SUBJECTIVITIES


IN A NEOLIBERAL CONTEXT: THE FICTION
OF THE ENTREPRENEUR OF THE SELF WITH
REGARD TO THE SUBJECT OF PSYCHOANALYSIS
Abstract Neoliberalism appears today as a totalizing system
of thought and as a global system enforcing entrepreneurial
and market-driven rationality in every area of human exist-
ence. We witness new social norms, new standards of living
and of existence being prescribed to the whole social body.
Moreover, neoliberalism now conveys a new norm of subjec-
tivity, where the individual is seen through the prism of corpo-
rate culture: the entrepreneur of the self. This is a driven and
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self-fulfilling subject, meeting success on the grounds of his
or her autonomy, rationality, and performance, and also be-
cause his or her life is run following the blueprint of corporate
business. This article aims to demonstrate the specifics of this
fiction of the entrepreneur of the self, in order to delineate its
limitations and map its uncharted territories, with regard to
our clinical reading of the subject of psychoanalysis.
Keywords neoliberalism, entrepreneur of the self, self-
entrepreneurship, creation of subjectivities, fiction
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 147

« On ne peut se défendre de l’impression que les hommes se


trompent généralement dans leurs évaluations. Tandis qu’ils
s’efforcent d’acquérir à leur profit la jouissance, le succès
ou la richesse, ou qu’ils les admirent chez autrui, ils sous-es-
timent en revanche les vraies valeurs de la vie. »
Sigmund Freud
Malaise dans la civilisation, 1929.

« Qui ne sait que c’est du discours analytique que j’ai fait


fortune ? En quoi je suis un self-made-man. »
Jacques Lacan
Télévision, 1974.

Sous les effets à long terme des discours conjoints de la


science et du capitalisme, le moment contemporain enre-
gistre des mutations sociétales de grande ampleur. L’époque
est aujourd’hui profondément marquée par l’avènement du
néolibéralisme, dont la pensée globale s’attache à diffuser
la norme du marché concurrentiel de toutes parts. Dans les
moindres domaines de l’existence humaine, la rationalité
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marchande s’impose désormais : santé, éducation, justice, art,
monde universitaire, le déploiement de l’économie de marché
ne se limite plus à des sphères purement commerciales. D’une
manière générale, la plus-value guide dorénavant toutes les
économies humaines. En parallèle, la forme « entreprise » et
la privatisation deviennent les nouveaux modèles prescrits,
sur lesquels se façonnent et se « fictionnent » les normes de
vie et d’existence, les normes de société, mais également les
normes subjectives.
La philosophie politique actuelle, toute entière engagée à
diffuser et imposer l’idéologie néolibérale, en déterminant la
nouvelle norme de l’individu néolibéral, bouscule les subjec-
tivités, mais vient-elle pour autant en produire de nouvelles ?
Que produit et que traduit exactement la fiction de cet indi-
vidu néolibéral, entrepreneur de lui-même, autonome, per-
formant et compétitif, toujours plus encouragé à faire de son
« entreprise de vie » un succès ? De quoi est-elle le nom et
surtout, est-elle à même de produire une vérité, susceptible
de donner une véritable consistance à la réalité psychique du
148 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

sujet contemporain ? Et finalement, par l’intermédiaire de


cette fiction, la néo-politique contemporaine globalisée par-
vient-elle à fabriquer les individus dont elle a besoin ? Ce
sont ces questionnements que nous nous proposons de mettre
au débat dans cet article. L’expérience psychanalytique et la
pratique clinique qui lui est concomitante pourraient-être à
même d’offrir l’éclairage nécessaire pour penser les limites
de la fiction contemporaine de cet individu « entrepreneur de
lui-même » ; elle pourrait même faire fonction de révéler cer-
tains impensés de la philosophie politique néolibérale, en tant
que son objet – qui traite justement du sujet – indique une
tout autre voie : celle pour le sujet de ne pouvoir faire ni être
sans l’Autre.
Aussi, dans un premier temps, nous déploierons les prin-
cipes fondamentaux de l’idéologie néolibérale, telle qu’elle
définit notre politique de civilisation globalisée actuelle.
Nous soutiendrons par la suite que l’individualisme n’est rien
d’autre que le nom propre du néolibéralisme, et exposerons
en conséquence le projet de fabrique des subjectivités qui lui
est occurrent. Entrepreneur de lui-même, autonome, perfor-
mant, se faisant lui-même sur le marché concurrentiel : nous
dépeindrons les grands traits de l’individu fictionnel idéal du
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néolibéralisme. Enfin, à partir notamment des apports psy-
chanalytiques sur la question du sujet, nous en entamerons la
critique et en montrerons certaines limites.

L’idéologie néolibérale comme politique


de civilisation globalisée

L’époque moderne voit l’avènement du néolibéralisme impo-


ser un certain nombre de changements politiques et soutenir
des principes idéologiques forts, au premier desquels la dif-
fusion de la norme du marché, et de son mécanisme concur-
rentiel, à l’ensemble du champ social. En s’imposant comme
une politique de civilisation, autrement dit comme nouveau
mode de gouvernement des hommes, le néolibéralisme vise
un moyen fondamental : que l’État s’attache à gouverner en
se déployant et en se calquant sur les mécanismes propres
au système marchand. Bien davantage qu’un simple sys-
tème économique, la philosophie néolibérale est de ce fait
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 149

une véritable philosophie politique. Michel Foucault (2004)


l’eut saisi très vite, dans ses cours au Collège de France inti-
tulés Naissance de la Biopolitique, lorsqu’il fait remarquer
que pour le néolibéralisme, il ne s’agit « pas de libérer une
place vide, mais de rapporter, de référer, de projeter sur un art
général de gouverner les principes formels d’une économie
de marché2 ». Un principe nouveau qui marque une différence
majeure entre le libéralisme classique et le néolibéralisme :
il ne s’agit plus pour l’État de laisser une place au Marché
parmi d’autres institutions au sein de la société comme jadis ;
au contraire, celui-ci se doit désormais de se référer, jusqu’à
s’identifier même, de façon exclusive et spécifique, au fonc-
tionnement économique marchand. Le libéralisme d’autrefois
réalise ici sa métamorphose et fait peau neuve : le néolibé-
ralisme est désormais l’unique « art de gouverner », c’est-à-
dire que l’économie de marché devient la seule organisation
socio-politique viable, pour diriger et administrer à la fois les
gouvernants et les gouvernés.
« Ensemble des discours, des pratiques, des dispositifs qui
déterminent un nouveau mode de gouvernement des hommes
selon le principe universel de la concurrence3 », le néo-libéra-
lisme délimite ainsi le contour politique de notre modernité. 2 M. Foucault,
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En tant que « principe et méthode de rationalisation de l’exer- Naissance de la
biopolitique, Cours
cice de gouvernement4 », précise Foucault, il se donne pour au Collège de France
objectif de « régler l’exercice global du pouvoir politique sur 1978-1979, Paris,
les principes d’une économie de marché5 ». Global, voilà que Gallimard-Seuil, 2004,
p. 137.
le mot est lâché. Le néolibéralisme témoigne bien d’un effort
incessant de globalisation qui ne parait aujourd’hui pas le 3 P. Dardot, C. Laval.
La nouvelle raison du
moins du monde être en mesure de se réfréner, et qui tend au monde. Essai sur la
contraire à s’accélérer sans limitation aucune. Initialement, le société néolibérale,
terme de globalisation est bien un américanisme, qui provient Paris, La Découverte,
Poche, 2009, p. 6.
de globalization. Apparu d’abord au cours des années 1980,
4 M. Foucault,
soit à l’exact moment de la financiarisation du capitalisme, il
« Résumé du cours »,
« consiste, dans le sens premier du terme, à rendre “global” Naissance de la
ce qui était “local” ; c’est-à-dire à élargir le rayonnement d’un biopolitique, op. cit.,
p. 323.
concept à la totalité d’un espace (qui peut être la planète)6. »
L’instauration de cette politique de civilisation « globalisée » 5 Ibid., p. 137.
correspond en fait à une extension systématique, à tous les 6 F. Morin, « Les
secteurs de nos existences, des mécanismes du marché, et en banques, la globalisation
et la démocratie »,
premier lieu de sa loi fondamentale, le mécanisme concurren- Le Débat, 2016, 189,
tiel jouant le rôle de régulateur. p. 104.
150 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

L’idéal néolibéral, qui est à entendre comme « une Raison-


monde7 », prend ainsi la forme d’un idéal universalisant ; et
tandis que sa philosophie politique facilite la propagation du
concept de « mise en concurrence », pour en faire une authen-
tique commande sociale, dans le même temps, elle diffuse
de nouvelles normes de société, de vie et de subjectivité, les-
quelles seront systématiquement imprégnées de la philoso-
phie individualiste.

L’individualisme, nom propre du néolibéralisme

Il y a « quelque chose qui subsiste au-delà de la liberté et


vers quoi l’on doit tendre : l’individu lui-même. […] le mot
individualisme semble donc, pour nous, préférable au mot
libéralisme8 », avance l’économiste français Louis Baudin en
ce mois d’août 1938, lors du colloque Walter Lippmann qui
se tint à Paris, moment clef de relecture et de refonte du libé-
ralisme, et considéré souvent comme le véritable « acte de
naissance » de la pensée néolibérale actuelle. Non contente
de changer totalement de référentiel théorique, la pensée libé-
rale, dont le déploiement trouvait à sa source la passion de
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la liberté, pivote bientôt sur un axe nouveau, celui de l’in-
dividu. Ce dernier, au premier-plan désormais, est invité à
suivre ses propres choix de vie, ses souhaits, ses valeurs et
ses aspirations : « c’est là toute la philosophie de l’individua-
lisme9 », défend Friedrich Hayek (1946), un des pères fon-
dateurs du néolibéralisme contemporain, dans son ouvrage
phare La route de la servitude. Le projet libéral de la pre-
mière heure est celui d’une politique émancipatrice, qui fait
la part belle à l’individu, à ses plans de vie toujours diffé-
7 P. Dardot, C. Laval, rents et à ses modes d’existences qui lui sont propres, poursuit
op. cit. Hayek : « de ce fait, l’individualiste conclut qu’il faut laisser
8 S. Audier, Le colloque l’individu, à l’intérieur de limites déterminées, libre de se
Lippmann. Aux origines conformer à ses propres valeurs, plutôt qu’à celles d’autrui.
du « néo-libéralisme »,
Paris, Le Bord de L’eau,
Reconnaître l’individu comme juge en dernier ressort de ses
2012, p. 428. propres fins, croire que dans la mesure du possible ses propres
9 F. Hayek, La route
opinions doivent gouverner ses actes, telle est l’essence de
de la servitude [1946], l’individualisme10. »
Paris, PUF, 1985, p. 49. La gouvernance néolibérale implique aujourd’hui une
10 Ibid. gestion horizontale des subjectivités où c’est non plus l’État
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 151

mais l’individu qui est posé comme souverain. En partant


de cet individu, la mutation du mode d’organisation sociale
encourage une inexorable et inéluctable montée de l’indivi-
dualisme, voire de l’hyper-individualisme11, et ce, au détri-
ment du collectif et des institutions qui viennent en garantir
son rayonnement et sa légitimité. Désormais, la multiplicité
et la pluralité des modes d’existences des individus – dans
la diversité des « modes de jouir » de tout un chacun – défi-
nissent le cœur de la philosophie politique néolibérale. Si la
liberté et l’égalité sont les deux premiers des axes majeurs
sur le cadran néolibéral, la pluralité sera quant à elle le troi-
sième point cardinal, désormais à l’avant-plan, puisqu’elle
est parfaitement synchrone avec le fonctionnement consumé-
riste et marchand. L’idéologie hypermoderne consacre donc
l’individu comme valeur suprême : il est un « […] être moral
indépendant, soulève Louis Dumont (1983) dans ses Essais
sur l’individualisme, autonome, et par suite essentiellement
non social, qui porte nos valeurs suprêmes et se rencontre en
premier lieu dans notre idéologie moderne de l’homme et de
la société12. » Il est lui-même une valeur, en ceci qu’il est por-
teur de valeurs morales, d’indépendance et d’autonomie. Et,
poursuit Dumont, « il y a deux sortes de société. Là où l’Indi-
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vidu est la valeur suprême, je parle d’individualisme ; dans le
cas opposé, où la valeur se trouve dans la société comme un
tout, je parle de holisme13. » Le néolibéralisme s’inscrit dans
la lignée du premier système et, de fait, inverse le second.
L’ensemble du social se subordonne désormais à cet « indi- 11 Nous employons
ici le terme « hyper-
vidu comme valeur » qui symbolise le renouveau de la pen- individualisme », tant
sée libérale. À la fois un citoyen doté de droits inaliénables l’individualisme est
et un homme économique guidé par son intérêt, sa marge de désormais excessif et
poussé à l’extrême : le
manœuvre et sa liberté semblent, en première lecture, s’être préfixe hyper provient
accrues. Pourtant, les processus de normativité et les dispo- du grec « huper », qui
dénote une position
sitifs de contrôle se multiplient : ce qui est en jeu dans le
supérieure – un au-
logiciel néolibéral, c’est le projet d’une normalisation subjec- dessus ou un au-
tive qui vise un certain type de façonnement subjectif, lequel delà – mais également
une grande intensité,
prend la forme d’une initiation aux « vertus » de la culture de
un excès.
l’entreprise. Par le biais de la fiction de l’individu entrepre-
12 L. Dumont, Essais
neur de lui-même, invité à se conduire telle que le ferait une sur l’individualisme,
entreprise, en se fixant des buts et des objectifs stratégiques, Paris, Édition du Seuil,
la gouvernance néolibérale cherche ainsi à produire le sujet 1983, p. 34-35.
dont elle a besoin. 13 Ibid., p. 35.
152 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

La fiction de l’individu néolibéral :


« le moi est maître de sa propre entreprise »

En contexte néolibéral, l’individu est la valeur suprême, tandis


que les discours sociétaux, quant à eux, consacrent un indi-
vidualisme de plus en plus renforcé. La fabrique néolibérale
des subjectivités s’attache à écrire la fiction d’un nouvel indi-
vidu dont le façonnement subjectif servira aux rouages de
l’ensemble de la mécanique néolibérale. Étymologiquement,
le terme de fiction est un emprunt du latin impérial fictio
signifiant « action de façonner, création », mais il désigne
également, en latin médiéval, une « action de feindre » et une
« tromperie »14. On entend ici que la fiction a partie liée avec
cette idée de créer et de façonner, de construire un imaginaire,
et donc pour nous au sens de construire une subjectivité. La
fiction participe ainsi au façonnement subjectif en ceci qu’elle
donne au sujet de possibles ressources, une certaine assise,
voire même une consistance à sa réalité psychique ; davantage,
elle peut-être aussi à même de proposer et de produire un lieu
de vérité pour ce sujet.
En premier lieu, ce qui caractérise l’individu du néolibéra-
lisme, c’est qu’il est « rassemblé » autour d’une seule et même
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figure, qu’un seul et même discours, uniforme et homogène,
diffuse : celle de l’individu entrepreneur de lui-même. Ce der-
nier est un individu qui doit adapter – et adopter – ses conduites
selon le modèle entrepreneurial : « […] le moment néolibéral
se caractérise par une homogénéisation du discours de l’homme
autour de la figure de l’entreprise15 », notent Pierre Dardot et
Christian Laval (2009). Un discours total, un grand récit uni-
forme, dont la « force » réside justement dans le fait qu’il ne
définit plus qu’un seul modèle, ou une seule fiction de sujet-
type, là où hier plusieurs autres étaient dispensés, tant et si bien
que désormais, « cette nouvelle figure du sujet opère une unifi-
cation sans précédent des formes plurielles de la subjectivité que
14 A. Rey, Le laissait subsister la démocratie libérale et dont elle savait jouer à
dictionnaire historique
l’occasion pour mieux perpétuer son existence16. » Cette unifor-
de la langue française,
tome 1, Le Robert, misation du discours autour de la fiction du « sujet entrepreneu-
Paris, 2012, p. 1342. rial » nous paraît significatif de l’insistance du néolibéralisme à
15 P. Dardot, C. Laval, orienter l’individu, à le gérer, le modeler, l’éduquer, et à lui dic-
op. cit., p. 408. ter une façon singulière pour se comporter et agir dans le monde,
16 Ibid. selon un modèle choisi au préalable, celui de l’entreprise.
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 153

La fiction de l’homme néolibéral est ainsi celle d’un individu


entrepreneur de lui-même, autonome et performant, qui doit
gérer son existence de la meilleure des manières en se compor-
tant lui-même comme une « petite entreprise individuelle ». Il
correspond dans un premier temps à la figure de « l’homo-
œconomicus17 » qu’avait épinglé Michel Foucault, soit un
individu « qui obéit à son intérêt, […] [et] dont l’intérêt est tel
que, spontanément, il va converger avec l’intérêt des autres18. »
L’homme économique est un homme qui s’évertue à rationna-
liser au mieux ses conduites, à se rendre maître de son destin
par le calcul de ses intentions, pourvu qu’elles s’expriment sur
un quelconque marché. Il est, dit Foucault, un « entrepreneur
de lui-même, étant à lui-même son propre capital, étant pour
lui-même la source de (ses) revenus19. » À l’heure actuelle, la
subjectivité contemporaine se trouve de plus en plus immergée
dans cette « culture d’entreprise » qui ne cesse de croître et de
s’étendre à tous les champs du social. Le modèle de l’entreprise
devient le modèle de référence à imiter. Il donne la mesure de
ce que doit être l’implication du sujet dans son « entreprise de
vie ». L’individu néolibéral se doit désormais d’être un « expert
de lui-même, employeur de lui-même, inventeur de lui-même,
entrepreneur de lui-même : la rationalité néolibérale pousse le
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moi à agir sur lui-même dans le sens de son propre renforce-
ment pour survivre dans la compétition20. » Ladite « culture
d’entreprise » nourrit la fiction de cet individu entrepreneur
de lui-même et définit en conséquence le nouveau modèle de
l’humain, celui de « l’entreprise de soi ». Ce concept soutient
l’idée d’une totale implication de soi, avec pour objectif la réa-
lisation de ses projets, ce que le consultant californien Bob
Aubrey (2000) formule en ces termes : « parler d’entreprise
de soi, c’est traduire l’idée que chacun peut avoir prise sur sa
vie : la conduire, la gérer, la maîtriser, en fonction de ses désirs 17 M. Foucault, « Leçon
du 28 mars 1979 »,
et de ses besoins en élaborant des stratégies adéquates21. » op. cit., p. 272.
La gouvernance néolibérale dispense ainsi une norme
18 Ibid., p. 274.
subjective nouvelle, celle d’un individu autonome et ration-
19 Ibid., p. 232.
nel, dirigeant sa propre vie à la manière dont on dirige une
entreprise. Elle produit par ce biais le sujet dont elle a besoin, 20 P. Dardot, C. Laval,
op. cit., p. 412.
car dans chaque sujet un rouage peut répondre aux besoins
de l’agencement de l’ensemble. Voilà précisément la grande 21 B. Aubrey,
L’entreprise de soi,
innovation de la technologie néolibérale, celle « […] de ratta- Paris, Flammarion,
cher directement la manière dont un homme « est gouverné » 2000, p. 13.
154 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

à la manière dont il « se gouverne » lui-même22 », si bien


qu’autour de la figure de l’entreprise, les discours s’homogé-
néisent : en saison néolibérale, le moi est « maître de sa propre
entreprise ».

De l’homo œconomicus à l’individu performatif


en environnement compétitif

La norme sociale du sujet hypermoderne s’est donc dépla-


cée. Elle diffuse désormais la fiction d’un individu autonome,
« qui se fait soi-même » : c’est la fameuse figure du « self-
made-man », directement issue de la culture de l’American
Way of Life. L’individu néolibéral travaille à son propre ren-
dement et à sa propre réalisation, et cherche à aller au-delà
de lui-même, à se dépasser toujours plus. Entièrement préci-
pité dans la compétition mondiale, il devient lui-même une
entité en compétition et cherche à travailler sur lui-même
pour se transformer et s’améliorer afin de devenir plus per-
formant et plus efficace. L’individu néolibéral n’est plus sim-
plement l’homme calculateur ou productif, comme jadis, il
est désormais un homme compétitif, adaptant et calquant sa
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subjectivité au plus près du mécanisme universel du marché :
22 P. Dardot, C. Laval,
op. cit., p. 414. la concurrence. Un nouvel ethos se dessine, une nouvelle dis-
position intérieure, de teneur guerrière23, exaltant le succès et
23 C’est d’ailleurs
précisément la la vigueur : l’éthique entrepreneuriale. La généralisation de la
métaphore guerrière compétition et l’omniprésence de la concurrence font alors de
qu’utilise le trader l’individu néolibéral un homme performatif et compétitif, qui
Jordan Belfort,
interprété par Léonardo s’arme au mieux pour survivre dans la jungle du Marché. Il
Di Caprio, dans le film devient un battant et un combattant qui doit à tout prix réussir,
de Martin Scorsese « Le et dans tous les cas sortir gagnant, jusqu’à parfois, aux fron-
loup de Wall Street »,
pour haranguer sa foule tières de la légalité, écarter voire écraser ses concurrents. La
de jeunes « loups » figure idéalisée tourne ainsi plus à l’avantage du compétiteur
avides d’argent. que de l’entrepreneur proprement dit. Le plus malin l’emporte,
24 « Greed is good ! » voire le plus fourbe, et même le plus escroc : « la cupidité est
25 A. Ehrenberg, Le bonne24 ! », affirme Gordon Gekko, le personnage du magnat
culte de la performance, de la finance, joué par Michael Douglas dans l’excellent film
Paris, Hachette,
« Pluriel », 1991.
de Oliver Stone, Wall Street, sorti en 1987.
La culture du marché prône désormais le culte de la perfor-
26 C. Lasch, La culture
du narcissisme, Paris,
mance, ce que le sociologue Alain Ehrenberg détaillait déjà
Flammarion, 2008. dans son essai publié en 199125. La culture du narcissisme26 a
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 155

elle aussi récupéré le culte de la performance pour faire de cha-


cun d’entre nous des héros des temps modernes. Baudelaire, 27 C. Baudelaire,
peintre de la vie moderne27, le constatait déjà à la fin du XIXe. « Le peintre de la vie
moderne », Œuvres
« Le héros est le vrai sujet de la modernité. Cela signifie que, complètes de Charles
pour vivre la modernité, il faut une nature héroïque28 », écrit Baudelaire, III. L’art
Walter Benjamin (1982) dépeignant la vision du poète dandy. Romantique, Paris,
Calmann Lévy, 1885,
Mais le héros moderne marche sur une crête où la réussite p. 51.
individuelle affleure l’exclusion sociale. On le sait, et on nous
28 W. Benjamin,
le signifie explicitement, le héros a son envers, le « zéro », Charles Baudelaire. Un
autrement dit le « rien29 ». Qu’importe, dit Ehrenberg (1991), poète lyrique à l’apogée
aujourd’hui, « seule compte l’action de l’individu qui ne révèle du capitalisme, Paris,
Petite Bibliothèque
que l’individu, la part en quelque sorte purement personnelle Payot, 1982, p. 108.
de l’individu quelconque, dont l’exploit est lui-même quel-
29 Allusion à
conque, ce qui signifie que n’importe quel exploit est légi- l’allocution du président
time – comme en témoigne le Livre Guinness des records30. » inaugurant la station F,
incubateur de « start
Dans le théâtre néolibéral, c’est la fiction de l’individu com-
up », en juillet 2017
pétitif et performatif qui tient le premier rôle, et c’est la figure à Paris, et relayant le
de l’entrepreneur qui incarnera le mieux la figure du héros : discours triomphant de
l’entrepreneuriat : « […]
« l’entrepreneur est érigé en modèle de vie héroïque parce
et une gare, c’est un lieu
qu’il résume un style de vie qui met au poste de commandes où on croise les gens
la prise de risques dans une société qui fait de la concurrence qui réussissent et les
gens qui sont rien […].
interindividuelle une juste compétition31. » Être performant et Ce que je suis en train
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entreprendre est à la mode : bien plus, c’est devenu la norme de dire, c’est que ce
sociale du sujet hypermoderne. En conséquence, poursuit qui nous rassemble ici
aujourd’hui c’est cet
Ehrenberg, « […] la réussite entrepreneuriale est considérée esprit entrepreneurial,
comme la voie royale de la réussite32. » cette volonté de dire
Voilà dessinés à grands traits les contours du profil subjec- “des gens ont voulu
écrire ma vie, mais je
tif de l’homme que la philosophie néolibérale entend façon- décide autrement”.
ner, et que l’on pourrait nommer autrement « l’individu utile C’est ça être
du néolibéralisme ». Foucault (1975) le repérait déjà lorsqu’il entrepreneur ! »
fait remarquer que l’auto-valorisation systématique et le 30 A. Ehrenberg,
pousse-à-l’auto-construction sont autant de dispositifs qui op. cit., p. 173.
« […] fonctionnent comme des techniques fabriquant des 31 Ibid., p. 174.
individus utiles33. » Depuis maintenant nombre d’années, le 32 Ibid.
discours social s’applique à valoriser la figure de cet indi- 33 M. Foucault,
vidu « utile », entrepreneur en autogestion, qui se construit Surveiller et punir, Paris,
et s’érige lui-même, entretenant en conséquence le fantasme Gallimard, 1975, p. 246.
de l’homme auto-construit34, comme le formule Olivier Rey 34 Olivier Rey, Une
(2006), et participant finalement activement à la construction folle solitude. Le
Fantasme de l’homme
de ce mythe social hypermoderne et de la fiction subjective autoconstruit, Paris,
lui correspondant. Seuil, 2006.
156 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

Dès lors, un questionnement s’ouvre à nous : ces nou-


velles figures identificatoires fictionnelles prônées par la
gouvernance néolibérale fabriquent-elles de nouvelles sub-
jectivités35 ? Sont-elles à mêmes d’occasionner la rencontre,
et de résonner avec notre sujet du langage ? Et finalement,
comment la fiction de cet individu idéal du néolibéralisme
pourrait-il s’accorder avec le sujet de la psychanalyse et avec
l’hypothèse de l’inconscient, à propos duquel Freud disait,
dans son Introduction à la psychanalyse en 1916, il y a main-
tenant un peu plus d’un siècle, que « le moi n’est pas maître
en sa propre demeure » ?

L’individu « indivisé » du néolibéralisme face


au sujet « divisé » de la psychanalyse

L’exercice de la psychanalyse ne saurait être pensé sans le


contexte historique et culturel de son époque, ni sans son
malaise qui s’invite et s’allonge toujours sur le divan avec le
patient. Le sujet du langage s’habille ainsi toujours avec le
discours de son temps et, dès lors, la psychanalyse est « affaire
de singularité, de rencontre mais aussi de politique36 »,
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comme le rappelle Pierre Bruno (2010). L’expérience de la
pratique clinique d’orientation psychanalytique nous confère
par conséquent une certaine légitimité quant à supposer de
35 C’est ce riche débat
sur la « fabrique des possibles incidences de la diffusion de cette fiction sur la sub-
subjectivités en régime jectivité. En effet, la clinique du sujet nous indique que l’indi-
néolibéral » qui nous a vidu n’est nullement « autoconstruit », mais qu’à l’inverse,
animé lors d’un grand
colloque organisé les
le sujet – du langage et de l’inconscient – est de structure un
14 et 15 avril 2016, à sujet du social, traversé de but en blanc par l’Autre, autrement
l’Université Louvain- dit habité par le lieu du langage. En réintroduisant l’altérité
La-Neuve en Belgique.
Les actes du colloque
et l’expérience intersubjective comme fondatrice de l’être
« The production of du sujet, la psychanalyse pourrait finalement être à même de
subjectivity under neo- dévoiler un impensé majeur du néolibéralisme, et certaine-
liberal governance »
sont à paraître
ment une impasse. En posant un regard sur le sujet qui soit,
prochainement in PUL dans un même mouvement, un regard clinique, un regard poli-
(Presses Universitaires tique, mais aussi un regard poétique, elle se propose de mettre
de Louvain).
au jour les limites des nouvelles normes subjectives que dif-
36 P. Bruno, Manifeste fusent le champ d’action néolibéral.
pour la psychanalyse,
Paris, La Fabrique
Posons notre postulat d’emblée : l’ensemble des pré-
éditions, 2010, p. 100. supposés de la philosophie néolibérale – l’individualisme,
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 157

l’autonomie, l’entreprise de soi – rencontre une inévitable


butée que la clinique psychanalytique pourrait venir mettre au
jour. Premièrement, la subjectivité, telle que la psychanalyse
la soutient, renvoie à l’idée de soumission et de dépendance,
ou plus précisément d’assujettissement ou de sujétion : celle
des Lois du langage. Elle ne saurait être du même ressort que
celle que soutient la fiction de l’individu néolibéral, et qui ren-
voie pour sa part à l’idée d’autonomie. Étymologiquement,
le sujet est un emprunt au latin subjectus, qui signifie « sou-
mis » ou « assujetti37 ». Dans le champ psychanalytique, il
y a une surdétermination du sujet à la structure du langage.
Quand on parle de subjectivité et de sujet, on parle du sujet
de l’inconscient ou du sujet du langage, autrement dit d’un
sujet qui est assujetti aux Lois du langage et aux effets de
l’inconscient. On dit de lui qu’il est un sujet barré, ou divisé
par le langage (S). De même, comme l’indique Alain Rey 37 A. Rey, Dictionnaire
(2012), le terme sujet est le « participe passé passif de subji- historique de la langue
cere “placer dessous”, “amener à proximité de”, “soumettre, française, t. 3, op. cit.,
p. 3518.
subordonner”38. » Le sujet traversé par le langage est divisé
face à l’objet petit a, l’objet qui cause son désir et, finalement, 38 Ibid.
il est tout autant séparé qu’aliéné à l’Autre. Il est ainsi marqué 39 Nous renvoyons ici
par une « position inférieure » (sub-), subordonné et maintenu lecteur à notre article
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paru dans la revue

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« dans la soumission » au langage, et « esclave » de la chaîne Agora et proposant
signifiante. une nouvelle lecture du
Or, le sujet, tel que considéré par le néolibéralisme, est discours capitaliste à
l’ère du néolibéralisme
un individu qui, précisément, n’est ni aliéné ni soumis à un globalisé : J. Clément,
maître. Il est au contraire lui-même maître de son destin. Il est “The discourse of
la figure de proue de son existence, propriétaire de lui-même, neoliberalism” as a
new reading of the
« maître de sa propre entreprise » et « consomm-acteur », capitalist’s discourse.
en place d’agent dans le mathème du discours du capitaliste Ágora : Estudos em
introduit par Jacques Lacan en mai 1972, à Milan39. La fic- Teoria Psicanalitica,
XXII, (2019).
tion néolibérale ne l’inscrit nullement dans la division : à l’in-
40 A. Rey, Dictionnaire
verse, elle le renvoie à « l’indivision ». L’étymologie du terme
historique de la langue
individu provient du « latin individuum qui en latin clas- française, t. 2, op. cit.,
sique (Cicéron) traduit le grec atomos “atome”, littéralement p. 1709.
“qu’on ne peut couper”40. » En latin médiéval, précise Alain 41 Ibid.
Rey (2012), il désigne « ce qui est indivisible41. » L’individu 42 C. Soler, « Les droits
correspond donc à une unité distincte, qu’on ne peut diviser du sujet », Letterina
ni partager, et dans un contexte néolibéral, il n’est, en fin n° 10, Bulletin de
l’Association Cause
de compte, soulève Colette Soler (1995), rien d’autre qu’un Freudienne-Normandie,
« sujet complété de son plus-de-jouir42. » mars 1995, p. 6.
158 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

Dès lors, on le saisit bien, une contradiction indépassable


se dévoile : la latitude de l’individu s’oppose à la causalité
du sujet. Apportons tout de même une nuance à notre pro-
pos. Cette latitude, nous soutenons évidemment qu’elle est
relative, puisque l’Autre social subsiste malgré tout à l’ère
néolibérale, cependant qu’il s’atrophie en termes de représen-
tation signifiante et symbolique, autrement dit en termes de
lieu d’adresse viable pour le sujet. Dans le discours de l’Autre
social actuel, les lieux à même de soutenir la division du
sujet se font en effet rares. La fiction de l’individu néolibéral
est traversée par un idéal d’autonomie, de type rationnel et
calculateur. L’individu y est absolument distinct des autres,
unité indivisible, dans une foule fragmentée et atomisée.
Plus encore, elle lui prescrit quel homme ou quelle femme
il doit être, « l’individu réussi43 » qu’il doit devenir. Le statut
de l’individu autonomique – autonome et atomique – tient au
fait d’être tenu, en permanence et en solitaire, par l’insatiable
« soif du manque-à-jouir44 » capitaliste, et l’idéal de l’individu
néolibéral a finalement pour effet de résorber voire d’abo-
43 M-J. Sauret,
lir toujours plus la division constitutive du sujet parlant. Et
Psychanalyse et puisque la fin néolibérale justifie les moyens de plus-de-jouir,
politique, Huit questions chaque Un suivra son régime de jouissances particulières,
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de la psychanalyse au
politique, Toulouse,
autrement dit celles que le marché lui mettra à disposition.
Presses Universitaires
du Mirail, collection
« Psychanalyse & »,
2005, p. 33.
L’individu autonome face au sujet « Autronome »
44 J. Lacan,
« Radiophonie », Autre point, si l’individu néolibéral est supposé être un
Jacques Lacan. Autres homme libre, responsable de ses actes et autonome, le sujet
écrits, Paris, Seuil, de la psychanalyse est lui spécifiquement, structurellement
2001, p. 435. « […]
ce sera une occasion et symptomatiquement hétéronome – disons « Autronome ».
d’observer que ceci Nous décidons ici d’employer préférentiellement le terme
n’infléchit nullement néologique Autronome plutôt qu’hétéronome, car l’hétérono-
l’implacable discours
qui en se complétant mie désigne quelque chose qui provient uniquement de l’exté-
de l’idéologie de la rieur du sujet. Or, si le sujet se constitue avec l’Autre, il n’en
lutte des classes, reste pas moins acteur aussi et engage une part de son être
induit seulement les
exploités à rivaliser dans sa constitution subjective. Cette dernière est toujours
sur l’exploitation de traversée d’un double mouvement, à l’interface entre l’indi-
principe, pour en abriter viduel et le collectif.
leur participation patente
à la soif du manque-à- Si l’hyper-individualisme contemporain prôné par la
jouir. » gouvernance néolibérale « nourrit la croyance et le culte de
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 159

l’autonomie de l’individu, et la possibilité de son dépassement


de l’Autre, dans une adéquation à son propre mode de vie et
à son propre mode de jouissance45 », la clinique psychanaly-
tique du sujet, et notamment avec l’expérience du transfert,
indique quant à elle une tout autre voie, laquelle permet de
dévoiler certains impensés propres à la norme du sujet voulue
par la philosophie politique néolibérale. Loin d’être un indi-
vidu autonome, le sujet se construit avec et à partir de l’Autre,
et se révèle en réalité foncièrement et strictement Autronome.
« L’homme devient toujours autre. L’homme est l’animal qui
diffère continuellement de lui-même46 », écrit Georges Bataille
(1988) en commentant Hegel. Si l’individu-type dispensé par
le néolibéralisme se revendique autonome, la clinique du sujet
nous enseigne bien au contraire qu’il ne cesse pas d’être un
sujet Autronome, soit un sujet qui est effet de l’Autre – qui
cependant n’existe pas. L’expérience du transfert le montre
puisqu’elle a trait à ce que soutiennent conflits symboliques
et fixations imaginaires, et à ce qu’ils mettent en « je ». Ainsi,
un individu, fut-il néolibéral, autonome, homo-œconomicus
ou entrepreneur de lui-même, n’est pas l’Un sans l’Autre. Car
cet Autre du langage lui préexiste, avant même sa naissance,
et lui subsiste corps et âme ; il lui donne le sentiment même
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de son « ex-istence », comme Lacan aimait souvent à le dire. 45 J. Clément,
« Le néolibéralisme
Face à la fiction néolibérale de l’individu autonome et entre- à l’horizon de ses
preneur de lui-même, le sujet « Autronome » de la psychana- limites », Sygnes, revue
lyse vient donc faire impasse. En 1966, dans les Écrits, Lacan de psychanalyse en
ligne du CIAP, n° 1,
signale que « […] notre voie est l’expérience intersubjective 2016, p. 82.
où le désir se fait reconnaître47 » : la psychanalyse défend
46 G. Bataille, Œuvres
l’idée que la subjectivité ne se façonne que dans l’intersubjec- complètes, t. XII, Paris,
tivité. L’inconscient dont elle fait l’hypothèse, soit cet insu qui Gallimard, 1988, p. 363.
s’exprime par-delà le sujet ou l’individu, « soit l’insistance 47 J. Lacan, « Fonction
dont se manifeste le désir48 » dira Lacan, nous ouvre la voie de et champ de la parole
et du langage en
ce qui constitue une irréductibilité fondamentale, à savoir que
psychanalyse », Écrits,
le sujet ne peut être pensé ni envisagé sans l’Autre. Réel sup- Paris, Seuil, 1966,
posé, inféré à partir de ses effets, Freud situe l’inconscient sur p. 279.
une autre scène, « hors-soi ». Obéissant au principe de plaisir, 48 J. Lacan, Télévision,
l’inconscient est alors le lieu de la vérité et « permet de situer Paris, Seuil, 1973, p. 19.
le désir49 », ce qui, pour Lacan, sera le premier pas de Freud. 49 J. Lacan, L’envers
Voilà bien le scandale qui traverse le champ psychanalytique, de la psychanalyse,
Le Séminaire Livre XVII
celui de dévoiler et de soutenir que l’homme n’est pas maître (1969-1970), Paris,
dans sa propre demeure, et d’infliger dès lors une nouvelle Seuil, 1991, p. 50.
160 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

fois à l’humanité une blessure narcissique. En donnant toute


sa place à un savoir inconscient, qui ne cesse d’échapper à
l’homme et demeure dans l’ombre, un savoir transcendant au
sujet donc, la psychanalyse décentre l’homme de sa position
toute-puissante dans laquelle il siège de toujours : elle pré-
sente en conséquence toutes les difficultés à s’accorder avec
la philosophie néolibérale actuelle qui soutient, comme le
50 F. Hayek, La Route
soutient Hayek dans La route de la servitude, que « les fins de
de la servitude, op. cit., l’individu doivent être toutes-puissantes50. »
p. 42.
51 Interview donnée au
Sunday Times le 7 mai
1988.
Conclusion
52 Le numéro du
journal « L’étudiant « The object is to change the soul51 », affirme avec conviction
autonome » de Margaret Thatcher lors d’une interview donnée en mai 1988.
décembre 2014 titrait Autrement dit, « l’objectif est de changer l’âme, l’état d’es-
par exemple : Auto-
entrepreneur de A à prit », tandis que c’est l’économie qui se révèle être la méthode
R. LE prochain Mark pour ce faire : « Economics are the method », ajoutera-t-elle.
Zuckerberg… C’est toi ! Un peu plus de trente années plus tard, la gouvernance néoli-
Par ailleurs, le statut
d’étudiant entrepreneur bérale relaye à l’excès ce nouvel « état d’esprit », ce modèle
est désormais en général à imiter, cette norme subjective nouvelle, et ce jusque
vigueur depuis chez les enfants, les adolescents ou les étudiants52. L’État est
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septembre 2014.
désormais nouvellement en charge d’instruire et d’éduquer
53 Dans ce parc, au Marché. Déjà, plusieurs auteurs comme Friedrich Hayek,
destiné aux enfants
âgés de 4 à 14 ans, Ludwig Von Mises ou encore Milton Friedman, popularisant
a lieu un véritable leurs thèses pour toucher l’opinion publique, l’eurent bien
apprentissage du saisi : la lutte et la conquête idéologique du Marché devra
libéralisme. La
motivation première passer par une propagande et une éducation de tous les ins-
y est de gagner tants. À la construction de la « spontanéité du Marché » et à
des KidZanios, qui l’application extensive de la rationalité économique s’ajoute
permettront de donner
du pouvoir d’achat et en effet pour l’État le rôle d’initiateur idéologique et de pro-
de consommer sur le pagandiste, comme c’est le cas par exemple dans ce parc d’at-
site par la suite, des traction capitaliste pour enfants, KidZania, ouvert en 2000 à
grandes marques qui
existent déjà dans la Londres, et qui devrait ouvrir prochainement une succursale
« vraie vie ». KidZania, à Paris53.
sorte de mini-nation Nombre de stratégies sont ainsi mises en place de manière
néolibérale, permet
d’initier et d’éduquer à former la population à la société de consommation et aux
les enfants à la société « bienfaits » du néolibéralisme. Plus encore, nous l’avons
de consommation et vu, la norme sociale du sujet hypermoderne se déplace : la
d’ainsi ancrer l’idéologie
capitaliste dès le plus
fiction de l’individu néolibéral est celle d’un homme auto-
jeune âge chez eux. nome et performatif, entrepreneur de lui-même, un homme
La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral 161

qui travaille à son propre rendement et à sa propre réalisation,


et qui cherche à aller au-delà de lui-même, à se dépasser tou-
jours plus. L’hyper-individualisme triomphant fait désormais
de l’entreprise de soi le nouveau modèle de l’humain, au sein
duquel le « moi est maître de sa propre entreprise ». Comme
le soulève Dardot et Laval (2009), l’individu néolibéral est
devenu en fin de compte le produit d’un discours qui « a rap-
proché jusqu’à la fusion les énoncés psychologiques et les
énoncés économiques54. »
Pour autant, peut-on décemment, comme y invitait Lacan,
« rejoindre la subjectivité d’une époque », lorsque celle-ci se
trouve systématiquement produite et calquée sur le modèle de
l’entreprise ? Si le sujet voit aujourd’hui ordinairement son
désir aliéné aux exigences du marché, « trompé » et ravalé sur
un besoin immédiatement satisfaisable, la structure de sa réa-
lité psychique nous permet néanmoins une lecture qui défie le
maître capitaliste et interroge la fiction de l’individu néolibé-
ral. En effet, l’expérience subjective nous vient d’un désir qui,
premièrement, « se produit dans l’au-delà de la demande55 »
et qui, secondement, est « un rapport d’être à manque. Ce
manque est manque d’être à proprement parler. Ce n’est pas
manque de ceci, ou de cela, mais manque d’être par quoi l’être
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existe56. » Voilà bien deux programmes qui s’opposent radica-
lement : celui de la psychanalyse qui vient instituer le manque
(au travers de la relation d’objet) et celui de la rationalité néo-
libérale qui projette au contraire de le destituer.
La fiction néolibérale de l’individu autonome entrepre-
neur de lui-même s’oppose ainsi à la lecture psychanalytique
54 P. Dardot, C. Laval,
du sujet, puisqu’elle fait l’impasse sur l’aliénation au lan- op. cit., p. 438.
gage propre à la subjectivité humaine. Le sujet est divisé et
55 J. Lacan, « La
Autronome : son discours, son langage, le déploiement de sa direction de la cure »,
parole se constituent toujours à partir du lieu de l’Autre. La Écrits, op. cit., p. 629.
fabrique de l’individu néolibéral est immédiatement contra- 56 J. Lacan, Le moi
riée par le sujet de l’inconscient et échoue. Pour autant, force dans la théorie de Freud
et dans la technique
est de constater qu’elle le met au-devant d’une « précarité de la psychanalyse, Le
subjective » grandissante. En sollicitant « la soif du manque- Séminaire Livre II
à-jouir », d’après l’expression de Lacan, et en captant un (1954-1955), Paris,
Seuil, 1978, p. 261.
« gain de plaisir », pour employer les mots de Freud, le capi-
talisme épuise le manque-à-être et la demande d’amour du 57 P. Bruno, « L’anti-
capitalisme féminin »,
sujet. « À consommer sans mérite son a, le sujet se consume Hétérité, 1, mai 2001,
sans gloire57 », avance Pierre Bruno (2001) : la société de p. 17.
162 La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral

consommation de l’objet entraînerait-elle progressivement


une société de consumation du sujet ?
Au cœur de la Cité néolibérale, de nouvelles perspectives
semblent s’ouvrir pour la psychanalyse, et peut-être davan-
tage, une véritable fonction, celle d’occasionner une piqure
de rappel, en rappelant certains invariants propres à la condi-
tion humaine. Plutôt que de s’occuper à « vendre son auto-
nomie » à l’individu, ainsi qu’est affairé le néolibéralisme, la
psychanalyse se consacre au contraire à le « rendre à son hété-
ronomie » – à son Autronomie. Car c’est aussi cela le geste du
psychanalyste qui n’écoute pas, il ne faut pas s’y tromper, un
seul individu, ni même un seul sujet, mais bien davantage :
une myriade d’autres.

Références Ouvrages :
Aubrey B. (2000) L’entreprise de soi, Flammarion, Paris.
Audier S. (2012) Le colloque Lippmann. Aux origines du « néo-libéra-
lisme », Le Bord de L’eau, Paris.
Bataille G. (1988) Œuvres complètes, t. XII, Gallimard, Paris.
Baudelaire C. (1885) « Le peintre de la vie moderne », Œuvres complètes
de Charles Baudelaire, III. L’art Romantique, Calmann Lévy, Paris.
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Benjamin W. (1982) Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du
capitalisme, Petite Bibliothèque Payot, Paris.
Bruno P. (2010) Manifeste pour la psychanalyse, La Fabrique éditions,
Paris, 2010.
Dardot P. et Laval C. (2009) La nouvelle raison du monde. Essai sur la
société néolibérale, La Découverte, Paris.
Dumont L. (1983) Essais sur l’individualisme, Édition du Seuil, Paris.
Ehrenberg A. (1991) Le culte de la performance, Hachette, « Pluriel »,
Paris.
Foucault M. (2004) Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de
France 1978-1979, Gallimard-Seuil, Paris.
Foucault M. (1975) Surveiller et punir, Gallimard, Paris.
Freud S. (1971) Malaise dans la civilisation [1930], PUF, Paris.
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Cause Freudienne-Normandie, n° 10.

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