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Vincent Estellon
Dans Psychotropes 2016/3 (Vol. 22), pages 29 à 46
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-2092
ISBN 9782807390492
DOI 10.3917/psyt.223.0029
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–– Dans le premier cas, il s’agit d’une masturbation qui repose sur l’ac
tivité fantasmatique : une situation rencontrée dans la réalité exté
rieure a pu être excitante, mais sous l’effet du refoulement, la tension
sexuelle vers l’objet excitant n’a pu être assouvie. Si le manque crée
le désir, l’activité masturbatoire peut se charger de reproduire la
scène et d’en aménager le destin grâce aux ressources de l’activité
hallucinatoire fantasmatique. Dans ce cas, l’objet du fantasme est
puisé dans la mémoire du sujet tandis que le plaisir auto-érotique
masturbatoire est soutenu par une mise en scène intérieure. On peut
considérer ce théâtre privé accueillant le fantasme comme « pro
ducteur » de cette activité. La scène excitante, qui a rendu le sujet
« passif » en le débordant d’excitation, est remise au travail : une
présence est hallucinée sur fond d’absence. Ce fonctionnement
auto-érotique « bien tempéré », en construisant une aire d’illusion,
donne une possibilité de jeu entre présence et absence, apparition et
disparition, vie et mort, activité et passivité.
–– Dans le second cas, il s’agit d’une masturbation assistée : l’autosti
mulation corporelle s’appuie non plus sur le théâtre intérieur pour
soutenir l’excitation, mais sur un stimulus excitant externe (pré
sence en personne, vision et/ou audition virtuelle d’un partenaire
érotique). Le rôle de la perception est ici déterminant sur la possibi
lité même de « réussir sa masturbation ». Les composantes voyeu
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Le sujet en quête d’un objet « bon », installe l’objet addictif comme solu
tion magique de survie afin de donner sens à la vie. Pour elle, la solution
addictive correspond à une mauvaise maturation des objets et des phéno
mènes transitionnels. Si ces derniers, en tant qu’ils sont imaginairement
dotés des qualités de la présence maternelle, sont en voie d’introjection
puis d’identification, les objets d’addiction sont transitoires, toujours
dehors, toujours à recréer. Dans l’illusion de contrôle omnipotent de son
objet addictif, le sujet s’enferme dans la croyance que ce dernier ne lui
fera jamais défaut. Dans la sexualité addictive, la décharge sexuelle est
en effet mobilisable de façon permanente a minima par la voie mastur
batoire. Utilisés compulsivement pour fuir les moments de stress, l’acte
sexuel et la fonction de décharge sont ici plus investis que le partenaire
lui-même. Il s’agit bien souvent de lutter contre le sentiment subjec
tif de perte de son identité sexuelle. Chez certains sex-addicts, le ou la
partenaire est souvent consommé(e), littéralement « pris(e) » à la place
d’un tranquillisant ou même d’un somnifère. Et le changement incessant
de partenaires est à entendre comme une « protection contre la prise de
conscience des désirs castrateurs et de peurs inconscientes associés au
partenaire. […] La peur d’être possédé et blessé par l’autre n’a pour égal
que la peur inconsciente d’imploser dans le partenaire et de le blesser, ou
de perdre son identité individuelle dans la fusion avec l’autre. »
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La désaffectation
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