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PETITE HISTOIRE CONCEPTUELLE DE L’HOMOSEXUALITÉ

Sylvain Tousseul

Érès | « Psychologie clinique et projective »

2016/1 n° 22 | pages 47 à 68
ISSN 1265-5449
ISBN 9782749253527
DOI 10.3917/pcp.022.0047
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2016-1-page-47.htm
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Petite histoire conceptuelle


de l’homosexualité
Sylvain Tousseul

Le concept d’homosexualité est apparu au XIXe siècle en littérature et a


été rapidement repris par la psychiatrie et la psychanalyse pour en faire une
maladie mentale jusqu’en 1973, date à laquelle l’homosexualité sort de la
nosographie psychiatrique américaine et n’est donc plus considérée comme
une pathologie. Cet article se propose de retracer succinctement l’histoire
conceptuelle de l’homosexualité afin de comprendre pourquoi le concept a
été inventé, pourquoi la sexualité qu’il désigne est devenue une maladie
mentale et enfin pourquoi elle ne l’a plus été ensuite. Précisons qu’il ne
consistera guère à étudier la pathologisation de l’homosexualité, que ce soit
sous sa forme métapsychologique ou topique, ni à distinguer les processus
psychiques de l’homosexualité masculine et de l’homosexualité féminine,
ni à étudier l’égodystonie, c’est-à-dire le mal-être de la personne qui vit
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cette orientation sexuelle comme ne correspondant pas à l’image qu’elle se
fait d’elle-même, ni la récurrence avec laquelle l’orientation sexuelle est
empruntée par le patient pour déterminer son caractère pathologique ou
non, car en dépit du fait que l’article puisse parfois évoquer ces différents
points, son objet tient beaucoup plus à déterminer les raisons pour
lesquelles la psychopathologie a été homophobe. Il ne s’agira donc pas tant
de détailler les multiples manières dont l’homosexualité a été pathologisée,
mais plutôt de comprendre la moralisation de la psychopathologie sur la
question de l’homosexualité.

Sylvain Tousseul, docteur en psychopathologie, docteur en philosophie. Chargé de cours et chercheur associé
au Centre de recherches psychanalyse, médecine et sociétés, université Paris-Diderot, Sorbonne Paris-Cité.
Psychologue clinicien, psychothérapeute, psychanalyste, hôpital de jour, institut Paul Sivadon, service de
Psychiatrie et d’addictologie, association l’Élan retrouvé. sylvain.tousseul@hotmail.fr

Psychologie clinique et projective, volume 22 – 2016, p. 47-68.


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POURQUOI LE CONCEPT D’HOMOSEXUALITÉ A-T-IL ÉTÉ INVENTÉ ?

Homosexualité et morale
Il est intéressant de noter que le concept d’homosexualité fait son appa-
rition non pas pour stigmatiser un comportement sexuel qui serait mora-
lement répréhensible, mais au contraire pour le défendre contre les
répréhensions dont il commence à faire l’objet. C’est ainsi que le juriste
allemand Karl Heinrich Ulrichs invente de nouveaux termes et de nouvelles
théories sexuelles en 1864 pour défendre l’amour entre hommes (Kennedy,
1988). Il appelle « uraniens » les hommes qui aiment les hommes et
explique ce désir en développant l’idée qu’ils ont un corps d’homme avec
une attirance sexuelle féminine envers les autres hommes. Selon l’auteur,
on peut donc avoir un corps d’homme et être habité par un amour sexuel
féminin, et réciproquement, de sorte que le désir sexuel est toujours dirigé
vers la personne de l’autre sexe. Or, si le désir sexuel est toujours dirigé vers
l’autre sexe, il est toujours naturel et ne peut donc pas être condamné par
les lois interdisant la « fornication contre nature ». On constate ainsi que
le concept d’uranien contient en germe celui d’homosexuel, lequel sera
inventé quelques années plus tard par l’écrivain hongrois Karl Maria
Kertbeny ou Benkert de son vrai nom. Il utilisa le terme d’homosexuel pour
la première fois dans une lettre datée du 6 mai 1868 (Herzer, 1987) qu’il
adresse justement à son ami Ulrichs. C’est également dans cette lettre que
Kertbeny invente le terme d’hétérosexuel pour désigner les personnes qui
ont des relations sexuelles avec l’autre sexe que le leur, et beaucoup d’autres
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qui ne sont plus usités.
L’ensemble des termes lui permettait de prendre une position théorique
bien différente de celle que son ami juriste défendait, comme en témoigne
le tract de 1869 qu’il diffuse pour contester l’adoption de la loi contre « la
fornication non naturelle » en Allemagne (Feray & Herzer, 1990). C’est
dans ce tract qui est d’abord paru anonymement que le terme d’homo-
sexualité apparaît pour la première fois. En attribuant ainsi des noms à
chacune des sexualités, Kertbeny multiplie la liste des comportements
sexuels possibles, et soutient l’idée que tous sont susceptibles d’être
pratiqués par des personnes ayant une sexualité normale. Autrement dit,
c’est parce qu’une personne ne peut pas satisfaire sa sexualité normalement
qu’elle va s’adapter à la situation dans laquelle elle se trouve, en se dirigeant
soit vers une personne du même sexe, soit vers l’animal qui sera présent à

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ce moment là, ou encore avec sa propre main si elle est seule. En


condamnant tous ces comportements sexuels, on condamnerait donc une
sexualité qui n’a pas pu s’exprimer normalement. Cette position est tout à
fait novatrice à l’époque et deux remarques essentielles s’imposent pour la
comprendre pleinement. La première est que Kertbeny tend à faire passer
la notion de normalité vers son caractère quantitatif et non plus vers son
caractère qualitatif. Car, ce n’est plus la nature de l’acte sexuel qui est déter-
minante pour le qualifier, mais la majorité de ceux que nous avons.
Ce passage du qualitatif au quantitatif en matière de norme sexuelle
nous conduit à la seconde remarque, celle qui consiste à souligner le passage
de la sexualité normale à l’hétérosexualité. Il est en effet important de
préciser qu’à l’époque, les deux ne se confondaient pas puisque la mastur-
bation, la fellation ou encore la sodomie, constituent des pratiques sexuelles
qui sont susceptibles d’être réalisées de manière hétérosexuelle et qu’elles
sont toutes sévèrement condamnées. Seule la pénétration pénis-vagin
constitue un comportement sexuel normal parce qu’il est le seul à conduire
à la procréation. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’hétérosexualité
était donc considérée à ses débuts comme une sexualité déviante parce
qu’elle recouvrait des pratiques sexuelles non procréatives. Toutefois,
Kertbeny se détachait des considérations morales de ses contemporains
puisqu’il considérait que les humains ayant une sexualité normale prati-
quent « le coït soi-disant naturel [procréateur], aussi bien que le coït contre
nature [non procréateur (fellation et sodomie)]. Ils sont également capables
de se livrer à des excès entre personnes du même sexe. En outre, les
personnes ayant une sexualité normale ne sont pas moins susceptibles de
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se souiller elles-mêmes [masturbation] si les occasions se font trop rares de © Érès | Téléchargé le 07/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.75.211.152)
satisfaire leurs pulsions sexuelles. Ils sont aussi enclins aux violences sexuelles
masculines, surtout sur des mineures […] ; à se permettre l’inceste, à
s’adonner à la bestialité […] ; et même à se livrer à des actes dépravés sur
des cadavres, si leurs principes moraux ne l’emportent pas sur leur désir
sexuel » (Kertbeny cité par Katz, 1996/2001, p. 57-58).

Homosexualité et psychiatrie
Cette hiérarchie des sexualités que Kertbeny présente, part de l’acte
sexuel considéré comme normal à celui qui est censé être le plus répugnant.
Or, dans cette hiérarchie, il est important de souligner la place qu’occupe
l’homosexualité, car il s’agit en effet d’une forme de sexualité qui connait

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l’opprobre depuis peu, et bien qu’elle soit considérée comme plus odieuse
que le coït contre nature entre un homme et une femme, elle intervient
juste après, c’est-à-dire que l’homosexualité est plus tolérée que la mastur-
bation par exemple, ce qu’il nous faudra expliquer par après. Il convient
aussi de souligner un autre point essentiel à propos de cette hiérarchie des
sexualités, c’est que la place de chacune d’elles est relative à des considéra-
tions morales, mais ne dépend en aucun cas de considérations psychia-
triques. Personne à l’époque n’a encore l’idée de lutter contre une sexualité
sous prétexte qu’elle relèverait de la maladie mentale, pour la bonne raison
que la psychiatrie vient à peine de naître et qu’elle s’organise d’abord autour
de son objet d’étude principal : la folie. Il faut attendre quelques décennies
pour que la psychiatrie s’intéresse également à la sexualité. Le psychiatre
austro-hongrois Krafft-Ebing (1886/1963) reprend en effet les concepts de
Kertbeny afin de préciser la sexualité qu’il convient d’avoir et toutes celles
dont la pratique relèverait de la folie, telle que l’homosexualité. Encore de
nos jours, toutes les sexualités déviantes telles que le frotteurisme, le voyeu-
risme, l’exhibitionnisme, le sadomasochisme, la pédophilie, la zoophilie,
etc. sont considérées par la psychiatrie américaine et internationale comme
des maladies mentales (APA, 2015 ; OMS, 1992), à ceci près que l’homo-
sexualité est sortie de la liste en 1973 aux États-Unis (APA, 1973) et en 1992
à l’international (OMS, 1992). De même que l’on ne parle plus de sexualités
perverses pour les autres, mais de paraphilies, ce qui permet d’éviter les
connotations morales dans le discours médical (Diederik, 2014).
L’homosexualité est donc un concept qui naît au milieu du XIXe siècle,
dans un contexte de condamnation morale croissante, puis entre en
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psychiatrie à la fin du même siècle pour désigner une maladie mentale et
en sort au siècle suivant. Mais pourquoi à partir du XIXe siècle, une lutte
contre l’homosexualité apparaît-elle nécessaire alors qu’elle est plus tolérée
que la masturbation ? Pour répondre à cette question, il convient d’évoquer
la manière dont l’homosexualité s’inscrit dans l’histoire des sexualités inter-
dites. En effet, depuis que les Romains ont converti les peuples occidentaux
au christianisme, une seule forme de sexualité s’est imposée et a remplacé
toutes celles qui existaient, il s’agit du coït pénis-vagin. Celui-ci doit s’ef-
fectuer exclusivement dans le cadre du mariage, et viser la procréation afin
de permettre la construction d’une famille patriarcale à la romaine
(Godelier, 2004/2010, p. 446). À partir des IVe et Ve siècles, toutes les
autres formes de sexualités sont donc perçues comme dangereuses par les
occidentaux puisqu’elles menacent la construction de la famille, et celles

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qui représentent le plus grand danger sont celles que le couple peut avoir
sans viser la procréation, c’est-à-dire la fellation et surtout la sodomie. C’est
pourquoi ces pratiques sexuelles sont les plus condamnées par le christia-
nisme (Lever, 1996). À partir de la Révolution française et l’avènement des
démocraties, c’est la masturbation qui devient le grand danger, car la repro-
duction de la population repose entièrement sur le bon vouloir du peuple
(Laqueur, 2003/2005, p. 273). Or, si les citoyens ne sont plus contraints
de se marier ni d’avoir des enfants, ils pourraient satisfaire leurs pulsions
sexuelles eux-mêmes sans s’accoupler.
De la fin du XVIIIe siècle à la fin du XIXe, c’est donc la masturbation qui
est la pratique sexuelle la plus réprimée, puis constatant que les citoyens
continuent de s’accoupler, le danger apparait alors du côté des accouple-
ments qui ne sont pas reproductifs, c’est-à-dire les accouplements homo-
sexuels. L’homosexualité devient en effet la pratique sexuelle qui incarne le
plus grand danger face à une natalité en berne, notamment après la défaite
de Sedan en 1870 (Foucault, 1976/1999, p. 156-157), si bien qu’elle va
prendre la place de la masturbation dans la hiérarchie des sexualités à
réprimer, dès la fin du XIXe siècle. Sodomie, masturbation et homosexualité
sont ainsi les sexualités qui incarnent successivement une menace pour la
reproduction sociale et démographique. Mais pourquoi l’homosexualité
est-elle devenue une maladie mentale à la fin du XIXe siècle ?

POURQUOI L’HOMOSEXUALITÉ ENTRE-T-ELLE


DANS LES MALADIES MENTALES ?
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L’homosexualité vue par la médecine légale et la psychiatrie © Érès | Téléchargé le 07/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.75.211.152)

Pour répondre à la question, il convient de reprendre le contexte social


dans lequel l’homosexualité apparaît. Comme nous venons de le préciser,
son inscription dans l’histoire des sexualités interdites arrive tardivement,
en ce sens que la sodomie et la masturbation la précèdent. Rappelons que
la sodomie est condamnée par la morale chrétienne parce qu’elle est censée
représenter une menace pour la constitution de la famille patriarcale, puis
avec l’avènement des régimes démocratiques, c’est la masturbation qui est
perçue comme une menace (Stengers & Van Neck, 1984/1998) parce que
les citoyens sont libres de ne pas s’accoupler. Mais dans le passage d’une
condamnation à l’autre, une question fondamentale reste en suspens :
comment justifier la répression de la masturbation sans invoquer la morale

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chrétienne ? Car en passant à un régime démocratique, l’organisation sociale


et politique ne se fonde plus sur la religion. Il est donc nécessaire pour les
nouvelles démocraties de trouver des raisons qui permettent de justifier la
répression des sexualités indésirables et notamment de la masturbation. Ces
raisons vont être trouvées dans les sciences, car à partir du siècle des
Lumières, ce sont elles qui vont prendre la place de la religion et ce sont sur
elles que les nouvelles organisations sociales et politiques vont désormais se
fonder (Weber, 1959/1995, p. 120-121). À partir de la fin du XVIIIe siècle,
on passe de la croyance en Dieu à la croyance en la raison (Kant, 1784/1991,
p. 43-51) et en un progrès des sciences (Comte, 1830/2009, p. 4 et sq.). Il
n’est donc plus question de réprimer une sexualité en s’appuyant sur des
considérations religieuses, mais en s’appuyant sur des considérations scien-
tifiques. Voilà comment le curé qui était chargé de prêcher la morale chré-
tienne en disant la conduite à tenir et celle qu’il faut réprimer, se voit
remplacé par le médecin qui prêche pareillement la conduite saine et celle
qui rendrait malade (Foucault, 1974/1999, p. 171).
Dès le milieu du XVIIIe siècle, des médecins vont donc commencer à
prescrire les conduites sexuelles qu’il faut tenir et surtout celles qu’il faut
réprimer, comme la masturbation, parce qu’elle provoquerait une cécité,
ou encore la perte de l’ouïe, et même des maladies mortelles (Tissot,
1761/1998). Lorsque la dissuasion médicale n’était pas suffisante, le
médecin pratiquait l’excision du clitoris pour la femme ou l’anneau de fer
chez l’homme afin de fermer son prépuce, ou bien encore, il posait une
ceinture de chasteté, l’ensemble pouvant être appliqué aux enfants dès l’âge
de 5 ans. Certains médecins vont jusqu’à préconiser l’emprisonnement de
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l’enfant ou sa torture publique entraînant éventuellement sa mort, car
d’après eux, il est préférable de mourir à 5 ans plutôt que de vivre une vie
de criminel (Humbert & Palazzolo, 2009, p. 33-52). Dans cette condam-
nation excessive, on remarque comment le pouvoir médical hérite direc-
tement du pouvoir royal et clérical qui peut faire emprisonner des sujets et
exécuter sur eux des supplices publics.
La psychiatrie entrera d’ailleurs dans le code napoléon (Foucault,
1973/2003, p. 97-98), mais elle était encore balbutiante au début du
XIXe siècle, si bien qu’elle n’a guère eu le temps de réprimer la masturbation
et elle est donc passée directement à la répression de l’homosexualité, même
si de nombreux psychiatres étaient soucieux d’établir une transition entre
les deux, notamment en expliquant que la masturbation était une porte
d’entrée vers l’homosexualité (Pognant, 2011, p. 121). Mais l’onanisme

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n’était pas la seule raison avancée pour expliquer l’entrée dans l’homo-
sexualité. Krafft-Ebing avance aussi l’idée qu’elle serait due à une anomalie
de l’organisation cérébrale qui se transmettrait de génération en génération.
La plupart des homosexuels viendraient donc de familles de dégénérés, et
même si aucun antécédent ne semble manifeste, il arrive parfois que la tare
héréditaire ne soit pas connue de l’intéressé ou n’ait pas été perçue par l’en-
tourage (Krafft-Ebing, 1895/1963, p. 432-435). Bérillon (1906) avance
également l’idée que les homosexuels n’auraient pas l’odorat adéquat et ne
sentiraient donc pas les personnes de sexe opposé, si bien qu’ils ne peuvent
pas être attirés par elles.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les médecins croient réellement
à leurs sermons, autant que la population qui les reçoit, tout comme les
curés et leurs fidèles d’antan. Une fois que la peur des maladies ou que celle
du châtiment est intériorisée, non seulement l’individu se contrôle lui-
même, mais il est de surcroît contrôlable par le biais de sa culpabilité. On
passe ainsi d’une monarchie fondée sur le sang à une monarchie fondée sur
le sexe. « Ironie de ce dispositif : il nous fait croire qu’il y va de notre libé-
ration » (Foucault, 1976/1999, p. 211). Pourtant, tout le monde est de
bonne foi dans ce nouveau dispositif politique, puisque même le code
Napoléon qui reprend en grande partie les lois canoniques (Lascoumes,
1989) rompt néanmoins avec elles en ce qui concerne la sexualité, préci-
sément parce que les législateurs manifestent cette volonté de rupture avec
la religion (Corriveau, 2006, p. 72). Le code Napoléon considère en effet
que la sexualité est une affaire privée et qu’à ce titre l’État n’a pas à s’im-
miscer dans des considérations morales. Il s’agit là d’une position juridique
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probablement influencée par le fait que Cambacérès, le rédacteur du Code,
était vraisemblablement homosexuel, et qu’il tenait donc particulièrement
à ce que ce principe de séparation entre la vie privée et l’État soit respecté.
Cependant, les législateurs sont tellement inquiets de la chute des natalités
qu’ils vont néanmoins installer deux dispositifs juridiques pour lutter contre
l’homosexualité.
Le premier est l’attentat à la pudeur qui constitue un véritable
subterfuge permettant de contourner le caractère privé de la relation
sexuelle, car l’homosexualité représente une telle honte que personne ne se
risque à avoir des relations homosexuelles sous son toit à cause des repré-
sailles encourues, tant de la part de son voisinage que de celles de sa famille.
Par conséquent, les homosexuels n’ont guère d’autre choix que de se
rencontrer le plus discrètement possible, souvent dans des lieux publics, et

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généralement la nuit pour ne pas être vus. Ironie du sort encore une fois,
c’est que les homosexuels qui se font prendre par la police en flagrant délit
seront condamnés pour exhibitionnisme alors qu’ils se trouvent là préci-
sément pour échapper aux regards d’autrui et à leurs représailles (Gronfier,
1888/2010, p. 283). Il est intéressant de noter que l’exhibitionnisme fait
toujours partie des maladies mentales du DSM-V, mais il n’est plus considéré
comme un crime par la loi, seulement comme un délit dont la peine
maximale peut aller jusqu’à un an d’emprisonnement. Ce subterfuge juri-
dique qui permettait de condamner les homosexuels est donc toujours en
vigueur dans notre société actuelle (art. 222-32 du code pénal) malgré la
plus grande tolérance envers eux. Il est également important de souligner
qu’à l’époque, les pays qui sont soumis à la législation du code napoléonien
suivent le même régime de condamnation, mais que dans la plupart des
autres pays, l’homosexualité ou la sodomie étaient très sévèrement
condamnées. Par exemple, en Allemagne, c’était jusqu’à dix ans d’empri-
sonnement avec travaux forcés et perte des droits civiques (Borrillo & Lang,
2007, p. 91). Au Royaume-Uni, la condamnation pouvait aller jusqu’à la
peine de mort (ibid., p. 92-94).
Le deuxième dispositif juridique qui est mis en place pour lutter contre
l’homosexualité consiste à demander l’assistance des médecins légistes. Il
s’agit plus précisément de leur demander d’intervenir auprès des tribunaux
pour constater scientifiquement la preuve des activités masturbatoires et
sodomites. Les médecins légistes répondent donc à la demande répressive
des États en apportant leur caution scientifique (Bonello, 2000, p. 39),
mais comme l’écrit l’un d’eux : « Ce vice n’a pas pu être déraciné ni par le
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christianisme, ni par la civilisation, ni par le code pénal, pas même par la
peine de mort » (Casper, 1852/2010, p. 115), alors il est peu probable que
sa simple constatation légale suffise à y remédier. C’est pourquoi la
médecine légale est rapidement suivie par la psychiatrie afin de transformer
l’homosexualité en maladie mentale et proposer ainsi des traitements qui
permettent de lutter contre elle. En fait, grâce à la complicité des médecins
qui représentent un tiers des députés de la IIIe République (Palmer, 2003),
les sexualités qui sont officiellement une affaire privée peuvent devenir une
affaire d’État. Ainsi, législateurs, juges, médecins et citoyens, sont tous à
peu près d’accord pour lutter contre ce mal qu’incarne l’homosexualité, il
faut simplement passer par la psychiatrie pour diriger les mœurs (Foucault,
1963/2000, p. 35) et non plus par la religion comme les monarques le
faisaient autrefois.

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Petite histoire conceptuelle de l’homosexualité

L’homosexualité vue par la psychanalyse


Le problème ne se trouve donc pas tellement dans un désaccord avec
la population, mais tient plutôt au fait que les traitements proposés à la fin
du XIXe siècle se cantonnent la plupart du temps à des drogues anesthé-
siantes peu satisfaisantes, puisqu’elles ne permettent pas aux patients de
devenir hétérosexuels (Pognant, 2011, p. 42-44). À cette époque, « les
théories organicistes [de la psychiatrie] ont débouché sur un néant théra-
peutique à peu près complet » (Postel et Quetel, 2004, p. 324). Les alié-
nistes ne disposent d’aucune preuve tangible concernant le
dysfonctionnement hypothétique d’un organe chez les homosexuels, ni
même chez les aliénés en général. Or, sans étiologie organique et sans trai-
tement efficace, l’organogenèse psychiatrique risque vite de rester une
coquille vide. C’est pourquoi la psychogenèse psychiatrique fait son retour
avec La naissance de la psychanalyse (Freud, 1902/2002) et de nouvelles
explications vont pouvoir être données aux diverses maladies mentales. Bien
que Freud s’intéresse à l’étude de l’homosexualité, dès 1903, il déclare publi-
quement dans Die Zeit que « les homosexuels ne doivent pas être traités
comme des malades, car une orientation perverse est loin d’être une
maladie » (cité par Briki, 2009, p. 69), puis il le déclare à nouveau en 1905
(1905/2006, p. 80-81). Et pourtant, à partir d’analyses cliniques, il explique
les différentes raisons pour lesquelles une personne est susceptible de
devenir homosexuelle : une fixation narcissique dans l’enfance qui
marquerait l’arrêt du développement sexuel chez le garçon (1910/1993,
p. 126), ou bien une fixation au stade anal (1905/2006, note 1, p. 77-79),
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ou encore au stade phallique (1911/2004, p. 263-324), ou un œdipe inversé
(1920/2006, p. 235-261), voire un père absent (1910/1993, p. 125).
Précisons que dans la mesure où ces explications relèvent d’analyses
cliniques, elles n’ont pas la prétention d’être exhaustives, ni d’être néces-
saires, ni même d’être universellement pertinentes. On pourrait tout à fait
imaginer que d’autres cas cliniques donnent d’autres explications.
Mais pourquoi Freud déclare-t-il dès 1903 que l’homosexualité n’est
pas une maladie s’il donne par ailleurs les raisons de ce qui est susceptible
de la provoquer ? Car le fait de vouloir l’expliquer pourrait laisser penser
qu’elle lui pose un problème, comme Dorais (1994) le fait justement
remarquer. En réalité, Freud explique à maintes reprises et plus longuement
encore l’hétérosexualité, notamment avec sa célèbre théorie du Complexe
d’Œdipe (1900/2004, p. 301-306). Cette théorie, rappelons-le, implique

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rien de moins que les désirs incestueux, ce qui ne relève pas vraiment des
bonnes mœurs, autant à son époque qu’à la nôtre. Et pourtant ce sont ces
désirs incestueux et pervers, censés être présents chez tout le monde, qui
lui servent à expliquer la norme sexuelle. Bien sûr Freud emploie les termes
de son époque, comme celui de perversion qui est aujourd’hui connoté de
manière très péjorative, ou encore celui de vices. Il est évident aussi qu’il a
parfois une façon surannée de parler justement de tous ces actes qualifiés
de pervers, mais ça ne l’empêche pas de les expliquer sans jamais les patho-
logiser, que ce soit pour des perversions aussi simples et courantes que la
masturbation, la fellation, la sodomie, ou pour des perversions plus mal
acceptées encore, telles que l’homosexualité, la pédophilie, ou la zoophilie.
Il déclare en effet que « pour des raisons esthétiques, on aimerait attribuer
ces graves aberrations de la pulsion sexuée et bien d’autres aux malades
mentaux, mais cela n’est pas possible » (Freud, 1905/2006, p. 80-81).
En fait, Freud reprend une conception des sexualités très proche de
Kertbeny, puisqu’il propose de comparer la libido à un fleuve dont la voie
principale serait obstruée, ce qui la conduirait à emprunter les voies colla-
térales pour s’écouler. C’est dans cette perspective qu’aujourd’hui, les exper-
tises psychologiques distinguent les personnes qui ont une sexualité perverse
occasionnelle de celles qui en ont régulièrement (Chagnon, 2004). Pour
Freud, « la restriction de la liberté, l’inaccessibilité de l’objet sexuel normal,
les dangers de l’acte sexuel normal, etc., font naître des perversions chez
des individus, qui sans cela, seraient restés normaux » (1905/2006, p. 104).
Non seulement pour le père de la psychanalyse, l’homosexualité n’est pas
une maladie, mais plus largement encore, il considère qu’aucune perversion
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ne l’est, ce qui est une position très avant-gardiste dans le milieu médical
de l’époque, et aujourd’hui encore, rares sont les praticiens qui osent tenir
de pareils propos. Et si l’homosexualité n’est pas une maladie, il est tout à
fait logique que Freud écrive à la mère d’un homosexuel que la psychanalyse
ne permet pas de guérir son fils, elle peut simplement l’aider à mieux vivre
ses souffrances (Freud, 1935/1979, p. 461-462). De même que si l’homo-
sexualité n’est pas une maladie, Freud n’a aucune raison de s’opposer à ce
que les homosexuels puissent devenir psychanalystes et il luttera donc au
sein du comité qui dirige secrètement l’association internationale de psycha-
nalyse (IPA) pour que cette pratique ne leur soit pas fermée, mais en vain
(Roudinesco et Pommier, 2002).
Pour comprendre les raisons qui conduisent Freud à se ranger malgré
tout derrière l’exclusion des homosexuels dans la pratique psychanalytique,

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Petite histoire conceptuelle de l’homosexualité

nous nous proposons de formuler l’hypothèse suivante : Freud accepte offi-


cieusement leur exclusion mais refuse officiellement qu’elle soit écrite dans
les statuts de l’association internationale de psychanalyse (IPA), si bien que
cette exclusion deviendra à partir de 1921 la règle orale et ne sera écrite
nulle part. Mais pourquoi Freud accepte-t-il un tel compromis alors qu’il
est lui-même l’inventeur de la psychanalyse ? Il pourrait en effet imposer
son point de vue et faire en sorte que les homosexuels soient acceptés
comme psychanalystes. Notre hypothèse est que s’il avait imposé son point
de vue, il aurait perdu la majorité de ses disciples et la diffusion de la psycha-
nalyse en aurait été très affectée. De plus, Freud partage très certainement
l’argument principal que lui avancent ses opposants : si l’exercice de la
psychanalyse est ouvert aux homosexuels, ils vont discréditer son sérieux et
entacher profondément sa réputation (Roudinesco et Pommier, 2002),
puisque la majorité de la population est d’accord pour lutter contre le fléau
qu’ils incarnent. C’est donc pour se conformer à la tradition morale de son
époque et permettre ainsi la diffusion de la psychanalyse que Freud aurait
accepté la règle orale comme un compromis entre sa position avant-gardiste
et celle des traditionnalistes, telle est du moins notre hypothèse.

La psychanalyse comme propagande morale ?


En dépit de ce compromis, les écrits de Freud montrent combien il
s’inscrit indéniablement dans l’histoire de ceux qui ont refusé la condam-
nation et la pathologisation de l’homosexualité, à tel point que Menahem
va jusqu’à lui supposer une homosexualité latente, en déclarant que « si Freud
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a pu surmonter son homosexualité, c’est en déplaçant cet amour sur sa fille
Anna, en lui assignant une identité de genre » (2003). Toutefois pour qu’une
hypothèse pareille soit entièrement recevable, il faudrait aussi attribuer à
Freud toutes les perversions qu’il refuse de pathologiser, comme la pédophilie
ou la zoophilie par exemple. Or, il semblerait qu’aucun élément biogra-
phique ne permette de le faire. On peut tout à fait défendre la non-discri-
mination des homosexuels en étant soi-même hétérosexuel, et on peut tout
à fait s’opposer à ce qu’une science soit utilisée pour justifier des considéra-
tions morales, surtout lorsqu’on est soi-même l’inventeur de cette science.
Freud n’a pas plus d’homosexualité latente que de pédophilie ou de zoophilie
cachées ou déplacées, c’est simplement l’inventeur d’une nouvelle science et
d’une nouvelle pratique qu’il ne souhaite pas voir transformées en un outil
de propagande moralisateur. Il a toutes les raisons de craindre cette dérive

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puisque c’est en effet ce qui se produit. La très large majorité des psychana-
lystes traitent les homosexuels comme des malades mentaux tout au long
du XXe siècle, en se faisant tantôt les instigateurs et tantôt les complices de
traitements qui vont du harcèlement moral à la castration chimique, voire à
la lobotomie (Pognant, 2011, p. 44) quand le patient ne s’est pas suicidé
avant. Encore aujourd’hui, les jeunes qui découvrent leur homosexualité se
suicident beaucoup plus que les autres, que ce soit en France (Verdier et
Firdion, 2003) ou à l’étranger (Hammelman, 1993).
Et encore aujourd’hui, certains psychanalystes expliquent l’homo-
sexualité en reprenant les traditionnelles explications freudiennes, comme
le père absent (Bokanowski, 2002) ou le complexe d’Œdipe inversé (Nico-
laïdis, 2001). Or, puisqu’ils n’apportent rien de nouveau depuis Freud,
pourquoi éprouvent-ils le besoin de souligner une défaillance paternelle ou
un œdipe différent chez certains homosexuels, si ce n’est pas pour stigma-
tiser cette orientation sexuelle comme étant défaillante ni tout à fait
normale ? Notons d’ailleurs que les défaillances paternelles et les différences
œdipiennes n’ont rien de spécifiques à l’homosexualité. Cependant, d’autres
psychanalystes ont ouvert de nouvelles perspectives cliniques, en expliquant
par exemple comment le choix d’objet dans l’homosexualité peut corres-
pondre à une auto-identification servant d’étayage narcissique (Chabert,
1993 ; Costantino, 2015), et même comment l’amour homosexuel peut
ne pas être pathologique (Pommier, 2002). En revanche, la psychanalyse
continue parfois d’être utilisée comme une propagande pour justifier les
discriminations dont les homosexuels peuvent être victimes, et sert ainsi de
couverture pseudo-scientifique pour brandir les peurs ancestrales du chris-
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tianisme, comme la fin de la famille, ou de la société, ou encore de la civi-
lisation (Korff-Sausse, 1999 ; Winter, 2000, p. 18 ; Anatrella, 1990,
p. 211). Outre le fait que l’apocalypse de la société occidentale ne semble
pas se réaliser, des études montrent que les enfants élevés dans les familles
homoparentales ne présentent aucune différence notable avec ceux qui sont
élevés dans les familles hétéroparentales (Nadaud, 2000). L’utilisation de la
psychanalyse pour justifier les discriminations envers les homosexuels n’est
donc pas plus pertinente à l’époque de Freud qu’à la nôtre, mais durant
tout le XXe siècle la psychanalyse a beaucoup été utilisée ainsi, contre l’avis
de son fondateur.
Comment expliquer que Freud ait une telle position avant-gardiste
alors que la psychanalyse est d’un usage aussi conservateur ? Pourquoi lutte-
t-il contre la pathologisation de l’homosexualité alors qu’à l’inverse la

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Petite histoire conceptuelle de l’homosexualité

majorité des psychanalystes la traite comme pathologique ? Freud est tout


à fait lucide sur le fait que la psychanalyse ouvre considérablement le champ
de la psychogenèse en psychiatrie (1917/2000, p. 263) et qu’à ce titre, son
usage peut être détourné par la médecine. De même qu’il est tout à fait
lucide sur le fait qu’elle peut être détournée par la morale chrétienne et qu’il
tient donc à la préserver de ces deux écueils : « je veux protéger l’analyse
contre les médecins » et « contre les prêtres » (Freud, 1928/1966, p. 183).
En effet, si la psychanalyse est utilisée par la médecine pour véhiculer une
morale chrétienne, elle risque tôt ou tard d’être discréditée à la fois comme
science et comme pratique, ce que son inventeur ne souhaite nullement.
Mais il semblerait que Freud soit l’un des seuls à s’être projeté si loin, car à
l’époque, la psychanalyse apporte à la psychiatrie ce dont elle manque, rien
de moins que des théories et des pratiques pour expliquer et soigner le
psychisme. Or, comme nous l’avons vu, la psychiatrie s’introduit dans la
loi en s’investissant d’une mission, celle qui consiste à guérir les maladies
mentales et toutes les déviances sexuelles qui en font partie, afin que la
population soit en bonne santé et se reproduise. Cette préoccupation de la
bonne santé et de la reproduction est omniprésente à la fin du XIXe siècle,
comme en témoignent l’essor des politiques hygiénistes (Bourdelais, 2001)
et ses travers eugénistes. C’est donc dans ce contexte que la théorie et la
pratique psychanalytique vont être utilisées par la psychiatrie pour remplir
la mission que la médecine s’est donnée.
C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la psychanalyse va se
diffuser rapidement dans toutes les institutions de soins et les cabinets privés
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dès le début du XXe siècle, même si la lutte de Freud contre ses mésusages
ralentit très certainement sa diffusion. En effet, après sa mort en 1939 et
avec la migration de certains psychanalystes aux États-Unis, la psychanalyse
va connaître un essor encore plus important, en étant présente non
seulement dans les institutions de soins et en exercice libéral, mais
également dans les départements universitaires de sciences humaines
(Roudinesco, 1993/2009, p. 773). La psychanalyse véhicule donc la patho-
logisation de l’homosexualité contre la volonté de son inventeur, mais c’est
aussi en partie parce qu’elle accepte de la véhiculer qu’elle se diffuse si rapi-
dement. Voilà pourquoi Freud est avant-gardiste sur la question de l’ho-
mosexualité bien qu’une large majorité de psychanalystes soient
conservateurs. Mais alors pourquoi l’homosexualité est-elle sortie des
maladies mentales si sa pathologisation est un tel succès ?

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POURQUOI L’HOMOSEXUALITÉ SORT-ELLE DES MALADIES MENTALES ?

Pourquoi l’homosexualité sort-elle de la psychiatrie américaine


en 1973 ?
La stigmatisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe
sous le terme d’homosexualité permet à celles qui les pratiquent de s’iden-
tifier au concept et à la maladie dont elles sont porteuses en se soumettant
volontiers ou non aux traitements que la psychiatrie leur propose (Heenen-
Wolff, 2010, p. 146). Toutefois les traitements psychanalytiques ne fonc-
tionnent pas puisqu’en réalité, ce n’est pas une maladie, comme Freud l’a
expliqué, et les traitements chimiques de la psychiatrie détruisent le patient
sans pour autant le faire devenir hétérosexuel. Tout un ensemble de
personnes se retrouvent donc victimes des propos qu’on tient à leur sujet,
de la maltraitance du milieu médical (Laroque, 2003, p. 45-49), judiciaire
(Pognant, 2011, p. 122), familial, ainsi que du harcèlement moral et des
homicides que la population perpétue à leur égard. En fait, le concept d’ho-
mosexualité et toute la panoplie de discours pseudo-scientifiques, de
mauvais traitements et de meurtres qui lui sont rattachés, permet aux
personnes concernées de s’identifier comme victimes, ce qui finit par
constituer des minorités un peu partout dans le monde occidental.
Certaines décident de s’unir pour ne plus subir ces maltraitances. La
première fois que ces rassemblements ont eu lieu, c’était après une descente
de police qui avait mal tourné dans un bar accueillant des homosexuels à
New York en 1969. Suite à ces événements (Spencer, 1999, p. 422-423),
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des associations d’homosexuels voient le jour et commencent à réclamer
une égalité de droits avec les hétérosexuels. Conscients que la psychiatrie
constitue le vecteur par lequel leurs mauvais traitements sont légitimés, ces
associations décident de protester contre la pathologisation de leur sexualité
en réclamant son retrait du DSM, ce que l’association psychiatrique améri-
caine concède dans sa troisième version en 1973 (APA, 1973/2003).
Ces premières protestations font naître la nécessité chez les homo-
sexuels de pouvoir désigner la peur que suscite leur sexualité afin de pouvoir
la combattre, autant chez les homosexuels eux-mêmes que chez les autres
(Borrillo, 2000, p. 11-12). Le terme d’homophobie est alors créé en 1971
(Smith 1971). Il est intéressant de souligner le passage conceptuel de l’ho-
mosexualité à l’homophobie parce qu’il exprime un changement de réalité
particulier. Le premier concept permet aux psychiatres de stigmatiser des

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Petite histoire conceptuelle de l’homosexualité

personnes d’après leur comportement sexuel et le second permet à ces


personnes de stigmatiser la peur que leur sexualité provoque chez les
psychiatres et dans la population en général, c’est-à-dire qu’en voulant
corriger un comportement sexuel qu’ils appellent l’homosexualité, les
psychiatres provoquent le rassemblement des personnes qu’ils désignent
sous ce terme, si bien que celles-ci désignent la peur des psychiatres et des
autres pour qu’ils corrigent à leur tour leurs comportements médical et
civique. C’est ce que Hacking (1995) appelle un effet de boucle. Le
problème de l’homosexualité est devenu le problème de l’homophobie.
D’autres transformations sociales se produisent au même moment, telles
que l’apparition du divorce, de l’égalité des droits entre hommes et femmes,
des recompositions familiales, de la contraception, de l’avortement, de
l’augmentation des populations, toutes témoignant directement ou indi-
rectement du fait que la reproduction n’est plus un souci dans les sociétés
occidentales actuelles. Les États aussi passent d’un souci à un autre, celui
de reproduire la vie à celui de la protéger, comme l’explique Foucault en
développant son concept de biopouvoir (1976/1999, p. 184). L’homo-
sexualité qui incarnait le comportement sexuel pouvant mettre en péril la
reproduction n’a donc plus vraiment de raison d’être réprimée, si ce n’est
pour les différences qu’elle représente et qui peuvent toujours être l’objet
de représailles.
Pourtant la règle orale qui interdit aux homosexuels de devenir psycha-
nalystes ne devient obsolète qu’en 2001 lorsque l’association internationale
de psychanalyse (IPA) inscrit une loi de non discrimination 1 dans ses statuts.
Mais pourquoi l’homophobie demeure-t-elle en psychanalyse jusqu’au
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début du XXIe siècle, alors qu’elle est déjà sortie de la psychiatrie américaine
depuis 1973 ?

Pourquoi l’homophobie reste-t-elle en psychanalyse jusqu’en 2001 ?


Les réponses à cette question sont multiples et nous évoquerons donc
principalement celles qui découlent de la brève histoire conceptuelle de
l’homosexualité que nous venons d’esquisser. Il convient de remarquer que
la psychiatrie ne fait pas de découvertes à la suite desquelles elle s’aperçoit
de ses erreurs, puisque l’homosexualité sort des maladies mentales

1. Consultable sur le site de l’IPA : http://www.ipa.org.uk/en/IPA/Procedural_Code/Non_Discrimi


nation_Policy.aspx

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Psychologie clinique & projective, vol. 22

uniquement en raison de la pression que les associations d’homosexuels


exercent sur elle. La psychiatrie ne fait donc pas de progrès sur cette
question, elle ne change d’ailleurs pas vraiment son approche des sexualités
qui date du XIXe siècle, car en dehors de l’homosexualité, toutes les autres
sexualités considérées comme déviantes sont toujours traitées comme des
maladies mentales. Un siècle plus tard, la psychiatrie ne remet donc guère
en cause ses théories sur les sexualités, alors que les mœurs changent
beaucoup et que la clinique des perversions n’est plus la même aujourd’hui,
autant chez les adultes (de Tychey, 2007) que chez les adolescents (Roman,
2004). Or, dans la mesure où la psychanalyse ne subit aucune pression de
la part des homosexuels, elle n’a pas de raisons de se remettre en cause, ce
qui la conduit à garder sensiblement le même discours sur l’homosexualité
tout au long du XXe siècle, avant de commencer à changer ses positions au
début du siècle suivant.
La psychanalyse n’a certes pas subi de pression de la part des associa-
tions d’homosexuels, et n’a donc guère de raison pour changer son discours
sur l’homosexualité, mais c’est aussi grâce à son discours homophobe qu’elle
peut rapidement s’introduire dans les institutions de soins et se développer
en libéral. D’Anna Freud (Young-Bruehl, 1988/1991) en passant par
Melanie Klein (1959/2004) jusqu’à Charles Socarides (1991) qui fonde en
1992 la « NARTH » aux États-Unis, une organisation pour guérir les homo-
sexuels, la psychanalyse se veut un traitement de choix pour soigner l’ho-
mosexualité. Face à un tel succès, il est difficile pour la psychanalyse de
quitter sa position, d’autant plus que renoncer à traiter l’homosexualité
comme une maladie mentale, c’est aussi renoncer à un certain nombre de
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patients. D’autre part, l’entrée en psychanalyse est très particulière par
rapport aux autres sciences et aux autres métiers, dans la mesure où l’on y
entre par le biais d’une psychothérapie, ou d’une cure analytique, ou d’une
analyse didactique, à la suite desquelles on décide ou non de devenir psycha-
nalyste. Or, si nous décidons de le devenir, c’est parce que la pratique et la
théorie nous ont permis de surmonter les éventuelles souffrances pour
lesquelles nous avions initialement consulté. Nous n’avons donc guère l’oc-
casion de les mettre en cause, une fois devenus analystes. Ne pourrions-
nous pas ainsi voir dans cette manière d’entrer en psychanalyse une raison
de ce qui ferait le conservatisme de ses pratiques et de ses théories ?
Comme le dit Roudinesco, « ils n’ont pas contribué à la nécessaire
critique de leur propre doctrine » (2005, p. 30), si bien qu’en 2002, à la
parution du premier article scientifique publié en France pour critiquer la

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Petite histoire conceptuelle de l’homosexualité

position psychanalytique sur la question de l’homosexualité (Roudinesco


& Pommier, 2002), la psychanalyse signe déjà un retard d’une trentaine
d’années par rapport aux changements de mœurs qui commencent au
début des années 1970. De plus, la psychiatrie nait en France, la psycha-
nalyse en Autriche, et elles sont donc présentes depuis leurs origines en
Europe, tandis qu’aux États-Unis, elles arrivent plus tardivement et sont
moins ancrées dans leurs traditions, ce qui facilite certainement leur adap-
tation aux mœurs. Et enfin, la psychanalyse connait un destin particulier
en France puisqu’elle voit naître un psychanalyste dont certains travaux
sont fondamentaux, notamment parce qu’ils apportent une analyse linguis-
tique à la psychanalyse. Il s’agit de Lacan (1955/1966, p. 9-61) qui connait
un succès considérable et qui est d’ailleurs un des rares à accepter que les
homosexuels deviennent psychanalystes (Roudinesco, 1993). Mais une fois
le succès lacanien passé, le constat est amer : la psychanalyse n’est plus
qu’exercée en libéral aux États-Unis, et éventuellement étudiée comme un
objet de curiosité pour les nouvelles générations qui fréquentent les dépar-
tements de littérature ; tandis qu’en France, les psychanalystes continuent
de tenir un discours homophobe et font ainsi passer leur pratique pour celle
d’un autre âge.
Autrement dit, la psychanalyse se discrédite précisément pour les
raisons que Freud craint un siècle plus tôt, c’est-à-dire qu’elle est utilisée
par la psychiatrie pour véhiculer une pratique et une théorie qui relèvent
de la morale chrétienne. De plus, l’une des conséquences fâcheuses de son
succès dans l’hexagone à l’époque de Lacan, c’est qu’elle ne lui a guère
donné l’occasion de se remettre en cause. Lacan l’a certes revisitée comme
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Freud (1926/1994, p. 17) lui-même le préconisait, mais face à un tel succès,
la psychanalyse n’avait aucune raison de consolider ses théories et ses
pratiques sur le plan épistémologique, ce qui la met dans une position très
délicate pour les justifier aujourd’hui. Avec en plus l’arrivée des thérapies
comportementales et cognitives (TCC) qui l’attaquent justement sur le plan
épistémologique (Meyer, 2005), la psychanalyse subit une concurrence qui
la fait considérablement reculer, tant dans les institutions de soins que dans
les universités ou en libéral (Tousseul, 2015). Se rassurer en imaginant que
la psychanalyse aurait déjà été « vilipendée à sa naissance par tous les tradi-
tionalismes » (Lévy et Miller, 2013, p. 5) et qu’elle dépassera donc les
critiques dont elle fait l’objet aujourd’hui comme elle a dépassé celles d’au-
trefois, est une illusion tout à fait vaine, car l’idée que la psychanalyse aurait
été subversive dès ses origines relève seulement du mythe, tout simplement

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parce que si elle l’avait réellement été, elle n’aurait jamais pu entrer dans
tous les hôpitaux, toutes les universités, avec de surcroit un tel succès en
libéral, le tout en à peine quelques décennies ; sans compter que les insti-
tutions de soins et d’enseignement n’ont guère la réputation d’être subver-
sives. C’est au contraire parce que la psychanalyse a été utilisée par tous les
traditionalismes qu’elle a connu un essor si rapide et si important, mais
c’est aussi ce qui la fait paraître obsolète aujourd’hui.

CONCLUSION

L’histoire conceptuelle de l’homosexualité montre en définitive


comment la psychiatrie et la psychanalyse se sont mêlées à la morale et
comment la première tente partiellement de s’en défaire pendant que la
seconde peine à le faire. Ne pourrions-nous pas par exemple employer un
autre concept que celui de la perversion pour désigner les sexualités qui ne
sont pas hétérosexuelles, comme la psychiatrie le fait en utilisant le concept
de paraphilie ? Ce concept est-il même encore nécessaire à la psychanalyse ?
N’engonce-t-il pas les théories psychanalytiques plus qu’il ne les
déploie (André, 2015) ? Est-il vraiment judicieux d’utiliser un concept qui
a servi de justification au crime alors qu’il est lui-même censé les dénoncer ?
Rappelons en effet que des milliers de meurtres ont été commis contre les
homosexuels au nom de leur perversion (Tamagne, 2006), ce qui ne place
guère la littérature psychanalytique du côté de l’avant-garde. En conservant
un concept aussi connoté, n’est-elle pas assurée de disparaître un peu plus
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des institutions et des cabinets privés ? Ce recul de la psychanalyse est
d’autant plus regrettable qu’elle reste actuellement une des seules sciences
et une des seules pratiques qui permettent d’appréhender la subjectivité du
psychisme. Elle doit donc pouvoir traiter les souffrances de chacun quels
que soient ses mœurs. En somme, la psychanalyse ne devrait-elle pas cesser
de s’immiscer dans des considérations morales, qui peuvent certes la servir
un jour, mais aussi la desservir un autre ?

BIBLIOGRAPHIE

AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION (APA) 1973/2003. DSM-III-TR, Manuel diag-


nostique et statistique des troubles mentaux, trad. J.-D. Guelfi (sous la direction
de), Paris, Masson.

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