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Christian Gay
Dans Figures de la psychanalyse 2013/2 (n° 26), pages 109 à 123
Éditions Érès
ISSN 1623-3883
ISBN 9782749239637
DOI 10.3917/fp.026.0109
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de l’état pathologique, de reprendre l’histoire de la maladie, de retracer la
biographie, d’évaluer l’environnement et le niveau d’intégration socioprofes-
sionnel et familial et de pouvoir étudier le tempérament de base et la personna-
lité sous-jacente. Ce n’est qu’au décours d’une enquête minutieuse qu’un
diagnostic précis pourra être évoqué et une stratégie de soins proposée.
Le spectre bipolaire tel qu’il est défini aujourd’hui regroupe plusieurs caté-
gories de troubles (Akiskal, Angst). Si les formes bipolaires de type I et II sont rela-
tivement bien définies, homogènes et délimitées, il n’est est pas de même des
troubles bipolaires de type III. Une subdivision en huit formes cliniques a même
été proposée par Akiskal et Pinto. Les tempéraments et les formes atténuées
comme les cyclothymies font aussi partie intégrante du spectre. Outre la grande
hétérogénéité symptomatique, il existe différentes modalités évolutives qui
peuvent rendre plus difficile le diagnostic. Les états mixtes (du fait de l’alter-
nance très rapide et au cours de la même journée de phases d’excitation et de
dépression), les cycles rapides et ultrarapides, les formes rémittentes ou circu-
laires (sans intervalle libre) sont fréquemment rencontrés en pratique quoti-
dienne. Les symptômes résiduels qui persistent entre les épisodes sont
fréquemment observés et peuvent évoquer d’autres troubles. La dernière version
du DSM a renoncé aux états mixtes. Néanmoins, dans la réalité, il s’avère que ces
manifestations sont fréquemment observées mais font partie intégrante des
états maniaques.
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Trouble bipolaire de type I (MD ou Md)
Cette catégorie de trouble ne fait pas l’objet de consensus et n’est pas réper-
toriée dans les classifications internationales. Elle regroupe à la fois les troubles
dans lesquels le virage maniaque ou hypomaniaque a été pharmacologiquement
induit et les formes qui se caractérisent par des épisodes dépressifs récurrents et
des antécédents familiaux de troubles bipolaires. Les caractéristiques des
épisodes dépressifs sont celles d’une dépression bipolaire.
Trouble cyclothymique
Aux confins des troubles bipolaires se situent les troubles cyclothymiques qui
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se définissent par une succession, sur une durée minimale de deux ans, de
périodes d’hypomanie (m) et de dépressions légères (d). Le trouble cyclothmique
constitue une forme atténuée de trouble bipolaire. Sa prévalence serait de 1 %
dans la population générale avec une prédominance féminine. Le début des
troubles se manifesterait entre 15 et 25 ans. Il ne présente ni les critères d’un
épisode dépressif majeur ni ceux d’un épisode maniaque. Cet état est le plus
souvent subi par le patient qui n’en reconnaît pas le caractère pathologique et
qui n’a pas accès aux soins. Le caractère invalidant de ce trouble est néanmoins
reconnu en raison de sa chronicité, en particulier sur les plans socioprofessionnel
et familial. Les cyclothymiques, du fait des variations fréquentes et rapides de
l’humeur, sont plus sensibles aux situations de stress et présentent des difficultés
d’adaptation et d’intégration. L’évolution se fait dans un tiers des cas vers un
trouble bipolaire de type II.
Étiopathogénie
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Au cours de la vie, il existe d’autres facteurs précipitants tels que les événe-
ments pénibles de vie (difficultés conjugales, problème professionnel ou finan-
cier, etc.) et les stress répétés (surmenage professionnel, manque de sommeil,
non-respect des rythmes biologiques propres). Il a également été démontré
qu’un niveau d’expression émotionnelle élevé dans les familles (emportements
ou cris pour des événements mineurs) était un facteur précipitant de la maladie.
L’élément qui paraît le plus déterminant dans le déclenchement du trouble, indé-
pendamment de la réaction émotionnelle, est son impact sur les rythmes sociaux.
droite et gauche du cerveau tel qu’un plus haut débit dans le cortex temporal
droit dans sa partie dorsale (Soares, Mann). Ces découvertes montrent bien que
le trouble est sous-tendu par des dysfonctionnements neurobiologiques réver-
sibles dans un premier temps. Il est admis que les épisodes peuvent être neuro-
toxiques et que la fréquence des épisodes est un élément de pronostic à prendre
en compte.
Variabilité de la symptomatologie
La symptomatologie maniaque
Elle est très polymorphe dans son expression et les symptômes les plus
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fréquents ne sont pas obligatoirement les plus caractéristiques d’un état
maniaque. Il existe différentes expressions symptomatiques : aigues (avec une
agitation marquée, des comportements violents, des réactions clastiques),
confuses (avec une activité onirique, des troubles cognitifs marqués, une déso-
rientation dans le temps), hallucinatoires (avec le plus souvent des hallucinations
auditives et visuelles), délirantes (où l’on retrouve des thèmes de mégalomanie,
persécution, mystiques, politiques, érotiques...). Le plus souvent, le contenu du
délire est congruent à l’humeur, c’est-à-dire que les thèmes sont en rapport avec
les idées de grandeur et l’humeur expansive. Néanmoins, un délire non
congruent à l’humeur ne signifie pas obligatoirement un trouble schizophré-
nique et peut se rencontrer plus particulièrement chez le jeune.
L’état hypomaniaque
Il présente les mêmes caractéristiques que l’état maniaque, mais les symp-
tômes sont moins nombreux, moins intenses et moins invalidants. Le diagnostic
d’un état hypomaniaque peut se poser lorsque les symptômes persistent au
moins quatre jours.
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d’une cassure par rapport à l’état antérieur, de comportements et propos inha-
bituels, de changements de l’humeur et, surtout, de relever des petits détails qui
signeront la maladie : augmentation de la consommation de cigarettes, irritabi-
lité, communications téléphoniques incessantes et répétées, dépenses avec des
relevés bancaires très significatifs, agenda débordant de post-it… Une recrudes-
cence des conduites addictives, des comportements antisociaux comme la klep-
tomanie, une hypersexualité représentent quelques exemples de comportements
observés lors des récidives.
L’état mixte
Trouble UP Trouble BP
Ralentissement - ++
Labilité de l’humeur - ++
Symptômes psychotiques - ++
Emoussement affectif - ++
Caractère original - ++
Troubles personnalité - ++
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Troubles du post-partum - ++
Anxiété ++ -
Plaintes somatiques ++ -
Durée de l’épisode ++ -
États subsyndromiques
Troubles schizo-affectifs
Formes évolutives
Séquence évolutive
Les formes les plus caractéristiques se caractérisent par une évolution pério-
dique, avec une séquence évolutive manie-dépression-intervalle libre (MDI) ou
dépression-manie-intervalle libre (DMI) La séquence MDI correspond à la forme la
plus typique du trouble bipolaire et répond classiquement mieux aux sels de
lithium. Le cycle commence par un épisode maniaque, suivi d’un épisode dépres-
sif et d’un intervalle libre. Les épisodes maniaques sont en règle générale sévères
et le virage vers la dépression est progressif. En revanche, la séquence DMI
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brutalement, sans période inter-critique. Ces formes s’aggravent au cours du
temps avec une accélération des cycles.
Cycles rapides
Les cycles rapides se caractérisent par une fréquence d’au moins quatre
épisodes par an et sont plus fréquents chez la femme (surtout après la méno-
pause), en cas d’hypothyroïdie et d’alcoolisme, de syndrome d’apnée du
sommeil. Les antidépresseurs et plus particulièrement les tricycliques favorisent
les inversions thymiques et l’accélération des cycles. Cette forme peut être spon-
tanée, en particulier au début de l’évolution.
Formes saisonnières
Des formes à évolution saisonnière sont décrites, sans qu’il ne soit possible
d’établir une périodicité régulière, à la différence des troubles affectifs saison-
niers (SAD) qui se caractérisent par l’apparition du trouble à la fin de l’automne
et certaines caractéristiques cliniques telles l’hypersomnie, l’hyperphagie, une
HÉTÉROGÉNÉITÉ DES TROUBLES BIPOLAIRES 117
fatigabilité, une sensitivité… Il est possible qu’un trouble affectif saisonnier soit
associé à un trouble bipolaire.
De récentes études montrent que l’âge de début est associé à des différences
cliniques, familiales, biologiques et thérapeutiques. Un âge de début précoce est
souvent associé à des troubles des conduites, un alcoolisme comorbide, des symp-
tômes psychotiques et des conduites suicidaires. F. Bellivier et al. montrent que
les formes à début précoce présentent un risque familial plus important, une plus
grande fréquence de symptômes psychotiques, une mauvaise réponse aux traite-
ments thymorégulateurs et des comportements suicidaires plus fréquents.
Les comorbidités
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anxieux. Il en est de même avec les conduites addictives, pour lesquelles les chiffres
sont beaucoup plus élevés (60 %) et les troubles des conduites alimentaires.
Diagnostic
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conduites alimentaires…) ;
– risque suicidaire.
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atypiques : hypersomnie, hyperphagie, impression de jambes lourdes
5 Dépression du post-partum
TOTAL /20
20 15 à 19 ans
15 Avant 15 et entre 20 et 30
10 30 à 45
5 Après 45
TOTAL/20
10 Abus de substance
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2 3 mariages ou plus incluant des remariages avec la même personne
TOTAL/20
15 Virage vers une manie aiguë ou mixte dans les 12 semaines qui suivent
le début d’un traitement par antidépresseur ou l’augmentation
de sa posologie
TOTAL /20
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5 Un parent du 1er degré avec histoire documentée de dépendance
à des toxiques
TOTAL/20
TOTAL /100
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HÉTÉROGÉNÉITÉ DES TROUBLES BIPOLAIRES 123
RÉSUMÉ
Le trouble bipolaire, tel qu’il est défini aujourd’hui, concerne 3 à 5 % de la population
générale. La symptomatologie est extrêmement polymorphe et son évolution est très
variable. Poser le diagnostic de trouble bipolaire implique de préciser le type de trouble,
d’identifier la séquence évolutive et la polarité dominante, ainsi que la personnalité sous-
jacente. L’âge de début précoce et l’existence d’antécédents familiaux constituent des
index de prédiction de l’effet thérapeutique. La fréquence des comorbidités et des addic-
tions peut justifier des mesures thérapeutiques spécifiques.
MOTS-CLÉS
Troubles bipolaires, dépression bipolaire, index de bipolarité, maladie maniaco-dépressive.
SUMMARY
The bipolar disorder as it is defined today affects between 3 and 5% of the general public.
Its symptomatology is extremely polymorphous and its progression highly variable. Dia-
gnosing bipolar disorder means specifying its type, identifying its evolutionary sequence
and dominant polarity, as well as it underlying personality. Early onset and family history
are good predictors of therapeutic efficacy. The frequency of comorbidities and addictions
can justify specific therapeutic measures.
KEY-WORDS
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Bipolar disorders, bipolar depression, bipolarity index, manic-depressive disorder.