Dec Hirig 2019 01 0093

4.
Les principales pathologies narcissiques

Marie-France Hirigoyen
Dans Cahiers libres 2019, pages 93 à 119
Éditions La Découverte
ISSN 0526-8370
ISBN 9782348036293
© La Découverte | Téléchargé le 06/04/2024 sur www.cairn.info via Université de Picardie (IP: 194.57.107.113)
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4
Les principales pathologies

narcissiques
O n tend classiquement à classer les pa-
thologies narcissiques en deux catégo-
ries principales : par excès d’amour de soi, c’est le narcissisme
grandiose (mégalomaniaque) ; par insuffisance de cet amour
de soi, c’est le narcissisme vulnérable. Ces deux pathologies,
nous allons le voir, proviennent d’un même problème : elles
masquent pareillement une grande fragilité, un manque de
confiance en soi, des doutes sur ses compétences, sur ses
capacités à être aimé.
Les Narcisse grandioses ou mégalomanes
Dans le premier chapitre, nous avons utilisé les

critères du DSM-5 définissant le trouble de la personnalité
narcissique de type grandiose pour évaluer celle de Donald
Trump. Cette forme de narcissisme, la plus facile à repérer,
est en effet celle qui est mesurée dans le DSM-5. Nous avons
vu également qu’il était difficile de la différencier, par une
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Les Narcisse
simple description clinique, du « narcissisme infraclinique ».

Le tableau que nous allons décrire de ces Narcisse patholo-
giques peut sembler proche de celui des personnes présen-
tant de simples traits narcissiques, mais ils s’en distinguent
essentiellement par leur incapacité à aimer et à respecter
l’autre pour ce qu’il est et non pour ce qu’il peut leur appor-
ter, par leur incapacité à se détacher d’eux-mêmes pour
s’ouvrir à l’autre. Alors qu’une pathologie psychique se définit
habituellement par la souffrance ressentie par le patient, elle
se mesure dans le cas des troubles de la personnalité narcis-
sique par l’impact négatif de cette dernière sur autrui. D’où
l’importance de comprendre le mode de fonctionnement de
grands Narcisse comme Donald Trump.
Être gravement narcissique conduit à une spirale infer-
nale : le Narcisse grandiose s’estime supérieur aux autres
et pense qu’il devrait bénéficier à ce titre de passe-droits.
Au travail ou dans les soirées, il se met en avant et il se
valorise aux dépens des autres. Dans un premier temps, c’est
payant : il se fait apprécier, obtient un bon poste et rencontre
des partenaires intéressants. Mais, nous allons le voir, cette
histoire finit mal en général.
Ces Narcisse sont avant tout centrés sur eux-mêmes :
dans un groupe, ils ont besoin d’être le centre de l’attention,
ils parlent abondamment de leurs réalisations et de leurs
projets « extraordinaires ». Dans une conversation, ils sont
toujours au premier plan, ils accaparent la parole, savent
tout mieux que tout le monde, et tout ce qu’ils disent avec
emphase paraît exceptionnel. Comme tout tourne autour de
leur personne, ils ont tendance à commencer toutes leurs
phrases par « je » : « J’ai fait ceci, j’ai dit cela. J’ai mal ici, je
m’en vais là, j’ai réussi tel truc… » Cela peut paraître telle-
ment disproportionné ou irréaliste qu’ils paraissent d’emblée
vantards et prétentieux, mais l’entourage peut aussi se laisser
fasciner. On apprenait autrefois aux jeunes gens qu’il était
94

discourtois de commencer un courrier par « je » ; mais en

novembre 2007, dans le magazine du Monde, le linguiste
Alain Rey constatait que le président Sarkozy fraîchement
élu avait utilisé cent vingt-six fois le mot « je » dans son
allocution de juin aux parlementaires, et cent trente-quatre
fois dans son discours d’août au Medef, assorti de cinquante-
cinq « je veux ». Alain Rey concluait en disant que même le
roi disait : « Nous voulons. »
Les Narcisse grandioses sont réellement convaincus de
leur supériorité. Ils pensent qu’ils ont plus de qualités que les
autres, qu’ils sont plus beaux, plus intelligents, plus impor-
tants que celles et ceux qui les entourent. Leur manque de
modestie peut aller jusqu’à l’arrogance, comme Alain Delon
affirmant dans une interview sur RTL en 2011 : « Je suis
un des rares mythes vivants du xxie siècle1 » ; ou Marlène
Dietrich qui, tout comme Alain Delon, parlait d’elle-même
à la troisième personne2. Il suffit de lire des interviews de
Zlatan Ibrahimovic pour comprendre qu’avec ce genre de
personnalités, on n’est pas très loin d’un délire de grandeur :
« Je n’ai besoin d’aucun regard d’autrui pour savoir que je
suis le meilleur. Mon regard à moi suffit. Normal, car je suis
tellement le meilleur que je suis aussi le meilleur connaisseur
du foot, le meilleur expert et le seul apte à juger de qui est
le meilleur, donc si je décide que je suis le meilleur, c’est
que c’est vrai3. »
Comme ils sont persuadés de mériter la place exception-
nelle qu’ils occupent, ils peuvent tout se permettre, pensent
que tout leur est dû et s’arrogent une multitude de petits
privilèges. Ils se permettent par exemple de garer leur voiture
1 « Alain Delon : “Je suis un des rares mythes vivants du xxie siècle !” », RTL,
13 janvier 2011.
2 Maria Riva, Marlène Dietrich par sa fille, Flammarion, Paris, 1992.
3 Interview sur RMC Sport, 27 novembre 2013.
95

Les Narcisse
là où ça leur convient même si cela gêne les autres automo-

bilistes ou les piétons, ils trouvent normal de bénéficier de
passe-droits comme de court-circuiter une file d’attente et ne
comprennent pas que leur dossier ne soit pas traité de façon
prioritaire. Comme ils sont très convaincants, ils arrivent
souvent à obtenir ces privilèges.
Ils ont une tellement haute opinion d’eux-mêmes qu’ils
ont l’impression que le commun des mortels est incapable
de les comprendre. Ils choisissent donc les meilleurs avocats,
médecins ou coiffeurs de stars, avec qui ils vont très vite
chercher à établir une certaine familiarité. Ils cherchent à se
lier d’amitié avec des personnes célèbres ou ayant une certaine
notoriété, car leur estime d’eux-mêmes est ainsi accrue en
miroir par la valeur qu’ils attribuent à ces personnes.
Jennifer aime être le centre de l’attention de tous, et elle ne

passe d’ailleurs pas inaperçue car sa présentation est toujours
théâtrale. Elle s’habille avec classe mais toujours avec une
pointe d’excentricité, elle parle fort en citant les personnes
célèbres qu’elle a rencontrées lors d’une soirée et, quels que
soient les sujets de conversation, elle réussit toujours à se
mettre en vedette. Même si elle est très endettée, elle affiche
son argent et dépense de façon déraisonnable en faisant des
cadeaux importants aux personnes qu’elle veut séduire. Elle
parle de ses projets de créer une fondation, d’ouvrir une bou-
tique, se vante d’avoir dîné avec un homme politique (alors
qu’elle était seulement dans le même restaurant que lui). Peu
touchée par les soucis de ses proches, elle coupe la parole à
une amie atteinte d’un cancer, pour décrire avec une profusion
de détails tous ses petits problèmes personnels. Pour prendre
rendez-vous auprès de son médecin, comme elle refuse la voie
commune, elle a réussi à obtenir son numéro de portable
pour lui parler directement, et elle se montre particulièrement
familière dans leurs échanges, l’appelant par son prénom ou
bien « cher ami ». Elle ne comprend pas que certaines per-
sonnes, agacées par son omniprésence, cherchent à la tenir à
96

distance, alors elle se plaint de l’ingratitude de ceux qu’elle

dit considérer comme des amis.
Leurs stratégies de séduction ou de courtisanerie sont

souvent payantes et ils peuvent réussir une rapide ascen-
sion sociale. C’est ainsi qu’Alexandre Benalla, simple titulaire
d’un modeste master de droit, est devenu à vingt-six ans
chargé de mission au cabinet du président de la République,
responsable de sa sécurité, et a été promu lieutenant-colonel
dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Bien
évidemment, on trouve les Narcisse en majorité dans des
sphères d’influence ou dans des professions offrant prestige
et visibilité : politicien, avocat, cadre dirigeant, financier
d’affaires ou artiste, mais aussi dans d’autres secteurs où on
aurait imaginé plus de rigueur. Selon l’immunologiste Bruno
Lemaitre, la forte compétition qui prévaut dans le secteur de
la recherche scientifique amène à sélectionner les chercheurs
qui paraissent les plus brillants au premier abord, même si
leurs articles sont élaborés à partir de données trop modestes
ou qu’ils les ont empruntées à d’autres4 – on y reviendra
dans le chapitre 8. Leur assurance les aide incontestablement
à s’imposer dans les carrières où, plus que la compétence,
on attend qu’une personne donne l’impression de savoir
mieux que les autres ou d’avoir des solutions. C’est le cas
de la politique ou du lobbying.
Il se peut aussi que, dans leur volonté de réussir et de
se distinguer des autres, des Narcisse développent un talent
particulier qui les conduira à de réels succès socioprofes-
sionnels. C’est le cas de certains artistes comme Salvador
Dali ou Picasso, de créateurs et artistes comme Alain Delon
ou Karl Lagerfeld, ou encore de scientifiques visionnaires.
4 « Bruno Lemaitre : “Le système de recherche favorise les personnalités

narcissiques” », Le Monde, 5 septembre 2016.
97

Les Narcisse
L’image élevée qu’ils ont d’eux-mêmes sera alors renforcée

par leur ascension sociale ou leur réussite professionnelle.
Mais leurs performances peuvent aussi être entravées par leur
intolérance à la critique et à l’échec, ou par des erreurs de
jugement dues à la surestimation de leurs compétences et de
leurs qualités. D’autres Narcisse plus fragiles vont surinvestir
leur travail et s’épuiser pour être à la hauteur de leur moi
hypertrophié et risquer le burn out.
Sonia est une jolie cinquantenaire, extrêmement soucieuse de

son apparence. Chez elle tout est impeccable, sa coiffure, son
maquillage, ses vêtements choisis avec goût. Elle dit veiller soi-
gneusement à être, si ce n’est la plus belle, au moins la plus
élégante. Pour cela elle se donne beaucoup de mal afin de se
maintenir à la hauteur de ce qu’elle estime être indispensable
pour être acceptée. Elle entretient son physique, fait une demi-
heure de jogging chaque jour et trois heures de Pilates par
semaine. Elle va régulièrement chez le coiffeur, le manucure,
l’esthéticienne et n’hésite pas à dire qu’elle a eu recours à la
chirurgie esthétique. Elle dit trouver beaucoup de satisfaction à
se regarder le matin dans un miroir : toujours mince, musclée,
bronzée mais juste ce qu’il faut. Tout au long de son existence,
elle a cherché à s’améliorer et à obtenir plus de pouvoir et de
notoriété. Professionnellement, elle s’est toujours montrée ambi-
tieuse, exigeante, réclamant toujours plus de responsabilités et
elle a gravi les échelons jusqu’à un poste de direction générale, ce
qui a suscité beaucoup de jalousie. Mais, l’âge venant, des rivaux
ont voulu la doubler, ce qui a amené chez elle des réactions
agressives. Extrêmement dure avec elle-même, elle l’est aussi avec
les autres, ce qui lui a valu une plainte pour harcèlement moral.
Au départ, leur flamboyance, leur culot, le fait qu’ils

n’aient pas peur de se mettre en avant peuvent séduire des
personnes plus effacées auprès de qui ils font figure de leaders.
Ils attirent ou même fascinent ceux qui se laissent éblouir
par leur assurance et le récit de leurs exploits. Il est vrai
98

qu’ils savent valoriser leurs contributions, mettre à leur crédit

les réussites collectives et créer des réseaux et des alliances
avec d’autres narcissiques. Comme ils sont soucieux de plaire
et d’être reconnus, ils flattent la hiérarchie, se montrent
brillants, charmants et drôles quand il le faut, et la bonne
image d’eux-mêmes qui leur est renvoyée leur apporte
beaucoup de satisfaction, ce qui renforce leur narcissisme.
Alexandre est cadre dirigeant. Quand il entre dans un nouveau

cercle relationnel, il affiche d’emblée sa supériorité et l’on sait
très vite qu’il est énarque, qu’il a eu des postes très importants
mais qu’il a été bloqué dans sa carrière par la malveillance d’un
rival. Derrière son dos, ses collègues disent que c’est un intri-
gant, un manœuvrier qui sait se placer toujours au premier plan
sur la photo quitte à friser le ridicule. Il sait flatter, s’imposer,
mais comme il passe beaucoup de temps à faire du lobbying,
il lui a été reproché de ne pas travailler suffisamment ses dos-
siers, ce qui l’a mis à plusieurs reprises en position d’échec.
C’est aussi un mondain qui est de toutes les soirées « où il
faut être », de tous les vernissages et, comme il est toujours
là, on prend l’habitude de l’inviter. Ne pas recevoir un carton
d’invitation pour un événement médiatique est pour lui comme
une injure publique qui le laisse effondré et déprimé. Il connaît
toutes les personnes célèbres, artistes, journalistes et ne manque
pas de le faire savoir dans la conversation. Il participe aussi à
de nombreuses soirées caritatives, va dans les lieux qui font
l’événement et prend plaisir à s’y faire photographier avec les
plus belles femmes pour afficher les photos sur son compte
Instagram et sur les réseaux sociaux. Mais il est insatisfait, car
il a l’impression de stagner dans sa carrière et trouve qu’il est
injuste que les autres progressent plus vite que lui. Alors pour se
valoriser encore plus, il multiplie les déjeuner avec ses contacts,
se montre encore plus souvent dans les soirées mondaines.
Les Narcisse grandioses ont tendance à être envieux et

jaloux de ceux qui sont plus fortunés ou qui ont plus de
99

Les Narcisse
succès qu’eux. Leur perception des autres est dichotomique :

soit ceux-ci sont admirés et cela va jusqu’à l’idéalisation, soit
ils sont méprisés, à moins qu’ils ne leur soient utiles. Ce
processus correspond chez eux à un clivage entre le bon et
le mauvais objet. Il arrive aussi qu’une personne soit idéali-
sée dans un premier temps et méprisée et rejetée ensuite, si
elle garde trop de distance ou n’est plus utile. Le manque de
sensibilité des Narcisse aux besoins et aux désirs d’autrui peut
les amener aussi, consciemment ou non, à exploiter les autres
et à rabaisser les personnes qui leur paraissent inférieures.
Solange, qui exerce une profession intellectuelle en indépen-

dant, a réuni autour d’elle des assistantes et collaborateurs,
à qui elle demande un travail colossal mais qu’elle oublie
souvent de rémunérer, estimant « qu’ils devraient être flattés
de travailler pour elle ». Elle entretient avec eux des relations
familières, ce qui ne l’empêche pas de se montrer intraitable
devant le moindre retard ou manquement. Quand ils com-
mencent à renâcler devant cette situation, elle se pose en
victime et essaie de les apitoyer en parlant de sa fatigue et
de sa solitude.
Sur le plan personnel, le regard qu’ils portent sur les

autres est également destiné à se valoriser eux-mêmes, mais
alors qu’ils sont très à l’aise dans les contacts superficiels,
ils ont du mal à créer des liens plus intimes.
Le début d’une relation amoureuse avec un Narcisse
grandiose est souvent idyllique : celui-ci multiplie les belles
paroles, fait des promesses incroyables, donne à l’autre
l’illusion d’être unique et fait croire à un amour absolu.
Malheureusement, il ne s’agit pas d’une séduction réciproque
où chacun est attentif à l’autre, mais d’une séduction narcis-
sique destinée à fasciner l’autre et en même temps à le
paralyser. Très vite, le partenaire déchante car Narcisse est
peu affectueux et s’implique peu dans la relation, ce qu’une
100

de mes patientes résume finement : « Pour me séduire, le

crapaud s’était déguisé en prince charmant, mais assez vite
il est redevenu crapaud. » Narcisse n’est pas capable de
tendresse et d’affection, car ce qu’il veut avant tout c’est
qu’on s’occupe de lui et qu’on le valorise. Le conjoint
d’un Narcisse n’est là que pour l’admirer, le soutenir ou le
plaindre, mais il ne reçoit en retour aucune considération ou
attention : « Avec lui, ce que je disais n’avait aucun impact,
c’était comme essayer de s’accrocher à une paroi de verre. »
Si le conjoint réclame plus de considération, Narcisse ira
se faire plaindre et se valoriser en multipliant les aventures
extraconjugales. Si ces relations sont brèves, c’est qu’il sait au
fond de lui que son charme est éphémère. Quand Narcisse
a des enfants, il attend d’eux qu’ils soient une extension de
lui-même et qu’ils soient valorisants pour son image.
Martin est beau, intelligent, cultivé, issu d’une bonne famille

d’entrepreneurs. Dernier d’une fratrie de trois enfants, il a
été très tôt diagnostiqué enfant précoce et, du coup, il a été
l’objet de toutes les attentions de ses parents qui ne cachaient
pas leur admiration devant leur petit génie de fils. Après une
scolarité brillante mais solitaire, il intègre une école de com-
merce réputée, où il dit s’être ennuyé. Il crée alors sa première
start-up avec un copain. Poussé par ses rêves de grandeur, il
prend des risques pour séduire les investisseurs et, comme
il est convainquant, il réussit à lever des fonds. Quand le
succès est au rendez-vous, le rythme s’accélère et, pour tenir
le coup, il abuse de substances illicites. Marié avec une amie
d’enfance dont il a trois enfants, il délaisse sa famille pour
se consacrer au développement de sa start-up. Lorsqu’il n’y a
plus rien à inventer, que sa start-up est devenue une entreprise
normale, il accepte une proposition de rachat particulièrement
intéressante et se retrouve à la tête d’une très grosse fortune.
Il se sépare alors de la mère de ses enfants, pour s’installer
avec une jeune mannequin brésilienne et partage son temps
101

Les Narcisse
entre Paris et le Brésil. Pour le divorce, il a versé une somme

importante à sa femme, mais, avec beaucoup de désinvolture,
il exige la présence de ses enfants uniquement quand cela lui
convient, sans se préoccuper de l’organisation de vie de son
ex-femme et du bien-être des enfants. Malgré leur jeune âge, il
les emmène dans des lieux branchés et oublie de les ramener à
la baby-sitter pour qu’elle les couche à une heure raisonnable.
Comme les Narcisse n’aiment que ce qui contribue à

alimenter leur amour de soi, ils utilisent l’autre pour se
mettre en valeur. Ce sont des hommes qui sortent avec
des femmes riches ou des femmes « trophées », forcément
jeunes et belles, qu’ils exhibent comme un signe extérieur
de richesse ; ce sont aussi des femmes qui se valorisent en
sortant avec une personne connue.
Marc est obsédé par l’apparence de ses compagnes, qui doivent

être en permanence sexy et plaire aux autres hommes. Il
montre volontiers des photos de sa femme : « Vous ne trouvez
pas qu’elle est belle ? » Même si elle préférerait des vêtements
plus simples, il l’emmène dans les boutiques de luxe pour lui
offrir des robes de grands couturiers. Plus les autres admirent
sa femme, plus il prend de l’importance à leurs yeux. C’est
même pour lui un argument de crédibilité professionnelle.
Lors d’une soirée professionnelle où les conjoints avaient été
invités, Marc fut flatté que plusieurs hommes de sa hiérarchie
se soient montrés séduits par le charme et la beauté de sa
femme : « Cela m’a rehaussé à leurs yeux, car même mon boss
avait un regard d’envie ! »
Ayant une vision très utilitaire des autres, ils sont

incapables d’aimer et respecter une personne pour ce qu’elle
est, car la relation qu’ils entretiennent ne sert qu’à rehausser
leur valeur personnelle. S’ils nouent des relations amicales ou
amoureuses, c’est seulement si cela leur permet d’atteindre
leurs objectifs ou d’augmenter leur estime d’eux-mêmes.
102

Steffen, qui se présente comme expert international et conféren-

cier, était conseiller scientifique auprès de grandes administra-
tions, mais, ayant le sentiment que son intelligence supérieure
n’était pas suffisamment valorisée, il a voulu créer sa société. Il
rencontre alors Jenny qui est follement amoureuse de lui et qui
démissionne de son travail d’attachée de presse pour devenir
son assistante. Il lui promet succès et fortune. Sur les conseils
de Steffen, elle investit à la limite de ses moyens dans sa société
pour qu’ils achètent ensemble un local. Elle le présente à ses
amis et relations et, très vite, à partir du carnet d’adresses de
Jenny, le couple est invité partout. Dans les soirées, il accapare la
parole et expose avec force détails « son projet » extraordinaire.
Pourtant le succès n’est pas au rendez-vous et, selon Steffen,
c’est à cause de Jenny qui n’a pas fait ce qu’il fallait. Dès lors, la
relation se dégrade. Il se met à lui tenir des propos humiliants,
à la rendre responsable de tout ce qui ne va pas et à piquer
fréquemment des crises de rage. À chaque contrariété, il hurle
qu’il va la virer pour incompétence, oubliant qu’elle est une
associée qui a investi toutes ses économies dans la société.
D’une façon générale, dans la relation amoureuse, tout

en faisant en sorte que l’autre soit dépendant, Narcisse évite
l’engagement qui impliquerait une certaine dépendance et
donc un sentiment de faiblesse. Il est tellement pris par son
amour de soi qu’il lui est impossible de s’attacher à l’autre.
Dans les Métamorphoses, Ovide dit de Narcisse : « Sa beauté
cachait un orgueil si dur que ni jeunes gens ni jeunes filles
ne purent le toucher. » Version contemporaine, dans une
interview du 29 mai 2015 au magazine Gala, l’écrivain et
polémiste Yann Moix affirmait qu’avoir un enfant « serait la
pire chose qui pourrait [lui] arriver », car : « J’ai moi déjà. Il
m’est arrivé de ne pas pouvoir vivre avec des jeunes femmes
parce qu’elles avaient des enfants. Faits par d’autres, certes,
mais faits par elles. Je préfère quand même quand il n’y a
aucun lien. »
103

Les Narcisse
Que ce soit dans la vie privée ou la vie professionnelle,

quand les Narcisse grandioses sont confrontés à l’épreuve
de la réalité, à un certain moment leur charme risque de ne
plus opérer et ils finissent par se mettre leur entourage à dos.
Leur arrogance est vite insupportable, car ils veulent toujours
avoir raison et ne supportent aucune remarque. La moindre
critique est vécue comme une blessure ou un rejet, comme si
leur personne entière avait été dénigrée et discréditée. Parce
qu’ils surestiment leurs compétences, se valorisent aux dépens
des autres et s’approprient leur réussite, ils finissent par se
mettre en échec, mais, dans ce cas, au lieu de se remettre
en question, ils nient, donnent une version des faits dans
le sens qui leur est favorable et de toute façon rendent les
autres responsables du problème.
Les Narcisse qui réussissent deviennent « accro » au
pouvoir et à la célébrité, ce qui explique que des hommes
et des femmes politiques, ou des journalistes en fin de
carrière aient tellement de mal à lâcher leur poste et surtout
la notoriété qu’il apporte. Pour se maintenir alors à un haut
niveau de grandeur et de supériorité, il leur faut continuer
à séduire de nouveaux contacts, masquer leurs faiblesses ou
défaillances en agitant un rideau de fumée, mentir pour se
mettre en valeur et cela peut les amener à prendre des risques
inconsidérés ou à déraper dans des comportements violents
ou délictueux. C’est comme si leur self grandiose était bâti
sur du sable et qu’il doive en permanence être réparé et
fortifié par des stratégies de valorisation.
Boris Boillon, ancien « Sarko Boy » et ancien ambassadeur en

Irak et en Tunisie, avait beaucoup agacé par son style flam-
boyant, son arrogance et ses gaffes. Il avait même posé en
couverture d’un magazine people en costume noir et chemise
blanche sous le titre « Le James Bond de la diplomatie ». Après
avoir été mis en disponibilité puis suspendu de la diplomatie, il
s’était reconverti en téméraire homme d’affaires dans les zones
104

sensibles du Proche-Orient. Le 31 juillet 2013, il a été inter-

pellé à Paris avec 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide,
alors qu’il prenait un train pour Bruxelles. Pour sa défense, il
a expliqué : « Je me définis, avec Bergson, comme quelqu’un
qui agit en homme de pensée et pense en homme d’action. »
Pourtant, comme on l’a vu à propos de Donald Trump,

aucune réussite ne peut rassurer les Narcisse sur eux-mêmes.
Ils vivent dans la crainte perpétuelle de ne pas être à la
hauteur de l’image qu’ils souhaitent donner d’eux-mêmes,
ils craignent constamment de déchoir et de perdre la face.
Contrairement aux simples traits narcissiques qui s’atténuent
avec l’âge, on ne guérit pas d’un trouble de la personnalité
narcissique, tout au mieux cette pathologie peut se stabiliser.
En ce qui concerne les cas les plus graves, s’ils n’ont pas eu
la chance d’être confrontés à des épreuves douloureuses les
obligeant à porter un regard plus critique sur eux-mêmes,
ils vont voir leurs traits de caractère s’accentuer en même
temps que la perte de leur splendeur. Certains vont déprimer
et s’isoler, d’autres vont multiplier les plaintes psychosoma-
tiques et d’autres enfin vont évoluer vers de l’aigreur.
Les Narcisse vulnérables
Si tous les psychiatres sont d’accord pour

considérer qu’il existe deux formes distinctes de troubles de
la personnalité narcissique, la forme grandiose et la forme
vulnérable, tous ne sont pas d’accord sur la distinction
entre ces deux pathologies. C’est sans doute ce qui explique
qu’alors que Kernberg et Kohut en avaient fait d’excellentes
descriptions cliniques (voir supra, chapitre 2), la psychiatrie
moderne a fait l’impasse sur ce pôle négatif du narcissisme
qui n’est pas pris en compte dans le DSM-5. Il est vrai que
le tableau clinique du narcissisme vulnérable est beaucoup
105

Les Narcisse
moins spécifique que la forme grandiose et que cette

pathologie n’est pas facile à différencier d’autres diagnos-
tics cliniques, en particulier des troubles de la personnalité
borderline, schizotypique ou paranoïaque. Pourtant, le narcis-
sisme défaillant et vulnérable est beaucoup plus fréquent que
le pôle grandiose et c’est celui que les cliniciens sont le plus
amenés à rencontrer. Cette forme de narcissisme est même
considérée par certains cliniciens comme la plus grave, car
elle peut parfois conduire au suicide5.
Les Narcisse vulnérables ont en commun avec les
grandioses des fantasmes de réussite et de succès. Et, comme
eux, ils ne tiennent pas compte des autres et estiment que
tout leur est dû. Ils accordent également une importance
exagérée à la reconnaissance et sont donc extrêmement
dépendants du regard des autres. Mais, centrés sur eux-
mêmes, ils vivent leurs difficultés de manière particulière-
ment négative et sont souvent anxieux, envieux et parfois
dépressifs. En effet, s’ils veulent être au premier plan, ils ont
plus ou moins conscience qu’ils n’en ont pas les capacités et
que leurs buts sont trop élevés. En général plutôt discrets et
réservés, ils peuvent cacher leur « grandiosité » derrière une
fausse modestie et cherchent la considération et l’amour
des autres par une séduction plaintive, la culpabilisation ou
parfois la manipulation.
Pour certains psychiatres, narcissisme grandiose et
narcissisme vulnérable constituent deux aspects relevant
d’une même problématique dans la construction du narcis-
sisme. D’autres considèrent qu’il s’agit de pathologies diffé-
rentes. Un certain nombre de psychiatres, dont Kernberg,
reconnaissent que, chez une même personne, un état de
5 Aaron L. Pincus et Michael J. Roche, « Narcissistic grandiosity and narcis-

sistic vulnerability », in W. Keith Campbell et Joshua D. Miller (dir.), The
Handbook of Narcissism and Narcissistic Personality Disorder, op. cit.
106

« grandiosité » peut osciller avec des phases de vulnérabi-

lité6. Cela n’a rien d’étonnant car, derrière la mégalomanie
ou l’arrogance d’un Narcisse, grandiose ou vulnérable, il y
a toujours une grande fragilité qui renvoie à une insuffi-
sance dans la construction du narcissisme. Si les Narcisse
sont tellement préoccupés par ce que pensent les autres,
c’est qu’ils ont un besoin constant d’être rassurés à travers le
regard de l’autre sur leur capacité à être aimés. Leur préten-
tion à une supériorité est une tentative de compenser leur
mauvaise estime d’eux-mêmes au détriment des autres pour
un Narcisse grandiose, au détriment d’eux-mêmes pour les
vulnérables.
La focalisation du DSM-5 sur la partie grandiose de la
pathologie narcissique explique la faible prévalence de la
version vulnérable dans les recherches. C’est pourquoi, pour
mieux analyser ces profils de personnalité, des chercheurs
américains ont développé des échelles d’évaluation comme
le Narcissistic Vulnerability Scale (NVS), qui résume ce type
de narcissisme à travers deux traits du registre de la mégalo-
manie (mégalomanie, tendance à exploiter les autres) et un
trait du registre de la vulnérabilité (mauvaise régulation
de l’estime de soi)7. Pour ma part, selon mon expérience
clinique, je peux distinguer deux profils de Narcisse vulné-
rables.
Un premier profil correspond à des individus ayant une
basse estime de soi et un sentiment de dévalorisation ou
d’illégitimité en même temps qu’un très grand besoin de
reconnaissance et de validation extérieure. Ces individus
6 Otto Kernberg, « Narcissistic personality disorders. Part 1 », Psychiatric

Annals, vol. 39, n° 3, mars 2009, p. 105‑167.
7 Eytan Bachar, Hilt Hadar, Arieh Shalev, « Narcissistic vulnerability and
the development of PTSD : a prospective study », Journal of Nervous and
Mental Disease, vol. 193, n° 11, 2005.
107

Les Narcisse
évitent de se confronter aux autres, car ils craignent tout

ce qui menace leur estime de soi. Ils sont hypersensibles
et la moindre critique les hante. Ils ont le sentiment que,
tels qu’ils sont, on ne les reconnaît pas à leur juste valeur
et, pour s’adapter, ils se masquent et développent un faux
self qui peut donner d’eux l’image d’individus particulière-
ment conformes. Chez eux, le narcissisme excessif serait une
réaction inconsciente à un sentiment de honte et de doute
sur leurs capacités. Alors que chez les Narcisse grandioses la
honte est rejetée par un mécanisme de clivage, les Narcisse
vulnérables ont honte de ne pas être ce qu’ils pensent qu’ils
devraient être. Ils nous donnent à voir le contraste entre une
représentation inconsciente d’un soi grandiose et un système
inconscient d’infériorité et de vide intérieur.
Frédéric, actuellement au chômage, vient me voir sur les

conseils de Pôle Emploi. Après avoir changé plusieurs fois
d’orientation pendant ses études, il a travaillé dans le service
marketing d’une société d’assurances, puis dans une banque.
À chaque fois, il s’est senti inadapté et a vu que cela ne lui
convenait pas. C’est ce qui l’a décidé à vouloir travailler en
tant qu’autoentrepreneur, mais cela a abouti à un autre échec.
Quand il se présente à un entretien de recrutement, il se
montre arrogant, négatif, donnant à penser que s’il se résout
à cet emploi, c’est faute de mieux. Du coup, ces entretiens ne
débouchent sur aucun poste, mais il ne semble pas comprendre
pourquoi. Lorsque, effondré, fatigué, présentant de nombreux
troubles psychosomatiques, il consulte son généraliste, celui-ci
lui prescrit des antidépresseurs, qu’il a arrêtés car il dit ne pas
en supporter les effets secondaires.
De tous ses échecs, Frédéric ne se sent nullement responsable :
c’est la faute des autres – « tous des cons » ; ou bien : « Je
n’ai pas de chance. » Quand son entourage ou ses contacts se
proposent de l’aider, il refuse car il ne veut rien devoir à per-
sonne et tient à se débrouiller tout seul. Sa famille s’inquiète
pour lui, mais découvre avec étonnement que, sur les réseaux
108

sociaux, il donne une autre image de lui, en tant que poète

incompris, victime d’une société qui ne sait pas reconnaître
les meilleurs.
Les psychiatres rencontrent souvent ces Narcisse qui,

sûrs de leur bon droit, ne viennent pas consulter pour se
remettre en question, mais qui veulent avant tout un certi-
ficat médical « pour leur dossier ».
Mégane travaille dans une grande administration à un poste

élevé, même si elle considère que sa progression n’est pas à
la mesure de ses compétences. Elle vient consulter, car elle se
pense victime de harcèlement moral de la part de son supérieur
hiérarchique, qui, par jalousie, bloquerait sa promotion. Mégane
se présente comme une femme timide, petite souris discrète, qui
parle d’un ton plaintif. La situation qu’elle me décrit ressemble
plus à un conflit qu’à du harcèlement moral et je le lui dis. Elle
sort alors de sa réserve pour m’expliquer que je n’ai rien com-
pris, et elle me décrit une suite de comportements qu’elle juge
agressifs de la part de son supérieur hiérarchique. Comme je
l’interroge sur sa vie privée, elle commence une longue diatribe
contre son mari, qui n’est pas ce qu’elle attend d’un conjoint
et, là aussi, fait une liste de tous ses manquements. À aucun
moment elle ne parle de ses sentiments, mais uniquement de
ce qui ne va pas. Tout son discours, que ce soit par rapport au
travail ou à son couple, est ponctué de : « J’ai le droit de… » ;
ou bien : « Ce n’est pas normal, il me doit cela. » Un jour, elle
vient à nouveau se plaindre de son travail qui ne lui plaît plus
et me demande un arrêt de travail, expliquant que, pour changer
de poste, comme sa demande n’a pas été prise en compte, elle
n’a pas d’autre choix que de mettre la pression à sa hiérarchie.
Quand je lui dis que je ne peux pas lui délivrer cet arrêt car
elle n’est pas malade, elle me rétorque : « C’est vrai, je ne suis
pas malade, mais si je ne m’arrête pas, je vais tomber malade. »
Le second profil de Narcisse vulnérables est celui

d’individus ayant une haute estime de soi mais instables
109

Les Narcisse
et qui, par leur méfiance, sont proches de ceux présentant

un trouble de la personnalité paranoïaque de type sensi-
tif. Derrière une présentation de douceur, d’inhibition et
de vulnérabilité, les Narcisse sensitifs sont des personnes
scrupuleuses, ambitieuses, mais également extrêmement
susceptibles, craignant en permanence qu’on leur manque
de respect : elles ont l’impression d’être l’objet de réflexions
et de critiques de la part d’autrui, ou d’être insuffisam-
ment considérées, ce qui amène chez elles un sentiment
de dévalorisation ou d’humiliation. Les sensitifs, facilement
blessés, sont hypersensibles aux réactions d’autrui et fuient
le contact. C’est l’affectif qui domine chez eux, mais leurs
réactions sont plus dépressives qu’agressives et il n’est pas
rare qu’ils fassent des tentatives de suicide. Sans se sentir
franchement persécutés, ces sujets ont l’impression qu’on
s’intéresse à eux d’une manière excessive à leurs yeux et qui
n’est pas bienveillante. Marqués par un mélange l’orgueil et
d’humilité, en raison de leurs difficultés relationnelles, ils se
sentent inadaptés à leur environnement social et craignent
de ne pas être à la hauteur.
Même s’ils sont proches des personnalités paranoïaques
sensitives, on ne retrouve pas chez les Narcisse sensitifs tous
les éléments de la structure paranoïaque, qui se caractérise
par une rigidité affective et relationnelle et une raideur
marquant une distance avec l’interlocuteur. Alors qu’un
narcissique, même sensitif, cherchera à « se faire bien voir »
pour séduire l’autre afin que celui-ci puisse lui renvoyer une
image valorisante.
Pourtant, comme les paranoïaques, les Narcisse sensi-
tifs, femmes ou hommes, sont trop sensibles, trop vulné-
rables à l’hostilité réelle ou supposée d’autrui. Depuis les
années 1990, on rencontre de plus en plus de ces Narcisse
sensitifs dans le monde du travail, où ils sont particulière-
ment réactifs à tout ce qu’ils vivent comme une attaque à
110

l’estime de soi – ils et elles se plaignent, parfois de façon

abusive, d’être victimes de harcèlement moral. Reste que,
nous y reviendrons, si cette pathologie est bel et bien en
nette augmentation dans nos sociétés, c’est que le monde du
travail s’est durci et que les personnes y sont de moins en
moins respectées dans leur singularité. Cela nous renvoie aux
écrits du psychiatre allemand Ernst Kretschmer (1888‑1964)
qui, dans son ouvrage Paranoïa et sensibilité (1927), posait
la question des liens entre une personnalité et sa réponse
affective à une expérience vécue. Selon lui, une agression
extérieure plus ou moins marquante venait toucher un
individu à un point sensible et induisait une décompensa-
tion. On peut alors parler d’une pathologie réactionnelle ou
de réaction psychogène.
Ce sont aussi ces Narcisse vulnérables qui, à la suite
d’une situation perçue comme une humiliation, risquent
de se venger à travers du cyberharcèlement ou qui peuvent
devenir des tueurs de masse dans les écoles.
Les pervers narcissiques ou psychopathes
Aux deux principaux types de Narcisse patho

logiques, les grandioses et les vulnérables, il importe d’ajouter
les pervers narcissiques. Il s’agit d’un trouble de la person-
nalité narcissique extrême et dangereux puisque teinté de
perversion morale.
Le terme de « pervers narcissique » s’est banalisé
dans le langage courant et sur les réseaux sociaux, suite
notamment à l’écho de mon livre Le Harcèlement moral.
La violence perverse au quotidien (1998). Malheureusement,
en se vulgarisant, ce concept s’est galvaudé et on étiquette
désormais un peu vite « pervers narcissique » un conjoint
ou un collègue dès lors qu’il s’agit d’une personne diffi-
111

Les Narcisse
cile ou égoïste. On retrouve sur les réseaux sociaux la

même volonté de dénoncer ces personnalités toxiques,
qualifiées de « narcs » (pour narcissiques) sur les réseaux
américains ou de « PN » (pour pervers narcissiques) sur
les réseaux français. En effet, cette entité clinique est très
proche de ce que, le rapprochant de la psychopathie, les
psychiatres américains appellent « narcissistic psychopath »
ou « psychopathic narcissist », ou encore malignant narcis-
sism 8 (narcissisme malfaisant ou « malin »). En effet, pour
les psychiatres anglo-saxons, dès lors que ces individus ont
un comportement malveillant, ils relèvent de la psycho-
pathie.
Reprenons l’histoire du concept de narcissisme que
nous avons évoquée précédemment. Nous avons vu que
très tôt des psychanalystes, sans être forcément d’accord
sur la place à leur accorder dans les classifications, avaient
mentionné le côté destructeur de certains Narcisse. C’est
Erich Fromm qui avait formulé le diagnostic de malignant
narcissism pour expliquer la personnalité d’Hitler. Selon lui,
il s’agissait de la pathologie la plus grave portant les racines
de la destructivité et de l’inhumanité. Le psychiatre améri-
cain Otto Kernberg considérait qu’il s’agissait d’un sous-
groupe de la personnalité narcissique car « elle présente
une même configuration de traits à laquelle s’ajoute
une grave pathologie du Surmoi ». Il en décrivait quatre
composantes : un trouble de la personnalité narcissique,
un comportement antisocial, des traits paranoïaques et du
sadisme.
En 1941, le psychiatre américain Hervey Milton Cleckley,
de la faculté de médecine de Géorgie, avait décrit dans son
livre The Mask of Sanity, les grands traits de la personnalité
8 John D. Gartner, « Donald Trump is : a) bad, b) mad, c) all of the above »,

in Bandy Lee (dir.), The Dangerous Case of Donald Trump, op. cit.
112

psychopathique 9. Il brossait le portrait d’hommes sympa-

thiques, charmants, intelligents, inspirant confiance et
ayant un grand succès auprès des femmes, mais avec une
grande froideur affective et une exceptionnelle capacité à
manipuler l’autre, ce qui, on le verra, est très proche de la
perversion narcissique. Il avait proposé une liste de critères
diagnostiques pour la psychopathie : charme superficiel et
bonne « intelligence » ; absence de délire et de tout signe
de pensée irrationnelle ; absence de « nervosité » ou de
manifestations psychonévrotiques ; sujet sur qui on ne peut
compter ; fausseté et hypocrisie ; absence de remords et de
honte ; comportement antisocial non motivé ; pauvreté du
jugement et incapacité d’apprendre de ses expériences ;
égocentrisme pathologique et incapacité d’aimer ; réactions
affectives pauvres ; incapacité d’introspection ; incapacité de
répondre adéquatement dans les relations interpersonnelles ;
comportement fantaisiste et peu attirant sous l’emprise de
l’alcool, voire sans alcool ; rarement porté au suicide ; vie
sexuelle impersonnelle, banale et peu intégrée ; incapacité
de suivre un plan de vie.
À la suite des travaux de Cleckley, le mot psychopathe,
jugé stigmatisant, a été rayé de la terminologie psychiatrique
officielle pour finalement être effacé du DSM en 1952 et
être remplacé par « trouble de la personnalité antisociale ».
Malheureusement ce changement, en mettant l’accent
sur les aspects sociaux de cette pathologie, laissait de côté
une compréhension fine individuelle, ce qui en fait un
concept différent. Selon le DSM-5, le trouble de la person-
nalité antisociale se définit par trois des sept manifestations
suivantes : 1) incapacité de se conformer aux normes sociales
qui déterminent les comportements légaux, comme l’indique
9 Hervey M. Cleckley, The Mask of Sanity. An Attempt to Clarify Some Issues

About the So-Called Psychopathic Personality, Private printing, Georgia, 1988.
113

Les Narcisse
la répétition de comportements passibles d’arrestation ;

2) tendance à tromper par profit ou par plaisir, indiquée
par des mensonges répétés, par l’utilisation de pseudonymes
ou des escroqueries ; 3) impulsivité ou incapacité à plani-
fier à l’avance ; 4) irritabilité ou agressivité, indiquées par la
répétition de bagarres ou d’agressions ; 5) mépris inconsidéré
pour sa sécurité ou celle d’autrui ; 6) irresponsabilité persis-
tante, indiquée par l’incapacité répétée d’assumer un emploi
stable ou d’honorer des obligations financières ; 7) absence
de remords, indiquée par le fait d’être indifférent ou de se
justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui.
La notion de perversion narcissique a été décrite pour
la première fois en 1986 par le psychanalyste français
Paul-Claude Racamier10. Si ce concept n’est pas décrit dans
les classifications internationales, c’est parce qu’il s’agit d’une
notion d’origine psychanalytique et que les psychiatres
américains répugnent désormais à s’y référer ; mais cela ne
retire rien à sa pertinence. De plus, la classification améri-
caine, qui se veut uniquement descriptive et s’abstient de
tout ce qui peut être interprété comme un jugement moral,
limite le terme « pervers » aux perversions sexuelles. Nous
allons voir que le profil psychologique des pervers narcis-
siques ne cadre ni avec celui des narcissiques grandioses ni
avec celui des « personnalités antisociales », puisqu’ils ne
cochent que deux items sur sept de la grille d’évaluation
du DSM-5.
Les pervers narcissiques sont incontestablement narcis-
siques, mais ils le masquent sous un abord charmeur et
socialement conforme. Leur mégalomanie n’étant pas osten-
sible, ils n’éveillent pas d’emblée la méfiance. Ils cherchent
à donner d’eux-mêmes une bonne image et peuvent même
10 Paul-Claude Racamier, « Entre agonie psychique, déni psychotique et per-

version narcissique », Revue française de psychanalyse, vol. 50, n° 5, 1986.
114

afficher un ton moralisateur et se poser comme référents,

alors qu’ils n’ont aucun scrupule d’ordre moral. Au fond,
ce sont des miroirs aux alouettes qui brillent pour mieux
charmer leurs futures victimes.
Comme les narcissiques grandioses, ils n’éprouvent
aucune empathie vis-à-vis d’autrui, mais, alors que les
premiers sont tellement centrés sur eux-mêmes qu’ils ne
prennent pas conscience de l’effet négatif qu’ils ont sur les
autres, les pervers narcissiques reconnaissent parfaitement la
souffrance qu’ils infligent à autrui, laquelle les laisse indif-
férents, voire les fait jouir. Ils sont narcissiques, mais à leur
mégalomanie se surajoute un fonctionnement pervers qui
consiste à jouir de se valoriser au détriment d’autrui. Ce
que Racamier formule ainsi : « Le pervers narcissique est un
narcissique en ce qu’il entend ne rien devoir à personne ; et
c’est un pervers en ce qu’il entend faire activement payer
par autrui le prix de l’enflure narcissique et de l’immunité
conflictuelle auxquelles il prétend11. » Ou, pour le dire plus
simplement : un pervers narcissique est narcissique, il a donc
besoin d’un public, mais il est aussi pervers, il a donc besoin
de proies.
Les pervers narcissiques sont des coquilles vides qui
cherchent à faire illusion, mais n’ayant pas de substance
pour regonfler leur narcissisme, ils envahissent le territoire
psychique d’un autre afin de s’approprier ses qualités ou sa
vitalité12. Ils s’attaquent à l’estime de soi et à la confiance
en soi d’autrui au profit de leur propre narcissisme. Leur
moteur, c’est l’envie, mais quand ils envient la réussite ou
11 Paul-Claude Racamier, « Perversité dans les familles. Nouvelles recherches et

applications en thérapie familiale psychanalytique », Gruppo, n° 3, Clancier-
Guénaud, Paris, 1987.
12 Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement moral. La violence perverse au quo-
tidien, Syros, Paris, 1998.
115

Les Narcisse
les qualités de l’autre, cela les met face à leur incomplétude,

ce qui leur est insupportable. Alors, ne pouvant égaler la
personne enviée, ils vont chercher à l’humilier ou à l’avilir.
Ce qui est le plus étonnant chez eux, c’est leur force de
persuasion, leur capacité à faire agir autrui : ils savent instinc-
tivement manipuler l’autre afin de l’amener à accepter des
compromissions au détriment de son propre narcissisme. Ils
n’attaquent jamais frontalement mais, par allusions, intimi-
dations, pressions ou culpabilisation, ils peuvent pousser leur
cible à la faute pour mieux la critiquer ou disqualifier ensuite.
Francis, cadre dirigeant, a épousé Cécile rencontrée en école

de commerce. Ils ont deux enfants jumeaux maintenant âgés
de six ans. La violence verbale est apparue dès le début de
leur relation, mais Cécile excusait Paul qui venait de perdre
son père. Il n’y avait jamais de disputes à proprement parler,
mais des remarques assassines de Francis énoncées sur un ton
froid : « Tu es bête, tu ne mérites pas le respect » ; ou bien :
« Je ne te déprécie pas, je te mets à ton juste niveau. » Après
quelques mois de relation, Cécile a pensé le quitter mais c’est
alors qu’elle a découvert qu’elle était enceinte de jumeaux.
Comme il s’agissait d’une grossesse pathologique qui l’obligeait
à rester alitée, Francis l’a incitée à renoncer à poursuivre des
études longues pour s’orienter vers un cursus plus compatible
avec l’éducation des enfants. Elle est donc devenue professeur
des écoles. Même quand il lui a tordu le bras pour ensuite
l’enfermer dans une pièce sans téléphone portable, elle n’a pas
osé porter plainte, seulement une main courante, car « c’est
lui qui paie tout, je n’ai aucune économie ».
Puis Francis a entretenu une relation extraconjugale, laissant
traîner des indices qui mettaient Cécile en rage. À chaque
fois qu’elle l’interrogeait, comme il niait les évidences, elle
s’énervait et lui faisait des scènes devant lesquelles il restait
complètement froid : « Ma pauvre cocotte, regarde comment
tu es, tu fais tout pour que j’aie envie de te tromper ! » À la
maison, l’atmosphère est devenue tendue en permanence et
116

Cécile était épuisée, ce qui agaçait Francis : « Je ne comprends

pas, tu finis tôt et tu ne travailles pas le mercredi, quelle
chochotte tu fais ! » Devant les enfants, il se moquait d’elle,
critiquait son « travail de m… » et tout ce qu’elle disait était
tourné en dérision.
Un jour où Francis a été particulièrement odieux, Cécile a
tenté de se rebeller. Il lui a dit alors d’un ton doucereux qu’il
ne comprenait pas de quoi elle parlait, et Cécile a « pété les
plombs », s’est mise à hurler. Francis l’a enregistrée : « Merci,
ce sera parfait pour mon dossier de divorce, avec ça tu n’auras
pas la garde des enfants, je pourrai démontrer que tu es folle ! »
Dans les familles, les pervers narcissiques font beaucoup

de dégâts car, leur personnalité étant clivée, ils ne supportent
pas l’harmonie familiale et montent les personnes les unes
contre les autres. Ils ont une formidable intuition qui leur
permet de repérer les failles de leur interlocuteur pour
adapter leur comportement. Une patiente confrontée à un
père pervers narcissique me disait : « Au départ, on ne voit
pas le problème, mais on s’abîme, on est comme une fleur
qui se flétrit. »
La mère de Barbara n’a jamais su aimer ses enfants en même

temps. Quand elle se rapprochait de l’un, c’était pour mieux
critiquer et disqualifier l’autre. Barbara qui était adulée enfant,
a été ignorée puis rejetée en tant qu’adulte. On ne l’invitait
pas aux fêtes de famille, pas plus que ses enfants. Invitée au
mariage de sa petite-fille, la grand-mère annule au dernier
moment sous un prétexte futile et n’envoie même pas un
message de félicitations. Lors du décès de leur père, ni Barbara
ni sa sœur cadette n’ont été prévenues, elles ne l’ont appris
que par hasard par de lointains cousins. Les autres frères et
sœurs avaient déjà envahi la place.
Les pervers narcissiques ne reconnaissent jamais leurs

erreurs et ils attribuent tous leurs échecs aux autres. Ils se
défendent par des mécanismes de projection et font porter
117

Les Narcisse
à l’autre tout ce qu’ils refusent de voir en eux-mêmes, tout

le négatif et la souffrance qu’ils n’éprouvent pas ou leur
manque d’estime de soi. Quand ils risquent d’être démas-
qués, ils se posent en victimes.
Gérard, qui s’était montré particulièrement rejetant et mal-

traitant avec son fils aîné alors qu’il avait un comportement
normal de père avec les suivants, me dit dans un moment de
rare lucidité : « Je ne le supporte pas parce qu’il me ressemble
trop. » Rejeter le « mal » sur cet enfant lui permettait d’être ou
de paraître un bon père vis-à-vis du monde extérieur.
Alors que les Narcisse grandioses et les sociopathes sont

extrêmement impulsifs, les premiers par caprice, les seconds
sans prendre en compte les conséquences de leur compor-
tement pour eux-mêmes ou pour autrui, ce qui les amène
souvent à des bagarres ou des agressions, les pervers narcis-
siques au contraire sont des stratèges qui savent exactement
ce qu’ils font et qui maîtrisent tout dans les moindres détails.
Ils ne commettent pas d’actes antisociaux en tant que tels,
car ils sont suffisamment habiles pour se tenir à la limite
de ce qui pourrait être sanctionnable juridiquement : ce
sont des calculateurs, et c’est pour cela qu’ils prolifèrent
dans les lieux de pouvoir. C’est leur capacité à mentir,
associée à leur manque de scrupules et leur aisance dans
les relations sociales, qui les amène à une rapide réussite
sociale ou matérielle. Ils mentent, mais de façon plausible
en se contentant de déformer la réalité, ils trichent ou
réalisent de spectaculaires arnaques comme l’escroc de haut
vol Bernard Madoff, tout leur art étant de ne pas se faire
prendre. En affaires, contrairement aux Narcisse grandioses
qui se placent au-dessus des règles, les pervers narcissiques
les transgressent délibérément et avec une grande jouissance.
Pour parler d’eux, les Américains parlent volontiers de « white
collar psychopath » ou de « successful psychopath ». Alors que
118

Donald Trump, nous l’avons vu, est incontestablement un

narcissique grandiose, Frank Underwood de la série House
of Cards est un pervers narcissique.
Dans une société narcissique, que ce soit dans les entre-
prises, dans le monde politique ou dans n’importe quelle
activité sociale, les critères caractérisant les pervers narcis-
siques sont devenus les qualités requises pour « réussir »…

Dec Hirig 2019 01 0093

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4.

Les principales pathologies narcissiques

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Les principales pathologies

Les Narcisse grandioses ou mégalomanes

Dans le premier chapitre, nous avons utilisé les

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simple description clinique, du « narcissisme infraclinique ».

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discourtois de commencer un courrier par « je » ; mais en

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là où ça leur convient même si cela gêne les autres automo-

Jennifer aime être le centre de l’attention de tous, et elle ne

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distance, alors elle se plaint de l’ingratitude de ceux qu’elle

Leurs stratégies de séduction ou de courtisanerie sont

4 « Bruno Lemaitre : “Le système de recherche favorise les personnalités

NARCISSES_cs6_pc.indd 97 11/02/2019 12:09:10

L’image élevée qu’ils ont d’eux-mêmes sera alors renforcée

Sonia est une jolie cinquantenaire, extrêmement soucieuse de

Au départ, leur flamboyance, leur culot, le fait qu’ils

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qu’ils savent valoriser leurs contributions, mettre à leur crédit

Alexandre est cadre dirigeant. Quand il entre dans un nouveau

Les Narcisse grandioses ont tendance à être envieux et

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succès qu’eux. Leur perception des autres est dichotomique :

Solange, qui exerce une profession intellectuelle en indépen-

Sur le plan personnel, le regard qu’ils portent sur les

NARCISSES_cs6_pc.indd 100 11/02/2019 12:09:10

de mes patientes résume finement : « Pour me séduire, le

Martin est beau, intelligent, cultivé, issu d’une bonne famille

NARCISSES_cs6_pc.indd 101 11/02/2019 12:09:10

entre Paris et le Brésil. Pour le divorce, il a versé une somme

Comme les Narcisse n’aiment que ce qui contribue à

Marc est obsédé par l’apparence de ses compagnes, qui doivent

Ayant une vision très utilitaire des autres, ils sont

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Steffen, qui se présente comme expert international et conféren-

D’une façon générale, dans la relation amoureuse, tout

NARCISSES_cs6_pc.indd 103 11/02/2019 12:09:11

Que ce soit dans la vie privée ou la vie professionnelle,

Boris Boillon, ancien « Sarko Boy » et ancien ambassadeur en

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sensibles du Proche-Orient. Le 31 juillet 2013, il a été inter-

Pourtant, comme on l’a vu à propos de Donald Trump,

Les Narcisse vulnérables

Si tous les psychiatres sont d’accord pour

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moins spécifique que la forme grandiose et que cette

5 Aaron L. Pincus et Michael J. Roche, « Narcissistic grandiosity and narcis-

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« grandiosité » peut osciller avec des phases de vulnérabi-

6 Otto Kernberg, « Narcissistic personality disorders. Part 1 », Psychiatric

NARCISSES_cs6_pc.indd 107 11/02/2019 12:09:11

évitent de se confronter aux autres, car ils craignent tout

Frédéric, actuellement au chômage, vient me voir sur les

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sociaux, il donne une autre image de lui, en tant que poète

Les psychiatres rencontrent souvent ces Narcisse qui,

Mégane travaille dans une grande administration à un poste

Aux deux principaux types de Narcisse patho