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Inhibition et autorégulation : l'exemple des enfants

présentant un trouble déficitaire de l'attention


Hélène Poissant
Dans Le Journal des psychologues 2007/1 (n° 244), pages 35 à 39
Éditions Martin Média
ISSN 0752-501X
DOI 10.3917/jdp.244.0035
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DOSSIER
Regard sur l’inhibition

Inhibition et autorégulation :
l’exemple des enfants présentant un trouble
déficitaire de l’attention Hélène Poissant Professeur titulaire
Université du
Québec à Montréal

Quelle est la nature des liens existant entre l’inhibition et d’autres domaines
cognitifs, comme la mémoire de travail, l’autorégulation, et leurs corrélats
neurologiques ? Les travaux en neuropsychologie suggèrent l’hypothèse
d’une absence d’inhibition comportementale pour expliquer les comportements
impulsifs, et convergent vers l’implication d’une dysfonction d’une certaine zone
du cerveau.

e trouble déficitaire de l’attention divers déficits d’ordre cognitif. Nous ten- réseau neuronal fronto-striatal comme

L avec ou sans hyperactivité TDAH est terons ici de dresser un aperçu de ces cause probable du TDAH. Or, il est égale-
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l’un des problèmes le plus fréquent déficits et des liens que ceux-ci entretien- ment connu que ce réseau est impliqué
chez les enfants en milieu scolaire. Selon nent entre eux. dans l’inhibition (Durston, 2003 ; Rubia,
les statistiques nord-américaines, il tou- Smith, Brammer, et al., 2005). Malgré ces
cherait entre 3 % à 9 % des jeunes et serait Profil cognitif des enfants dernières avancées dans la recherche, la
trois fois plus présent chez les garçons nature des liens existant entre l’inhibition et
que chez les filles. Ses trois symptômes
avec un TDAH d’autres domaines cognitifs, comme la
principaux : l’inattention, l’impulsivité et Les connaissances sur le plan de la sympto- mémoire de travail, l’autorégulation, et
l’hyperactivité (DSM-IV) persistent durant matologie et des processus cognitifs asso- leurs corrélats neurologiques, reste l’objet
l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte dans ciés au TDAH ont beaucoup progressé der- de spéculation. Nous tenterons d’apporter
30 % à 60 % des cas. Par ailleurs, de nom- nièrement. Au cœur des processus le plus ici une réflexion sur ces questions.
breux problèmes sont associés au trouble souvent invoqués dans l’explication du
dont la pauvre performance académique, trouble se trouve la question du contrôle L’inhibition dans le TDAH
les troubles d’apprentissage, les troubles cognitif et de l’inhibition. Ainsi, des études
de la conduite, les relations sociales limi- récentes en neuropsychologie supportent Les découvertes en neuropsychologie
tées et une probabilité plus importante de l’hypothèse que des difficultés au plan de cognitive des dernières années confirment
souffrir d’anxiété ou de dépression à l’âge l’inhibition comportementale expliquent l’hypothèse d’une étiologie frontale dans le
adulte (Barkley, 1997 ; Biederman, 1998). les comportements impulsifs. D’autre part, trouble déficitaire de l’attention avec ou
Derrière ces diverses manifestations du les résultats en neuroimagerie convergent sans hyperactivité. L’un des rôles des lobes
trouble, on peut également soupçonner vers l’implication d’une dysfonction du frontaux est de veiller à la bonne marche

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DOSSIER
Regard sur l’inhibition

des fonctions exécutives (FE). Celles-ci dési- antérieur), (Zelazo et al., 2005). Les FE infé-
gnent une variété de processus cognitifs rieures seraient requises dans la résolu-
d’ordre supérieur tous nécessaires à l’ac- tion de problèmes impliquant la régula-
complissement de comportements- tion des affects et de la motivation. Le
dirigés-vers-un-but. Selon la théorie de l’in- TDAH pourrait être associé à des déficits de
hibition comportementale avancée par FE à ces deux niveaux, mais possiblement
Barkley (1997a,b), l’enfant ayant un TDAH seules les FE inférieures pourraient être
présenterait des difficultés particulières en prépondérantes dans l’explication du
matière d’inhibition de ses conduites, ce trouble.
qui aurait pour conséquence de perturber Plusieurs tests neuropsychologiques sont
de façon plus spécifique quatre FE : 1) la associés à la mesure des fonctions exécu-
mémoire de travail non verbale ; 2) la tives. Les tests communément employés
mémoire de travail verbale ; 3) l’autorégula- sont : le test de performance continue
tion des affects, de la motivation et de (Continuous Performance Test, CPT), le test
l’éveil ; et 4) la reconstitution (sorte de « syn- de Stroop, le test de Go/NoGo, le test de
taxe » comportementale). Ces quatre fonc- labyrinthe (Porteus Maze, Maze subtest du
tions interagiraient entre elles pendant le WISC-III), le test de traçage de piste (Trail A
délai rendu possible lors de l’inhibition et B ;), le Wisconsin Card Sorting Test
comportementale. Le modèle propose (WCST) et le test de fluidité verbale (Verbal
aussi plusieurs sous-composantes dont le Fluency : Letter & Category). En plus de
maintien d’événements à l’esprit, l’auto- mesurer l’inhibition, ces tests mesurent
questionnement et l’autoguidance, l’auto- également la flexibilité représentation-
régulation de l’éveil pour les actions diri- nelle, le contrôle de l’attention, la
gées vers un but, l’analyse et la synthèse du mémoire de travail, les facteurs motiva-
comportement. Un retard dans la mise en tionnels et le contrôle de la réponse. Les
place de ces processus rendrait compte résultats de ces tests indiquent que les
des comportements typiques de l’enfant : il enfants avec un TDAH font de manière
oublie constamment ses responsabilités générale plus d’erreurs que les enfants
comme de remettre ses devoirs à temps ; il d’un groupe de comparaison, par
parle trop et ne peut se donner à lui-même exemple, des erreurs de persévération,
des instructions ; il ne peut maintenir un des erreurs de commissions et d’omis-
effort et est prompt à démontrer son sion, des erreurs d’interférence.
mécontentement ; il arrête d’accomplir une Une méta-analyse de Sergeant et al. (op.
tâche à la moindre embûche et ne pense cit.) permet de préciser ces résultats. Les
pas à des solutions de rechange. Globale- FE à l’étude sont regroupées ici en cinq
ment, on peut dire que ses comportements classes soit, 1) l’inhibition, 2) la flexibilité
sont davantage dirigés par l’environne- (set shifting), 3) la mémoire de travail, 4) la
ment que par des buts internes (internali- planification et 5) la fluidité. Les tests utili-
sés ?). L’enfant est donc plus influencé par sés sont dans l’ordre respectif des
les contingences immédiates qui émanent classes : 1) le Stop-task et le Stroop ; 2) le
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de l’extérieur que par des règles comporte- WCST ; 3) le Self-Ordered sequencing task
mentales intériorisées ou des objectifs à (SOP), 4) La Tour de Hanoi (ToH) et la Tour
long terme. Plus immature sur le plan de Londres (ToL) et 5) fluidité verbale
cognitif, il est en quelque sorte hyperré- (lettre/catégories). Les résultats indiquent
pondant par rapport aux stimuli de son que les enfants avec TDAH sont en moyenne
environnement et fonctionne sous un plus lents que les enfants normaux (7/8
mode plus réactif que proactif (Poissant, études) pour inhiber une réponse motrice
2003). déjà mise en route (Stop-Task). Le test de
La majorité des études convergent ainsi Stroop permet de différencier les enfants
vers l’idée d’un syndrome dysexécutif avec TDAH des enfants normaux contrôles
dans l’explication du TDAH (Sergeant et al., (10/12 études) sur plusieurs dimensions
2002). De plus, on commence à peine à dont la mesure de l’interférence. Les résul-
souligner une importante dichotomie tats au WCST différencient aussi les
entre les FE, en termes de fonctions « supé- groupes TDAH des groupes contrôles
rieures » et « inférieures », ce que certains (17/26 études). Les résultats au SOP indi-
nomment le « Cool brain » (associé aux quent un désavantage des groupes TDAH
aires dorsolatérales du cortex préfrontal) par rapport aux groupes contrôles (2/2
par rapport au « Hot brain » (associé aux études). Les tests de Tours montrent une
régions ventrale et médiane du cortex différence à la défaveur des groupes TDAH
préfrontal incluant le cortex cingulaire versus les groupes contrôles (5/7 études).

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Les tests de fluidité-lettres indiquent aussi
un désavantage des groupes TDAH par rap-
port aux groupes contrôles (6/9 études).
Seulement 2/9 études indiquent une telle
défaveur pour les tests fluidité-catégories.
Enfin, d’autres tests servent aussi à mesu-
rer différentes FE. Ainsi, le d2 test (Concen-
tration Endurance Test) est associé à des
mesures d’attention sélective et de
mémoire de travail ; le Brown-Peterson
(Auditory Consonant Trigrams, CCC ) est
associé à la résistance à l’interférence et à
la mémoire de travail ; la figure complexe
de Rey est associée à la planification
(Spreen et Strauss, 1998). Des études
récentes de Poissant (op. cit.) démontrent
que ces mesures, y compris la mesure de
fluidité (lettres), sont en corrélation posi-
tive avec des mesures d’autorégulation
chez des enfants normaux. De plus, ces
mesures indiquent des délais développe-
mentaux et des déficits chez les enfants
TDAH en comparaison des enfants nor-
maux. Bien que les différents tests évo-
qués ne permettent pas d’établir de
manière univoque la présence d’un TDAH,
ils s’avèrent un complément d’information
essentiel dans la compréhension du Les comportements de l’enfant sont plus dirigés
trouble et, pensons-nous, dans l’évalua- par l’environnement que par des buts internes.
tion des améliorations post-traitement. À
ce sujet, les FE sont de plus en plus invo-
quées dans les études cliniques visant à
vérifier l’efficacité du méthylphénidate peut prendre la forme d’un autoquestion-
(Ritaline) dans le traitement du trouble nement (par ex., « Est-ce que ceci a du
(Tannock et al. 1995). sens ? »). L’autorégulation renvoie donc
Ces résultats de recherche amènent cer- à diverses formes d’activités mentales
tains questionnements sur le plan théo- mises à disposition du sujet pour contrô-
rique. Ainsi, on peut se demander si cer- ler et gérer ses processus de réflexion. En
taines des FE , dont l’inhibition et la définitive, elle permet de mieux structurer
mémoire de travail, sont maîtrisées de et organiser la pensée, un aspect souvent
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manière différentielle en fonction de la défaillant dans le TDAH.
présence ou non d’un diagnostic de TDAH. On établit que c’est vers l’âge de quatre
En effet, la possibilité d’une ontogenèse ans que l’enfant normal commence à
plus tardive des lobes préfrontaux, asso- développer un autocontrôle en même
ciés à ces FE, chez les enfants avec un TDAH, temps qu’il développe un langage interne
pourrait rendre compte du profil particu- qui lui permet de moduler son impulsivité.
lier de ce trouble. En comparaison, on a vu que l’enfant TDAH
semble éprouver la plus grande difficulté
L’autorégulation dans le TDAH lorsqu’il s’agit de retarder ou de retenir
une réponse. L’incapacité de mener à
L’autorégulation partage plusieurs liens terme cette démarche métacognitive
avec le domaine de l’inhibition et des donne l’impression que ces enfants ont de
fonctions exécutives. Celle-ci peut être la difficulté à expliquer certaines choses
décrite comme un ensemble « d’expé- ou n’arrivent pas à traduire les éléments
riences, de sentiments, et de pensées » qui importants de leur pensée. Étant donné la
surviennent durant une entreprise cogni- maîtrise relativement tardive des fonc-
tive (Flavell, 1979). Ces expériences don- tions d’autorégulation complexes et
nent aux individus un feedback interne des fonctions exécutives d’ordre supé-
qui les renseigne quant à l’efficacité de rieur, il est plausible de penser que les
leur gestion mentale. Cette gestion mentale enfants avec un TDAH auront des profils

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DOSSIER
Regard sur l’inhibition

de développement plus lents que les point ultérieur de leur développement. dorso-antérieur (CCdA). Il a été démontré
enfants normaux sur des épreuves met- Cela paraît indiquer qu’il s’agit chez eux que le CCdA joue un rôle important dans
tant en jeu l’autorégulation. d’une immaturité plutôt que d’un « défi- l’attention, le contrôle moteur et la prise
L’absence d’intuition métacognitive quant cit » ou d’une absence d’autorégulation au de décision basée sur le renforcement
à notre compréhension d’événements de sens strict (Poissant, 2006). (Bush et al. 2000, 2002). On a aussi étudié
la vie courante a des incidences directes Par ailleurs, nous avons aussi trouvé un spécifiquement le CCdA à l’aide de la tâche
sur le plan de l’apprentissage et sur le plan rapport positif entre une meilleure maî- Stroop compté (Counting Stroop). Dans
social. Cela rend improbable la demande trise de l’autorégulation et une mesure cette version du Stroop, on présente au
d’information supplémentaire ou de clari- d’inhibition comportementale (temps de sujet des mots qui sont répétés de une à
fication qui permettrait de saisir correcte- réaction au CPT). Aussi, les temps de réac- quatre fois par présentation, et le sujet
ment une situation ou un message, ce qui tion rapides dans le cas de la présente doit appuyer sur le bouton qui correspond
peut éventuellement donner lieu à des cohorte d’enfants avec un diagnostic de au nombre de mots présentés. En
biais d’interprétation. Une récente série TDAH paraissent associés à un meilleur état revanche, le nom des nombres présentés
de travaux pilotes effectuée par notre de vigilance qui favoriserait l’autorégula- ne correspond pas au nombre de répéti-
équipe vise précisément à évaluer cet tion. De plus, il paraît que les sujets plus tion du mot, ce qui représente la situation
aspect de l’autorégulation de la compré- âgés de notre cohorte ont des temps de d’interférence. Les résultats de cette
hension dans le TDAH. Nos premiers résul- réaction au CPT plus rapides que les sujets étude indiquent que le CCdA serait hypo-
tats indiquent que la performance à une plus jeunes, ce qui se rapproche des résul- fonctionnel chez les adultes avec un TDAH
tâche d’autorégulation, impliquant un tats développementaux de l’étude de et qu’il est activé seulement chez les
jugement sur la compréhension, n’est pas Conners, Epstein, et al. (2003) avec les sujets contrôles. D’autres études souli-
la même chez les enfants avec TDAH que enfants normaux. Il se pourrait donc gnent l’hypofonctionnement du cortex
celle des enfants contrôles de mêmes qu’une meilleure inhibition vienne à se préfrontal médian, qui se trouve à proxi-
âges (6-7 ; 8-9 ; 10-12 ans). En termes développer avec le temps pour aider les mité du CCdA, lors des tâches de « signal-
développemental, il apparaît que les processus d’autorégulation chez les arrêt » (stop-signal) et de synchronisation
enfants avec un TDAH mettent plus de enfants avec TDAH. Cette meilleure inhibi- motrice (motor timing) (Rubia et al., 1999).
temps à atteindre une performance équi- tion se traduirait par des temps optimaux L’étude de Durston et al. (2003), dans
valente de celle des enfants contrôles. En pour la tâche d’autorégulation requise. laquelle une tâche « Go-NoGo » a été utili-
fait, leur performance d’autorégulation de Ces premiers résultats sur l’autorégula- sée, indique aussi que les enfants et les
leur propre compréhension devient com- tion et l’inhibition sont compatibles avec adolescents du groupe contrôle activent
parable aux sujets contrôles seulement à certaines études récentes en imagerie le CCdA alors que les sujets avec un TDAH
l’âge de dix, douze ans, où l’on ne trouve cérébrale qui indiquent que les enfants ne le font pas.
alors plus de différence entre les groupes. avec un TDAH révèlent une trajectoire En utilisant une version d’une tâche Go-
Dans une seconde étude, utilisant une développementale au niveau du contrôle NoGo, Vaidya et al. (1998) ont montré que
tâche d’autorégulation plus exigeante, cognitif qui diffère de celle des enfants les enfants avec un TDAH ont une plus
nous obtenons le même type de patron ayant un développement normal. Parallè- grande activation frontale et une plus
développemental. Les enfants avec un lement, ils sont plus susceptibles à l’inter- petite activation striatale que les sujets
TDAH à qui on lit des histoires contenant férence et ils démontrent de façon simul- contrôles durant l’inhibition de la réponse.
une incohérence (qu’ils doivent détecter à tanée un manque relatif de maturation De plus, l’administration de méthylphéni-
l’aide de questions posées par l’expéri- dans le circuit fronto-striatal (Durston et date (Ritaline) mène à l’amélioration de la
mentateur) échouent à la tâche dans des al., op. cit.). performance associée à une augmenta-
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proportions variant entre 72 % (à l’âge tion de l’activation frontale pour les deux
moyen de huit ans) et 54 % (à l’âge moyen L’imagerie cérébrale groupes et également à une augmenta-
de dix ans). Ces proportions d’échec d’au- tion de l’activation striatale pour les
torégulation s’avèrent supérieures à celles
et l’inhibition dans le TDAH enfants avec un TDAH. Il y aurait donc peut-
d’une cohorte d’enfants normaux, soit Les études actuelles qui utilisent l’ IRM être une normalisation des fonctions stria-
50 % et 40 % pour les mêmes âges res- fonctionnelle (IRMf) pour l’investigation du tales avec la médication. Bref, ces résul-
pectifs. Comme dans la première étude, TDAH se dirigent vers les régions céré- tats supportent les affirmations que des
on remarque que l’écart dans la perfor- brales normalement impliquées dans les anormalités frontales et striatales peuvent
mance des enfants avec un TDAH et celle processus de l’inhibition de réponses, jouer un rôle dans le TDAH.
des enfants typiques s’amenuise avec le mais aussi de l’attention, de la mémoire Les résultats d’autres études, ayant porté
développement. Autrement dit, les sujets de travail, du contrôle moteur, de la moti- sur une autre région voisine au CCdA, située
avec un TDAH prennent plus de temps dans vation et de la récompense. Les études également au niveau du lobe préfrontal,
leur développement que les sujets sur les patrons d’activation cérébrale sont toutefois moins unanimes. Ainsi, en
contrôles à « réaliser qu’ils n’ont pas com- démontrent, entre autres, l’implication ce qui concerne le cortex préfrontal ven-
pris » une consigne verbale. Ici, celle qui d’un réseau de régions plus diffus chez les trolatéral (CPFVL), Rubia et al. (1999) ont
consiste à ne pouvoir effectuer correcte- sujets avec un TDAH (Bush et al., 1999 ; trouvé que les sujets avec un TDAH mani-
ment les consignes d’un jeu et à saisir qu’il Rubia et al., 1999). festaient moins d’activation cérébrale
y a une incohérence explicite dans l’his- Une des constantes rapportée dans les durant une tâche de « signal-arrêt ». Durs-
toire qui leur est lue. Toutefois, ils rattra- études en IRMf portant sur le TDAH est le ton et al. (op. cit.) ont trouvé que cette
pent la performance des normaux à un dysfonctionnement du cortex cingulaire même région était activée chez les sujets

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contrôles, mais pas chez les TDAH durant pour favoriser l’autorégulation, elle pour-
une tâche Go-NoGo. Toutefois, une autre rait aussi être un intermédiaire entre l’inhi-
équipe de chercheurs (Bush et al., 1999) a bition et l’autorégulation. En effet, on peut
obtenu des résultats allant dans le sens croire qu’une MTV plus limitée chez les
opposé. Durant une tâche de Stroop sujets avec TDAH fait qu’il devient plus dif-
« compté » les sujets avec un TDAH font état ficile de développer un langage interne
d’une activation bilatérale du CPFVL tandis nécessaire à l’autorégulation par le lan-
que les contrôles ne l’activent pas. gage. Actuellement, peu de données
En résumé, les études en IRMf suggèrent empiriques décrivent cette relation entre
des anormalités locales dans l’activation l’inhibition et la MTV. Les techniques d’ima-
cérébrale, en particulier un hypofonction- gerie fonctionnelle ajoutées aux
nement frontal et même des régions stria- méthodes neuropsychologiques plus
tales, ce qui confirme l’implication du cir- conventionnelles pourraient permettre
cuit fronto-striatal ( CPFDL , CPFVL , CC d A , d’éclaircir ces questions.
noyau caudé et putamen) dans le TDAH. Ainsi, une étude plus approfondie des
Toutefois, la présence de certaines contra- liens entre l’inhibition et les processus
dictions dans les résultats invite à être d’autorégulation paraît être une voie de
prudent quant aux conclusions à tirer des recherche intéressante. En ce sens, les
études d’imagerie cérébrale. Cela motive techniques d’imagerie fonctionnelle peu-
aussi le développement de nouvelles vent mettre en lumière ces processus et
leur interaction. Une telle approche pour-
tâches afin de mieux mesurer la com-
rait aussi avoir des retombées thérapeu-
plexité des phénomènes cognitifs impli-
tiques. S’il est en effet corroboré que les
qués et l’interaction entre ces phéno- déficits des enfants présentant un TDAH
mènes. Les études en imagerie cérébrale viennent principalement d’un problème
projetées devraient se centrer sur les d’inhibition se traduisant par des compor-
composantes du circuit fronto-striatal. tements impulsifs inappropriés, il se pour-
rait qu’une approche visant le contrôle
Conclusion des fonctions « supérieures », notamment,
des approches intégrant l’autorégulation
Nous venons d’examiner l’hypothèse d’un
apportent une solution partielle. Cer-
déficit de l’inhibition comportementale taines techniques intégrant les principes
comme modèle explicatif du dysfonction- de contrôle cognitif, comme le neuro-
nement exécutif en lien avec l’hypofronta- feedback, commencent à donner des
lité dans le TDAH et comment ce modèle résultats en ce sens. Un travail de valida-
s’insère dans la fonction d’autorégulation. tion de ces nouvelles techniques demeure
Un des problèmes centraux consiste à cependant à faire. ■
savoir si l’inhibition est un désordre primaire
qui entraîne à sa suite un problème d’au-
torégulation ou si l’inhibition est plutôt un
problème secondaire dans la probléma-
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tique du TDAH.
À la lumière de la dichotomie des fonc-
tions exécutives (FE) déjà soulignée et du
rôle central accordé à l’inhibition dans le
TDAH, il est justifié de penser qu’un dys-
fonctionnement des aires ventrales pour-
rait se répercuter et expliquer les déficits
exécutifs associés aux aires dorsales. En
effet, s’il s’avère qu’un pauvre fonctionne-
ment des FE « inférieures » (inhibition),
basées sur un mauvais fonctionnement
des régions frontales ventrales (Hot brain),
se trouve dans le TDAH, on peut alors s’at-
tendre à des répercussions sur les FE
« supérieures » fondées sur le fonctionne-
ment des aires frontales dorsolatérales
(Cool brain).
Une autre fonction perturbée invoquée
dans le TDAH est la mémoire de travail ver-
bale (MTV). Si la MTV intervient effectivement

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