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Quand penser devient douloureux.

Intérêt du travail thérapeutique de groupe en institution et avec


médiateur dans la pathologie du jeune adolescent
Nicole Catheline
Dans La psychiatrie de l'enfant 2001/1 (Vol. 44), pages 169 à 210
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0079-726X
ISBN 2130523161
DOI 10.3917/psye.441.0169
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 22/04/2024 sur www.cairn.info par SANDRINE BONNEFONT (IP: 193.251.162.202)

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Quand penser devient douloureux. Intérêt du travail thérapeutique de


groupe en institution et avec médiateur dans la pathologie du jeune
par Nicole CATHELINE

| Presses Universitaires de France | La psychiatrie de l'enfant

2001/1 - 44
ISSN 0079-726X | ISBN 2130523161 | pages 169 à 210
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— Catheline N., Quand penser devient douloureux. Intérêt du travail thérapeutique de groupe en institution et avec
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Quand penser devient douloureux. Intérêt du travail thérapeutique de


groupe en institution et avec médiateur dans la pathologie du jeune
par Nicole CATHELINE

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2001/1 - 44
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— Catheline N.Quand penser devient douloureux. Intérêt du travail thérapeutique de groupe en institution et avec
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Quand penser devient douloureux. Intérêt du travail thérapeutique de


groupe en institution et avec médiateur dans la pathologie du jeune
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— Catheline N., Quand penser devient douloureux. Intérêt du travail thérapeutique de groupe en institution et avec
médiateur dans la pathologie du jeune adolescent, La psychiatrie de l'enfant 2001/1, 44, p. 169-210.

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Adolescence
Processus cognitifs
Inhibition de la pensée
Groupes thérapeutiques
Échec scolaire

QUAND PENSER DEVIENT DOULOUREUX.


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INTÉRÊT DU TRAVAIL
THÉRAPEUTIQUE DE GROUPE
EN INSTITUTION ET AVEC MÉDIATEUR
DANS LA PATHOLOGIE
DU JEUNE ADOLESCENT
Nicole CATHELINE 1

QUAND PENSER DEVIENT DOULOUREUX.


INTÉRÊT DU TRAVAIL THÉRAPEUTIQUE
DE GROUPE EN INSTITUTION ET AVEC MÉDIATEUR
DANS LA PATHOLOGIE DU JEUNE ADOLESCENT

Le traitement des jeunes adolescents (11-15 ans) nécessite, du fait


des spécificités de la prime adolescence, un aménagement du cadre de la
prise en charge. Les difficultés que rencontrent ces jeunes dans
l’investissement des processus de pensée se traduisent le plus souvent
par un échec scolaire paradoxal (c’est-à-dire sans limitation de
l’efficience intellectuelle), associé ou non à des manifestations anxieu-
ses. Cette symptomatologie peut être considérée comme la marque d’une
butée du développement, signant par là même la difficulté pour le jeune
adolescent à développer une pensée propre, penser par soi-même consti-
tuant la première séparation psychique d’avec les parents. Le dispositif
décrit dans ce travail associe l’utilisation de petits groupes et de média-
teurs au sein d’ateliers thérapeutiques fonctionnant dans une institu-
tion accueillant les adolescents à temps partiel sur des temps scolaires.
Le partenariat avec l’Éducation nationale constitue une des originali-
tés de ce type de prise en charge.

1. Praticien hospitalier au centre hospitalier Henri-Laborit, Poitiers


« Mosaïque ».
Psychiatrie de l’enfant, XLIV, 1, 2001, p. 169 à 210
170 Nicole Catheline

WHEN THINKING BECOMES PAINFUL :


THE INTEREST OF WORKING
IN INSTITUTIONAL THERAPEUTIC GROUPS
WITH A MEDIATOR IN THE CASE
OF YOUNG ADOLESCENT PATHOLOGIES

The treatment of young adolescents (11-15), because of the specifi-


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cities of prime adolescence, requires an adjustment of the treatment
framework. The difficulties encountered by these young people in the
cathexis of thought processes is often translated by a paradoxical scho-
lastic failure (that is, with no limitation of intellectual efficiency) asso-
ciated or not with manifestations of anxiety. This symptomatology can
be considered to be the mark of a developmental stopping block, indica-
ting by its presence, the difficulty encountered by the young adolescent
in developing his own thinking apparatus, and thinking on one’s own
constitutes the first psychic separation from the parents. The technique
described in this article associates the use of small groups with media-
tors in therapeutic workshops which function in the institution recei-
ving adolescents part-time or during school hours. The work in part-
nership with National Education constitutes one of the original
features in this type of treatment.

CUANDO PENSAR SE TRANSFORMA EN ALGO DOLOROSO :


INTERÉS DEL TRABAJO TERAPÉUTICO DE GRUPO
EN INSTITUCIÓN CON UN MEDIATOR
EN LA PATOLOGÍA DEL JOVEN ADOLESCENTE

El tratamiento de jóvenes adolescentes (11-15 años) hace necesaria


la modificación del encuadre por las especificidades de la pre-
adolescencia. La dificultades de estos jóvenes para investir los procesos
de pensamiento se traducen a menudo por un fracaso escolar paradójico
(es decir sin limitación de eficacia intelectual) asociado o no a mani-
festaciones de ansiedad. Esta sintomatología supone un obstáculo en el
desarrollo, testigo de la dificultad que el joven adolescente tiene para
desarrolar un pensamiento propio : pensar por si mismo significa la
primera separación psíquica de los padres. El dispositivo que se des-
cribe en este trabajo asocia el empleo de pequeños grupos y de mediado-
res en los talleres terapéuticos de una institución que acoge e los adoles-
cente en tiempo parcial en el tiempo escolar. La colaboración de la
Educación Nacional constituye una de las originalidades de este tipo
de tratamiento.

La prime adolescence, la tranche d’âge des 11-15 ans, pose


bien souvent un défi aux thérapeutes pour deux raisons princi-
pales : tout d’abord, les manifestations anxieuses dominent la
scène clinique (manifestations somatiques d’angoisse, inhibi-
Quand penser devient douloureux 171

tion ou instabilité en situation d’apprentissage scolaire, voire


refus anxieux scolaire) et justifient le recours au médecin
somaticien en raison de l’apparente origine somatique du
trouble ( « c’est un anxieux » ou « c’est l’école qui l’an-
goisse » ). Ensuite, la pathologie rencontrée à cet âge implique
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la plupart du temps l’école, objet ou lieu du conflit. Pour les
parents, la responsabilité de l’école est souvent importante
sinon exclusive : les soins proposés par le psychiatre entrent
alors en compétition avec le désir d’un changement d’établis-
sement scolaire. Or, la plupart de ces jeunes adolescents éprou-
vent « une douleur à penser » : l’école, lieu d’expression obligé
de cette pensée, les effraie.
Au cours de la prime adolescence va progressivement se
mettre en place un travail de subjectivation articulant diffé-
rents plans constitutifs de la personnalité qui interfèrent entre
eux selon, nous semble-t-il, un certain ordonnancement dans
leur mise en tension successive : le plan de la cognition, le plan
de la relation aux pairs, le plan de la relation aux parents. Si ce
travail de décentrement du sujet sollicite les assises narcissi-
ques, il offre aussi la possibilité d’un renforcement moïque qui
se révélera bien utile lorsque surviendra la confrontation avec
la sexualité. De la qualité de ce travail préliminaire dépendrait
le bon déroulement ultérieur de l’adolescence.
La vulgarisation du concept d’adolescence fait souvent
dire aux parents que « c’est sûrement l’adolescence qui com-
mence ». La dimension implicite de réassurance que contien-
nent de tels propos oriente la demande des parents vers la
recherche d’une guidance pour eux-mêmes et la demande
pour leur enfant d’une parole tierce en forme d’injonction
parentale qui pourrait enfin être entendue : « Peut-être
qu’avec vous, il va parler. »
Soulignant à l’instar des parents la dimension de tempora-
lité dans l’apparition des troubles ( « c’est l’adolescence » ),
notre ambition a été d’offrir à l’adolescent mais aussi à ses
parents un lieu tiers, un espace médiateur où pourrait émer-
ger sans dommage un nouveau type de relation entre parents
et adolescent.
En jetant les bases de « Mosaïque », accueil thérapeu-
tique de jour à temps partiel pour adolescents, nous souhai-
tions proposer un lieu où les jeunes adolescents présentant
172 Nicole Catheline

des « butées » dans leur développement pourraient prendre le


temps de grandir, de changer de point de vue, de se confron-
ter aux autres, de partager, d’échanger.
Envisageons d’abord quels sont les enjeux développemen-
taux de la prime adolescence afin de pouvoir proposer dans
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un deuxième temps un modèle de prise en charge pour les
jeunes de cette tranche d’âge.

LES ENJEUX DE LA PSYCHOPATHOLOGIE


DU JEUNE ADOLESCENT ENTRE 11 ET 15 ANS

La naissance de la pensée formelle :


apport du constructivisme piagétien

La théorie psychodynamique de l’adolescence a surtout


souligné les remaniements identificatoires liés à l’émergence
de la génitalité et articule ainsi transformations corporelles et
vécu psychique ; mais elle a peu développé l’impact des pro-
grès cognitifs sur la psyché.
Or l’accès à la pensée formelle vers 11-12 ans, selon Piaget
(1955), constitue une véritable révolution cognitive. On peut
s’étonner de la rareté d’une prise en compte de ce phénomène
en dehors de quelques auteurs, dont Marcelli (1995) qui fait
du conflit entre d’une part l’extension du champ de la pensée
et d’autre part la douloureuse limitation de l’appartenance à
un seul sexe l’un des enjeux du travail psychique du jeune
adolescent.
Depuis l’ouvrage princeps d’Inhelder et Piaget en 1955,
De la pensée logique de l’enfant à la pensée logique de l’ado-
lescent, de nombreux cognitivistes se réfèrent à l’émergence de
la pensée formelle (encore nommée hypothético-déductive)
mais ne l’intègrent pas dans le travail psychique de l’ado-
lescence. Tout se passe comme si le développement de cette
forme de pensée logique résultait de la seule maturation des
structures cérébrales.
Le passage de la pensée concrète à la pensée formelle
concourt à une vision plus large du monde, ce qui laisse sup-
Quand penser devient douloureux 173

poser un bénéfice. En effet, la pensée hypothético-déductive


permet un raisonnement libre et détaché du réel, et surtout
l’élaboration d’idées générales et de théories abstraites. Selon
Piaget (1964), cette nouvelle potentialité permet au jeune
adolescent d’élaborer des « systèmes ou plans de vie » le
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conduisant à alimenter sur le plan affectif des « rêveries
mégalomaniaques ». Or la clinique nous montre qu’il existe
des échecs scolaires au collège sans déficience intellectuelle,
sans difficultés scolaires majeures antérieures, parfois sans
symptomatologie psychiatrique avérée (état dépressif par
exemple). Tout se passe comme si certains jeunes adolescents
refusaient de se saisir de cette nouvelle potentialité. Comment
comprendre ce refus alors même que Piaget évoque à propos
de l’accès à la pensée formelle un sentiment de puissance :
« L’intelligence formelle marque donc un envol de la pensée
et il n’est pas étonnant que celle-ci use et abuse pour com-
mencer de la puissance imprévue qui lui est conférée » (Pia-
get, 1964). Ce phénomène ne serait donc pas donné simple-
ment par le développement, à la différence de la croissance,
mais devrait être intégré par l’individu.
Quelles sont les conditions de cette intégration ?
La théorie piagétienne différencie maturation cérébrale et
bouleversement hormonal pubertaire pour insister sur l’im-
pact du milieu sociocognitif dans l’apparition des transforma-
tions cognitives. L’accélération de la croissance liée à la mise
en route de la puberté oblige le grand enfant à appréhender
différemment son environnement. « Par nécessité adaptative,
l’adolescent s’engagerait dans un fort investissement de la
pensée réflexive, pierre angulaire de la pensée abstraite »
(Bariaud, 1997). Le plaisir à exercer cette nouvelle opération
mentale s’étend à sa propre pensée. Quelques précisions
sont nécessaires : les concepts évoqués ici sont à comprendre
dans un sens piagétien, c’est-à-dire dans le sens d’opérations
mentales. La pensée formelle (raisonnement hypothético-
déductif), appelée parfois de manière triviale pensée abs-
traite, acquisition qui précède la puberté, s’oppose à la pensée
concrète ou opératoire de l’enfance. Elle se caractérise par
l’acquisition des opérations formelles suivantes : les notions
d’identique, de négation, de réciprocité et de négation de la
174 Nicole Catheline

réciprocité. La notion de probabilité et celle de méthodes


expérimentales deviennent accessibles. Le terme de « pensée
réflexive », ou de « caractère récursif de la pensée » (Bariaud,
1997) dans la théorie piagétienne s’applique à la capacité à
réfléchir, à faire des liens permettant d’élaborer des théories
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générales et d’en déduire des lois. Cela permet de sortir du
domaine de la croyance. Dans la théorie psychodynamique
l’accès à la pensée réflexive correspond à la finalité même de
l’adolescence, c’est-à-dire à la subjectivation (Cahn, 1991), ou
encore la capacité à penser sa pensée, à développer des méta-
pensées et à investir sa pensée propre. Lorsque l’adolescent se
prend pour objet de sa pensée, c’est pour s’envisager en tant
que sujet en devenir, ce devenir incluant les différents aspects
de la personnalité : la cognition, l’affectivité, etc. Selon Pia-
get le caractère récursif de la pensée constitue la grande
conquête de l’adolescence, mais elle est bien distinguée de la
génitalisation. D’ailleurs, Piaget situe les débuts de la pensée
formelle aux environs de 11-12 ans, ce qui la place chronologi-
quement deux ans avant la puberté proprement dite. Cette
nouvelle potentialité cognitive précéderait donc l’entrée dans
la période pubertaire. Cette constatation suscite un question-
nement nouveau : Comment les phénomènes pubertaires
vont-ils agir sur cette nouvelle capacité ?
Cette préséance du cognitif sur le génital d’une part et
d’autre part le rôle non négligeable joué en fin d’enfance par
l’environnement (en particulier les pairs), sur lequel vont
s’exercer les fonctions intellectuelles nouvellement acquises,
peuvent rendre compte de la spécificité de la pathologie de la
prime adolescence. Pour Piaget lui-même, le plaisir à utiliser
cette nouvelle capacité dépendrait largement de l’absence de
conflit psychique : « Si aucun facteur émotionnel ne vient
l’entraver », dit-il. Nous serions tenté d’ajouter : si les assises
narcissiques sont suffisamment solides pour tolérer la remise
en question des modes de pensée antérieurs.
Selon nous, cette capacité nouvellement acquise pourrait
être un facteur protecteur, un facteur de résilience, lors des
inévitables conflits psychiques de l’adolescence. Sa préséance
de quelques mois permettrait que s’ébauchent de nouveaux
modèles d’appréhension de soi et des autres, avant que ne
survienne la sexualisation de la pensée.
Quand penser devient douloureux 175

En revanche, l’existence d’une conflictualité intrapsy-


chique autour du travail de séparation-individuation, ou du
désengagement aux objets œdipiens, entraverait l’accession à
ces nouvelles formes de pensée et serait à l’origine d’une
pathologie assez spécifique de cette tranche d’âge essentielle-
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ment caractérisée par le maintien de ce lien anxieux aux
parents.
Avec la capacité de la pensée à s’exercer sur elle-même, le
jeune adolescent s’interrogeant sur lui-même prend cons-
cience d’avoir une pensée propre, préalable au processus de
subjectivation évoqué précédemment. Il peut éprouver de la
fascination et du plaisir à l’exercice de cette nouvelle faculté.
Comme le souligne L. Danon-Boileau (1998) : « La pensée fait
prévaloir le jeu sur l’enjeu. »
La découverte d’une pensée sur soi est source d’enrichis-
sement par les nuances qu’elle apporte dans les jugements,
par l’accès à l’émotion ; mais elle est aussi source de tracas
par l’absence de limites à la quête de soi, par la perception des
faiblesses, par l’introduction du doute et par le rôle soudain
pris par le regard des autres. S. de Mijolla (1998) parle à pro-
pos de l’avènement de la pensée réflexive d’un « écroulement
du socle de l’évidence ».
L’adolescent pressentant que ses repères de compréhen-
sion sont en train de devenir caduques, s’orienterait vers de
nouvelles stratégies cognitives plus adaptées à son nouvel
état. Mais être capable de remettre en question son raisonne-
ment c’est accéder au doute. Or sur le plan affectif, « la con-
frontation à la réalité du monde, la nécessité de remanier
constamment ses processus de pensée interrogent en perma-
nence le narcissisme de l’enfant » (Ferrari, 1997).
Abandonner certains modes de pensée pour d’autres plus
complexes ébranle le sentiment de complétude narcissique.
La capacité à développer cette nouvelle acquisition cognitive,
l’accès à l’abstraction, serait donc étroitement liée à la qualité
des assises narcissiques. Ainsi les liens étroits existants entre
processus cognitifs et narcissisme constituent surtout à l’ado-
lescence, période où les assises narcissiques sont fortement
sollicitées, un risque de « blocage ». Dans la clinique, on
observe chez ces adolescents des « interruptions » du dévelop-
pement des structures cognitives à des stades intermédiaires,
176 Nicole Catheline

comme si l’adolescent allait à reculons vers ces nouvelles


transformations. Dans un précédent travail (Catheline et
coll., 1997) nous avons vérifié, à la suite des travaux de
M. Emmanuelli (1994), le lien existant entre accès à l’abstrac-
tion et narcissisme. Souhaitant mettre en évidence un lien
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causal entre le retard du développement de la pensée abs-
traite chez des enfants sans déficit intellectuel et une mau-
vaise estime de soi, nous avons, à l’aide de bilans pratiqués
avant et après un double suivi psychopédagogique et d’en-
tretiens individuels, vérifié que l’élévation du niveau d’estime
de soi allait de pair avec le franchissement d’un nouveau
stade de raisonnement abstrait (par exemple passage du
stade intermédiaire au stade formel A).
La complexité des processus de pensée menant à l’abs-
traction fait dire à Piaget qu’il faut entre cinq et six ans
(de 10 ans à 15 ans environ) de la vie de l’adolescent pour que
ceux-ci soient totalement maîtrisés. En clinique nous dispo-
sons donc d’un certain temps pour faire accéder le jeune
adolescent à ce type de pensée.

L’apport des néo-piagétiens interactionnistes


Les néo-piagétiens, à la fois interactionnistes et construc-
tivistes, ont mis l’accent sur le fait que les interactions socia-
les et tout spécialement celles entre les pairs peuvent faciliter
le développement des structures cognitives. Ces auteurs
développent l’idée que la maîtrise de la notion de réciprocité
est largement renforcée par l’expérimentation auprès de
camarades.
Youniss (1986) attribue à la dyade amicale un rôle majeur
dans l’exploration des états psychologiques d’une personne
autre que soi. L’amitié entre adolescents constituerait l’inter-
action sociale optimale permettant de développer la com-
préhension de la réciprocité et la notion d’empathie. Cette
conception se rapproche du rôle accordé au groupe des pairs à
l’adolescence dans la théorie psychodynamique, en particulier
comme relais relationnel lors du désengagement des liens œdi-
piens. En fin d’enfance déjà, les pairs jouent un rôle, mais ils
ne représentent alors qu’une juxtaposition de relations avec
un ensemble de personnes entre lesquelles il n’existe pas de
Quand penser devient douloureux 177

relation interpersonnelle. Les camarades, les amis sont à cet


âge encore pris dans le réseau relationnel familial. Les parents
des copains font aussi partie de la relation amicale. À la diffé-
rence de ce qui se passe à une période plus avancée de l’ado-
lescence (où le groupe fonctionne essentiellement sur le confor-
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misme), dans la prime adolescence, la diversité et la mobilité
des relations amicales vont permettre au jeune adolescent
d’exercer ses nouveaux moyens cognitifs. Partager ses pen-
sées, ses sentiments avec ses amis constitue à la fois un exer-
cice de cette nouvelle faculté et aussi une réassurance face au
contrôle encore imparfait de la pensée réflexive. En effet, pou-
voir penser les autres puis se penser soi-même produit un sen-
timent ambivalent fait à la fois de jubilation mais aussi de
doute car du fait d’un contrôle encore fragile et imparfait, le
jeune adolescent accorde une place excessive au jugement
d’autrui. Cette attitude est à l’origine de la timidité puis de la
pudeur lorsque les premières marques sexuelles apparaissent
au niveau du corps, ainsi que des comportements très confor-
mistes (mode vestimentaire, langage, goûts).
Cette importance accordée aux pairs dans l’élaboration de
nouvelles stratégies cognitives concorde avec la clinique : ce
sont les enfants le plus en difficultés sur le plan relationnel
(pour se faire de nouvelles relations par exemple) qui vont
présenter des troubles anxieux lors de l’entrée au collège.
D’autres travaux portent non plus sur la macrogénétique
ou l’interactionnisme mais sur la microgénétique. Ainsi,
O. Houdé (1995) développe l’idée que « penser, c’est inhi-
ber », c’est-à-dire que tout acte de pensée met en jeu plusieurs
opérations (inhiber les stimuli dangereux ou inadéquats, acti-
ver les stimuli non dangereux mais pertinents, enfin inhiber
les schémas non dangereux, non pertinents). Certains enfants
échoueraient dans les apprentissages parce qu’ils n’auraient
pas activé une de ces opérations.
Chaque nouvelle conquête cognitive créerait une com-
plexification supplémentaire obligeant l’enfant à inhiber,
selon la tâche à accomplir, une de ses compétences. Ce courant
de pensée remet en cause la linéarité du développement, par
« superposition » de structures cognitives de plus en plus com-
plexes (macrogénétique de Piaget). Il existerait en perma-
nence une compétition entre les différentes potentialités que
178 Nicole Catheline

possède l’individu pour résoudre une tâche. Cette théorie défi-


nit l’intelligence comme la capacité à inhiber de la manière la
plus opportune possible certaines de ses acquisitions.
À la prime adolescence, de telles stratégies ne peuvent
fonctionner que si le jeune adolescent a suffisamment investi
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sa pensée du temps de son enfance. Le maintien de ce plaisir à
penser constituera même un apport narcissique important
face au doute suscité par l’explosion des capacités cognitives.

Désir de savoir et inhibition de pensée.


Mise en place des processus dans l’enfance
Dans les Trois essais sur la sexualité, Freud (1905) postule
l’existence d’un désir de savoir très précoce résultant non seu-
lement d’un acte de perception mais aussi d’un désir
d’emprise sur l’objet doublé d’un plaisir à la vision de celui-ci.
Pour Freud, la pulsion épistémophilique est tentative
d’emprise sur le monde. Elle est à ce titre infiltrée par le
sadisme, les processus d’envie et les fantasmes de destructi-
vité qui leur sont liés. « Connaître le monde serait ainsi pour
l’enfant tentative de le posséder et déjà ébauche d’un mouve-
ment pour le détruire » (Ferrari, 1997). L’effroi devant ce
mouvement peut susciter des mécanismes de défenses parti-
culièrement invalidants telle qu’une inhibition de pensée.
Dans son ouvrage La psychanalyse des enfants, Melanie Klein
(1959) rapporte le cas de John, petit garçon de 7 ans souffrant
d’une inhibition de l’apprentissage de la lecture et pour lequel
cet apprentissage était vécu fantasmatiquement comme une
tentative de possession et de destruction d’objets précieux à
l’intérieur du corps maternel.
Pour la psychanalyse, la relation au corps de la mère,
constituant premier de la relation à la réalité, apparaît donc
en filigrane derrière tout processus de connaissance. De la
qualité de la relation à la mère va dépendre la naissance de la
pensée. « Freud dit qu’il n’y a que de mauvais parents :
manière de dire qu’il y a une haine nécessaire, une haine mini-
male nécessaire à l’avènement de l’objet, c’est-à-dire à la
représentation en tant que non-moi » (Goutal, 1990). On per-
çoit combien ces mécanismes sont fragiles et peuvent être mis
en question dès les premiers instants : trop de frustration,
Quand penser devient douloureux 179

trop de haine, trop de doutes sur l’amour de l’objet-mère et


c’est l’impossibilité d’en investir sa représentation ; mais à
l’inverse trop d’amour, trop de présence de cet objet-mère,
trop de bonne mère qui ne veut pas frustrer son enfant et
c’est aussi l’impossibilité d’en investir l’absence, donc la
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représentation et la pensée. Il faut donc une certaine haine
vis-à-vis de l’objet pour en avoir sa connaissance.
Par ailleurs, Freud en insistant sur le caractère énigma-
tique de la connaissance (énigme de la différence des sexes,
énigme de l’origine de la vie), accorde une place primordiale
au besoin de donner du sens. Cette mise en sens est d’autant
plus nécessaire que « tout stimuli sensoriel est ambigu, à une
même image physique peuvent correspondre plusieurs cons-
tructions mentales obligeant l’enfant à un travail de choix et
de tri au sein des images issues du monde sensoriel » (Ferrari,
1997). Nous rejoignons là certaines théories développées par
les sciences cognitives modernes telles que : « Penser c’est
inhiber. »
Ce travail d’attribution de sens constitue un acte indivi-
duel mettant en jeu à la fois le niveau de développement du
sujet et son histoire personnelle. Gibello (1997) propose d’ap-
peler contenants de pensée ce qui donne sens à la perception.
Parmi les trois types de contenants (ou générateurs) de
pensée décrits par cet auteur, les contenants de pensée grou-
paux et culturels ont retenus notre attention dans notre
réflexion sur le développement de la pensée à la prime adoles-
cence. Pour Gibello, la névrose collective telle qu’on peut
l’appréhender dans les mythes, les contes, les légendes, pro-
tège de la délinquance. C’est la raison pour laquelle, selon cet
auteur, il est indispensable de donner des traditions aux
enfants.
Freud n’a pas laissé beaucoup d’indication sur les rap-
ports entre cognition et psychanalyse, mais pour la plupart
des auteurs se référant à sa théorie, les processus de pensée et
les modalités de raisonnement ont directement à voir avec le
narcissisme. Le processus d’apprentissage remet en cause
l’investissement narcissique de l’enfant de par l’abandon de
certains modes de pensée pour d’autres plus complexes. Cette
approche concorde avec les interrogations de nombreux cher-
cheurs cognitivistes qui se posent des questions sur l’impor-
180 Nicole Catheline

tance à attribuer aux métacognitions dans les processus


d’apprentissage (Gibello, 1997), c’est-à-dire sur l’opinion que
se fait l’enfant sur ses propres connaissances et capacités
d’apprentissages. La clinique nous enseigne que nombre de
difficultés d’apprentissages sont étroitement liées avec des
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représentations défavorables des enfants, et plus encore des
adolescents, extrêmement sensibles au regard d’autrui.
Comme le soulignait E. Kestemberg (1980) : « L’adolescent
n’existe que par le regard d’autrui. » Or le narcissisme de
l’enfant est en grande partie alimenté par celui des parents.
Ainsi, lorsque les parents hyperinvestissent la réussite sco-
laire de leur enfant, l’entrée dans l’adolescence du fait de
tous les remaniements que nous venons de voir, se solde fré-
quemment par un relatif désinvestissement scolaire. Quel-
ques adolescents évoquent leur désir de connaître leur « vraie
valeur », sous-entendu sans travailler, ce qui renvoie au
besoin puissant pour l’adolescent de se désengager du lien
œdipien aux parents. Cette attitude de refus de conformité
aux désirs parentaux (et par déplacement aux désirs des
enseignants) correspond au fait que ces jeunes considèrent
l’évaluation donnée par les enseignants comme une mesure de
leurs efforts et non de leur valeur. L’effort est encore à cette
période de la vie assimilé à une injonction parentale et non
encore reconnu comme une nécessité pour acquérir un savoir.
La valeur, elle, est associée à l’estime de soi, c’est-à-dire
qu’elle est du côté du narcissisme. Connaître sa valeur est une
priorité pour le jeune adolescent. Le désinvestissement sco-
laire doit être compris dans ce cas non seulement comme un
besoin de s’éloigner des repères de l’enfance et la nécessité
d’en créer de nouveaux, mais aussi comme la trace de la
valeur narcissique de la pensée.
C’est pourquoi il nous paraît important qu’avant l’adoles-
cence et l’inévitable contamination de la pensée par le retour
œdipien, l’enfant ait maitrisé son désir de savoir, c’est-à-dire
que l’accès au savoir non seulement ne lui soit pas interdit
par son fonctionnement psychique mais que l’exercice de
pensée ait pu être dans l’enfance une source de plaisir moïque
à valeur hautemement narcissique.
R. Uribari (1999) évoquant les processus de pensée durant
la latence parle d’une « prime de plaisir » donnée par
Quand penser devient douloureux 181

l’exercice de l’activité intellectuelle et du plaisir éprouvé dans


l’activité sublimatoire, renforcé par la reconnaissance et les
gratifications données par les parents et les institutions. Le
fait, pendant cette période, de pouvoir « pénétrer le monde
du savoir en termes d’aventures et de maîtrise [...] et de saisir
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qu’à la différence des manifestations corporelles, visibles et
évidentes, la pensée peut être cachée, relativement insaisis-
sable, communiquée ou pas, déformée, donc ne mettant pas
en danger son intégrité » constitue selon lui un puissant élé-
ment d’autonomie. Il poursuit : « La pensée rend possible
l’accession à tout ce qu’il (l’enfant en période de latence) lui
était interdit de connaître et de penser, à ce que ses parents,
en particulier sa mère, ne peuvent pas penser. »
Cependant, il ne suffit pas que l’enfant ait eu du plaisir à
utiliser sa pensée pendant la période de latence, encore faut-il
que le plaisir retiré soit suffisamment fort pour permettre à
l’enfant de vaincre l’appréhension des changements pubertai-
res. Car, au plan affectif, penser équivaut à reconnaître et à
tolérer une séparation d’avec la présence concrète des parents
et de leurs représentations psychiques. La capacité à générali-
ser sa pensée, à se départir d’un point de vue égocentrique,
constitue de notre point de vue une forme de prise de distance
avec les certitudes de l’enfance.
L’expansion des capacités cognitives resollicite en début
d’adolescence la relation de l’enfant au savoir. Le devenir de
cette nouvelle possibilité offerte à l’adolescent dépendra de
deux ordres de faits. Le premier, nous venons de le voir,
concerne l’héritage de l’enfance au travers du plaisir du jeune
enfant pendant la latence à utiliser sa pensée pour com-
prendre le monde qui l’entoure. Le deuxième concerne direc-
tement les modifications engendrées par l’entrée dans l’ado-
lescence : il s’agit à la fois d’une remise en question des modes
de pensée précédents et de l’infiltration de la pensée par le
sexuel.
De nombreuses difficultés repérées dans le cadre scolaire
seraient, selon nous, des marqueurs d’un travail psychique de
séparation qui n’arriverait pas à se faire. Tout adolescent,
même celui bénéficiant a priori d’assises narcissiques stables,
se trouve directement confronté à cette remise en question.
Mais l’adolescent bénéficiant de ce viatique, confiant dans
182 Nicole Catheline

son environnement, saura faire appel à de nouveaux modèles


relationnels (en particulier grâce aux relations avec les pairs).
Il manifestera ainsi son désir de s’adapter au changement,
alors que d’autres vivront la perte de la stabilité de l’enfance
comme persécutrice et se « cramponneront » littéralement à
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leur entourage familial afin d’éviter d’être confrontés au
changement.
Par ailleurs, l’anxiété que suscite la mise en situation de
penser, au collège en particulier, crée ce que Gibello (1997) a
appelé des « instabilités du raisonnement ». Tout se passe
comme si le jeune adolescent ne parvenait pas toujours à uti-
liser ses capacités de raisonnement, donnant le sentiment
d’un processus mal maîtrisé. L’irruption imprévisible de l’an-
goisse qui envahit alors la pensée est à l’origine de cette insta-
bilité. Ces adolescents surprennent leur entourage par une
alternance de capacités et de difficultés. Ces dernières sont
mises sur le compte de « lacunes » ou d’une insuffisante maî-
trise de la notion alors qu’il s’agit en fait de véritables « blo-
cages » transitoires du raisonnement dont l’origine est vrai-
semblablement affective et fantasmatique.
Pire encore, la présence des pairs, loin de rassurer ces ado-
lescents pris dans un lien anxieux aux parents, accentue leur
angoisse de ne pas être comme eux. Un sentiment de persécu-
tion s’installe alors.
Mais un autre écueil menace l’installation des processus
d’abstraction à l’adolescence, il s’agit du risque représenté
par la sexualisation de la pensée.

Sexualisation de la pensée à l’adolescence


Peter Blos, dès 1967, propose de considérer l’adolescence
dans sa totalité comme un second processus d’individuation,
le premier décrit par Margaret Mahler (1967) s’achevant vers
la fin de la troisième année. Il assimile en effet l’éclatement
des liens de dépendance à la famille au moment de l’ado-
lescence à l’éclatement de la membrane symbiotique lors de la
petite enfance. Mais si l’internalisation progressive des objets
d’amour ouvre le petit enfant à une indépendance de plus en
plus grande, en revanche c’est la régression qui, paradoxale-
ment, va permettre à l’adolescent de s’engager dans un pro-
Quand penser devient douloureux 183

cessus d’individuation. « L’adolescent doit établir un contact


émotionnel avec les passions de sa petite enfance pour être à
même de les désinvestir. Tout se passe comme si on assistait à
la projection d’un film à l’envers. » Pour Peter Blos : « Seule
la régression permet de modifier les résidus des traumatismes,
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conflits et fixations infantiles en les amenant sous le primat
des nouvelles ressources du Moi qui connaît à ce moment-là
un accroissement phénoménal sur le plan de la maturation. »
La régression constitue donc la tâche paradoxalement essen-
tielle de l’adolescence. Celle-ci serait la seule période de la vie
humaine au cours de laquelle la régression ne serait pas une
défense mais plutôt un élément essentiel du processus psy-
chique, même si elle peut susciter de l’angoisse. P. Blos
reprend le concept d’ « adaptation régressive » déjà utilisé
par Hartmann (1939). Ce processus de structuration psy-
chique, passage obligé du développement normal, concerne
toutes les instances de la vie psychique et associe la régression
pulsionnelle à la régression moïque.
La régression moïque correspond à la « réexpérimentation
d’états moïques abandonnés complètement ou partiellement
ayant pu constituer autrefois les bastions de sécurité et une
manière de faire face au stress » (P. Blos). Ainsi la capacité du
jeune enfant à tenter de comprendre le monde qui l’entoure,
c’est-à-dire à utiliser sa pensée comme investissement narcis-
sique, sera-t-elle à l’adolescence fortement sollicitée. La qua-
lité de la période de latence est alors primordiale, car c’est
durant cette période que l’enfant aura pu expérimenter des
situations gratifiantes pour le Moi qui lui serviront en début
d’adolescence, comme le dit P. Blos, de « bastions de sécu-
rité » face au stress.
La finalité de cette régression est de conduire à des rema-
niements objectaux allant dans le sens d’un processus de
désengagement du lien d’amour et de haine aux objets pri-
maires. Mais comme l’a bien montré M. Mahler à propos de la
crise du rapprochement (troisième sous-phase du premier
processus de séparation-individuation), il existe chez l’ado-
lescent comme chez le petit enfant de 18 mois un conflit entre
d’une part le désir d’être séparé, grand, puissant, et d’autre
part le désir de voir la mère accomplir magiquement leurs
désirs, sans avoir à reconnaître que l’aide venait en fait de
184 Nicole Catheline

l’extérieur, de l’autre. Cette période se caractérise par le désir


contradictoire de repousser la mère et celui de s’accrocher à
elle. « Les enfants ont recours à leur mère comme une exten-
sion de leur self, processus par lequel ils dénient en quelque
sorte la pénible conscience d’être séparés [...] L’indécision est
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un comportement typique de cette période » (Mahler).
À l’adolescence, l’envahissement des fonctions autonomes
du Moi par cette ambivalence peut donner lieu à ce même
type de comportements contradictoires, parfois incompré-
hensibles, mais toujours labiles. Ainsi, Pierre, 13 ans et demi,
revendique haut et fort auprès de ses parents l’achat d’un
scooter pour se sentir plus indépendant par rapport à eux ;
mais il ne trouve absolument pas gênant que son père tous les
matins le conduise à l’école, c’est même lui qui le demande,
refusant de prendre le bus pourtant tout proche qui dessert le
collège. Devant l’étonnement du consultant, il précise alors
qu’il s’ennuie dans le bus et qu’il n’aime pas cela. Cet exemple
illustre parfaitement l’attitude de ces jeunes adolescents inca-
pables d’investir leur monde intérieur et s’accrochant aux
adultes qu’ils utilisent comme des prothèses relationnelles
pour tenter d’éviter l’angoisse provoquée par cette régression
moïque.
C’est la raison pour laquelle certains adolescents préfèrent
renoncer à utiliser les progrès de la croissance, c’est-à-dire
renoncer à penser pour sauvegarder leur lien infantile avec
leur parent.
La régression pulsionnelle quant à elle fait ressurgir les
fantasmes incestueux et parricidaires de la période œdi-
pienne, fantasmes dont la réalisation dans l’enfance était
rendue impossible par l’alliance protectrice entre le Moi et le
Surmoi interdicteur, mais surtout par l’immaturité infantile.
L’adolescence fait voler en éclat cette alliance car le Moi en
tant que principe de réalité ne peut plus s’étayer sur l’imma-
turité biologique infantile. Penser sur soi à l’adolescence équi-
vaut alors à solliciter ces fantasmes. La clinique des états
d’inhibition intellectuelle, notamment au cours de l’ado-
lescence, nous montre combien les pensées peuvent être
contaminées par la sexualité. En effet, les rejetons du refoulé,
porteurs des fantaisies masturbatoires, peuvent venir conta-
miner les processus de pensées qui sont alors ressentis comme
Quand penser devient douloureux 185

une activité sexuelle. Le Moi peut renoncer à l’usage de pen-


ser pour se prémunir contre l’émergence d’angoisses. Le senti-
ment de vide cérébral protège l’adolescent de la sexualisation
de la pensée.
Au plan clinique, les écueils rencontrés par l’adolescent
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lors de cette double régression moïque et pulsionnelle imposée
par l’entrée dans l’adolescence sont à l’origine de deux aspects
bien différents de la difficulté à penser. Nous distinguons le
renoncement à penser, pour ne pas risquer de perdre l’étayage
du lien parental (la régression moïque est ici en cause), de
l’inhibition de pensée destinée à lutter contre les conséquences
de l’avènement de la sexualité et à refouler les pensées inces-
tueuses ou parricidaires (dans ce cas de figure c’est la régres-
sion pulsionnelle qui est à l’origine du symptôme).
L’investissement de la pensée en début d’adolescence
serait donc tributaire d’un double travail psychique : le pre-
mier travail serait constitué par la capacité à tolérer le doute
(ce qui met en jeu la qualité des assises narcissiques), le
second par la capacité à élaborer des défenses pour lutter
contre cette régression pulsionnelle et moïque : par exemple
solliciter les représentations symboliques de l’Idéal du Moi
pour se protéger des fantasmes parricidaires et incestueux. Il
s’agirait alors d’un travail de sublimation.
Nous pensons que la légère précession de la pensée cogni-
tive sur la sexualisation de la pensée peut constituer un fac-
teur protecteur contre la fragilisation du Moi que provoque le
« pubertaire » (Gutton, 1991). Il nous semble nécessaire qu’il
y ait eu, en période de latence, tout d’abord un désir de savoir
et un accès non conflictualisé à cette connaissance ainsi
qu’une « narcissisation » de la pensée cognitive.

Différents modèles d’organisations défensives


face au danger de penser
L’adolescence a donc un impact important sur les proces-
sus de pensée. Le risque majeur en début d’adolescence est de
voir se conflictualiser trop précocement l’investissement de la
pensée, avant même que la maîtrise de la pensée réflexive, la
capacité à avoir une pensée propre ne se soit déployée et sta-
bilisée. Ceci concourt à amputer de manière souvent impor-
186 Nicole Catheline

tante l’avenir scolaire d’abord, professionnel ensuite. En


outre, les capacités à supporter le doute et à mettre en œuvre
des processus de symbolisation et de déplacement sont les
garants de la souplesse du fonctionnement psychique, c’est-à-
dire de la santé psychique.
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Mais que se passe-t-il quand le doute ouvre à une angoisse
narcissique insurmontable qui déborde la capacité d’inves-
tissement de la pensée ? Nous décrirons quatre situations :
L’organisation limite
Des mécanismes de défenses de type prégénital vont
apparaître : clivage, identification projective, déni, recours à
l’omnipotence et à la dévalorisation, voire à la neutralisation
de la pensée dont nous avons parlé précédemment, ceci afin
de conserver un Moi tout-puissant, ce qui confère à la per-
sonnalité un statut provisoire d’organisation limite au sens
de O. Kernberg (1975). P. Blos a toutefois signalé le risque
de pérénisation d’une telle organisation du fait du sentiment
de triomphe et des satisfactions narcissiques que procurait
cet aménagement défensif. M. Laufer (1989) a montré com-
bien l’évacuation de toute forme de doute est hautement
inquiétante.
Le lien anxieux
Il se caractérise par le maintien « coûte que coûte » du
côté de l’enfance du fait de l’établissement d’un lien anxieux
avec un parent (la mère le plus souvent). Les jeunes adoles-
cents mettent ainsi beaucoup d’énergie à « allumer » leurs
parents par des conduites opposantes qu’ils déploient dans le
domaine des apprentissages ou de la scolarité au sens large.
Celles-ci leur permettent d’avoir l’illusion d’une séparation
avec les parents parce qu’en apparence ces conduites susci-
tent leur mécontentement. L’adolescent sait pertinemment
que leur refus va immanquablement déclencher un rapproché
parental : « Je ne peux pas lui faire confiance, il faut que je
sois sans cesse derrière lui, il me récite ses leçons mais a des
mauvaises notes aux contrôles. » Il s’agit véritablement d’un
instrument de pouvoir.
Au plan clinique, ces adolescents présentent une niaiserie
affective ou une bêtise cognitive : habités par l’angoisse de
Quand penser devient douloureux 187

séparation, l’investissement de la pensée est douloureux, ils


sont de ce fait mal à l’aise avec tout symbole de la pensée, en
premier lieu l’école. Ce sont plutôt les jeunes adolescents
entre 11 et 15 ans qui sont concernés. Les parents consultent
le plus souvent sur conseil des enseignants qui encouragent
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les parents à surveiller le travail de leur enfant.
Cliniquement repérable par cette phrase clé : « Il ne tra-
vaille que si on est derrière lui », dont une variante dans le
primaire est : « Il lui faudrait un enseignant pour lui tout
seul », les adolescents concernés (en général des garçons) ont
souvent, pendant leur scolarité primaire, été soutenus à bout
de bras par leurs parents (le plus souvent la mère). Le reten-
tissement scolaire reste longtemps modéré et ne devient
patent qu’à l’entrée au collège du fait du nombre de matières
et d’enseignants : les parents se sentent débordés par l’am-
pleur de la tâche. Les résultats scolaires sont « en dent de
scie ». Parfois on qualifie l’enfant de rêveur, on le pense
« dans la lune ». Les notes de contrôle sont souvent catastro-
phiques et contrastent avec un bon investissement scolaire.
Dans l’anamnèse on retrouve souvent en primaire (CP et CE1
fréquemment) un enseignant qui a joué un rôle particulière-
ment important soit dans le sens d’un dégoût de l’école soit
au contraire dans le sens d’une réconciliation avec les appren-
tissages : le bon enseignant qui « a su le prendre ». On note
une absence de troubles du comportement associés, tout au
plus dans certains cas (c’est en principe un facteur de gravité
et l’annonce d’une phase aiguë telle que la phobie scolaire)
peut-on constater de fréquentes absences pour raison de santé
(maux de ventre, maux de tête, chutes de tension, voire peti-
tes maladies : angines à répétition, etc.). Le jeune adolescent
est décrit comme sérieux, appliqué, parfois timide et réservé.
Les relations avec les pairs sont conservées, bien que souvent
de médiocre qualité. L’adolescent et ses parents mettent en
avant une vie relationnelle et amicale satisfaisante. En fait,
celle-ci est souvent pauvre : en effet, s’il participe à des acti-
vités extrascolaires, il y est toujours accompagné de ses
parents ; il choisit souvent une activité à laquelle il ne peut se
rendre seul (éloignement géographique, horaire tardif). Par-
fois les parents ont dû insister pour qu’il en ait une. Il ne va
jouer que chez un seul copain, le plus souvent connu depuis le
188 Nicole Catheline

primaire, ce qui constitue pour les parents une preuve de son


sérieux. Parfois il s’agit du petit voisin qui vient à la maison
ou chez qui il va.
L’entretien ne relève aucune expérience positive de sépa-
ration : soit il n’y en a pas eu du fait d’un refus manifeste de
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l’enfant ou de ses parents (à cet égard les récentes affaires de
pédophilies constituent désormais un motif avouable pour
refuser cet éloignement), soit l’école a contraint l’enfant ou
l’adolescent à participer à des sorties mais celles-ci ont été
marquées par une vive anxiété avant le départ, allant parfois
jusqu’à les faire renoncer au voyage.
Les antécédents familiaux et personnels apportent un
éclairage fort intéressant pour la compréhension de ce lien
anxieux. L’histoire familiale de ces adolescents est souvent
émaillée de situations anxiogènes mettant en jeu des sépara-
tions douloureuses dès l’enfance : divorce, maladie grave ou
décès d’un parent. Parfois l’enfant occupe une place particu-
lière dans la famille (enfant de remplacement, enfant conçu
au moment du décès d’un grand-parent, accident ou maladie
grave survenue dans l’enfance).
Enfin la relation personnelle des parents au savoir donne
de précieuses indications sur le possible établissement d’un
lien anxieux autour du savoir et de l’école. C’est le cas de
parents présentant un investissement important de la scola-
rité (il s’agit souvent d’enseignants), ou qui ont connu un
échec scolaire et ayant de ce fait un investissement anxieux et
ambivalent de la scolarité avec un désir d’être rachetés de
leur échec et une crainte d’être dépassés par leur enfant.
Ce type de situation est celle qui, de notre point de vue,
comporte le plus de risque quant à l’avenir cognitif. En effet,
ces jeunes ont souvent établi un lien précoce particulièrement
fort avec leurs parents et les bénéfices auxquels ils devraient
renoncer à l’adolescence sont trop importants. Par ailleurs,
les parents eux-mêmes sont largement partie prenante dans
la construction de ce lien anxieux. Le renoncement est donc
douloureux. Le maintien du lien évite certes la confrontation
à une telle perte mais il a pour conséquence un retard, voire
une impossibilité dans la mise en place des processus de
pensée réflexive qui rendraient l’adolescent autonome par
rapport à ses parents. Parfois, on observe aussi une instabilité
Quand penser devient douloureux 189

du raisonnement (Gibello, 1997) : tout se passe comme si


l’utilisation de la pensée réflexive se faisait par à-coups en
fonction de la charge anxieuse de la situation scolaire
(matière appréciée ou non, mais aussi sujet fantasmatique-
ment anxiogène, relation au professeur, etc.). Ce dernier cas
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de figure est le plus favorable car il suppose un accès possible
à l’abstraction.
L’investissement en secteur défensif
ou la rêverie confabulante
Il s’agit dans ce cas d’un investissement en secteur défen-
sif, par exemple un hobby, qu’il soit sportif, ludique ou cultu-
rel, dont le but est de maintenir un apport narcissique suffi-
sant pour faire obstacle à la douleur à penser. « Il ne pense
qu’à jouer », disent les parents accablés.
Cette situation clinique est fréquente. Elle représente une
variante du lien anxieux et combine à la fois les ressorts psy-
chodynamiques du tableau précédent (maintenir coûte que
coûte l’étayage parental) et une attitude plus active d’oppo-
sition aux parents. Cette dernière est vraisemblablement le
résultat d’une attitude ambivalente à l’égard des parents,
traduisant à la fois le besoin pour l’adolescent de proximité de
ses parents (une faim de parents pourrait-on dire) et sa
crainte (parfois déjà sa déception) de ne pas pouvoir compter
sur eux. En effet, on retrouve dans l’enfance de ces jeunes un
lien souvent très fort avec les parents du fait soit de la place
dans la fratrie (ainé, surtout si c’est un garçon, ou dernier de
la fratrie), ou de la fréquence de « petites maladies ». Il s’agit
en fait d’un hyperinvestissement anxieux bien différent du
lien anxieux noué entre parent et enfant dans le groupe précé-
dent. Le lien entre parents et enfant bien que fort est plus
intériorisé dans l’investissement en secteur défensif que dans
le lien anxieux simple.
Mais à un moment du développement (en général en fin
d’enfance vers 9-10 ans), les parents sont perçus comme
moins étayants par l’enfant. La cause peut en être soit des
situations au cours desquelles les adultes n’ont pas pu rassu-
rer l’enfant (par exemple non reconnaissance d’un état
dépressif chez l’enfant à la suite de pertes : deuil, déménage-
ment), soit des situations plus actuelles qui ne permettent pas
190 Nicole Catheline

aux parents d’être disponibles (état dépressif d’un parent,


conflits conjugaux, perte d’emploi). Ils sont considérés
comme défaillants pour l’adolescent et cette défaillance est
d’autant plus mal vécue qu’elle fait suite à une relation
d’étayage très investie et très forte. La déception est à la hau-
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teur de l’attente.
Sur le plan affectif et cognitif, ces adolescents du fait du
lien plus intériorisé avec les parents que ceux du précédent
tableau sont moins dépendants de leurs parents. C’est la rai-
son pour laquelle ils ont pu développer des stratégies d’adap-
tation au moment où ils ont été confrontés à l’absence de fia-
bilité parentale. Celles-ci ont souvent consisté à chercher au
dehors de la maison, auprès des pairs et des activités sporti-
ves ou ludiques des sources de satisfaction narcissique. Par-
fois aussi, lorsque la vie psychique a été fortement investie
pendant la latence, le jeune adolescent se « perd » dans une
rêverie confabulante.
Ces adolescents accèdent à un certain degré d’autono-
misation dans la pensée. Les processus cognitifs sont peu
atteints. La symptomatologie est plus celle de conduites de
passivité, de rêverie, voire d’attitudes caractérielles rejetant
toute soumission au cadre scolaire et tend à être traitée de
manière éducative (mise en internat) alors qu’il existe une
réelle souffrance psychique.
L’identification factice
Parfois aussi, la dernière acquisition moïque, en l’oc-
currence l’accès à la pensée abstraite, peut être utilisée de
manière défensive comme Moi-Idéal réalisant ainsi une collu-
sion entre self et pensée, cette dernière étant totalement
subordonnée à l’emprise du self. S. de Mijolla (1998) parle
« d’abandon de la pensée » : le sujet délègue à un autre le fait
de penser à sa place. Il adopte par identification les pensées
d’un autre, celui-ci devient un Idéal permettant au sujet de se
vider de sa propre pensée pour se coller à l’autre, il s’agit en
fait d’un pseudo-Idéal de Moi. Le sujet ne vit pas une inhibi-
tion de pensée, il a réponse à tout, car le maître à penser sait
tout : c’est le conformisme.
Le jeune adolescent fait alors sien un appareil de croyance
dont l’investissement sera renforcé au moment du pubertaire
Quand penser devient douloureux 191

par la défaillance surmoïque. Le recours à l’idéologie peut


ainsi représenter un évitement du travail psychique de
l’adolescence : c’est le dogmatisme. Il faut cependant noter
que sur le plan clinique les adolescents concernés par ce fonc-
tionnement psychique sont plutôt vus vers l’âge de 16 ans, à
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l’entrée au lycée, c’est-à-dire à la fin de la période dont nous
traitons ici.
Paul Denis (1990) a bien montré dans son Éloge de la bêtise
que le fonctionnement « bête » des jeunes adolescents découle
d’un refus de voir ce qui se passe en soi et d’un souci de le
cacher à autrui. Il parle d’un détournement antisexuel de
l’excitation visant à abolir le fantasme, la pensée.
Dans ces conditions, comment proposer à un jeune adoles-
cent de réfléchir à ce qui se passe en lui s’il n’en veut rien
savoir, sauf à utiliser une médiation autre que verbale suscep-
tible de rendre la relation à l’autre – soignant – moins exci-
tante. Cet enjeu est d’autant plus important que les aménage-
ments défensifs qui sont au départ une position d’attente
finissent par se fixer. Par ailleurs, ce contre-investissement
est particulièrement coûteux en énergie, ce qui ne permet pas
d’en disposer pour d’autres investissements.
En nous appuyant sur les éléments théoriques précédem-
ment cités, nous avons construit un modèle de prise en
charge pour ces jeunes adolescents présentant une douleur à
penser.
La précession du développement de la pensée abstraite sur
les phénomènes de génitalisation, ainsi que le rôle majeur
joué par l’investissement de la connaissance durant la période
de latence, nous ont conduit à proposer à ces jeunes adoles-
cents des situations dans lesquelles ils pourraient exercer ce
plaisir à connaître.
L’importance des pairs et du regard des autres adolescents
nous a déterminé à proposer une approche en groupe.
Enfin, la fréquence des situations mettant en jeu un lien
anxieux aux parents, nous a décidé à nous appuyer sur le
cadre institutionnel pour créer un espace de médiation, véri-
table lieu transitionnel au sens winnicottien du terme.
192 Nicole Catheline

L’ACCUEIL THÉRAPEUTIQUE DE JOUR


POUR ADOLESCENTS : « MOSAÏQUE »
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Les enjeux thérapeutiques
Il nous est apparu primordial dans notre dispositif de soin
d’amener les adolescents présentant ces pathologies anxieuses
avec inhibition de la pensée à tolérer d’abord, à aimer penser
ensuite. Pour ce faire, il fallait déconnecter réflexion et cadre
scolaire puisque pour nombre d’adolescents c’est à l’école
qu’on utilise sa pensée et par ailleurs les difficultés scolaires
sont pour beaucoup le motif annoncé de la consultation (un
tiers des adolescents en 1998 ont consulté à la demande exclu-
sive des enseignants). Toute activité mettant en jeu le verbal
est assimilée à la pensée et à la scolarité, tandis que le
« faire » évoque les loisirs, les jeux. Les ateliers thérapeuti-
ques utilisant des médiateurs auront cette mission de réconci-
lier les adolescents avec leur pensée.
Il fallait ensuite effectuer un travail en direction du lien
entre parent et adolescent. L’institution de soins par sa fonc-
tion à la fois médiatisante, étayante (ou contenante) et sépa-
ratrice permettra que se desserre peu à peu ce lien.
Enfin, nous tentons d’utiliser le support des pairs pour
aider le jeune adolescent à se départir du lien anxieux avec ses
parents. Le travail en groupe thérapeutique constitue notre
troisième axe de soins.
L’institution de soins, type hôpital de jour à temps partiel
pour jeunes adolescents, s’introduit comme un nouveau par-
tenaire dans le triangle : école-adolescent-parents où réguliè-
rement et de façon pathogène deux éléments s’allient contre
le troisième.
L’originalité de notre collaboration avec l’école nous per-
met par ailleurs de réaliser une alliance thérapeutique d’une
part avec les parents interpellés par les enseignants pour des
motifs scolaires, d’autre part avec les enseignants désarçon-
nés par les comportements de ces adolescents.
Notre hypothèse de travail étant que les troubles présen-
tés par ces jeunes adolescents constituaient des butées de leur
Quand penser devient douloureux 193

développement psycho-affectif, notre objectif était de leur


donner du temps et un espace où le cours du développement
pourrait reprendre. Il était nécessaire que ce temps et cet
espace s’intègrent ou s’insèrent dans leur réseau social, rela-
tionnel et affectif. Le temps ne devait être ni trop court ni
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trop long : pas trop court pour pouvoir constituer une expé-
rience de vie (Diatkine, 1982), pas trop long pour éviter la
déscolarisation. La fréquentation du lieu de soin ne devait
conduire ni à une exclusion ni à une marginalisation du
milieu naturel de l’adolescent.
Il convenait donc dans un premier temps de protéger le
jeune adolescent des réponses agressives des groupes sociaux
dans lesquels ils vivent : école, famille, copains et de leur
offrir un autre lieu d’expériences relationnelles qui ne se subs-
tituerait cependant pas aux lieux habituels.
Dans ce lieu nous souhaitions que les adolescents y fassent
des rencontres, que les activités proposées puissent leur per-
mettre d’exprimer des désirs venant d’eux-mêmes et les met-
tent en contact avec des apports culturels susceptibles de les
intéresser (les contenants de pensée culturels de Gibello).
Nous souhaitions surtout qu’ils puissent rêvasser en présence
de quelqu’un (espace transitionnel de Winnicott). Bref, nous
souhaitions que dans ce lieu s’expriment les parties saines de
leur appareil psychique, afin de renforcer les assises narcissi-
ques de la personnalité. Nous souhaitions aussi introduire un
tiers médiateur symbolisant les fonctions de séparation dans
les relations duelles : parents-adolescent ou adolescent-école
ou encore parent-école.
Une « séduction tempérée » est le plus souvent nécessaire
pour atteindre l’adolescent barricadé dans son système de
fonctionnement. En effet, ses conduites d’évitement de la
pensée, car penser équivaut à réaliser des vœux œdipiens, ou
sa peur de la perte de l’étayage parental sont la cause du (ou
des) symptôme(s). Mais ceux-ci, du fait même de leur effica-
cité (en effet, ils satisfont le Surmoi en évitant la rivalité
avec les figures parentales, ou obligent les parents à être
constamment derrière leur enfant), risquent de se pérenniser.
C’est la raison pour laquelle il est important de relancer le
plaisir à penser dans d’autres circonstances que les seules
conditions familiales ou scolaires. Ainsi le fait de disposer de
194 Nicole Catheline

nombreux ateliers dont l’attractivité pour l’adolescent doit


être certaine, c’est-à-dire correspondre aux centres d’intérêts
de son âge, permet-il de réfléchir à soi dans un autre
contexte qui, tout en étant proche de la situation scolaire
puisque impliquant la présence d’adultes et de règles, ne s’y
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substitue pas. Il s’agit en quelque sorte d’une aire transition-
nelle au sens winnicottien du terme dans laquelle la cohabi-
tation avec d’autres adolescents permet la création d’un
espace groupal de pensée, ce qui constitue un étayage narcis-
sique important.
La plupart des adolescents qui fréquentent l’institution
ont une problématique centrée sur l’axe narcissime-idéal du
moi. Ils ont des défaillances dans l’établissement de leurs assi-
ses narcissiques. Le travail thérapeutique portera de ce fait
sur le remaniement des idéaux. L’adolescent s’avère particu-
lièrement sensible et vulnérable aux facteurs d’environne-
ment et aux aléas des rencontres externes. Une grande partie
de ses identifications se feront d’ailleurs à partir d’appro-
priation d’ « objets médiateurs » retrouvés soit chez les
autres adolescents, soit chez un adulte, soit dans un groupe.
Mais cette appétence objectale peut parfois être vécue par
l’adolescent comme une insatiable envie qui le menace d’un
débordement, d’une perte d’autonomie, c’est-à-dire d’une
perte narcissique (Jeammet, 1990). La réalité interne est donc
à la fois défaillante et excitante dès lors que l’adulte vient à la
solliciter. L’utilisation d’un médiateur d’une part, d’un
groupe thérapeutique d’autre part, permet de canaliser et de
contenir cette excitation.
Le médiateur
Le médiateur permet d’éponger l’excitation que suscite la
relation obligée avec les autres. Certains adolescents ne sont
capables de canaliser cette excitation que dans la manipula-
tion d’objets, d’autres dans la mise en jeu de leur corps,
d’autres enfin tolèrent un minimum de mentalisation et peu-
vent s’inscrire dans des activités créatrices ou imagina-
tives. On comprend la nécessité de disposer d’un grand
nombre de supports médiateurs (médiation créative, média-
tion manuelle, médiation corporelle, médiation culturelle). Ce
médiateur permet de différer le recours à la parole excitante
Quand penser devient douloureux 195

elle aussi génératrice d’attitudes de prestance qui ont précisé-


ment enfermé le jeune adolescent dans un comportement jugé
à juste titre pathologique par l’environnement. Parler tandis
que les mains s’affairent atténue l’impact émotionnel à la fois
pour celui qui s’exprime et pour celui qui écoute. L’attention
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est en quelque sorte partagée entre le voir et le dire. Par ail-
leurs, ce « faire » redonne à l’adolescent une position active,
rendant plus supportable la relation à l’adulte. Celle-ci ne
comporte alors plus le risque de soumission qui inquiétait
tant l’adolescent. En décidant de faire ou de ne pas faire ou
de faire ce qu’il veut, l’adolescent récupère un sentiment de
maîtrise lui permettant de s’investir sans crainte dans la rela-
tion de soin.
Le groupe
Le rôle pris par les pairs dans l’exploration des états
intérieurs constitue, nous l’avons vu précédemment, un
point fort dans l’adaptation du jeune adolescent aux modifi-
cations cognitives et affectives suscitées par l’entrée dans
l’adolescence. La mise en contact avec un petit nombre
d’adolescents de son âge durant son passage au centre de
soins et la nécessité de nouer des contacts avec eux va petit à
petit lui permettre de se rendre compte de l’intérêt de ces
relations.
La particularité de notre structure est de fonctionner en
groupes ouverts, c’est-à-dire que de nouveaux adolescents
peuvent à tout instant entrer sur un groupe, du moins jus-
qu’à ce que celui-ci soit complet (5 à 6 adolescents maxi-
mum). Cette organisation ne nous permet pas d’utiliser les
ressorts thérapeutiques habituels des groupes tels que l’il-
lusion groupale par exemple. En revanche, la mise en petit
groupe du fait de la dimension d’étayage et d’expérimen-
tation des états moïques restaure le narcissisme des adoles-
cents. De même, les groupes ouverts permettent la constitu-
tion d’un « idéal groupal ». Tous les adolescents ne quittant
pas le groupe en même temps, il persiste ainsi une représen-
tation de cet idéal, véhiculé par les adolescents les plus
anciens.
Cet idéal groupal peut représenter un nouveau support
identificatoire pour peu que l’adolescent accepte de renoncer
196 Nicole Catheline

à certaines attitudes défensives qui constituaient autant de


réactions de prestance au service de ce pseudo-idéal révolté.
Toutefois, du fait de l’ouverture des groupes, l’idéal grou-
pal est plus difficile à constituer et doit être soutenu par
l’idéal institutionnel. « L’institution, comme ces matrioch-
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kas, poupées gigognes russes dans laquelle la plus grosse
englobe la plus petite, devient ainsi un “groupe au carré”, un
groupe au sein duquel fonctionnent tous les autres groupes.
Le cadre institutionnel confère aux groupes ouverts une fonc-
tion contenante renforcée » (Catheline, 1998).
Ce renforcement de la fonction contenante du cadre insti-
tutionnel est d’autant plus important que le fonctionnement
en groupe ouvert suscite chez les parents des projections
agressives. Beaucoup d’entre eux assimilent les activités à un
centre de loisirs, voire à des activités pour enfants plus jeu-
nes. Les parents aimeraient que nous fassions la morale à
leurs adolescents, que nous trouvions les raisons du blocage :
« Il a des possibilités ; quand il veut, il peut. » Bref, les atten-
tes sont fortes et ces sentiments se transforment souvent en
haine avec projection des mauvais objets sur l’institution.
Ceci est d’autant plus important que beaucoup de parents
vivent le centre thérapeutique comme une institution idéale
qui concrétiserait une fonction parentale idéale. Comme le
souligne Jean-Bernard Chapelier (1989) : « Les centres qui se
donnent pour but de soigner les enfants se présentent de
façon latente ou exprimée comme substituts parentaux, et ils
s’organisent souvent sur le modèle de la famille (couples de
directeurs, équipe fraternelle, etc.). » Le fonctionnement de
notre institution n’y échappe pas.

L’organisation de « Mosaïque »
« Mosaïque » est une structure type « hôpital de jour » à
prix de journée, de seize places, dépendant du centre hospita-
lier Henri-Laborit à Poitiers (Vienne) et rattachée au secteur
sud de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (chef de ser-
vice : Dr Joël Uzé). « Mosaïque » fait partie de la fédération
des unités d’adolescents de la Vienne réunissant six unités.
Les cinq autres étant les suivantes : Unité d’accueil et
d’admission de Poitiers (six lits) ; Unité d’hospitalisation de
Quand penser devient douloureux 197

Poitiers (dix lits) ; Foyer thérapeutique des « Trois logis » à


Poitiers (douze lits) ; Centre de soins pour adolescents (fonc-
tionnant sur le modèle de « Mosaïque ») à Châtellerault (huit
places) ; Unité d’Intervention en collèges et lycées (ISATIS).
Ces dernières unités sont rattachées au secteur nord de psy-
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chiatrie de l’enfant et de l’adolescent (chef de service :
Pr Daniel Marcelli), la structure fédérative permettant une
harmonisation du fonctionnement et une meilleure cohé-
rence. À titre d’information, les moyens propres à l’Unité
« Mosaïque » sont, au plan architectural, la disposition de
locaux spécifiques (nouveaux locaux inaugurés en novem-
bre 1998) de 510 m2, pour neuf salles pouvant accueillir les
adolescents (dont le réfectoire qui sert à l’atelier cuisine), cinq
bureaux de consultations, un secrétariat, une salle d’attente
et une infirmerie servant de bureau médical au généraliste
vacataire. Au plan humain, « Mosaïque » dispose d’un prati-
cien hospitalier à 60 % sur la structure, de sept ETP d’infir-
miers, d’un cadre infirmier plein-temps, d’un agent de ser-
vice hospitalier plein-temps, d’une psychologue à mi-temps
(depuis le 1 er juillet 2000), d’une orthophoniste à 30 % et
d’une psychomotricienne à 20 %.
L’unité de soins accueille tous les jours de l’année, du
lundi au vendredi, de 8 h 30 à 17 h, une soixantaine d’adoles-
cents par semaine, chacun venant une, deux (cas le plus fré-
quent) ou trois fois par semaine, pour une durée de trois
heures environ à chaque venue.
Une période d’ « essai » de cinq semaines permet à l’ado-
lescent d’avoir une meilleure représentation du soin qui lui est
proposé, ce qui facilite ultérieurement l’adhésion au traite-
ment. En effet, bien souvent l’idée d’être « soigné » en groupe
est mal peçu par les adolescents, ou encore le recours aux
médiateurs est assimilé à la fréquentation d’un centre de loi-
sirs pour enfants plus jeunes, type centre aéré par exemple.
Les activités s’effectuent en petits groupes de quatre à six
adolescents. Elles ont été décidées par les soignants en fonc-
tion de leur propre centre d’intérêt et des formations qu’ils
ont pu recevoir dans ces domaines. Il nous est en effet apparu
nécessaire que les infirmiers puissent s’adosser à une compé-
tence technique face à des patients susceptibles de régresser
du fait de cette prise en charge. Du côté des adolescents, nous
198 Nicole Catheline

avons essayé de diversifier les activités en tenant compte des


centres d’intérêt de leur âge, mais aussi en leur proposant des
activités différentes selon leurs aptitudes à utiliser le média-
teur. Ainsi leur proposons-nous toute une gamme d’ateliers
répartis en quatre types de support :
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— ateliers à médiation corporelle regroupant des activités
sportives, gym douce, relaxation, club santé, maquillage-
esthétique ;
— ateliers à médiation imaginative et créatrice : atelier collage,
modelage, atelier écriture, atelier contes, atelier expres-
sion (peinture), atelier dessin, atelier vidéo (réalisation
d’un film), atelier photo ;
— ateliers à médiation culturelle : atelier socialisation, atelier
échecs, atelier réflexion scolaire, atelier culturel, atelier
informatique ;
— ateliers à médiation manuelle : atelier de construction
manuelle, atelier art-cyclage, atelier réparation de moby-
lette, atelier cuisine.
Reprenant le modèle de l’Unité de soins intensifs du soir
développé en 1971 par René Diatkine dans le cadre de
l’Association de santé mentale du XIIIe , nous avons égale-
ment développé un autre aspect de la prise en charge qui nous
différencie nettement des Centres d’accueil thérapeutique à
temps partiel (CATTP), il s’agit du temps institutionnel qui
comprend un « temps libre » ou temps de « détente » offrant
la possibilité de jouer entre adolescents au baby-foot, ping-
pong, jeux de société, écoute de musique, voire lecture dans le
salon, en attendant l’atelier, le repas ou le départ de l’insti-
tution. Des « séjours de rupture » (week-ends ou séjours de
cinq jours) visant à travailler à la fois sur la séparation avec
les parents et les contenants culturels (visite d’exposition, de
lieux historiques, etc.) sont systématiquement proposés aux
adolescents qui doivent participer au moins à l’un d’entre
eux. Les infirmiers encadrant ces séjours ne sont souvent pas
les mêmes que ceux qui reçoivent les adolescents dans les
groupes thérapeutiques, ce qui crée une réelle dynamique ins-
titutionnelle, chacun des soignants pouvant donner un avis
sur le comportement, l’attitude et les capacités adaptatives et
relationnelles de l’adolescent.
Quand penser devient douloureux 199

Les parents peuvent solliciter l’institution, soit pour des


problèmes matériels, soit pour évoquer des difficultés rencon-
trées avec leur adolescent. Ils sont reçus ou écoutés au télé-
phone par les infirmiers ou la surveillante de l’unité. Est-il
besoin de préciser que la teneur de ces entretiens est radicale-
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ment différente de celle des entretiens en présence du psy-
chiatre. Disposer d’un lieu où les parents peuvent parler des
difficultés qu’ils rencontrent au quotidien avec des soignants
confrontés tout comme eux au comportement de leur adoles-
cent est une aide précieuse pour la mise en place d’une
alliance thérapeutique. Les parents interpellent les infirmiers
et la surveillante à double titre, à la fois en tant que person-
nes au contact, comme eux-mêmes, de leur enfant, mais aussi
en tant que spécialistes possédant un savoir professionnel,
savoir qu’ils imaginent plus accessible que celui du médecin.
Le fonctionnement en « couple médecin-surveillant » est
alors très mobilisateur pour les parents, ouvrant à une circu-
lation des informations, suscitant un questionnement et des-
serrant le lien parent-adolescent précisément par la création
d’un espace de parole.
Quant à l’école, une circulaire émanant du ministère de
l’Éducation nationale, direction des écoles, direction des col-
lèges et lycées en date du 26 mars 1993 (no 93-186) nous a per-
mis d’officialiser nos rapports et de sortir du champ de l’expé-
rimental et des rapports interpersonnels avec tel ou tel chef
d’établissement. Ce texte, conformément à la loi d’orien-
tation du 10 juillet 1989, insiste sur la facilitation de la mise
en œuvre des soins pour les élèves fréquentant les établisse-
ments scolaires si les soins doivent intervenir sur des temps
scolaires. Le fait de disposer d’un texte qui s’impose aux éta-
blissements scolaires nous facilite grandement la collabora-
tion. Ce texte est bien connu des médecins scolaires qui
l’appellent « convention d’intégration ». Celle-ci est essentiel-
lement utilisée dans le primaire pour des enfants présentant
des troubles graves de personnalité intégrés à temps partiel
dans les écoles ou pour des enfants et/ou adolescents porteurs
de maladie somatique chronique ou nécessitant une surveil-
lance particulière. Pourtant le texte, suffisamment large,
peut aussi s’appliquer aux adolescents présentant des diffi-
cultés psychiques transitoires mais nécessitant des soins longs
200 Nicole Catheline

(supérieurs à six mois). Nous l’utilisons donc dans ce cadre,


avec l’accord du médecin conseiller technique de l’inspecteur
d’académie, puisque le médecin scolaire demeure le garant du
bien-fondé de ces soins et de leur mise en œuvre. Sur le ter-
rain, la signature de cette convention engage chacun des par-
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tenaires à des missions bien précises. Les professeurs concer-
nés sont mis au courant des absences répétées de l’élève et
s’engagent à vérifier que les cours lui seront communiqués
soit par eux-mêmes soit, le plus souvent, par un camarade
(photocopies). Ils s’engagent aussi à reprendre avec l’élève
une notion qui n’aurait pas été comprise. De son côté, le ser-
vice de soins s’engage à laisser la priorité aux évaluations tri-
mestrielles afin que l’adolescent puisse être noté dans la (les)
matière(s) concernée(s). Toutes les sept semaines environ
(parfois plus en fonction de l’évolution de la situation),
c’est.à-dire au rythme des évaluations trimestrielles, un infir-
mier référent de l’adolescent prend contact avec l’établisse-
ment scolaire pour connaître l’avis des enseignants sur l’évo-
lution de l’élève : comportement en classe et dans la cour de
récréation, relation au travail scolaire et avec les enseignants,
relation avec les pairs, respect des règles institutionnelles.

La fonction contenante ou étayante de l’institution :


un espace pour les besoins d’autonomie de chacun
Comme toute institution psychiatrique, l’accueil théra-
peutique véhicule une image de la folie qui inquiète à juste
titre parents et adolescents, voire même nos correspondants.
La gêne à présenter l’institution comme psychiatrique se
solde souvent par une représentation euphémique tout aussi
fausse : celle d’un lieu d’activités récréatives où quelques
adultes disponibles changeraient les idées des jeunes et par-
viendraient à « les raisonner ». Les parents veulent bien
accepter cette formule, mais ne veulent alors en aucun cas
que ces temps soient pris sur l’école. L’originalité de la prise
en charge suscite d’importantes résistances et il a fallu quel-
ques succès pour que nous soyons assurés du soutien (souvent
alors inconditionnel) de nos correspondants.
La mise en contact avec d’autres jeunes censés avoir les
mêmes problèmes qu’eux ne plaît guère aux adolescents en
Quand penser devient douloureux 201

quête d’identité et d’originalité, mais aussi très inquiets par


rapport à leur propre fonctionnement psychique. La repré-
sentation qu’ils se font du soin en institution est souvent
menaçante et doit être abordée avec patience. À cet égard, la
visite préalable de l’unité est un temps primordial de la prise
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en charge.
La fonction contenante de notre institution n’a rien à voir
avec une quelconque contention. Le lieu institutionnel tire
son efficacité précisément de la capacité de circulation des
adolescents qui y sont admis, ainsi que de leurs parents. Il
s’agit de donner à chacun, adolescent et parents, un espace
pour leurs besoins d’autonomie. Nous souhaitons que parents
et adolescents puissent s’approprier cet espace comme un lieu
tiers, lieu de médiation, certes régi par un règlement et des
obligations de venue, mais où l’instauration d’un autre type
de relations tant avec les adultes qu’avec les adolescents peut
faire surgir des questionnements sur les enjeux relationnels
intrafamiliaux. Notre but est, du côté du jeune, de (re)lancer
son intérêt pour sa vie psychique et, du côté des parents, de
leur permettre de se déprendre d’un type de relations excitan-
tes avec leur enfant dans lesquelles les notions de « surveil-
lance », d’ « absence de confiance » reviennent fréquemment.
Du côté des adolescents
Il nous est apparu important que les adolescents ne vien-
nent pas seulement pour les ateliers thérapeutiques mais dis-
posent de temps inoccupés au cours desquels, précisément, ils
peuvent interpeller d’autres adolescents, demander à aller
faire une course en ville (toujours accompagnés d’un adulte),
ou tout simplement se détendre, se laisser aller. Pour autant,
il ne s’agit pas de leur laisser faire ce que précisément leurs
parents ne les autorisent pas à faire. Les soignants soutien-
nent souvent ouvertement les attitudes parentales en s’y
identifiant, mais ces positions éducatives peuvent être parlées
et discutées avec les jeunes.
Du côté des parents
La place faite aux parents est fort importante et se trouve
renforcée par le nombre d’échanges que nous avons avec eux
du fait d’une venue deux à trois fois par semaine, même si le
202 Nicole Catheline

fréquent recours au taxi les limite1. Ceux-ci peuvent à tout


moment interpeller les infirmiers ou la surveillante pour
demander des conseils, ou tout simplement relater un « accro-
chage » qui a eu lieu la veille avec leur enfant.
Elle est importante aussi parce que, tout comme eux,
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nous nous préoccupons des relations avec l’école. Mais nous
bénéficions de ce privilège de pouvoir « faire manquer
l’école » à leur enfant, ce qui peut constituer aux yeux de cer-
tains parents une disqualification supplémentaire de leur rôle
parental. Ce sont d’ailleurs les parents les plus en difficultés
dans leur rôle parental qui refusent de « prendre » sur les
temps scolaires.
La place accordée aux parents dans notre institution
génère de nombreux mouvements projectifs susceptibles
d’entamer le narcissisme institutionnel en fragilisant l’idéal
thérapeutique des soignants. Le fonctionnement en couple
de « directeurs » : médecin responsable de l’unité et surveil-
lante œuvrant dans une dimension de complémentarité des
fonctions, constitue un pare-excitation efficace face à ces
projections.
Un autre temps institutionnel joue également ce rôle pro-
tecteur ou plus exactement déflecteur des projections paren-
tales, il s’agit des rencontres institutionnelles (trimestrielles
en général) avec les parents, toujours en présence d’un infir-
mier. Celles-ci mettent l’adolescent au centre d’un échange
entre adultes responsables du même enfant. Il se crée alors
une dynamique identificatoire fonctionnant à la fois pour les
parents mais aussi pour les soignants qui peuvent se faire une
opinion plus nuancée des relations entre parents et adoles-
cents. En outre, nous ne renions pas une certaine dimension
« éducative » de notre institution, et nous considérons que le
partage éducatif avec les parents et avec l’école nous donne
de nombreuses opportunités de dialogues.

1. Nous accueillons en effet des enfants de tout le département, un grand


nombre de parents travaillent et ne peuvent s’absenter pour venir conduire leur
enfant au centre de soins, d’autres parents ne disposent pas de véhicule. Une entente
préalable avec les caisses des assurances maladie nous permet alors de faire venir les
adolescents.
Quand penser devient douloureux 203

La fonction séparatrice de l’institution

À l’opposé de cette fonction contenante, ou plus exacte-


ment en contre-point – ce qui insiste sur la notion de complé-
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mentarité –, l’institution exerce une fonction séparatrice
auprès des parents et des adolescents. Cette fonction sépa-
ratrice pourrait être représentée par la métaphore des sas,
c’est-à-dire des compartiments relativement étanches entre
lesquels toute l’information ne circulerait pas. Ainsi, le méde-
cin, malgré les réunions de synthèses et les rencontres infor-
melles avec les infirmiers, ne sait pas précisément ce qui se
passe dans les ateliers entre les adolescents et les infirmiers.
La surveillante n’assiste pas aux entretiens avec les familles
et les infirmiers. Ces derniers, pas plus que le médecin,
n’assistent aux entretiens de la surveillante avec les parents.
Seuls les infirmiers sont présents lors des rencontres avec
l’école. Chacun des intervenants n’est donc informé que d’une
partie des interactions entre l’adolescent et les adultes qui
s’occupent de lui, et bien que les informations soient mises en
commun, les moments émotionnels ne sont pas partagés par
tous. Ce fonctionnement permet une souplesse des identifica-
tions, et évite l’écueil d’ « une possession totalitaire d’un
patient » (Diatkine, 1982).
Notre fonction séparatrice s’exerce aussi par rapport à
l’école, au sens où nous nous interposons entre l’adolescent et
sa famille dans le conflit qui bien souvent les oppose.
Beaucoup d’adolescents nous sont envoyés par les ensei-
gnants eux-mêmes, pour des motifs scolaires. Si beaucoup de
professeurs ont une réelle perception de la souffrance psy-
chique de l’élève, la plupart attendent ouvertement ou de
manière indirecte (demande de bilans en vue d’une éventuelle
orientation) des conseils afin d’optimiser leur relation à
l’enfant. Chacun sait qu’il est impossible de répondre à une
telle demande. Il est en revanche très utile de s’appuyer sur
les motivations des enseignants. La plupart d’entre eux ne
recherchent pas les raisons du « blocage » de l’élève, ils veu-
lent seulement obtenir la garantie de pouvoir faire la classe et
que leurs élèves pourront bénéficier de leur enseignement.
Faire signer aux enseignants une convention par laquelle
204 Nicole Catheline

nous nous engageons au côté des parents et de l’élève à un


suivi qui les rend partie prenante puisque nous les rencon-
trons régulièrement, qui plus est à leur rythme d’évaluation
(bulletins trimestriels), constitue l’assurance de pouvoir tenir
ce projet puisqu’il est soutenu par des professionnels. Là
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encore une « séduction tempérée » de l’enseignant dans son
domaine de compétence nous paraît pouvoir intervenir de
manière intéressante dans l’ouverture de la relation. Là où un
soutien scolaire spécialisé aurait immanquablement suscité
de l’hostilité du fait de la rivalité, nous préférons soutenir
l’enseignant dans les difficultés qu’il rencontre, sans toutefois
répondre à sa demande d’avoir des conseils sur la manière de
se comporter avec l’adolescent. Le soutien est représenté par
les liaisons régulières avec l’école.
Nous avons mis en évidence trois ressorts thérapeutiques
susceptibles d’expliquer l’amélioration du comportement de
l’adolescent souvent assez spectaculaire (dès le deuxième mois
de prise en charge en général, soit au bout de six ou sept
séances).
Le premier est représenté par la conflictualité que génère
ce type de montage dans l’équipe pédagogique : il y a les par-
tisans du système et les opposants. Ainsi, la zone de conflic-
tualité qui concernait l’enfant et sa famille face à l’institution
scolaire se déplace a minima au sein même de l’institution et
permet de laisser du temps au temps.
Le deuxième est plus connu sous l’appellation d’ « effet
Pygmalion » décrit par Rosenthal (1968) : nous pensons que
l’élève ira plus volontiers en cours et réussira mieux si
l’enseignant est attentif à lui qu’en cas contraire.
Enfin, le dernier point concerne la fréquentation de
« Mosaïque » sur des temps scolaires. Lorsque les parents
acceptent, nous considérons qu’ils font preuve d’une recon-
naissance des difficultés de l’enfant et qu’il s’agit là d’un
authentique désir de changement. Nous devons soutenir ce
mouvement en leur offrant des espaces et un lieu pour le faire,
d’autant qu’ils peuvent rencontrer une hostitilité de la part
de certains enseignants.
Quand penser devient douloureux 205

Le travail en réseau

Contenir, différencier, médiatiser sont les trois piliers thé-


rapeutiques de ce dipositif institutionnel.
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Si l’on devait utiliser une métaphore, nous dirions plus
volontiers que nous faisons la « courte échelle » à ces jeunes
adolescents pour leur permettre de reprendre le cours de leur
développement. Ceci a pour conséquence que la structure ne
peut fonctionner au maximum de ses effets thérapeutiques
que si elle s’inscrit dans un réseau de soins. En amont, c’est-à-
dire avant l’arrivée à « Mosaïque », les adolescents et leurs
parents ont consulté un psychiatre qui au terme souvent de
plusieurs mois de préparation (consultations thérapeutiques
incluant les parents et l’adolescent) préconise un suivi dans
la structure tout en maintenant ses propres consultations
thérapeutiques avec les parents et l’adolescent. En aval,
« Mosaïque » devrait dans le meilleur des cas permettre aux
adolescents de s’intéresser à leur vie psychique, à penser sans
douleur, ce qui est un préliminaire indispensable à un travail
psychothérapique plus classique, qu’il soit en groupe (psy-
chodrame de groupe) ou individuel (psychothérapie analy-
tique ou psychodrame individuel).
Quelques adolescents (un quart environ) ont suivi ou sui-
vent, soit durant leur séjour à « Mosaïque » (en principe, au
cours de la deuxième année) soit au sortir de l’institution, un
tel traitement psychothérapique. Pour les trois quarts res-
tant, la symptomatologie s’est améliorée et les parents pas
plus que l’adolescent ne voient l’intérêt de poursuivre un
traitement sous quelque forme que ce soit. Il arrive aussi que
la seule prise en charge institutionnelle ait suffisamment
modifié les interactions pour qu’une détente s’opère et que le
développement puisse reprendre son cours. Par ailleurs,
nombre d’adolescents auront beaucoup de mal à accéder à
un travail psychothérapique classique, d’où l’intérêt de cette
structure.
206 Nicole Catheline

CONCLUSION
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À l’instar de la période de latence, la prime adolescence
est une période « intermédiaire » au plan psychodynamique,
qui s’étend de 11 à 15 ans environ. Il faut sans doute voir
dans cette constatation la raison du peu de travaux théori-
ques la concernant. Mais la différence principale réside dans
le fait que la période de latence fait suite aux turbulences de
l’œdipe tandis que la prime adolescence est clairement posi-
tionnée (ne serait-ce qu’en raison de l’usage fait par certains
auteurs du terme de pré-adolescence) comme une phase
d’attente d’un changement qui ne saurait tarder. Ainsi
nombre de comportements qui de notre point de vue sont
bien spécifiques de cette période ne sont en fait analysés que
comme des prémices de ce que seront les modifications de
l’adolescence : caractère opposant, inhibition, troubles du
comportement, relatif échec scolaire. Il s’agirait alors d’une
sorte de mise en place, d’ébauches de comportement ou d’at-
titudes d’adolescent. Une telle compréhension nous paraît
non seulement stérile mais dommageable au plan de la santé
psychique. Tout au long de notre travail, nous avons tenté
de montrer que durant cette période de transition, le change-
ment primordial était constitué par une véritable révolution
cognitive : la mise en place de la pensée réflexive et de la
pensée abstraite.
Toutefois, cette capacité à penser sur ses pensées (pensée
réflexive) n’est pas seulement vécue comme un progrès par le
jeune adolescent mais aussi et surtout comme une remise en
question de ses conceptions antérieures et à ce titre elle solli-
cite la qualité des assises narcissiques. Le jeune adolescent
pourra-t-il supporter sans risque pour son sentiment continu
d’existence de revisiter totalement l’ordonnancement de sa
logique d’enfant ? Si durant la période de latence, l’enfant a
pu éprouver du plaisir précisément à penser, à trouver des
règles lui permettant de généraliser sa pensée, alors ce plaisir
moïque, cette narcissisation de la pensée viendra à la res-
cousse des défaillances moïques du jeune adolescent. La pré-
Quand penser devient douloureux 207

séance de quelques mois (24 mois en moyenne) de cette capa-


cité de réflexion permettant à l’individu d’explorer ses états
mentaux et donc d’acquérir un jugement propre nous paraît
être un facteur protecteur pour le jeune adolescent lorsqu’il
sera confronté à la tension interne créée par les transforma-
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tions pubertaires.
Ce plaisir à penser constituera alors un « bastion de sécu-
rité » pour reprendre l’expression de P. Blos, permettant un
franchissement de cette étape sans que les processus défen-
sifs ne l’emportent sur la libidinalisation de cette nouvelle
potentialité.
Parce qu’elle peut consolider les assises narcissiques, la
capacité et surtout le plaisir à penser sur ses pensées constitue
un précieux viatique pour affronter les remaniements affec-
tifs provoqués par la puberté.
De notre point de vue, la douleur à penser à la prime ado-
lescence devrait constituer un signal d’appel et être prise en
compte par des structures de soins spécifiques. En effet, la
surreprésentation des difficultés scolaires (au sens large, c’est-
à-dire à la fois au plan des performances mais aussi du com-
portement) fait trop souvent occulter la dimension psychody-
namique au profit d’explications soit sociologiques (parents
démissionnaires ou marginalisés), soit individuelles (désinté-
rêt scolaire, défaut d’équipement intellectuel) soit encore
réactionnelles (divorce parental, deuil, déménagement),
autant d’éléments bien souvent pertinents mais qui ne font
que se surajouter à une problématique développementale
bien spécifique de cette tranche d’âge.
La difficulté du jeune adolescent à parler de lui s’ex-
plique par la mise en place progressive et souvent imparfaite
de cette nouvelle « fonction » réflexive. Cette impossibilité
transitoire oblige les thérapeutes à utiliser d’autres stratégies
que les entretiens individuels psychothérapiques, d’où l’inté-
rêt du groupe, des médiateurs et du cadre institutionnel qui
permet d’une part d’entrer en contact avec l’adolescent et
d’autre part de diffracter les attitudes contre-transféren-
tielles des adultes ( « on ne peux rien faire s’il n’y a pas de
demande » ).
Tout ceci nous a conduit à proposer un traitement origi-
nal de ce type de difficultés : il s’agit d’un soin institutionnel
208 Nicole Catheline

en ambulatoire dont les principaux ressorts thérapeutiques


sont constitués par le travail en petit groupe pour solliciter
l’étayage du groupe des pairs, avec des médiateurs pour
relancer l’activité de penser et dans un cadre institutionnel
pour médiatiser les relations avec la famille d’une part et avec
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l’école d’autre part.
Ce traitement constitue de notre point de vue une préven-
tion de difficultés psychologiques ultérieures comme celles
fréquemment observées chez le grand adolescent, entre 16
et 19 ans : états dépressifs, consommation de produits, rup-
ture scolaire, tentative de suicide. Le maintien de la capacité
à expérimenter ses états mentaux que procure l’accès à la
pensée réflexive nous paraît en effet un facteur de protection
contre le recours au passage à l’acte comme résolution des
états de tension interne. Il s’agit grâce à ce dispositif de main-
tenir au maximum les potentialités cognitives et relationnel-
les du jeune adolescent, du fait de leur caractère hautement
narcissique. Il serait illusoire cependant de croire que ce dis-
positif évite ou rend caduque le recours à des approches thé-
rapeutiques plus classiques. Il faut de notre point de vue plu-
tôt le concevoir dans une optique de « séquencage » de
traitement. Prenant en compte à la fois les difficultés à expri-
mer son malaise et les enjeux psychodynamiques sous-
jacents, ce traitement ambulatoire institutionnel réalise une
première mesure thérapeutique et introduit un changement
dans les relations du jeune adolescent avec son environ-
nement. Le déserrement des liens anxieux, la mise en place
de tiers médiateurs institutionnels sont autant d’éléments
d’apaisement dans une situation conflictuelle. Ce n’est que
secondairement, lorsque le jeune adolescent aura retrouvé
le plaisir à penser à lui-même, qu’il pourra bénéficier d’une
psychothérapie individuelle.

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Dr Nicole Catheline Hiver 2000
Centre hospitalier Henri-Laborit
« Mosaïque »
BP 587
86021 Poitiers Cedex

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