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Un exemple d'étude prospective des signes précoces :

l'étude « PREAUT »
Jean-Noël Trouvé
Dans Cahiers de PréAut 2011/1 (N° 8) , pages 31 à 37
Éditions L'Harmattan
ISSN 1767-3151
ISBN 9782296569300
DOI 10.3917/capre.008.0031
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Un exemple d’étude prospective des signes précoces :
l’étude « PREAUT »8

Dr Jean-Noël Trouvé
Pédopsychiatre, neuropédiatre
CAMSP du C.H.U. Nord
Membre de l’Equipe Régionale de
Référence PREAUT - Marseille

Il s’agit d’une étude descriptive prospective et multicentrique à laquelle


nous participons.
L’objectif de cette recherche est de valider un ensemble d’outils de
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repérage des signes précoces ou précurseurs de troubles autistiques à 4, 9,
12 et 24 mois et d’évaluer les risques d’évolution vers l’autisme des cas
repérés, à l’aide d’un protocole simple, utilisable par des médecins ou
d’autres professionnels de santé de « premier rang », assurant le suivi non
spécialisé des jeunes enfants, en premier lieu les pédiatres et puéricultrices
de PMI.
L’initiative de cette recherche, qui a été conçue en 1996, revient à un
groupe de psychologues et de psychanalystes de la petite enfance et de
pédopsychiatres, en collaboration depuis avec le Professeur Bursztejn du
C.H.U. de Strasbourg.
Cette recherche, basée sur la pratique pédiatrique courante, tient compte
des contraintes de l’examen du nourrisson non désigné, examen qui ne
saurait donc comprendre un trop long questionnaire détaillé.
Il fallait donc sélectionner des outils de première évaluation aussi simples
que possible à utiliser, tout en étant suffisamment fiables et sensibles pour
fournir une base solide pour une demande de bilans plus spécialisés.
La mise au point de cette recherche a donc comporté deux temps :

x un temps de conceptualisation, aboutissant à la détermination du


ou des signes considérés comme les plus pertinents pour un
examen clinique systématique du nourrisson, à quatre mois, neuf
mois, un an et deux ans.

8
Cette présentation fait partie du Mémoire présenté par le Dr Trouvé en vue de l’obtention
du Diplôme Inter Universitaire de Neuropédiatrie, Université de la Méditerranée Aix-
Marseille II en décembre 2009.

31
x Un temps de réalisation, comportant la formation des médecins de
PMI, puis la conduite concrète de la recherche des signes lors des
consultations de PMI en vue de leur validation pour un nombre
suffisant d’enfants.
Cette recherche se déroule dans onze départements de France, avec 400
médecins de PMI ; au total, ces départements constituant un bassin de près
de 150 000 naissances par an.
La prévalence retenue pour l’autisme infantile est d’environ 1 à 3 pour 1
000, la population suivie doit être de 25 000 enfants, avec un taux de
perdus de vue qui ne doit pas dépasser 20% de la population incluse
pendant la durée du suivi, estimation confirmée par la phase de faisabilité
réalisée en 2002-2004.
Elle comportera un troisième temps, celui du traitement informatique des
données par l’Observatoire Régional de la Santé.

Définition des signes de la recherche PREAUT


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La recherche s’est écartée des listes de signes trop exhaustives, du fait de
la rareté de beaucoup d’entre eux, surtout dans les autismes dits régressifs,
mais aussi pour rester proche de l’expérience clinique des médecins, qui
est plus globale, basée sur l’observation du bébé au cours de la
consultation, et dont plusieurs auteurs de différentes orientations ont
souligné la fiabilité.
Deux signes ont été dégagés9 :
x la qualité des échanges visuels résumés habituellement sous le
terme de contact œil à œil,
x l’interaction ludique réciproque impliquant un « faire semblant »
joyeux de la part de l’adulte et la jubilation partagée de l’adulte et
de l’enfant.
Mais ces deux types d’interactions ont été précisés, notamment par un
travail d’observation très attentive des films familiaux en collaboration
avec l’équipe du Pr. Muratori, de l’Institut Stella Maris, de l’Université de
Pise.
Cette lecture attentive a en effet permis de démontrer que les enfants qui
allaient devenir des sujets autistes gardaient longtemps la possibilité de
répondre assez normalement aux sollicitations relationnelles de leur
entourage, mais qu’ils perdaient bien plus précocement ou qu’ils
n’avaient jamais eu un rôle actif à l’origine de ces échanges ou bien
pour appeler à leur continuation.

9
Nous devons l’élaboration de ces indicateurs au travail de M.C. Laznik, qui les a dégagés au
cours de nombreux travaux. Voir « Le bébé et la pulsion », in Psychiatrie Française, Sp/03,
14-28, 2003

32
C’est donc ce caractère d’initiative et d’anticipation de l’échange qui a été
sélectionné comme étant éventuellement le plus pertinent aux stades les
plus précoces.
Concrètement, ce travail d’élaboration a donc conduit M. C. Laznik à
formuler deux signes, à rechercher systématiquement lors des examens
obligatoires en PMI à quatre mois et neuf mois de vie :

-Le premier signe (S1): « Le bébé ne cherche pas à se faire regarder


par sa mère (ou son substitut) en absence de toute sollicitation de
celle-ci. »
Le choix de ce signe centré sur l’échange de regard entre mère et enfant,
est conforme au consensus des cliniciens et ne peut guère surprendre que
par l’insistance sur la recherche de réciprocité chez l’enfant, dont on ne se
contente pas de noter qu’il regarde sa mère ou l’interlocuteur, mais qu’il
initie un regard réciproque.
L’altération de la qualité des échanges visuels peut cependant
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correspondre à d’autres difficultés : en premier lieu les troubles de la
vision, mais aussi l’évitement spécifique mais transitoire du regard chez
un nourrisson.
Ce signe bien connu peut s’observer dans le cadre des troubles de la
relation précoce mère enfant et de troubles de l’attachement, notamment
dans le cas de mères dépressives ou chaotiques. Il ne serait donc
significatif d'un risque d'évolution vers de troubles graves de la
communication que lorsqu'il s’associe à la difficulté du bébé à susciter les
échanges, et particulièrement avec d’autres partenaires que sa mère.

-Le deuxième signe (S2) : « Le bébé ne cherche pas à susciter


l’échange jubilatoire avec sa mère (ou son substitut), en absence de
toute sollicitation de celle-ci. »
En pratique, cet échange jubilatoire apparaît quand le bébé initie un jeu de
« se faire » chatouiller, chahuter, ou embrasser le ventre, la main ou le
pied, par l’adulte qui prend soin de lui.
On notera que l’observation est uniquement située du côté du bébé, de ses
capacités à initier et entretenir une relation et qu’elle ne tient pas compte
de l’exercice des compétences maternelles.
Cet échange ludique et jubilatoire, bien connu à cet âge, serait le premier
indice :
x d’un véritable décollement du plaisir interactionnel d’avec
l’assouvissement du besoin,
x d’une première manifestation du plaisir de « faire semblant »,
x du partage de l’attention conjointe dans un jeu interactif,
x de la mise en place de boucles de mutualité, avec inversion
complète des rôles, l’enfant se faisant l’objet de l’investissement
affectif de ses partenaires.

33
- A l’âge de un an : le questionnaire QDC, questionnaire sur le
développement de la communication :
En parallèle avec la recherche PHRC multicentrique du Pr C. Bursztejn :
du CHRU de Strasbourg (Bursztejn et coll., à paraître).
Dans cette recherche, 27 items signalés dans la littérature comme étant
susceptibles d'annoncer l'apparition d'un trouble autistique ont été testés
chez 2 350 enfants au cours d'examens de santé systématiques entre 8et 13
mois. Au terme de cette étude, 8 de ces items, dont la présence a pu être
attestée chez au moins 95% des bébés sains examinés, ont été jugés
suffisamment fiables pour être utilisés à cet âge.
La recherche PREAUT en soumet six à validation :

1. Est-il facile d’avoir un contact œil à œil avec l’enfant ?


2. Peut-on facilement deviner ce que l’enfant ressent, par
l’expression de son visage ?
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3. L’enfant prend-t-il un objet ou un jouet qu’on lui tend ?
4. Sourit-il à sa mère ou à d’autres personnes ?
5. L’enfant réagit-il quand on lui parle : par exemple, en regardant,
en écoutant, en souriant, ou en babillant ?
6. Au cours de l’examen, la gestualité, les réactions posturales vous
ont-elles paru adaptées ?

- A deux ans, la CHAT, dans la version traduite et augmentée par l’équipe


du Pr Bursztejn du CHU de Strasbourg, est proposée à l’ensemble de la
population, indépendamment des résultats aux signes précoces.

-Entre deux et quatre ans, un Bilan de Sortie de Protocole, comportant


une évaluation clinique du pédiatre, une épreuve de développement
général (Brunet-Lézine R ou WIPPSI) et une épreuve de symptomatologie
autistique (CARS) sera proposé aux enfants ayant présenté un signe positif
à l’une quelconque des épreuves du protocole.
En cas de CHAT positive, et de surcroît si ce Bilan confirme la suspicion
d’un trouble du spectre autistique, le protocole préconise l’adresse de
l’enfant et de sa famille, à une équipe spécialisée au choix des chercheurs
(équipe pédopsychiatrique régionale de référence10, service de
neuropédiatrie, Centre de Ressources Autisme, CAMSP) à des fins de
confirmation diagnostique et de prise en charge.

10
La mise en place de l’étude PREAUT a comporté, dans chaque département partenaire, la
création d’une Equipe Régionale de Référence PREAUT, constituée le plus souvent par des
professionnels des secteurs de pédopsychiatrie ou d’autres structures de santé publiques, qui
acceptent de prendre en charge les bébés et les familles dépistés au cours de l’étude.

34
Analyse des données provisoires
(Chiffres arrêtés à juillet 2009)

Ensemble 4 mois 9 mois 12 mois 24 mois


de l’étude
Bébés 9294 9294 6727 5328 2474
inclus
Bébés 1406 - 475 302 629
perdus de (20%)
vue
93 38 7 18 11
Bébés (+)* (0,4%) (0,1%) (0,33%) (0,44%)

Bébés (+)
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perdus de 19 8 5 4 2
vue
Bébés (+)
(n’ayant 25 15 0 10 0
pas atteint
le 24è
mois)

*positifs aux critères de la recherche

Discussion des premiers résultats

Actuellement11, sur un échantillon de plus de neuf mille enfants, les


premiers résultats de l’étude montrent un nombre important, trente-huit
enfants, positifs à la grille PREAUT du quatrième mois, soit 0, 4% de la
population. Ces enfants donc sont désignés comme a priori à risque
d’autisme.
Parmi eux, treize ont fini le protocole, et seulement quatre évoluent vers
une positivité à l’examen de référence, le CHAT, au 24ème mois.
La spécificité du CHAT étant établie, nous pouvons donc supposer à ce
stade de l’étude que les signes PREAUT repérés à 4 mois sont peu
spécifiques d’un risque d’autisme.
À neuf mois, le nombre de positifs est moindre : sept enfants, soit 0, 1%
de la population.

11
Chiffres de juillet 2009

35
Ces premiers résultats, très insuffisants pour un véritable traitement
statistique, donnent malgré tout des éléments d’orientation :
x La proportion de cas positifs est plus importante à quatre mois
qu’à neuf mois : ce résultat est en faveur d’un manque de
spécificité des signes de la recherche à quatre mois : à cet âge,
même en dehors des biais introduits par la grande prématurité, de
trop nombreux facteurs peuvent freiner l’ouverture aux échanges
interactionnels et provoquer des retards développementaux non
spécifiques. Seule une étude détaillée du cas de l’enfant prenant
en compte l’ensemble des données anamnestiques et cliniques
permet de dire s’il existe des indices d’alerte, et surtout d’en
préciser l’origine éventuelle.
x Dans la population d’enfants positifs, quelques particularités se
dégagent : la fréquence des prématurés, des grossesses
gémellaires et surtout les antécédents de trouble envahissant du
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développement dans la fratrie.
x Le taux très bas à neuf mois peut laisser supposer que les enfants
qui présentent un mode d’entrée dans l’autisme de type régressif
ne sont pas repérés par les examens précoces du protocole.
Compte tenu de la sensibilité très grande des signes à quatre
mois, cela tendrait à confirmer l’émergence relativement tardive,
entre un an et dix-huit mois, des symptômes chez beaucoup
d’enfants.

Ces premiers résultats soulignent également les difficultés inhérentes à une


recherche prospective en population générale avec peu de moyens :
o La réalisation de l’étude est compliquée :
o elle est dispersée sur tout le territoire : 11 départements,
o les promoteurs ne sont pas les investigateurs, médecins
de PMI.
o La taille de l’échantillon nécessaire pour une puissance statistique
valable est importante : 25 000 enfants12.

Nous pouvons déjà percevoir certaines limites de cette étude :


x Sa durée d’inclusion sera probablement plus longue que les trois
ans prévus.
x Plusieurs biais apparaissent ou se confirment : le plus important
étant celui des perdus de vue, qui conditionnent la puissance
statistique de l’étude : au-delà de 20%, les données ne sont plus

12
Un Comité de Pilotage de la recherche a pris la décision en 2010, compte tenu de la durée
de l’étude et de la modification des prévalences du spectre dans ces dernières 10 années, de
ramener l’échantillon de la cohorte principale à 10 000 enfants. (Ndlr).

36
exploitables. Or, on rencontre des difficultés à stabiliser les
consultations sur deux années dans le même centre de PMI.
x Les biais de sélection, l’échantillon est sélectionné par le suivi en
PMI, ce qui caractérise un certain type de population, et non la
population générale.
x Les biais de mesure : la recherche repose sur un très grand
nombre de chercheurs différents qui communiquent peu entre
eux.

De plus, les investigateurs ne sont pas des professionnels des troubles


envahissants du développement, leur formation est courte13.
Cette initiative souffre de n’avoir pas été validée rapidement malgré de
très nombreuses tentatives pour être reconnue comme recherche action, et
de n’avoir rejoint que partiellement un protocole standardisé. Il est à
craindre qu’elle ne puisse échapper à un grand nombre de biais, et la
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validité de signes choisis en termes de dépistage systématique sera, selon
nous, difficile à trancher.
Pourtant, cette démarche présente un intérêt, reconnu par tous les
chercheurs pédiatres, en termes de sensibilisation des professionnels de
terrain au maniement des outils de repérage des troubles précoces de la
relation, à la démarche diagnostique en plusieurs étapes, et à
l’accompagnement des familles vers les bilans et les soins spécialisés.

13
La formation préalable pour intégrer la recherche est de trois journées. Le contenu de cette
formation est consultable sur le site www.preaut.fr
.

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