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Résumé : Eduquer sans punir. Vers une approche sociothérapeutique de l’adolescence et de la délin-
quance. – Le présent travail se veut une suite de « l’exclusion est une maltraitance » paru dernièrement
dans Thérapie familiale (3). Concevoir un travail avec des adolescents perturbés, renoncer au chantage au
renvoi, limiter la punition à l’exceptionnel, établir des liens nourrissants et cohérents, constitue l’aventure
désormais ordinaire des professionnels du Tamaris1. Ces quelques lignes se voudront l’intersection entre
mon propre cheminement théorique et celui de l’équipe ; elles tenteront de cerner les fondements de cette
évolution pédagogique et veilleront à démontrer que l’abolition de l’exclusion et de la punition correspond
bien plus à des impératifs d’efficacité sociothérapeutique2 qu’à des aspirations morales ou idéologiques.
En somme, si le modèle sanctionnel avait une chance de fonctionner, nous l’explorerions plus en avant ; or,
malgré des convictions toujours ancrées dans la pensée actuelle, une telle efficacité n’est pas à l’ordre du
jour. Remettre ce modèle en question nécessitera un court détour historique.
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Partiendo de este fundamento, clave de todo proceso socioterapéutico, el autor demuestra que los concep-
tos severos, las actitutdes normativas constituyen callejones sin salida que impiden las buenas relaciones
en medio de la crisis individual y de la inseguridad social. El autor explica igualmente el cómo y el por-
qué de abandonar esos principios y sus repercusiones positivas en esos campos de acción.
sous l’angle du retour à la norme, c’est-à-dire : sous l’angle d’un dressage pédago-
gique spécial destiné à réapprendre l’obéissance. Face à l’étendue du modèle domi-
nant, l’introduction lente des courants thérapeutiques n’a que très tardivement – et
très partiellement – érodé le socle de l’orthopédagogie normative3. Comme on va le
voir, la psychologie n’a pas toujours joué un rôle libérateur en ces domaines.
3
Par orthopédagogie normative, nous entendons : toute pédagogie du redressement ; tout système péda-
gogique reposant principalement sur le respect de règles de « bon comportement » édictées par un
règlement d’ordre intérieur ; et dont les outils pédagogiques visent préférentiellement la soumission à
ce règlement par la menace, la punition, le chantage au renvoi, la délation à l’autorité.
4
Par modèle sanctionnel, nous entendons : un système général d’intervention normative incluant les
diverses interactions, les divers rapports de pouvoirs existant entre les différents acteurs y participant,
tels par exemple : un service orthopédagogique, un organisme de placement judiciaire, un système de
contrôle administratif, un régime politique qui cautionne l’impulsion répressive.
5
Le mot sanction ayant deux sens contradictoires – approbation et punition – nous nous référerons uni-
quement à ce second sens, tel qu’il est défini dans le petit Robert : amende, condamnation, répression.
6
Voir à ce sujet : L’individu et ses ennemis (5).
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s’y pose sur un mode déclaratif, ex cathedra, qui définit l’humain par le biais exclu-
sif de la maladie et de la pathologie mentale.
Si l’on ne peut douter de la sincérité intellectuelle de l’auteur dans sa volonté de
combattre l’exclusion du malade hors du concept de normalité,7
« je reste attaché à mes hypothèses proposant une conception de la normalité liée au
bon fonctionnement et interne et externe de telle ou telle structure (...) (2 ; p. 35)
on ne peut que noter la cécité qui entoure l’évolution culturelle à laquelle il parti-
cipe : en effet, par la magie du langage médico-psychologique, le normatif change
soudain de visage et vient se lover dans l’étiquetage inévitable que suppose toute
démarche de classification nosologique. Désormais, la norme sera :
1. d’avoir une structure psychologique circonscrite ;
2. d’être classé dans un tiroir « névrotique soft » préservé des connotations morales,
inévitablement liées à la mauvaise réputation de la pathologie. On sera doréna-
vant « normal pathologique » ou « normal non-pathologique » et, dans bien des
cas, il vaudra mieux être névrotique que psychopathe, obsessionnel qu’hysté-
rique, hétérosexuel que pervers, complexé que narcissique, gentil et triste que
caractériel et fabulateur.8
7
Il est à noter que Jean Bergeret dénie tout de même le statut de normalité aux « organisations fragiles
narcissiques intermédiaires » qui cherchent à être admises dans le même cadre des normaux dont elles
se contentent « d’imiter la stabilité au prix de ruses psychopatiques variées, sans cesse renouvelées et
profondément coûteuses et aliénantes » (2 ; 38)
8
La psychopathologie normative est aujourd’hui totalement concrétisée par le DSM IV, et combattue
par de nombreux praticiens qui dénient à cette approche une quelconque vérité utile.
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Mais qui dit conditionnement dit aussi dé-conditionnement et, à ce titre, le film de
Stanley Kubrik « Orange mécanique » est exemplaire pour dénoncer les errances de la
méthode dite aversive, censée provoquer l’aversion conditionnée, le dégoût, la répul-
sion, en réponse à un stimulus conditionnel de plaisir ou de désir (dans le film, le per-
sonnage principal est « conditionné » par la musique de Beethoven, qui génère des pul-
sions violentes). Les béhavioristes9 américains se basèrent sur ces théories pour tenter
des expériences diverses, – tels de navrants essais de sonneries éveillant les enfants
énurétiques au milieu de la nuit –, pour reconditionner un système nerveux supposé
défaillant. Bien qu’elles ne démontrèrent pas de supériorité thérapeutique à elles seules,
ces conceptions confortèrent l’idée dominante qui voyait dans la déviance, la patholo-
gie, une mauvaise habitude à redresser par les techniques de motivation et aversion.
Aujourd’hui encore, des systèmes éducatifs normatifs reproduisent le couple
motivation-aversion au travers d’une pédagogie de « stades de comportements » qui
donne à qui se motive l’accès à un échelon de faveurs, et à qui chute, un niveau où
moins de privilèges sanctionnent un apparent « manque d’effort ». En dépit de
l’échec affirmé des méthodes comportementales aversives pour tout ce qui concerne
l’intégration du sens moral, comme de l’envie de vivre et de progresser, de tels sys-
tèmes se perpétuent en raison de la « solution rigoureuse », « de la nécessité discipli-
naire », que les autorités de placement valorisent pour contrôler la déviance. Or,
comme nous ne tarderons pas à le voir, une approche qui ne prend en compte la
réparation et l’évolution de la personnalité est certainement porteuse d’échec à
moyen ou long terme, – tant au plan individuel que collectif !
Approche judiciaire
Dans Surveiller et punir, naissance de la prison (4), Michel Foucault explique
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9
De l’anglais behaviour: comportement.
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Le préfixe grec « pan » signifie la totalité ; pan-optisme signifie donc « tout voir », la visibilité totale, la
surveillance absolue.
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la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son
action (...), bref que les détenus soient pris dans une situation de pouvoir dont ils sont
eux-mêmes les porteurs.» (4 ; pp. 234-235)
Ces logiques de surveillance et de punition ont engendré des codes qui contrai-
gnent les professionnels belges de l’éducation à transmettre toute information utile
au juge de la jeunesse, y compris celles habituellement protégées par le secret théra-
peutique ou médical. Or, cette conception dominante a pour conséquence première
de placer les mineurs et leurs familles dans un espace de lisibilité particulier,
d’interprétation juridique automatique, qui accentue la possibilité d’une réponse
normative inadaptée.
Un adolescent qui, dans un cadre de confiance, avoue des délits ou des tendances
psychologiques problématiques a-t-il droit au secret professionnel, doit-il être
dénoncé au juge ou traité dans le cadre d’une approche réparatrice de sa personna-
lité et de ses comportements ? Dans un contexte général de crise et d’insécurité, la
réponse ne semble pas simple à donner. Hélas, le manque d’évaluation à long terme,
l’impossibilité de comparer les bénéfices des différentes philosophies pédago-
giques, ont empêché tout véritable débat sur l’efficacité des pratiques en matière de
jeunesse, et ceci explique sans doute pourquoi les approches sanctionnelles et nor-
matives paraissent, aujourd’hui encore, les réponses les mieux adaptées au besoin
d’ordre publique.
Approche administrative
Les idées de surveillance et de contrôle sont à la base de toute démarche éta-
tique, et pour des raisons tant idéologiques qu’historiques, l’administration belge a
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Nous savons que le système limbique est le siège des émotions et qu’il existe
donc une relation étroite entre « l’amour des mammifères », sa qualité relationnelle
et sociale, et le développement de l’intelligence. C’est en effet parce qu’il possède
un cerveau plus développé que l’être humain possède la plus grande capacité de
communiquer l’émotion, l’affection, l’attachement, le sens donné aux choses et les
lois de la vie en commun – soit : les qualités relationnelles élaborées propres à son
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qu’ils avaient dans leur précédent home ; dans le meilleur des cas ils ont une vision
plus détériorée du monde des adultes ; dans le pire, ils apprennent les avantages de
la tricherie et de la supercherie. En dehors de la maltraitance évidente que représen-
tent de telles exclusions, il est utile de réaliser combien la menace, le rejet, la puni-
tion, ont été totalement défaillants : le cannabis est plus ancré encore dans le mur
d’une opposition cimentée entre l’adolescent et l’adulte.
L’histoire de ces jeunes exclus transporte souvent ces vécus orthopédagogiques
avortés par manque de ressources adultes. Luc vient d’une institution où l’amende
d’un euro et demi était exigée pour : « chaque gros mot, chaque insulte, chaque rot
ou chaque pet... » Renvoyé suite à une escalade de provocations et de sanctions, il
est inutile de préciser qu’il n’a guère intégré le code de politesse que cette conduite
exclusivement normative visait.
Quant au petit Charlie, il est, lui, extrêmement angoissé lorsqu’il a un entretien ;
il a en effet du mal à comprendre pourquoi le directeur s’intéresse à lui, du mal à
croire qu’il puisse ressortir de la pièce sans avoir reçu d’engueulade, ni de punition.
Charlie est un bon exemple d’enfant traumatisé par le système normatif : placé
depuis son plus jeune âge, il ne se souvient que des punitions qu’il a subies lors de
son précédent placement, – des heures de corvées, d’isolement en chambre, de bri-
mades, du fait de son caractère impulsif et écorché –. Charlie a du mal à comprendre
qu’une autorité puisse être bienveillante, et encore plus de mal à saisir que si le
directeur le rencontre régulièrement, c’est précisément pour le réconcilier avec une
image adulte qui pose la limite de façon affective plutôt que réglementaire.
Ces constats, associés à un travail familial et individuel qui vise une élaboration
de la transmission, ont suffi à nous persuader de la valeur extrêmement faible de la
punition dans le travail avec les enfants et adolescents placés en institution. C’est,
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bloquera la transmission d’humanité, elle aggravera l’état précaire des sujets dont
elle vise l’épanouissement, et contribuera, de ce fait, à la reproduction génération-
nelle des terrains éducatifs carencés.
Ceci suggère qu’en plus de son faible potentiel de transmission l’approche nor-
mative semble être tout le contraire de ce qu’elle espère être : une technique ortho-
pédagogique fiable.
Steven est un garçon de 16 ans qui vient d’une famille à gros problèmes. Son père est
mort du cancer lorsqu’il avait dix ans et sa mère va d’hospitalisations psychiatriques
en désintoxications alcooliques depuis qu’il est tout petit. Steven a une sœur plus
âgée, Odessa, qui, ayant également fait l’objet d’un suivi par le Tamaris, s’est instal-
lée à sa majorité, récente, avec son petit ami. Odessa a vécu une adolescence globale-
ment dépressive, qui fut caractérisée par l’envie de mort, la phobie et les complexes
importants. Le passage dans l’âge adulte s’est fait difficilement et une médication
antidépressive s’est avérée régulièrement utile pour l’aider à tenir ses projets et lutter
efficacement contre l’envie de mort.
Il semble que l’histoire du couple parental ait été difficile depuis toujours. Issue d’une
famille russo-polonaise, Anna, la mère connut une éducation extrêmement rigide dans
laquelle les comportements de ses propres parents se singularisèrent périodiquement
par des crises ou des excès sortant parfois du commun. Egalement dépressive depuis
l’adolescence, Anna épousa rapidement l’homme qu’elle avait rencontré pour fuir un
contexte familial jugé fortement dépréciateur et étouffant. Après la naissance de ses
deux enfants, elle sombra dans un alcoolisme qui devint rapidement permanent.
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Lorsqu’il arrive au Tamaris, Steven a onze ans, il se présente comme un enfant taci-
turne, rétif à tout entretien psychologique, taiseux12, principalement intéressé par la
musique violente et la télévision. A cette époque, le trouble majeur d’Odessa prend
toute la place, et notre énergie est d’abord happée par l’escalade symétrique morbide
qui existe entre la mère et la fille. Dès qu’Anna se met à boire, la fille s’entaille les
veines ; lorsque la mère réplique par un scénario de pendaison, Odessa répond par des
conduites à risques qui la mènent au viol. Dans ce chantage à la destruction qui mobi-
lise Anna et Odessa, Steven paraît distant, inquiet mais passif.
On peut voir l’escalade terrible qui noue mère et fille comme une tentative
désespérée de gérer la souffrance de la relation. Chaque symptôme ajouté cherche à
faire comprendre à l’autre, par un chantage aussi pathétique qu’inefficace, qu’il doit
cesser son entreprise de culpabilisation et de destruction. Par sa colère irrépressible,
par sa mise en danger, Odessa cherche à dire à sa mère : « Arrête de boire et de te
tuer, tu me maltraites, j’ai besoin que tu soies une mère, que tu me maternes, je
souffre et te punis parce que tu ne changes pas !», par la réplique suicidaire, Anna
répond : « Arrête de me culpabiliser, tes reproches sont insupportables, tu fais la
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Dans le cas d’Anna, une dépression endogène unipolaire, associée à des idées de mort, sera diagnosti-
quée lors des hospitalisations ultérieures et traitée avec un succès relatif.
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Ndlr : silencieux en France.
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bien réelle, non truquée, involontairement agressive, et que tous ses efforts, tous ses
symptômes, n’arriveraient pas à la changer, à la guérir, à lui faire reprendre un rôle
de parent autonome et responsable. Face au naufrage, l’approche non-normative
permit très vite aux intervenants sociaux d’être perçus comme non jugeants et bien-
veillants, et confirma l’indéniable bénéfice d’une construction relationnelle préa-
lable à tout travail réparateur. Dans le cas présent, l’entreprise de dissociation mère-
fille impliquait un soutien indispensable pour Anna, fut-ce pour l’aider à lire les
réactions de sa fille comme une colère « acceptable », nécessaire à son développe-
ment et à sa construction.
Comme il fallait s’y attendre, l’abandon de la colère se mua en une dépression
anxieuse qui fut un préalable à l’évolution en soi et pour soi d’Odessa. L’éloigne-
ment prit du temps, fut difficile, et fit place à une relation de grande distance qui,
aujourd’hui encore, semble protéger efficacement l’une et l’autre, en dépit du deuil
évident que suppose la rupture de la passion destructive qui, malgré ses aspects nui-
sibles, procurait à chacune un sentiment de grande intensité relationnelle.
S’il paraissait par moment inquiet pour Odessa, Steven maintenait toutefois une dis-
tance émotionnelle protectrice qui le tenait de longues heures durant devant la télévi-
sion, à l’exclusion de toute autre forme de socialisation. Des attitudes sans cesse
régressives nous interpellaient cependant, et signalaient un total décalage entre ses
besoins et son âge ; des attitudes corporelles fusionnelles étaient relatées par les
membres du personnel (hommes et femmes) et une immaturité de caractère semblait
s’ancrer pour durer.
Pour une équipe, valoriser la personnalité d’un Steven suppose qu’elle soit for-
mée et préparée aux explosions qui suivront la sortie de « l’anesthésie »; cela sup-
pose l’acceptation d’une turbulence qu’il vaut mieux favoriser et contenir quand il
est encore temps, en lieu et place d’une soumission fragile qui aura le suicide, la
dépression ou la toxicomanie comme seules ressources à l’âge adulte.
13
Les professionnels de la toxicomanie distinguent usage récréatif, ludique, festif et occasionnel d’une
consommation symptomatique, ou le psychotrope est utilisé pour masquer des symptômes, des
carences, des angoisses, des besoins, des fragilités. Une consommation journalière, régulière, est
d’emblée alarmante et indique un usage symptomatique dont les raisons sont à rechercher. L’usage
récréatif du cannabis ne semble guère dangereux pour la santé et l’équilibre mental, tant qu’il reste
sporadique. Il en va de même pour la plupart des drogues, pour l’alcool et la nicotine, surtout.
14
La maniaco-dépression est une forme de dépression endogène, aux origines biologiques, de forme bipo-
laire – soit ayant un pôle haut « maniaque », caractérisé par l’exaltation, l‘hallucination, l’insomnie, et un
pôle bas « mélancolique », caractérisé par l’idéation morbide, le désir de mort, le ralentissement mental
et physique –. Certaines dépressions sont dites unipolaires, c’est-à-dire n’ayant pas l’alternance des deux
pôles. La mélancolie est une des maladie mentales parmi les plus pénibles et les plus graves.
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Médicament prescrit dans les troubles de l’humeur.
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« On a constaté que, chez l’animal, la “voix” de la mère déclenche l’horripilation (ou chair de poule)
et élève la température du corps. Chez l’homme, le réflexe d’horripilation se manifeste (notamment)
quand on écoute une musique particulièrement émouvante.» (1 ; 70.)
17
Cette idée est proche du concept intuitif de Ivan Boszormenyi-Nagy qui définit le « contexte de
loyauté comme issu soit d’un rapport biologique soit d’attentes de réciprocités résultant d’un engage-
ment relationnel. Dans les deux cas le concept de loyauté est de nature triadique. Il implique que
l’individu choisisse de privilégier une relation au détriment d’une autre.» (9 ; 115)
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Transmission d’outils
Relation affective contenante
Recadrages positifs
Jeune
des comportements
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Peur irrationnelle de la nouveauté.
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De quatorze a seize ans, Gilles connut une période perturbée tant par le dysfonc-
tionnement grave de sa famille et par une réalité pulsionnelle qui le menait au pas-
sage à l’acte constant. Nous ne connaissons pas le nombre exact de vols dont Gilles
s’est rendu coupable dans cet espace de temps, mais il est probable que CD, livres,
radios, portefeuilles volés, se comptent en de multiples dizaines agrémentées d’une
quinzaine de vélos, d’une autre bonne dizaine de motos ou de mobylettes, et d’un
appartement fracturé.
Diverses sanctions, dont un enfermement en centre pour délinquants, n’ont stricte-
ment rien changé à ce comportement plus psychologique qu’anti-social. Aujourd’hui
pourtant, allant vers ses dix-sept ans, Gilles passe – tout comme Steven – de très
longues périodes sans voler. Pourquoi? La réponse est simple: parce que depuis
quelques temps, ils travaillent au noir et gagnent de l’argent !
Conclusion
Des observations rapportent que certains lions tuent tous les petits de leur clan
dès qu’ils héritent de la place de mâle dominant. Face à cette attitude qui contredit la
nécessité d’assurer la descendance et de combattre la sélection naturelle, plusieurs
explications ont été avancées ; la plus communément retenue fait hypothèse d’un
massacre perpétré dans le dessein de libérer les femelles de l’allaitement et des soins
maternels qui les rendent sexuellement indisponibles au mâle dominant. Des com-
portements semblables ont été notés chez d’autres mammifères, tels certains dau-
phins et ours, notamment. Si ces observations sont fondées, la seule explication
rationnelle d’un tel acte apparemment contraire à la logique de survie, est celle qui
voit dans la structure du groupe, dans le maintien de sa hiérarchie, dans la néces-
saire domination du chef, un impératif de survie supérieur au développement de
quelques portées de lionceaux. Par sa vive cruauté, le massacre de petits rappelle
que la stabilité du clan, son ordre et sa loi, sont les premières conditions de son exis-
tence ; et qu’il n’est qu’une fois ces gages acquis que la reproduction – l’avenir, en
quelque sorte ! – pourra s’envisager. Ce pragmatisme naturel, qui n’a rien à envier
aux meilleures pages de Machiavel, introduit une forme de « raison d’état à la lion »,
qui rappelle, de façon métaphorique, qu’en temps de crise un ordre archaïque se fait
jour au sein des sociétés, et que son expression parfois brutale et cruelle a pour prio-
rité de sauver les structures – énoncées comme vitales pour le clan – aux dépens des
individus les moins protégés.
En conclusion de cet article, il nous paraît clair que le modèle sanctionnel parti-
cipe à ces tentations de nettoyage dont notre société en mutation ne peut complète-
ment faire l’économie. En effet, les impératifs d’ordre et de sécurité valorisent les
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Dans son livre idéaliste et visionnaire, A.S. Neill affirmait que le rôle de l’école
n’était pas d’instruire mais d’éduquer. Paraphrasant Libres enfants de Summerhill,
nous attesterons, avec force, que le rôle de l’éducation contemporaine n’est plus de
normaliser, mais de construire les personnalités fortes et autonomes qui relèveront
efficacement les défis de demain.
Roland Coenen
249, av des sept Bonniers
B-1190 Bruxelles
E-mail : roland.coenen@chello.be
BIBLIOGRAPHIE
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