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Introduction
L’usage du concept de parentalité s’est accru considérablement au cours
des dix dernières années. Pour de nombreux auteurs la parentalité repré-
sente une question majeure de santé publique. Pour certains, ce serait une
des principales problématiques auxquelles sont confrontées les sociétés
actuelles, le rôle le plus important auquel doivent faire face de nom-
breuses personnes sans le moindre soutien ni la moindre préparation
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une place primordiale à la parentalité, il n’est pas certain que tous s’en-
tendent sur les réalités qu’ils rattachent à cette notion ni sur les moda-
lités d’action qu’ils préconisent. Cet article propose de faire un état des
lieux des principales approches de la parentalité, en faisant émerger les
paradigmes qui lui sont associés et en mettant en évidence la diversité des
interventions qui se regroupent sous les termes de « soutien à la parenta
lité ». Après un bref historique de l’usage du terme, une première défi-
nition du concept selon différentes disciplines (psychanalyse, sociologie,
justice, action politique et sociale, éducation), nous présenterons quatre
grandes formes de soutien à la parentalité.
Définition de la parentalité
Le terme de « parentalité » est un néologisme officialisé dans les années
1980 et présenté dans la langue courante comme « nom féminin (1985)
(renvoyant à) la qualité de parent, de père, de mère » (Le Petit Robert,
2001) ou « fonction de parent, notamment sur les plans juridique, moral
et socioculturel » (Larousse, 2000). Il apparaît dans la langue française
au début des années 1960 au sein du champ psychiatrique et psychana-
lytique. Introduit à l’époque par le psychiatre Racamier (1961), il s’agit
de la traduction du terme de « parenthood » développé par la psychana-
lyste américano-hongroise Benedek (Benedeck, 1959). Dans ce cadre,
il fait spécifiquement référence au processus intrapsychique associé au
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Soutenir la parentalité
que » (Lamour et Barraco, 1998). Il s’agit d’un « processus qui se pré-
pare inconsciemment depuis l’enfance, (qui est) activé à l’adolescence
sous l’influence de facteurs physiologiques, et (qui est) actualisé lors de
la naissance des enfants » (Sellenet, 2007). Cette approche du concept
est encore d’actualité chez les psychologues et psychanalystes contempo
rains (Bouregba, 2004 ; Poussin, 1993). Dans ce domaine, ce sont princi-
palement les échecs et les problèmes associés à la parentalité qui sont
étudiés (accouchement sous X, dysfonctionnement de la parentalité, refus
d’avoir des enfants…) et analysés en termes psychopathologiques (Bou-
regba, 2004). Le non-accès à la parentalité est ainsi interprété comme
une « incapacité psychique à procréer » (Poussin, 1993), comme un échec
dans le développement psycho-affectif ; la parentalité étant présentée
comme « un besoin quasi inscrit dans le développement du sujet (un désir
d’enfant), une ligne de démarcation manifestant le passage de l’enfance
à l’âge adulte » (Sellenet, 2007). C’est dans ce cadre que s’est dévelop-
pée une clinique de la parentalité.
Le concept de parentalité est aussi largement présent dans le champ
sociologique. Même si dans ce domaine, ce terme semble aussi une traduc-
tion du terme anglais « parenthood » (« condition de parent/s », Robert et
Collins, 2003), il fait davantage référence à un ensemble de fonctions
sociales. Il est apparu dans les années 1970 sans lien avec le concept de
parentalité utilisé par les psychanalystes, mais plutôt comme un dérivé
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Soutenir la parentalité
représentations de la parentalité, des problèmes et des solutions qui lui
sont associés. Ainsi, à partir de la littérature scientifique, des rapports
officiels et de la littérature grise, nous avons pu dégager quatre gran-
des approches du « soutien à la parentalité » qui se distinguent chacune
par leur façon de problématiser la question et d’apporter des solutions.
Ainsi pour chaque approche, nous dégagerons deux aspects :
Soutenir la parentalité
b) Comment soutenir la parentalité
Les interventions entreprises dans ce cadre s’appuient sur l’idée d’une
carence de l’autorité parentale. Mais c’est essentiellement par un rap-
pel à l’autorité, en général, qu’elles prennent forme. Le rappel de l’auto-
rité parentale passe par un rappel de l’autorité de l’Etat. Les mesures
sont donc essentiellement répressives et visent à sanctionner les parents
considérés comme responsables et défaillants.
En France, les sanctions peuvent tout d’abord porter sur la suspen-
sion, la suppression ou la mise sous tutelle des prestations familiales.
Cette mesure n’est pas récente puisqu’elle apparaît dès les années 1960
(Ordonnance du 6 janvier 1959 et décret d’application du 18 février 1966)
à l’encontre de parents d’enfants manifestant un absentéisme scolaire
prolongé. Jugée peu efficace et excessive, cette disposition a été abrogée
par la loi Jacob du 2 janvier 2004. Elle a été remplacée par une amende
de 750 euros pour les parents qui ne prennent pas les mesures nécessaires
pour lutter contre l’absentéisme de leur enfant. Parallèlement, la loi du
18 octobre 1966, en vigueur, permet au juge pour enfants d’ordonner
une mise sous tutelle des prestations familiales lorsque l’enfant est élevé
dans de piètres conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène ou
lorsque les allocations ne sont pas dépensées dans son intérêt. La sus-
pension des prestations familiales pour absentéisme scolaire est réap-
parue en 2006 à travers la mise en œuvre du « contrat de responsabi-
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Soutenir la parentalité
2002 ; Panafieu, 2002 ; Roussille, 2004). Pour faire face à cette « crise »,
« il convient donc d’aider les parents, et plus particulièrement les pères,
à assurer leur rôle parental et notamment la fonction d’autorité qui lui
est attachée » (Conférence de la famille, 1998). C’est dans cette perspec-
tive et lors de la Conférence de la famille en 1998 qu’apparaît le projet
politique de soutenir la parentalité de façon généraliste. « Il faudrait être
attentif à soutenir la parentalité et les liens familiaux lorsqu’ils sont fra-
gilisés par des situations aussi diverses que le chômage, l’hospitalisation,
l’incarcération de l’un des parents ou par les comportements à risque de
l’un des enfants (fugue, ruptures scolaires, tentatives de suicide, toxico
manie, etc). » « Il faudrait aussi développer des lieux favorisant l’appren
tissage de la parentalité : lieux d’accueil parents-enfants, groupes d’ex-
pression, établissements d’information, de consultation et de conseil
conjugal, etc.) (Conférence de la famille, 1998). Si cette représentation
de la parentalité « en crise » est bien partagée avec l’approche répres-
sive et si des liens sont aussi établis entre les problèmes de parentalité
et différents problèmes sociétaux (Roussille, 2004), l’approche sociale
se distingue de l’approche répressive dans ses modalités d’intervention.
A ces parents qui sont considérés en difficulté plus que « coupables », il
est proposé de l’aide et du soutien plus que des sanctions et un rappel à
l’autorité.
Mais l’approche généraliste de la parentalité est aussi portée par une
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à tous les stades de son évolution. Cette tâche éducative apparaît alors
aussi déterminante que complexe. « Les fonctions parentales sont de
moins en moins considérées comme un “ don ” ; elles sont, au contraire,
inscrites dans une perspective dynamique d’acquisition de compétences
et d’une capacité à “ être parent ” (…) », ainsi « l’idée que, normalement,
la prise en charge de l’enfant n’est pas évidente pour le parent, participe
de plus en plus du sens commun » (Boisson et Verjus, 2004). Cette appro-
che correspond à une véritable rupture ; la parentalité apparaît comme
un processus qui se développe et implique des compétences à acquérir.
Aujourd’hui, il n’est plus question d’élever un enfant, en mettant en
œuvre des « savoir-faire naturels » mais de l’éduquer en mobilisant et
développant des compétences multiples. Conscient de l’importance et
de la difficulté de cette tâche, les parents deviennent demandeurs d’aide
et de conseils. C’est dans cette perspective que le concept de « soutien à
la parentalité » trouve toute sa légitimité.
Cette évolution des représentations de l’enfant et du parent se retrouve
aussi parmi les professionnels en charge de publics à risque. Ainsi, la valo
risation de la parentalité apparaît comme le reflet d’importantes trans-
formations dans les modalités d’interventions sociales. La compréhen-
sion des phénomènes de maltraitance et de délinquance a profondément
évolué ces 50 dernières années. Une première rupture apparait dans les
années 1950-1960, lorsque l’enfant délinquant ou maltraité cesse d’être
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Soutenir la parentalité
en prise avec de nombreux problèmes socio-économiques, familiaux et
psychologiques. « La figure du parent “ souffrant ” vient contrebalancer
la figure d’un parent “ coupable ” portant avec elle une politique d’action
fondée sur la prévention et la réhabilitation de l’enfant et du parent. Un
nouveau regard est donc porté sur les parents, donnant lieu à de nouvel-
les modalités d’intervention. L’idée de “ familles compétentes ” qui est
mise en avant vient pondérer l’idée de “ familles dysfonctionnelles ” »
(Ausloos, 1995). « C’est aux besoins et aux difficultés des parents que
désormais, et sans exclure ceux des enfants, l’on s’intéresse aussi en ce
début du XXIe siècle. Cette considération nouvelle pour la condition
parentale participe sans doute d’une démarche intellectuelle et éthique
novatrice ; elle repose aussi sur des motifs stratégiques, c’est-à-dire la
recherche d’une protection de l’enfance et d’une action sociale à voca-
tion familiale plus efficace » (Boisson et Verjus, 2004).
Que ce soit dans le cadre d’une approche généraliste qui fait face à
une parentalité « en crise » ou en questionnement, ou bien dans le cadre
de nouvelles formes d’actions sociales, les politiques, les travailleurs
sociaux et les parents mettent en avant l’importance de la parentalité et
cherchent à développer des dispositifs pouvant la soutenir.
Soutenir la parentalité
• De nombreuses actions sont menées en direction des familles : réseaux
d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, accompagne-
ment à la scolarité, médiation familiale, aide aux familles à domi-
cile, parrainage, lieux d’accueil pour l’exercice du droit de visite,
lieux d’accueil enfants-parents, conférences, groupes de parole, mai-
sons des parents, services téléphoniques, consultations… De plus,
ces actions sont menées dans des cadres d’intervention différents
(volontariat, injonction du juge…).
• Les acteurs intervenant auprès des familles n’ont pas tous la même
vocation (professionnels, bénévoles, parents…) » (De Panafieu, 2002).
Soutenir la parentalité
ne seraient plus de la responsabilité de l’Etat. « Il y a une forte tendance
opportuniste derrière la politisation du rôle des parents. Face à de nom-
breux problèmes sociaux, il est bien plus onéreux d’améliorer la qualité
de l’éducation, du système de santé et des services sociaux que d’exhor-
ter les parents à passer plus de temps à faire la lecture à leurs enfants,
à les câliner ou à les nourrir au sein (…). Le parent comme outil de la
politique sociale risque d’être très inefficace, mais il a le mérite d’être
très bon marché. » (Furedi, in Kertudo, 2005). Pour d’autre, la diffusion
et l’assimilation des savoirs psychologiques est interprétée comme « une
psychologisation de la société » et une propagation d’une « vulgate psy »
(Castel, 1981, in Martin, 2004). Ce phénomène serait à l’origine d’une
modification des normes éducatives et une inflation des exigences vis-
à-vis des parents. Pour Falconnet et Vergnory (2001), « la vulgarisation
médiatique d’une psychologie péremptoire a accentué les sentiments de
culpabilité et d’incompétence éprouvés par les parents ». Les apports de
la psychologie seraient perçus comme des contraintes mettant en défaut
les parents. Ces derniers, se sentant disqualifiés et incapables d’atteindre
les idéaux qui leur seraient imposés, auraient tendance à se replier sur
eux-mêmes et à ne plus pouvoir agir (Kertudo, 2005). Ainsi pour Martin
(2004), « une réflexion sur la parentalité ne peut se limiter à évoquer
des principes et des normes ». « Le problème est plus complexe. Il s’agit
d’abord d’un problème de diagnostic : celui consistant à mieux com-
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Soutenir la parentalité
logie, l’épidémiologie et la recherche évaluative. L’influence de la qua-
lité des interactions parent-enfant sur le développement social, cogni-
tif et émotionnel de l’enfant a été démontrée par de nombreux travaux
(Bornstein et Tamis-LeMonda, 1989 ; Brooks 2005 ; Coie et Dodge, 1998 ;
Landry, Smith, Swank, 2003 ; Maccoby et Martin, 1983 ; Grusec et Good-
now, 1994). Les premières années de vie et les expériences relationnelles
précoces déterminent particulièrement le fonctionnement ultérieur de
l’enfant. « Plusieurs recherches récentes en neurophysiologie soulignent
l’importance des soins parentaux sur le développement du cerveau de
l’enfant au cours des premières années de vie » (Desjardins, et al., 2005).
Ainsi, les mécanismes physiologiques, comportementaux et psycho-
logiques qui se construisent durant les premières années et orientent
l’enfant toute sa vie sont largement dépendants de la qualité des soins
parentaux et des interactions parent-enfant (Landry, Smith, Swank, 2003 ;
Steinhauer, 1997).
De nombreuses études mettent en évidence l’impact des pratiques
parentales (parenting) sur le développement de l’enfant et plusieurs auteurs
considèrent la parentalité comme un des principaux déterminants de la
santé physique et mentale (Hoghughui, 1998, 2004 ; Poole, 2003 ; Stewart-
Brown, 2008). Les pratiques parentales sont ainsi associées à un nom-
bre important de troubles psychiques (trouble oppositionnel, trouble
des conduites, addictions, problèmes de comportements alimentaires),
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al., 2002 ; Barlow, Coren, 2003 ; Sanders, Wooley, 2005), de limiter les prati-
ques parentales problématiques (discipline coercitive, relations conflic-
tuelles…) (Kaminski, et al., 2008 ; Sanders, Wooley, 2005) et d’accroître
le sentiment d’efficacité parentale (parenting self-efficacy, maternal
confidence) (Sanders, Wooley, 2005 ; Sanders, 1999 ; Rutledge et Pridham,
1987 ; Tucker, et al., 1998). Une meta-analyse portant sur les composan-
tes des programmes a permis d’isoler les modalités d’intervention favo-
risant l’efficacité (Kaminski, et al., 2008). Deux des stratégies les plus
efficaces visent à améliorer les interactions parent-enfant. La première
concerne l’apprentissage d’habiletés de communication affective (parents
emotional commmunication) en formant les parents à l’écoute empathi-
que ou écoute active, à la régulation des émotions de leurs enfants et à la
communication positive excluant les critiques et le sarcasme. La seconde
stratégie porte sur la mise en place d’interactions positives entre parent
et enfant en dehors des situations de conflit en démontrant de l’enthou-
siasme et de l’attention positive pour renforcer les comportements appro-
priés de l’enfant, en s’adaptant à l’enfant et le laissant mener l’interac-
tion pendant les périodes de jeux, en proposant des activités récréatives
appropriées. Une des stratégies efficaces concerne la discipline. Il s’agit
d’apprendre aux parents à avoir recours aux pratiques de temps mort
(time-out) et à mettre en œuvre une discipline cohérente qui mobilise
les mêmes attitudes parentales face aux mêmes comportements problé-
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Soutenir la parentalité
années, faisant appel à des infirmières et commençant très tôt au cours
du développement de l’enfant seraient les plus efficaces (Department of
Health and Human Services – US, 2001).
Le programme de visites à domicile validé le plus célèbre est l’Elmira
Home Visitation Study (Olds, et al., 1997 ; Olds, et al., 1998). Au cours des
visites réalisées par des infirmières, trois thématiques principales sont
abordées avec la mère : les comportements sanitaires positifs durant la
grossesse et pendant les premières années de l’enfant, les soins adap-
tés à l’enfant, le développement personnel de la mère (planning familial,
retour aux études, participation à des groupes de travail). Les infirmières
facilitent aussi le lien avec les services de santé et les organismes sociaux
et tentent d’impliquer des membres de la famille ou des amis autour de
la grossesse et de la venue de l’enfant. Dans l’Elmira programme, 9 visi-
tes en moyenne étaient réalisées pendant la grossesse, et 23 de la nais-
sance aux deux ans de l’enfant. Ce programme a été mis en place dans
l’état de New York et proposé à 116 femmes âgées de moins 19 ans, non
mariées et d’un niveau socio-culturel faible. Une évaluation sur 15 ans
après l’intervention a permis de mettre en évidence des résultats inté-
ressants aussi bien au niveau de la mère que du jeune. Comparativement
aux mères ayant eu un suivi classique, on observe moins de maltraitance
et de négligence, moins de consommation d’alcool et de drogues, moins
de nouvelles grossesses et moins de grossesses prématurées, moins d’aides
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Soutenir la parentalité
est aussi plus faible, de l’ordre de 26% (Conduct Problem Prevention
Group, 2000, 2002, 2007).
Le troisième type de programme est centré exclusivement sur le sou-
tien à la parentalité. Ces programmes multidimensionnels ont recours
à différentes stratégies d’intervention : groupes de parents, rencontres
individuelles, soutien téléphonique, campagne d’information… Ils peu-
vent concerner tout type de population (prévention universelle, sélective
ou indiquée) et cibler différentes tranches d’âges (enfants en bas âge,
enfants, adolescents). Un des programmes validés les plus connus est un
programme développé en Australie : Triple P-Positive Parenting Pro-
gram (Sanders, et al., 2002). Ce programme multiniveaux vise à soutenir
les parents dans l’éducation de leur enfant et à prévenir les problèmes
développementaux, comportementaux et émotionnels des enfants en
augmentant les connaissances, les compétences et la confiance en soi
des parents. Ce programme, qui s’adresse à des parents d’enfants de la
naissance à l’adolescence, comprend cinq niveaux d’intervention qui
augmentent en intensité en fonction des problématiques des parents et
des enfants. Le niveau 1 du programme prend la forme d’une campa-
gne de communication réalisée en population générale. Celle-ci vise à
diffuser des informations sur la parentalité, le développement de l’en-
fant, les pratiques parentales et les ressources disponibles via différents
supports : TV, journaux, brochures, site Internet, vidéo. Le niveau 2 cible
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Conclusion
La Haute Autorité de Santé rappelle que la « littérature insiste sur
Résumé
l’opportunité de soutenir la fonction parentale par des dispositifs de
La parentalité est un néolo-
gisme qui renvoie de façon
santé, d’action publique » (HAS, 2005). Mais les modalités d’interven-
générale à la fonction d’être tion mises en œuvre dans le domaine de la parentalité peuvent varier
parent et plus spécifiquement considérablement selon les perspectives adoptées. Les représentations
à la condition d’être parent véhiculées par cette thématique sont en effet multiples. Les réflexions
quand il s’agit de la traduc-
menées autour de la parentalité ne se fondent pas sur les mêmes élé-
tion du terme « parenthood »
ments, la parentalité n’est pas problématisée de la même façon, les solu-
ou bien aux pratiques édu-
catives (parentales) lorsque tions proposées sont de nature différente.
c’est une traduction du Dans le champ psychanalytique, la notion de parentalité est appré-
hendée à partir de la théorie du développement psychosexuel. Les diffi-
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Soutenir la parentalité
l’autorité de l’Etat via des actions répressives à visée éducative. L’appro-
che sociale peut partager cette analyse de la parentalité en crise et cette
mise en perspective avec différents problèmes sociaux. Mais contraire-
ment à l’approche répressive, cette crise de la parentalité est expliquée
par différents facteurs sociaux et économiques ; et les parents ne sont
pas considérés comme responsables de cette situation. La parentalité est
en crise ; et les parents en souffrance ou en questionnement ont besoin
d’être soutenus dans leur fonction. Dans cette perspective, depuis une
dizaine d’années, l’Etat dégage annuellement un budget considérable
pour favoriser la mise en œuvre d’actions de soutien à la parentalité (via
la mise en œuvre des REAAP) et de nombreux intervenants du social,
de la santé et du monde associatif se mobilisent sur cette question. Ces
projets sont portés par l’idée qu’il est important que les parents puissent
être accompagnés dans leur rôle et que leurs questionnements puissent
être entendus. L’approche sociologique porte un regard critique sur
les discours véhiculés autour de la parentalité et sur les interventions en jeu différents univers :
politique, médias, sociologie,
proposées. L’observation et l’analyse sociologique des phénomènes
psychologie, psychanalyse,
en question conduit à proposer une autre lecture de la problématique
éducation, action sociale,
entourant la parentalité. Cette dernière n’est plus perçue comme en justice… Mais si tous recon-
crise mais comme en mutation et cette évolution peut s’expliquer par naissent une place primor-
un certain nombre de facteurs socio-économiques tout comme peuvent diale à la parentalité et met-
l’être un certain nombre de problèmes sociaux (délinquance, violence, tent en avant l’importance
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est fondée sur la littérature scientifique et sur les résultats de recherche ches de la parentalité ont pu
être identifiées en fonction
accumulés ces dernières années en psychologie du développement et en
des représentations asso-
épidémiologie. Elle met en avant le lien entre les pratiques parentales
ciées à ce phénomène et des
et un nombre considérable de problèmes de santé (mentale et sociale) différents modes de soutien
tels que les troubles de comportement (trouble des conduites, compor- à la parentalité préconisés :
tements violents, comportements anti-sociaux, addictions, problèmes l’approche psychanalytique,
alimentaires), l’obésité, les accidents de la vie courante, les problèmes l’approche répressive, l’ap-
proche sociale, l’approche
cardio-vasculaires, les troubles musculo-squelettiques… L’observation
sociologique, l’approche
standardisée de ces phénomènes et la compréhension qui en découle
psycho-éducative.
ont permis d’élaborer des programmes d’intervention visant à améliorer
les pratiques parentales et à prévenir l’apparition de ces problèmes de Mots-clés
santé. Parentalité et éducation
parentale.
Prévention.
Promotion de la santé.
56
Devenir, volume 21, numéro 1, 2009, pp. 31-60
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