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© Association de Recherche en Soins Infirmiers | Téléchargé le 07/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 160.179.227.143)
Ariane BALLARD*
Infirmière Ph.Dc, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Centre de recherche du CHU Ste-Justine
Christelle KHADRA*
Infirmière Ph.Dc, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Centre de recherche du CHU Ste-Justine, Centre
Universitaire de Santé McGill
Sylvie LE MAY
Infirmière Ph.D, Professeure titulaire, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Directrice adjointe associée,
Centre de recherche du CHU Ste-Justine
Sylvie GENDRON
Infirmière Ph.D, Professeure agrégée, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal
* Les deux premières auteures (Ballard et Khadra) ont une contribution à parts égales.
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Remerciements
Nous tenons à remercier nos collègues au doctorat qui ont contribué à l’approfondissement de la réflexion critique grâce à de
nombreux échanges enrichissants.
RÉSUMÉ
Introduction : entreprendre des études doctorales en sciences infirmières engage une réflexion critique sur les
traditions philosophiques inhérentes au processus de développement des connaissances.
Contexte : le réalisme critique, l’herméneutique, le postmodernisme et le poststructuralisme sont des traditions
philosophiques peu explorées en sciences infirmières, mais qui suscitent un intérêt grandissant.
Objectif : présenter différentes traditions philosophiques et amorcer une réflexion sur leur apport au
développement des connaissances de la discipline infirmière.
Méthode : pour chacune des traditions, les fondements ontologiques et épistémologiques sont introduits afin
de donner un aperçu de leurs principales caractéristiques. Leur apport au développement des connaissances
en sciences infirmières est ensuite discuté.
Résultats : l’ontologie renvoie à la réalité pouvant être conçue stratifiée, fixe et changeante, ou multiple, selon
la tradition philosophique. De même, l’épistémologie met l’accent sur le pouvoir explicatif des connaissances
modélisées, l’intersubjectivité, ou les rapports de pouvoir.
Discussion : la diversité des traditions philosophiques constitue une richesse qui peut considérablement
contribuer à l’avancement de la discipline infirmière.
Conclusion : la clarification des repères philosophiques qui sous-tendent le développement des connaissances
est essentielle pour les étudiants au doctorat en sciences infirmières qui entreprennent leurs projets de
recherche et la construction de leur programmation de recherche future.
Adresse de correspondance :
Ariane BALLARD : ariane.ballard@umontreal.ca
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des sciences n’est pas une science, ni une connaissance, statut des connaissances et les dimensions ontologiques et
mais plutôt un espace de réflexion sur les savoirs et le statut épistémologiques des modes de développement des savoirs.
des connaissances produites (1). Besnier (2) a également Très rapidement, nous sommes invités à effectuer une
souligné que les connaissances sont « le privilège des première incursion dans l’étude de traditions philosophiques
hommes qui se savent mortels ». qui pourraient servir d’ancrage à notre démarche doctorale,
puisque celles-ci orientent la réflexion sur les savoirs. Le
La réflexion sur les connaissances en sciences infirmières positivisme et le réalisme scientifique ont dominé pendant
prend une signification importante puisque celle-ci a une de nombreuses décennies la recherche scientifique (3),
proximité particulière avec la vie humaine. S’interroger sur cependant les sciences infirmières gagneraient à explorer
les connaissances en sciences infirmières exige alors de d’autres traditions. Bien que l’ensemble des traditions
s’interroger sur le sens de l’existence humaine, la vérité et philosophiques existantes puisse potentiellement contribuer
la nature de la réalité qui permettent de rendre la science au développement des connaissances en sciences
infirmière possible. Dans les années 1980, la récurrence infirmières, nous avons choisi de tourner notre attention sur
des concepts « personne », « environnement », « santé » le réalisme critique, l’herméneutique, le postmodernisme et le
et « soin » a été observée dans les écrits en sciences poststructuralisme, qui, nous croyons, mériterait davantage
infirmières (3). Ceux-ci ont été définis comme étant les de considération dans le domaine de la recherche en sciences
quatre concepts centraux formant le métaparadigme de la infirmières. Ainsi, cet article présente l’occasion de mettre
discipline infirmière (3, 4). Dans cette perspective, Pepin, en lumière leurs potentielles contributions au développement
Kerouac et Ducharme (5) soutiennent que la discipline des connaissances et invite les étudiants et chercheurs à
infirmière s’intéresse au soin, dans ses diverses expressions, considérer leurs lentilles philosophiques, voire en explorer une
aux personnes, familles, communautés et populations qui nouvelle. Les orientations ontologiques et épistémologiques
sont en interaction avec leur environnement et qui vivent de ces différentes traditions sont présentées dans l’optique
des expériences de santé. Quels sont alors les modes de de soutenir les doctorants dans leurs démarches. Il s’agit
savoirs privilégiés pour développer les connaissances en également de l’amorce d’une réflexion critique sur leurs
sciences infirmières ? À cet effet, Carper (6) a identifié apports au développement des connaissances en sciences
quatre modes de développement des savoirs infirmiers, infirmières en lien avec les modes de savoirs privilégiés dans
soit le mode empirique, personnel, esthétique et éthique. la discipline (6, 7). Nous estimons que de concevoir les savoirs
Désormais, Chinn et Kramer (7) situent également le mode de cette manière en sciences infirmières est une richesse et
émancipatoire au cœur de la discipline infirmière. Ces cinq qu’il est important de faire une démonstration de leur utilité.
Le terme « réalisme » réfère à l’idée de l’existence d’une Le troisième niveau renvoie au domaine empirique qui réfère
réalité qui est indépendante des conceptions, représentations aux modèles, théories ou représentations (socialement)
et connaissances que l’humain en a. Selon une perspective produites par le chercheur (13). On y fait donc référence
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réaliste, le scientifique cherche l’existence de lois de aux représentations de ce qui est observé ou conçu à partir
phénomènes naturels et base sa recherche sur ce qui pourrait des événements (21). De manière plus précise, le domaine
être observé directement, tels que la taille et le poids d’un empirique réfère à la signification, par l’intermédiaire de
nouveau-né, ou indirectement via des instruments de mesure, ses dispositifs théoriques, que le sujet donne aux différents
tels que les instruments de mesure de l’anxiété (15, 16). Le événements du domaine actuel et aux mécanismes du
terme « critique » fait référence à l’axiologie émancipatoire domaine du réel, et ce, à travers l’expérience qu’il en a (20).
de cette tradition qui renvoie à la spécificité du monde social
qui reconnaît que l’action humaine (l’agent) et les structures De cette ontologie découlent des notions importantes à
sociales ont une autonomie relative l’une envers l’autre, et clarifier dans le réalisme critique. Bhaskar reconnaît que les
ce, tout en étant en constante interaction (16, 17). Ainsi, le mécanismes générateurs sont réels même s’ils ne sont pas
réalisme critique vise le développement des savoirs pour agir observables et c’est pour cette raison qu’il a introduit une
sur et transformer le monde, et ce, vers un monde meilleur. stratification du monde qui distingue les domaines du réel, de
l’actuel et de l’empirique (18). Les mécanismes générateurs
peuvent donc être réels sans être actuels, ou encore, ils
z Ontologie peuvent être actuels sans être empiriques s’il n’y a personne
pour les observer ou s’il n’y a pas de dispositif théorique pour
Bhaskar (18) pose clairement les termes de cette tradition les concevoir (22). La notion de transfactualité (transfactuality)
philosophique des connaissances en posant la question désigne l’idée que les mécanismes générateurs existent sans
ontologique suivante : que doit être le monde pour rendre la toutefois être manifestés dans le domaine actuel et empirique
science possible ? Le réalisme critique considère la question (15). Une seconde notion d’importance est celle d’émergence.
ontologique comme étant centrale et déterminante (19). En particulier, les représentations empiriques qu’ont les
On y soutient l’existence d’une réalité indépendante des chercheurs de l’actuel peuvent, récursivement, transformer
connaissances que nous en avons et on postule le caractère les événements, lesquels peuvent activer des mécanismes
stratifié du monde naturel et social (15, 19). Il est question générateurs différents dans le réel profond, et ainsi produire
d’une ontologie stratifiée selon trois strates : le réel, l’actuel de nouveaux événements qui sont à la fois déterminés par et
et l’empirique. irréductibles à leurs composantes sous-jacentes (13, 15). Dans
la mesure où la réalité humaine et sociale est conçue comme
Le premier niveau ontologique réfère au domaine du réel un système ouvert, cela permet de comprendre comment
qui stipule que la réalité est composée d’objets complexes nos connaissances et conceptions changent à travers nos
actions transformatrices dans le monde. Dans cette ontologie, le fonctionnement et la structure : on veut comprendre le
bien que le réel profond soit intransitif, l’actuel et l’empirique « pourquoi » des phénomènes (21, 23). Il s’agit donc d’une
gardent donc un caractère transitif, notamment en raison du pensée abductive qui cherche la meilleure explication,
contexte historico-temporel changeant et de l’agencéité des selon son pouvoir explicatif. Ainsi, bien que la présence de
acteurs qui comportent des processus interagissant avec tendances empiriques faisant en sorte qu’un événement A est
les structures complexes du réel profond. Vues autrement, suivi d’un événement B soit reconnue, le réalisme critique ne
les structures du réel profond imposent certaines limites qui postule pas l’existence de lois universelles qui garantissent
déterminent les événements et la connaissance empirique cet effet (16). Il souligne plutôt la présence d’une multiplicité
produite, selon l’état actuel de la société ; mais l’agent peut de mécanismes causaux générateurs qui interagissent
aussi transcender ces limites en interagissant avec elles (19). et qui font en sorte qu’on ne peut jamais conclure à une
causalité non équivoque entre A et B (16, 20). Ainsi, la
régularité d’association entre A et B n’est pas suffisante pour
z Épistémologie en déduire une causalité (20, 21). Les causes de survenue
d’un événement n’ont rien à voir avec le nombre de fois que
Le réalisme critique présuppose un lien entre les différents l’événement est survenu (13). La recherche de mécanismes
événements ainsi que les représentations que les sujets générateurs n’a donc pas comme finalité d’expliquer leur
ont de ceux-ci (20). Il importe de reconnaître que tout n’est fonctionnement, mais plutôt de rechercher leurs modes
pas observable et que les réalistes critiques ne basent pas d’activation et les conditions nécessaires pour le faire (13).
leur expérimentation sur le critère d’observabilité, mais
plutôt sur la plausibilité causale en référence aux entités
non observables (13). Le but principal de la recherche
z Développement des connaissances
scientifique selon les réalistes critiques serait d’obtenir en sciences infirmières
des connaissances sur les mécanismes générateurs qui
De par sa visée critique, le réalisme critique peut contribuer
expliquent et rendent raison du lien entre les événements
au développement de savoirs émancipatoires en sciences
(19). Ils sont donc invités à se poser la question suivante : infirmières, ce type de savoir étant nécessaire pour une
quels éléments doivent aller ensemble et qu’est-ce qui peut contribution à la santé humaine (5, 7). Le savoir émancipatoire
arriver compte tenu de la nature des objets ? (13). vise non seulement de prendre conscience des rapports de
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pouvoir dans la société, mais d’entreprendre des actions
Pour mieux comprendre l’épistémologie du réalisme critique, pour agir sur ceux-ci (13). Le réalisme critique nous invite
il est important de commencer par la distinction que Bhaskar à considérer les interactions contextualisées entre les
(18), dans son fameux ouvrage A realist theory of science, a agents et les structures sociales (24). Le réalisme critique
fait entre les objets intransitifs et transitifs de la science. Les cherche à transcender cette dichotomie en mettant en valeur
objets transitifs (événements et représentations) étant sujets l’interrelation de ces deux concepts. Ainsi, les structures
sociales fournissent des ressources qui permettent
au changement (13), Bhaskar attire notre attention à la relativité
aux individus d’agir tout en mettant des limites aux
épistémologique : la connaissance produite (transitive)
comportements individuels (19). Toutefois, le comportement
n’est pas la réalité (23), car la connaissance est située dans des agents humains n’est pas exclusivement déterminé par
l’histoire et évolue dans le temps et selon le contexte (18). les structures sociales, car les agents peuvent également
Cette distinction est essentielle selon Bhaskar (18) pour ne transformer ces structures par leur créativité face aux
pas réduire le monde (constitué d’objets intransitifs) à notre circonstances dans lesquelles ils se trouvent. La réflexivité
connaissance sur le monde (objets transitifs), ce qui serait, et la sensibilisation à l’influence des structures sociales sur
selon lui, un « paralogisme épistémique » (epistemic fallacy). l’action humaine permettent le développement d’explications
critiques des savoirs émancipatoires qui se traduisent par la
Les différentes théories offrent des explications alternatives critique des structures sociales prévalentes et des pratiques
d’un même monde, mais nous émettons un jugement en vigueur (12).
rationnel dans l’espoir d’un développement scientifique
pour choisir une théorie plutôt qu’une autre selon la capacité La recherche scientifique, selon une perspective réaliste
de cette théorie d’expliquer un phénomène à un moment critique, permet aussi de contribuer à la réduction de
donné (22). L’idée étant d’élaborer le pouvoir explicatif des l’écart entre la théorie et la pratique à travers, entre autres,
théories produites en établissant des liens crédibles entre l’élaboration d’un cadre pour théoriser ou conceptualiser
les processus théorisés et les données empiriques ; ensuite l’intervention ou l’observation faisant l’objet de la recherche.
la théorie est mise à l’épreuve dans un autre contexte, pour Cet exercice d’élaboration théorique permet l’engagement
en élaborer ou déterminer le pouvoir explicatif. Le réalisme dans une réflexion critique et dans une action qui permet
critique soutient que l’explication scientifique ne consiste de penser les fondements de nos actions, de contextualiser
pas à établir des lois universelles, mais plutôt à modéliser davantage les interventions et de réfléchir aux changements
des mécanismes générateurs complexes et plausibles qui que l’on souhaite observer et que l’on observe (20). Dans cette
sont à l’origine des événements observés et d’en comprendre perspective, la théorie devient un instrument indispensable
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pas réductible aux représentations que s’en font les acteurs- Selon Dilthey, la compréhension d’un langage autant que
sujets (20). Le réalisme critique confronte donc la complexité, d’un texte repose sur une interprétation qui va au-delà
reconnaît l’importance des facteurs structurels et de l’agence de l’explication et place l’être-humain-dans-le-monde
humaine, et permet aux infirmières chercheuses de travailler ou Dasein au centre de cette philosophie (26, 27). Les
en interdisciplinarité pour l’amélioration des interventions, et travaux d’Husserl ont aussi contribué à la méthodologie
l’explicitation des structures biopsychosociales, politiques et herméneutique en mettant en valeur le caractère subjectif
environnementales (15). de l’interprétation et l’intention de la conscience qui n’est
pas neutre (26, 29). Il a été le mentor d’Heidegger qui a, dès
lors, donné une nouvelle direction à l’herméneutique. Avec
Herméneutique Heidegger, l’herméneutique ne porte plus sur l’interprétation
des textes, mais sur l’existence elle-même. Elle n’est plus
L’herméneutique est une philosophie dont la dénomination une réflexion qui porte sur l’interprétation, mais elle devient
rappelle Hermès, le messager créatif et innovateur des elle-même le processus d’interprétation (27). L’existence
dieux dans l’Antiquité (26). Elle est dérivée du terme latin de l’homme, selon Heidegger, ne peut être mise entre
hermeneutica qui a été introduit pour la première fois au XVIIème parenthèses, car l’être humain ne peut pas se séparer du
siècle par le théologien allemand Johann Dannhauer pour monde dans lequel il est situé. Avec son emphase sur l’être
désigner ce qui s’appelait auparavant l’Auslegungslehere ou existentiel, Heidegger a introduit la question ontologique au
l’art de l’interprétation (27). Le verbe grec hermeneuin désigne centre de l’herméneutique. Il postule que toute existence
une transmission de sens à travers l’acte d’interprétation d’un est herméneutique, car nous sommes des êtres de
discours selon la pensée qui le sous-tend, mais aussi à travers compréhension (26). Mais comment comprendre ? Selon
l’acte de l’élocution qui va de la pensée et se traduit par le Heidegger le pouvoir est de se comprendre soi-même et cela
discours (27). Le langage, une forme de discours, occupe une se fait à travers l’interprétation de l’Existence (27). Cependant
place centrale en herméneutique. l’interprétation, selon Heidegger, n’est jamais un acte isolé,
car on comprend toujours quelque chose à travers quelque
Avant de cheminer vers le statut de philosophie, chose d’autre et pour interpréter nous avons besoin du
l’herméneutique était associée à l’interprétation de textes langage (26). Heidegger a introduit la notion de temporalité
religieux, juridiques et philologiques (27). Saint Augustin, qui par le passé, le présent et le futur du Dasein, le sens de l’être
a participé à la doctrine chrétienne par son interprétation dans le monde, et donc la tâche de l’herméneutique est de
des livres sacrés, a mis en valeur la place de la tradition donner à l’existence son sens (26). Gadamer s’est éloigné
des questions existentielles de Heidegger et a porté un situation est constitutive de l’individu et l’individu constitue
nouveau regard sur l’herméneutique qui s’est imposé dans la situation ». Néanmoins il n’est pas question d’un monisme
la communauté philosophique contemporaine. subjectif : l’objet ne se confond pas avec le sujet, ce sont les
significations partagées qui importent.
En effet, Gadamer a essayé de repenser l’herméneutique
en revenant à Dilthey, aux sciences humaines et à ce qui
constitue la vérité. Dans son ouvrage Vérité et Méthode, z Épistémologie
par le titre même, il affirme que la vérité se distingue de la
méthode. La vérité ne peut être révélée par une méthode En considérant la compréhension comme une façon d’être plutôt
définie, mais elle peut toujours être comprise différemment et que le chemin vers la connaissance, l’épistémologie occupe
une compréhension n’est jamais meilleure qu’une autre selon une place de second rang en herméneutique heideggérienne
Gadamer (26). La vérité devient donc une compréhension (31). Gadamer et Ricoeur ont néanmoins redirigé l’attention vers
signifiante, compte tenu de l’expérience vécue, qui permet la l’épistémologie en référant la connaissance à la compréhension.
poursuite des possibilités du monde vécu et de la conversation Le processus de l’interprétation mis en avant par Gadamer est
avec l’autre. Mais qui est l’autre ? Est-ce le texte ou l’auteur du primordial à la question épistémologique, car pour connaître il
texte ? Selon Gadamer, on entre en conversation avec le texte faut comprendre. Les connaissances sont liées à la signification
dans un but d’interprétation. L’interprétation porte l’espoir qu’on leur accorde et quand cette signification croise la vérité,
qu’on va rencontrer à la fois sens et vérité sans lesquels la on arrive à comprendre et donc la signification peut, ou pas,
compréhension n’est pas possible (26). Le sens peut donc contenir la vérité (26). Mais est-ce que cela veut dire qu’il y a une
contenir, ou ne pas contenir de vérité. Gadamer a aussi situé vérité déjà existante et qu’on essaie de discerner à travers les
la personne dans son histoire et de cela a rétabli la place de multiples interprétations ? Moules (26) soutient que la vérité ne
la tradition dans l’acte d’interprétation en faisant la distinction doit pas être un jugement de valeur qui vise à réprimander les
entre historicisme et historicité. Ainsi, l’histoire n’est plus un autres interprétations. Au contraire, une vérité est ce qui permet
passé inchangeable (historicisme), mais elle est un élément à la conversation et aux échanges avec autrui de continuer et
de la conversation qui participe à la compréhension en où notre relation avec les connaissances est symbolisée par le
reconnaissant son apport au présent (historicité) (26). cercle herméneutique. Le cercle n’est pas une méthode pour
arriver à la compréhension, mais plutôt une métaphore pour
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Ricoeur a ensuite contribué à l’herméneutique moderne en concevoir le processus d’interprétation (26). Le cercle inclut la
évoquant l’herméneutique de soi (27). Ricoeur s’opposait à situation de l’être dans son histoire, les traditions, les préjugés,
l’ontologisation herméneutique de Heidegger qui confondait les structures qui permettent de développer la compréhension.
l’herméneutique avec le sens de l’existence. Pour lui Dès que nous abordons une partie, nous avons déjà une
l’herméneutique n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour certaine interprétation et conception du tout et cette conception
le retour à soi qui n’est plus de simplement saisir l’intention de évolue en compréhension au fur et à mesure qu’on conçoit
l’auteur. L’herméneutique avec Ricoeur devient une pensée plus de parties. Le cercle alors s’ouvre et s’élargit, à travers
qui cherche à traduire la compréhension du soi par l’entremise l’immersion et l’interaction de cercle en cercle, pour engendrer
du langage, des symboles et des textes. de nouveaux sens (26). C’est donc un cercle vertueux qui
permet l’évolution de l’histoire et de celui qui l’interprète. La
Qu’en est-il du cercle herméneutique ? L’interprétation se fait vérité n’est donc pas ce qui est répétitif et reproductible, mais
en entrant dans un cercle. ce qui permet de voir les multiples possibilités d’un sujet (26).
Mais si la vérité est changeante, laquelle doit-on adopter pour
déterminer la nature des connaissances ? Selon Gadamer,
z Ontologie on choisit ce qui a du sens pour nous, qui sommes en train
d’interpréter. Moules dit qu’on « écoute les voix qui nous parlent
L’ontologie de l’herméneutique (surtout heideggérienne le plus fort ». Il s’agirait de patterns qui pourraient traduire une
et gadamérienne) est une ontologie perspectiviste qui signification partagée, contextualisée, changeante, mais tout
reconnaît que la réalité peut exister sous forme de multiples de même reconnaissable, d’où le terme, souvent rencontré, de
constructions mentales ou de représentations subjectives et subjectivité objectivée (ou d’objectivation subjective) selon une
néanmoins construites en lien avec et ancrée dans l’histoire perspective interprétative.
(30). Cette réalité n’est pas nécessairement quelque chose de
tangible et d’observable. C’est une réalité fixe et changeante.
Fixe, car elle reconnaît l’apport de l’histoire dans laquelle elle
z Développement des connaissances
est située et des traditions pour l’existence ; mais changeante, en sciences infirmières
car elle est sujette à l’interprétation et au cumul de l’histoire
et des traditions (26). La signification est située selon la place Afin de mieux saisir l’application de l’herméneutique et
de l’être-humain-dans-le-monde (Dasein) et réside, selon son apport au développement des connaissances en
Annells (30) dans une transaction avec la situation où « la sciences infirmières, nous prenons l’exemple de l’étude de
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traditions philosophiques.
Enfin, en considérant les savoirs tels que définis par Carper
(6), l’herméneutique réfère tout particulièrement à la dimension Charles Jencks, architecte et historien, revendique
artistique de l’interprétation dans le savoir esthétique et à que l’âge postmoderne aurait débuté le 15 juillet 1972
l’interprétation et la compréhension dans la production du à 15h32 avec la démolition du Pruit-Igoe, un ensemble
savoir empirique. Dans l’herméneutique, le savoir personnel d’habitations réalisé par l’architecte du World Trade
serait aussi valorisé puisque la subjectivité de celui qui Center (33, 35).Sans pour autant prétendre d’une date
interprète est essentielle à la construction du sens. Mais fixe, l’idée que le postmodernisme correspond à la fin du
l’herméneutique soutient aussi la responsabilité éthique de modernisme, lequel réfère à une époque particulière de
comprendre la personne dans son contexte, ses expériences, la modernité qui daterait de la fin du 19 ème siècle jusqu’au
ses traditions et son historicité en tenant compte de ses milieu du 20ème siècle, est ainsi épandue (34, 35, 38). Par
propres préjugés. contre, Lyotard (39) croit qu’il ne faut pas considérer le
postmodernisme en termes de périodisation, mais plutôt
en tant que critique du projet de la philosophie moderne,
Postmodernisme et laquelle soutient l’idée que l’humanité possèderait la
Poststructuralisme capacité de se parfaire elle-même à travers le pouvoir de
la pensée rationnelle, permettant ainsi le progrès social
Le postmodernisme et le poststructuralisme sont deux et l’épanouissement personnel (36). Cette absence de
traditions philosophiques ayant vu le jour dans les années consensus fait en sorte que certains vont même jusqu’à
1960. Ces dernières se distinguent notamment par les dire que les tenants du postmodernisme souhaiteraient
disciplines dans lesquelles elles ont été développées volontairement faire régner cette incompréhension et
ainsi que par leur objet des connaissances (33). Ainsi, la confusion quant à ses débuts et sa signification (40).
pensée postmoderne a principalement émergé des arts et Les repères historiques du poststructuralisme sont,
de l’architecture, alors que le poststructuralisme a plutôt quant à eux, beaucoup moins controversés que ceux du
été développé dans les sciences sociales et humaines (33, postmodernisme. Le poststructuralisme aurait succédé
34, 35). En ce qui concerne l’objet des connaissances, il au structuralisme qui aurait été développé par de
est généralement suggéré que le postmodernisme aurait Saussure et Lévi-Strauss et mis en pratique dans diverses
une étendue plus large et se concentre sur la critique disciplines de 1916 à 1960 (33, 37). C’est donc vers la
de la culture, de la société et de l’histoire, tandis que le fin du 20 ème siècle que le poststructuralisme aurait fait
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au-delà des textes et est connu pour le développement dans le domaine de la recherche scientifique est
de la logique de la différance et de la déconstruction(34, l’Evidence-Based Medicine (EBM). Le discours dominant
37). L’ensemble des travaux de ces trois philosophes de l’EBM a fait en sorte que, pendant plusieurs années,
permet de se donner des points de repère d’introduction les connaissances empiriques issues des essais contrôlés
au postmodernisme et au poststructuralisme. randomisés (ECR) ont été considérées comme étant les
plus valides (probantes) puisque basées sur le mode de
production scientifique considéré comme le plus valide et
z Ontologie fiable. Ceci n’est pas sans conséquence pour une discipline
comme celle des sciences infirmières où on ne peut pas
Le postmodernisme et le poststructuralisme soutiennent l’idée tout étudier par le biais d’ECR et où des savoirs autres
que les réalités sont multiples et représentées par maintes qu’empiriques, tels que les savoirs esthétique, personnel,
voix (des réalités polyphoniques) et perspectives au travers éthique et émancipatoire sont valorisés (41). En s’opposant
desquelles il est possible de concevoir différents aspects de à la supériorité hiérarchique du savoir scientifique, le
réalités (34, 38). Ainsi, ils conçoivent la réalité comme étant postmodernisme considère le savoir empirique comme
en devenir, changeante, fragmentée et disparate. Il est donc étant un mode de savoir parmi tant d’autres et que sa valeur
impossible de la concevoir en termes d’éléments isolables, n’est pas supérieure à celle des autres connaissances
stables et de relations causales (34, 36). Le postmodernisme (40, 43). La philosophie postmoderne valorise plutôt le
et le poststructuralisme avancent également que le sujet dialogue entre savoirs diversifiés où aucun n’accède à un
est socialement et discursivement décentré et fragmenté statut privilégié (34). Le postmodernisme nous invite ainsi
en de multiples identités, ce qui le rend fondamentalement à adopter une position épistémologique qui se définit par
indéterminé (34, 38, 40). Il est important de souligner que une attitude de résistance et de soupçon envers les récits
ces deux traditions philosophiques ne nient pas l’existence ayant une fonction d’autorité (34, 39). Il nous encourage à
objective et matérielle de la réalité ; elles suggèrent plutôt nous concentrer sur les contextes locaux spécifiques et
que notre relation à la réalité n’est jamais directe, entièrement sur la diversité de l’expérience et des identités humaines,
transparente et s’avère contradictoire et portée par un définis comme étant des petits récits (par opposition aux
sujet situé (35, 41). D’une perspective postmoderne et métarécits) (38, 39, 43). Il s’agit donc de remplacer les
poststructuraliste, le débat ne semble plus porter sur la nature métarécits modernes par une multiplicité de petits récits
de la réalité puisque la question ontologique ne se pose plus à travers lesquels les connaissances sont produites. Les
(semble être devenue secondaire) (36). connaissances étant contextualisées et localisées, il n’y
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infirmière devrait bénéficier d’une perspective philosophique
La conception anti-référentielle du langage : où cette hiérarchisation est dénoncée et où la valeur des
Barthes et Derrida, deux philosophes s’identifiant comme étant divers savoirs est célébrée (39, 44). Une lentille postmoderne
poststructuralistes, ont mis en évidence, à travers le concept et poststructuraliste peut permettre, promouvoir, soutenir et
de l’intertextualité et de la logique de la différance, le caractère justifier la production de nouvelles connaissances issues de
anti-référentiel et indécidable du langage (37). L’intertextualité, savoirs personnels, esthétiques, émancipatoires et éthiques.
notion développée par Barthes, soutient que même si les À titre d’exemple, la philosophie postmoderne souligne
concepts font référence à des objets qui sont supposément l’intérêt pour l’art du soin en favorisant l’exploration et la mise
réels, ils ne sont significatifs qu’à travers des symboles, et ces en valeur de l’ambigüité, de la complexité et de l’esthétique
symboles sont nécessairement constitués par des références des pratiques, ce qui permet de favoriser une prise de
à d’autres symboles (37). L’intertextualité se traduit donc par conscience, par les infirmières, de leurs savoirs esthétiques
une chaine symbolique menant à une référentialité infinie. et de la portée de leur pratique auprès des personnes (36). De
C’est cette notion d’intertextualité qui a amené Derrida à plus, l’ontologie du postmodernisme et du poststructuralisme
dire qu’il n’existe rien au-delà des textes et que le texte est soutient une épistémologie mettant en valeur des points de
représentation du savoir (36). La logique de la différance, vue pluriels et autant de façons de comprendre, de connaître
élaborée par Derrida, met en lumière les conséquences de et de concevoir le monde. Les sciences infirmières rejoignent
l’intertextualité. En particulier, l’intertextualité peut fausser, cette vision en soulignant qu’il existe autant de façons de
dénaturer et fragmenter la signification d’un concept plutôt que comprendre les expériences de santé qu’il y a d’individus
d’évoquer la réalité représentée par un concept en question qui vivent des expériences de santé (5). En somme, ces deux
(37, 43). Puisque les symboles réfèrent inévitablement à traditions philosophiques permettent d’accorder davantage
d’autres symboles, la logique de la différance suggère que d’importance à la diversité de l’expérience humaine et de
la signification d’un concept ne représente jamais la réalité, s’attarder à la signification des expériences de santé (43).
mais plutôt une approximation de cette réalité : elle est alors
différée et irrémédiable (37, 43). Ainsi, l’intertextualité et la Ces perspectives peuvent également permettre à la discipline
logique de la différance démontrent comment le langage infirmière d’aller au-delà du métaparadigme qui repose
et les concepts constituent une impossibilité à l’acquisition sur l’interrelation des concepts centraux de personne,
de connaissances sur le monde « réel » et qu’il est alors environnement, santé et soin (45). À cet égard, Bernard (45)
impossible d’avoir accès à la réalité au-delà des textes (37). De souligne que les modèles conceptuels en sciences infirmières
plus, les poststructuralistes conçoivent les individus comme sont, pour la plupart, concentrés sur la personne et sa famille
(5), faisant en sorte qu’ils peuvent avoir une portée limitée cONflItS d’INtéRêtS
lorsque vient le temps d’aborder les questions de rapports de
pouvoir, dans les pratiques, qu’il s’agisse du soin, de la gestion Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.
ou de la formation. En effet, peu de modèles conceptuels en
sciences infirmières permettent de situer la pratique infirmière
dans un contexte considérant les enjeux sociopolitiques (45). Références
L’épistémologie du postmodernisme et du poststructuralisme
représente donc une occasion de rendre visible les différents
aspects sociopolitiques ainsi que les relations de pouvoir 1. Compte-Sponville A. Dictionnaire philosophique. Paris: Presses
souvent implicites, mais pourtant bien présentes, au sein de universitaires de France; 2013.
la pratique infirmière (45). Gastaldo et Holmes (46) illustrent 2. Besnier JM. Les théories de la connaissance. 2ème éd. Paris:
comment de telles perspectives philosophiques peuvent Presses universitaires de France; 2011.
élargir la vision interdisciplinaire et critique de la discipline
3. Risjord MW. Nursing knowledge: science, practice, and philosophy.
infirmière. En particulier, ces perspectives permettent de
Chichester: Wiley-Blackwell; 2010.
considérer la dimension politique de la pratique infirmière en
révélant non seulement les relations de pouvoir existantes 4. Fawcett J. The Metaparadigm of Nursing: Present Status and
Future Refinements. Image J Nurs Sch. 1984 Summer;16(3):84-7.
entre les infirmières et l’institution biomédicale, mais
également les infirmières et les patients ou familles qu’elles 5. Pepin J, Ducharme F, Kérouac S. La pensée infirmière. 3e éd.
soignent (46). La pratique infirmière, conçue au cœur de la Montréal: Chenelière éducation; 2010.
production de discours, comporte la création de subjectivités 6. Carper B. Fundamental patterns of knowing in nursing. ANS Adv
qui remettent notamment en question la notion « d’infirmière Nurs Sci. 1978 Oct;1(1):13-23.
impuissante » qui exerce peu ou pas de pouvoir (46). En 7. C hinn PL, Kramer MK. Integrated theory and knowledge
corolaire, en situant la pratique et les sciences infirmières dans development in nursing. 7ème éd. St. Louis: Mosby; 2008.
un contexte sociétal et politique, cela nous permet de saisir
8. Houghton C, Hunter A, Meskell P. Linking aims, paradigm and
la place des infirmières dans la société et de faire reconnaître method in nursing research. Nurse Res. 2012 Nov;20(2):34-9.
davantage la discipline par les autres professionnels de la
9. S nowden A, Atkinson J. Concurrent analysis: a pragmatic
santé avec lesquels nous devons collaborer (45, 46). Le
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justification. Nurs Philo. 2012 Apr;13(2):126-41.
postmodernisme et le poststructuralisme constituent, ainsi,
deux traditions qui peuvent modifier le discours traditionnel 10. Piaget J. Logique et connaissance scientifique. Paris: Gallimard;
infirmier pour ouvrir la discipline infirmière sur les enjeux de 1967.
pouvoir qui résident dans les soins et la production de savoirs 11. Avenier MJ, Gavard-Perret ML. Inscrire son projet de recherche
émancipatoires (45). dans un cadre épistémologique. Dans: Gavard-Perret ML,
Gotteland D, Haon C, Jolibert A. Méthodologie de la recherche
en sciences de gestion. Montreuil: Pearson; 2012. p. 11-62.
Conclusion (Pearson Education)
12. Hedoin C. Le réalisme critique de Tony Lawson: apports et limites
dans une perspective institutionnaliste. Cahier d’économie
La poursuite d’études doctorales implique l’engagement dans
politique. 2010;1(58):103-31.
le développement des connaissances de la discipline infirmière.
Il est de notre responsabilité en tant que futurs chercheurs 13. Sayer A. Realism and social science. London: Sage publication
Ltd; 2000.
d’être conscientes des fondements philosophiques qui guident
notre processus de développement de connaissances, notre 14. Bergin M, Wells JS, Owen S. Critical realism: a philosophical
pratique de recherche et les critères à partir desquels nous framework for the study of gender and mental health. Nurs Philo.
justifions la légitimité des connaissances produites. Cet essai 2008 Jul;9(3):169-79.
rend compte d’une réflexion critique introductive sur les 15. Clark AM, Lissel SL, Davis C. Complex critical realism: tenets and
dimensions ontologiques et épistémologiques inhérentes aux application in nursing research. ANS Adv Nurs Sci. 2008 Oct-
processus de développement des connaissances en sciences Dec;31(4):E67-79.
infirmières à travers trois traditions. Ensemble, les différentes 16. Dufour IF. Réalisme critique et désistement du crime chez les
traditions philosophiques constituent une richesse pouvant sursitaires québécois: appréhensions des facteurs structurels,
contribuer de manière significative au développement des institutionnels et identitaires. [Thèse de service social]. Québec:
université Laval; 2013.
connaissances en sciences infirmières. Nous espérons
qu’à travers cette réflexion, nous avons réussi à refléter les 17. D e Forge R, Shaw J. Back- and fore-grounding ontology:
apprentissages qui nous ont permis de « philosopher » le exploring the linkages between critical realism, pragmatism, and
methodologies in health & rehabilitation sciences. Nurs Inq. 2012
temps d’un article. À terme, il nous importe de lancer une
Mar;19(1):83-95.
invitation au dialogue et à la pluralité des perspectives dans ce
vaste champ de réflexion que permet notre discipline, plutôt 18. Bhaskar R. A realist theory of science. Hassocks Sussex: Harvester
que de camper des différences. Press; 1978.
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29. Poupart J, Deslauriers JP, Groulx L, Laperrière A., Mayer R, Pires Mar;23(1):86-115.
A, et al. La recherche qualitative: enjeux épistémologiques et 43. Patton P. Postmodernism: Philosophical Aspects. In: Smelser
méthodologiques. Boucherville: Gaëtan Morin; 1997.
NJ, Baltes PB (editors). International Encyclopedia of the
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epistemological diversity. Nurs inq. 2005 Jun;12(2):126-34.
Innovative Research Methods For Nursing. New York: National
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