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fin de vie : enquête sur le système sanitaire jurassien
Pierre-Alain Charmillot
Enseignant en soins infirmiers, chargé de recherche, Haute école ARC
Ecole de soins infirmiers du Jura, Delémont, Suisse
Résumé : Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien – Cette étude réalisée auprès des
professionnels de la santé dresse un inventaire des pratiques et des besoins dans le canton du Jura (Suisse). On constate une dissémination
des ressources spécialisées dans de nombreuses institutions et services du canton, un manque de coordination et des déperditions d’éner-
gie notables ainsi que des lacunes importantes en matière de formation spécialisée. Des améliorations sont à apporter aux pratiques portant
sur la gestion de la douleur et des symptômes spécifiques, identifiées comme fondamentales pour l’exercice des soins. Plusieurs indicateurs
montrent le besoin de recourir à des personnes-conseils dans les situations complexes et la nécessité de renforcer les collaborations inter-
disciplinaires.
Summary : Palliative care and accompaniment of end-of-life persons: survey of the Jura health system – This study, conduced in the framework of
a health care plan in the Canton of Jura (Switzerland), aimed to derive an inventory of practices and necessities in palliative nursing. Fifty
percent of the health care team workers participated with participants demonstrating a pronounced interest in palliative nursing. The grow-
ing importance of this complex and demanding domain is attributable to the ageing of the population. Specialised and disseminated
resources can be found in numerous institutions in the Canton. However, one also finds a waste of energy due to poor coordination and a
great lack of material for specialised education in this domain. One domain of practice requiring future development is the management of
pain and its specific symptoms. Numerous indicators point to the necessity of using persons giving advice especially in complex situations.
Also a fortification of interdisciplinary collaboration is deemed necessary.
soins comprendront également des actes thérapeutiques liés au Les directions d’institutions
contrôle de la douleur, à l’équilibre diététique et à la recherche
d’un mieux-être. Comme il s’agit d’être particulièrement à Le questionnaire adressé aux directions se compose de
l’écoute de ces malades et de leurs proches, une structure spéci- 7 sections et comprend 6 pages. Une minorité de questions
fique est nécessaire.»1 a une visée quantitative, alors que toutes les autres ont une
visée qualitative. Un test préalable a été effectué. La dif-
fusion s’est faite par courrier postal début février 2001.
Buts de l’enquête
Avertissement Résultats
Les données récoltées reposent sur une vision des soins
palliatifs telle que l’a définie l’OMS (1990)4. Nous avons Taux de participation et profil
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donne les indications suivantes: Hôpitaux (HRD et Sexe, âge et années de diplôme
HRP) 64%, homes et foyers (y compris l’HDS) 41%,
soins à domicile 46%. Le taux de participation sur les 84 La population féminine représente plus du 80%, celle-ci
questionnaires envoyés aux cabinets médicaux est quant est plus importante dans les professions infirmières et
à lui de 32% (27 questionnaires en retour). « d’aides ». La proportion est inversée pour les médecins
Par ailleurs, la distribution des questionnaires s’étant et partagée pour les professions « sociales ».
réalisée par l’intermédiaire des responsables des services, Les effectifs par tranches d’âge montrent que plus du
il a été difficile de tenir une comptabilité exacte des tiers des personnes se situe dans les 30-39 ans, viennent
questionnaires distribués par catégories professionnelles. ensuite à raison de 25% chacune les tranches 20-29 et 40-
Par conséquent, nous avons calculé ces taux de participa- 49. Le reste (19%) se situe dans la classe 50-65.
tion en nous basant sur les statistiques cantonales. En
regroupant ici les professions en trois catégories, nous
obtenons les valeurs suivantes: Pour les directions d’institutions
Personnel soignant Médecins (médecins Personnel médico- La majorité des répon- Effectif
(infirmières, IA, AS, installés, médecins-chefs thérapeutique (physio
ADS et AF) et médecins assistants) et ergothérapeutes)
dants (11) exerce la «fonc-
Directeur 7.0
tion» d’infirmier(re) res-
47% (558/1175) 57% (64/111) 57% (32/56)
ponsable, alors que le solde Infirmier(re) responsable 11.0
exerce celle de directeur (7).
Ce constat est à mettre en relation avec une proportion
Pour les directions d’institutions importante de questionnaires retournés par les respon-
sables des services de soins à domicile6.
Le taux de participation atteint 80%. Nous relevons l’ex- Le nombre de lits des institutions se situe pour une
cellente participation des services de soins à domicile et majorité dans une fourchette de 20 à 90 lits, seulement
des homes/foyers, mais nous regrettons de ne bénéficier 2 institutions ont plus de 100 lits. A noter que pour l’en-
des données de toutes les institutions hospitalières. semble des services de la FAS, la somme des cas traités
annuellement est de 4058 personnes7.
personnes âgées et pour l’autre, d’un des services de celui d’« Une formation spécifique » apparaît en 2e posi-
soins à domicile8. tion. Le croisement par professions montre qu’une majo-
Aucune institution précise avoir une mention expli- rité des AF, des ADS et des ergothérapeutes désignent
cite dans le cahier des charges de leurs collaborateurs. comme premier choix le facteur qui fait référence à la for-
mation spécialisée. Ce même item n’est pas satisfait
dans près de 12% des réponses (1re position), alors que
Formation post-grade et formation continue
(voir tableaux I, II) la formation initiale n’est mentionnée que dans 2.9%.
L’analyse par profession et par domaine montre des pro-
Lorsque l’on demande aux praticiens de déterminer, parmi portions similaires. Toutefois le facteur non satisfait se
19 facteurs, ceux favorisant une prise en charge optimale, rapportant à une formation spécialisée est nettement plus
marqué dans le domaine « Foyer » et dans les groupes
8 professionnels « AF » « ADS » et « Social ».
A noter que la direction de ce secteur s’est exprimée par la néga-
tive à ce sujet, certainement que ce service a élaboré un texte Nous constatons que le 35% des répondants n’a suivi
indépendamment des autres. aucune journée de formation spécialisée post-grade. Une
Tableau I.
% de réponse
% de réponse
% de réponse
1 réponse par choix
Effectifs
Effectifs
Effectifs
Effectifs
Rang
Rang
Rang
Rang
La gestion adéquate de la 275.0 41.1 1 121.0 18.6 1 49.0 7.6 5 445.0 22.7 1
douleur physique et psychique
Une formation spécifique 117.0 17.5 2 77.0 11.8 2 42.0 6.5 7 236.0 12.0 2
La coordination et la 40.0 6.0 5 74.0 11.4 3 95.0 14.8 1 209.0 10.6 3
collaboration entre les
différents intervenants
L’ambiance dans l’équipe 83.0 12.4 3 44.0 6.8 7 65.0 10.1 3 192.0 9.8 4
Les difficultés avec lesquelles 22.0 3.3 8 61.0 9.4 4 69.0 10.7 2 152.0 7.7 5
le patient et ses proches
vivent cette période
Vos expériences personnelles 41.0 6.1 4 57.0 8.8 5 47.0 7.3 6 145.0 7.4 6
vis-à-vis de la mort
Un lieu d’écoute et d’échange 28.0 4.2 6 51.0 7.8 6 56.0 8.7 4 135.0 6.9 7
Une philosophie ou politique 25.0 3.7 7 34.0 5.2 8 35.0 5.5 9 94.0 4.8 8
clairement définie dans
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Tableau II.
réponse
Effectifs
Rang
% de
3 choix au maximum
Une formation spécifique 142.0 11.9 1
La charge de travail 139.0 11.7 2
Des personnes conseils, externes à l’équipe 137.0 11.5 3
Une philosophie ou politique clairement définie dans l’institution 112.0 9.4 4
Un lieu d’écoute et d’échange 107.0 9.0 5
La coordination et la collaboration entre les différents intervenants 72.0 6.0 6
La gestion adéquate de la douleur physique et psychique 69.0 5.8 7
La présence de lieux de recueillement 66.0 5.5 8
Les échanges interdisciplinaires 54.0 4.5 9
La reconnaissance de votre rôle professionnel dans l’équipe pluridisciplinaire 44.0 3.7 10
La présence de bénévoles 37.0 3.1 11
Les difficultés avec lesquelles le patient et ses proches vivent cette période 37.0 3.1 11
Votre formation initiale 35.0 2.9 13
Votre revenu 27.0 2.3 14
La compréhension de vos responsables 27.0 2.3 14
L’ambiance dans l’équipe 25.0 2.1 16
Le nombre de décès ou d’accompagnements 25.0 2.1 16
Vos expériences personnelles vis-à-vis de la mort 21.0 1.8 18
Votre état d’esprit du moment 17.0 1.4 19
Total réponses 1193.0 100.0
proportion supérieure (49%) a suivi entre 1 et 10 jours de semble. A noter que plus de 2 personnes sur 5 ont men-
formation. Seulement 9% expriment avoir réalisé plus de tionné cette condition comme leur premier choix. Le
20 jours de formation. croisement par profession et par domaine de pratique
Pour la catégorie 0 jour de formation nous trouvons montre pour cette variable des proportions relativement
41% des infirmières, 34% des médecins, 47% des ADS et homogènes, à l’exception des groupes professionnels AF,
plus de 70% des physiothérapeutes. ADS et ergothérapeutes.
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Tableau III.
Indices de satisfaction
Moyennement
Ne peut pas
Pas du tout
N direction = 18
répondre
N praticiens = entre 672 et 654
P = praticiens (%)
Très
Peu
D = direction (nbre/18)
P D P D P D P D P D
Indice global 16.5 6/18 56.5 11/18 6.3 0/18 1.2 1/18 19.5 0/18
Soins relationnels
L’écoute de la personne soignée 46.4 13/18 43.1 5/18 3.1 0/18 1.30 0/18 6.1 0/18
L’écoute de la famille 38.4 12/18 45.9 6/18 6.6 0/18 1.20 0/18 7.9 0/18
L’accompagnement de la famille et des proches 25.2 10/18 52.0 8/18 10.6 0/18 1.20 0/18 11.0 0/18
La compréhension des manifestations des mourants 20.5 4/18 50.9 14/18 13.2 0/18 1.7 0/18 13.8 0/18
et des proches (déni, colère, dépression,
marchandage, acceptation, etc.)
La réponse aux besoins spirituels 30.8 6/18 35.3 8/18 13 1/18 2.9 1/18 18 2/18
Soins de suppléance et techniques
Les soins de nursing et de confort 54.4 14/18 29.9 3/18 3.4 1/18 0.3 0/18 12 0/18
L’évaluation de la douleur 25.7 3/18 50.3 11/18 11.9 4/18 2.4 0/18 9.7 0/18
La réponse visant le contrôle de la douleur 27.2 3/18 47.2 8/18 11.1 6/18 2.7 0/18 11.8 1/18
(analgésiques et autres)
Le traitement palliatif des autres symptômes 18.2 0/18 48.2 13/18 12.4 2/18 2.6 1/18 18.6 2/18
Les soins mortuaires 33.9 10/18 25 4/18 2.7 0/18 1.1 0/18 37.3 1/18
Travail en équipe et collaborations
La collaboration en équipe 48.3 9/18 37.9 8/18 5.4 1/18 1.4 0/18 7 0/18
La collaboration avec les réseaux de soins 27.1 7/18 46 8/18 13 3/18 2.9 0/18 11 0/18
Les ressources externes (par ex. : conseils par 9.5 3/18 29.8 6/18 24 1/18 14 4/18 22.7 4/18
des consultants, spécialistes)
La collaboration avec les bénévoles 30.9 10/18 21.9 3/18 11.6 1/18 6.3 0/18 29.3 4/18
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qui montrent un indice plutôt faible au sujet de la charge alors que la collaboration semble meilleure avec les soins
de travail. à domicile et les hôpitaux. Pour ce même item, 12 direc-
Précisons encore que les conditions de travail sont tions sur 18 estiment les considérer comme des moyens
mentionnées à 10 reprises par les directions comme concrets pour assurer des soins auprès de personnes en
« Point à améliorer », 9 d’entres elles sur 18 pensent ne fin de vie.
pas bénéficier de ressources suffisantes. Seules 3 directions notent pouvoir bénéficier de « Res-
sources de personnes expertes » alors que 12 mentionnent
que la collaboration et la supervision des équipes doivent
La coordination et la collaboration, les ressources être améliorées.
(voir tableaux I,II,III)
Les facteurs suivants sont favorables pour une prise en Soins relationnels (voir tableaux III)
charge de qualité pour les praticiens: en 3e position « La
coordination et la collaboration entre les différents inter- Les indices de satisfaction des deux variables qui font
venants » (10.6%), suivi de « L’ambiance dans l’équipe » référence à l’écoute de la personne soignée et de la
(9.8%). Par ailleurs, « Des personnes conseils externes famille présentent des valeurs contenues dans une four-
à l’équipe » (2.7%) et « La présence des bénévoles » chette entre 43 à 46% pour la modalité « Moyennement
(2.5%) sont indiqués respectivement en 10e et 11e posi- satisfaisant » et de 38 à 46% pour « Très satisfaisant ».
tion, alors que les « Echanges interdisciplinaires » (1.4%) Concernant l’accompagnement de la famille et des
et la « Compréhension des responsables » (1.1%) sont proches, nous observons un taux de plus de 50% pour la
classés dans les derniers rangs. modalité « Moyennement » et seulement 25% pour celle
Dans cette même catégorie, ceux jugés non satisfaits « Très satisfaisant ». A noter également un taux de 10%
par les praticiens dans leur pratique quotidienne se répar- pour la modalité « Peu satisfaisant ».
tissent de la manière suivante: le facteur relatif aux per- 51% des répondants jugent la variable « La compré-
sonnes-ressources externes à l’équipe se place en 3e posi- hension des manifestations des mourants et des proches
tion (11,5%). Il est proportionnellement plus important (déni, colère, dépression, marchandage, acceptation, etc.)
dans les groupes professionnels « Infirmières » et « Ergo- moyennement satisfaisante, et 13% la jugent pas du tout
thérapeutes » ainsi que dans le domaine « Foyer ». En 6e satisfaisante.
position, nous trouvons le facteur relatif à la coordination La réponse aux besoins spirituels est jugée très et
et la collaboration entre les différents intervenants (6%). moyennement satisfaisante par environ le 1/3 des profes-
D’autre part, les indices de satisfaction concernant la sionnels pour chacune des modalités, alors que près du
collaboration en équipe est jugée « Très satisfaisante » par 16% la jugent peu ou pas du tout satisfaisante. Pour cette
48% des répondants et par 38% pour la modalité suivante variable, près du 18% des répondants n’ont pas pu
alors que seulement 5% la jugent « Peu satisfaisante ». La répondre.
collaboration avec les réseaux de soins est jugée moins
satisfaisante, puisque seulement 27% l’évaluent « Très
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représentations des praticiens en matière de soins pallia- «spécialisées». De plus, il semble nécessaire qu’une étude
tifs. La carence constatée ici peut laisser augurer des plus ciblée soit menée dans le canton afin de mieux éva-
visions hétéroclites, voire réductrices. Les entretiens que luer les forces et faiblesses de la prise en charge de la dou-
nous menons dans le cadre de la formation continue met- leur, plus particulièrement aux différents âges de la vie et
tent en évidence, encore trop souvent, des définitions les domaines de pratique.
polysémiques des soins palliatifs. Par exemple, ce terme
est très fréquemment associé à la question de la douleur
physique uniquement, aux soins terminaux ou aux Mettre en place une formation spécifique
patients cancéreux.
Par conséquent, l’absence d’une politique claire, par- Pour une forte majorité des praticiens jurassiens, une for-
tagée par l’ensemble des professionnels de la santé d’une mation spécifique semble être un élément capital afin de
même institution, induit sans aucun doute des pratiques pouvoir offrir ces prestations. Cependant, aucun élément
de soins variées et inégales. Dans certaines situations, ce dans l’étude ne permet de vérifier quelle pourrait être la
déficit peut, malheureusement, retarder des interven- particularité de cette formation. Est-ce qu’elle doit se
tions de nature palliative et, par conséquent, contribuer à situer à un niveau de transfert de connaissances et de pro-
perturber la qualité de vie de nombreux patients et leurs cédures de soins ou alors dans le domaine du développe-
proches. Nos résultats mettent en évidence les mêmes ment personnel?
particularités que l’étude menée par le canton de Vaud Dans son mémoire de maîtrise, Françoise Porchet a
(IUMSP, 2001) qui relève, pour une large majorité des interrogé 40 soignants ayant suivi des formations diffé-
institutions vaudoises, «…l’incapacité de définir ce que sont rentes. Cela lui a permis de mettre en évidence que « les
les soins palliatifs en général et, à plus forte raison, d’énoncer acquisitions liées aux domaines spécifiques de connais-
une définition opérationnelle de ce type de soins, comprenant des sances qu’il est nécessaire de posséder pour offrir des
critères de début et de fin de traitement. Il en résulte une simpli- soins palliatifs de qualité sont incomplètes: ceci a pour
fication hâtive reposant sur le seul critère que tous peuvent conséquence que les personnes formées ne peuvent ni
appréhender facilement: le décès du patient »[4]. jouer le rôle de multiplicateurs auprès des collègues, ni
devenir des acteurs de changement ». Ses recherches
l’ont incitée à développer un modèle en trois points. Tout
La gestion de la douleur fondamentale d’abord elle souhaite replacer le patient et ses proches au
centre des préoccupations des formateurs et préconise
La question de la gestion de la douleur est fondamentale l’élaboration d’un référentiel de compétences en soins
aux yeux des répondants, mais ils signalent aussi que des palliatifs. Ensuite, elle propose la mise sur pied d’un pro-
efforts en la matière mériteraient d’être engagés. Ces gramme d’information et de sensibilisation aux soins pal-
quelques indicateurs ne permettent pas de porter une éva- liatifs dans l’ensemble des structures de soins, y compris
luation rigoureuse sur les pratiques et les attitudes face à la les institutions accueillant des personnes handicapées.
gestion de la douleur dans les institutions jurassiennes. Pour terminer, elle pense nécessaire de mettre sur pied
De nombreuses études ont démontré qu’une gestion des programmes de formations différenciés selon les
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Instaurer une dynamique du travail interdisciplinaire par contre non satisfaite dans une très forte majorité.
Probablement que ce constat est à mettre en relation
Les facteurs touchant au travail en équipe semblent avec la réalité que traversent toutes les institutions de
contribuer largement à une prise en soins adéquate. Il se soins depuis plusieurs années. Toutefois, il est démontré
dégage, de ces résultats, à la fois une volonté de collabo- que la complexité et la particularité des soins aux per-
rer avec les différents acteurs et une certaine difficulté à sonnes proches de la mort ou endeuillées contribuent à
la concrétiser (en particulier avec le corps médical du une surcharge physique et psychologique pour les
point de vue des directions). Cela doit nous rendre atten- équipes de soins et les familles, ce qui, en se répétant,
tifs à la complication que peut poser le travail interdisci- peut favoriser l’épuisement professionnel [5, 7, 8, 10].
plinaire, plus particulièrement en ce qui concerne l’inté-
gration dans les équipes de soins de ressources externes
et complémentaires. Développer les compétences en matière
Pour que s’installe une dynamique de travail efficace de communication
face à la complexité des situations, il est indispensable
que chaque professionnel puisse amener ses compé- Nous mesurerons tant chez les praticiens qu’auprès des
tences spécifiques au service de la personne soignée. Un directions, un indice de satisfaction plutôt favorable au
des moyens pour y parvenir passe par une meilleure sujet des soins relationnels. Parmi les cinq variables qui
connaissance des compétences de chacun (bénévoles et composent ce thème, celles qui font référence à l’écoute
professionnels) afin que chaque maillon de la chaîne des de la personne soignée et de la famille ainsi qu’à l’accom-
soins palliatifs puisse jouer son rôle. C’est pourquoi il est pagnement de ces dernières, montrent des taux de satis-
important de développer quelques offres de formation faction plutôt élevés. Par contre, l’indice qui concerne la
continue communes à l’ensemble des professionnels et compréhension des différentes manifestations liées à la
des bénévoles. Cette approche aurait comme avantage le perte et l’accompagnement des familles et des proches
développement de compétences communes, tout en est moins satisfaisant. Ce résultat peut s’expliquer par la
confortant les spécificités disciplinaires [4, 6]. haute exigence de connaissance de soi-même et des tech-
Par ailleurs, la question d’une présence médicale rela- niques de communication que demandent la perception
tivement réduite dans certaines institutions de soins pour et la compréhension des attitudes des personnes mou-
personnes âgées ainsi que les multiples médecins trai- rantes et des endeuillés [5, 7]. Le développement de ces
tants pour le secteur des soins à domicile peuvent faire compétences spécifiques requiert une longue expérience,
penser que la collaboration médicale n’est pas toujours une solide formation alors que sa mise en œuvre demande
optimale. D’autre part, l’absence d’une politique en du temps et de la disponibilité des professionnels. Or, les
matière de soins palliatifs au sein des structures sanitaires manifestations de mécontentement des professionnels de
du canton renforce la difficulté de collaborer. la santé de ces derniers mois témoignent des conditions
Bien que les résultats montrent combien une dyna- toujours plus difficiles pour satisfaire à ces exigences.
mique d’équipe satisfaisante est nécessaire, elle peut Le taux important de la modalité « Je ne peux pas
aussi parfois, a contrario, induire des freins. Une vision répondre » pour la variable « La réponse aux besoins spi-
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assurant la collaboration, à l’interne, d’autres spécia- • L’intégration, dans l’équipe mobile et au centre de
listes et chargées de faire appel, en fonction des situa- soins palliatifs, de bénévoles dûment formés pour
tions, à l’équipe mobile. assurer présence, réconfort, écoute et soutien dans les
• La création, pour le canton, d’une équipe mobile spé- derniers instants de la vie.
cialisée en soins palliatifs, intervenant en seconde • L’instauration d’une collaboration étroite avec la HES
ligne sur le lieu de vie (domicile, home, etc.) et à l’hô- santé-sociale BEJUNE afin d’élaborer, pour l’ensemble
pital, rattachée soit à l’unité de soins palliatifs station- des professionnels, des offres de formation qui répon-
naire et/ou au centre de référence de la Chrysalide dent aux exigences et aux besoins de chaque catégo-
(dans l’éventualité d’un développement d’un centre rie et d’ouvrir un champ de recherche appliquée aux
de référence pour l’arc jurassien). soins palliatifs.
• La désignation de la Chrysalide à La Chaux-de-Fonds • La création d’un groupe de pilotage cantonal et/ou
(14 lits de soins palliatifs répondant aux besoins de la intercantonal chargé d’élaborer un modèle d’organisa-
population des régions BEJUNE, 270’000 habitants) tion tenant compte des ressources humaines, maté-
comme centre de référence en soins palliatifs pour rielles et économiques du canton et des régions voi-
l’arc jurassien avec trois missions (hospitalisation des sines, qui devrait être fonctionnel assez rapidement.
patients présentant une certaine complexité, supervi-
sion des équipes mobiles des trois régions, centre de
référence en matière de formation pour les différentes En conclusion, pour combler ses lacunes importantes
catégories de personnel). dans le domaine des soins palliatifs, le canton du Jura doit
• La création de quelques lits spécialisés dans un service élargir son offre en tenant compte d’un principe-clé [4, 11] :
de médecine sub-aiguë, en complément ou comme elle sera accessible à toute personne en ayant besoin
alternative au centre de référence, servant pour les (soins terminaux et toutes autres maladies chroniques
hospitalisations en cas de traitements répétitifs, d’ajus- évolutives), indépendamment de son âge, de sa patholo-
tement de traitement, de sentiments d’insécurité. Les gie, de son lieu de vie (y compris home et foyer pour per-
équipes mobiles pourraient y être rattachées, favori- sonnes âgées ou personnes handicapées) et de ses autres
sant ainsi une émulation entre les différents experts. caractéristiques socio-économiques.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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parlement, août 1998. Master européen « Soins palliatifs et thanatologie ». Sion: Institut universi-
2. Charmillot P-A. Soigner des personnes en fin de vie: quelles réalités. Mémoire taire Kurt Bösch, 1999.
« Diplôme universitaire » Université de Bobigny/Webster, 2001, non publié. 7. Stiefel F, Mazzocato C. La souffrance du soignant: reconnaître? La traver-
3. Tavernier M. Les soins palliatifs. Paris, Presse universitaire de France, 1996. ser? … La prévenir? INFOKara 1999, 53 (1); 69-72.
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