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Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin

de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien


Pierre-Alain Charmillot
Dans InfoKara 2004/2 (Vol. 19), pages 43 à 52
Éditions Médecine & Hygiène
ISSN 1021-9056
DOI 10.3917/inka.042.0043
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 28/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.67.134.90)

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Soins palliatifs et accompagnement des personnes en

Article original
fin de vie : enquête sur le système sanitaire jurassien

Pierre-Alain Charmillot
Enseignant en soins infirmiers, chargé de recherche, Haute école ARC
Ecole de soins infirmiers du Jura, Delémont, Suisse

Résumé : Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien – Cette étude réalisée auprès des
professionnels de la santé dresse un inventaire des pratiques et des besoins dans le canton du Jura (Suisse). On constate une dissémination
des ressources spécialisées dans de nombreuses institutions et services du canton, un manque de coordination et des déperditions d’éner-
gie notables ainsi que des lacunes importantes en matière de formation spécialisée. Des améliorations sont à apporter aux pratiques portant
sur la gestion de la douleur et des symptômes spécifiques, identifiées comme fondamentales pour l’exercice des soins. Plusieurs indicateurs
montrent le besoin de recourir à des personnes-conseils dans les situations complexes et la nécessité de renforcer les collaborations inter-
disciplinaires.

Summary : Palliative care and accompaniment of end-of-life persons: survey of the Jura health system – This study, conduced in the framework of
a health care plan in the Canton of Jura (Switzerland), aimed to derive an inventory of practices and necessities in palliative nursing. Fifty
percent of the health care team workers participated with participants demonstrating a pronounced interest in palliative nursing. The grow-
ing importance of this complex and demanding domain is attributable to the ageing of the population. Specialised and disseminated
resources can be found in numerous institutions in the Canton. However, one also finds a waste of energy due to poor coordination and a
great lack of material for specialised education in this domain. One domain of practice requiring future development is the management of
pain and its specific symptoms. Numerous indicators point to the necessity of using persons giving advice especially in complex situations.
Also a fortification of interdisciplinary collaboration is deemed necessary.

Mots-clés : Soins palliatifs – Pratique – Organisation sanitaire – Soins – Formation.

Key-words : Palliative care – Practices – Organization – Nursing – Training.

Introduction 20%. Par ailleurs, la durée moyenne de séjour varie entre


1,5 an et 7 ans.
Dans le canton du Jura, les institutions de soins ont enre- Ces données permettent de mesurer l’important tra-
gistré, en 1998, 508 décès ce qui représente le 78% de vail d’accompagnement, de soutien et de soins, des mou-
tous les décès enregistrés dans le canton1, 2. Sur les 508, rants et de leur entourage, effectué par l’ensemble des
309, soit 65%, sont intervenus dans les trois hôpitaux professionnels de la santé. Comment ce travail est-il réa-
lisé? Le système sanitaire jurassien est-il adapté? Début
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jurassiens (en moyenne entre 1 et 2 par jour). Cependant,
aucune proportion n’est établie entre les décès subits ou 2001, le Service de la santé publique du canton du Jura
prolongés, ce qui aurait permis d’avoir un indicateur plus nous a mandaté afin de dresser un inventaire des pra-
fiable en ce qui concerne l’approche palliative. tiques en matière de soins palliatifs.
Pour le 35% des décès ayant lieu dans les établisse-
ments pour personnes âgées, la réalité est différente.
Tout d’abord, le nombre de décès rapporté à la capacité Méthodologie
d’accueil montre un taux inquiétant pour certaines insti-
tutions. Deux d’entre elles ont vu plus de 40% de leurs Ce travail s’inscrit dans le cadre de la mise en place du
résidants décéder dans le courant de l’année 1998, tandis plan sanitaire cantonal3. Ce dernier prévoit des « Structures
que, pour 3 autres, la moyenne se situe encore à plus de intermédiaires » dont une est destinée aux soins pallia-
tifs. Les textes mentionnent les caractéristiques sui-
vantes: « Les soins palliatifs sont principalement destinés à des
Correspondance: Pierre-Alain Charmillot, Haute Ecole ARC – Ecole malades requérant un traitement particulier contre la douleur et
de soins infirmiers, faubourg des Capucins 2, CH-2800 Delémont. à des personnes en fin de vie. Ils visent à leur offrir, dans cette
Tél. + 41 (0) 32 423 79 30. Courriel: pierre-alain.charmillot@jura.ch. période particulièrement intense de leur existence, un ensemble de
Site: http://www.esij.ch/infos/actu/ prestations de soutien, d’aide et d’accompagnement. Ces presta-
1
Statistiques « Décès, par groupe d’âges » 1998, bureau de la sta- tions sont également destinées aux familles et aux proches. Les
tistique de la République et canton du Jura.
2
La France présente d’ailleurs un taux semblable: plus de 7 Français
3
sur 10 meurent à l’hôpital. Adopté par le parlement jurassien le 9 décembre 1998.

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P.-A. Charmillot, Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien

soins comprendront également des actes thérapeutiques liés au Les directions d’institutions
contrôle de la douleur, à l’équilibre diététique et à la recherche
d’un mieux-être. Comme il s’agit d’être particulièrement à Le questionnaire adressé aux directions se compose de
l’écoute de ces malades et de leurs proches, une structure spéci- 7 sections et comprend 6 pages. Une minorité de questions
fique est nécessaire.»1 a une visée quantitative, alors que toutes les autres ont une
visée qualitative. Un test préalable a été effectué. La dif-
fusion s’est faite par courrier postal début février 2001.
Buts de l’enquête

Sur la base de ces caractéristiques, nous nous sommes Les praticiens


questionnés sur les politiques, pratiques et ressources
mises en œuvre par les institutions jurassiennes en Ce questionnaire comprend un formulaire « Questions »
matière de soins palliatifs, c’est-à-dire pour améliorer la composé de 7 sections et 5 pages et d’un formulaire
qualité de vie physique, psychique, spirituelle et maté- « Réponses » de 2 pages. Il s’adresse à tous les praticiens
rielle des personnes gravement malades ou en fin de vie. du canton du Jura confrontés directement aux soins pal-
Les buts poursuivis par l’enquête sont multiples: liatifs. Le questionnaire a été conçu afin qu’il puisse être
rempli par tous les praticiens et très rapidement. Un test
• Faire l’inventaire des pratiques liées aux soins pallia-
préalable a été effectué par des infirmiers, ergothéra-
tifs dans le cadre des soins aux mourants, des politiques
peutes et médecins. La diffusion du questionnaire s’est
ou philosophies et des ressources (conseils, humaines,
faite par l’intermédiaire des responsables institutionnels
formations).
dès le début février 2001.
• Identifier les facteurs favorisant la prise en soins et
ceux non satisfaits.
• Evaluer l’importance attribuée à l’accompagnement Saisie, traitement et présentation des données
des personnes en fin de vie et leurs proches.
• Déterminer les indices de satisfaction des soins prodi- La saisie des questionnaires des directions a été faite
gués aux personnes mourantes. manuellement. Pour les questionnaires des praticiens,
nous avons procédé à une saisie électronique, réalisée par
• Enfin, identifier les besoins des institutions et des le Service informatique du canton. Le traitement des
praticiens. données a été réalisé à l’aide du logiciel Statistica5.

Avertissement Résultats
Les données récoltées reposent sur une vision des soins
palliatifs telle que l’a définie l’OMS (1990)4. Nous avons Taux de participation et profil
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volontairement inscrit notre démarche dans un contexte
de soins aux mourants. Cette vision quelque peu restric- Pour les praticiens
tive ne devrait pas oblitérer d’autres approches dévelop-
pées en soins palliatifs2. Sur les 1374 questionnaires transmis aux praticiens, 686
ont été retournés, représentant un taux moyen de partici-
pation de 50%. Cette très bonne participation démontre
Enquête par questionnaires l’intérêt du personnel soignant jurassien à la question des
soins palliatifs.
Les populations interrogées représentent tous les prati- Plus spécifiquement, les questionnaires ont été distri-
ciens (personnel soignant, médecins et personnel médico- bués à l’hôpital régional de Delémont (HRD), à l’hôpital
thérapeutique), et l’ensemble des directions des institu- régional de Porrentruy (HRP), à l’hôpital de district de
tions du canton du Jura. Saignelégier (HDS) ainsi qu’à l’ensemble des homes et
foyers, aux 7 services d’aide et de soins à domicile (SAS),
à la majorité des cabinets médicaux et aux infirmières de
la Ligue Jurassienne Contre les Toxicomanies (LJCT).
4
« Soins actifs, complets, donnés aux malades dont l’affection ne Le taux de participation pour la plupart des institu-
répond plus au traitement curatif. La lutte contre la douleur et
les autres symptômes, ainsi que la prise en considération des
tions se situe dans une fourchette de 45 à 55%. Le calcul
problèmes psychologiques, sociaux et spirituels sont primor- par regroupement en trois grands domaines de pratique
diaux. Ils ne hâtent ni ne retardent le décès. Leur but est de pré-
5
server la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la mort ». StatSoft France (1997). STATISTICA pour Windows.

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donne les indications suivantes: Hôpitaux (HRD et Sexe, âge et années de diplôme
HRP) 64%, homes et foyers (y compris l’HDS) 41%,
soins à domicile 46%. Le taux de participation sur les 84 La population féminine représente plus du 80%, celle-ci
questionnaires envoyés aux cabinets médicaux est quant est plus importante dans les professions infirmières et
à lui de 32% (27 questionnaires en retour). « d’aides ». La proportion est inversée pour les médecins
Par ailleurs, la distribution des questionnaires s’étant et partagée pour les professions « sociales ».
réalisée par l’intermédiaire des responsables des services, Les effectifs par tranches d’âge montrent que plus du
il a été difficile de tenir une comptabilité exacte des tiers des personnes se situe dans les 30-39 ans, viennent
questionnaires distribués par catégories professionnelles. ensuite à raison de 25% chacune les tranches 20-29 et 40-
Par conséquent, nous avons calculé ces taux de participa- 49. Le reste (19%) se situe dans la classe 50-65.
tion en nous basant sur les statistiques cantonales. En
regroupant ici les professions en trois catégories, nous
obtenons les valeurs suivantes: Pour les directions d’institutions

Personnel soignant Médecins (médecins Personnel médico- La majorité des répon- Effectif
(infirmières, IA, AS, installés, médecins-chefs thérapeutique (physio
ADS et AF) et médecins assistants) et ergothérapeutes)
dants (11) exerce la «fonc-
Directeur 7.0
tion» d’infirmier(re) res-
47% (558/1175) 57% (64/111) 57% (32/56)
ponsable, alors que le solde Infirmier(re) responsable 11.0
exerce celle de directeur (7).
Ce constat est à mettre en relation avec une proportion
Pour les directions d’institutions importante de questionnaires retournés par les respon-
sables des services de soins à domicile6.
Le taux de participation atteint 80%. Nous relevons l’ex- Le nombre de lits des institutions se situe pour une
cellente participation des services de soins à domicile et majorité dans une fourchette de 20 à 90 lits, seulement
des homes/foyers, mais nous regrettons de ne bénéficier 2 institutions ont plus de 100 lits. A noter que pour l’en-
des données de toutes les institutions hospitalières. semble des services de la FAS, la somme des cas traités
annuellement est de 4058 personnes7.

Profil des répondants


Définition en matière de soins palliatifs
Pour les praticiens
Les praticiens interrogés se sont prononcés au sujet de
Un découpage par domaine de pratique montre qu’envi- leur «… connaissance d’une définition en terme de soins
ron la moitié des répondants provient du milieu hospita- palliatifs ».
lier. Nous trouvons ensuite, à raison d’un cinquième cha- Plus de la moitié des 678 répondants ont connaissance
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cun, les homes/foyers et soins à domicile. d’une définition. La transmission orale par une tierce
Dans le domaine hospitalier, nous observons un personne est privilégiée dans 22% de cas et la transmis-
nombre de répondants plus important dans les services de sion écrite n’a été spécifiée que 9 fois sur 100.
médecine (86) que de chirurgie (59). Nous notons aussi Aux directions, nous avons demandé: « Dans la mis-
une participation importante des services « à haute techni- sion de votre établissement, existe-t-il une définition spé-
cité » (Soins intensifs/Urgences/Bloc/Hémodialyse) (73). cifique en matière de soins palliatifs?» et s’ils disposaient
Le regroupement de la psychiatrie et de la psychogériatrie « d’un texte de référence qui précise vos attentes ». Une
totalise 35 questionnaires alors que le secteur mère-enfant question portait sur l’existence ou non d’une «… mention
(pédiatrie/maternité/gynéco) se monte à 31. A noter égale- explicite » en matière de soins palliatifs dans les cahiers
ment que, dans les services hospitaliers, une majorité de des charges de leurs collaborateurs.
répondants appartient à la profession infirmière. Deux institutions sur les 17 mentionnent qu’il existe,
La répartition par professions est la suivante: le 45% dans la mission de leur institution, une définition spéci-
(307) provient des professions d’infirmières [Infirmières fique en matière de soins palliatifs. Les deux mêmes ins-
niv. 2 et 1, Infirmières assistantes (IA)], suivie par les pro- titutions indiquent disposer d’un texte de référence,
fessions « d’aide » [Aides soignantes (AS), aides familiales mais un seul texte nous est parvenu. Les réponses affir-
(AF) et auxiliaires des santé (ADS)] avec 38% (251), puis matives proviennent pour l’une, d’un établissement pour
les médecins avec 10% (64). Les professions médico-tech-
niques (physiothérapeutes et ergothérapeutes) représen- 6
Plusieurs directions de homes et les responsables des services
tent le 5% (32), puis les professions « sociales » (assistants de soins à domicile ont une formation en soins infirmiers.
sociaux, psychologues, et représentants spirituels) 2% (11). 7
Statistiques 2001.

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personnes âgées et pour l’autre, d’un des services de celui d’« Une formation spécifique » apparaît en 2e posi-
soins à domicile8. tion. Le croisement par professions montre qu’une majo-
Aucune institution précise avoir une mention expli- rité des AF, des ADS et des ergothérapeutes désignent
cite dans le cahier des charges de leurs collaborateurs. comme premier choix le facteur qui fait référence à la for-
mation spécialisée. Ce même item n’est pas satisfait
dans près de 12% des réponses (1re position), alors que
Formation post-grade et formation continue
(voir tableaux I, II) la formation initiale n’est mentionnée que dans 2.9%.
L’analyse par profession et par domaine montre des pro-
Lorsque l’on demande aux praticiens de déterminer, parmi portions similaires. Toutefois le facteur non satisfait se
19 facteurs, ceux favorisant une prise en charge optimale, rapportant à une formation spécialisée est nettement plus
marqué dans le domaine « Foyer » et dans les groupes
8 professionnels « AF » « ADS » et « Social ».
A noter que la direction de ce secteur s’est exprimée par la néga-
tive à ce sujet, certainement que ce service a élaboré un texte Nous constatons que le 35% des répondants n’a suivi
indépendamment des autres. aucune journée de formation spécialisée post-grade. Une

Tableau I.

Facteurs favorisants Choix 1 Choix 2 Choix 3 Total pour 3 choix


% de réponse

% de réponse

% de réponse

% de réponse
1 réponse par choix
Effectifs

Effectifs

Effectifs

Effectifs
Rang

Rang

Rang

Rang
La gestion adéquate de la 275.0 41.1 1 121.0 18.6 1 49.0 7.6 5 445.0 22.7 1
douleur physique et psychique
Une formation spécifique 117.0 17.5 2 77.0 11.8 2 42.0 6.5 7 236.0 12.0 2
La coordination et la 40.0 6.0 5 74.0 11.4 3 95.0 14.8 1 209.0 10.6 3
collaboration entre les
différents intervenants
L’ambiance dans l’équipe 83.0 12.4 3 44.0 6.8 7 65.0 10.1 3 192.0 9.8 4
Les difficultés avec lesquelles 22.0 3.3 8 61.0 9.4 4 69.0 10.7 2 152.0 7.7 5
le patient et ses proches
vivent cette période
Vos expériences personnelles 41.0 6.1 4 57.0 8.8 5 47.0 7.3 6 145.0 7.4 6
vis-à-vis de la mort
Un lieu d’écoute et d’échange 28.0 4.2 6 51.0 7.8 6 56.0 8.7 4 135.0 6.9 7
Une philosophie ou politique 25.0 3.7 7 34.0 5.2 8 35.0 5.5 9 94.0 4.8 8
clairement définie dans
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l’institution
La charge de travail 12.0 1.8 9 29.0 4.5 9 42.0 6.5 7 83.0 4.2 9
Des personnes conseils, 9.0 1.4 10 24.0 3.7 10 20.0 3.1 11 53.0 2.7 10
externes à l’équipe
La présence de bénévoles 1.0 0.2 15 16.0 2.5 11 31.0 4.8 10 48.0 2.5 11
La reconnaissance de votre 7.0 1.1 11 16.0 2.5 11 11.0 1.7 16 34.0 1.7 12
rôle professionnel dans
l’équipe pluridisciplinaire
Votre état d’esprit du moment 2.0 0.3 13 15.0 2.3 13 15.0 2.3 14 32.0 1.6 13
Les échanges interdisciplinaires 2.0 0.3 13 9.0 1.4 15 16.0 2.5 13 27.0 1.4 14
La compréhension de vos 0.0 0.0 16 5.0 0.8 17 17.0 2.6 12 22.0 1.1 15
responsables
Votre formation initiale 5.0 0.8 12 10.0 1.5 14 8.0 1.2 17 23.0 1.2 16
La présence de lieux de 0.0 0.0 16 6.0 0.9 16 13.0 2.0 15 19.0 1.0 17
recueillement
Votre revenu 0.0 0.0 16 1.0 0.2 18 6.0 0.9 18 7.0 0.4 18
Le nombre de décès ou 0.0 0.0 16 1.0 0.2 18 5.0 0.8 19 6.0 0.3 19
d’accompagnements
Total réponses 669.0 100.0 651.0 100.0 642.0 100.0 1962.0 100.0

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Tableau II.

Facteurs non satisfaits

réponse
Effectifs

Rang
% de
3 choix au maximum
Une formation spécifique 142.0 11.9 1
La charge de travail 139.0 11.7 2
Des personnes conseils, externes à l’équipe 137.0 11.5 3
Une philosophie ou politique clairement définie dans l’institution 112.0 9.4 4
Un lieu d’écoute et d’échange 107.0 9.0 5
La coordination et la collaboration entre les différents intervenants 72.0 6.0 6
La gestion adéquate de la douleur physique et psychique 69.0 5.8 7
La présence de lieux de recueillement 66.0 5.5 8
Les échanges interdisciplinaires 54.0 4.5 9
La reconnaissance de votre rôle professionnel dans l’équipe pluridisciplinaire 44.0 3.7 10
La présence de bénévoles 37.0 3.1 11
Les difficultés avec lesquelles le patient et ses proches vivent cette période 37.0 3.1 11
Votre formation initiale 35.0 2.9 13
Votre revenu 27.0 2.3 14
La compréhension de vos responsables 27.0 2.3 14
L’ambiance dans l’équipe 25.0 2.1 16
Le nombre de décès ou d’accompagnements 25.0 2.1 16
Vos expériences personnelles vis-à-vis de la mort 21.0 1.8 18
Votre état d’esprit du moment 17.0 1.4 19
Total réponses 1193.0 100.0

proportion supérieure (49%) a suivi entre 1 et 10 jours de semble. A noter que plus de 2 personnes sur 5 ont men-
formation. Seulement 9% expriment avoir réalisé plus de tionné cette condition comme leur premier choix. Le
20 jours de formation. croisement par profession et par domaine de pratique
Pour la catégorie 0 jour de formation nous trouvons montre pour cette variable des proportions relativement
41% des infirmières, 34% des médecins, 47% des ADS et homogènes, à l’exception des groupes professionnels AF,
plus de 70% des physiothérapeutes. ADS et ergothérapeutes.
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L’avis des directions au sujet de la formation spéci- Lorsqu’on demande aux praticiens si ce facteur est
fique en soins palliatifs de leur personnel montre des ten- satisfait dans leur institution, il apparaît que la « Gestion
dances semblables puisque la formation spécifique est de la douleur physique et psychique » se classe en 7e posi-
mentionnée 3 fois comme point fort et 10 fois comme tion (5.8%) sur 19. Nous trouvons des indices plus mar-
point à améliorer. Cependant des ressources en per- qués pour les professions « Infirmières » et « AS », ainsi
sonnes formées sont mentionnées 13 fois, toutefois les qu’un écart assez conséquent entre les domaines « Foyer »
données récoltées ne nous ont pas permis d’établir les (15%) et « Cabinet médical » (3%).
proportions par institution de ce personnel. Par ailleurs, l’indice de satisfaction au sujet de la
douleur est qualifiée de « Moyennement satisfaisante »
par le 50% des répondants, alors que seulement 26% la
Qualité des soins (voir tableaux I, II, III)
juge « Très satisfaisante ». Pour les modalités « Peu satis-
faisante » et « Pas du tout satisfaisante », nous trouvons
Concernant la « Qualité des soins », il apparaît très claire-
encore respectivement 12 et 2.5% des répondants. Le
ment que le facteur jugé prioritaire pour une prise en
charge de qualité est la gestion adéquate de la douleur tableau croisé révèle, pour les professions des soins infir-
physique et psychologique. Le cumul des effectifs des miers et les médecins, un indice de satisfaction très légè-
3 rangs9 totalise 445 réponses soit près du 22.7% de l’en- rement inférieur, alors que la tendance inverse s’affiche
dans les foyers pour personnes âgées.
9
Nous avons demandé aux praticiens de faire 3 choix par ordre de Concernant la variable « La réponse visant le contrôle
priorité parmi 19 items. de la douleur », elle affiche des valeurs semblables à la

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Tableau III.

Indices de satisfaction

Moyennement

Ne peut pas
Pas du tout
N direction = 18

répondre
N praticiens = entre 672 et 654
P = praticiens (%)

Très

Peu
D = direction (nbre/18)
P D P D P D P D P D
Indice global 16.5 6/18 56.5 11/18 6.3 0/18 1.2 1/18 19.5 0/18
Soins relationnels
L’écoute de la personne soignée 46.4 13/18 43.1 5/18 3.1 0/18 1.30 0/18 6.1 0/18
L’écoute de la famille 38.4 12/18 45.9 6/18 6.6 0/18 1.20 0/18 7.9 0/18
L’accompagnement de la famille et des proches 25.2 10/18 52.0 8/18 10.6 0/18 1.20 0/18 11.0 0/18
La compréhension des manifestations des mourants 20.5 4/18 50.9 14/18 13.2 0/18 1.7 0/18 13.8 0/18
et des proches (déni, colère, dépression,
marchandage, acceptation, etc.)
La réponse aux besoins spirituels 30.8 6/18 35.3 8/18 13 1/18 2.9 1/18 18 2/18
Soins de suppléance et techniques
Les soins de nursing et de confort 54.4 14/18 29.9 3/18 3.4 1/18 0.3 0/18 12 0/18
L’évaluation de la douleur 25.7 3/18 50.3 11/18 11.9 4/18 2.4 0/18 9.7 0/18
La réponse visant le contrôle de la douleur 27.2 3/18 47.2 8/18 11.1 6/18 2.7 0/18 11.8 1/18
(analgésiques et autres)
Le traitement palliatif des autres symptômes 18.2 0/18 48.2 13/18 12.4 2/18 2.6 1/18 18.6 2/18
Les soins mortuaires 33.9 10/18 25 4/18 2.7 0/18 1.1 0/18 37.3 1/18
Travail en équipe et collaborations
La collaboration en équipe 48.3 9/18 37.9 8/18 5.4 1/18 1.4 0/18 7 0/18
La collaboration avec les réseaux de soins 27.1 7/18 46 8/18 13 3/18 2.9 0/18 11 0/18
Les ressources externes (par ex. : conseils par 9.5 3/18 29.8 6/18 24 1/18 14 4/18 22.7 4/18
des consultants, spécialistes)
La collaboration avec les bénévoles 30.9 10/18 21.9 3/18 11.6 1/18 6.3 0/18 29.3 4/18
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variable précédente. Cependant, près du 15% des infir- trouvons entre les positions 7 à 9 la nécessité d’un «Lieu
mières et des IA expriment un avis peu satisfaisant, alors d’écoute et d’échange» (6.9%), suivi par «Une philosophie
que cet indicateur n’est que de 3% chez les médecins. ou politique clairement définie au sein de l’institution
Une analyse plus fine montre un indice de satisfaction (4.8%), et «La charge de travail» (4.2% des réponses cumu-
sensiblement moins élevé pour le secteur hospitalier. lées et seulement 1.8% en premier choix). Nous sommes
Les indices de satisfaction déclarés par les directions toutefois surpris de voir en dernières positions «La pré-
au sujet de ces mêmes items sont moyennement satisfai- sence d’un lieu de recueillement» (1%), «Le nombre de
sant à peu satisfaisant. De plus la qualité de prise en décès ou d’accompagnements» (0.3%), ainsi que l’aspect
charge de la douleur est seulement relevée par deux du revenu (0.4%) qui, selon les praticiens, ne sont pas des
directions comme point fort. facteurs déterminants pour une prise en soins de qualité.
Relevons l’excellent indice de satisfaction relatif aux Dans ce même regroupement des facteurs jugés non
« Soins de nursing » relevé tant par les praticiens et que satisfaits, nous trouvons respectivement en 2e et 4e posi-
par les directions. tion les facteurs se référant à la charge de travail (11.7%)
et à une philosophie ou politique de soins clairement
définie (9.4%). Pour ceux-ci, le croisement par groupes
Conditions de travail (voir tableaux I, II) professionnels, fait apparaître pour la « Charge de travail »
des proportions plus importantes chez les « Infirmières »,
Concernant le regroupement relatif aux « Conditions de les « AS » et les « Sociaux ». Le croisement par domaines
travail », nous pouvons mentionner que, pour les facteurs montre une certaine homogénéité pour les items men-
jugés favorisants pour une prise en soins de qualité, nous tionnés ci dessus, à l’exception des « Soins à domicile »

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P.-A. Charmillot, Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien

qui montrent un indice plutôt faible au sujet de la charge alors que la collaboration semble meilleure avec les soins
de travail. à domicile et les hôpitaux. Pour ce même item, 12 direc-
Précisons encore que les conditions de travail sont tions sur 18 estiment les considérer comme des moyens
mentionnées à 10 reprises par les directions comme concrets pour assurer des soins auprès de personnes en
« Point à améliorer », 9 d’entres elles sur 18 pensent ne fin de vie.
pas bénéficier de ressources suffisantes. Seules 3 directions notent pouvoir bénéficier de « Res-
sources de personnes expertes » alors que 12 mentionnent
que la collaboration et la supervision des équipes doivent
La coordination et la collaboration, les ressources être améliorées.
(voir tableaux I,II,III)

Les facteurs suivants sont favorables pour une prise en Soins relationnels (voir tableaux III)
charge de qualité pour les praticiens: en 3e position « La
coordination et la collaboration entre les différents inter- Les indices de satisfaction des deux variables qui font
venants » (10.6%), suivi de « L’ambiance dans l’équipe » référence à l’écoute de la personne soignée et de la
(9.8%). Par ailleurs, « Des personnes conseils externes famille présentent des valeurs contenues dans une four-
à l’équipe » (2.7%) et « La présence des bénévoles » chette entre 43 à 46% pour la modalité « Moyennement
(2.5%) sont indiqués respectivement en 10e et 11e posi- satisfaisant » et de 38 à 46% pour « Très satisfaisant ».
tion, alors que les « Echanges interdisciplinaires » (1.4%) Concernant l’accompagnement de la famille et des
et la « Compréhension des responsables » (1.1%) sont proches, nous observons un taux de plus de 50% pour la
classés dans les derniers rangs. modalité « Moyennement » et seulement 25% pour celle
Dans cette même catégorie, ceux jugés non satisfaits « Très satisfaisant ». A noter également un taux de 10%
par les praticiens dans leur pratique quotidienne se répar- pour la modalité « Peu satisfaisant ».
tissent de la manière suivante: le facteur relatif aux per- 51% des répondants jugent la variable « La compré-
sonnes-ressources externes à l’équipe se place en 3e posi- hension des manifestations des mourants et des proches
tion (11,5%). Il est proportionnellement plus important (déni, colère, dépression, marchandage, acceptation, etc.)
dans les groupes professionnels « Infirmières » et « Ergo- moyennement satisfaisante, et 13% la jugent pas du tout
thérapeutes » ainsi que dans le domaine « Foyer ». En 6e satisfaisante.
position, nous trouvons le facteur relatif à la coordination La réponse aux besoins spirituels est jugée très et
et la collaboration entre les différents intervenants (6%). moyennement satisfaisante par environ le 1/3 des profes-
D’autre part, les indices de satisfaction concernant la sionnels pour chacune des modalités, alors que près du
collaboration en équipe est jugée « Très satisfaisante » par 16% la jugent peu ou pas du tout satisfaisante. Pour cette
48% des répondants et par 38% pour la modalité suivante variable, près du 18% des répondants n’ont pas pu
alors que seulement 5% la jugent « Peu satisfaisante ». La répondre.
collaboration avec les réseaux de soins est jugée moins
satisfaisante, puisque seulement 27% l’évaluent « Très
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satisfaisante » alors que 16% l’estiment peu et pas du tout Discussion
satisfaisante. L’analyse par domaine de pratique montre
pour cette dernière variable des indices de satisfaction Force est de constater qu’une toute petite minorité des
moins élevés pour les hôpitaux et les cabinets médicaux. institutions du canton du Jura est dotée d’une définition
Ces mêmes indices de satisfaction indiquent, concer- en matière de soins palliatifs, alors que la moitié des pro-
nant le point « Les ressources externes », la modalité « Je fessionnels de ces mêmes institutions dit connaître une
ne peux pas répondre » pour plus du 22% des répondants. définition en termes de soins palliatifs. A quelle défini-
Malgré ce taux important d’abstention, il apparaît que tion les praticiens interrogés font-ils référence (plus de
seulement 9.5% et 30% des personnes interrogées jugent 50%)? Celle-ci serait-elle partagée seulement au sein
respectivement très satisfaisant et moyennement satis- d’une équipe ou d’un groupe professionnel? Comment
faisant les ressources externes dont ils bénéficient dans le les soignants, à l’intérieur de leur institution, trouvent-ils
cadre des activités de soins aux mourants. Pour les moda- un consensus en matière de soins palliatifs, si aucune
lités « Pas » et « Peu satisfaisant », nous trouvons des pro- politique claire n’est définie par l’ensemble des acteurs
portions allant respectivement de 14% à 23%. Concernant et la direction?
la collaboration avec les bénévoles, les effectifs se répar-
tissent ainsi: 31% jugent « Très satisfaisante » et 22%
« Moyennement satisfaisante » leur collaboration avec les Nécessité d’une politique claire
bénévoles. L’analyse croisée montre que globalement
l’indice de satisfaction est moins élevé dans les institu- Les données récoltées auprès des deux populations ne
tions pour personnes âgées et les cabinets médicaux, permettent pas d’avoir une évaluation pertinente sur les

INFOKara, vol. 19, N° 2/2004 49


P.-A. Charmillot, Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien

représentations des praticiens en matière de soins pallia- «spécialisées». De plus, il semble nécessaire qu’une étude
tifs. La carence constatée ici peut laisser augurer des plus ciblée soit menée dans le canton afin de mieux éva-
visions hétéroclites, voire réductrices. Les entretiens que luer les forces et faiblesses de la prise en charge de la dou-
nous menons dans le cadre de la formation continue met- leur, plus particulièrement aux différents âges de la vie et
tent en évidence, encore trop souvent, des définitions les domaines de pratique.
polysémiques des soins palliatifs. Par exemple, ce terme
est très fréquemment associé à la question de la douleur
physique uniquement, aux soins terminaux ou aux Mettre en place une formation spécifique
patients cancéreux.
Par conséquent, l’absence d’une politique claire, par- Pour une forte majorité des praticiens jurassiens, une for-
tagée par l’ensemble des professionnels de la santé d’une mation spécifique semble être un élément capital afin de
même institution, induit sans aucun doute des pratiques pouvoir offrir ces prestations. Cependant, aucun élément
de soins variées et inégales. Dans certaines situations, ce dans l’étude ne permet de vérifier quelle pourrait être la
déficit peut, malheureusement, retarder des interven- particularité de cette formation. Est-ce qu’elle doit se
tions de nature palliative et, par conséquent, contribuer à situer à un niveau de transfert de connaissances et de pro-
perturber la qualité de vie de nombreux patients et leurs cédures de soins ou alors dans le domaine du développe-
proches. Nos résultats mettent en évidence les mêmes ment personnel?
particularités que l’étude menée par le canton de Vaud Dans son mémoire de maîtrise, Françoise Porchet a
(IUMSP, 2001) qui relève, pour une large majorité des interrogé 40 soignants ayant suivi des formations diffé-
institutions vaudoises, «…l’incapacité de définir ce que sont rentes. Cela lui a permis de mettre en évidence que « les
les soins palliatifs en général et, à plus forte raison, d’énoncer acquisitions liées aux domaines spécifiques de connais-
une définition opérationnelle de ce type de soins, comprenant des sances qu’il est nécessaire de posséder pour offrir des
critères de début et de fin de traitement. Il en résulte une simpli- soins palliatifs de qualité sont incomplètes: ceci a pour
fication hâtive reposant sur le seul critère que tous peuvent conséquence que les personnes formées ne peuvent ni
appréhender facilement: le décès du patient »[4]. jouer le rôle de multiplicateurs auprès des collègues, ni
devenir des acteurs de changement ». Ses recherches
l’ont incitée à développer un modèle en trois points. Tout
La gestion de la douleur fondamentale d’abord elle souhaite replacer le patient et ses proches au
centre des préoccupations des formateurs et préconise
La question de la gestion de la douleur est fondamentale l’élaboration d’un référentiel de compétences en soins
aux yeux des répondants, mais ils signalent aussi que des palliatifs. Ensuite, elle propose la mise sur pied d’un pro-
efforts en la matière mériteraient d’être engagés. Ces gramme d’information et de sensibilisation aux soins pal-
quelques indicateurs ne permettent pas de porter une éva- liatifs dans l’ensemble des structures de soins, y compris
luation rigoureuse sur les pratiques et les attitudes face à la les institutions accueillant des personnes handicapées.
gestion de la douleur dans les institutions jurassiennes. Pour terminer, elle pense nécessaire de mettre sur pied
De nombreuses études ont démontré qu’une gestion des programmes de formations différenciés selon les
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adéquate de ces paramètres est la condition essentielle publics, cela en coordonnant les formations en soins pal-
pour assurer un soutien psychologique auprès des per- liatifs déjà existantes [6].
sonnes mourantes [5]. Une réponse inappropriée à la dou- En conséquence, la récurrence de la question de
leur physique et psychique mobilise, chez le patient et formation nous interpelle et montre combien elle est
ses proches, une énergie qui freine, voire empêche le tra- fondamentale à l’amélioration des prestations offertes.
vail de deuil. Cependant, l’enquête n’a pu explorer les besoins spéci-
Une réponse adaptée aux manifestions physiques et fiques en matière de formation. Dans un premier temps,
psychologiques demande, de la part des professionnels un inventaire plus précis devrait être réalisé dans les insti-
en contact permanent avec les malades, des compétences tutions jurassiennes. Ensuite, il serait opportun d’utiliser
accrues tant dans le jugement clinique porté sur la situa- les ressources existantes dans le cadre de la formation
tion du patient (évaluation, diagnostic) que dans la continue du site BEJUNE de la HES-S2. Cette structure
réponse adéquate aux manifestations observées (connais- pourrait devenir un centre de coordination, de conception
sance et maîtrise des protocoles). Actuellement les condi- et de production en matière de formation spécialisée. De
tions au niveau cantonal ne sont pas satisfaisantes pour plus, nous pensons indispensable d’élaborer une forma-
fournir des prestations encore meilleures. Par voie de tion de type modulaire permettant à chaque catégorie pro-
conséquence, il paraît essentiel que les praticiens puis- fessionnelle d’y accéder. Celle-ci devrait inclure des stages
sent bénéficier à l’avenir d’une mise à niveau pratique et dans des centres de soins palliatifs romands, afin de per-
théorique permanente dans ce domaine afin, entre autres, mettre une formation basée sur l’alternance. Finalement,
de renforcer la détection des besoins des patients pour, le nous jugeons utile de sensibiliser la totalité des profession-
cas échéant, les mettre en contact avec des structures nels jurassiens à la question des soins palliatifs.

50 INFOKara, vol. 19, N° 2/2004


P.-A. Charmillot, Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien

Instaurer une dynamique du travail interdisciplinaire par contre non satisfaite dans une très forte majorité.
Probablement que ce constat est à mettre en relation
Les facteurs touchant au travail en équipe semblent avec la réalité que traversent toutes les institutions de
contribuer largement à une prise en soins adéquate. Il se soins depuis plusieurs années. Toutefois, il est démontré
dégage, de ces résultats, à la fois une volonté de collabo- que la complexité et la particularité des soins aux per-
rer avec les différents acteurs et une certaine difficulté à sonnes proches de la mort ou endeuillées contribuent à
la concrétiser (en particulier avec le corps médical du une surcharge physique et psychologique pour les
point de vue des directions). Cela doit nous rendre atten- équipes de soins et les familles, ce qui, en se répétant,
tifs à la complication que peut poser le travail interdisci- peut favoriser l’épuisement professionnel [5, 7, 8, 10].
plinaire, plus particulièrement en ce qui concerne l’inté-
gration dans les équipes de soins de ressources externes
et complémentaires. Développer les compétences en matière
Pour que s’installe une dynamique de travail efficace de communication
face à la complexité des situations, il est indispensable
que chaque professionnel puisse amener ses compé- Nous mesurerons tant chez les praticiens qu’auprès des
tences spécifiques au service de la personne soignée. Un directions, un indice de satisfaction plutôt favorable au
des moyens pour y parvenir passe par une meilleure sujet des soins relationnels. Parmi les cinq variables qui
connaissance des compétences de chacun (bénévoles et composent ce thème, celles qui font référence à l’écoute
professionnels) afin que chaque maillon de la chaîne des de la personne soignée et de la famille ainsi qu’à l’accom-
soins palliatifs puisse jouer son rôle. C’est pourquoi il est pagnement de ces dernières, montrent des taux de satis-
important de développer quelques offres de formation faction plutôt élevés. Par contre, l’indice qui concerne la
continue communes à l’ensemble des professionnels et compréhension des différentes manifestations liées à la
des bénévoles. Cette approche aurait comme avantage le perte et l’accompagnement des familles et des proches
développement de compétences communes, tout en est moins satisfaisant. Ce résultat peut s’expliquer par la
confortant les spécificités disciplinaires [4, 6]. haute exigence de connaissance de soi-même et des tech-
Par ailleurs, la question d’une présence médicale rela- niques de communication que demandent la perception
tivement réduite dans certaines institutions de soins pour et la compréhension des attitudes des personnes mou-
personnes âgées ainsi que les multiples médecins trai- rantes et des endeuillés [5, 7]. Le développement de ces
tants pour le secteur des soins à domicile peuvent faire compétences spécifiques requiert une longue expérience,
penser que la collaboration médicale n’est pas toujours une solide formation alors que sa mise en œuvre demande
optimale. D’autre part, l’absence d’une politique en du temps et de la disponibilité des professionnels. Or, les
matière de soins palliatifs au sein des structures sanitaires manifestations de mécontentement des professionnels de
du canton renforce la difficulté de collaborer. la santé de ces derniers mois témoignent des conditions
Bien que les résultats montrent combien une dyna- toujours plus difficiles pour satisfaire à ces exigences.
mique d’équipe satisfaisante est nécessaire, elle peut Le taux important de la modalité « Je ne peux pas
aussi parfois, a contrario, induire des freins. Une vision répondre » pour la variable « La réponse aux besoins spi-
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d’équipe trop corporatiste (équipe infirmière, médicale, rituels » peut en partie s’expliquer par le fait que les soi-
etc.) peut alors empêcher l’articulation de différentes dis- gnants font fréquemment un amalgame entre apparte-
ciplines (médicale, sociale, infirmière). nance religieuse et dimension spirituelle. C’est pourquoi
Dans le contexte des soins palliatifs (mais probable- les professionnels ne pensent pas pouvoir apporter une
ment aussi dans d’autres), les praticiens devraient pouvoir réponse satisfaisante et font appel à un représentant du
bénéficier de conseils et d’expertises. Toutefois, en aucun culte concerné. Il est donc difficile d’estimer sur quoi
cas, ces ressources devraient se substituer au travail des porte l’appréciation (plutôt satisfaisante) des profession-
praticiens de première ligne. L’intervention pluridiscipli- nels. S’agit-il des prestations des services d’aumônerie ou
naire de « spécialistes » devra se concrétiser seulement en de leur capacité d’entendre les questions que se posent
seconde ligne, par la mise à disposition de leurs compé-
les mourants sur le sens de l’existence, la souffrance, la
tences spécifiques au service des autres soignants.
maladie et la mort?
Lutter contre une surcharge physique et psychologique
Conclusion
Les conditions de travail sont modérément nommées
comme étant des éléments favorisant une bonne prise en
Pour la mise en place de structures de soins palliatifs,
charge, alors qu’elles sont plutôt désignées comme non
nous formulons quelques propositions:
satisfaites dans la pratique quotidienne. Parmi celles-ci
nous relevons que la charge de travail, bien que moyen- • La désignation, dans chaque institution, de personnes
nement identifiée comme étant un facteur favorisant, est de référence spécialement formées en soins palliatifs,

INFOKara, vol. 19, N° 2/2004 51


P.-A. Charmillot, Soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie: enquête sur le système sanitaire jurassien

assurant la collaboration, à l’interne, d’autres spécia- • L’intégration, dans l’équipe mobile et au centre de
listes et chargées de faire appel, en fonction des situa- soins palliatifs, de bénévoles dûment formés pour
tions, à l’équipe mobile. assurer présence, réconfort, écoute et soutien dans les
• La création, pour le canton, d’une équipe mobile spé- derniers instants de la vie.
cialisée en soins palliatifs, intervenant en seconde • L’instauration d’une collaboration étroite avec la HES
ligne sur le lieu de vie (domicile, home, etc.) et à l’hô- santé-sociale BEJUNE afin d’élaborer, pour l’ensemble
pital, rattachée soit à l’unité de soins palliatifs station- des professionnels, des offres de formation qui répon-
naire et/ou au centre de référence de la Chrysalide dent aux exigences et aux besoins de chaque catégo-
(dans l’éventualité d’un développement d’un centre rie et d’ouvrir un champ de recherche appliquée aux
de référence pour l’arc jurassien). soins palliatifs.
• La désignation de la Chrysalide à La Chaux-de-Fonds • La création d’un groupe de pilotage cantonal et/ou
(14 lits de soins palliatifs répondant aux besoins de la intercantonal chargé d’élaborer un modèle d’organisa-
population des régions BEJUNE, 270’000 habitants) tion tenant compte des ressources humaines, maté-
comme centre de référence en soins palliatifs pour rielles et économiques du canton et des régions voi-
l’arc jurassien avec trois missions (hospitalisation des sines, qui devrait être fonctionnel assez rapidement.
patients présentant une certaine complexité, supervi-
sion des équipes mobiles des trois régions, centre de
référence en matière de formation pour les différentes En conclusion, pour combler ses lacunes importantes
catégories de personnel). dans le domaine des soins palliatifs, le canton du Jura doit
• La création de quelques lits spécialisés dans un service élargir son offre en tenant compte d’un principe-clé [4, 11] :
de médecine sub-aiguë, en complément ou comme elle sera accessible à toute personne en ayant besoin
alternative au centre de référence, servant pour les (soins terminaux et toutes autres maladies chroniques
hospitalisations en cas de traitements répétitifs, d’ajus- évolutives), indépendamment de son âge, de sa patholo-
tement de traitement, de sentiments d’insécurité. Les gie, de son lieu de vie (y compris home et foyer pour per-
équipes mobiles pourraient y être rattachées, favori- sonnes âgées ou personnes handicapées) et de ses autres
sant ainsi une émulation entre les différents experts. caractéristiques socio-économiques.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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