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Actualités en Médecine Physique

et de Réadaptation ÉDITORIAL

Maintien des personnes


à domicile : télérééducation,
É.Klinger
téléréadaptation et e-santé
S. Poiraudeau
Staying at home: telerehabilitation
Évelyne Klinger
Directrice du Laboratoire de
and e-health
recherche Interactions Numériques
Santé Handicap - ESIEA,
responsable du programme
Systèmes Interactifs pour
la Participation et l’Autonomie
Vieillissement de la population, lésions cérébrales, pathologies neurodégé-
de l’IFRH.
nératives, maladies chroniques sont autant de causes potentielles d’atteintes
Serge Poiraudeau cognitives, sensorielles, comportementales ou motrices, retentissant sur la
Hôpital Cochin et université
Paris-Descartes ; directeur de participation des personnes ainsi que sur leur autonomie et sur leur vie dans
l’IFRH, directeur de l’équipe ECaMo,
CRESS Inserm U1153 ; rédacteur
en chef des Actualités en Médecine
la cité. La demande en assistance, compensation, rééducation ne cesse d’aug-
Physique et de Réadaptation.
menter, et trop de personnes encore ne peuvent en bénéficier. Le développe-
ment de la télérééducation, de la téléréadaptation et de l’e-santé permettra de
faciliter et d’intensifier les interventions et les actions auprès des personnes
concernées. Cette dynamique figure parmi les recommandations du Rapport
sur la télésanté publié en 2009 (1) ; elle nécessite une bonne compréhension
des besoins et des attentes des divers acteurs concernés.

Dans ce contexte, les sciences et technologies du numérique en général, les sys-


tèmes interactifs en particulier, représentent des opportunités pour apporter
des solutions visant à renforcer le lien entre les acteurs, la poursuite et le
suivi des soins au domicile ainsi que la transition entre l’hôpital et le domicile.
Ces solutions peuvent comporter différents volets tels que l’éducation théra-
peutique, la consultation, le traitement, le monitoring ou encore le lien social.

Certaines équipes de l’Institut fédératif de recherche sur le handicap (IFRH)


sont impliquées directement dans des projets traitant de la rééducation à domi-
cile ; plusieurs équipes développent des systèmes interactifs s’appuyant sur des
techno­logies variées du numérique (réalité virtuelle/augmentée, capteurs, robo-
tique, etc.) pour comprendre le fonctionnement humain, réadapter les personnes,
ou encore compenser le handicap. Que souhaitons-nous questionner aujourd’hui

4 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

pour assurer la santé à domicile de demain ? Pouvons-nous nous appuyer sur les
avancées de nos partenaires québécois ? Quels travaux menons-nous aujourd’hui
qui nous permettent de construire la démarche ? Au-delà des aspects techno­
logiques, où en sommes-nous en France sur les questions d’accepta­bilité,
d’éthique, de sécurité ?

Afin d’explorer certains des nombreux atouts et obstacles soulevés par cette
thématique tant au niveau des sciences humaines et sociales, des sciences
cliniques qu’au niveau des sciences et techniques de l’ingénieur, l’IFRH et
l’École d’ingénieurs du monde numérique (ESIEA) ont organisé conjointement
la Journée scientifique “Maintien des personnes à domicile : télérééducation,
téléréadaptation et e-santé”, avec le soutien de la Caisse nationale de solida-
rité pour l’autonomie (CNSA).

Cet événement s’est déroulé le 29 septembre 2016 dans les locaux de l’ESIEA, à
Paris. Il a été organisé en partenariat avec la SOFMER, l’association APPROCHE,
le réseau québécois de recherche en adaptation-réadaptation REPAR, le regrou-
pement stratégique québécois INTER, l’International Society for Virtual Reha-
bilitation (ISVR) et l’entreprise Interaction Healthcare.

Ce fut une opportunité de rencontres, d’échanges et de réflexions autour de


4 sessions, qui ont tout d’abord permis de faire un tour d’horizon des concepts,
définitions, et du cadre (session 1), puis d’examiner comment la thématique
est abordée hors de France, et plus particulièrement au Québec (session 2).
Une session de présentation de posters (session 3) a permis d’exposer des
travaux en cours dans les équipes de recherche de l’IFRH. Enfin, la session 4
IFRH :
a été dédiée à des actualités autour d’expériences françaises au niveau de la http://ifr-handicap.inserm.fr/
ESIEA : www.esiea.fr
recherche, du développement industriel et de la pratique clinique. La journée CNSA : www.cnsa.fr
Remerciements
scientifique s’est conclue par une table ronde et une discussion avec la salle qui Les responsables scientifiques
de la Journée et
le Comité d’organisation
ont permis d’aborder des sujets relatifs à l’éthique, à la sécurité, aux usages remercient les partenaires
pour leur contribution
et à l’organisation de la santé à domicile. au succès de l’événement.

Référence bibliographique
1. Lasbordes P. La télésanté : un nouvel atout au service de notre bien-être. Un plan quinquennal éco-responsable pour le
déploiement de la télésanté en France. Ministère de la Santé et des Sports. Paris, 2009, 247 pages.

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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication Télérééducation, téléréadaptation et e-santé :


définition, évolution et diversité des points de vue
sur ces concepts
Telerehabilitation and e-health: definitions, evolution
and range of perspectives of the terminology used
D. Kairy*

▸▸Le domaine du maintien à domicile utilisant les ▸▸The field of home care using Information and
POINTS FORTS

techno­logies de l’information et de la communica- Communication Technologies is evolving rapidly along


tion progresse rapidement avec l’évolution des tech- with the evolving technologies.

HIGHLIGHTS
nologies.
▸▸The terminology used to describe these home care
▸▸La terminologie pour décrire ces activités de main- activities varies depending on the technology used,
tien à domicile varie selon la technologie utilisée, the goal of the activity and the context in which the
l’objectif de l’activité et le contexte d’utilisation. activity is done.

Mots-clés : Téléréadaptation - Télérééducation - Keywords: Telerehabilitation - Physical therapy -


Physiothérapie - Kinésithérapie - Ergothérapie - Maintien Occupational therapy - Home care - Mobile technologies
à domicile - Technologies mobiles

L’utilisation des nouvelles technologies d’information et


Figure. Fréquence des termes utilisés.
de communication (TIC) sur Internet a le potentiel d’amé-
liorer l’accessibilité aux services de réadaptation ou de Téléréadaptation/
rééducation pour de nombreuses clientèles ayant une télérééducation
incapacité physique ou cognitive. Plus préci­sément, dans e-santé
le domaine du maintien à domicile, plusieurs facteurs, m-santé
tels que l’évolution des technologies et leur présence Télémédecine
de plus en plus prononcée dans la vie quotidienne, font Télésanté
que ce domaine évolue rapidement. Au cours de ces Autres
dernières années, on a noté un intérêt croissant pour
l’utilisation des TIC en réadaptation dans la littérature
scientifique (1). Il est donc essentiel de prendre le temps Terminologie
de réfléchir à la terminologie employée afin de s’assurer
qu’il existe un langage commun avant de commencer à
* École
faire le point sur la situation dans le domaine et réfléchir
de réadaptation, aux directions à venir. Certains auteurs proposent que lisées (par exemple, télémédecine, télésanté, m ­ -santé,
université les définitions utilisées varient selon le contexte d’utili- ­e-santé, télésurveillance). Des définitions seront propo-
de Montréal sation et avec l’avancement des technologies (2). À partir sées pour ces termes, qui sont les plus fréquemment
et CRIR-site IRGLM
du CIUSSS Centre-Sud- d’exemples tirés de la littérature scientifique récente, rencontrés dans la littérature de ces 2 dernières années.
de-l’Île-de-Montréal. les définitions utilisées, l’évolution de ces définitions et
la diversité des points de vue seront abordées.
1. En français, Télémédecine et télésanté
le terme anglais (telemedicine, telehealth)
telerehabilitation
est traduit par
Quelques définitions
“télérééducation” De façon générale, la télémédecine est souvent définie
dans les projets Le terme “télérehabilitation” ressort comme étant le comme étant l’utilisation des TIC pour l’offre de services
provenant de plus fréquemment utilisé lors d’une recherche de la de santé à distance (9). Plus précisément, la télé­médecine
l’Europe, notamment
la France, littérature scientifique dans la base de données PubMed est l’échange d’informations médicales d’un site à un autre
et “téléréadaptation” effectuée en juillet 2016 (figure). La plupart des études en utilisant la communication électronique pour améliorer
dans les projets définissent la téléréadaptation/télérééducation1 comme l’état de santé d’un patient (7). La télémédecine implique
provenant
du Canada. étant l’offre des services de réadaptation/rééducation souvent au moins un professionnel de la santé (10). Elle
Dans cet article, fournis à distance à l’aide des TIC (1, 3-8). On retrouve peut inclure une gamme de programmes et de services au
les termes également d’autres termes qui s’appliquent à la méde- patient, donc le consommateur et le fournisseur peuvent
“télérééducation”
et “téléréadaptation”
cine en général, incluant le domaine de la rééducation, varier (8). La télésanté englobe une définition plus élargie
sont utilisés et qui semblent refléter l’évolution de la terminologie de la santé, incluant des programmes qui n’impliquent
indifféremment. accompagnant le développement des techno­logies uti- pas nécessairement un patient (8, 10).

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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

e-santé (ehealth/e-health) Plusieurs technologies,


plusieurs termes
Le terme e-santé fait référence à l’offre de services
de santé supportée par des technologies et processus
électroniques (11). Cela inclut aussi l’accès à l’infor- Les technologies les plus utilisées dans les études ces
mation sur la santé. Ce terme est souvent utilisé dans 2 dernières années incluent la vidéoconférence, les
un contexte de responsabilisation du patient pour sa technologies portables (wearable technology), les télé-
santé (12) et ne nécessite pas toujours un professionnel phones intelligents (smartphone), les capteurs sans
en contact direct avec le patient (13). fil (wireless sensing), les portails pour patients (Web
Portals), les jeux vidéo (serious games) et la réalité vir-
tuelle. Quel rôle joue la technologie même dans l’évo-
m-santé (m-health) lution de ces concepts ? En effet, dans certains cas, les
termes utilisés reflètent diverses technologies. Par
Ce terme a émergé du terme e-santé avec l’évolution exemple, m-santé (m-health) est utilisé lorsque des
des technologies, plus précisément des technologies technologies mobiles sont employées. Certains termes
de communication mobiles telles que le téléphone reflètent le but de l’intervention. Par exemple, la télé-
­cellulaire/téléphone intelligent, les tablettes, les appli- surveillance indique le but de l’intervention, qui est le
cations mobiles, les assistants numériques personnels suivi des patients à distance dans leur milieu de vie
et d’autres dispositifs pouvant être connectés à Internet afin de surveiller leur état de santé et d’assurer leur
(par exemple, oxymètre, stéthoscope) via un téléphone sécurité à leur domicile. Enfin, les activités de télé­
intelligent, par exemple (2, 8, 13, 14). réadaptation peuvent être faites de façon synchrone
ou asynchrone. Lors d’activités synchrones (live), il y
a une transmission simultanée de vidéos ou d’autres
Télésurveillance (telemonitoring) informations entre patient et clinicien en temps réel,
tandis qu’en mode asynchrone (store and forward), il
Ce terme fait plus précisément référence aux activités y a l’envoi de données (par exemple, image, données
qui utilisent l’information vidéo, audio ou autre infor- cliniques) qui sont transmises après que l’événement
mation numérique pour surveiller l’état de santé du a eu lieu. Ces 2 modes (asynchrone et synchrone) ne
patient à distance, afin de l’orienter rapidement vers sont pas reflétés dans la terminologie utilisée. De plus,
les ressources appropriées ou pour modifier le pro- une intervention peut utiliser une approche combinée,
gramme ou le service offert (8). de sorte qu’elle comporte des activités synchrones et
Peu importe le terme utilisé ou la définition qui y est attri- asynchrones.
buée par les auteurs, dans la littérature, on retrouve des
exemples de TIC utilisées en réadaptation pour des indi-
vidus ayant des pathologies diverses et vivant dans la Conclusion
collectivité (par exemple, maladie de Parkinson, sclérose
en plaques, accident vasculaire cérébral, problèmes car- Cette synthèse se veut un début de réflexion sur les
diaques et pulmonaires, problèmes cognitifs incluant la différences entre les termes fréquemment rencontrés
maladie d’Alzheimer, survivants de cancer, lésion médul- dans la littérature en téléréadaptation/télérééduca-
laire, arthroplastie, gériatrie). Le terme utilisé ne reflète tion, dans le but de permettre l’expression du terme
donc pas nécessairement la population ciblée. Il ne dépend qui convient le mieux à l’approche étudiée ; cela faci-
pas non plus du domaine de l’intervention qui est effectuée litera la comparaison et la compilation des résultats
(par exemple, physiothérapie [Canada] ou kinésithérapie ­d’approches semblables, et permettra ainsi de docu- D. Kairy déclare
[France], ergothérapie, orthophonie, soins infirmiers, etc.), menter les répercussions de ces approches, d’iden- ne pas avoir
de liens d’intérêts
mais il y a également des termes précis utilisés par les tifier pour qui et dans quel contexte elles sont le plus en relation
professionnels de santé dans chacun de ces domaines. bénéfiques. avec cet article.

Références bibliographiques
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rehabilitation research with older adults at home: an
Real-time telerehabilitation for the treatment of mus- Machine protocol benchmark for eHealth applications -
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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication L’usage des technologies en télérééducation


modifie-t-il les concepts de rééducation ?
Does tele rehabilitation modify rehabilitation concepts?
O. Rémy-Néris*
POINTS FORTS

▸▸Les technologies rompent le lien direct soignant-­ ▸▸Technology breaks the link between the patient and

HIGHLIGHTS
soigné. the caregiver.
▸▸Les patients sont plus autonomes dans leur ▸▸Greater autonomy appears in rehabilitation pro-
rééducation. grams.
▸▸La place du thérapeute doit être redéfinie. ▸▸The place of the therapist must be redefined.

Mots-clés : Rééducation - Autonomie - Rupture - Relation - Keywords: Rehabilitation - Autonomy - Disruption -


Systèmes artificiels intelligents Relationship - Intelligent artificial systems

Les activités de rééducation ont essentiellement été Parallèlement, la rééducation a été profondément
pensées comme des activités d’interaction directe modifiée par plusieurs principes issus de l’EBM :
entre un thérapeute et un patient. La main du kinési­ • le nombre de répétitions de la tâche influe sur la
thérapeute masse le patient, établissant un lien direct performance (2) ;
de peau à peau et agissant principalement sur son • les programmes de rééducation à domicile ont gagné
anxiété (1). Ce lien est aussi renforcé par le contact leurs lettres de noblesse face à une rééducation plus
visuel et la proximité de communication entre le théra­ classique hospitalo-centrée (3) ;
peute et son patient. Les soins de kinésithérapie se • la multiplicité des tâches a probablement un rôle
sont construits principalement dans cette relation par propre dans l’amélioration des performances fonction-
des constats pragmatiques ayant pour la plupart une nelles, comme le montrent les techniques de contrainte
base empirique. Malgré ces bases peu scientifiques, la induite sur le membre supérieur de l’hémiplégique (4) ;
kinésithérapie est une thérapeutique largement pra- • le poids de l’éducation du patient et la nécessité de
tiquée et très demandée par les patients. Le dévelop- maintenir au long cours ses compétences.
pement de l’evidence-based medicine (EBM) dans le Ces progrès dans la compréhension des mécanismes
domaine de la rééducation a contribué à sélectionner participant à la récupération de la performance motrice
les soins les plus efficaces. Les comportements des ou cognitive en médecine physique et de réadaptation
patients face aux soins dépendent d’éléments psycho- (MPR) ont profondément nourri l’usage et le déve-
logiques, sociologiques et anthropologiques qu’il n’est loppement des technologies en MPR. Couplées à des
pas possible de développer ici. La quête de soins de problématiques d’optimisation des soins, les TIC appa-
rééducation oscille donc entre le soin qui fait du bien et raissent comme un nouveau recours pour le déve-
le soin efficace. C’est dans ce paysage qu’apparaissent loppement de services innovants répondant à ces
les moyens de télérééducation. différents champs.
La télérééducation, qui opère une séance de
rééducation sous la supervision d’un professionnel de
Nouvelles technologies santé situé à distance, est l’exemple type du couplage
dans la rééducation de l’amélioration des télécommunications et des flux
sur le web et des besoins d’optimisation des soins
pour un meilleur service aux personnes isolées. Elle
* Université
de Bretagne L’introduction des technologies, en particulier des TIC a prouvé son efficacité, en particulier en rééducation
occidentale, Brest ; (technologies de l’information et de la communica- orthopédique (5) et plus récemment en rééducation
service de médecine tion), a commencé par l’usage d’outils technologiques neurologique (6).
physique
et de réadaptation,
motorisés ou électriques de plus en plus sophistiqués
CHRU de Brest ; (les premiers robots ont été introduits en rééducation
Inserm U1101, dans les années 1980) puis, en partie grâce au dévelop- Modification du lien soignant-soigné
laboratoire pement de la rééducation cognitive, de moyens issus
de traitement
de l’information des TIC, notamment du développement de systèmes Les technologies permettent aujourd’hui de dépasser
médicale, Brest. usant d’environnements informatiques virtuels. la simple télésupervision donnant plus d’autonomie à

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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

un couple patient-système virtuel. Ces moyens mis en des informations à transmettre au soignant n’est pas
œuvre par les TIC interrogent sur le rôle de la relation connue et dépend de nombreux facteurs, tant techno­
soignant-soigné. logiques qu’humains. À cet égard, la télésurveillance
L’augmentation de la performance doit-elle être direc- d’un soin par une caméra n’est pas équivalente à la
tement guidée par le soignant ? Ce lien soignant-soigné vision directe quadridimensionnelle du soignant qui
si spécifique est profondément modifié par les TIC, quel intègre la vision 3D dans le temps, ni à celle que peut
qu’en soit le cadre. Cette rupture du lien suppose que fournir un ensemble de capteurs dont la complexité
le patient est doué d’une autonomie de travail au-delà des informations transmises doit être recomposée pour
d’un simple processus de répétition. Elle suppose égale­ qu’une information compréhensible par le ­soignant
ment que le patient noue une relation avec un système situé à distance (problèmes de l’intégration d’un flux
virtuel dont les agents virtuels vont devoir remplacer d’informations et de leur sélection pertinente) soit
les fonctions de soutien, d’encouragement, de guidance possible.
qu’assure normalement le thérapeute. Quel niveau Enfin, et parmi les multiples autres aspects, il faut
d’autonomie doit-on procurer à ces agents (avatars vir- évoquer l’impact de cette rupture du lien direct
tuels, robots, simple voix virtuelle, etc.) ? Quelles sont soignant-­soigné sur les capacités d’apprentissage du
les interactions nécessaires pour assurer tant l’enga- sujet. L’apprentissage guidé par un robot ou un avatar
gement du sujet dans la tâche que le suivi de celle-ci ne fait pas appel aux mêmes représentations que celui
ou encore celui de la progression de la performance ? guidé par un humain. Les représentations associées
La sélection de la tâche à exécuter peut-elle être par- à l’un et à l’autre sont susceptibles de modifier pro-
tiellement ou totalement gérée par le patient ? Dans fondément l’engagement du sujet dans la tâche, en
la mesure où les TIC permettent de rompre le lien particulier en rompant le lien de soumission du soigné
direct entre patient et soignant, même s’il est peu au soignant.
vraisemblable qu’un patient puisse et souhaite tota-
lement choisir le type d’exercice qu’il va réaliser, le
niveau d’autonomie du patient est considérablement Conclusion
augmenté par l’outil virtuel qui permet de multiplier
les propositions de séquences d’exercices organisés, La mise à distance du soin par les TIC est un élément
démultipliant ainsi la capacité d’un soignant. fondamental de l’évolution des soins en rééducation
et permet de questionner profondément de très nom-
breux champs jusqu’alors contraints par une seule
Redéfinir la place du thérapeute modalité relationnelle. Elle affecte aussi fortement
le rôle du soignant, qui devra s’adapter à cette nou-
Si des systèmes virtuels et à distance peuvent être mis velle conception du soin, et ouvre des perspectives
en place, ils questionnent alors aussi sur la place du multiples de recherche dans les domaines techno­
soignant dans la chaîne de soins. ­Celui-ci devient moins logiques mais aussi des sciences humaines afin de O. Rémy-Néris
opérateur de soins et plus adaptateur de ceux-ci en développer les systèmes les plus appropriés à répondre déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts
fonction d’informations fournies par le patient éventuel- aux besoins m­ ultiples des soignés, de leur entourage en relation avec cet
lement équipé de capteurs communicants. La définition et des ­soignants. article.

Références bibliographiques
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a randomized controlled trial. Am J Phys Med Rehabil 2016. [Epub ahead of print]

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et de Réadaptation DOSSIER

Communication Interfaces interactives et vie quotidienne


Interactive interfaces and daily life
A. Roby-Brami1, W. Bachta1, S. Page1, F. Bevilacqua2, V. Marchand-Pauvert3, L. Saint Bauzel1,
C. Kemlin1-3, P. Pradat-Diehl3, 4, V. Pasqui1, N. Jarrassé1
POINTS FORTS

▸▸Des capteurs embarqués permettent de concevoir

HIGHLIGHTS
des systèmes interactifs pour la robotique d’assis- ▸▸Embedded sensors were used to design interactive
tance. systems for assistive robotics.
▸▸Les perspectives concernent les applications dans ▸▸The perspectives aim toward their use in daily life.
la vie quotidienne.

Mots-clés : Capteurs embarqués - Interactivité - Robotique Keywords: Embedded sensors - Interactivity - Assistive
d’assistance - Substitution sensorielle - Sonification robotics - Sensory substitution - Sonification

Les technologies numériques ont largement modifié des techniques qui associent des capteurs et des
la vie quotidienne dans le monde contemporain, en effecteurs-­stimulateurs. Ces interfaces devraient per-
parti­culier les multiples applications des smartphones, mettre la mesure en direct de l’activité motrice et ren-
permettant la communication et l’accès aux banques de voyer des feed-back sensoriels augmentés fondés sur
données mais offrant aussi une capacité de contrôle à l’analyse physiologique des actions humaines et/­ou une
distance d’un environnement domotique. Les c­ apteurs commande d’un dispositif robotique d’assistance. Le
portables ou intégrés dans les objets usuels permettent ­feed-back enrichi permettrait de compenser des défi-
de surveiller les variables physiologiques et de mesurer ciences sensorielles et de renforcer l’apprentissage de
l’activité (e-santé). De plus, la connexion de ces objets nouvelles actions de compensation, y compris celles
via Internet pourra permettre d’améliorer la surveil- nécessaires à l’utilisation d’un dispositif d’assistance.
lance médicale, l’éducation et la réadaptation des Ce concept répond à 3 défis scientifiques :
patients, favorisant ainsi le maintien à domicile et la • décrire les actions motrices et l’activité à partir de
qualité de vie (1). D’autres progrès proviennent des l’analyse des données des capteurs multiples (fusion
technologies interactives pour la rééducation et l’assis- de données) ;
tance : la réalité virtuelle, la robotique, les jeux sérieux • détecter l’intention de la personne ;
permettent de proposer aux patients une rééducation • informer le sujet sur son/ses comportements moteurs
plus intense, orientée vers la tâche, motivante et pro- grâce au renvoi d’informations multi­sensorielles perti-
longée, comme il est actuellement recommandé  (2), nentes et aisément interprétables par les personnes.
et une assistance de plus en plus efficace et user- L’objectif clinique est d’améliorer l’autonomie des per-
friendly. La technologie opère en capturant le mouve- sonnes handicapées ou âgées dans la vie quotidienne.
1 Institut ment en cours ou les efforts appliqués et en renvoyant Plusieurs exemples d’interfaces interactives sont en
des systèmes des informations inter­actives visuellement (réalité cours de développement par l’équipe Agathe et ses
intelligents et
de robotique, UPMC, ­virtuelle) ou mécaniquement (robotique). La plupart partenaires. Les capteurs communs à ces interfaces
CNRS UMR 7222, de ces méthodes sont basées sur des stations fixes, sont généralement des centrales inertielles (IMU :
Agathe Inserm U1150, limitant ainsi les possibilités d’intervention à domicile. comprenant accéléromètres, gyroscopes et magnéto­
Paris.
Pour pallier ces difficultés, nous proposons le concept mètres), des capteurs de force ou de pression et des
2 Sciences et

technologies de la
“d’inter­face interactive” à la convergence des domaines systèmes commerciaux de capture optique du mouve-
musique et du son, de la e-santé et des technologies de rééducation et ment (Kinect®, Leap®) ; les effecteurs (aides techniques)
IRCAM, d’assistance pour la vie quotidienne. diffèrent selon les situations fonctionnelles concernées.
UMR CNRS 9912,
Paris.

Interfaces interactives Assistance à la marche


3 Laboratoire

d’imagerie
biomédicale, UPMC, et à la locomotion
Inserm UMR S 1146, Notre perspective est de développer des dispositifs
CNRS UMR 7371,
Paris.
d’interaction embarqués, portés sur le corps ou asso-
4 Service de MPR,
ciés à des aides techniques robotisées, qui pourraient Le concept d’interface interactive est appliqué pour
hôpital de La Pitié- ainsi s’intégrer dans les dispositifs de rééducation améliorer les aides techniques d’assistance à la marche
Salpêtrière, Paris. ou d’assistance à domicile. Le but est de développer (canne, déambulateur). En plus des effets mécaniques

10 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017

0010_MPR 10 18/01/2017 10:28:48


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

de support, le sens du toucher peut améliorer l’équi- Londres) [5]. Nous avons également étudié la sonifi-
libre postural. Nous avons montré qu’il était possible cation comme moyen d’enrichir l’interaction avec des
de contrôler en temps réel la trajectoire du centre des objets. La sonification consiste à capter le mouvement
pressions chez des personnes valides ou hémiparé- du corps ou d’objets par des capteurs de type IMU, et
tiques à l’aide d’une stimulation tactile dynamique de renvoyer un son synthétisé en temps réel (6). Cela
contrôlée en boucle fermée (figure 1A) [3]. La pers- permet de fournir des feed-back sonores sophisti-
pective est d’intégrer cette interface à une poignée inté- qués, musicaux ou écologiquement pertinents, comme
grable à un déambulateur ou à une canne, e­ lle-même le bruit caractéristique d’une action. La restitution
active, asservie aux mouvements du corps. Un autre ­d’informations sensorielles est cruciale dans le cas de
exemple est le déambulateur robotisé (figure 1B) [4] prothèses. Le concept d’interface inter­active pourrait
commandé de façon intuitive par l’utilisateur, sans que contribuer à la suppléance perceptive au moyen d’in-
celui-ci ait besoin de manipuler des boutons ou une formations sonores ou tactiles  (7). Des essais préli­
télécommande. Les ordres sont implicitement donnés minaires menés chez des sujets valides avec une
par les mouvements naturels de son corps lors de ses maquette de main sont en cours (figure 2).
déplacements, ce qui impose d’observer et d’interpréter
l’état postural à tout instant grâce à ces capteurs multi­ Figure 2. Dispositif d’étude de la suppléance de la
modaux (optique et capteurs de force). Le système a proprioception par le son (sujets valides).
la capacité de réagir, tant à un mouvement volontaire
pour suivre l’humain dans son action (verticalisation
ou marche) qu’à une perturbation risquant de provo-
quer une chute pour l’empêcher.

Figure 1. Assistance à l’équilibre (A)et à la marche (B).

A B

Perspectives
Le développement de capteurs embarqués permet
d’équiper les aides techniques d’interfaces interactives
répondant à la motricité des utilisateurs et susceptibles
de guider directement leur activité. Ce concept pour-
Assistance et rééducation rait être davantage exploité en implantant les inter-
de la préhension faces interactives dans des plateformes grand public
(smartphones, montres connectées) et en connectant
les objets interactifs entre eux et avec l’environnement
Le concept d’interface interactive a aussi un potentiel domotique.
important pour les gestes du membre supérieur. Nous V. Pasqui dirige
l’avons appliqué à des objets instrumentés communi- Ce travail été effectué dans le cadre du Labex SMART (ANR-11-LABEX-65) la start-up GEMA
et a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la (Gérontechnologies
quant avec une table interactive en collaboration avec recherche au titre du programme Investissements d’avenir pour la mobilité
le groupe d’Étienne Burdet (Imperial College London, (ANR-11-IDEX-0004-02). et l’autonomie).

Références bibliographiques
1. Gentry, T. Smart homes for people with neurological disability: state of the art. NeuroRehabilitation 2009;25(3):209-17.
2. Winstein CJ, Stein J, Arena R et al. Guidelines for adult stroke rehabili­tation and recovery. A guideline for healthcare professionals from the
American Heart Association/American Stroke Association. Stroke 2016;47(6):e98-e169.
3. Vérité F, Bachta W, Morel G. Closed loop kinesthetic feedback for postural control rehabilitation. IEEE Trans Haptics 2014;7(2):150-60.
4. Mézière A, Schonheit C, Moreau C, Baudry E, Monié M, Piette F et al. Besoins, usages, bénéfices–inconvénients, bonnes pratiques et perspectives
en matière de déambulateurs chez les sujets âgés dépendants. Presse Med 2015;44(7-8):700-6.
5. Jarrassé N, Kühne M, Roach N, Hussain A, Balasubramanian S, Burdet E et al. Analysis of grasping strategies and function in hemiparetic patients
using an instrumented object. IEEE Int Conf Rehabil Robot 2013;2013:6650379.
6. Bevilacqua F, Boyer EO, Françoise J, Houix O, Susini P, Roby-Brami A et al. Sensori-motor learning with movement sonification: perspectives
from recent interdisciplinary studies. Front Neurosci 2016;10:385.
7. Jarrassé N, Maestrutti M, Morel G, Roby-Brami A. Robotic prosthetics: moving beyond technical performance. IEEE Technology and Society
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Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 11

0011_MPR 11 18/01/2017 10:28:48


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication De la clinique au domicile : la téléréadaptation


dans le contexte québécois
From clinic to home: telerehabilitation within the Quebec context
S. Brière1, M. Hamel1, A. Guillerand1, P. Lepage2, D. Létourneau2, F. Michaud2, M. Tousignant1,3

▸▸La téléréadaptation permet de réaliser des séances ▸▸Telerehabilitation allows the execution of remote
POINTS FORTS

de réadaptation à distance entre un site clinique et rehabilitation sessions between a clinical site and
le domicile du patient. the patient’s home.
▸▸Une plateforme dédiée intégrant les aspects de ▸▸A dedicated platform addressing the security issues,
sécurité, les besoins de communication audio-vidéo the audio and video communication requirements

HIGHLIGHTS
et le transfert de données de capteurs biomédicaux and the remote bio sensing needs is currently in use
est actuellement utilisée dans plusieurs projets de in various research projects in Quebec.
recherche au Québec. ▸▸Telerehabilitation may be used with a broad variety
▸▸La téléréadaptation peut s’appliquer à plusieurs of patients: physical rehabilitation after surgery,
types de patients, par exemple : réadaptation à la patients who had strokes, chronic obstructive pul-
suite d’une intervention chirurgicale, suite d’un acci- monary disease (COPD) and patient with cardiac pro-
dent vasculaire cérébral (AVC), ou atteinte d’une blems, for example.
maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)
et patients ayant une pathologie cardiaque.

Mots-clés : Téléréadaptation à domicile - Réadaptation Keywords: In-home telerehabilitation - Physical rehabili-


physique - Télésanté - Innovation technologique tation - Telehealth - Technological innovation

Dans un contexte de prestations de soins sur un large • réponde aux différents besoins cliniques ;
territoire tout en minimisant les coûts à la fois pour • assure la confidentialité et la sécurité des données
le système de santé et pour les patients, la télésanté transmises.
s’avère une solution pertinente à explorer (1). La réalité Plus spécifiquement, la plateforme recherchée en télé-
géographique du Québec se prête bien aux approches réadaptation doit permettre une gestion des séances
en télésanté. Entre autres, la téléréadaptation, qui et du parc d’équipements, la visualisation et l’enre-
consiste à offrir des services en réadaptation impli- gistrement de données de capteurs à distance et un
quant un professionnel de la santé dans sa clinique lien audio et vidéo permettant une communication en
et un patient à son domicile, est en pleine émergence. temps réel entre les participants. Parmi les différentes
Ces approches en téléréadaptation doivent répondre solutions de vidéoconférence existantes souvent asso-
directement aux besoins des utilisateurs, au contexte ciées à la télésanté, il n’en existe aucune qui réponde
1 Centre de
d’utilisation, ainsi qu’à l’environnement dans lequel le parfaitement aux besoins. Une solution comme Skype1,
recherche sur le système sera utilisé. C’est dans le but d’arriver à conci- quoique g­ ratuite et disponible aisément, ne permet pas
vieillissement de lier le développement de capacités technologiques par- ­d’assurer la confidentialité des données (qui doivent
Sherbrooke, Centre ticulières avec l’expérimentation en conditions cliniques transiter via un serveur externe) et est limitée en
intégré universitaire
de santé et de
que nous avons développé une plateforme techno­ termes de fonctionnalités pour la téléréadaptation
services sociaux logique adaptée à ces impératifs, et réalisé différents (comme le contrôle à distance du positionnement de
(CIUSSS) de l’Estrie, projets en téléréadaptation. la caméra). Des plateformes, telles que WebEx2 ou
CHUS, Québec Vidyo3, permettent l’hébergement d’un serveur local,
(Canada).
améliorant ainsi la sécurité du système, mais ne per-
Plateforme technologique
2 Université de

Sherbrooke, Institut mettent pas l’envoi de données de capteurs ou un suivi


interdisciplinaire des séances réalisées. C’est afin de répondre à ces
d’innovation Fournir des services de réadaptation entre un site besoins que nous avons développé la plateforme de
technologique (3IT),
Québec (Canada). clinique et un domicile présente plusieurs défis techno- téléréadaptation présentée sur la figure.
3 Université de logiques et éthiques. Il faut s’assurer de fournir un La plateforme comporte, à la clinique et au domicile,
Sherbrooke, Faculté système qui : une caméra contrôlable en position et en zoom, un
de médecine et des
sciences de la santé,
• soit simple d’utilisation à la fois pour le patient et système de microphone et haut-parleurs de même
pour le clinicien ;
École de 1. www.skype.com/fr
réadaptation, • soit robuste aux conditions variables du réseau 2. www.webex.fr
Québec (Canada). Internet ; 3. www.vidyo.com

12 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

qu’un ordinateur avec écran tactile. Au niveau logi-


ciel, une plateforme de télécommunication sert de Figure. Plateforme de téléréadaptation.
passerelle entre les différents périphériques et le
serveur qui emmagasine les données et gère le trafic
réseau (audio, vidéo, données). Les sites sont reliés
par Internet via des liens sécurisés (TLS). La vidéo
est encodée en H.264 et le son en Speex. La plate-
forme permet la gestion des patients à domicile, des
séances et d’un parc d’équipements, l’enregistrement
des données cliniques (questionnaires) et de capteurs,
ainsi que la consultation de ces éléments. Une faible
consommation en bande passante (< 600 kbps en télé-
versement et en téléchargement) et une robustesse
aux conditions variables des réseaux permettent de
correspondre aux paramètres des fournisseurs de ser-
vices Internet du territoire québécois. La plateforme
sert aussi de base de développement pour d’autres
projets, allant du suivi de patients à domicile jusqu’à
la téléprésence robotique pour l’assistance aux soins
à domicile (2).

Projets réalisés
ergo­thérapeute, orthophoniste, etc.) afin de valider la
Parmi nos projets de téléréadaptation, une étude possibi­lité d’utiliser une telle plateforme dans le réseau
clinique randomisée a été réalisée auprès d’une de la santé publique du Québec. Implantés dans le
clientèle ayant reçu une prothèse totale du genou. Le réseau informatique de la santé et dans une clinique
projet a impliqué 205 participants répartis sur 3 sites publique de réadaptation, les différents intervenants
géographiques et a permis de confirmer que la télé­ pouvaient mener à bien leurs séances via la plateforme.
réadaptation est aussi efficace au niveau clinique que Un autre projet impliquant des participants ayant des
la réadaptation en face-à-face  (3). De même, cette problèmes cardiaques est en cours : un intervenant
étude a également démontré qu’il est économique- en réadaptation supervise des séances d’exercices à
ment rentable d’utiliser une approche en téléréadapta- distance modérés selon les informations fournies par
tion (4). Un autre projet a impliqué des patients atteints un oxymètre et un électrocardiogramme portés par le
d’aphasie. Dans ces séances de téléorthophonie, des patient. Enfin, un projet visant à l’amélioration de l’équi-
images étaient présentées aux participants et plusieurs libre via des séances de tai-chi chez des patients en
stratégies de communication étaient offertes afin de post-AVC est actuellement en cours, de même qu’un
leur permettre de faire deviner leur image au clini- programme de réadaptation pour une clientèle ayant
cien, et inversement. Un projet comportant un volet une fracture de l’humérus.
éducatif et de prise en charge de la maladie a éga-
lement été réalisé auprès d’une clientèle atteinte de
maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) [5]. Conclusion
À l’aide d’un oxymètre et d’un vélo stationnaire, les
intervenants pouvaient superviser à distance des exer- Les approches en téléréadaptation permettent de
cices physiques effectués par le patient à son domi- couvrir une large clientèle avec différentes problé-
cile. Celui-ci avait également accès, via le système, à matiques et ont fait leurs preuves d’un point de vue
des capsules éducatives sur sa maladie. Une étude clinique et économique. Avec une plateforme adaptée
d’implan­tation a été menée auprès d’une clientèle ayant pour relier la clinique au domicile, il est maintenant Les auteurs
déclarent
eu un accident vasculaire cérébral (AVC) et ayant besoin ­possible de considérer l’intégration de ce type de ne pas avoir
de l’aide de plusieurs professionnels (kinésithérapeute, service en ­complément des approches traditionnelles. de liens d’intérêts.

Références bibliographiques
1. Canada Health Infoway. Telehealth Benefits and Adoption. Connecting People and Providers Across Canada. Mai 2011.
2. Lepage P, Létourneau D, Hamel M et al. Telehomecare telecommunication framework – From remote patient monitoring to video visits and robot
telepresence. 38th Annual International Conference of the IEEE Engineering in Medicine and Biology Society 2016 ; ThBT8 Oral Session.
3. Moffet H, Tousignant M, Nadeau S et al. In-home telerehabilitation compared with face-to-face rehabilitation after total knee arthroplasty:
a noninferiority randomized controlled trial. J Bone Joint Surg Am 2015;97(14):1129-41.
4. Tousignant M, Moffet H, Nadeau S et al. Cost analysis of in-home telerehabilitation for post-knee arthroplasty. J Med Internet Res 2015;17(3):e83.
5. Marquis N, Larivée P, Saey D, Dubois MF, Tousignant M. In-home pulmonary telerehabilitation for patients with chronic obstructive pulmonary
disease (COPD): a pre-experimental study on effectiveness, satisfaction, and adherence. Telemed J E Health 2015;21(11):870-9.

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 13


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication Intégration clinique de la technologie


pour la réadaptation sensorimotrice et cognitive :
expériences québécoises
Clinical integration of technology for sensorimotor and cognitive
rehabilitation in Quebec
Mindy F. Levin*

▸▸La télérééducation et la rééducation utilisant les ▸▸Tele-rehabilitation and virtual reality technology are
POINTS FORTS

HIGHLIGHTS
technologies de la réalité virtuelle sont des thérapies novel therapeutic approaches that aim to improve
novatrices qui visent à améliorer la récupération à recovery after brain lesions.
la suite de lésions cérébrales. ▸▸These technologies are being integrated more and
▸▸Ces technologies sont de plus en plus intégrées dans more into health care services in the province of
les services de soins au sein de la province du Quebec.
Québec.

Mots-clés : Téléréadaptation - Ergothérapie - Keywords: Telerehabilitation - Occupational therapy -


Physiothérapie - Rétroaction - Apprentissage moteur - Physical therapy - Feedback - Motor learning - Brain
Cérébrolésions damage

La thérapie en réalité virtuelle (RV) est toute interaction Projets de réalité virtuelle
physique ou cognitive ayant pour but l’amélioration de
l’état de santé, faite en temps réel dans un environne- Un avantage de la RV est qu’elle permet d’évaluer
ment artificiel généré par ordinateur. Les interactions et d’entraîner les capacités à accomplir des tâches
sont augmentées par les informations sensorielles complexes de la vie quotidienne avec interaction des
supplémentaires (vision, audition, toucher, odorat). systèmes moteurs, sensoriels et cognitifs. Dans le
L’aspect unique de cette technologie est la possibilité cadre du projet Mall: A Rehabilitation Living Lab
d’interagir avec l’environnement et d’en expérimenter (http://www.crir-livinglabvivant.com/fr/index-fr.
les effets, avec ou sans la supervision d’un thérapeute html) développé par le CRIR, le Living Lab québé-
réel (en clinique) ou virtuel (en téléréadaptation). La cois développe des activités cognitives et physiques
RV permet aussi de donner aux patients la possibilité dans le contexte d’un centre commercial virtuel à
d’évaluer leurs résultats et à la façon dont la tâche partir de tâches complexes : se déplacer, trouver
est accomplie et d’ajuster le niveau de difficulté de la son chemin, faire ses achats, réaliser des gestes
tâche pour avoir un meilleur engagement et conserver ­complexes. Parmi les activités, on compte des projets
leur motivation. de navigation en fauteuil motorisé  (1), des projets
de courses, y compris l’amélioration de gestes bi­
manuels et la prise de décision en fonction des
Contexte sélections d’objets  (2), mais aussi l’évaluation de
la capacité à bouger les bras ou à marcher tout en
Au Québec, l’intérêt pour la RV a débuté en 2000 évitant des obstacles, sans courir le risque d’entrer
avec la première installation des systèmes au Centre en collision avec des ­obstacles réels (2-4). D’un point
de recherche interdisciplinaire en réadaptation de de vue cognitif et social, la RV est utilisée depuis 2006
­Montréal (CRIR) à l’Institut de réadaptation Gingras-­ dans le programme de cyberpsychologie à l’institut
Lindsay de Montréal (IRGLM) et au Centre interdisci- Philippe-Pinel de Montréal afin de développer et de
plinaire de recherche en réadaptation et intégration valider une méthode d’évaluation des préférences
sociale (CIRRIS) à Québec. Ces premiers systèmes, sexuelles en vue de l’utiliser auprès d’agresseurs
destinés à la recherche, consistaient en installa- sexuels (http://pinel.qc.ca/GeneralList.aspx?NavID=
* École
tions coûteuses, complexes et sophistiquées. Par la 5523&CultureCode=fr-CA) . La RV est aussi déve-
de physiothérapie suite, les systèmes sont devenus plus accessibles et loppée au Centre de réadaptation qui dépend de
et ergothérapie, moins onéreux. Les systèmes actuels consistent en Montréal, Université du Québec en Outaouais, pour
Faculté des applications construites spécifiquement pour la l’évaluation et le traitement de l’anxiété, du stress
de médecine,
Université McGill, réadaptation ou en des jeux commerciaux ayant pour post-traumatique et d’autres problèmes psycho-
Montréal, Canada. finalité la réadaptation. logiques (http://dependancemontreal.ca/) [5].

14 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

Projets de télérééducation • le laboratoire de TR du CIRRIS qui développe et


implémente des plateformes conviviales et éco-
Pour leur part, les projets de téléréadaptation (TR) au nomiques assurant une communication de qualité
Québec visent à développer des interventions à dis- entre un clinicien et un client à son domicile. Il
tance, au domicile du patient en vue d’améliorer l’accès offre aussi des innovations grâce à l’intégration
aux services spécialisés. La TR peut être utilisée pour d’environnement de jeux interactifs combinés à la
poursuivre une réadaptation à plus long terme, après la mesure, à distance et en temps réel, de paramètres
fin du séjour du patient dans le centre de réadaptation, biomécaniques et physiologiques. Pour exemple, des
afin de maximiser ou de soutenir la récupération activités incluses dans le projet provincial TelAge,
acquise. Depuis 2006, les projets de TR sont donnés TR à la suite d’une arthroplastie du genou (http://
prioritaires au Québec, en témoigne la publication, par www.telereadaptation.com /en/projet/telage/), et le
le gouvernement du Québec, d’un document émanant projet eChez-soi, une nouvelle plateforme intégrant
de l’Agence d’évaluation des technologies et des modes une prise de mesures intégrée et un environnement
d’intervention en santé (AETMIS), qui décrit les lignes de jeux favorisant la réalisation d’exercices (http://
directrices cliniques et les normes technologiques. www.cirris.ulaval.ca/fr/laboratoires/laboratoire-
AETMIS a pour mission de contribuer à améliorer le de-­telereadaptation) ;
système de santé québécois et de participer à la mise • la Chaire de TR qui est établie à l’Université de
en œuvre de la politique scientifique du gouvernement Sherbrooke depuis 2011. La Chaire permettra de
du Québec. Pour ce faire, l’Agence conseille et appuie le consolider les données probantes actuellement
ministre de la Santé et des Services sociaux ainsi que disponibles quant à l’efficacité et au coût. Les projets
les décideurs du système de santé en matière d’éva- portent sur l’efficacité et les coûts d’application de
luation des services et des technologies de la santé. télésanté en réadaptation (https://www.usherbrooke.ca/
L’Agence émet des avis s’appuyant sur des rapports recherche/fr/regroupements/chaires-institutionnelles/
scientifiques qui évaluent l’introduction, la diffusion et chaire-de-telereadaptation/).
l’utilisation des technologies de la santé, ainsi que les
modalités de prestation et d’organisation des services.
Actuellement au Québec, plusieurs centres sont impli- Directions futures
qués dans la TR :
• le Centre de réadaptation Lucie-Bruneau (CRLB) et Malgré ces avantages, le potentiel d’amélioration
l’IRGLM, joints au Centre de coordination et de référence de l’état du patient ainsi que les services mis à dis-
(CCR) de l’Université de Montréal afin d’effectuer un position de ce dernier, il y a des barrières à sur-
travail exploratoire menant à la conception d’un projet monter. L’un des principaux défis est de démontrer
de TR conjoint. Le CCR agit à titre d’expert en télésanté, l’efficacité des applications en RV et en TR ainsi Mindy F. Levin
est présidente
assure la veille technologique, accompagne dans la que leurs avantages par rapport aux interventions de la Société
gestion de projet, lors de planification, dans la mise en courantes  (6, 7). D’autres défis concernent l’ana- internationale
place du projet, ainsi que dans l’élaboration et le suivi lyse du rapport coût/efficacité, de la sécurité liée pour la réhabilitation
des indicateurs de performance (http://luciebruneau. à leur utilisation, et la perception qu’ont les clini- virtuelle
(International
qc.ca/data/luciebruneau/files/file/Carrefour_des_ ciens et les utilisateurs de ces technologies dans Society for Virtual
connaissances2015/Telereadaptation_BFillion.pdf) ; leur rapport aux soins. Rehabilitation).

Références bibliographiques
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controller. J Neuroeng Rehabil 2016;13:3.
2. Baniña MC, Mullick AA, McFadyen BJ, Levin MF. Upper limb obstacle avoidance behavior in individuals with stroke. Neurorehabil Neural Repair
2016 [Epub ahead of print].
3. Aravind G, Lamontagne A. Ability of subjects with post-stroke visuospatial neglect to avoid dynamic obstacles while walking in a virtual environ-
ment. 13th Research Colloquium in Rehabilitation, 2012, Montréal.
4. Fung J, Richards CL, Malouin F, McFadyen BJ, Lamontagne A. A treadmill and motion coupled virtual reality system for gait training post-stroke.
Cyberpsychol Behav 2006;9(2):157-62.
5. Cárdenas-López G, de la Rosa-Gómez A, Durán-Baca X, Bouchard S. Virtual reality PTSD treatment program for civil victims of criminal violence.
In: P. Cipresso & S. Serino (eds). Virtual reality: technologies, medical applications and challenges. Hauppauge (NY): Nova Science Publishers
2015:269-90.
6. Foley NC et al. Upper extremity interventions, EBRSR: Evidence-Based Review of Stroke Rehabilitation, R. Teasell, Editor, 2012:171 (www.
ebrsr.com).
7. Foley NC et al. Mobility and the lower extremity. EBRSR: Evidence-Based Review of Stroke Rehabilitation, 2012:174 (www.ebrsr.com).

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 15


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication Introduction de la plateforme Reacts™


en télérééducation et en téléréadaptation
Introduction of the Reacts™ platform in tele-education
and tele-readaptation
Y. Beaulieu*

▸▸Via Reacts™, les séances de réadaptation physique ▸▸Remote tele-readaptation sessions can be provided
POINTS FORTS

menées par des professionnels peuvent être réali- remotely by professionals using the Reacts™ plat-
sées à distance, le patient étant à son domicile, ce form so that patient can remain at home for their
qui évite à des patients ayant souvent une mobilité therapy, avoiding unnecessary travels for those
réduite de se déplacer. patients that often have a reduced mobility.
▸▸Il y a des avantages significatifs liés à l’utilisation de ▸▸There are significant advantages linked to the use

HIGHLIGHTS
la téléréadaptation via une modalité comme of tele-readaptation through a platform like Reacts™,
Reacts™ : les économies de temps et d’argent pour such as: important time and money savings for both
les patients ; une meilleure disposition des usagers the patient and the professional; better satisfaction
aux interventions en raison d’un niveau moindre de for the patient as fatigue and stress related to travels
contraintes (moins de fatigue et de stress) ; un accès are avoided; opportunity for the professional to
au domicile offrant une valeur ajoutée aux inter­ assess the patient in his/her home, allowing a better
ventions (accès aux proches et meilleure compré- understanding of the patient environment.
hension de l’environnement de l’usager).

Mots-clés : Téléréadaptation - Vidéocollaboration - Keywords: Telereadaptation - Videocollaboration -


Hyperprésence - Télémédecine - Téléassistance - Hyperpresence - Telemedicine - Remote assistance -
Communication sécurisée Secured communications

Reacts™ : une plateforme de vidéo- • partager des pointeurs virtuels pour diriger l’attention
collaboration sécurisée entre sur n’importe quel élément d’une diffusion en direct ;
professionnels de la santé et patients • diffuser simultanément plusieurs flux vidéo, incluant
les flux d’appareils médicaux dotés d’une sortie vidéo
(figure 2) ;
Dans leur milieu clinique quotidien, les professionnels • partager les applications et/ou le poste de travail ;
de la santé doivent constamment interagir avec leurs • partager des messages instantanés, des fichiers
patients et collègues, peu importe où ils se trouvent. et des documents facilement et de façon sécurisée ;
Ils doivent partager leurs connaissances et leur expé- • gérer fichiers et éléments multimédias à partir d’une
rience, rassurer leurs patients, en plus de former leurs bibliothèque Reacts™ ;
étudiants et d’évaluer les compétences de ces derniers. • stocker ses fichiers et y accéder de façon centrale en
Pour ce faire, ils doivent pouvoir compter sur un outil profitant de 2 Go de stockage web, inclus avec chaque
leur permettant d’interagir à distance de façon sécu- licence ;
risée, dynamique, stimulante et conviviale. Reacts™
a été conçue dans cette optique. Figure 1. Reacts™ permet une communication
Reacts™ (Remote Education, Augmented Communica- patients/médecin en mode face-à-face.
tion, Training and Supervision) aide à améliorer l’accès
aux soins de santé, à réduire les coûts, et à augmenter
l’efficacité et la satisfaction, tant chez les patients que
chez les professionnels de la santé. La plateforme a
été conçue pour répondre aux normes de rendement
et de sécurité les plus élevées de l’industrie médicale.
Reacts™ est une solution polyvalente et intégrée per-
mettant de :
* Cardiologue-
réanimateur, • communiquer en mode face-à-face au moyen
créateur de Reacts™, ­d’appels vidéo sécurisés de haute qualité, en mode
Montréal, Canada. point à point ou en mode conférence (figure 1) ;

16 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

• guider virtuellement un utilisateur à distance en Figure 2. Plusieurs éléments multimédia peuvent être partagés
superposant, sur son propre flux vidéo, des images semi-­
­simultanément.
transparentes, des objets 3D ou des flux vidéo en direct ;
• prendre des instantanés ou des captures vidéo et
annoter tout type d’image, de vidéo ou d’élément multi-­
média ;
• générer, enregistrer et annoter des listes de contrôle
(check lists) et des rapports afin de mieux standardiser
et documenter les rencontres virtuelles ;
• utiliser la plateforme en simulation médicale pour
capter et enregistrer plusieurs flux vidéo lors des
sessions de simulation, et réviser ultérieurement les
sessions capturées lors de debriefing.
La portée de Reacts™ s’étend bien au-delà du domaine
médical. La plateforme peut être utilisée dans diffé-
rents secteurs comme l’éducation, le support tech-
nique, la sécurité publique, les affaires ou toute autre
sphère exigeant une collaboration multimédia.
La plateforme Reacts™ offre un environnement virtuel
hautement sécurisé et permet à chaque professionnel Figure 3. La téléréadaptation en orthophonie: une modalité d’inter­vention
d’interagir avec des collègues, des patients ou des grandissante au sein de la déficience physique (Marie-Andrée Daigle, ortho-
amis de façon unique. phoniste, Brigitte Fillion, chargée de projets spéciaux DI-TSA-DP, Hélène
Gagnon, orthophoniste, Julie Klein, orthophoniste Centre de réadaptation
Lucie-Bruneau | Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du
Utilisation de Reacts™ Montréal Métropolitain | Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal
| Institut Raymond-Dewar (source : Reacts™).
en téléréadaptation

Depuis 2015, la plateforme Reacts™ a été évaluée dans


divers centres de réadaptation du Québec, dans le cadre
de programmes cliniques impliquant entre autres les
patients ayant une lésion de la moelle épinière, un
trouble grave du comportement, une maladie évolutive,
des troubles neurologiques, une douleur chronique ou
ayant subi une amputation (https://www.iitreacts.com/fr/
Medias/InTheNews/20150720_CIUSSS). Plusieurs critères
ont permis à Reacts™ d’être sélectionnée : la simplicité
d’utilisation pour les intervenants et les usagers, une
solution répondant aux normes de sécurité du Réseau • accès au domicile offrant une valeur ajoutée aux
de télécommunication sociosanitaire, la polyvalence de la interventions (accès aux proches et meilleure compré­
plateforme, utilisée aussi bien pour des sessions cliniques hension de l’environnement de l’usager).
qu’administratives (vidéoconférence de haute qualité et Autres constats :
variété des outils de collaboration inter-­active), le peu • il est possible d’effectuer les thérapies en orthophonie
d’équipement nécessaire et le faible coût de sa licence. directement dans le milieu de vie, et ce, à faible coût
Depuis mars 2015, les orthophonistes des différents pour l’organisation grâce à cette nouvelle techno­logie ;
établissements de Montréal (Québec, Canada) utilisent • la téléréadaptation permet une continuité des
progressivement les modalités d’intervention à distance services et favorise les apprentissages, contribuant
par le biais de la plateforme. Les résultats du projet ainsi à la participation sociale et à la qualité de vie des
pilote intitulé “La téléréadaptation en orthophonie : une ­personnes (figure 3).
modalité d’intervention grandissante au sein de la défi- Le projet a aussi montré une grande satisfaction des
cience physique” ont été présentés sous forme d’affiche utilisateurs, tant du côté des patients que du côté des
dans un colloque à Montréal le 2 juin dernier. Le projet professionnels de la santé. Les prochaines étapes
a démontré des avantages thérapeutiques significatifs : consistent en l’intégration de la téléréadaptation
• économies de temps et d’argent pour les patients ; comme moyen permanent de prestation de services,
• optimisation des plages horaires moins achalandées ; selon les besoins du CRDP. Les futures possibilités Y. Beaulieu est
• généralisation des exercices dans un autre contexte ; d’utilisation à explorer seront pour les usagers retour- le président-fondateur
de Technologies
• meilleure disposition des usagers aux interventions, nant au travail, pour les usagers recevant de la chimio- Innovatrices d’Imagerie,
en raison des contraintes associées aux déplacements thérapie, et pour les usagers ne pouvant défrayer les qui commercialise
qui sont évités (fatigue, stress) ; frais de déplacement. la plateforme Reacts™.

Pour aller plus loin


• https://www.iitreacts.com/fr/Medias/InTheNews/20160628_Telerehab • h ttps://www.iitreacts.com/Content/documents/20160628_poster.pdf

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 17


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication Télérééducation fonctionnelle dans le cadre


du projet VITAAL
Physical telerehabilitation in the context of the VITAAL project
A. Thépaut*, M. Nguyen*, C. Lohr*

▸▸La télérééducation permet d’accéder à des soins ▸▸The telerehabilitation provides access to special care
POINTS FORTS

spécifiques au-delà du secteur hospitalier et de beyond the hospital sector and maintain long term
maintenir la thérapie au long cours avec un renfor- therapy with enhanced therapeutic adherence by the

HIGHLIGHTS
cement de l’adhésion thérapeutique par le patient. patient.
▸▸La robotique humanoïde est une discipline promet- ▸▸Humanoid robotics is a promising discipline that
teuse, qui implique non seulement des défis tech- involves not only technical challenges, but also
niques, mais également des changements dans les changes in interactions between human and machine
interactions entre l’humain et la machine. and between human and human.

Mots-clés : Robotique d’assistance - Living lab - Keywords: Assistive robotics - Living lab - Co-design
Co-conception de services of ­services

L’augmentation de la longévité nous conduit à nous préoccuper de plus en plus de la qualité


de vie des personnes âgées. Nous faisons le pari que les nouvelles technologies, dont les
robots de service, peuvent contribuer à aider les personnes à bien vieillir au sein de leur
domicile. Le projet de télérééducation fonctionnelle, mené dans le cadre du projet VITAAL,
s’inscrit dans ce contexte.

Le programme HAAL du Lab-STICC ­ xperiment’HAAL fait partie du forum LLSA® qui a pour
E
(UMR CNRS 6285) volonté de fédérer et rassembler différents acteurs
autour de l’approche Living Lab. Les solutions conçues
au sein de notre Living Lab s’inscrivent dans le pro-
Le programme HAAL (Human Ambient Assisted Living) cessus de co-conception en 4 étapes identifiées par
se consacre à l’étude, la conception et l’analyse de ser- le forum : a/ analyse des besoins, b/ co-conception,
vices ou de dispositifs conçus pour renforcer les liens c/ prototypage, d/ déploiement en situation réelle.
sociaux ou soulager le quotidien des personnes en Afin de favoriser une démarche pluridisciplinaire, Expe-
situation de handicap, fragiles ou âgées. Les travaux riment’HAAL est destinée à mettre au point, puis à
menés au sein de HAAL, “des capteurs aux services et accueillir des dispositifs d’assistance expérimentaux,
vice versa”, s’appuient sur les travaux d’équipes pluri­ en vue de tests d’usage. Cette plateforme permet de
disciplinaires. Ainsi, des travaux théoriques menés, par tester in situ les services mis au point dans nos projets
exemple, autour de l’observation de l’activité de la per- avant leur déploiement en situation réelle. Nous pour-
sonne, ont vocation à améliorer les interfaces de contrôle suivons l’équipement du Living Lab grâce au projet
mais également à fournir des préconisations pour les VITAAL : habitat connecté grâce au protocole domo-
chercheurs en charge de la conception de capteurs spé- tique xAAL (1), aux robots compagnons, aux systèmes
cifiques. Il convient également de noter la présence de de capture d’activités, etc.
deux Livings Labs en Santé Autonomie (LLSA) au sein du
programme HAAL. Le premier est situé dans le centre de
rééducation fonctionnelle de Kerpape, près de Lorient ; Le projet VITAAL
le second est situé dans les locaux de Télécom Bretagne, (“Vaincre l’Isolement par les TIC
à Brest. Dans le cadre des projets de recherche, les uti-
lisateurs sont invités à tester les services ou les dispo- dans le contexte AAL”)
sitifs innovants mis au point par l’équipe de recherche.
Les partenaires du programme HAAL se sont mobi-
lisés pour proposer le projet VITAAL qui a été soumis
* Institut Télécom/ Le Living Lab Experiment’HAAL pour financement dans le cadre du contrat de plan
Télécom Bretagne, État-Région (CPER) 2015-2020. Le projet a été retenu
Technopôle Brest-
Iroise ; Lab-STICC, Experiment’HAAL a été labellisé par le forum des et est financé à hauteur de 2 M€ pour les 5 ans à venir.
UMR CNRS 6285. Living Labs en Santé et Autonomie en décembre 2013. Le projet VITAAL est cofinancé par l’Union européenne

18 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

via le Fonds européen de développement régional


(FEDER). Il rassemble plusieurs écoles d’ingénieurs Figure. Interactions entre le kinésithérapeute, le robot humanoïde et le
bretonnes, les Universités de Bretagne Sud et de Bre- patient.
tagne occidentale, le centre de rééducation fonction-
nelle de Kerpape et le CHRU de Brest. Le projet VITAAL Geste
propose 4 grandes études dans ce contexte : thérapeutique
Démonstration
1. L’analyse d’activité à domicile, qui permettra la per-
ception et l’analyse des activités de la vie quotidienne
(AVQ), notamment afin de détecter des situations à Mouvement
risque. du patient
2. Les nouveaux environnements interactifs d’accom-
pagnement, qui s’appuient notamment sur l’usage de
compagnons artificiels.
Feed-back
3. La télérééducation visuelle, qui se concentre sur
le dépistage et la rééducation de la basse vision et
l’amblyopie.
4. La téléactivité fonctionnelle.

Un important travail est actuellement mené sur les


Télérééducation fonctionnelle algorithmes d’apprentissage (par imitation, stratégique,
dans le cadre du projet VITAAL interactif, etc.). Grâce à plusieurs projets d’étudiants de
deuxième et de troisième année de Télécom B ­ retagne,
les premiers démonstrateurs ont vu le jour (4).
Le projet “Télérééducation fonctionnelle” consiste à Une thèse sur le sujet, intitulée Apprentissage straté­
développer une plateforme informatique modulaire gique et interactif de mouvements complexes par des
pour stimuler l’activité chez les personnes ayant des robots, a été engagée en novembre 2015. Les ­premiers
limitations d’activités dues à l’âge ou à un handicap. La résultats, prometteurs, ont été présentés lors de la
plateforme vise également à favoriser la prestation de conférence RO-MAN 2016 (5), dans le cadre des travaux
soins spécialisés à distance (télérééducation). Le projet financés par le projet européen Keraal (programme
repose sur les évolutions technologiques importantes ­F P-7 Echord++). Une nouvelle thèse, Apprentis-
(robots humanoïdes, systèmes de capture de mouve- sage incrémental d’affordances par des algorithmes
ment, outils de réalité virtuelle, etc.) permettant dans d’appren­tissage stratégique et interactif, a débuté en
l’avenir leur meilleure diffusion vers le domicile. Nous octobre 2016.
espérons que l’engagement psychique suscité par les
environnements virtuels sera amélioré par rapport à
des situations non interactives. L’objectif opérationnel Conclusions et perspectives
du projet est de développer et d’étudier les effets d’un
dispositif mettant en interaction un kinésithérapeute, Les projets en cours se fondent souvent sur des
un robot humanoïde et un patient. Au sein de cette mesures de distance simples pour cette évaluation.
triade, il s’agira pour le kinésithérapeute de réaliser Le robot ne sait pas quels aspects du mouvement sont
un geste dans le cadre d’un exercice de rééducation, importants pour l’exercice et lesquels ne le sont pas.
pour le robot d’apprendre le geste par imitation, et pour Nous espérons que notre plateforme robotique per-
le patient d’apprendre le geste à l’aide du robot qui mettra d’adapter les exercices au niveau du patient.
prendra ainsi le rôle de tuteur artificiel. Les premiers Les tests avec les utilisateurs seront réalisés dans le
travaux menés dans notre laboratoire depuis le mois Living Lab Experiment’HAAL dans la seconde partie du
de novembre 2015 s’appuient sur la programmation projet VITAAL. Cette personnalisation devrait être un
de robots humanoïdes (NAO [2] Poppy [3]). Le robot élément essentiel pour la motivation du patient et pour
apprend une suite de mouvements complexes réalisés l’inciter à persister en vue d’une guérison plus rapide. Les auteurs
par le professionnel de santé. Le robot doit ensuite déclarent ne pas
Remerciements. Le projet VITAAL est cofinancé par le Fonds européen avoir de liens
reproduire cette séquence gestuelle devant le patient, de développement économique régional (FEDER) et les collectivités, d’intérêts en relation
observer et réagir aux mouvements du patient (figure). dans le cadre du contrat de plan État-Région. avec cet article.

Références bibliographiques
1. Lohr C, Tanguy P, Kerdreux J. xAAL: A Distributed Infrastructure for Heterogeneous Ambient Devices. J Intelligent Systems 2015;24(3):321-31.
2. Aldebaran Robotics. http://www.aldebaran-robotics.com
3. Lapeyre M. Poppy: open-source, 3D printed and fully-modular robotic platform for science, art and education. Theses, Université de Bordeaux,
Nov. 2014.
4. Duminy N. Reconnaissance de geste pour la rééducation fonctionnelle à l’aide d’un robot compagnon. Rapport de stage Télécom Bretagne. 2014
5. Nguyen M, Tanguy P, Rémy-Néris O. Computational architecture of robot coach for physical exercises in kinaesthetic rehabilitation. in IEEE
International, Symposium on Robot and Human Interactive Communication (RO-MAN 2016), August 2016, New York, États-Unis.

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 19


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Communication Logiciel de réentraînement cognitif :


intérêt et faisabilité d’une utilisation à domicile
Computer-based cognitive rehabilitation: benefit and feasability
of home use
G. Pelé1, L. Le Chapelain1, C. Bottin1, M. Beringer1, C. Keller1, S. Clement1, M. Le Ray1, J.M. Beis1, J. Paysant2

▸▸La stimulation cognitive est une approche théra- ▸▸Cognitive rehabilitation enhances restoration of brain
POINTS FORTS

HIGHLIGHTS
peutique qui vise à améliorer la récupération à la function after acquired brain injury.
suite de lésions cérébrales. ▸▸Telerehabilitation care is a novel approach that offers
▸▸La télérééducation est très certainement une significant socioeconomical benefits and is likely
thérapie novatrice que l’on devrait être amené à to develop in upcoming years.
utiliser plus fréquemment dans les années à venir,
compte tenu des contraintes médicoéconomiques
auxquelles risque d’être assujettie la médecine
physique et de réadaptation.

Mots-clés : Rééducation cognitive sur ordinateur - Keywords: Computer-based cognitive rehabilitation -


Ergothérapie - Neuropsychologie - Cérébrolésions - Occupational therapy - Neuropsychology - Brain damage -
Accident vasculaire cérébral - Traumatisme crânien Stroke - Traumatic brain injury

Depuis quelques années, l’utilisation d’outils infor- Matériel


matisés est de plus en plus fréquente et a pu montrer
une amélioration de certaines performances cogni- Le logiciel RehaCom®* se compose de 20 modules
tives (1). Les logiciels aujourd’hui disponibles proposent totalement informatisés. Plusieurs études valident
des interfaces conviviales et simples à utiliser. Aussi, son utilisation dans le processus de rééducation (1-4).
l’utilisation de ces outils tend à se banaliser dans les Le matériel mis à disposition au domicile du patient
structures de rééducation neurologique, et notamment comprend un ordinateur portable avec un écran de 15
au sein des services d’ergothérapie et de neuro­psycho­ pouces et un clavier spécial (figure 1) [5]. Les données
logie. Grâce à ce que l’on peut aujourd’hui considérer sont enregistrées directement sur l’ordinateur. Ce
comme une alternative à la rééducation traditionnelle, dernier est configuré pour le lancement automatique
se pose désormais la q­ uestion de la présence même du logiciel lors du démarrage.
du patient dans la structure, dans l’unique objectif d’un
réentraînement cognitif. Par ailleurs, l’évolution du
système de santé et la nouvelle logique médicoécono- Méthode
mique (demande de soins toujours plus forte, réduction
du nombre de professionnels de santé, diminution des Il s’agit d’une étude prospective en crossover (figure 2).
financements alloués) imposent une évolution de nos Les critères d’inclusion retenus sont des patients âgés
pratiques. Enfin, l’aspiration croissante des usagers de 18 à 70 ans, cérébrolésés (traumatismes crâniens
est d’être soignés dans leur environnement familier ou accidents vasculaires cérébraux), sous réserve que
dès lors que la situation le permet. la pathologie neurologique soit stabilisée ; ils doivent
être hospitalisés de jour au Centre de médecine phy-
sique et de réadaptation (CMPR), présenter des troubles
Objectifs de l’étude attentionnels et/ou mnésiques confirmés et quantifiés
par 2 types de tests : Rivermead Behaviural Memory
L’objectif premier de cette étude est de démontrer que Test (RBMT) [6] et Test d’évaluation de l’attention (TAP
la mise en place d’un programme de rééducation infor- 2.3) [7] ; le bilan est complété par une évaluation de l’au-
matisée à domicile de certaines fonctions cognitives tonomie utilisant l’IADL (mesure des activités instrumen-
1 Centre de
(fonctions attentionnelles et/ou mnésiques) est possible tales dans la vie quotidienne) [8] ; le lieu de résidence
médecine physique (étude de faisabilité) : seuls ces aspects seront abordés des patients doit être situé à moins de 40 km du CMPR
et de réadaptation, ici. Les objectifs secondaires seront d’évaluer a posteriori pour permettre la prise en charge par l’équipe mobile.
Lay-Saint- la satisfaction des usagers, ainsi que les bénéfices et Sont exclus de l’étude les patients qui présentent des
Christophe.
les contraintes pour le thérapeute et, enfin, d’essayer de troubles sévères de la compréhension orale et/­ou
2 Institut régional de
démontrer que ce programme de rééducation informa- écrite rendant impossible l’utilisation du logiciel, ou
médecine physique
et de réadaptation, tisée pourrait avoir la même efficacité qu’une rééducation des troubles comportementaux graves empêchant la
Nancy. conventionnelle au sein d’un établissement de MPR. coopération.

20 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

Figure 1. Matériel mis à disposition du patient. Figure 2. Schéma du protocole.

Évaluations Évaluations Évaluations

Patients 1, 3, 6 Logiciel RehaCom® Logiciel RehaCom®

Ergothéapie Ergothérapie
Patients 2, 4, 5
traditionnelle traditionnelle

Période 1 Période 2
4 semaines 4 semaines

Une séance d’initiation à l’utilisation du matériel par favorise la bonne observance. Enfin, l’utilisation d’un
le patient est effectuée préalablement par l’ergo- tel dispositif dans le milieu de vie ordinaire améliore
thérapeute, soit au centre, soit au domicile dans le l’adhésion à la thérapie.
cadre d’une prise en charge par l’équipe mobile de Pour le thérapeute, seulement 30 minutes à 1 heure
rééducation neurologique. L’étude débute dès lors que sont dédiés à la formation du patient. Un contrôle à
les patients sont susceptibles d’utiliser de façon auto- distance de l’observance est possible à tout instant.
nome la batterie d’exercices du logiciel. Les limites actuelles de ce travail sont : en premier lieu,
Tous les patients reçoivent le protocole RehaCom® le caractère indispensable d’une équipe mobile pour la
et la rééducation cognitive conventionnelle en ergo- mise en place et l’accompagnement, ensuite l’absence
thérapie. Pour chaque patient, le travail sur le logi- d’indicateurs de moyens et de résultats. Sur un plan
ciel RehaCom® comprend des séquences de 50 à purement méthodologique : nos critères d’inclusion ini-
60 minutes, 5 fois par semaine pendant 4 semaines. tiaux manquent de précision, les critères de jugement
Il en est de même pour l’ergothérapie conventionnelle semblent insuffisamment définis, le choix d’un paradigme
(même rythme et même durée). L’ordre d’application de type crossover mériterait d’être changé au profit d’un
des traitements (logiciel RehaCom® ou rééducation SCED (Single Case Experimental Designs) en introduc- * Un accord
de partenariat pour
conventionnelle) est déterminé par randomisation. Les tion/retrait. Ensuite, il s’agit d’un dispositif purement le prêt du système
évaluations pré- et post-test sont effectuées à JO, J30 expérimental dont on ne sait pas encore quels peuvent en RehaCom® a été
et J60 (figure 2). Les critères de jugement regroupent être les bénéfices réels (absence d’analyse des données passé entre
les résultats quantifiés au RBMT et au TAP 2.3 ainsi à ce jour). Enfin, la mise en place et le suivi sont pour la société Hasomed
et l’Institut régional
que le score IADL. l’instant effectués à moyens financiers constants dans de médecine physique
le cadre de l’équipe mobile de MPR neurologique. et de réadaptation
de Nancy.
Retour d’expérience La configuration
matérielle est
Perspectives assurée par TEA
Pour le patient, l’utilisation du logiciel apporte un réel (Technologie
confort : si une pratique quotidienne reste nécessaire, Dans l’avenir, nous souhaiterions : pouvoir utiliser le Ergonomie
Applications,
le logiciel procure une liberté d’organisation et une logiciel chez des patients résidant dans un périmètre Vandœuvre-lès-
souplesse d’utilisation. En cas de difficulté, le patient de plus de 40 km au-delà du CMPR ; élargir les indi- Nancy).
dispose d’une messagerie interne au logiciel lui per- cations à la population pédiatrique (notamment les
mettant d’entrer en contact avec le thérapeute réfé- troubles des apprentissages) ; enfin, et idéalement, Les auteurs
déclarent ne pas
rent. Un rappel des consignes peut être reprogrammé limiter ou éviter des hospitalisations intempestives avoir de liens
systématiquement au début de chaque exercice, ce qui (virage ambulatoire). d’intérêts.

Références bibliographiques
1. Cha YJ, Kim H Effect of computer-based cognitive 3. Fernández E, Bringas ML, Salazar S, Rodríguez D, 6. Wilson B, Cockburn J, Baddeley A, Hiorns R. The
rehabilitation (CBCR) for people with stroke: a systematic García ME, Torres M. Clinical impact of RehaCom development and validation of a test battery for detecting
review and meta-analysis. Neuro­R ehabilitation ­software for cognitive rehabilitation of patients with and monitoring everyday memory problems. J Clin Exp
2015;37(3):487. acquiered brain injury. MEDICC Rev 2012;14(4):32-5. Neuropsychol 1989;11(6):855-70.
2. Mödden C, Behrens M, Damke I, Eilers N, Kastrup A, 4. Mattioli F, Stampatori C, Zanotti D, Parrinello G,
Hildebrandt H. A randomized controlled trial compa- Capra R. Efficacy and specificity of intensive cognitive 7. Zimmerman P, Fimm B. Test of Attentional Perfor-
ring 2 interventions for visual field loss with standard rehabilitation of attention and e­ xecutive functions in mance. Herzogenrath: Psytest 2009.
occupational therapy during inpatient stroke rehabi- multiple sclerosis. J Neurol Sci 2010;288(1-2):101-5.
litation. Neurorehabil Neural Repair 2012; 5. Hasomed RehaCom, Thérapie cognitive, http://www. 8. Graf C. The Lawton Instrumental Activities of Daily
26(5):463-9. rehacom.fr/index.php/aboutrehaco. Living (IADL) Scale. Medsurg Nurs 2009;18(5):315-6.

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 21


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Poster Mesure de la “non-utilisation acquise”


après un accident vasculaire cérébral
dans une tâche de préhension
Quantifying arm non-use when reaching after a stroke
K.K.A. Bakhti1, 2, D. Mottet1, N. Schweighofer1, 3, J. Froger1, 4, I. Laffont1, 2

Les sujets ayant subi un accident vasculaire cérébral récupération fonctionnelle du membre supérieur paré-
(AVC) unilatéral, spontanément, minimisent l’utilisa- tique (2). Cependant, les méthodes de quantification
tion de leur bras parétique. La non-utilisation acquise de cette NUA sont souvent trop complexes pour être
(NUA) du bras parétique est la différence entre ce que utilisées en soins courants (3). Ici, nous proposons une
le patient est capable de faire (condition forcée) et ce façon plus simple de calculer la NUA du bras paré-
qu’il fait spontanément (1). Cette NUA du bras parétique tique. Dans une tâche de préhension en station assise,
est importante à diagnostiquer car elle peut limiter la le mouvement d’atteinte de la main est la somme de
l’utilisation du bras et de l’utilisation du tronc. Sponta-
nément, les sujets sains utilisent leur bras (extension
Figure 1. Calcul de la non-utilisation acquise du bras parétique. du coude, flexion d’épaule), alors que les sujets ayant
L’utilisation du bras peut être calculée par le ratio du mouvement de la main subi un AVC utilisent de manière excessive leur tronc,
moins le mouvement du tronc sur le mouvement de la main. Dans la figure, la flèche ils ont appris à ne pas utiliser leur bras parétique (2).
bleue représente le mouvement du bras et la flèche rouge, le mouvement du tronc. Le pourcentage de NUA est la différence d’utilisa-
tion du bras entre les conditions forcée et spontanée
(figure 1). Nous avons inclus 45 sujets hémiparétiques
quelle que soit la durée post-AVC et 45 sujets sains
appariés en âge. Il est apparu que la non-utilisation
du bras était plus importante pour le membre paré-
tique des sujets ayant subi un AVC que pour les sujets
Condition spontanée Condition forcée contrôles. Nos résultats montrent que 69 % des sujets
Mouvement Main – Mouvement Tronc hémi­parétiques (figure 2) ont une valeur significative
Utilisation bras =
Mouvement Main de NUA du bras parétique, avec une très bonne repro-
Utilisation Bras (spontanée) = 49 % Utilisation Bras (forcée) = 90 % ductibilité. Cette quantification de la non-utilisation
Non-Utilisation Bras = Utilisation Bras (forcée) – Utilisation Bras (spontanée) = 41 % acquise du bras parétique en station assise apparaît
donc comme rapide, objective et reproductible. De plus,
cette quantification pourrait être effectuée à bas coût
grâce à un capteur innovant (Kinect® - Microsoft),
Figure 2. Répartition des 45 sujets hémiparétiques. aisément disponible puisque destiné au grand public.
La figure suggère que les sujets hémiparétiques des De même, ce capteur innovant permettrait d’accéder à
1 Euromov, 3 derniers groupes (6,36-41) nécessitent une rééducation une télérééducation spécifique de l’utilisation du bras
université de spécifique de l’utilisation du bras. parétique via un jeu vidéo. Les thérapeutes pourraient
Montpellier.
2 Département de Pas de rééducation Rééducation spécifique alors accéder facilement à la quantification ainsi qu’à
médecine physique spécifique de l’utilisation du bras ? de l’utilisation du bras la rééducation de cette non-utilisation acquise.
et de réadaptation, 16 intensité faible ?
CHU de Montpellier. 14 Rééducation spécifique Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
intensité moyenne ?
Nombre de patients

3 Bio-kinésiologie 12
et thérapie physique, 10 Rééducation spécifique
université de 8 intensité maximale ? Références bibliographiques
Californie du Sud, 6 1. Andrews K, Stewart J. Stroke recovery: he can but does he? Rheumatol
Los Angeles, Rehabil 1979;18(1):43-8.
États-Unis.
4
4 Département de
2 2. Roby-Brami A, Jacobs S, Bennis N et al. Hand orientation for grasping
médecine physique 0 and arm joint rotation patterns in healthy subjects and hemiparetic
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 stroke patients. Brain Res 2003;969(1-2):217-29.
et de réadaptation,
CHU de Nîmes, Non-utilisation acquise (%) 3. Han CE, Kim S, Chen S et al. Quantifying arm nonuse in individuals
Le Grau-du-Roi. poststroke. Neurorehabil Neural Repair 2013;27(5):439-47.

22 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Poster Technologie pour encourager


l’expressivité faciale des émotions
Technology to foster emotional facial expressiveness
O. Grynszpan1, C. Grossard2, A. Dapogny1, D. Cohen1, 2, S. Serret3, S. Hun3, S. Dubuisson1, K. Bailly1

Objectifs dotant d’une technologie permettant aux enfants de


jouer en produisant des expressions faciales.
Créer un jeu vidéo stimulant l’expressivité faciale émo-
tionnelle chez les personnes atteintes d’autisme afin
d’offrir aux familles la possibilité d’implémenter une Méthode
remédiation émotionnelle à domicile.
JEMImE est basé sur des techniques de reconnais-
sance des expressions faciales émotionnelles qui
Contexte analysent des flux vidéo en temps réel (figure 1). Les
algorithmes sous-jacents ont été entraînés sur des
Les spécialistes des troubles du spectre d’autisme bases de données publiques d’expressions faciales.
(TSA) développent un intérêt grandissant pour les jeux Leurs performances sont à la pointe de l’état de l’art
1 Institut des
sur ordinateur visant à entraîner les compétences avec des taux de succès entre 76,1 et 96,4 % (2). Afin
systèmes intelligents
et de robotique, socio-émotionnelles. Ces derniers s’appuient géné- d’adapter les algorithmes aux visages d’enfants, nous
université Pierre-et- ralement sur des interfaces informatiques classiques avons construit une base de données dédiée, composée
Marie-Curie, CNRS comme le clavier, la souris ou les écrans tactiles. Pour de vidéos de 150 enfants au développement typique
UMR 7222, Paris.
2 Hôpital de la
autant, les émotions réelles sont souvent transmises (6-11 ans) qui produisaient des expressions faciales.
Pitié-Salpêtrière,
via des modalités communicatives spécifiques telles Vingt enfants atteints de TSA ont également été filmés.
Paris. que les expressions faciales. Le projet JEMImE a pour
3 Centre hospitalier but d’améliorer un jeu d’entraînement émotionnel,
universitaire de Nice. développé précédemment et appelé JeStiMulE (1), en le Résultats
Pour que les performances soient maximales, le jeu
Figure 1. Le système de reconnaissance émotionnelle basé sur l’extrac-
JEMImE se limite à la reconnaissance des émotions
tion en temps réel de variations spatiales et texturelles pour en déduire
de joie, de tristesse et de colère. La première phase
l’expression faciale la plus probable.
du jeu consiste à apprendre aux utilisateurs ayant des
TSA comment produire des expressions faciales qui
soient reconnues par le système (figure 2). Les joueurs
doivent soit imiter un avatar qui illustre une émotion,
soit produire une émotion sur demande.

Conclusion et perspectives
Les algorithmes sont en train d’être adaptés pour des
visages d’enfants et seront testés sur des vidéos d’enfants
ayant des TSA. Dans sa seconde phase, le jeu JEMImE
présentera aux utilisateurs des scènes sociales suscitant
de la joie, de la tristesse ou de la colère. Le but du joueur
sera de produire l’expression émotionnelle adéquate en
Figure 2. Captures d’écran de la première phase du jeu. Un avatar produi- fonction du contexte social. Ce jeu pourra potentielle-
sant une expression faciale est montré au joueur (gauche). Puis, le joueur ment être intégré dans un protocole de télérééducation.
doit reproduire l’expression faciale. Le joueur peut se voir lui-même et évaluer Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
ses performances avec des jauges associées aux émotions.
Remerciements. Ce travail est financé par l’Agence nationale de
la recherche (ANR) dans le cadre de son programme CONTINT (JEMImE,
ANR-13-CORD-0004).

Références bibliographiques
1. Dapogny A, Bailly K, Dubuisson S. Pairwise conditional random forests
for facial expression recognition. International Conference on Computer
Vision (ICCV) 2015:4321-9.
2. Serret S, Hun S, Lakimova G et al. Facing the challenge of teaching
emotions to individuals with low- and high-functioning autism using a
new Serious game: a pilot study. Mol Autism 2014;5:37.

24 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Poster L’InertiaLocoGraphie,
sémiologie quantifiée des troubles de la marche
avec des capteurs de mesure inertiels
Étude chez des patients parkinsoniens
InertiaLocoGraphy, quantified semiology of gait disorders using inertial
measurement units - Study in subjects with Parkinson’s disease
A. Vienne1, R. Barrois1, J. Mantilla1, 2, L. Oudre1-3, P.P. Vidal1, D. Ricard1, 4, 5

Contexte Méthode
Les troubles de la marche constituent un problème Vingt-quatre patients atteints de maladie de Parkinson
de santé publique, tant du fait de leur fréquence qu’en (âge : 74,5 ± 11,3 ans) du service de neurologie du Val-
raison de la surmortalité liée à leurs complications. de-Grâce (Paris) ont été recrutés consécutivement sur
Les patients atteints de la maladie de Parkinson pré- 3 mois, sous réserve d’avoir donné leur consentement et
sentent des troubles évolutifs dont le diagnostic doit d’être mobiles (grade 1 à 4 de la classification de Hoehn
être précoce, pour éviter cette surmortalité  (1), et et Yahr). Vingt-quatre sujets sains de plus de 60 ans
précis, pour adapter la prise en charge. Les unités de (Elderly Healthy Subjects [EHS] ; âge : 70,7 ± 7,5 ans)
mesure inertielles (IMU) permettent une évaluation et 24 sujets sains jeunes entre 18 et 30 ans (Young
précise et non invasive de la locomotion en pratique Healthy Subjects [YHS] ; âge : 21,3 ± 4,3 ans) ont été
médicale courante (2). L’objectif de cette étude est de inclus rétrospectivement et aléatoirement depuis une
développer une sémiologie de l’InertiaLocoGraphie base de sujets recrutés dans la communauté. Lors de
(ILG), quantification de la locomotion fondée sur ces la consultation, la locomotion était évaluée sur 10 m
signaux, afin d’en permettre l’utilisation en routine. aller et 10 m retour, pour une longueur totale de 20 m,

Figure. Scores normalisés pour l’ensemble des patients atteints de maladie de Parkinson ( I), un patient d’UPDRS 11 (IIa)
et un patient d’UPDRS 62 (IIb). La ligne pointillée représente la moyenne des 60 sujets sains de même âge.

MP (n = 24)
I Rythme (**)
3 Vitesse
2 < 2 SD
1
Symétrie (NS) 0 Vigueur (**) –2 SD ; –1 SD
-1 –1 SD ; 1 SD
-2 1 SD ; 2 SD
-3 > 2 SD

Synchronisation (NS) Régularité (NS)


1 COGNAC G, CNRS/
SSA UMR 8257,
université Paris- Stabilité (NS)
Descartes, Paris. IIa UPDRS 11 IIb UPDRS 62
2 Centre de Rythme (**) Rythme (**)
mathématiques et 3 3
de leurs applications- 2 2
ENS Cachan. 1 1
Symétrie 0 Vigueur Symétrie 0 Vigueur
3 L2TI, université
-1 -1
Paris 13, -2 -2
Villetaneuse. -3 -3
4 Service de

neurologie, HIA
Percy, Service de Synchronisation Régularité Synchronisation Régularité
santé des armées,
Clamart.
5 École du Val-de-
Stabilité Stabilité
Grâce, service de
santé des armées,
SD : standard deviation.
Paris.

26 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

à l’aide de 4 IMU placées sur le front, au niveau des Discussion


vertèbres ­L3-L4 et sur les cous-de-pied.
Potentiel marqueur d’aggravation complémentaire aux
scores cliniques chez les patients atteints de maladie
Analyse de Parkinson, la vitesse est cependant insuffisante
pour programmer la rééducation de troubles qualitatifs
L’ILG comprend un indice de performance (vitesse qui ne semblent pouvoir en être directement déduits.
moyenne) et des paramètres évaluant 6 critères de La sémiologie quantifiée de l’ILG pourrait mettre en
qualité : rythme, vigueur, stabilité, régularité, symétrie, évidence des déficits à l’échelle de l’individu et orienter
synchronisation. Chaque critère est quantifié selon un ainsi la rééducation, en clinique (1) comme à domicile
score normalisé égal au nombre d’écarts standard où les IMU sont aujourd’hui étudiées (2).
par rapport à une base de 60 sujets sains de même
âge (Z-score). Remerciements. Les auteurs remercient le Centre national de
la recherche scientifique (CNRS), le Service de santé des armées (SSA),
l’Université Paris Descartes, l’Institut pour la recherche sur la moelle
épinière et l’encéphale (IRME), le Centre national d’études spatiales
Résultats (CNES) et l’École doctorale de l’École polytechnique (EDX).

La vitesse est significativement diminuée chez les


patients atteints de maladie de Parkinson. Après cor- Références bibliographiques
rection de Bonferroni, l’altération qualitative est signi- 1. Thurman DJ, Stevens JA, Rao JK, Quality Standards Subcommittee
ficative sur les critères de vigueur et de rythme, et une of the American Academy of Neurology. Practice parameter: Assessing
tendance est retrouvée sur celui de stabilité (figure). patients in a neurology practice for risk of falls (an evidence-based
Aucune mesure ILG n’est corrélée avec l’UPDRS review): report of the Quality Standards Subcommittee of the American
Academy of Neurology. Neurology 2008;70(6):473-9.
(Unified Parkinson’s Disease Rating Scale) globale,
2. Weiss A, Herman T, Giladi N et al. New evidence for gait abnormalities Les auteurs
mais des corrélations significatives existent avec cer- among Parkinson’s disease patients who suffer from freezing of gait: déclarent ne pas
taines de ses sous-catégories (atteinte anatomique, insights using a body-fixed sensor worn for 3 days. J Neural Transm avoir de liens
marche). (Vienna) 2015;122(3):403-10. d’intérêts.

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Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 27


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation DOSSIER

Poster  tratégie de contrôle haptique


S
pour la réhabilitation du membre supérieur
atteint de l’enfant hémiplégique
Haptic control strategy for the rehabilitation
of the hemiplegic child’s upper limb
M. Elsaeh1, P. Pudlo1, M. Djemai1, M. Bouri2, A. Thevenon3, I. Heymann4

L’objectif principal de ce travail est de contraindre le Falcon® pour jouer au jeu proposé par le scénario de
membre supérieur (MS) atteint de l’enfant hémiplégique réalité ­virtuelle. Par exemple, l’enfant peut déplacer
à réaliser des mouvements orientés tout en évitant des ­l’effecteur du Novint Falcon® pour aller d’un point
recrutements articulaires anormaux. initial à un point final, tout en étant contraint par un
retour en force qui évite le recrutement des mobilités
La thérapie robotique associée à la réalité virtuelle non désirées.
a déjà été appliquée par le passé et a amélioré les
performances motrices du membre supérieur de Les données issues de la position du Novint Falcon®
l’enfant hémiplégique (1). Lorsqu’elle est appliquée et du temps écoulé sont analysées et utilisées pour
au domicile, cette thérapie est optimale en termes aider les thérapeutes dans leur décision. Le calcul de
de continuité (2). Néanmoins, la portabilité et le coût la performance obtenue par l’enfant utilise la logique
de certains dispositifs existants pour la réadaptation floue et est basé sur un ensemble de règles.
réduisent son utilisation. Un dispositif raisonnable
pour la réadaptation en termes de précision (réso- Dans une étude préliminaire, l’approche a été testée
lution, degrés de liberté [DOF]) conduirait à produire avec 2 enfants en bonne santé pendant 10 jours. Les
1 Université de
une thérapie réussie. Dans ce cadre, nous proposons résultats montrent que le temps consommé pour
Valenciennes et du
Hainaut-Cambrésis,
un dispositif associant réalité virtuelle et système réaliser une tâche et le nombre d’interactions rigides
CNRS UMR-8201, ­haptique, le Novint Falcon®, pour assurer un retour (collision avec les murs) avec le Novint Falcon® sont
Valenciennes. visuel, audio et tactile. réduits (figure).
2 Robotic Systems

Laboratory, Institute for Le positionnement de la main est en grande partie De premiers mouvements imposés ont été construits
Microengineering, EPFL,
Lausanne, Suisse. obtenu par le mouvement combiné de l’épaule et liant la sollicitation articulaire désirée et le monde
3 Département du coude  (3). La réalité virtuelle est dans ce cadre virtuel créé, d’autres sont encore à développer afin
de médecine physique retenue pour développer les scénarios permettant le d’augmenter la fonctionnalité du système proposé
et réadaptation, hôpital recrutement articulaire souhaité. Le scénario fonc- (par exemple, pronation/supination de l’avant-bras).
universitaire de Lille.
tionne comme maître pour contrôler le comporte- Les premiers scénarios seront très prochainement
4 Centre de réadaptation

fonctionnelle
ment du Novint Falcon®, qui travaille alors comme un testés avec des enfants hémiplégiques.
Marc-Sautelet, esclave et produit en retour une force d’interaction.
Villeneuve-d’Ascq. Avec le système, l’enfant déplace l’effecteur du Novint Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

Références bibliographiques
1. Fasoli SE, Fragala-Pinkham M, Hughes R et al. Robotic therapy and botulinum toxin type a: a novel intervention approach for cerebral palsy. Am
J Phys Med Rehabil 2008;87(12):1022-5.
2. Weightman A, Preston N, Levesley M et al. Home-based computer-­assisted upper limb exercise for young children with cerebral palsy: a feasi-
bility study investigating impact on motor control and functional outcome. J Rehabil Med 2011;43:359-63.
3. Ambrósio J, Quental C, Pilarczyk B, Folgado J, Monteiro J. Multibody biomechanical models of the upper limb. 2011 Symposium on Human Body
Dynamics. Procedia IUTAM 2011;2:4-17.

28 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

Figure. Le système et les résultats obtenus. T est le temps nécessaire pour accomplir la tâche, N est le nombre d’interactions rigides
(contacts avec les murs du monde virtuel). La dernière figure illustre la performance obtenue en fusionnant par logique floue le temps
et le nombre d’interactions rigides.

Assessment algorithm VR 3 DOF haptic device

Force feedback

Goal position

Force feedback
Force feedback

Elbow extension
Shoulder flexion
100 mm

Handle

Start position
X Elbow flexion
Shoulder flexion

Force Child X

Z
40 90
30
20 80
T

10
0 70
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 60
Amélioration

Essais 50
40
30
50
40 20
30
N

20 10
10
0 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Essais Nombre d’essais

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 29


Actualités en Médecine Physique
CAS CLINIQUE et de Réadaptation

Arthrodistension avec mobilisation intensive


pour capsulite rétractile de l’épaule
Arthrodistension with intensive mobilization for adhesive capsulitis
of the shoulder
A. Ferenczi1, A.L. Roy2, J. Beaudreuil2

Mme D., âgée de 50 ans, est hospitalisée en septembre 2016 pour la prise en charge
­thérapeutique d’une capsulite rétractile de l’épaule gauche.
Ses principaux antécédents médicaux sont un trouble du rythme cardiaque à type ­d’extra­
systoles ventriculaires et un reflux gastro-œsophagien.
Elle est en activité professionnelle, au sein d’une administration. Elle est droitière, et
ne pratique pas d’activité sportive.

Histoire de la maladie • 180° en abduction globale active, 180° en antépulsion


globale active, 70° en rotation externe globale active ;
Depuis novembre 2014, la patiente présente des dou- • 90° en abduction glénohumérale passive, 90° en
leurs de l’épaule gauche. Ces douleurs sont appa- antépulsion glénohumérale passive, 70° en rotation
1 Service de
rues de manière progressive. Il n’y a pas eu de facteur externe glénohumérale passive.
médecine physique
déclenchant retrouvé à l’interrogatoire. En mai 2015, et de réadaptation,
apparaît progressivement un enraidissement de son hôpital Lariboisière-
épaule gauche, entraînant une impotence fonction- Évolution au cours de l’hospitalisation Fernand-Widal,
Paris.
nelle pour les activités de la vie quotidienne. Une radio­ 2 Service
graphie de l’épaule gauche est réalisée en juin 2015. Une arthrodistension de l’articulation glénohumé- de rhumatologie
Il n’y a pas d’argument en faveur d’une arthropathie rale gauche est réalisée sous contrôle scopique le et de médecine
glénohumérale à l’origine de la diminution des mobilités. jour de l’arrivée de la patiente. Elle est faite après physique
Mme D. est traitée par des antalgiques oraux de palier 1 l’examen clinique initial et après des tests biologiques et de réadaptation,
hôpital Lariboisière-
et 2 ainsi que par une masso-kinésithérapie visant au éliminant un trouble de l’hémostase et un syndrome Fernand-Widal,
gain d’amplitudes articulaires de l’épaule, à raison de inflammatoire. Paris.
3 séances par semaine pendant plus d’un an.
Son épaule reste douloureuse et ses mouvements,
limités. La patiente est adressée dans le service pour Figure 1. Examen des mobilités actives et passives de l’épaule gauche à
le traitement de son épaule par arthrodistension et l’arrivée dans le service. Mobilité globale active en abduction (A). Mobilité
mobilisation. glénohumérale passive en abduction (B). Une main de l’examinateur bloque
les mouvements de la scapula et l’autre main amène le bras en abduction.

Examen clinique initial A B

À son arrivée dans le service, Mme D. se plaint d’une


épaule gauche douloureuse et raide.
La douleur, estimée par l’échelle visuelle analogique
(EVA), est de 4 sur 10. Elle intéresse le moignon de l’épaule
gauche et irradie dans le bras, sans dépasser le coude.
L’examen physique de l’épaule gauche met en évidence
les amplitudes articulaires suivantes :
• 30° en abduction globale active (figure 1A), 40°
en antépulsion globale active, 0° en rotation externe
globale active ;
• 35° en abduction glénohumérale passive (figure 1B),
40° en antépulsion glénohumérale passive, 5° en rota-
tion externe glénohumérale passive.
Du côté droit, l’examen met en évidence les amplitudes
articulaires suivantes :

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 31


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation CAS CLINIQUE

Pour sa réalisation, la patiente est placée en décu- est ensuite positionnée verticalement, sous contrôle
bitus dorsal, bras le long du corps et, dans la mesure fluoro­scopique, dans la partie antérieure de l’articu-
du possible, la paume de la main vers le haut  (1). lation glénohumérale. Quatre millilitres de produit de
Cette position permet d’obtenir une rotation externe contraste Hexabrix® 320 sont injectés pour vérifier la
de l’épaule et facilite le placement de l’aiguille dans bonne position intra-articulaire de l’aiguille (figure 2).
la partie antérieure de l’articulation glénohumérale. Cinq millilitres de lidocaïne 2 % sont ensuite injectés.
Le tube à rayon X est placé verticalement au-dessus de On admet que le volume capsulaire correspond au
l’articulation. Une désinfection de la peau par povidone volume liquidien injecté au moment de la première
iodée en 3 temps est réalisée. Elle est suivie d’une résistance perçue lors de l’injection et de la remontée
anesthésie des plans sous-cutanés avec une aiguille du piston à la levée de la pression exercée par le pouce.
de 20 G × 9 cm et de la lidocaïne 1 %. Le point de Ce temps correspond ainsi au premier reflux dans
ponction se situe à l’union du tiers moyen et du tiers la seringue. Un volume capsulaire inférieur à 12 ml
inférieur, et à 2 mm en dehors de la ligne de projec- constitue le critère de référence pour le diagnostic
tion cutanée de l’interligne glénohumérale. L’aiguille de capsulite rétractile de l’épaule  (2). Chez Mme D,
un reflux est observé à 6 ml.
Le geste est complété par l’injection intracapsulaire de
Figure 2. Arthrodistension. La flèche orange indique 1 ml de cortivazol 3,75 mg/1,5 ml. On injecte enfin, sous
la position intra-articulaire de l’aiguille. Visualisation pression, jusqu’à 19 ml de sérum physiologique glacé.
du produit de contraste venant opacifier la capsule. La patiente est mobilisée en kinésithérapie dans les
30 minutes suivant le geste, alors qu’elle est toujours
sous l’effet de l’anesthésie locale. Il s’agit d’une séance
de mobilisation manuelle durant laquelle sont réalisées :
• 10 minutes de mobilisation passive ;
• 10 minutes de mobilisation active ;
• 5 minutes de mobilisation globale en autorééducation ;
• 5 minutes de massages.
Les mobilisations manuelles passives sont réalisées
selon les techniques de Mennel de décoaptation de la
tête humérale (figure 3).
La patiente est ensuite immédiatement placée sur
un arthromoteur de membre supérieur. Ce dispositif
permet une mobilisation passive du bras. Le membre
supérieur y est installé en position intermédiaire
d’anté­pulsion-abduction-rotation externe (figure 4).
Cette séance dure 1 heure.
Figure 3. Techniques de Mennel avec travail de décoaptation en contracté-­ Puis la patiente est mise au repos pendant 2 heures.
relâché de la tête humérale afin d’étirer les fibres antérieures et inférieures Une nouvelle séance de kinésithérapie manuelle de
de la capsule. La patiente est placée en décubitus dorsal. Le praticien se met sur 30 minutes est ensuite réalisée en début d’après-
son côté gauche pour traiter le membre supérieur homolatéral. Une main est midi, suivie d’une nouvelle mobilisation passive sur
placée en arrière de l’épaule et pousse la tête humérale vers l’avant, tandis que arthro­moteur de 1 heure. Durant les 4 jours suivants,
l’autre main réalise une traction/rétropulsion de l’humérus afin d’étirer la partie la patiente continue à être traitée de manière biquoti-
antérieure de la capsule ( A). Une main est placée en appui sur la tête humérale, dienne par des séances de mobilisation manuelle de
tandis que l’autre empoigne le tiers inférieur du bras permettant de réaliser 30 minutes, suivies d’une mobilisation sur arthro­moteur
une traction/abduction afin d’étirer les fibres inférieures de la capsule (B). durant 1 heure. Un travail fonctionnel du membre supé-
rieur gauche est proposé à partir de la 4e séance.
A B Les mobilisations sont réalisées sous couvert d’un
traitement antalgique pris de manière systématique
et adapté aux douleurs de la patiente.
Certaines techniques de mobilisation globale ont pour
avantage de pouvoir être effectuées en autorééduca-
tion. Ces techniques sont expliquées à la patiente et
pourront être poursuivies à son domicile après sa sortie
d’hospitalisation (figure 5).

Examen clinique de sortie


À la sortie, l’état de la patiente est amélioré en termes
de douleur et d’amplitude.
La douleur, estimée par l’EVA, est de 2 sur 10.
L’examen physique de l’épaule gauche met en évidence
les amplitudes articulaires suivantes :

32 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation

• 140° en abduction globale active (figure 6A), 150° Figure 4. Mobilisation passive de l’articulation glénohumérale gauche sur
en antépulsion globale active, 35° en rotation externe arthromoteur de membre supérieur, en position intermédiaire de l’épaule
globale active ; d’abduction-antépulsion-rotation externe.
• 80° en abduction glénohumérale passive (figure 6B),
90° en antépulsion glénohumérale passive, 20° en A B
rotation externe glénohumérale passive.
Deux ou 3 séances de kinésithérapie par semaine
sont prescrites à la sortie du service. Leur objectif
est la poursuite du gain des amplitudes articulaires
de l’épaule. Elles seront complétées par les exercices
d’autorééducation réalisés au domicile.

Discussion
La capsulite rétractile est une pathologie fréquente
qui concerne 2 à 5 % de la population générale (2). Elle
intéresse plus fréquemment les femmes âgées de 40 à
60 ans. On distingue les formes idiopathiques et secon-
daires, observées en présence d’un facteur de risque.
Le principal facteur de risque identifié est le diabète.
Les symptômes apparaissent de manière progressive.
Ils peuvent être unilatéraux ou bilatéraux. La capsulite Figure 5. Réalisation par la patiente d’autoexercices d’étirement global
rétractile évolue spontanément en 12 à 30 mois et selon actif et passif de l’épaule gauche en position d’abduction-rotation latérale (A),
3 phases : une phase douloureuse pouvant s’étendre adduction-rotation médiale (B)et en rotation interne (C).
de 10 à 36 semaines, une phase raide de 4 à 12 mois,
et enfin une phase de récupération progressive. A B C
Le diagnostic de capsulite rétractile en phase doulou-
reuse peut être difficile. L’examinateur doit ­s’attacher
à rechercher les éléments d’orientation vers les
­diagnostics différentiels d’une épaule douloureuse
avec une mobilité non limitée. Ils comprennent les
pathologies de la coiffe des rotateurs, de l’articula-
tion acromioclaviculaire et les scapulalgies posté-
rieures qui orientent le diagnostic vers une pathologie
du rachis cervical, de l’angulaire de l’omoplate ou du
nerf sus-scapulaire. Une radiographie standard doit
être réalisée afin de ne pas méconnaître une affection
tendineuse calcifiante, osseuse ou articulaire débu-
tante. En phase raide, le diagnostic est plus facile et
est essentiellement clinique. Il se fait par la recherche Figure 6. Mobilisation globale active et glénohumérale passive de l’épaule
à l’examen physique d’une limitation de l’ensemble des gauche en abduction à la sortie du service. Mobilisation globale active (A)
amplitudes articulaires actives et passives de l’épaule. et mobilisation glénohumérale passive (B), une main de l’examinateur bloquant
Ces limitations prédominent sur la rotation externe et les mouvements de la scapula et l’autre amenant le bras en abduction.
l’abduction. Une radiographie standard doit être réa-
lisée. Son but est alors d’éliminer une arthropathie A B
glénohumérale. L’interligne glénohuméral n’est pas
altéré au cours de la capsulite.
La prise en charge thérapeutique d’une capsulite
rétractile comprend la médication contre la douleur
par antalgique de palier 1-2 et anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS), les injections intraglénohumé-
rales et la kinésithérapie (3). L’usage des AINS et de
la corticothérapie locale est envisagé avec précaution
chez les patients diabétiques, compte tenu du risque
­d’aggravation d’une insuffisance rénale préexistante
non rare et du risque de déséquilibre glycémique res-
pectivement. Les infiltrations intraglénohumérales
peuvent être réalisées sous repérage clinique, écho-
graphique ou radioscopique. Leur efficacité à court
terme sur la douleur, la mobilité et la fonction a été

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017 33


Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation CAS CLINIQUE

démontrée lors d’essais randomisés (4). La rééducation Un gain rapide et significatif dès le 5e jour en termes de
appliquée à la capsulite rétractile comprend la physio- douleur et d’amplitude articulaire en abduction-rotation
thérapie et la masso-kinésithérapie. Elle a pour but la externe et rotation interne était retrouvé. Cette amélio-
diminution des douleurs, le gain d’amplitude articulaire ration se poursuivait de façon non significative jusqu’au
et la restauration de la fonction de l’épaule. En phase 30e jour. L’arthrodistension avait entraîné une rupture
précoce dite chaude, une rééducation infradouloureuse capsulaire chez 25 de ces patients. Aucune différence
par physiothérapie, massage, mobilisation et sollicita- n’a été retrouvée en termes de douleur et de mobilité
tion musculaire douces est proposée. Elle a pout but à J0 et J5 entre les patients avec et sans rupture cap-
l’entretien des amplitudes articulaires, qui sont au sulaire. En revanche, le gain en rotation externe était
début non limitées, et l’entretien musculaire  (3). En significativement plus important à J30 chez les patients
phase raide et douloureuse, les techniques de kiné- avec rupture capsulaire. La seconde série portait sur
sithérapie de mobilisation sont privilégiées avec travail 40 patients (9). Quatre-vingts pour cent des patients
gléno­huméral spécifique et travail global actif et passif considéraient avoir des résultats bons à très bons en
plurihebdomadaires, supervisés, entrecoupés par des termes de mobilité et de douleur à 15 jours de suivi.
exercices d’autorééducation. Ces résultats étaient maintenus à 45 jours.
L’arthrodistension est un autre traitement local de la En conclusion, la capsulite rétractile en phase doulou-
capsulite rétractile en phase raide et douloureuse. Elle reuse et raide correspond à une situation invalidante.
peut être également réalisée sous repérage clinique, Elle est facilement identifiable à partir de l’examen
échographique ou radioscopique. Sous contrôle sco- clinique et d’une radiographie standard. Il existe une
pique, elle associe l’injection intra-articulaire d’un limitation active et passive de l’épaule, et la radio­graphie
produit de contraste de type Hexabrix® 320, de lido- standard ne montre pas d’altération de l’interligne glé-
caïne, de corticoïdes, et de sérum physiologique sous nohuméral. Les traitements de la capsulite rétractile
pression. Son objectif historique est l’expansion et de l’épaule en phase raide et douloureuse comprennent
la rupture de la capsule glénohumérale  (5). Il n’est la médication contre la douleur, les injections intra­
aujourd’hui pas certain que l’effet passe uniquement glénohumérales et la kinésithérapie. L’arthrodistension
par une action mécanique. Son efficacité pourrait être couplée à une prise en charge rééducative immédiate à
liée à l’effet de la corticothérapie locale. L’arthrodisten- base de mobilisation est une proposition thérapeutique
sion couplée à l’injection cortisonique n’a en effet pas intéressante. Elle semble permettre d’accélérer la récu-
fait la preuve de sa supériorité comparativement à pération algofonctionnelle. Cet effet nécessite néan-
l’injection cortisonique sans arthrodistension  (6). moins d’être conforté par les résultats d’essais cliniques
Couplée à une injection cortisonique, l’arthrodistension prospectifs, contrôlés et randomisés.
a montré son efficacité comparativement à l’arthro-
distension seule jusqu’à 16 semaines sur la mobilité
et la fonction. L’anesthésie, constamment pratiquée,
pourrait également avoir un effet facilitateur sur les Références bibliographiques
techniques de mobilisation appliquées au décours 1. Parlier-Cuau C, Champsaur P, Nizard R, Wybier M, Bacque MC, Laredo
immédiat du traitement percutané et les rendre plus JD. Percutaneous treatments of painful shoulder. Radiol Clin North Am
efficaces (3). 1998;36(3):589-96.
L’apport de la kinésithérapie associée à l’arthrodisten- 2. Ryan V, Brown H, Minns Lowe CJ et al. The pathophysiology associated
with primary (idiopathic) frozen shoulder: A systematic review. BMC
sion a été évalué dans plusieurs essais randomisés. Musculoskelet Disord 2016;17:340.
Son délai de réalisation après le geste local n’y était
3. Beaudreuil J, Allard A, Lasbleiz S. Du nouveau dans la prise en charge
pas précisé. Un gain de mobilité était retrouvé jusqu’à de la capsulite rétractile de l’épaule. In: Kahn MF, Bardin T, Meyer O,
6 mois (7). L’équipe de M.F. Khan a évalué l’efficacité Orcel P, Lioté F. L’Actualité rhumatologique 2011. Paris : Elsevier-Masson;
de l’arthrodistension couplée à l’injection cortiso- 2011. p. 59-71.
nique, associée à un programme kinésithérapique de 4. Song A, Higgins LD, Newman J, Jain NB. Glenohumeral corticosteroid
8 semaines comparativement à une rééducation seule. injections in adhesive capsulitis: a systematic search and review. PM R
2014;6(12):1143-56.
Il s’agissait d’un essai contrôlé, randomisé, qui a porté
sur 36 participants atteints de capsulite rétractile. Une 5. Andren L, Lundberg BJ. Treatment of rigid shoulders by joint distension
during arthrography. Acta Orthop Scand 1965;36:45-53.
amélioration significative des amplitudes articulaires
6. Buchbinder R, Green S, Youd JM, Johnston RV, Cumpston M. Arthro-
était retrouvée à 8 semaines dans le groupe combi- graphic distension for adhesive capsulitis (frozen shoulder). Cochrane
nant les 2 techniques (6). L’effet facilitateur de l’anes- Database Syst Rev 2008;(1):CD007005.
thésie sur les techniques de mobilisation a conduit 7. Page MJ, Green S, Kramer S et al. Manual therapy and exercise for
certaines équipes à coupler à l’arthrodistension une adhesive capsulitis (frozen shoulder). Cochrane Database Syst Rev
prise en charge immédiate en kinésithérapie, d’intensité 2014;(8):CD011275.
variable. Deux séries de cas suggèrent ainsi l’intérêt de 8. Laroche M, Ighilahriz O, Moulinier L, Constantin A, Cantagrel A,
cet appariement. La première a étudié l’efficacité de la Mazières B. Adhesive capsulitis of the shoulder: an open study of 40 cases
distension capsulaire avec injection cortisonique, suivie treated by joint distention during arthrography followed by an intra
articular corticosteroid injection and immediate physical therapy.
d’une rééducation intensive de 2 heures par jour débutée Rev Rhum Engl Ed 1998;65(5):313-9.
Les auteurs dès le retour des patients de leur arthrodistension, et
déclarent ne pas 9. Wybier M, Parlier-Cuau C, Baque MC, Champsaur P, Haddad A,
avoir de liens associée au port d’une attelle d’abduction (8). Il s’agis- Laredo JD. Distension arthrography in frozen shoulder syndrome. Semin
d’intérêts. sait d’une série de 40 cas atteints de capsulite rétractile. Musculoskelet Radiol 1997;1(2):251-6.

34 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - janvier - février - mars 2017

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