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com/science/article/pii/S1268603420300050
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Dochead dossier
Sous-dochead La vieillesse aujourd’hui
Surtitre troubles du comportement
Ressentis et stratégies d’adaptation des soignants en Ehpad
Loriane Saliege a, *
Sylvie Bonin-Guillaumeb
MD, PhD, coordinatrice régionale DES et DESC Gériatrie PACA, responsable pédagogique
Capacité gériatrie, DUGSS, DIU Psychiatrie personne âgée, UFR Médecine Timone
* Auteur correspondant.
Résumé
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes rend complexe la prise en soins. Les
© 2020 published by Elsevier. This manuscript is made available under the Elsevier user license
https://www.elsevier.com/open-access/userlicense/1.0/
© 2020
comportement
Summary
homes, makes care complex. Behavioral disorders, associated with these pathologies,
generate many feelings among professional caregivers which can influence care practices.
© 2020
En France les personnes âgées représentent 24,5 % de la population [1] et 1 personne âgée
sur 12, de 75 ans et plus, réside en établissement d’hébergement pour personnes âgées
dépendantes (Ehpad) [2]. Les résidents de ces établissements sont, pour la plupart, atteints
de polypathologies (en moyenne, un résident est atteint de 7,9 pathologies [3]). Ces
pathologies sont à l’origine d’une perte d’autonomie fonctionnelle, les personnes âgées
institutionnalisées nécessitant une aide dans les actes de la vie quotidienne. De plus, les
d’entre eux souffrent de troubles du comportement [3]. Ces personnes nécessitent une prise
âgé [5]. De plus, les soins de nursing font partie intégrante de la démarche médicale et
la douleur, les troubles moteurs et cognitifs, les troubles de l’humeur ou encore les
altérations de l’état cutané. Aussi, lors de soins réalisés auprès de personnes atteintes de
maladies neurocognitives, le toucher prend une place importante en tant que vecteur
réalisation des soins peut s’avérer difficile [6] et la toilette devenir complexe du fait de la
vulnérabilité de ces sujets. Par ailleurs, du fait du contexte contraint dans lequel s’exerce la
prise en charge des personnes âgées dans les Ehpad, les soins de nursing peuvent aussi se
(agitation, agressivité, refus, etc.) des sujets âgés atteints de maladies neurocognitives.
Chaque trouble s’explique, d’une part, du fait de l’évolution de la maladie, et, d’autre part,
du contexte et/ou de l’histoire de vie de la personne. Afin de lever le mystère sur l’origine du
trouble vient-il d’un inconfort, d’une dépression, d’une anxiété, d’une douleur, d’une
démence, etc. ?
Ainsi, face à ces troubles, certains soignants exerçant en Ehpad élaborent des stratégies
d’adaptation s’adossant sur leurs connaissances, ressentis ou encore expériences
professionnelles et personnelles.
atteintes de maladies neurocognitives ont largement été étudiées. Ainsi, aux États-Unis, au
influençant ces troubles. Ils ont ainsi mis en évidence plusieurs éléments pouvant les
Une autre étude américaine, réalisée auprès d’assistants infirmiers travaillant dans des
maisons de soins, démontre que le stress ressenti par les soignants, à l’égard d’un sujet âgé
littéraire afin de mieux connaître les représentations de la démence, d’analyser ses origines
et d’en mesurer les conséquences. Leurs conclusions stipulent qu’en nuançant l’image de la
démence, il serait possible d’améliorer la qualité des soins dispensés aux personnes
âgées [12].
Par ailleurs, une étude française menée auprès de 800 professionnels exerçant en gériatrie
Les ressentis des soignants à l’égard de la démence et de ses manifestations semblent jouer
un rôle dans l’apparition et dans la fréquence de potentiels troubles. Une étude menée dans
déterminer si le ressenti des soignants, à l’égard des troubles du comportement des patients
atteints de maladie neurocognitive, avait une influence sur leur prise en soins.
T1 La méthode
Une enquête a été réalisée en 2017 auprès de 127 soignants, infirmiers, aides-soignants et
remplis (129). Deux questionnaires furent éliminés pour manque de données exploitables.
La méthode utilisée consistait à recueillir les ressentis des soignants, ainsi que les stratégies
d’adaptation mises en place par ces derniers, par le biais d’un outil comprenant un cas
clinique (encadré 1) et 16 questions (choix multiples, questions ouvertes et questions
fermées).
Une première ébauche du questionnaire fut remise à des soignants travaillant en service de
gériatrie. Il s’est avéré après une première analyse qu’une question risquait d’être mal
comprise, ainsi elle fut reformulée. En parallèle, une réduction du nombre d’adjectifs
demandés fut entreprise afin d’éviter la lassitude des soignants à répondre à l’intégralité du
questionnaire. Suite à ces rectifications, le questionnaire fut proposé au sein d’un premier
réseau social connu pour son nombre important d’adhérents. Après soixante-douze heures,
seulement 10 questionnaires furent remplis, ainsi le choix fut de rechercher un autre réseau
social certes ayant moins d’adhérents mais particulièrement actif. Ainsi en six jours, le
nombre de questionnaires remplis fut de 119. L’analyse des données a été descriptive,
faites selon le test de Chi 2 et le test de Fisher. Le logiciel utilisé était Statistical Package for
the Social Sciences (SPSS Statistics). La significativité était retenue avec un risque α de 0,05.
Chaque soignant avait donné son consentement préalablement à l’enquête. L’ensemble des
réponses a été anonymisé avant analyse. L’enquête a été menée selon les critères législatifs
T1 Les résultats
(43 % ; n = 55) et de cadres de santé (7 % ; n = 9), travaillant tous en Ehpad. Parmi ces
comportement.
TEG1 Regard porté par les soignants sur le soin de toilette. La toilette étant un moment
neurocognitives, les soignants ont ainsi été interrogés sur le regard qu’ils portaient à cet acte
de soin. Plusieurs réponses pouvaient être données par ces derniers (figure 1). Ainsi, les
• un moment privilégié durant lequel le toucher est un véritable acte de soin (87,4 % ;
n = 111) ;
• un acte ayant une place centrale dans la prise en charge (73,2 % ; n = 93) ;
Par ailleurs, 26,7 % des participants (n = 34) ont répondu qu’ils préféraient réaliser d’autres
soins. Finalement, la majorité des réponses portait sur des aspects positifs de la prise en
soins.
TEG1 Ressentis des soignants vis-à-vis des troubles du comportement. Concernant les
deux mots ou adjectifs qui représentent le mieux vos ressentis concernant les troubles du
comportement du sujet âgé », les réponses des participants sont indiquées dans le tableau 1.
2,9 % (n = 6), les ressentis connotés négativement 45,9 % (n = 95) et les ressentis ayant une
professionnelle.
TEG1 Stratégies d’adaptation des soignants vis-à-vis des troubles du comportement. Face
au refus de soins, les soignants pouvaient adopter plusieurs comportements, tels que :
d’analyses croisées des données, visant à vérifier si la nature du ressenti avait une influence
sur les stratégies d’adaptation des soignants face à un refus de soins, on obtenait les
résultats suivants :
T1 Conclusion
Les résultats de cette enquête éclairent quant aux ressentis et stratégies d’adaptation des
comportement en Ehpad. Par ailleurs, les soignants participant à l’étude faisaient souvent
résidents lors des soins de toilette. Cependant, l’empathie à l’égard des sujets âgés était
présente dans le discours des soignants, et la majorité des stratégies d’adaptation adoptées
comportement, les soignants semblent, dans cette étude, focalisés sur leur attitude pendant
le soin et non sur la prise en charge globale. La complexité des situations de soin, telle que
celle évoquée dans le cas clinique, ne réside pas dans la prise en soins immédiate par le
pourrait être une solution efficace face à ce type de situation, sa formation spécifique lui
permettant de :
• représenter et respecter les choix du patient, l’infirmier en pratique avancée étant garant
• mettre en place des analyses de pratiques au sein de l’Ehpad afin de créer une dynamique
gériatrique.
Références
[1] Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Tableaux de l’économie
www.insee.fr/fr/statistiques/3676717?sommaire=3696937
[2] Ministère des Solidarités et de la Santé. État de santé et dépendance des personnes âgées en
statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/etat-de-sante-et-dependance-des-
personnes-agees-en-institution-ou-a-domicile
[3] Makdessi Y, Pradines N. En EHPAD, les résidents les plus dépendants souffrent davantage de
2011;3(4):151-72.
[5] Beaulieu MB. La personne âgée. Rôle de l’aide-soignant en institution et à domicile. 2e éd.
[6] Borel C, Follonier MC, Schaud C. Soins aux personnes âgées démentes en institution : analyse
de l’influence des représentations des soignants sur leurs pratiques du toucher. Rech Soins
Infirm. 2011;106(3):76.
[7] Calvet B, Charles JM, Clément JP. Ressenti des professionnels et risque de burnout face aux
[10] Kovach CR, Krejci JW. Facilitating change in dementia care. Staff perceptions. J Nurs Adm.
1998;28(5):17-27.
[11] Gates D, Fitzwater E, Succop P. Relationships of stressors, strain, and anger to caregiver
vers une image plus nuancée. Une perspective socio-anthropologique et psychosociale. Bruxelles
M. A., âgé de 75 ans, est arrivé depuis peu de temps dans l’Ehpad. Il est présenté comme un
homme vivant à domicile avec une maladie de Parkinson, mais, depuis les décès consécutifs
de sa fille aînée (onze mois passés) et de son épouse (deux mois passés), le maintien à
dernière fille, du fait de l’éloignement géographique, d’une part (950 km de distance) et,
Ce matin, vous réalisez sa toilette pour la première fois. Vous savez, d’après les
transmissions, qu’il a besoin d’une aide complète pour la toilette en raison de difficultés à
tenir debout (il a perdu 10 kg en l’espace de deux mois). Cependant, M. A. tient à réaliser
certains actes seul, au détriment de sa sécurité. Ainsi, lors de la toilette, il s’énerve et vous
demande de le laisser seul car vous lui faites mal et qu’il vous connaît, et que comme
d’habitude vous n’en faites qu’à votre tête. Puis, M. A. a des gestes violents à votre égard.
Figure1_Bonin-Guillaume.eps
Figure 1. Regard porté par les soignants sur les soins de toilette.