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Michel Benoit
Centre Hospitalier Universitaire de Nice
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Michel BENOIT
RÉSUMÉ ________________________________________
Dans ses recommandations sur la maladie d’Alzheimer très fédérateur et très pédagogique pour les aidants : le
et les maladies apparentées les plus récentes (1), la Neuro-Psychitric Inventory (NPI) qui depuis a été
Haute Autorité de Santé a résolument positionné l’éva- décliné sous plusieurs formats et dont la France s’est
luation thymique et comportementale au même rang dotée grâce à des validations en langue française. On a
que l’évaluation cognitive globale, l’évaluation fonction- ainsi pu travailler à mesurer la fréquence très impor-
nelle, l’examen clinique et la recherche de comorbi- tantes de ces troubles et pointer les impacts décisifs sur
dités, et ce dès les premières phases d’investigation la qualité de vie et la prise en soin des patients et peut-
comme celles du suivi régulier des patients atteints de être bien plus encore sur celles de leurs aidants fami-
maladie d’Alzheimer. Cette évaluation de ce que l’on liaux quand les patients sont à domicile, ou les
appelle désormais communément les symptômes soignants quand les patients sont en institution. On sait
psychologiques et comportementaux de la démence que les troubles dits d’hyperactivité, comme l’agitation,
(SPCD), a également sa place dans les critères diag- l’agressivité, la désinhibition, l’irritabilité, les comporte-
nostic reconnus du DSM IV-TR de l’American ments moteurs aberrants, comme la déambulation, et
Psychiatric Association (APA) et les critères des neurolo- l’euphorie sont particulièrement impactant, ils vont
gues du NINCDS-ADRDA. A cet égard, l’évaluation de d’ailleurs faire l’objet de recommandations spécifiques
l’efficacité des traitements spécifiques anti-Alzheimer la de prise en charge par la HAS en 2009. Ces SPCD font
prend également en compte mais dans les critères depuis longtemps l’objet d’une particulière attention
essentiellement secondaires des essais, comme c’est le des praticiens gériatres, et s’inscrivent aussi dans une
cas pour l’évaluation des activités de la vie quotidienne. vision multidisciplinaire incontournable de la prise
Les années 90 ont été déterminantes dans la montée charge de la maladie d’Alzheimer.
en puissance de la reconnaissance de ces troubles liés
aux maladies neurodégénératives, en particulier au Mots clés : maladie d’Alzheimer - démence - psycholo-
travers des travaux de Jeffrey Cummings et de son gique - comportement - aidant - SPCD - NPI
équipe de Californie, avec la mise en valeur d’un outil
Auteur correspondant : Docteur Michel Benoit, SMRR, CHU Nice, Hôpital
Pasteur, 30 avenue de la voie Romaine, BP 69, 06002 Nie Cedex.
E-mail : benoit.m@chu-nice.fr
Léger (%) Modéré (%) Sévère (%) Total (%) Les 5 symptômes les plus fréquents pour la population
Comportement (n=17) (n=20) (n=13) (n=50) des stades légers, étaient par ordre décroissant de
prévalence : l’apathie, l’anxiété, l’irritabilité, la
Idées délirantes 12 25 31 22 dysphorie et l’agitation (entre 47,1 et 32% des MMSE
Hallucibations 8 10
21-30). Concernant la population modérée, l’ordre
12 15
changeait avec d’abord, toujours l’apathie au devant
Agitation/ 85 60
Aggressivité 47 55 des symptômes, puis l’irritabilité, l’anxiété, l’agitation et
62 38 la dysphorie, avec une symptomatologie à chaque fois
Dysphorie 12 45
plus marquée (entre 61 et 40,4% des MMSE 11-20).
Anxiété 24 65 54 48 Les auteurs insistaient sur une grande hétérogénéité et
8 8 variabilité dans le temps de la symptomatologie.
Euphorie 18 0
Après 1 an de suivi, l’évolution significative et péjora-
Apathie/ 47 80 92 72 tive était retrouvée dans la population de stades légers
Indifférence pour l’apathie et la déambulation (comportement
désinhibition 35 40 31 36 moteur aberrant) et dans la population des stades
modérés pour la désinhibition, la déambulation et les
Irritabilité 35 40 54 42
troubles du sommeil, par contre on voyait statiquement
Comportement moins d’idées délirantes, et moins d’anxiété et de
12 30 84 38
moteur aberrant dysphorie au bout d’un an dans cette population.
Tableau 1 : Prévalence des SPC de la maladie d’Alzheimer, aux différents stades
de la maladie (MMSE), adapté de Mega et al. La variation du score total du NPI était statistiquement
corrélée à celle du score de l’inventaire du fardeau de
Alzheimer FRançais (REAL.FR). Cette importante cohorte ZARIT, confirmant l’impact fort de ces symptômes sur
a été suivie de manière prospective pour 482 patients à la qualité de vie des aidants familiaux, en terme de
l’inclusion, avec une première analyse à un an. Les patients bien-être émotionnel, social, physique et économique
vivaient à domicile à l’inclusion, et l’on a ainsi pu évaluer de l’aidant principal.
l’impact de ces troubles sur le recours à l’institutionnalisa-
tion en EHPAD ou en unité de soins de longue durée
(USLD). La charge de l’aidant principal était mesuré par MMS 21-30 MMSE 11-20
Comportement (n=259) % (N)
l’inventaire de fardeau de ZARIT. L’analyse a séparé deux % (N)
groupes de patients sur leur statut cognitif à l’inclusion avec
Idées délirantes 9,3 (24) 23,8 (53)
une population de patients diagnostiqués atteints d’une
maladie d’Alzheimer au stade léger (MMSE 21 – 30) et une Hallucibations 3,9 (10) 4,9 (11)
autre population de patients diagnostiqués à des stades
Agitation/Agressivité 32 (83) 41,7 (93)
modérés et modérément sévères (MMSE 11-20). Il existe
naturellement entre ces deux populations une différence dysphorie 37,5 (97) 40,4 (90)
significative des scores cognitifs (MMSE & ADAS-Cog) et
Anxiété 41,3 (107) 41,3 (92)
de la durée d’évolution de la maladie. La moyenne d’âge
était par contre voisine pour les 2 groupes, autour d’un Euphorie 4,2 (11) 9,9 (22)
peu plus de 77 ans. On notera qu’à l’inclusion 44,6% des
Apathie/Indifférence 47,1 (122) 61 (136)
patients étaient traités avec un inhibiteur de
l’Acétylcholinestérase depuis plus de 2 mois. désinhibition 8,1 (21) 12,1 (27)
Toujours pour la population à l’inclusion (tableau 2), la 32,4 (84) 42,6 (95)
Irritabilité
prévalence des symptômes était sur le score total du
NPI, significativement plus élevée pour les patients Comportement
16,2 (42) 29,1 (65)
modérés que pour les patient aux stades légers, ceci moteur aberrant
témoignant encore d’une réelle cohérence entre ces Sommeil 16,6 (43) 11,2 (25)
deux sous-populations définies a priori. On note que
85,3% des patients avaient une symptomatologie au Appétit 21,6 (56) 21,1 (47)
NPI pour les statuts cognitifs légers et 89,7% des
patients plus sévèrement atteints, attestant une
Tableau 2 : La prévalence et la fréquence x gravité des affections neurop-
nouvelle fois de l’importance de cette symptomatologie sychiatriques scores domaines à l'inventaire de base. (score sont avant
psychologique et comportementale. patients symptomatiques dans chaque domaine NPI) (*p<.005).
Toujours dans le suivi 65% des patients ayant un symp- 1980-1983 : validation de l’inventaire de fardeau des aidants
tôme à l’inclusion, en gardait au moins un à un an. Il est (ZARIT’s caregiver Burden Invotory).
clair que les symptômes des troubles de l’humeur prédomi- 1983 : validation de la Geriatric Depression Scale (GDS).
nent, néanmoins on note aussi que le niveau de symp- 1984 : Critères diagnostic de la Maladie d’Alzheimer par le groupe
tômes dépressifs semble décroitre au fil du suivi et de la de travail américain du NINCDS-ADRDA.
dégradation cognitive a contrario de l’apathie qui elle reste 1987 : premier papier de référence (Reisberg et al. Dans le J. Clin
en croissance et est à bien différencier de la dépression. Psychiatry) sur la prise en compte des troubles du comportement
Après un an de suivi longitudinal, 54 patients ont du dans la maladie d’Alzheimer.
1989 : Validation de l’echelle d’agitation du sujet âgé de Cohen-
être institutionnalisés en EHPAD ou en USLD (soit
Mansfield.
11,2% de la population d’inclusion), outre le fait qu’ils
1994 : parution des critères diagnostiques du DSM IV de
étaient cognitivement plus sévèrement affectés, ainsi l’Association Américaine de Psychiatrie.
que moins autonomes par rapport à la population non 1994 : Validation par Jeffrey Cummings du NPI.
institutionnalisée, on notait que le trouble du comporte- 1996 : Premières données d’épidémiologie par Mega et al. avec le NPI.
ment statistiquement le plus rattaché à cette institution- 1996 : Un consensus de l’International Psychogeriatrics (IPA)
nalisation était en premier lieu l’agitation/agressivité, donne le nom de SPCD pour symtômes psychologiques et compor-
ainsi que l’irritabilité. Le score du fardeau de l’aidant tementaux de la Démence (BPSD en anglais : Behavioral and
était lui aussi significativement plus important pour les psychological Signs and Symptoms of Dementia).
aidants des patients institutionnalisés (figures 2 regrou- 1998 : Publication de la validation en langue Française du NPI par
Robert P et col.
pant les 3 graphes du papier Benoit M ).
2000 : parution de l’édition révisée des critères diagnostiques du
Une nouvelle fois le lien pouvait être fait sur la corréla-
DSM IV –TR.
tion entre ces symptômes particulièrement mal vécus 2001 : premières publications d’efficacité des traitements anti-
par les familles (agitation/agressivité et déshinibition) et Alzheimer spécifiques sur les SPCD, avec le plus souvent en critère
leurs poids dans la décision d’une institutionnalisation secondaire, l’utilisation du NPI.
lourde de sens et de conséquences. 2002 : publication de l’Inventaire Apathie par Robert et col.
2003 : Première publication sur les SPCD de la cohorte du PHRC
français REAL.FR.
2007 : L’European Alzheimer’s Disease Consortium propose un
regroupement syndromal sous 4 dimensions : Hyperactivité ;
Psychose ; Affectif ; Apathie.
2008 : Nouvelles recommandations de bonnes pratiques profes-
sionnelles de la HAS pour la maladie d’Alzheimer et les maladies
apparentées.
2009 : En attente des recommandations de la HAS pour la prise
en charge des troubles du comportement d’hyperactivité ou psycho-
tiques, du type agitation, agressivité, déambulations, réactions d’op-
position ou troubles psychotiques.
L’incidence :
Si la prévalence a bien été étudiée, peu de travaux arri- l’apathie, la déambulation, l’irritabilité la dépression et
vent de manière claire à catégoriser et mesurer l’inci- l’agitation auraient une incidence plus marquée aux
dence de ces symptômes. En effet, nombre de ces stadex plus précoces de l’observation longitudinale.
symptômes peuvent apparaître, disparaître, réappa- Toujours dans ce travail, deux notions nouvelles font
raître, à court, moyen, ou long terme, ou spontané- leur apparition, celle des SPCD les plus persistants et
ment, ou bien encore à la faveur de l’influence des trai- celles des SPCD les plus récurrents. La déambulation,
tements spécifiques et moins spécifiques et/ou de celle les idées délirantes, l’agitation, la dépression et l’apathie
d’une prise en charge plus globale adaptée, ou bien au sont les symptômes les plus persistants et durables alors
contraire inadaptée, ce qui semble être le cas le plus que les hallucinations et les idées délirantes sont les plus
fréquent. récurrents et surtout mesuré plus tardivement en fin de
Dans un travail néerlandais de la Maastricht Study (10), période d’observation. D’autres travaux doivent venir
une cohorte a été suivi sur une période de 18 mois, conforter cette approche qui ouvre une perspective sur
l’incidence des symptômes comme les idées délirantes l’évolution des symptômes en fonction du temps et
et les troubles de l’appétit semble être plus élevée dans contribuerait à mieux en appréhender la physiopatho-
les périodes intermédiaires de l’observation, alors que logie.
RÉFÉRENCES __________________________________________________________________________________________
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