Annales Médico-Psychologiques 172 (2014) 587–594

DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU

L’autisme à l’âge adulte : bilan diagnostique et aspects
thérapeutiques
Autism in adulthood: Diagnostic work-up and
therapeutic issues
Ayman Murad *, Aurélie Fritsch, Éric Bizet, Christian Schaal
Espace Autismes 68, centre hospitalier de Rouffach, 13, rue Charles-Sandherr, 68000 Colmar, France
Disponible sur Internet le 26 août 2014

Résumé
Le bilan diagnostique dans les troubles du spectre autistique est un ensemble d’entretiens avec les professionnels de la santé
ainsi que des tests psychologiques. Ce bilan permet de confirmer le diagnostic, de mettre en évidence les comorbidités et
de bien cerner les difficultés et les compétences de la personne. Le bilan peut aussi comporter des épreuves destinées à
évaluer le fonctionnement socio-émotionnel et cognitif. Dans tous les cas, il devrait se conclure par des recommandations
précises qui permettent de mieux accompagner le patient dans les domaines de la vie personnelle, domestique et
professionnelle. Après le bilan diagnostique, nous présentons dans cet article un aperçu des aides que les services de santé
peuvent apporter aux patients adultes ayant un trouble du spectre autistique. Il s’agit principalement d’aménager
l’environnement de façon appropriée, de mettre en route des psychothérapies pour aider les personnes à mieux
gérer leurs émotions ou à mieux maîtriser les interactions sociales pour en tirer davantage de satisfactions et, dans certains
cas, de prescrire des médicaments dans des indications précises.
ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Diagnostic assessment of autism spectrum disorders includes psychiatric examination, semi-structured interviews as well
as standardized tools. Work-up should allow to establish diagnosis and comorbidities and to evaluate the patient’s skills and
difficulties. Assessment should offer suggestions about the help that may be proposed to patients in the personal and social
fields. In this article, we present the way our team carry on diagnostic assessment. Afterwards, we give a synopsis about the
support mental health professionals can propose to adult patients with autism spectrum disorders. The main forms of
support are fitting out patient’s environment, emotion (especially anger and anxiety) management, social skills training, and
medication.
ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Mots clés : Autisme ; Habiletés sociales ; Syndrome d’Asperger ; Troubles du spectre autistique ; Troubles envahissants du
développement

Keywords: Asperger’s syndrome; Autism; Autism spectrum disorders; Invasive developmental disorders; Social skills training

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : a.murad@ch-rouffach.fr (A. Murad).

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.011
0003-4487/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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1. BILAN DIAGNOSTIQUE
Un bilan diagnostique n’a pas pour seul objectif d’établir, ou
d’éliminer, le diagnostic de trouble du spectre autistique (TSA).
Son intérêt principal est de décrire le syndrome autistique
particulier chez le sujet concerné. Une évaluation du
fonctionnement peut être faite indépendamment du bilan
diagnostique, certains parleront alors de « bilan fonctionnel »,
mais le bilan diagnostique lui-même comporte des éléments
d’évaluation fonctionnelle et doit se conclure par des
recommandations permettant de mieux accompagner la
personne.
Le diagnostic de l’autisme est purement clinique. Il est plus
difficile chez l’adulte, et demande une évaluation clinique
approfondie car les symptômes autistiques sont généralement
plus subtils que chez l’enfant ou l’adolescent. En plus, le tableau
clinique peut être en partie compensé par les capacités
intellectuelles élevées ou masqué par des troubles psychia-
triques associés.
Il est important d’interroger l’entourage et les parents du
patient car, d’une part, celui-ci peut ne pas être conscient de ses
propres difficultés et, d’autre part, l’autisme étant un trouble du
développement, il est indispensable d’obtenir des informations
fiables sur la petite enfance. Ceci est particulièrement difficile
chez un autiste adulte car les parents peuvent être décédés ou
ne garder que des souvenirs approximatifs de la petite enfance
du patient. Dans ce type de situations, il est utile de demander à
la famille d’apporter des documents datant de l’enfance (carnet
de santé, photos, enregistrement vidéo, bulletins scolaires. . .).
Les motifs de la demande de diagnostic sont variables. En
l’absence de retard mental, le diagnostic peut être demandé par
l’adulte lui-même, poussé en cela par les difficultés qu’il
rencontre dans la vie affective et professionnelle (conflits,
échecs, incompréhensions). Parfois ce sont les parents, inquiets
pour l’avenir de leur enfant devenu jeune adulte, qui demandent
le diagnostic. Chez les patients ayant un retard mental, ce sont
les parents ou les équipes des établissements médico-sociaux
qui demandent un bilan diagnostique pour mieux comprendre
la personne, mettre un nom sur ses difficultés et surtout pour
mieux orienter l’accompagnement éducatif dont elle bénéficie.
Il peut s’agir aussi d’un jeune adulte qui avait déjà bénéficié d’un
bilan diagnostique dans son enfance, mais chez qui on souhaite
une nouvelle évaluation diagnostique pour faire le point sur son
évolution. Mais il ne faut pas oublier qu’un patient autiste peut
aussi consulter un médecin, un psychologue ou un infirmier
pour une tout autre raison que l’autisme, d’où l’intérêt de
considérer l’autisme comme un des grands syndromes
psychiatriques. Les professionnels devraient ainsi penser à la
possibilité d’un trouble du spectre autistique devant toute
personne ayant un comportement ou un fonctionnement
psychique atypique.
Dans ce contexte, l’apport des outils diagnostiques
standardisés est précieux, mais là les cliniciens se heurtent à
la rareté des outils validés chez l’adulte et sont souvent obligés
d’adapter les outils prévus pour l’enfant.
Cependant, il n’est pas anodin d’établir un diagnostic
d’autisme chez un adulte. Ce diagnostic, perçu comme une
reconnaissance ou comme le portail vers une prise en charge
adaptée, sera le plus souvent reçu avec soulagement et espoir
par la famille et, le cas échéant, par le patient. Mais dans certains
cas, on assiste à des réactions de refus de la part du patient, qui
ne veut pas se voir comme handicapé. Dans d’autres cas,
prenant conscience que leur fils ou leur fille est encore capable
d’accomplir des progrès, les parents ont un sentiment
d’amertume et se demandent pourquoi le diagnostic et les
pistes d’accompagnement qui en découlent ne leur ont pas été
proposés plus tôt. L’équipe qui conduit le bilan diagnostique
doit être préparée à cette diversité des réactions. Elle doit
pouvoir accompagner le patient et sa famille dans cette étape
d’annonce du diagnostic, et surtout montrer que le diagnostic
n’est pas une fin en soi ni une simple étiquette qui classe le
patient dans une catégorie, mais qu’il s’agit d’une procédure qui
aide à définir les difficultés pour mieux les surmonter.
Au cours du processus diagnostique, les différents inter-
venants doivent respecter le rythme et les capacités
attentionnelles du patient. Un accueil chaleureux, le fraction-
nement des épreuves longues et la répétition d’explications
adaptées au niveau de compréhension sont autant de facteurs
qui aident la personne autiste à collaborer à ce processus dont il
ne saisit pas toujours l’intérêt.
Dans un document disponible sur son site Internet [10], la
Haute Autorité de santé (HAS) présente plusieurs outils d’aide
au dépistage du syndrome autistique, au diagnostic de la triade
autistique et à l’évaluation du fonctionnement intellectuel et
de l’adaptation sociale chez les adultes ayant un trouble
envahissant du développement (TED). Nous présentons ici
brièvement les étapes du bilan diagnostique et les principaux
outils utilisés par notre équipe.
1.1. L’entretien psychiatrique
Il cherche à comprendre les motifs de la demande, à définir
le tableau clinique, les antécédents et les pathologies associées.
1.2. Les outils de dépistage
Chez l’adulte, ils sont principalement conçus pour les
personnes sans retard mental. Il s’agit de questionnaires tels
que l’Autism Quotient (AQ), l’Empathy Quotient (EQ) et la Ritvo
Autism Asperger Diagnostic Scale (RAADS), qui semblent
présenter de bonnes qualités psychométriques [22]. Toutefois,
ces instruments ne sont pas encore validés en langue française.
Chez les personnes ayant un retard mental, on peut utiliser le
PDD-MRS (Pervasive Developmental Disorder in Mentally Retarded
Persons) [12] ainsi que l’ASD-DA [14], le premier semblant
posséder de meilleures qualités psychométriques. Ces deux
instruments ne sont pas non plus validés en langue française.
1.3. Les outils diagnostiques à proprement parler
comportent principalement
1.3.1. Les entretiens semi-structurés
L’entretien le plus utilisé en France est la version française de
l’Autism Diagnostic Interview-Revised (ADI-R). Cet entretien
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se fait avec les parents, ou avec une personne qui a bien connu
le patient pendant sa petite enfance. Il comporte 93 items
portant sur le développement du patient, surtout pendant la
petite enfance.
1.3.2. L’ADOS (Autism Diagnostic Observation
Schedule)
L’ADOS (Autism Diagnostic Observation Schedule) est un
test standardisé semi-structuré. Il est composé d’un ensemble
d’activités standardisées qui permet à l’observateur de coter
différents items. Ceux-ci concernent trois domaines : les
interactions sociales réciproques, la communication et le
langage, le jeu ou l’utilisation imaginative du matériel. L’ADOS
est proposé en quatre versions différentes appelées modules.
Un seul module est passé chez chaque patient. Les modules 1, 2,
3 concernent l’enfant. Le module 4 concerne les adolescents et
adultes ayant un langage élaboré. En l’absence de module prévu
pour les adultes ayant un retard du langage, les professionnels
peuvent être amenés à utiliser les modules 2 et 3.
1.4. Des outils complémentaires
Le bilan neuropsychologique et le bilan socio-émotionnel
n’ont pas vocation à établir le diagnostic d’autisme, mais ils
apportent un complément précieux d’informations qui aide
l’équipe pluridisciplinaire à comprendre le fonctionnement
psychique du patient, sa manière de voir le monde, et les
stratégies qu’il a apprises pour faire face aux différentes
situations de la vie.
1.4.1. Le bilan cognitif et neuropsychologique
Les personnes autistes ont une organisation cérébrale
atypique qui influence leur manière de percevoir le monde et de
traiter l’information. Ceci entraîne des particularités cognitives,
dont l’exploration permet d’étayer le diagnostic (notamment
pour pouvoir conclure à un syndrome d’Asperger en cas
d’absence de retard mental) et de mieux comprendre le
comportement de la personne. Il est souhaitable de commen-
cer par évaluer le fonctionnement intellectuel général du sujet.
La batterie WAIS-III (échelle d’intelligence de Wechsler,
version III) est la plus utilisée chez l’adulte. Elle permet
d’effectuer le bilan des capacités intellectuelles incluant les
connaissances verbales, les capacités d’organisation perceptive,
la mémoire de travail et la vitesse de traitement. Le profil
de performance obtenu aux différents sous-tests peut en outre
donner des indications sur le diagnostic, suggérer la présence
d’une comorbidité et orienter le clinicien sur les tests à utiliser
pour la poursuite des investigations. Les capacités mnésiques de
la personne seront également évaluées. À niveau intellectuel
égal, les personnes autistes n’ont généralement pas plus de
difficultés de mémoire que les non autistes, mais les
particularités de leur traitement de l’information les amènent
à mémoriser celle-ci de manière moins structurée, ce qui peut
perturber leurs apprentissages et la création de souvenirs
personnels. Adapté aux personnes n’ayant pas de retard
mental, le CVLT (Californian Verbal Learning Test), certains items
de la batterie MEM-III et la figure de Rey évaluent les capacités
589
mnésiques verbales et visuelles. L’attention est un domaine qu’il
convient également d’explorer, surtout en cas de suspicion de
syndrome d’Asperger, ces personnes ayant souvent des
difficultés d’attention importantes. Des questionnaires comme
celui de Conners ou de Brown peuvent rendre compte de
l’intensité des difficultés d’attention dans la vie quotidienne.
Des tests tels que la TEA (Test of Everyday Attention), le CPT
(Continuous Performance Test) sont susceptibles d’identifier les
composantes de l’attention qui sont altérées et nous renseigner
sur les capacités de contrôle de l’impulsivité. Le bilan
neuropsychologique s’attachera également à mesurer le
fonctionnement exécutif, c’est-à-dire, très généralement, à
vérifier les capacités d’inhibition, d’activation, de flexibilité
mentale et de planification. Il est globalement reconnu que,
dans les TSA, les capacités d’inhibition sont intactes alors que
les capacités d’activation, de flexibilité et de planification sont
diminuées. Parmi les nombreux tests disponibles, on pourra
utiliser le Stroop, les fluences verbales, le classement de cartes
de Wisconsin et la Tour de Londres. Les batteries D-KEFS
(Delis-Kaplan Executive Function System) et BADS (Behavioral
Assessment of the Dysexecutive Syndrome) offrent également de
nombreux sous-tests intéressants, dont certains ont un aspect
écologique qui rend mieux compte des difficultés exécutives
dans la vie courante. Selon les observations cliniques réalisées
lors de l’entretien, il pourra être également intéressant
d’évaluer le langage réceptif avec l’EVIP (Échelle de Vocabulaire
en Images Peabody) et/ou le Token Test. Enfin, compte tenu de
la fréquence des difficultés d’intégration et de coordination
motrice, de contrôle du regard et d’acquisition des praxies, il
pourra être intéressant d’explorer la capacité d’imiter et de
produire sur commande des gestes manuels simples ou
complexes, incluant l’utilisation d’objets, ainsi que la capacité
de suivre du regard, par exemple, des lignes enchevêtrées,
grâce aux lignes enchevêtrées de Rey.
1.4.2. Les épreuves socio-émotionnelles
Elles aident à savoir comment la personne repère les
pensées et les croyances des autres. Ces épreuves évaluent la
capacité d’imaginer de manière cohérente le savoir d’un
individu par rapport à l’expérience de celui-ci (test classique de
fausses croyances, niveau 1 de la théorie de l’esprit), la capacité
d’imaginer ce que pense une personne des pensées d’une autre
(niveau 2 de la théorie de l’esprit), la présence de repères
logiques à propos des comportements sociaux, la capacité de
repérer, d’après un contexte, le caractère intentionnel ou non
d’une gaffe sociale (test dit des « faux-pas » de Baron Cohen), la
présence de repères sur les conventions sociales (« histoires de
Dewey ») et la capacité d’imaginer les émotions ressenties par
les autres. Ces tests jouent un rôle d’évaluation fonctionnelle et
qualitative des difficultés de la personne en matière de
cognition sociale. Elles contribuent donc au diagnostic en
explorant spécifiquement un des éléments de la triade
autistique, particulièrement important à rechercher chez les
personnes porteuses d’un TSA sans retard mental. Ces
personnes ont souvent développé des stratégies d’adaptation
et de compensation du handicap, ce qui rend les particularités
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de la communication et des interactions sociales moins visibles
lors de l’entretien clinique.
1.5. Les autres examens et consultations
spécialisées
Le bilan diagnostique peut être utilement complété par un
examen somatique, notamment neurologique, et par une
consultation de génétique médicale. La plupart des patients
n’ont pas bénéficié de ce type d’examens dans l’enfance, et
même s’ils en ont déjà bénéficié, une réévaluation est
nécessaire compte tenu des progrès constants dans ces
domaines. La consultation génétique permettra de pratiquer
d’autres explorations en fonction de la clinique, notamment un
caryotype et la recherche de l’X fragile. L’HAS [10]
recommande aussi de compléter le bilan diagnostique chez
l’adulte par un examen de la vision et de l’audition et d’étudier la
façon dont le patient exprime habituellement la douleur.
2. TRAITEMENT ET PRISE EN CHARGE
L’accompagnement de l’adulte porteur d’un trouble du
spectre autistique ne saurait se réduire à l’application de
techniques thérapeutiques. Il doit se baser sur un bilan
diagnostique mettant en évidence les difficultés et les
compétences du patient. Les différentes interventions doivent
se faire dans la cohérence. Il est important d’expliquer à la
famille, et au patient lorsque son niveau intellectuel le permet,
qu’on ne peut pas « guérir » de l’autisme et qu’il faut apprendre
à vivre avec ce handicap. Il est encore plus important
d’expliquer que l’évolution et les apprentissages sont possibles
à tout âge, même chez un autiste ayant un retard mental sévère.
Dans notre expérience, presque tous les adultes autistes qui
ont bénéficié d’un accompagnement adapté ont pu évoluer,
apprendre de nouveaux comportements et acquérir un mieux-
être.
Bien qu’il s’agisse d’adultes, le handicap lourd que
constituent les TSA fait que le patient reste le plus souvent
dépendant de son entourage, surtout de ses parents, même en
l’absence de retard mental. Il est donc primordial de collaborer
avec les parents : promouvoir la connaissance qu’ils ont de
l’autisme, bénéficier de la connaissance qu’ils ont de leur enfant.
Traiter les troubles somatiques et psychiatriques associés,
chaque fois que nous disposons d’un traitement efficace, doit
être une priorité car les maladies associées à l’autisme
contribuent souvent à augmenter la sévérité du tableau
clinique.
2.1. Organisation de la prise en charge en France
Plusieurs dispositifs professionnels peuvent être amenés à
soutenir la personne autiste dans son parcours. Des centres de
ressources autisme (CRA) ont été créés à partir de 1999. Ils ont
pour vocation l’accueil, l’orientation et l’information des
personnes et de leurs familles, l’aide à la réalisation de bilans
approfondis, la formation et le conseil auprès des acteurs
impliqués dans le diagnostic et la prise en charge des TSA et
l’animation de la recherche. Les CRA, dont la mission concerne
tous les âges, n’assurent pas directement de soins, mais sont en
articulation avec les dispositifs de soins, comme avec les
structures médico-sociales. Ils sont organisés sur une base
régionale et comportent une équipe ayant développé des
compétences en matière de diagnostic et d’évaluation des
troubles envahissants du développement. Ils s’appuient
généralement sur une structure sanitaire [5].
Les établissements médico-sociaux sont souvent impliqués
dans l’accompagnement de l’adulte autiste, en internat, en
accueil de jour ou en équipe mobile. Certains d’entre eux ont
des groupes de vie consacrés aux personnes autistes ; d’autres
accueillent les personnes dans les mêmes groupes quel que soit
leur handicap. Les personnels de ces établissements sont de
mieux en mieux formés à l’autisme et aux particularités de la
prise en charge.
Les autistes peuvent avoir besoin d’être hospitalisés en
psychiatrie, pour le traitement d’une pathologie psychiatrique
associée ou en raison de troubles du comportement. Il existe
en France quelques services spécialisés dans l’accueil des
patients autistes, mais tout service de psychiatrie devrait être
préparé à accueillir ces patients et à leur proposer des soins qui
tiennent compte de leurs particularités.
2.2. Les méthodes thérapeutiques
Plusieurs méthodes, s’appuyant sur la science du compor-
tement et surtout connues par leurs initiales en anglais, sont
utilisées et évaluées dans les TSA. On peut en citer la méthode
TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related
Communication handicapped CHildren), les programmes intensifs
de l’ABA (Applied Behavior Analysis) et le PECS (Picture Exchange
Communication System). Ces méthodes sont principalement
utilisées et évaluées chez les enfants. L’expérience de notre
équipe montre que ces méthodes, utilisées dans un projet
thérapeutique cohérent et après une évaluation fonctionnelle
soigneuse, peuvent être complémentaires et, comme le
soulignent d’autres auteurs [13], profitables aussi à l’âge adulte.
2.3. Les projets de soins et d’accompagnement
selon le profil
Chaque personne autiste est unique et ses besoins sont
forcément différents de ceux des autres. Il est indispensable que
les multiples intervenants autour de la personne autiste
travaillent en harmonie et que l’accompagnement soit fondé à la
fois sur un pilier de soin (soigner la comorbidité, soulager la
souffrance, atténuer les troubles du comportement) et sur un
pilier d’épanouissement personnel (augmenter le bien-être,
l’autonomie et les capacités de communication).
L’accompagnement des personnes ayant un TSA avec retard
mental doit assurer l’aménagement et la structuration de leur
environnement. Le déroulement de leurs journées devrait
comporter le moins possible d’imprévus et leur permettre en
même temps d’avoir une certaine maîtrise sur les activités et
sur leurs interactions avec les autres. Les adultes autistes qui
ont des difficultés de communication (langage absent, réduit ou
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non fonctionnel) devraient pouvoir bénéficier d’un système de
remplacement, notamment de la possibilité d’échange par
images ou par objets, ce qui leur apporte, dans la plupart des
cas, une amélioration de leurs capacités de communication. Ils
peuvent ainsi exprimer leurs besoins et solliciter l’autre pour
les satisfaire. Une communication efficace diminue l’anxiété et
améliore souvent les interactions sociales de la personne. En
cas de troubles du comportement, les thérapies comporte-
mentales et cognitives (TCC) et certains psychotropes sont
utiles, dans les conditions décrites ci-après.
L’accompagnement dans les TSA sans retard mental est
différent et doit s’intéresser principalement à l’apprentissage
scolaire et professionnel et à la vie affective. Les TCC sont très
utiles pour soigner les troubles émotionnels tels que la colère
pathologique [16], les conduites agressives, l’anxiété et le vécu
persécutif, si fréquents dans cette population. Elles peuvent
aussi être utilisées dans les indications habituelles (dépression,
troubles anxieux). Des ateliers d’entraînement aux habiletés
sociales peuvent être proposés [7]. Ils tentent de développer
les compétences telles que la conversation (la pragmatique du
langage), la perception et l’utilisation de la communication non
verbale, la compréhension et l’expression des émotions. Ils
donnent des résultats modestes, mais certains et durables. Les
psychotropes, notamment les antidépresseurs, peuvent être
utilisés dans les indications habituelles (dépression, anxiété
généralisé ou trouble panique, trouble obsessionnel compulsif).
2.4. Traitement des troubles du comportement
Les troubles du comportement, que nous avons évoqués
dans l’article consacré aux aspects cliniques, sont une
préoccupation majeure et une source de souffrance pour les
familles et les professionnels. La thérapie de ces troubles utilise
l’analyse appliquée du comportement, ensemble de méthodes
scientifiques qui aident le patient à s’affranchir de ses
comportements inadaptés pour les remplacer par des
comportements plus adaptés, susceptibles d’augmenter son
autonomie et son bien-être. La pratique de cette thérapie
nécessite l’engagement d’un personnel motivé et bien formé.
Nous décrivons ici cette thérapie appliquée aux comporte-
ments agressifs dans l’autisme accompagné de retard mental,
mais elle peut être adaptée à toutes les situations de troubles
du comportement.
L’agressivité dans l’autisme est en général un comportement
acquis [6]. Ceci signifie que la personne a appris qu’un résultat
désiré peut être atteint en agressant une autre personne. Ce
résultat correspond dans la plupart des cas à obtenir l’attention
de la victime ou des spectateurs ou à éviter une situation ou une
demande désagréable. Il est important d’étudier l’ensemble des
stimuli présents dans la situation de l’agression car il peut y
avoir des facteurs environnementaux, physiologiques ou
sociaux qui augmentent la probabilité du comportement
agressif. Le traitement de l’agression passe par plusieurs
étapes :
 les troubles du comportement peuvent être provoqués par
une douleur ou par une gêne physique que le patient n’est pas
en capacité d’exprimer. Il est donc primordial, en cas de
591
troubles du comportement d’apparition récente, de faire un
examen médical complet. Les personnes autistes déficitaires
bénéficient plus rarement que la population générale de
bilans dentaires, ORL et gynécologiques ou tout simplement
d’examens cliniques approfondis. Les pathologies digestives
aussi sont fréquentes et peuvent induire des troubles du
comportement [18]. En cas de doute, une prescription
d’antalgiques, à doses efficaces et avec des prises régulières,
est justifiée. L’amélioration du comportement dans ce cas
sera un argument fort en faveur d’une maladie somatique et
doit amener le médecin à faire des explorations plus
approfondies ;
 il est important aussi en cas de comportements agressifs de
considérer la possibilité d’un état dépressif. Une notion de
perte, des changements récents dans le cadre de vie du
patient, des troubles de l’appétit et du sommeil, sont en
faveur de ce diagnostic (voir notre article sur les aspects
cliniques). En cas de doute, un traitement antidépresseur à
titre d’essai nous semble justifié. Certains troubles paro-
xystiques du comportement peuvent aussi correspondre à
des crises d’épilepsie partielles ;
 il faut tenter d’identifier les facteurs précipitants car leur
suppression peut suffire à éliminer l’agression. Par exemple,
un autiste peut se montrer agressif quand il a faim. Il suffit
dans ce cas de prévoir des goûters à donner juste avant les
moments où la personne se montre agressive. Dans
beaucoup de cas, la personne autiste manifeste un
comportement agressif si on lui confie une tâche trop facile
(qui aboutit à un sentiment d’ennui) ou trop difficile (qui la
met en échec) ou pas suffisamment suivi de renforcement
positif ;
 enfin, il faut faire une analyse fonctionnelle basée sur des
observations cliniques systématisées, afin de déterminer la
fonction du comportement. Ceci permet de développer un
programme thérapeutique qui aide la personne à obtenir le
même résultat à travers un comportement plus adapté. Ainsi,
de nombreuses stratégies peuvent être utilisées :
 retirer l’attention des spectateurs au moment de l’agres-
sion,
 renforcer (récompenser) les comportements non agres-
sifs,
 apprendre à la personne d’échapper d’une manière
appropriée aux demandes et d’exprimer d’une manière
pacifique qu’elle souhaite arrêter une activité ou ne pas
participer à une activité,
 lors d’une agression, ne pas arrêter une activité si elle est
importante pour les apprentissages de la personne,
 appliquer des conséquences négatives si le comportement
de la personne est dangereux (confrontation à la loi,
isolement temporaire, faire participer l’agresseur à la
réparation des dégâts, time-out ou exclusion momentanée
du groupe. . .) ;
 à mesure que la personne produit des comportements
adaptés, il faut passer des renforçateurs concrets aux
renforçateurs symboliques ou sociaux et surtout aux
renforçateurs « naturels ». Par exemple, dans un établisse-
ment d’hébergement, si un résident réussit à abandonner son
592 A. Murad et al. / Annales Médico-Psychologiques 172 (2014) 587–594

comportement agressif, les autres résidents accepteront plus
volontiers d’entrer en interaction amicale avec lui. La
disparition du comportement agressif permet en plus au
résident d’accéder à des lieux qui lui étaient interdits du fait
de son agressivité (sortir avec sa famille, se rendre à la
cafétéria de l’établissement. . .) ou lui donne des responsa-
bilités valorisantes, ce qui constitue un renforcement positif
naturel.
2.5. Les psychotropes
Nous présentons dans le Tableau 1 une synthèse de
l’utilisation possible des psychotropes dans les TSA selon
les symptômes cibles et la comorbidité. Ce tableau a une
valeur simplement indicative car il existe peu d’études
contrôlées évaluant l’effet des traitements médicamenteux
dans les TSA [2].

Tableau 1
Utilisation possible de certains médicaments dans les troubles du spectre autistique (TSA) selon les symptômes cibles et les comorbidités [2,9,24] (ce tableau est
donné à titre indicatif en fonction des suggestions de certains auteurs et de l’expérience de notre équipe, il ne comporte pas d’indication officielle ni d’autorisation de
mise sur le marché).
Symptôme cible Médicament Références et commentaires

Hyperactivité, impulsivité Méthylphénidate N’a pas été étudié chez l’adulte autiste [2]
Rispéridone Bénéfice suggéré par des études ouvertes chez les enfants, adolescents et adultes
Olanzapine Bénéfice suggéré par des études ouvertes et des rapports de cas, principalement
chez l’enfant
Clozapine Proposée par quelques études de cas chez l’adulte à la posologie de 200–400 mg/
jour [9,19]
Comportements agressifs Thymorégulateurs Proposés par quelques auteurs, mais peu ou pas d’études
Bêta-bloquants
Halopéridol Surtout étudié chez l’enfant autiste, mais peu ou pas étudié chez l’adulte
Rispéridone Le plus étudié parmi les antipsychotiques dans les TSA (enfants, adolescents,
adultes) avec ou sans retard mental [2]
Anti-épileptiques Intérêt de l’acide valproïque et du divalproate de sodium suggéré par des études
ouvertes ou rétrospectives [9]. Posologie allant de 125 à 2500 mg/j
Grosses difficultés à supporter les transitions Clomipramine Risque de crises convulsives à ne pas négliger dans cette population
Probablement moins bien tolérée chez les enfants que chez les adultes [9]
ISRS [9]
Comportements compulsifs sévères Clomipramine, ISRS [9]
Fluvoxamine A fait l’objet d’une des rares études contrôlées en double insu contre placebo chez
30 adultes autistes. Plus efficace que le placebo (50–300 mg/jour sur 12 semaines)
pour diminuer les comportements et pensées stéréotypés et les comportements
agressifs et pour améliorer certaines habiletés sociales [15]
Irritabilité Antidépresseurs [9]
Symptômes dépressifs Antidépresseurs [9]
notamment ISRS
Fluctuation de l’humeur Thymorégulateurs Le lithium est utilisé avec succès pour traiter l’agressivité chez les autistes déficients.
(notamment lithium), Il reste utile pour traiter l’instabilité affective surtout quand elle a un caractère
anti-épileptiques cyclique. Il semble plus efficace quand il y a des antécédents familiaux de trouble
(acide valproïque), bipolaire [9]
antipsychotiques
Symptômes anxieux et phobiques Antidépresseurs, [9]
notamment ISRS
Buspirone Aurait un effet anxiolytique et antidépresseur chez les adultes autistes à la dose de
15–45 mg/j [3]
Idées délirantes, hallucinations Antipsychotiques [9]
Troubles du sommeil Diphenhydramine [9]
(antihistaminique),
trazodone (non
commercialisé en
France), clonidine,
antipsychotiques
Mélatonine La mélatonine a été utilisée avec succès chez des enfants et des adultes autistes
[8,21]
Tics et maladie de Gilles de la Tourette Antipsychotiques, [9]
clonidine

ISRS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.

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À ce jour, hormis l’utilisation expérimentale de l’ocytocine, il
n’y a pas de médicament susceptible d’améliorer les capacités
sociales et communicatives des personnes autistes [1,4].
Quelques études ont montré des effets prometteurs de
l’ocytocine. Une étude préliminaire randomisée en double insu
contre placebo chez 15 adultes ayant un trouble autistique ou
un syndrome d’Asperger avait montré une diminution
significative des comportements répétitifs à la suite des
perfusions d’ocytocine par rapport au placebo [11]. Plus
récemment, une étude française [1] a mis en évidence un effet
intéressant de l’administration de l’ocytocine par pulvérisation
nasale chez 13 personnes ayant un autisme de haut niveau ou de
syndrome d’Asperger. L’ocytocine dans cette étude a amélioré
le comportement social et l’exploration des visages chez les
patients. L’utilisation de cette hormone dans l’autisme reste
pour le moment expérimentale.
Dans la pratique quotidienne, les psychotropes peuvent être
prescrits pour traiter les troubles psychiques associés ou pour
réduire les « symptômes cibles », c’est-à-dire des symptômes
gênants, fréquemment associés aux troubles du spectre
autistique, et qu’on ne peut pas rattacher à un trouble
psychiatrique précis. Parmi les symptômes gênants fréquem-
ment rencontrés en clinique, on peut citer l’instabilité
émotionnelle, l’irritabilité, l’hyperactivité avec déficit de
l’attention, l’hétéro- et l’auto-agressivité et les stéréotypies.
Des médicaments tels que les neuroleptiques, les psychosti-
mulants et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine peuvent améliorer la qualité de vie et permettre au
patient de profiter au maximum des autres formes de thérapie.
Les médicaments psychotropes doivent être introduits très
progressivement car, d’une part, certains autistes ont une
sensibilité accrue et imprévisible aux neuroleptiques et, d’autre
part, ces patients ont souvent des troubles digestifs, pour
lesquels ils prennent déjà des médicaments susceptibles de
potentialiser les effets secondaires des neuroleptiques [18]. Il
est souhaitable de ne pas associer trop de médicaments
psychotropes car, si on dépasse trois médicaments psycho-
tropes, les interactions sont telles qu’il n’est plus possible d’en
discerner l’efficacité [18]. Il faut aussi apprendre à
« désadministrer » les médicaments psychotropes. Si l’arrêt
de certains psychotropes s’avère difficile, on peut s’inspirer de
la méthode « low and slow », baisse d’une petite quantité sur une
période suffisamment longue ; par exemple, pour les
neuroleptiques, baisser la dose de 10 % tous les trois mois [20].
En France, la rispéridone avait l’autorisation de mise sur le
marché (AMM) dans l’indication spécifique des troubles
autistiques, mais cette indication a été retirée, en raison de
l’absence de preuve de son efficacité sur les symptômes
spécifiques dans ces troubles (décision du Comité des
Médicaments à Usage Humain), mais il reste un
des médicaments les plus documentés pouvant améliorer les
symptômes associés à l’autisme.
Les cliniciens ne pensent probablement pas assez à prescrire
des antidépresseurs chez les personnes autistes. Comme nous
l’avons souligné dans l’article consacré aux aspects cliniques de
l’autisme à l’âge adulte, la dépression est fréquente dans cette
population et elle peut se manifester de manière atypique,
593
notamment par des troubles du comportement. Il est donc
recommandé, même si les études dans ce domaine sont rares,
de prescrire les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine en
cas de suspicion d’épisode dépressif.
Quelques études en double insu ont montré l’intérêt de la
naltrexone, antagoniste opiacé, notamment pour améliorer
l’attention chez les enfants autistes mais pas chez les adultes
[2,23].
Les thérapies alternatives de l’autisme sont foison, mais il est
indispensable de les soumettre à la recherche scientifique. Les
mesures diététiques et la vitaminothérapie n’ont pas de base
scientifique à notre connaissance. Il est cependant possible que,
dans certains cas de comorbidité, la maladie associée à l’autisme
soit favorablement influencée par l’élimination de certaines
substances [17].
L’effet de la sécrétine n’a pas été confirmé par des études en
double insu [2]. La vitaminothérapie et le magnésium auraient
donné une amélioration rapportée par certains parents mais
leur usage n’a pas fait l’objet d’étude valable méthodologique-
ment [2]. L’usage de ces médicaments doit se faire de manière
prudente après évaluation clinique et paraclinique et le
traitement doit être évalué régulièrement.
DÉCLARATION D’INTÉRÊTS
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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