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C.

BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Examen psychologique de l’enfant et l’adolescent


(L. De Coster)

Chapitre 1 : Pratique de l'examen psychologique, considérations et


recommandations
1. Le tableau clinique
Le tableau clinique dresse le portrait des symptômes d’une personne qui consulte pour arriver
à poser un diagnostic. Il est effectué lors des premières rencontres et permet de déceler les
comorbidités, soit les troubles associés. Il établit l’étiologie d’un trouble (observation clinique
de la personne qui consulte) et permet d’émettre un pronostic (une prédiction quant à l’évolution
du trouble).

2. Les cliniciens
Sont cliniciens seuls les professionnels qui travaillent en santé mentale comme les médecins
(psychiatres), les psychologues, les travailleurs sociaux, les intervenants psychosociaux, les
éducateurs spécialisés et les infirmiers. Attention, certaines actions ne sont posées par des
cliniciens spécifiques
 Dépistage : effectué par l’ensemble des professionnels
 Diagnostic : réservé aux psychologues et aux médecins
 Prescription de médicaments : réservée aux médecins
Des compétences spécifiques sont requises pour réaliser un examen psychologique. Une
Conférence de consensus (2008-2010) a eu lieu afin de dresser des recommandations à propos
de l’examen psychologique et l’utilisation des mesures en psychologie de l’enfant.

 R1 : Réalisé par un psychologue diplômé + titre de psychologue.


 R2 : connaissances théoriques
 R3 : compétences pratiques
 R4 : développer ses compétences durant sa carrière

3. Les aspects légaux de l’évaluation clinique


Un cadre légal entoure la pratique et l’évaluation clinique. On retrouve un code de déontologie
qui est un cadre légal à la pratique de la psychologie et qui liste différents exemples de règles
qu’il convient de respecter comme le respect de la confidentialité, le consentement libre et
éclairé de la personne qui consulte, l’évitement des conflits d’intérêts…

4. L’examen et de l’évaluation psychologique


4.1 Les différentes étapes de l’évaluation
L’évaluation clinique ou l’examen psychologique est un processus diagnostique constitué de
plusieurs étapes.

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1. Analyse demande
2. Anamnèse
3. Evaluation : passation des outils – évaluation fonctionnement et ressources
4. Synthèse des données provenant des outils d’évaluation utilisés : conclusion,
diagnostic, pronostic
5. Remise des conclusions – annonce du diagnostic (éventuel) : retour au sujet lors du
bilan
6. Plan d’intervention : propositions thérapeutiques, recommandations, orientation,
rééducation…
4.2 Les objectifs de l’évaluation
Les objectifs de l’évaluation clinique sont notamment :
 Répondre à une demande d’aide ou de conseil.
 Fournir un diagnostic clinique(psychologique/psychiatrique).
 Comprendre les symptômes et la souffrance du sujet
 Comprendre le fonctionnement psychique du sujet (normal – psychopathologique,
développement et arrêts de développement).
 Formuler des pistes thérapeutiques ou un plan d’intervention.
 Evaluation : lien, « chainon manquant » entre l’analyse du problème et les démarches
engagées pour le traiter (APA, 1996). - Outil de recherche (chercheurs) : décrire et
comprendre troubles (nosographie, nosologie)
On pourrait se poser la question suivante : L’évaluation a-t-elle aussi une valeur thérapeutique
(même si ce n’est pas un objectif en soi) ? La réponse est qu’on observerait un redémarrage
évolutif et une diminution de la symptomatologie (Royer, 1993, e.a.). L’évaluation est une
façon d’intervenir sur souffrance psychique, de relancer un travail psychique...On procède
indirectement à une re-narcisation momentanée grâce à l’intérêt du (neuro)psychologue et
mobilisation de l’entourage et on sensibilise le sujet à ses stratégies de pensée, à ses
aménagements défensifs singuliers. L’évaluation, finalement, favorise les réflexions et les
prises de conscience (Debray, 2000).
Le diagnostic peut aussi offrir un lot d’effets qui varient selon les circonstances : recevoir un
diagnostic a un impact sur la manière dont la personne se perçoit. Ces effets varient également
selon le degré d’information et de sensibilisation des personnes concernées. Les effets positifs
sont une compréhension et soulagement quant à son vécu, une meilleure compréhension de
l’entourage et l’accès à des soins et services. Les effets négatifs sont l’étiquetage
(stigmatisation) et les préjugés liés aux troubles de santé mentale.
4.3 Les particularités liées à l’évaluation
Quand on parle de particularités liées à l’évaluation clinique, il est important de penser à la
notion de globalité. En effet, il est indispensable d’aborder sujet dans sa globalité c’est-à-dire
en considérants les facteurs affectifs, sociaux, cognitifs, biologiques, instrumentaux ainsi que
les interactions entre ces facteurs. Si l’on se réfère à la définition du DSM-5 (APA, 2013/2015).

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« Un trouble mental est un syndrome caractérisé par une perturbation cliniquement


significative de la cognition d’un individu, de sa régulation émotionnelle ou de son
comportement, et qui reflète l’existence d’un dysfonctionnement dans les processus
psychologiques, biologiques ou développementaux sous-tendant le fonctionnement mental ».
L’évaluation ne saurait donc se réduire à l’utilisation d’un seul outil, d’un seul test, d’un seul
entretien.
Une autre notion importante à garder à l’esprit est la notion de singularité : chaque personne
(enfant, adolescent) est unique et non réductible aux résultats obtenus aux épreuves, ni à son «
diagnostic ». L’évaluation doit être faite « sur-mesure » et non se baser sur une batterie standard.
Il est nécessaire à chaque fois de l’adapter à la demande, au sujet et à son âge, au contexte. Par
exemple, l’enfant peut être stressé lors de cet examen, c’est une situation qui peut être
anxiogène. Il est primordial de l’aider à désamorcer cela. La situation clinique est une situation
d’interaction qui possède un aspect intime et personnalisé et qui demande un effort de réflexion
et d’implication observation (psychologue). Le(la) (neuro)psychologue devient un « outil
participant à la démarche d’investigation » (Emmanuelli, 2002). C’est une situation duelle :
agréable pour certains sujets, stressante ou angoissante pour d’autres.
4.4 Les défis liés à l’évaluation
Le premier défis lié à l’évaluation clinique est la symptomatologie diversifiée. Les symptômes
s’inscrivent dans des registres bien différents : somatique, cognitif, comportemental (et
relationnel), émotionnel et thymique. Souvent, les troubles externalisés sont plus facilement
identifiés que les troubles internalisés (Deplus, 2007).
Il faut noter qu’on observe souvent les mêmes symptômes manifestes pour différents troubles.
Un même symptôme peut s’observer dans le contexte de troubles très divers. Par exemple, la
distractibilité dans troubles de l’humeur, troubles de l’anxiété, déficit de l’attention, stress post-
traumatique etc., le mutisme dans trouble anxieux, TSA...
Un autre défi est lié aux symptômes associés car les troubles sont souvent comorbides c’est-à-
dire qu’ils se manifestent en même temps chez le même sujet. Un symptôme peut être lié à
d’autres symptômes (être cause, effet, les deux à la fois) et peut être masqué par des mécanismes
de compensation.
Ensuite, il faut noter que les symptômes évoluent et fluctuent en fonction de l’âge et du
développement. Par exemple, la capacité à mentaliser les conflits augmente avec l’âge. Les
enfants plus âgés ont tendances à plus mentaliser tandis que les ados passent plus facilement à
l’acte. Il est important de toujours réfléchir en termes de développement normal ou
pathologique, typique ou atypique et de prendre en compte la notion d’immaturité normale ou
pathologique (ex. « un jeune enfant, ça bouge beaucoup, sans être hyperactif). Cela souligne la
notion de dynamique évolutive qui s’inscrit dans une perspective développementale. L’intérêt
de la psychopathologie développementale est qu’elle a connaissance des trajectoires
développementales des troubles ce qui permet d’éviter un diagnostic à caractère trop rigide ou
irréversible mais aussi d’éviter un pronostic négatif qui augmente le risque de stigmatisation
voire de « prophétie auto-réalisatrice ».

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Les spécificités de l’examen varient aussi en fonction de l’âge du sujet. Par exemple, lors de
l’évaluation de l’enfant, on observe souvent un contexte de dépendance vis-à-vis des parents et
une absence de demande personnelle. Le danger dans ce cas est de faire de l'adulto-centrisme
(= écouter l’enfant avec sa vision d’adulte). Il est important d’avoir recours à la famille
(anamnèse avec parents, entretien familial…) mais de rendre l’alliance double en incluant bien
l’enfant.
Il est évidemment nécessaire de prendre en compte la spécificité de l’examen en fonction des
troubles associés et de s’adapter, d’adapter l’examen « sur mesure » en fonction des troubles
associés. Par exemple, la mesure de l’anxiété dans une population TSA n’est pas la même que
dans une population « normale ». Il en va de même pour la mesure de la dépression chez des
sujets dans le spectre de la schizophrénie, etc. Il faut mettre un point d’honneur sur la flexibilité
du cadre et l’aménagement des conditions de passation.
Finalement, le dernier défis lié à l’examen clinique est que l’évaluation clinique est un court
moment d’observation du sujet. La représentativité de son fonctionnement dans la vie de tous
les jours peut être questionnée. Comment contourner ce problème ? Il existe plusieurs solutions
comme l’étalement des observations dans le temps (si possible), la récolte d’informations
provenant des antécédents de la personne (à confronter avec le tableau clinique actuel), le
recours à des sources variées (par ex. questionnaires pour sujet, ses parents, ses enseignants…)
et le recours à méthodes diversifiées, catégorielles et dimensionnelles (entretien, échelles
cognitives, épreuves projectives, questionnaires, DSM-5…).

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Chapitre 2 : Psychopathologie et évaluation : perspectives


1. Psychopathologie infanto-juvénile et évaluation : un domaine en plein essor
1.1 Introduction
Le domaine de la psychopathologie infanto-juvénile est un domaine en plein essor. En effet, on
constate une augmentation des recherches et publications. Depuis les années 70 et 80, on
observe des efforts systématiques de définition, de classification et de diagnostic ainsi que le
développement d’instruments d’évaluation valides et fiables (par ex. CBCL Child Behavior
Check List). On assiste à la mise en place d’études longitudinales de grande envergure, à une
plus grande interdisciplinarité (liens avec génétique, neuropsychologie, neurologie, biologie
etc.) mais également à une augmentation du nombre de revues spécialisées et d’ouvrages
scientifiques de qualité sur, par exemple, le TSA, le déficit de l’inattention/hyperactivité…
1.2 Classification nosologique
On distingue deux systèmes de classification internationaux :
 La Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé
connexes (CIM-11), de l’OMS, à l’international.
 Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), de l’APA
(Association américaine de Psychiatrie) en Amérique du Nord.
Les avantages des classifications sont qu’ils favorisent une accumulation, une comparaison et
une communication des connaissances ainsi qu’une amélioration de l’objectivité dans le
processus diagnostique. Mais elles sont aussi leurs limites comme les chevauchements dans les
diagnostics qui nécessitent un jugement clinique ainsi que l’étiquetage et les biais culturels.
1.3 Niveau conceptuel et clinique
Les troubles psychopathologiques présentent plusieurs caractéristiques importantes :
 Ils perturbent le fonctionnement adaptatif, quel que soit l’âge du sujet (celui des
enfants et ados est autant affecté que celui des adultes).
 Ils sont souvent comorbides, par exemple, des enfants et adolescents souffrant de
trouble anxieux souffrent aussi de trouble de l’humeur ou encore des ados atteints
d’anorexie ou de boulimie sont souvent anxieux.
 Ils sont souvent chroniques, entraînant coûts humains (souffrances) et financiers.
 On a une meilleure connaissance des troubles mentaux. On observe ainsi la mise en
place de programmes de prévention ou d’intervention et de soins adaptés qui soulignent
l’importance d’une aide précoce en santé mentale (vs chronicité, comorbidité, système
pénal etc.).
Le comportement d’un enfant ou d’un adolescent est habituellement considéré comme
anormal, d’une part, lorsqu’ils ignorent/enfreignent régulièrement les règles et les attentes ; et
d’autre part, lorsque ce comportement limite de manière importante leur développement en
perturbant, par exemple, leurs relations familiales et sociales, en entravant leur réussite scolaire
ou en les empêchant d’acquérir un niveau croissant d’autonomie personnelle. (Dumas, 2013)

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Malgré l’essor du domaine, un bon nombre de questions restent sans réponses comme l’origines
des troubles, le rôle des facteurs étiologiques, les caractéristiques des symptômes, les difficultés
qui les accompagnent et les aggravent, les comorbidités, la prévalence : combien de sujets en
moyenne sont touchés par ce trouble ? On se questionne aussi toujours sur les fluctuations :
quelles sont les trajectoires développementales du trouble (continuité, évolution… ?), les
conséquences des troubles, etc. …

2. Une approche descriptive, développementale et relationnelle


La question des causes du développement et de l’évolution d’une maladie s’est beaucoup posée
et se pose encore. Les diverses données scientifiques rapportent un phénomène complexe sans
explications simples. Il n’existe pas de facteur qui, à lui seul, explique pourquoi certains sujets
développent des problèmes de santé mentale. Il existe plutôt une multitude de facteurs de risque
personnels, familiaux, sociaux, culturels etc. (par ex. niveau socio-économique défavorisé,
revenu familial faible, structure familiale monoparentale, pratiques parentales peu
cohérentes...).
2.1 Une perspective descriptive (modèle biopsychosocial)
2.1.1 Etiologie biopsychosociale des troubles mentaux

Dans une perspective descriptive, selon le modèle biopsychosocial la psychopathologie se


développe dans un système complexe d’interactions entre différents facteurs. Les facteurs
évoluent et s’influencent entre eux. Le modèle considère des facteurs biologiques comme les
gènes (prédispositions génétiques), l’hérédité, le cerveau, le système nerveux, les hormones…Il
prend en compte des facteurs psychologiques comme les émotions, pensées, comportements,
personnalité mais aussi des facteurs sociaux comme la culture, conditions et expériences de
vie, relations interpersonnelles et sociales.
Le modèle fait également la distinction entre les facteurs internes ou externes :
 Facteurs internes innés : la génétique (anomalie, résistance…), le tempérament
(difficile, facile…), le potentiel intellectuel (faible, bon…)
 Facteurs internes acquis : la forme physique (mauvaise, bonne…), les habitudes de
vie (malsaines, saines…), les habiletés sociales (faibles, bonnes…)
 Facteurs externes : le expériences, situation financière, situation familiale, situation
scolaire ou professionnelle, situation sociale
Les différents facteurs pris en compte possèdent des effets précis et variés sur les sujets :
 Facteurs déclencheurs ou précipitants : déclenchent l’apparition des symptômes de
trouble psychologique. Ils sont multiples ou uniques ; souvent crise situationnelle, crise
développementale ou stresseurs chroniques.
 Facteurs de risque ou prédisposants : augmentent la vulnérabilité
 Facteurs de de protection : diminuent la vulnérabilité ou empêchent de souffrir du
trouble
 Facteurs de maintien : contribuent à faire durer la souffrance ou le trouble
Chaque type de facteurs peut être associé à l’aspect biologique, psychologique et social.
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2.1.2 Facteurs de risque et de protection

Lorsqu’on parle de notion de « cumul de risque » on entend que certains facteurs de risque
augmentent la probabilité de certains troubles, sans pour autant toujours les causer (pas de
vision déterministe ou fataliste, cf. notion de « résilience »). Le nombre des facteurs de risque
prédit davantage la trajectoire développementale des troubles que leur nature. « Plus les facteurs
de risque sont nombreux et moins ils sont contrés par des facteurs de protection, plus la
probabilité est forte qu’un trouble se développe et se prolonge ». (Dumas, 2013). Plus il y a de
facteurs de protection, moins la vulnérabilité a de chances de s’exprimer : ce sont les meilleurs
outils pour faire face à l’adversité. Les effets néfastes des facteurs de risque sont modulés par
des facteurs de protection (par ex. présence d’un adulte de référence, bonne intelligence etc.).
L’équifinalité correspond aux différentes circonstances (présence ou absence
d’un facteur) qui peuvent avoir la même conséquence. Par exemple,
l’alcoolisme parental est un facteur de risque pouvant contribuer à
l’apparition de troubles de comportement, mais ces troubles se développent
aussi en l’absence de ce facteur ou en présence d’un autre facteur de risque.
On parle de multifinalité ou non-spécificité lorsque la même circonstance peut avoir
différentes conséquences. Les effets de nombreux facteurs de risque sont non spécifiques et
augmentent la probabilité de troubles divers plutôt que celle d’un seul trouble uniquement (par
ex. pratiques parentales inadéquates (troubles intériorisés ou extériorisés) ; divorce (diverses
conséquences possibles ou aucune). Il faut noter tout de même que la spécificité du sujet
intervient. Par exemple, les facteurs (par ex. divorce, alcoolisme parental…) n’ont pas le même
effet sur différents enfants ou ados.
Ces facteurs étiologiques illustrent le fait que les processus étiologiques sont transactionnels,
ils n’agissent pas seuls et leur influence est elle-même influencée par les processus qui les
accompagnent. On se trouve ainsi dans une perspective polyfactorielle, au-delà de l’opposition
entre hérédité et environnement.
2.1.3 Le modèle interactif de Horowitz (1987)

Selon le modèle interactif de Horowitz, l’interaction entre facteurs internes et externes, entre
vulnérabilité/flexibilité du sujet et la nature facilitante/non facilitante de l’environnement
contribue au changement et au développement du sujet. S’il y a une interaction entre un sujet
« vulnérable » et environnement « non-facilitant », il est attendu un effet de « double mauvais
sort » : retard de développement, développement inadapté, troubles psychopathologiques, etc.
Les facteurs de vulnérabilité de l’enfant résultant de caractéristiques innées ou acquises, qui
augmentent les risques que l’enfant réagisse au stress et aux difficultés de la vie de façon non
adaptée. Par exemple, un faible poids à la naissance, complications prénatales ou périnatales,
un dysfonctionnement neurologique mineur, un faible potentiel intellectuel, etc. Quelques
facteurs de protection résultant de caractéristiques innées ou acquises, qui permettent à
l’enfant de s’adapter à l’environnement malgré le stress et les difficultés rencontrés. Quelques
exemples de facteurs non facilitant/facilitant liés au milieu de vie : l’enfant expériences
(stress, traumatismes vs expériences enrichissantes), situation financière, situation sociale
difficile, etc.

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2.1.4 Modèle de sensibilité différentielle et accordage entre sujet et environnement de développement

Selon le modèle de sensibilité différentielle : « Les sujets diffèrent quant à la façon dont ils
sont influencés par expériences vécues et événements auxquels ils sont confrontés dans leur
environnement de développement. Certains sujets seraient plus susceptibles que d’autres à
certaines expériences, certains stimuli ou certains événements, que d’autres individus,
notamment en raison de leurs traits de personnalité ». De nombreuses recherches ont par
exemple montré que l’impact des pratiques éducatives parentales était largement modéré par le
tempérament/la personnalité de l’enfant.
La notion d’accordage (goodness-of-fit) se réfère à l’idée que certains environnements de
développement conviennent mieux à certains enfants qu’à d’autres en fonction de leurs
caractéristiques individuelles. De nombreuses recherches ont par exemple montré que l’impact
des pratiques éducatives parentales était largement modéré par le tempérament/la personnalité.
2.2 Une perspective développementale
Dans la perspective développementale, les troubles et manifestations des troubles varient en
fonction de diverses variables, dont le sexe et l’âge du sujet. Les critères diagnostiques n’en
tiennent pas toujours compte, voire rarement.
La psychopathologie développementale adopte une vision développementale de l’évolution et
de la nature dynamique des troubles psychopathologique. Les troubles de santé mentale
évoluent aussi au fil de ces périodes de la vie. Elle met en évidence des périodes
développementales (comme la petite enfance, l’âge préscolaire, l’âge scolaire, l’adolescence)
associées à certains apprentissages et à diverses expériences qui marquent la personne. Elle
pointe aussi des périodes sensibles qui rendent les personnes plus disponibles ou réceptives à
certaines situations ou à certains types d’influence.
« Dans une perspective développementale, on remarquera que le psychopathologique apparaît
fréquemment comme l’évolution d’un processus qui, à l’origine, était normal » (Dumas, 2013,
p. 52). Par exemple, énurésie pendant apprentissage de la propreté vers 2-3 ans se poursuit,
angoisse de séparation du jeune enfant se poursuit, crises de colère et d’opposition des 2-4 ans
ne disparaissent pas, régimes alimentaires se prolongent en troubles alimentaires…Il est
important de bien comprendre les processus normatifs du développement pour mieux
comprendre le développement atypique ou psychopathologique.
2.3 Une perspective relationnelle
Dans la perspective relationnelle, il semble important de tenir compte de l’aspect relationnel,
social et culturel des difficultés de nature psychopathologique et d’avoir une compréhension
détaillée de l’environnement du sujet.
« Un enfant ou ado atteint d’un trouble joue un rôle actif dans le développement, les
manifestations et l’évolution de ses difficultés. Idée selon laquelle l’enfant est l’architecte,
l’artisan, le tisserand de sa vie (autant qu’il peut en être la victime), il façonne son
développement à l’aide des matériaux qu’il apporte et de ceux qu’il obtient dans son
environnement » (Dumas, 2013, p. 53).

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Le modèle biopsychosocial ou le modèle écosystémique de Bronfenbrenner (1979) est un


ontosystème. On y trouve la notion de réalité endogène (caractéristiques génétiques,
neurobiologiques, affectives et cognitives de l’enfant, tempérament…) et la notion de réalité
exogène qui correspond à l’environnement du sujet au sens large, les différents systèmes de
son écosystème (relations familiales et sociales, langue, culture, éducation, alimentation,
habitation etc. Le modèle stipule le rôle conjoint et inséparable des différents systèmes, de
l’hérédité et de l’environnement.
L’épigénétique étudie comment
l’environnement et l’histoire
individuelle influencent
l’expression des gènes au cours
du développement.

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Chapitre 3 : Analyse de la demande et anamnèse


1. L’analyse de la demande
1.1 Types de demandes : exemples généraux et spécifiques
Il est important de se poser la question « Pourquoi cette famille vient-elle en consultation pour
cet enfant/ado ? ». La demande peut provenir de plusieurs acteurs qui gravitent autour de
l’enfant :
 Demande faite par un tiers : institution, médecin, spécialiste école…(demande d’une
expertise, bilan)
 Demande faite par le sujet (ou le parent) lui-même : questionnement ou difficultés
personnelles
 Demande faite par le (neuro)psychologue lui-même : besoin d’éclairer un aspect du
fonctionnement du sujet
Les demandes émanent souvent aussi de plusieurs situations de vie et suivent différents
objectifs :
 Moments d’indécision ou de crises : éclaircir situation problématique, mieux
comprendre la personne, l’aider dans son développement et étayer éventuelle décision
thérapeutique.
 Procédure d’orientation scolaire, professionnelle ou institutionnelle : fournir
indicateurs du développement/ vieillissement intellectuel, affectif, social permettant
d’ajuster l’orientation aux besoins actuels du sujet.
 Protection sociojuridique du sujet : adéquation des mesures de protection aux besoins
actuels du sujet.
 Pratique préventive : compréhension du sujet en vue de l’épanouissement harmonieux
de sa personnalité et de ses potentialités (cognitives etc.) ...
La plupart du temps, c’est le développement de l’enfant qui pose problème. On veut alors
préciser la nature des difficultés, identifier possibilités d’intervention. Les questionnement
relatifs aux motifs de consultation émergent souvent suite à une consultation pédiatrique ou
médicale – qui pose la question de l’origine psychosomatique de la maladie (insomnie, troubles
alimentaires, déficit de l’attention…), des troubles de sommeil, de la présence de troubles
anxieux, de difficultés pour se séparer des parents… mais aussi de problèmes liés à scolarité
(difficultés d’apprentissage, d’intégration etc.) ou encore de situations familiales difficiles
(divorce, séparation…).
L’expérience montre qu’un problème en cache souvent un autre, le motif avoué de la
consultation peut cacher un motif que la famille n’ose pas avouer. Il doit être clairement établi
avec les parents que l’enfant ne sera pas vu comme une entité isolée et que l’on considère dès
le départ que ses difficultés peuvent être le reflet de problèmes personnels mais aussi
interrelationnels avec la famille (idem pour les solutions à trouver).

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1.2 Spécificité du contexte de la demande chez l’enfant et perception de la demande


chez le sujet
Il faut noter que l’enfant est rarement demandeur et n’a pas toujours conscience d’une réelle
difficulté. Cela n’empêche pas le psychologue d’entreprendre une démarche avec l’enfant et sa
famille car l’enfant peut souffrir de difficultés personnelles (ressentir malaise, mal-être) sans
être conscient de ses difficultés et aussi parce que certaines pathologies se caractérisent par une
incapacité d’entreprendre une démarche personnelle (ex. dépression).
Si la demande provient d’un autre demandeur que le sujet et/ou le parent, le psychologue
clarifiera son rôle et sa position au sujet. Que sait l’enfant de cette démarche ? En général, un
enfant au-dessus de 4 ans sait presque toujours qu’il vient « parce que quelque chose ne va
pas ». Il faut s’interroger sur la manière dont la visite lui a été présentée et la manière dont il la
perçoit. Est-ce que l’enfant y voit une remise en cause personnelle ou une source d’espoir ?
Les objectif premiers en entretien sont une compréhension importante de la motivation à
participer au bilan et l’occasion de rassurer et sécuriser, dédramatiser la situation et donner la
possibilité de s’expliquer lui-même.
1.3 Critères d’acceptation de la demande : recommandations
La question qui se pose naturellement est : doit-on répondre à toutes les demandes ?
Il est à noter que l’on ne répond pas forcément aux demandes telles qu’elles sont posées (par
ex. un bilan « de QI »). Le psychologue peut refuser de réaliser un examen comme développer
dans la recommandation suivante : R8 : « Le psychologue est libre de ses choix
méthodologiques et doit disposer des conditions de réalisation d’un examen de qualité (temps
nécessaire, lieu adéquat, accès aux infos indispensables…). » La réflexion doit toujours être
guidée par le principe de bienveillance et par le code d’éthique. Le cadre déontologique pose
que « le psychologue est laissé seul juge de l’opportunité de cet examen et de ses modalités de
mise en œuvre ».
Pour un enfant ou jeune mineur, la recommandation est la suivante : R5 : « A l’exception des
demandes des autorités judiciaires, l’accord des responsables légaux de l’enfant est recueilli
systématiquement. » Les responsables légaux de l’enfant doivent être informés du contexte de
l’examen et des buts poursuivis, en particulier lorsque la demande est faite par une institution
fréquentée par l’enfant ou l’adolescent. Ils doivent avoir la possibilité de refuser l’examen.
Pour les enfants ou jeunes mineurs, les autres recommandations sont :
 R6 : « L’enfant doit également exprimer son accord et s’approprier la situation
d’examen. »
 R7 : « La demande doit viser un examen psychologique au service de
l’enfant/adolescent : il est réalisé dans l’intérêt prioritaire de l’enfant/adolescent ! »
 R9 : « Lorsque l’examen psychologique est pratiqué dans le cadre de recherches
cliniques, l’enfant doit être informé et son consentement obtenu dès qu’il est capable de
discernement. »

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1.4 Evaluation du motif de la consultation - bonnes pratiques


Lors de l’examen clinique, il existe une série de bonnes pratiques à suivre pour que celui-ci se
déroule pour le mieux. Le premier point d’attention est le vocabulaire utilisé. Il est doit simple
mais complet pour permettre aussi bien à l’enfant qu’aux parents de comprendre de quoi il est
question. Il ne faut pas hésiter à répéter et reformuler pour être sûr que le message soit bien
passé. Il est important également de formuler de questions ouvertes mais aussi de poser des
questions de précision inspirées par les connaissances professionnelles.
1.5 Child Behavior Checklist (CBCL) et Achenbach System of Empirically Based
Assessment (ASEBA)
La CBL, en français, liste de comportements pour enfants, est un questionnaire, inventaire ou
« checklist » qui fait partie d’un ensemble plus large de listes de comportements repris dans le
ASEBA (en version papier ou logiciel). L’objectif est de fournir une description des troubles
émotionnels et comportementaux ainsi que des compétences sociales observées par les parents
d’enfants âgés de 4 à 18 ans (basée sur les six derniers mois). Cette liste se penche aussi sur le
fonctionnement adaptif.
La CBL comprend plusieurs échelles :
 L’échelle de compétence sociale qui évalue les compétences, les forces et les faiblesses
de l’enfant dans : les activités de vie quotidienne (par ex. les sports, les passe-temps, les
tâches…), les relations sociales (les amis proches, les équipes ou groupes auxquels il
appartient…), les performances scolaires (résultats scolaires, remédiation,
redoublement, difficultés d’apprentissage…).
 L’échelle de problèmes de comportement qui évalue les symptômes
comportementaux et émotionnels rapportés par les parents. Pour la deuxième échelle,
plus le score total est élevé, plus la probabilité d’un trouble psychiatrique est élevée
(problèmes externes tels que conduites agressives, ou problèmes internes tels
qu’anxiété, dépression…)
Son utilisation est fréquente lors de l’évaluation initiale en réponse aux inquiétudes concernant
l’enfant. C’est un bon point de départ au début de l’évaluation pour récolter des informations
descriptives et pour orienter l’évaluation ultérieure. Elle permet d’identifier les problèmes et
les forces. On demande aux parents les questions suivantes : Qu’est-ce qui vous préoccupe le
plus au sujet de votre enfant ? Merci d’indiquer les aspects les plus positifs de votre enfant ?
La CBL peut aussi faire partie d’une évaluation clinique proprement dite (afin de repérer des
problématiques ou troubles) et peut être utilisé pour évaluer les changements dus au
développement ou suite à une intervention (évaluation en termes de ce qui s’améliore, de ce qui
demeure stable…).
Pour mieux comprendre, on réalise ici un inventaire de comportements pour enfants âgés de 1
½ - 5 ans. On adresse une liste de questions aux parents qui doivent indiquer : 0 si cela ne
s’applique pas à leur enfant, 1 si l’affirmation est plus ou moins ou parfois vraie et 2 si
l’affirmation est toujours ou souvent vrai.

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Voici donc un exemple de questions pour les enfants en âge préscolaire : « Mon enfant… »
 A des comportements trop jeunes pour son âge.
 Evite de regarder les autres dans les yeux.
 Ne supporte pas que les choses ne soient pas à leur place.
 Ne supporte pas d’attendre, veut tout tout de suite.
 A l’air malheureux sans raison évidente.
 Se réveille souvent la nuit….

2. L’anamnèse
2.1 Objectifs
Etymologiquement, l’anamnèse signifie « retour sur le passé ». La définition qu’on peut en
donner est que l’anamnèse est l’ensemble des informations recueillies lors de l’évaluation
clinique sur l’histoire de vie passée du patient et sur ses symptômes. L’objectif est de retracer
l’histoire de l’enfant ou l’adolescent et des difficultés en vue d’orienter les étapes suivantes de
l’examen psychologique – l’évaluation clinique.
Ainsi, elle a pour but de :
 Clarifier le(s) problème(s), difficultés.
 Rechercher facteurs somatiques, affectifs, cognitifs, relationnels… pour mieux
comprendre mécanismes qui se jouent dans la situation.
 Mettre en évidence facteurs de protection (ressources de l’enfant) et de vulnérabilité
du sujet et de son milieu.
 Emettre certaines hypothèses.
 Récolter informations qui seront nécessaires à l’interprétation des observations, en ce
comprises des informations sur le développement général et psychoaffectif de l’enfant.
2.2 Interlocuteurs
Le plus souvent, c’est avec le(s) parent(s) et en présence de l’enfant/adolescent que se déroule
l’anamnèse. Les parents sont les interlocuteurs privilégiés puisque ce sont eux qui connaissent
le mieux l’histoire de leur enfant et de celle des problèmes qui l’affectent. Cependant, il est
également important d’écouter l’enfant et l’ados et aussi les plus jeunes. Il est nécessaire
d’inviter l’adolescent à « décrire ses difficultés, en donner une interprétation, expliquer la
mesure dans laquelle il se sent concerné par cela et la manière dont cela entrave sa vie. ». Il est
judicieux de prévoir également un temps d’entretien seul avec le parent, sans l’enfant ou l’ado.
En effet, il est possible que le parent souhaite communiquer des informations qu’il ne veut pas
transmettre telles quelles à l’enfant (par exemple, la présence de maltraitance de l’enfant avant
l’adoption). Aussi, les parents se sentent parfois anxieux, désespérés ou dépassés par ce qu’ils
vivent avec l’enfant et ont besoin d’exprimer ces émotions.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

2.3 Schéma directeur pour l’enquête familiale et l’entretien d’anamnèse


2.3.1 L’histoire des troubles

La première étape est de se pencher sur l’histoire des troubles et le caractère évolutif des
symptômes. Il faut recueillir des informations sur les symptômes actuels et passés et la ou les
consultations antérieures. Depuis quand les symptômes sont-ils présents ? Sont-ils là depuis
toujours ou bien sont-ils apparus à un moment précis ? Il y a un une impression d’un « avant »
et d’un « après » autour d’un événement précis (chute, accident de voiture, mort d’un proche
etc.) ? Sont-ils le résultats de troubles acquis ou de réactions psycho-affectives ou au contraire
y a-t-il eu une installation progressive des symptômes ou une régression des acquis ? Ceux-ci
pourraient-ils être liés à des atteintes cérébrales comme des tumeurs, des épilepsies, des
pathologies dégénératives de l’enfant, etc.
2.3.2 Composition de la famille et conditions de vie

Ensuite, il est nécessaire de se pencher sur l’histoire de la famille. On va poser des questions
sur les parents et éventuellement les grands-parents (profession et niveau d’études, relations,
antécédents de difficultés psychologiques…). Quels sont les membres qui composent la fratrie
et autres personnes en relations proches, famille recomposée, élargie… (microsystèmes) ? On
va également questionner les conditions de vie de la famille (logement, revenus…). Il y a aussi
un certain intérêt à établir le génogramme. Ces données ne sont habituellement obtenues qu’au
cours de plusieurs entretiens.
Par exemple, Combien d’enfants dans la famille ? Quel rang occupe l’enfant dans la fratrie ?
Quels sont les liens au niveau de la fratrie (disputes, jalousie etc.) ? Qu’en est-il du climat
familial ? Quelle sont la situation et structure familiales (si parents divorcés, quel type de garde
parentale ; famille recomposée) ? De manière plus générale, l’enfant ou la famille ont-ils vécu
des événements difficiles sur le plan émotionnel (perte d’un travail, déplacement à l’étranger,
maladie grave d’un des parents ou dans la fratrie…) ? Les difficultés de l’enfant coïncident-
elles avec l’un de ces points ? (Noël, 2007)
2.3.3 Histoire médicale et événements marquants dans la vie de l’enfant

On va également se pencher plus précisément sur l’histoire médicale et les évènements


marquants de la vie de l’enfant. On va s’intéresser à ses éventuelles maladies et interventions
chirurgicales, aux antécédents médicaux (ex. maladies graves, chutes graves, réactions post-
vaccinales avec hyperthermie…atteintes du SNC ?) et à leurs conséquences possibles sur le
développement psychomoteur mais aussi sur le comportement et le développement global de
l’enfant (troubles instrumentaux, instabilité psychomotrice). On va creuser également les
potentielles séparations du milieu familial (motifs, circonstances, durée, réactions de l’enfant,
contacts avec les parents) ainsi que les événements marquants de l’enfant et de la famille (décès,
séparation des parents, divorce, etc.).
2.3.4 Grossesse, accouchement et période périnatale

On va poser des questions également sur les conditions physiologiques et pathologiques durant
la période prénatale : comment s’est déroulée la grossesse (attaques virales, prise de
médicament, de tabac, d’alcool) ?
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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Mais aussi à l’accouchement (naissance à terme ou non) et l’état de l’enfant à la naissance


(score Apgar, poids de l’enfant, cri, souffrance néonatale, début des tétées, etc.). On va se
pencher aussi sur la période néonatale (allaitement, premières relations, nuits) et les
conditions psychologiques (enfant désiré ou non, le « vécu » de la mère, etc.) ainsi que sur
présence de difficultés qui peuvent avoir des conséquences au niveau du développement
(cognitif) de l’enfant.
2.3.5 Développement dans la première enfance

Lorsqu’on s’intéresse au développement dans la première enfance, on va se pencher sur


l’alimentation : le premier allaitement était maternel ou artificiel ? Quel était l’appétit, ma
satisfaction du bébé, la rythme sommeil-alimentation, l’attitude de la mère ? Comment et quand
s’est déroulé le sevrage ? A-t-il accepter des aliments solides ? Montre-t-il de la curiosité ou
de la résistance à l’égard des aliments nouveaux ? Qu’en est-il de l’acquisition de l’autonomie
alimentaire : usage des instruments ? Propreté, choix des aliments, rythme et durée des repas,
conflits avec la mère ?
Il est aussi important d’investiguer le sommeil : l’enfant a-t-il des rites d’endormissement et
autres rituels ? Utilise-t-il un ou plusieurs doudous ? Qu’en est-il de la propreté ? A-t-il déjà
acquis la maîtrise sphinctérienne (se fait dans un contexte relationnel) ?
Notons aussi les éléments relatifs au développement somatique (développement staturo-
pondéral, incidence des maladies éventuelles dans le premier âge) et au développement
psychomoteur (âge de la marche ; éventuellement précisions sur les étapes antérieures : tenue
de la tête, station assise sans soutien, etc. coordinations psychomotrices complexes, propreté,
etc. Quels sont les principes d’éducation et la docilité de l’enfant ? A-t-il présenté des
régressions : les raisons d’inquiétude qui ont pu survenir tout au long du développement
psychomoteur ?
2.3.6 Evolution des relations avec l’entourage et des échanges affectifs

On va ici faire un état des lieux de l’attachement et des interactions de l’enfant. On va recenser
la date du premier sourire intentionnel mais aussi des informations plus larges comme les peurs
face aux personnes inconnues ou la tolérance à l’absence de la mère. On notera également les
réactions aux premiers interdits (notamment ceux qui sont liés à l’acquisition de l’autonomie
motrice). Finalement, on regardera les conduites et intérêts sexuels comme la curiosité et les
questions sur la différence des sexes, sur l’origine des enfants, conduites masturbatoires et
manifestations de la sexualité infantile ainsi que les conduites sexuées et perception des rôles
masculins et féminins.
2.3.7 La vie scolaire : parcours scolaire et apprentissages

La première chose sera de demander en quelle année est l’enfant. Ensuite, il est intéressant de
se pencher sur son parcours par exemple à l’école maternelle : âge d’entrée et les premières
réactions et adaptation ultérieure (relations avec la maîtresse). Comment s’est passé la
succession des classes fréquentées, y a-t-il eu des redoublements ou changements d’école (y
compris méthode d’apprentissage et pédagogie de l’école) ?

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Il est important de demander aussi la manière dont se passent les apprentissages : quelles sont
les matières que l’enfant réussit le mieux ? Les matières qui posent problème ? Quelles
difficultés ? Depuis quand ? Liées à des changements d’école, de classe, d’instituteur ? Aides
pédagogiques complémentaires ? Résultats scolaires ? On peut également questionner les
aspects affectifs du rapport à l’école et aux apprentissages comme les attitudes à l’égard de
l’école et le contact avec l’instituteur. L’enfant est-il content d’aller à l’école ? Quelles sont ses
attitudes à l’égard du travail scolaire (intérêt, réactions à la réussite ou à l’échec, etc.). Préfère-
t-il certains cours à d’autres ? Est-il curieux d’apprendre ? On peut aussi s’intéresser aux
relations avec les autres enfants. A-t-il des amis ? Est-il intégré dans sa classe ? Quelles sont
les caractéristiques des jeux : peur, agressivité, dominance, isolement, etc. La suite est de poser
des questions sur les apprentissages à la maison : Comment se passe le travail scolaire à la
maison ? Le travail des devoirs et des leçons est-il aisé ou difficile, prend-il beaucoup ou peu
de temps, l’enfant a-t-il besoin de l’aide de ses parents (pour se mettre au travail et rester
concentré ou pour réexpliquer la matière) ou bien de celle d’un tuteur ou professeur particulier
? Se pencher sur les projets d’avenir (scolaires, professionnels) est aussi intéressant.
Finalement, il faut s’interroger sur toutes autres particularités du « caractère » qui paraissent
notables aux parents, ou premières manifestations de l’adolescence.
2.3.8 La place de l’enfant dans les attentes des parents, dans la dynamique du couple parental et dans la
famille

Les questions suivantes sont davantage tournées vers les parents. On va leur demander quelles
images étaient attendues de l’enfant, avant la naissance. Quelle ressemblance supposée,
satisfaction et déception devant le sexe de l’enfant ont-ils eu, comment s’est passé le choix du
prénom, etc. Comment ont-ils discuté des conceptions et attitudes éducatives (divergences
éventuelles entre les parents) ? Quelles étaient leurs préférences et intolérances ?
2.3.9 Histoire et appartenance culturelle

On utilise en référence le modèle écosystémique de Bronfenbrenner (1979) : méso- et


macrosystèmes comprenant la dimension ethnopsychiatrique.
R12 : Le psychologue intègre les références théoriques et culturelles dans la définition du cadre
de l’examen.
Le psychologue est également attentif à l’incidence des particularités culturelles de l’enfant
et de sa famille et au fait que la langue de l’examen peut être une langue étrangère ou une
langue seconde pour l’enfant.
2.3.10 Informations pratiques et renseignements divers

Finalement, on terminera l’anamnèse en relevant des informations pratiques comme la date


de naissance, coordonnées des parents, école, médecin traitant, autres intervenants. Si possible,
entretien anamnestique complété par :
 Un examen du dossier médical de l’enfant,
 La lecture des rapports réalisés par d’autres intervenants (rapports d’autres
psychologues, logopèdes, psychomotriciens, etc.)
 Le contact (éventuellement téléphonique) avec l’instituteur/enseignant
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2.3.11 Autres observations lors de l’entretien anamnestique

Finalement, tout au long de l’entretien, il est primordial de garder un œil sur :


 Le comportement de l’enfant (calme, agité, l’enfant prend-il part à l’échange…?).
 L’aisance de l’enfant à comprendre les questions qui lui sont posées et à y répondre
(qualité du vocabulaire et de la construction syntaxique des phrases)
 La manière dont l’enfant interagit avec le psychologue (par exemple, contact visuel ou
regard fuyant, enfant familier ou réservé ?)
 Les interactions parent-enfant : L’enfant donne-t-il son avis ou est-il invité par les
parents à le donner ? Comment l’enfant réagit-il aux propos de ses parents ? Comment
les parents réagissent-ils (ou non) lors de l’apparition éventuelle de comportements
déplacés de la part de l’enfant ?
2.4 Bonnes pratiques de l’entretien
Il convient toujours d’expliquer les raisons de ces questions qui peuvent être perçues comme
invasives afin de découvrir l’histoire et le milieu de vie de l’enfant/adolescent (facteurs qui
interviennent au niveau des difficultés de l’E/A). Il ne faut ni juger famille, ni s’immiscer dans
intimité familiale par curiosité. Il est nécessaire de rappeler le secret professionnel auquel le
psychologue est tenu ! Il est à noter que la recherche d’informations anamnestiques ne doit
ressembler en rien à un interrogatoire rigide ! Il faut à tout prix éviter les questions trop
inductrices ou trop directes qui conduisent à des difficultés dans relation au psychologue.
2.5 Difficultés et limites liées à l’anamnèse
Même si l’entretien clinique est une grande source d’informations capitales, il présente des
limites comme les souvenirs déformés ou imprécis, oublis : les parents ne se souviennent plus
avec précision de l’âge de la marche, de l’âge de l’apprentissage de la propreté ; du moment et
du contexte dans lequel les interactions au niveau de la fratrie se sont détériorées…
Notons aussi un effet de récence et une influence importante des événements récents. Par
exemple, le portrait que les parents ont de leur enfant ou adolescent peut être déformé par
attitude actuelle vis-à-vis de celui-ci.
Les événements déterminants échappent également parfois à l’attention. Par exemple, Victor,
7 ans présente beaucoup d’anxiété et des troubles du comportement depuis quelques mois. Cela
coïncide avec maladie grave de sa grand-mère maternelle. Comme les parents ont voulu
épargner Victor, ils n’ont pas réellement expliqué la situation.
En raison de la complexité de l’interaction entre facteurs (étiologique) potentiels, on ne peut
pas isoler un facteur du contexte global en le rendant responsable des manifestations
symptomatiques. Les facteurs anamnestiques n’ont pas même signification, ni mêmes
conséquences selon le moment où ils se produisent (cf. notions de « période critique/sensible,
moment opportun/inopportun en psychologie du développement »)
Malgré ces limites (souvenirs déformés, mémoire sélective, effet de récence), le contenu
transmis oralement lors de l’anamnèse et les observations procurent des renseignements
précieux sur l’attitude affective et réflexive des parents, des enfants/adolescents.

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Chapitre 4 : Evaluation de divers troubles en clinique infanto-juvénile


1. Evaluation des troubles anxieux chez l’enfant et l’adolescent
1.1 Introduction
1.1.1 Prévalence et vignette clinique

Les troubles anxieux sont les troubles de santé mentale les plus prévalents dans la population
infantile (Creswell et al., 2020). Selon une récente méta-analyse, le taux de prévalence à
l’échelle mondiale des troubles anxieux chez les enfants et les adolescents s’élève à 6,5 %
(Polanczyk et al., 2015) mais de nombreuses études rapportent des taux plus élevés.
Les chercheurs et les psychologues s’entendent pour affirmer que les troubles anxieux ont de
lourdes répercussions sur la vie des enfants qui en souffrent, notamment sur les plans sociaux,
relationnels, scolaires ainsi que par rapport au développement potentiel d’autres troubles de
santé mentale (Copeland et al., 2014).
Vignette clinique de Léo, 11 ans : Léo est un jeune garçon qui adore la danse classique, les
jeux de ballons et les jeux vidéo. Les parents de Léo s’inquiètent pour leur fils, car en plus
d’être toujours inquiet pour tout, celui-ci se plaint de maux de ventre et de fatigue intense
depuis des mois. Léo dit souvent à ses parents qu’il s’inquiète qu’ils soient victimes d’un
accident de voiture, qu’un inconnu kidnappe sa sœur, qu’il échoue à l’école, qu’il développe
un cancer ou encore que ses amis le rejettent. Léo a aussi très peur des araignées et des
serpents...surtout les venimeux. De plus, le professeur de Léo soupçonne fortement un déficit
de l’attention/hyperactivité (TDAH), puisque celui-ci n’arrive pas à se concentrer en classe.
La professeure de danse a fait la même remarque. Les parents de Léo sont extrêmement
angoissés, puisque depuis quelques semaines, Léo s'oppose fréquemment quand vient le temps
d'aller à l’école. Léo explique à ses parents qu’il craint de ne pas réussir ses devoirs de
mathématiques ou pire encore…que tous ses camarades de classe se moquent de lui. Les
parents de Léo tentent de lui faire comprendre qu’il s’énerve pour rien, mais celui-ci affirme
qu’il n’est pas capable d’arrêter de s’inquiéter. Après leur première rencontre avec le
psychologue, les parents de Léo réalisent que cette situation dure depuis presqu’un an déjà.
1.1.2 Stress, peur, phobie et anxiété

Il est tout d’abord important de clarifier certaines définitions :


 Le stress peut être défini comme « la réaction physiologique et psychologique d’un
organisme vivant lorsque celui-ci est exposé à une situation qui nécessite une adaptation
» (Benny et al., 2021, p. 212). Les facteurs qui provoquent du stress peuvent être réels
ou imaginaires, ils sont appelés des « stresseurs », qu’ils soient perçus comme positifs
ou négatifs. Bien qu’il puisse être désagréable de ressentir du stress, le stress est utile et
a une fonction de protéger la personne.
 La peur est une réponse émotionnelle universelle qui survient devant un danger réel
imminent ou immédiat. Il est possible d’identifier clairement le stimulus à l’origine de
la peur (Öhman, 2008). La peur est adéquate et adaptée, car elle lance un signal
d’alarme au corps et permet de se protéger d’une menace réelle (Benny et al., 2021).

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 La phobie est une peur irrationnelle d’une situation qui s’avère objectivement sans
danger
 L’anxiété une sensation de tension intérieure devant un danger imminent réel ou
imaginaire (Palazollo, 2019), un état d’appréhension et d’inquiétude ou une anticipation
d’un danger/malheur éventuel (Beesdo et al., 2009). L’anxiété précède le stimulus
menaçant, tandis que la peur survient post-stimulus (Öhman, 2008). L’anxiété peut être
déclenchée par diverses situations : la difficulté à faire face à certaines situations, une
impression d’impuissance, des événements imprévisibles ou incontrôlables etc. Dans
les divers cas, la personne se sent menacée, elle se sent comme si elle perdait le contrôle
et elle appréhende le pire. C’est une émotion naturelle et indispensable, utile à l’action,
l’apprentissage, la prise de décision, la performance mais sa présence peut nuire au
fonctionnement normal.
1.1.3 Anxiété (symptômes transdiagnostiques, fonctions)

L’anxiété est caractérisée par un symptôme dit « transdiagnostique » très fréquent dont
l’expression peut être :
 somatique et physique : maux de ventre, maux de tête...(« signes »)
 comportementale : recourir à l’agir, difficulté d’endormissement...
 émotionnelle : moments de détresse, pleurs...
 cognitive/mentalisée : pensées irrationnelles, cognitions anxieuses, cauchemars...
L’expression physiologique, somatique, physique de l’anxiété est une suite de réactions
physiques engendrées par le système nerveux autonome ; une respiration courte et superficielle
(impression d’étouffement, difficultés respiratoires), des palpitations (accélération du rythme
cardiaque), de la transpiration, des bouffées de chaleur ou des sensations de froid, des
tremblements, des étourdissements, des difficultés à déglutir, des nausées, de la tension
musculaire ou motrice, des maux de ventre, maux de tête, fatigue... (ce sont les « signes »
physiques de l’anxiété).
L’expression comportementale permet de recourir à l’action (agitation), difficulté
d’endormissement, évitement de certaines situations, fuite devant certains stimuli, demande de
réassurance... L’évitement est un mécanisme d’adaptation qu’utilisent les personnes qui
souffrent d’un trouble d’anxiété. Cependant, il contribue à maintenir et à renforcer le problème
(Benny et al., 2021).
L’expression psychique cognitive/mentalisée se manifeste par des pensées irrationnelles et
erronées, phobies, cognitions anxieuses, anticipation anxieuse (attente craintive),
hypervigilance, manque de concentration, cauchemars, terreurs nocturnes, impression de
danger imminent, ... L’attention se porte automatiquement sur la menace réelle ou imaginée (un
examen, les moqueries, les relations, la perte d’un être cher).
Rajoutons encore l’expression psychique émotionnelle : l’anxiété peut être accompagnée d’un
sentiment de dysphorie, d’irritabilité, de moments de détresse, de pleurs...

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1.2 Anxiété normale ou pathologique ?


L’anxiété normale est considérée comme une réponse adaptative face à une situation
menaçante qui pousse l'individu à mobiliser ses ressources pour faire face aux défis de la vie.
Certains dosages d’anxiété témoignent des effets du travail psychique lorsque le sujet est
confronté à situations (séparations, nouvelles activités/rencontres, examens, tensions…).
Certains auteurs disent même qu’elle peut être caractérisée par la capacité à ressentir et
supporter l’angoisse – sans se désorganiser : elle témoigne d’une « suffisante santé psychique
» (Servant, 2012). On peut donc dire qu’il n’y a pas de développement sans manifestations
d’angoisse, elle fait partie des étapes développementales chez les enfants : elle est transitoire.
Les angoisses chez jeunes enfants prennent la forme de moments de détresse, pleurs, difficultés
d’endormissement, cauchemars, irritabilité, éclats de colère… Les manifestations somatiques
et comportementales peuvent être mal interprétées par l’entourage, notamment les pleurs de
l’enfant, son irritabilité et ses éclats de colères. Les parents et même les cliniciens peuvent voir
ces comportements comme de la désobéissance et de l’opposition, alors que l’enfant essaie
d’éviter les stimuli qui sont anxiogènes pour lui (Panganiban et al., 2019). Ainsi, le trouble
anxieux tend à être sous-diagnostiqué et soustraité dans la population infantile
comparativement aux enfants présentant un trouble dépressif ou un trouble déficitaire de
l’attention avec ou sans hyperactivité (Dillon-Naftolin, 2016).
Il est important d’analyser la notion d’intensité de l’anxiété. A partir d’un certain degré, elle
devient pénible et envahissante (cf. souffrance et détresse). Elle inhibe et entrave le sujet dans
son développement et dans son adaptation face au monde (Servant, 2012). Elle engendre un
dysfonctionnement psychologique et nuit les capacités à performer à son plein potentiel, pour
profiter du moment présent etc. On parle d’altération fonctionnelle.
Il faut aussi garder en tête les notions de fréquence et de durée. L’anxiété devient un problème
lorsqu’elle est :
 Trop intense (entraîne une grande détresse) et excessive (démesurée)
 Fréquente (presque tout le temps)
 Persistante (dure pendant plusieurs semaines)
 Difficile à contrôler et dérangeante pour le fonctionnement quotidien
Lorsque l’anxiété nuit trop souvent et trop intensément, elle peut prendre la forme d’un trouble
anxieux et devient pathologique. Les troubles anxieux représentent les problèmes de santé
mentale les plus fréquents (Berthiaume, 2017). Lorsqu’on s’intéresse aux présentations
cliniques des troubles anxieux et à la symptomatologie qui y est liée, on remarque que l’anxiété
et les préoccupations deviennent excessives et incontrôlables et que différentes sphères sont
concernées. On retrouve des manifestations somatiques, des perturbations cognitives et un état
d'hypervigilance constant. Les individus atteints sont très critiques envers eux-mêmes et ont
une perception très clivée de leur personne. On constate aussi souvent des comportements
d'évitement reliés à l'anxiété, une demande de réassurance constante et moins d'amis dans leur
entourage.

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1.3 Critères diagnostique d’un trouble anxieux


Lorsque l’anxiété nuit trop souvent et trop intensément, elle peut prendre la forme d’un trouble
anxieux. Les critères diagnostiques du DSM-V sont les suivants :
A. Anxiété et soucis excessifs survenant la plupart du temps durant au moins 6 mois
concernant un certain nombre d’événements ou d’activités.
B. La personne éprouve de la difficulté à contrôler cette préoccupation.
C. L’anxiété et les soucis sont associés au moins 1 des six symptômes suivants (N.B. : 3
ou + adultes) :
o Agitation ou sensation d’être survolté ou à bout.
o Fatigabilité.
o Difficultés de concentration ou trous de mémoire.
o Irritabilité.
o Tension musculaire.
o Perturbation du sommeil.
D. Détresse ou altération cliniquement significative du fonctionnement.
E. Pas imputable aux effets physiologiques d’une substance ou d’une autre affection
médicale.
F. Pas mieux expliquée par un autre trouble mental.
Les différents troubles anxieux partagent divers symptômes communs. Ils sont caractérisés par
une anxiété excessive, intrusive et difficile à contrôler. Il ne s’agit pas ici de l’incapacité à
réaliser le caractère inapproprié ou exagéré de ses réactions, mais plutôt de l’incapacité à
contrôler les pensées irrationnelles qui les provoquent (Benny et al., 2021).
En reprenant la vignette clinique du petit Léo, on peut à présent soulever plusieurs choses.
Critère A : Léo a peur d'échouer à l'école (scolaire), il a peur de développer un cancer (santé
physique), il craint que ses parents aient un accident de voiture (familial), il craint qu'un inconnu
kidnappe sa sœur (familial), il est préoccupé par la possibilité d'être rejeté par ses amis (social).
Il est également à noter que les symptômes anxieux durent depuis 1 an. Critère B : Il a la
perception d'être incapable d'arrêter de penser au pire. Critère C : Léo a souvent mal au ventre,
présente des difficultés à se concentrer en classe ou dans ses cours de danse et une fatigue
intense. Critère D : Léo s'inquiète tellement qu'il ne veut plus aller à l'école, il est incapable
d'arrêter de penser au pire et souffre de maux physiologiques reliés à son anxiété. Critère E :
Son historique médical est inconnu (important à investiguer durant l’anamnèse). Critère F : Son
historique psychologie/psychiatrique est inconnue (important à investiguer durant l’anamnèse).
Attention, lorsque l’on souhaite diagnostiquer un trouble anxieux, il faut garder à l’esprit qu’il
existe beaucoup de troubles associés aux troubles anxieux comme :
 Dépression
 Déficit de l'attention/hyperactivité
 Troubles disruptifs du contrôle, des impulsions et des conduites
 Troubles extériorisés à l'adolescence
 Trouble obsessionnel-compulsif
 Phobie spécifique

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1.4 Les divers troubles anxieux


1.4.1 Le trouble d’anxiété de séparation

Le trouble d’anxiété de séparation ou TAdeS se caractérise par la crainte qu’un malheur


survienne à l’enfant ou aux figures d’attachement et d’être séparés à toujours. L’enfant évite
les séparations avec les figures d’attachement. Par exemple, il refuse de dormir hors de la
maison, de rendre visite ou de rester à la maison seul ou avec quelqu’un d’autre…La prévalence
de l’âge de 6 mois à 1 an chez les enfants est 4%. C’est le trouble anxieux le plus prévalent chez
les enfants. La prévalence annuelle (USA) chez les adolescents est de 1,6%, chez les adultes de
0,9-1,9%.
1.4.2 Le trouble d’anxiété généralisée

Le trouble d’anxiété généralisée se traduit par des inquiétudes et appréhensions persistantes


et incontrôlables à propos de la vie quotidienne, sur tous les sujets, crainte que quelque chose
de négatif survienne. On observe aussi des symptômes physiques comme des maux de dos,
étourdissements, agitation, tensions musculaires, irritabilité et fatigue. Les individus qui en
souffrent présentent une détresse associée à l’inquiétude causée par les soucis ainsi que des
distorsions cognitives liées au futur, à l’incertitude, à la nécessité de s’inquiéter. La prévalence
chez les enfants de 11 ans et moins (population générale) monte jusqu'à 11,1%.
1.4.3 Le trouble d’anxiété sociale

Le trouble d’anxiété sociale ou TAS (phobie sociale) correspond à la peur persistante à


l’égard d’une ou de plusieurs situations sociales ou liées à la performance en public. On
souligne une anxiété de performance, une peur intense d’être observé, ou jugé par les autres,
d’agir de façon humiliante ainsi que des évitement. Le nombre limité d’amis est limité et les
individus présentent des difficultés d’en faire ainsi que de hauts niveaux de conscience à soi.
C’est un catalyseur potentiel d’une attaque de panique.
Plusieurs facteurs de risques bio-psycho-sociaux sont connus pour les TAS. Notons la
génétique (facteur biologique), la surestimation du danger et du rejet ainsi que l’intolérance à
l’incertitude (facteurs psychologiques). Finalement notons aussi l’humiliation et l’intimidation
sociale ainsi que la timidité parentale (facteurs sociaux).
1.4.4 Les phobies spécifiques

La phobie spécifique est une peur irrationnelle d’un objet ou d’une situation spécifique (ex.
animal, environnement naturel, sang, accident...). C’est la crainte que l’objet ou la situation
entraine une souffrance du sujet. Les phobies les plus fréquentes chez l’enfant : chiens, oiseaux,
insectes ou araignées, le noir, les bruits forts notamment les tempêtes, les clowns, les masques
ou tenues inhabituelles, le sang, les maladies, les injections. Les phobies sont parfois liées à de
mauvaises expériences, parfois non. Il faut noter qu’elles sont souvent non traitées, car les sujets
présentent des évitements et que les phobies ont la possibilité de déclencher une attaque de
panique. La prévalence est estimée à 5% chez les enfants et 16% chez les adolescents.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

1.4.5 Les troubles paniques

Le trouble panique est une expérience d’une attaque de panique associant des symptômes
somatiques et une peur de mourir ou de devenir fou. Elle se caractérise par une montée soudaine
de l’anxiété suivie d’un retour à la normale plus ou moins rapide (30 minutes). On observe aussi
une appréhension de la prochaine attaque de panique qui se traduit par une hypervigilance ciblée
sur les signes physiques associés aux attaques ainsi que des évitements des situations associées
aux attaques. Les attaques de paniques sont généralement rare avant l’âge de 15 ans avec une
prévalence chez l’enfant inférieure à 0,4%. Les attaques débutent souvent au début de l’âge
adulte.
1.4.6 L’agoraphobie

L’agoraphobie est définie par une anxiété ressentie à l’idée de se trouver dans des endroits ou
dans des situations d’où l’on pourrait avoir du mal à s’échapper (par ex. les transports publics,
les endroits clos, les cinémas, les bouchons). Les sujets qui en souffrent présentent des
évitement de ces situations. L’agoraphobie est fréquemment combinée avec le trouble panique.
Ce trouble est également rare avant l’âge de 15 ans. On observe un petit nombre de cas qui
débute entre 15 et 18 ans mais cela apparait quand même le plus souvent au début de l’âge
adulte.
1.4.7 D’autres troubles anxieux

Il existe encore de nombreux troubles anxieux comme le trouble obsessionnel-compulsif, le


trouble de stress post-traumatique, le trouble de stress aigu ou encore le mutisme qui affecte
majoritairement les enfants, et est caractérisé par l’absence de parole ou l’incapacité à parler
dans certains contextes ou situations sociales spécifiques, en dépit d’une maîtrise suffisante du
langage.
1.5 Evaluation clinique de l’anxiété
Le but de l’évaluation est de faire la distinction entre l’anxiété « normale » et « pathologique ».
Les perspectives multiples (multi-informateurs) : enfant, parents, enseignants. Il existe
différents approches : l’approche catégorielle pour identifier le trouble anxieux (diagnostique)
et l’approche dimensionnelle pour la sévérité/fréquence. Comme déjà souligné, l’évaluation
peut représenter une source d’anxiété pour l’enfant/l’adolescent anxieux.
1.5.1 Entrevue clinique (entrevue semi-structurée)

Dès qu’un trouble d’anxiété est soupçonné chez un enfant, une évaluation psychologique
globale devrait être réalisée. Cette évaluation devrait inclure une entrevue avec l’enfant et une
avec les parents. Elle devrait également inclure la perspective de toute autre personne qui
connaît bien l’enfant et qui peut discuter de ses comportements passés et présents (p. ex. tuteur,
grands-parents, enseignant). L’objectif de l’évaluation est de recueillir des informations
importantes par rapport aux critères diagnostiques en utilisant, par exemple, des outils comme
l’Anxiety Disorders Interview Schedule for the DSM-IV (ADIS) Child and Parent Version, la.
Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia for School Age Children-Present and
Lifetime version (K-SADS), la Diagnostic Interview Schedule for Children IV (DISC) ou
encore la. Preschool Age Psychiatric Assessment (PAPA).
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1.5.2 Questionnaires

Il est peu probable que les enfants demandent de l’aide indépendamment de leurs parents.
Généralement, ce sont les inquiétudes des parents qui les amènent à consulter un professionnel
de la santé. Les enfants plus jeunes peuvent avoir de la difficulté à communiquer adéquatement
leurs pensées, émotions et comportement d’évitement dans le cas d’un trouble d’anxiété. C’est
pour cette raison qu’avant l’âge de 12 ans, les questionnaires auto-rapportés ne sont pas
suffisants pour évaluer un trouble.
Ces différents outils sont administrés aux parents et aux jeunes mais peuvent avoir tendance à
sous-estimer et minimaliser leur anxiété car ils ont le soucis de donner une bonne image d’eux-
mêmes, sorte de désirabilité sociale. Ces outils peuvent aussi surestimer l’anxiété. Les parents
peuvent exagérer un peu les symptômes présentés par leur enfants, lié à leur propre inquiétude.
Cependant, ils restent une manière efficace et rapide de recueillir plusieurs informations comme
le nombre et type de symptômes, où l’individu se positionne comparativement à d’autres
enfants/la norme ainsi que la sévérité et fréquence des symptômes.
1.5.3 L’observation directe

L'observation directe du comportement entre le parent et son enfant peut être un ajout
important dans le contexte d’évaluation. Il y existe des systèmes de cotation pour évaluer ces
interactions comme le Dyadic Parent Child Interaction Coding System II (DPICS II; Eyberg et
collègues, 1994) où l’enfant et le parent participent à une activité ensemble. Il existe aussi une
version adaptée pour une utilisation auprès d’enfants soupçonnés de présenter un TAdeS, donc
la mise en situation inclut une séparation entre le parent et son enfant. C’est également une
technique qui peut être utilisée comme un outil qui évalue le progrès thérapeutique.
1.5.4 Épreuves projectives

Les épreuves projectives sont des épreuves sous forme d’histoires à raconter et dessins et sont
sources de beaucoup d’informations. Selon Koppitz (1968), l’étude des « indicateurs
émotionnels » qui reflètent anxiétés, attitudes, traits de personnalité est très riche… Il faut être
attentif à la présence ou pas de relation univoque entre signes/indicateurs et anxiété, trait de
personnalité précis (polysémie). Il faut considérer l’ensemble du dessin mais également les
combinaison des signes. Il faut bien regarder les caractéristiques du dessin comme les dessins
bichromatiques (noir et blanc ?), le remplissage, le noircissement, etc. Notons tout de même
qu’il n’existe pas de réelle normes pour observer ces dessins et qu’ils ne peuvent pas être
interprétés à la légère par le clinicien. Ce genre d’observation demande beaucoup de précision
et de temps. Il est indispensable de demander à l’enfant ce que cela représente, de poser des
questions et d’obtenir le plus de détails possible pour pouvoir éventuellement en tirer des
conclusions.
1.5.5 Compte rendu

Une fois l’évaluation réalisée, il est intéressant de se questionner sur la manière et le contenu
des informations que nous allons retourner au sujet. Jusqu’où aller dans l’annonce ? Pour le
clinicien, il est assez important de mettre un nom dessus pour aiguiller ensuite le reste de la
prise en charge.

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Cependant, il n’est pas toujours nécessaire de le dire et de poser l’étiquette au patient. Il faut
identifier ce que l’on veut cibler et savoir ce qu’on veut traiter. Le bien-être du patient est
primordial. Il ne faut pas lui mentir bien évidemment mais si l’on estime que l’information n’est
pas pertinente et freinerait l’évolution du patient, on peut se permettre d’omettre certains détails
pour ne pas augmenter l’anxiété déjà présente.

2. Evaluation des troubles obsessionnels compulsifs chez l’enfant et l’adolescent


2.1 Introduction
2.1.1 Vignettes cliniques

Vignette clinique d’Alex, 9 ans : Motif de consultation chez le médecin de famille : a les mains
tellement sèches qu’elles saignent à certains endroits. Images intrusives de bactéries, peurs
liées à la maladie et à la mort. Afin de calmer ses pensées, se lave les mains à répétition, utilise
du désinfectant. Evite de toucher poignées de porte et objets à l’école. Se nettoie pendant très
longtemps (routine). Retards répétés à l’école. Ne va plus chez des amis. Médecin de famille le
réfère à un psychologue
Vignette clinique d’Emma, 7 ans : Motif de consultation en psychologie : difficultés sociales.
Observations en cours d’évaluation : Discours formel, peu d’intonation. S’anime lorsqu’elle
parle des oiseaux, en parle longtemps, beaucoup d’informations partagées. Gestuelle
inhabituelle (immobile, agitation des mains, balancement du corps quand parle de ses intérêts
ou de ses peurs). Faible réciprocité sociale, sourit peu. Informations rapportées par Emma et
sa mère : A de nombreuses peurs par rapport à des objets inoffensifs. Périodes d’anxiété
intense, inquiétudes liées à la contamination. Besoin incontrôlable de disposer les objets selon
un ordre. Forte obsession de savoir, de poser des questions de manière répétitive, de lire à
haute voix les informations sur les panneaux.
2.1.2 Les TOC dans les médias

On retrouve assez régulièrement les TOC dans les médias. Pourtant, on observe la plupart du
temps une banalisation de la maladie qui se traduit par une simplification des symptômes, une
réduction de la gravité du trouble et l’utilisation de l’humour. Par exemple, le personnage de
Bree Van de Kamp dans Desperate Housewives, le film As good as it gets, etc.
2.2 Définitions et contenu des obsessions et des compulsions
Qu’est-ce qu’un TOC ? C’est un trouble mental souvent débilitant qui comporte deux volets :
des obsessions et des compulsions.
2.2.1 Les obsessions

Les obsessions sont des pensées ou idées récurrentes et intrusives qui causent de la détresse et
qui ne peuvent être maîtrisées par appel à la raison ou à l’évidence. Elles ne sont jamais
agréables ou volontaires.

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Il existe plusieurs types de manifestations d’obsessions, certains bien connus comme les :
 Obsessions de contamination : préoccupations ou dégoût liés aux sécrétions, comme
la salive, ou aux déchets corporels, comme l’urine ou les selles, préoccupations
associées à la saleté ou aux microbes et inquiétudes liées à l’idée d’être malade en raison
de la contamination. « je vais avoir le Coronavirus et dois prendre ma douche pendant
1 heure trois fois par jour »
 Obsessions de doute répétée : « je dois vérifier que tout le matériel est dans mon sac
d’école… 33 fois avant de quitter la maison »
 Obsessions de symétrie, exactitude et ordre : respect de certaines règles pour éviter
les malheurs (pensée magique).
 Obsessions de rangement et de comptage : « tout doit être parfaitement aligné », «
tout doit être placé d’une certaine façon »; « je dois compter jusqu’à 100, trois fois de
suite »
 Obsessions de désencombrement (besoin de se débarrasser de ses possessions) –
versus syllogomanie (thésaurisation).
 Obsessions diverses : peur de ne pas dire exactement ce qu’il faut, peurs superstitieuses
(nombres qui portent bonheur ou malheur).
Il existe également une catégorie de symptômes moins connus mais aussi fréquents :
 Agressivité, horreur : peur de se faire du mal ou de faire mal aux autres, peur d’être
responsable d’une situation terrible
 Peur de soi : peur d’être une mauvaise personne ou une personne immorale
 Sexualité et pensées sexuelles : impulsions, images ou pensées perverses ou interdites
à propos de la sexualité, de l’homosexualité, de la pédophilie etc.
 Religion : préoccupations liées au sacrilège, au blasphème ou à la moralité.
2.2.2 Les compulsions

Les compulsions sont de comportements ou actes mentaux répétitifs qui visent à prévenir ou
réduire la détresse ou les conséquences associées aux obsessions, compulsions « poussent » le
sujet à l’encontre de sa volonté. Ce sont des rituels compulsifs qui prennent parfois beaucoup
de temps, et qui ne sont pas faits par plaisir. Les compulsions se traduisent souvent par :
 Lavage ou nettoyage (obsession contamination) : lavage des mains ritualisé ou excessif
; toilette ritualisée ou excessive ; mesures supplémentaires pour supprimer le contact
avec des éléments contaminants.
 Vérification (obsession doute) : vérifier que les portes sont bien fermées à clé, que les
appareils ménagers sont bien éteints (encore et encore); vérifier à répétition des erreurs
possibles dans un travail donné.
 Rituels de répétition (obsession doute) : relire, redire ou réécrire ; besoin de répéter
une action.
 Comptage, ordre et rangement (obsession ordre, symétrie) : ranger les objets dans un
ordre précis ; faire les choses d’une manière très précise.
 Compulsions diverses : besoin de toucher ; comportement superstitieux ; besoin de
demander ou de confesser ; dresser des listes de manière excessive.

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2.2.3 Le lien entre obsessions et compulsions

2.2.4 Prise de conscience et égotonie/dystonie

Lorsqu’on s’intéresse à la prise de conscience, à l’insight, la majorité (70 à 85%) des personnes
aux prises avec un TOC savent que leurs craintes sont disproportionnées et que leurs
compulsions sont inefficaces. Seulement 15 à 30% des personnes souffrant d’un TOC ont une
mauvaise prise de conscience ou des idées délirantes concernant leurs croyances. (Benny et al.,
2021)
On parle de TOC égosyntonique lorsque les comportements de la personne cadrent avec ses
valeurs, ne lui causent pas de détresse et lui semblent fondés et raisonnables. Dans le cas
contraire, on parle de TOC égodystonique c’est-à-dire que la personne reconnaît que son
comportement est irrationnel et qu’il lui cause de la détresse (Benny, 2021).
2.3 Phénoménologie ou tableau clinique chez l’enfant et l’adulte
Il existe beaucoup de similitudes entre l’enfant et l’adulte. On observe les mêmes thématiques
pour la plupart des obsessions et des compulsions. Les différences notoires avec les adultes,
sont qu’on observe des compulsions de confession/de quête de savoir (poser des questions) plus
fréquentes chez les enfants tandis que les obsessions sexuelles et religieuses sont plus
fréquentes chez les ados.
Par exemple, les enfants peuvent :
 insister pour que leur linge soit lavé de nombreuses fois,
 vérifier de façon répétée leur travail ou leur cartable,
 se mettre en colère face au désordre causé par d’autres membres de la famille (INSERM,
2021).
Les particularité des tocs à l’enfance sont que cela crée bcp d’embarras par rapport à leurs
rituels et pensées (se cachent, ne veulent pas en parler). Important à garder en tête lors de
l’évaluation (cf. validité questionnaire auto-rapporté). Les tocs ont un impact sur le quotidien
de l’enfant (routines à la maison, sphère académique et sociale), mais aussi sur la vie familiale
(« tyran »).

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Les enfants et adolescents avec des TOC consacrent beaucoup de temps à l’engagement de
rituels (cf. critère B). Ils s’accompagnent de croyances dysfonctionnelles et d’intolérance à
l’incertitude. Souvent, les symptômes s’aggravent en réaction aux situations stressantes
(rentrée scolaire, déménagement…). Il y a également une grande prévalence de comorbidités
chez environ 80% des jeunes avec un TOC.
2.4 Epidémiologie, étiologie (cf. anamnèse)
Les troubles obsessionnels compulsifs présentent une grande prévalence dans population
générale de 2-2.5 à 4%, de 1 à 3% chez les enfants. Ils surviennent mondialement, avec une
similarité à divers niveaux : fréquence, contenu des obsessions et des compulsions, étiologie,
comorbidité. On observe cependant une prévalence légèrement plus élevée chez jeunes garçons
tandis que le TOC est plus commun chez femmes à l’âge adulte. Lorsqu’on s’intéresse au TSA,
10% environ souffrirait de TOC associés.
D’un point de vue étiologique, il existe des facteurs à la fois biologiques (génétique,
neurologiques), psychologiques, familiaux, sociaux. Cependant, le poids relatif de ces facteurs
reste incertain. D’un point de vue des facteurs génétiques, le TOC a tendance à être présent
auprès de plusieurs membres d’une même famille. On noterait des influences génétiques entre
45% et 65% des cas selon Van Grootheest et al. (2005). Il a également été découvert l’existence
de marqueurs protecteurs situés sur certains gènes (Alonso et al., 2008) mais il est important de
rappeler l’interaction gène-environnement, qui module l’expression de ces TOC.
Lorsqu’on se penche sur les facteurs de risque psychologiques et individuels, on peut retenir
le tempérament et affectivité négative, la tendance à s’inquiéter, être pessimiste et avoir peur
de l’incertitude ainsi que la tendance à intérioriser ses émotions et inhibition comportementale
(Taylor, 2011). Il existe aussi des facteurs de risque environnementaux comma la modélisation,
l’observation, les événements de vie négatifs (maladie grave, abus…) et le blâme parental. Les
facteurs de protection comme une bonne relation parents-enfant rentrent également en compte.
2.5 Evolution : trajectoire développementale et pronostic
Les symptômes apparaissent le plus souvent dans l’enfance ou au début de l’âge adulte : dans
25% des cas il débute avant 14 ans et dans 65% des cas avant 25 ans. L’âge moyen de début
d’un TOC est estimé à 19,5 ans (Ruscio, Stein, Chiu et Kessler, 2010). Des enfants aussi jeunes
que 6-11 ans peuvent présenter des symptômes et le TOC peut s’installer progressivement. Il
nuit grandement au développement.
Il faut aussi noter qu’un TOC non traité a tendance à devenir chronique. Un trouble traité engage
souvent un pronostic positif. Cependant, il existe des facteurs qui vont influencer l’évolution
du TOC dans le sens d’un mauvais pronostic et qui sont associés à la sévérité des symptômes
ou au dysfonctionnement social :
 Moins bonne prise de conscience (insight) ou égosyntonie du trouble
 Un jeune âge au début du trouble
 Un style de relation parents-enfants inadéquat
 L’accommodation familiale : famille qui participe aux rituels compulsifs, qui modifie
sa routine afin d’éviter la détresse causée par le trouble, qui rassure.

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2.6 Classification des TOC


Il y a eu un changement de catégorisation du TOC. Auparavant, il était classé comme trouble
anxieux mais dans le DSM-5, le TOC a été associé à des troubles avec manifestations similaires
(composante d’obsession cognitive et de compulsion comportementale).
Les critères diagnostics sont les suivants :
A. Présence d’obsessions, de compulsions ou des deux :
Obsessions définies par (1) et (2) : (1) Pensées, pulsions ou images récurrentes et persistantes
qui à certains moments de l’affection, sont ressenties comme intrusives et inopportunes, et qui
entraînent une anxiété ou une détresse importante chez la plupart des sujets. (2) Le sujet fait
des efforts pour ignorer ou réprimer ces pensées, pulsions ou images, ou pour les neutraliser
par d’autres pensées ou actions (c.-à-d. en faisant une compulsion).
Compulsions définies par (1) et (2) : (1) Comportements répétitifs (p. ex. se laver les mains,
ordonner, vérifier) ou actes mentaux (p. ex. prier, compter, répéter des mots silencieusement)
que le sujet se sent poussé à accomplir en réponse à une obsession ou selon certaines règles qui
doivent être appliquées de manière inflexible. (2) Les comportements ou les actes mentaux sont
destinés à neutraliser ou à diminuer l’anxiété ou le sentiment de détresse, ou à empêcher un
événement ou une situation redoutée ; cependant, ces comportements ou ces actes mentaux sont
soit sans relation réaliste avec ce qu’ils se proposent de neutraliser ou de prévenir, soit
manifestement excessifs.
B. Perte de temps considérable (plus d’une heure par jour), entraîne une détresse
significative, ou altération du fonctionnement.
C. Pas dus à la consommation de substance ou affectation médicale.
D. Pas mieux expliqué par autre trouble mental
Au-delà des symptômes et critères diagnostiques, les comorbidités sont très fréquentes : 80 %
des enfants avec un diagnostic TOC répondent aux critères diagnostiques d’un autre trouble et
jusqu’à 50% répondent aux critères de deux troubles ou plus (Hollander et Stein, 1997). Les
troubles comorbides en ordre du plus au moins commun sont :
 Troubles anxieux (TOC anciennement classé comme TA)
 Troubles dépressifs (souvent après l’apparition du TOC)
 Tics (30 % de comorbidité, APA, 2013)
 Troubles du comportement
 Idéations suicidaires à un niveau clinique significatif (13 % des jeunes, Storch et al.,
2014).
Les troubles de la personnalité sont plus rarement associés au TOC. S’ils le sont, les individus
ont une faible prise de conscience des obsessions. Le POC (trouble de personnalité
obsessionnelle-compulsive) différent du TOC car la personne qui en souffre ne présente pas
d’obsession ni de compulsion, est souvent un individu perfectionniste et qui présente un besoin
de contrôle excessif et inadapté. Cependant, les symptômes sont souvent en égosyntonie.

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2.7 Démarche et outils d’évaluation


Il existe plusieurs méthodes et outils qui permettent d’évaluer les troubles obsessionnels
compulsifs :
 Entrevue diagnostique structurée ou demi-structurée
o C-YBOCS - Children’s Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale : dédiée aux
enfants entre 6 et 17 ans et évalue la sévérité des obsessions et compulsions à
travers 5 échelles. Elle donne d’excellentes propriétés psychométriques.
o CY-BOCS for children with autism spectrum disorder : variante destinée aux
enfants entre 4 et 17 ans présentant un TSA. Elle s’adresse uniquement les
symptômes de compulsion et contient une liste de compulsions adaptées pour
rendre compte des particularités associées à l’autisme
o K-SADS
 Inventaire rempli par le clinicien :
o Dimensional Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale : Elle mesure la
présence et la sévérité de 88 obsessions et compulsions et ce dans différents
domaines : blessure, méticulosité, symétrie, contamination, thésaurisation, autre
(ex. croyances superstitieuses). Elle est validée auprès de jeunes de 7 à 18 ans et
est une mesure fidèle et valide
 Questionnaire auto-ou hétéro-rapporté :
o Children’s Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale Child Report and Parent
Report.
o RCADS - Revised Children Anxiety and Depression Scale : est destiné aux
enfants de 8 à 18 ans est à remplir par l’enfant et par le parent. Il est composé 7
sous-échelles, dont une adressant les obsessions et compulsions. Il n’existe
qu’une version anglaise uniquement et une version spécifique pour enfant-
adolescents avec TSA.

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3. Troubles dépressifs à l’enfance et l’adolescence


3.1 Introduction et définitions
La dépression est considéré comme « le mal du siècle par excellence » (Arbisio, 2003, e.a.).
C’est le trouble de santé mentale le plus commun et un problème majeur de santé publique dans
les pays occidentaux. La prévalence de la dépression est de 6 à 9% chez les ados (Roza et al.,
2003). L’augmentation de la prévalence est en partie associée au mode de vie moderne de la
société occidentale. On constate aussi que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les
15-19 ans. (Légaré et al., 2015).
Les troubles dépressifs sont marqués par une humeur dépressive ou irritable, une perte
d’intérêt ou de plaisir pour presque toutes les activités. D’autres symptômes possibles sont une
modification de l’appétit, du sommeil, un sentiment de culpabilité excessive et des pensées de
mort. Les plaintes de difficultés d’attention, de concentration et de mémoire sont fréquentes et
objectivables (APA, 2013).
3.2 Aperçu historique
Déjà à l’Antiquité, on retrouve des descriptions du portrait clinique de la dépression et de la
mélancolie (théorie des humeurs d’Hippocrate). Vers 1850, apparaissent des efforts de
classification des maladies mentales notamment en France et en Allemagne et de nombreuses
descriptions cliniques de troubles de l’humeur chez l’adulte. Jusqu’à 1950-1970, les milieux
cliniques et scientifiques jugent les phénomènes dépressifs très rares voire impossibles avant
l’âge adulte. (Dumas, 2013). C’est seulement à partir de 1970 que des recherches
systématiques sur les troubles de l’humeur en psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent
voient le jour. Pour retracer l’histoire, on peut distinguer approches ou points de vue théoriques
qui se sont succédées :
 Approche psychanalytique classique : il n’y a pas de dépression infanto-juvénile
soulignant que les « troubles de l’humeur ne peuvent pas exister avant fin de
l’adolescence ». Un exemple d’explication donnée est que le Surmoi serait
insuffisamment développé pour que l’enfant ou l’ado dirige son agressivité contre elle-
même (par ex. Mahler, 1961). Les mécanismes étiologiques proposés par les théoriciens
d’orientation psychanalytique reposent sur des travaux cliniques manquant d’appui
scientifique (Dumas, 2013).
 Approche psychanalytique alternative : la dépression à l’adolescence est vue comme
un stade de développement normal. Selon cette approche, la dépression chez
l’adolescent est un bouleversement normal et attendu, provoqué par les changements
physiques et psychologiques accompagnant la puberté. C’est une manifestation
passagère et nécessaire de l’adolescence comme stade développemental. En absence de
signes apparents « d’inquiétude intérieure » vers 14-16 ans, Anna Freud (1958) parle
de « retard du développement. Cette approche est contredite par recherches : la plupart
des ados ne sont pas déprimés, la dépression n’est pas une manifestation d’une phase
normale de développement mais un trouble sérieux (suicide) (Dumas, 2013).

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

 Approche d’une dépression masquée dès l’enfance. Les troubles de l’humeur peuvent
se manifester dès l’enfance, ils se présentent avant tout avec des symptômes
d’agressivité, d’hyperactivité, d’anxiété ou de délinquance. Ces « équivalents dépressifs
» sont susceptibles de « masquer » la dépression. Cette perspective a dominé les travaux
dans ce domaine pendant un certain temps. Aujourd’hui, cette approche n’est plus
acceptée par communauté scientifique. En effet, les « Equivalents dépressifs » n’ont
jamais été décrits clairement, recouvrent pour ainsi dire l’ensemble des manifestations
psychopathologiques. Pas de caractéristique spécifique des troubles de l’humeur avant
l’âge adulte. Il était impossible d’établir une liste d’équivalents dépressifs reconnus, car
ces équivalents étant par définition masqués, il est possible qu’un enfant ou ado
manifeste sa dépression au travers des symptômes non encore reconnus.
 Approche d’une dépression spécifique dès l’enfance : Selon cette approche, les
troubles de l’humeur peuvent se manifester dès l’enfance. Leurs caractéristiques sont
différentes que celles de la dépression chez l’adulte, il faut donc des critères
diagnostiques particuliers (par ex. Weinberg et al., 1973). Cette perspective (spécificité
infanto-juvénile) s’est confirmée pour d’autres psychopathologies, mais la recherche
n’a pas mis en évidence une symptomatologie dépressive spécifique de l’enfant ou de
l’ado (Kazdin, 1990). Cette approche n’est plus acceptée aujourd’hui.
 Approche actuelle : Elle s’appuie sur les apports des approches 3 et 4 (dépression
masquée spécifique). Elles reconnaissent que les troubles de l’humeur : peuvent se
manifester dès l’enfance, sont souvent associés à d’autres symptômes ou troubles
psychopathologiques(comorbidité), que les symptômes qui caractérisent les troubles de
l’humeur sont semblables tout au long du développement humain et ont une évolution
qui s’inscrit dans une période développementale marquée par des changements majeurs.
En somme, lorsque TD se développent pendant l’enfance, ils sont plus chroniques, graves et
invalidants que lorsqu’ils apparaissent à l’âge adulte. Avec le temps, les troubles dépressifs
chez l’enfant/l’adolescent se présentent de manière de plus en plus semblables que leur
présentation à l’âge adulte. Contrairement à la majorité des troubles psychopathologiques, les
TD sont définis et diagnostiqués à l’aide des mêmes critères que ceux que pour les adultes.
3.3 Catégorisation des troubles dépressifs
Les troubles de l’humeur incluent tout, c’est-à-dire les troubles dépressifs mais aussi la
bipolarité. Les troubles dépressifs (TD) incluent uniquement troubles unipolaires (trouble
dépressif caractérisé/TDC et trouble dépressif persistant/TDP).
1. Trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle (nouveau Dx)
2. Trouble dépressif caractérisé (incluant épisode dépressif caractérisé)
3. Trouble dépressif persistant (dysthymie). Forme plus chronique : si TDC dure
au-delà d’un an pour l’enfant (ou 2 ans pour l’adulte)
4. Trouble dysphorique prémenstruel (nouveau Dx)
5. Trouble dépressif induit par une substance ou un médicament
6. Trouble dépressif dû à une autre affection médicale
7. Trouble dépressif autre spécifié
8. Trouble dépressif non spécifié

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3.3.1 Trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle – TDDE

Le diagnostic s'applique aux enfants et aux adolescents à partir de 6 ans et jusqu'à 18 ans qui
présentent une irritabilité persistante et des épisodes fréquents et extrêmes de perte de
contrôle du comportement. Quelle est la raison d’être de ce diagnostic ? L’introduction de
cette catégorie vise à réduire le surdiagnostic et le surtraitement du trouble bipolaire pédiatrique.
Il tient compte du fait que les enfants présentant ces symptômes développent typiquement (au
cours de l’ado et de l’âge adulte) des troubles dépressifs unipolaires ou des troubles anxieux.
Les symptômes principaux sont les suivants :
 La présence des éléments suivants pendant une période supérieure à 12 mois (sans
période de ≥ 3 mois sans aucun d'entre eux):
 Accès de colère récurrents sévères (hors de proportion avec la situation, ≥ 3 fois/semaine
en moyenne).
 Accès de colère incompatibles avec le niveau de développement.
 Irritabilité, mauvaise humeur présentes tous les jours et pendant la majeure partie de la
journée, observées par les autres.
 Crises de colère et humeur colérique doivent se produire dans 2 de 3 environnements (à
la maison ou à l'école, avec des pairs).
Un diagnostic différentiel du TDDE est le trouble bipolaire pédiatrique. Les similitudes entre
les deux est que le est comportement dangereux, l’enfant présente des idéations suicidaires et
tentatives de suicide, on observe des agressions sévères et des hospitalisations en psychiatrie.
Les différences sont que dans TDDE l’irritabilité sévère est persistante et présente pendant de
nombreux mois. Il n’y a pas une humeur élevée/expansive, ni d’idées de grandeur.
3.3.2Trouble dépressif caractérisé – TDC

Le plus souvent, lorsque le terme « dépression » est employé dans un contexte médical, il
désigne le Trouble dépressif caractérisé (TDC). On observe des changements dans les affects,
cognitions, fonctions neurovégétatives (sommeil, appétit) et des rémissions entre les épisodes.
Le TDC est un trouble récurrent dans majorité des cas mais un épisode unique est possible.
Les critères diagnostics du DSM-V sont :
A. Au moins 5 sur 9 des symptômes suivants présents durant une même période de deux
semaines et représentent un changement par rapport au fonctionnement précédent. Au
moins un de ces symptômes est soit (A1), soit (A2). Remarque : Ne pas inclure les
symptômes qui sont clairement attribuables à une autre condition médicale.
A1 : Humeur dépressive présente la plus grande partie de la journée, presque tous
les jours, comme signalée par la personne ou observée par les autres. (Remarque :
Chez les enfants et les adolescents, peut-être une humeur irritable. Chez bébé, du
retrait relationnel). Remarque : bien qu’on utilise les mêmes critères pour
diagnostiquer les troubles dépressifs à tout âge, le DSM précise que l’humeur de
l’enfant ou de l’ado au cours d’un épisode dépressif peut être irritable plutôt que
déprimé.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

A2 : Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes, ou presque toutes,


les activités, la plus grande partie de la journée, presque tous les jours (signalée par
la personne ou observée par les autres).
A3 : Perte de poids significative en l'absence de régime ou gain de poids, ou
diminution ou augmentation de l'appétit presque tous les jours. Chez les enfants, il
faut prendre en compte l'absence de l'augmentation de poids attendue.
A4 : Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
A5 : Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours. Y a-t-il
des moments où tu ne peux pas rester tranquille, où tu dois sans cesse bouger sans
pouvoir t’arrêter ? Te tords-tu les mains? Les gens te disent-ils de ne pas parler
autant ? as-tu l’impression de bouger au ralenti ? Ta parole s’est-elle ralentie ?
A6 : Fatigue ou perte d'énergie presque tous les jours.
A7 : Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
presque tous les jours. La triade cognitive (dépressive) de Beck (1976) et Beck et
al. (1979), renvoie à une classe de trois types de pensées négatives présents
dans la dépression qui touchent l'estime de soi (ex. je me sens mal aimé et coupable,
je me crois croire inutile et incapable, etc.), le monde/l'entourage (ex. le monde est
injuste, trop dur à supporter, mes problèmes sont incontrôlables…), et l'avenir (ex.
mon avenir est sans espoir, pas d’issue à mon problème etc.).
A8 : Diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous
les jours. Les fonctions cognitives les plus affectées lors d’une dépression sont
l’attention et les fonctions exécutives (diminution de concentration, capacités de
prise de décision, de planification et d’organisation). La mémoire, ainsi que la
vitesse de traitement de l’information peuvent également être affectées. Les troubles
et symptômes cognitifs font partie intégrante de la définition de l'état dépressif. La
reconnaissance de la place des troubles cognitifs dans le trouble de l'humeur
dépressif récurrent est plutôt récente : fréquence de déficits cognitifs, au-delà de la
phase aigüe, et à des degrés variables, à tous les âges. La sévérité des troubles
cognitifs est souvent corrélés à sévérité de dépression. Ces troubles concernent un
spectre large de domaines allant de la cognition « froide » (attention, mémoire,
fonctions exécutives) à la cognition « chaude » (biais émotionnel négatif), la
cognition sociale (empathie, théorie de l'esprit), l'estime de soi.
A9 : Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou
tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
B. Les symptômes entraînent une souffrance cliniquement significative ou une altération
du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
C. L'épisode n'est pas imputable aux effets physiologiques d'une substance ou d'une autre
affection médicale.
D. L'apparition de l'épisode dépressif majeur n'est pas mieux expliquée par un trouble
schizoaffectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant, ou
un autre trouble du spectre schizophrénique et un autre trouble psychotique.
E. Il n'y a jamais eu d'épisode maniaque ou d'épisode hypomaniaque

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Le diagnostic est généralement accompagné des spécificateurs de sévérité et d'évolution


suivants : épisode unique ou récurrent ; léger, modéré, sévère (en fonction du nombre et de la
sévérité des symptômes), avec caractéristiques psychotiques, en rémission partielle ou en
rémission complète. Les spécificateurs suivants qui s'appliquent sont aussi ajoutés, par ex. :
avec détresse anxieuse (il est cliniquement utile de le spécifier car associé à un risque
suicidaire), avec des caractéristiques mixtes (présence de certains symptômes de
manie/hypomanie), avec des caractéristiques mélancoliques ; avec des caractéristiques
psychotiques congruentes à l'humeur (ou non congruentes) ; avec motif saisonnier (dépression
saisonnière, épisode récurrent seulement).
La dépression a aussi un impact fonctionnel. Elle est un facteur de risque d'échec scolaire,
d’abus de substance et de comportements suicidaires. Souffrant d’un trouble dépressif, les
enfants et les adolescents tendent à perdre pied à l'école, à perdre d'importantes relations avec
leurs camarades.
Il est à noter que l’évolution du TDC est très hétérogène d’un individu à un autre. Le
développement sera plus marqué si la dépression présente à un jeune âge et s’il y a la présence
de troubles comorbides. Les diagnostics différentiels sont la bipolarité dont les similarités
sont la présence d’épisodes dépressifs et les différences les symptômes maniaques (idées de
grandeur, diminution besoins de sommeil, dépenses impulsives) et le TDA/H dont les
similarités sont une haute distractibilité, une irritabilité, une agitation, des problématiques de
sommeil, estime de soi fragile et les différences sont que le TDAH est un trouble
neurodéveloppemental et qu’il n’y a pas d’idéations suicidaires.
3.3.3 Trouble dépressif persistant (dysthymie) – TDP

La forme plus chronique de dépression, le TDP est diagnostiqué lorsque la perturbation de


l'humeur se poursuit pendant au moins 2 ans chez les adultes ou 1 an chez les enfants. Ce
diagnostic, nouveau dans le DSM-5, inclut à la fois la dépression majeure chronique du
DSM-IV et la dysthymie, qui est moins sévère que la dépression majeure, mais chronique. Les
symptômes débutent souvent insidieusement à l’adolescence et fluctuent.
3.4 Evaluation des troubles dépressifs
Comment évaluer les troubles dépressifs ? La première étape est toujours l’analyse de la
demande et anamnèse : histoire développementale du sujet et historique des symptômes
dépressifs, répercussions sur vie quotidienne, etc. Ensuite, il existe plusieurs approches.
L’approche catégorielle utilise des entretiens cliniques et diagnostiques semi-structurés avec
des outils d’évaluation reprenant les critères diagnostics (DSM ou CIM), permettent de
diagnostiquer. L’approche dimensionnelle utilise des échelles et questionnaires d’auto-
évaluation ou remplis par des tiers. Ex. BDI, CDI… Ce sont des outils d’évaluation qui
permettent de repérer / dépister sujets dépressifs ou d’évaluer la sévérité. Ce ne sont pas des
outils diagnostics.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

3.4.1 Approche catégorielle

L’approche catégorielle utilise des entretiens cliniques et diagnostiques semi structurés.


L’objectif est de faciliter le diagnostic d’un trouble mental, en standardisant l’enquête sur la
présence ou l’absence des symptômes retenus dans les principales classifications (DSM-5,
CIM-11) comme critères diagnostic de chaque trouble. Les arbres de décision se dessinent en
fonction de la réponse à certaines questions, on doit poser d’autres questions ou passer à une
autre section (cf. vidéo didactique). Malgré le gain de temps permis par les arbres de décision,
l’administration est longue et peut nécessiter plusieurs séances. On utilise des entretiens ciblés
qui portent sur un seul trouble ou sur un groupe de troubles apparentés comme les troubles
dépressifs mais aussi des entretiens généraux qui passent en revue l’ensemble des troubles
mentaux ou des manifestations psychopathologiques possibles et des entretiens spécifiques
pour les enfants et les adolescents d’une part et pour les adultes et adolescents plus âgés d’autre
part.
Les entretiens génériques les plus employés en psychopathologie infantile pour évaluer troubles
mentaux, dont troubles dépressifs (pour votre information) :
 CAPA - Child and Adolescent Psychiatric Assessment (Angold et al., 1995) développé
pour les enfants de 9 à 18 ans (les critères diagnostiques utilisés sont ceux du DSM-IV).
 DICA - Diagnostic Interview for Children and Adolescents. A notre connaissance, pas
disponible en français.
 DISC - Diagnostic Interview Schedule for Children, Version IV (DISC-IV; Shaffer et
al., 2000), une entrevue davantage structurée. A notre connaissance, pas disponible en
français.
 K-SADS-P/L - Kiddie Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia for school-
age Children - Present and Lifetime version (Kaufman et al., 1999, 2018 pour version
française) : Indique la présence ou l’absence de symptômes (épisodes actuels et passés);
diagnostic selon critères DSM-5 (catégorielle) et indique la sévérité des symptômes
(dimensionnelle). C’est un outil multi-informateurs qui se compose d’un entretien
avec le(s) parent(s) puis avec l’enfant / l’adolescent (6-18 ans). À la fin, on rend une
synthèse de la part de l’évaluateur incluant toutes les sources d’information (enfant,
parent, dossier médical, école, etc.), et selon son meilleur jugement clinique en cas de
discordance. Il faut noter que le temps de passation est relativement long (de 45 à 90
minutes pour les parents, et la même chose pour l’enfant). Chaque symptome spécifique
est passé en revue et coté de la façon suivante : 0-pas d’information, 1-absent, 2-
subclinique, 3-présent. La synthèse des informations diagnostics se base sur la vie
entière et sur base des données issues de l’ensemble des sources d’information. Pour
chacun, le clinicien note la présence ou l’absence d’un épisode actuel ou passé, l’âge de
début du premier épisode, l’âge de début de l’épisode actuel, le nombre total d’épisodes
et la durée totale des épisodes ».
 PAPA - Preschool Age Psychiatric Assessment. Enfants 2-5 ans.

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Les entretiens diagnostiques standardisés pour les adultes et adolescents plus âgés ont pour
objectif d’offrir un guide d’entretien à suivre, des seuils de symptômes et des critères
d’exclusion. Les entrevues les plus fréquemment utilisées en clinique adulte et avec les
adolescents plus âgés (par ex. à partir de 15-18 ans) (pour votre information) :
 BPRS - Brief Psychiatric Rating Scale – Echelle de cotation psychiatrique brève
(passation rapide)
 M.I.N.I., 5.0.0.- Mini International Neuropsychiatric Interview (Sheehan et al., 1998).
Par exemple : « Actuellement, vous sentez-vous particulièrement triste, déprimé(e) ?
Non ou Oui ». (passation rapide)
 SADS - Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia
 SCID - Structured clinical interview for DSM-5 disorders
3.4.2 Approche dimensionnelle

L’approche dimensionnelle utilise des questionnaires généraux ou multiphasiques (diverses


échelles), des questionnaires spécifiques pour divers troubles (centrés sur dépression) et des
questionnaires spécifiques pour diverses populations (groupes d’âge, par ex. « CDI » ; groupes
cliniques, par ex. The Calgary Depression Scale for Schizophrenia ». Elle utilise des auto et
hétéro évaluation.
Les questionnaires généraux ou multiphasiques pour un dépistage des symptômes dépressifs
couvrent un large éventail de symptômes et incluent des items ou des échelles mesurant la
présence des symptômes dépressifs.
 Niveau 1. Auto-évaluation symptomatique transversale : 23 questions qui évaluent
13 problèmes psychiatriques, dont la dépression. Si la cotation de « l’Auto-évaluation
symptomatique transversale niveau 1 » indique une présence légère ou plus de
symptômes dépressifs, le clinicien peut se référer au niveau 2 de l’échelle pour
investiguer la problématique davantage.
 Niveau 2 : l’échelle « PROMIS Emotional Distress—Short Form» pour les
symptômes dépressifs
 SCL-90-R (Symptom Check List-90-R ou Inventaire de Symptômes
Psychologiques- qui comporte 90 items (répartis sur 9 échelles symptomatologiques)
 MMPI-II-R ou le Minnesota Multiphasic Personality- Inventory Inventaire de
personnalité multiphasique du Minnesota
 MCMI-III ou l’Inventaire Clinique Multiaxial de Million (175 items).
Plusieurs de ces échelles ont l’avantage d’inclure des échelles de validité et/ou de désirabilité
sociale. Les échelles spécifiques contiennent moins d’items que les « inventaires » ou « check
lists » plus généraux et prennent dès lors moins de temps pour être administrées.
En auto-évaluation, on demande à répondre à une échelle de type Likert. Par exemple, le
HAD – Hospital Anxiety and Depression Scale permet le dépistage troubles anxieux et
dépressifs. On procède à une évaluation du niveau d’anxiété et de dépression avec 14
items sur une échelle de 0 à 4 : Jamais (0 point), De temps en temps (1 point), Souvent (2
points), La plupart du temps (3 points).

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Il existe aussi des outils d’évaluation spécifiques pour les troubles dépressifs chez les
enfants et les adolescents :
 APA - PROMIS Emotional Distress - Short Form (DSM-5) pour mesurer la
dépression chez les enfants de 11 à 17 ans.
 CDI – Children Depression Inventory – Inventaire de dépression de l’enfant (8-13
ans)
 CDRS-R - Children’s Depression Rating Scale - Echelle d’évaluation de la dépression
de l’enfant (Poznanski, CDRS-R, 1984). Echelle qui doit être administrée par un
clinicien.
 MDI-C Multidimensional Depression Scale - Echelle composite de dépression pour
enfants (8-17 ans). Questionnaire et fiche signalétique.
De manière générale, l’objectif des échelles et questionnaires est de mesurer intensité des
symptômes (e.a. dépressifs) avec une approche dimensionnelle. Les limites sont que le
diagnostic d’un trouble dépressif ne peut être donné sur la base unique des échelles d’auto-
évaluation remplies par le patient. Elles ne sont pas aussi fiables que les entretiens semi-
structurés puisqu’elles n’incluent pas d’observation clinique de la part de du clinicien.
Rappelons que ce ne sont pas des outils diagnostiques, mais bien des outils de dépistage,
permettant d’identifier les patients chez qui une évaluation plus complète semble pertinente, ou
des outils pour avoir une idée plus précise de la sévérité de la dépression (une fois qu’un
diagnostic est posé).
Finalement, lors de la passation de projectives et expressives, dans l’évaluation d’un sujet
dépressif, il est important de faire attention aux observations d’indices cliniques. Par exemple,
lors de la passation de tests (tests projectifs, dessin, figure de Rey etc.), au niveau relationnel,
on peut remarquer une importante inhibition, avec du désintérêt et un ralentissement général
des activités (prend bcp de temps, ne semble pas efficace). On peut aussi observer des difficulté
de penser, de fixer son attention et de se concentrer, une pauvreté des réponses mais aussi des
récits restrictifs (par ex. CAT), refus, extinction de voix, dessins « bâclés », soit vides, soit
remplis (phénomène de remplissage).
Dans le contact, la problématique de l’échec et de l’incapacité peut se retrouver au premier plan
: l’enfant répète par ex. volontiers “j’sais pas”, “je n’y arrive pas”, “j’peux pas”. L’ébauche
d’un dessin s’accompagne par ex. de commentaires négatifs : “c’est raté”, “ce n’est pas
bien”…Dans les taches graphiques, on remarque aussi de manière caractéristique des
interruptions par l’agir, agitation, instabilité psychomotrice et des spécificités de l’activité
graphique (dessin, couleur, force du trait).
Il y a des spécificités aussi lors de l’activité ludique (jeu, scéno-test) :
 EI Pauvreté des constructions imaginaires : Evitement/inhibition.
 SM Explorations agitées et discontinues du matériel (« quête de ce qui manque »),
remplissage (hypothèse clinique : remplir vide de l’espace interne ?), impression de ne
pas « jouer ».
 RC Accrochage corporel (appel aux capacités contenantes du clinicien).

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3.4.3 Observations cliniques

L’ADBB Echelle Alarme Détresse BéBé est un outil qui a pour objectif de dépister et évaluer
le retrait relationnel, une forme précoce de la dépression chez le bébé âgé de 2 mois à 2 ans
(Guedeney, 2004). Cette échelle est utilisée dans consultations pédiatriques pour l’évaluation
des effets pathologies parentales, dépression post-natale. Les observations cliniques d’un bébé
en bonne santé se caractérisent par de la vitalité, appétence relationnelle…Une dépression
précoce se manifeste principalement par une absence de variations affectives, mobilité motrice,
expression vocale réduite, retrait relationnel. Le retrait relationnel doit être vu comme un signal
d’alarme.
L’ADBB se présente sous la forme de 8 items cotés de 0 à 4 : 0- Pas de comportement anormal,
1- Doute sur le caractère anormal du comportement, 2 - Comportement discrètement anormal,
3- Comportement modérément anormal, 4- Comportement nettement ou massivement anormal.
 Expression du visage
 Contact visuel
 Activité corporelle
 Autostimulation
 Expression vocale
 Vivacité de réaction à la stimulation
 Mise en relation avec l’autre
 Attractivité ou capacité à attirer l’attention
Si le seuil est atteint, on vérifie 1 ou 2 semaines plus tard. Quelle cause du retrait (pathologie
parentale, dépression postnatale…) ? Généralisé ou spécifique à une personne ?

4. Diagnostic clinique, dépistage et évaluation des troubles dans le spectre de


l'autisme
4.1 Diagnostic clinique
4.1.1 Définitions

Les troubles neurodéveloppementaux (TND) sont un ensemble de troubles (« disorders ») qui


débutent durant la période du développement, souvent avant l’entrée à l’école.
Il consistent en des déficits du développement à altération du fonctionnement personnel, social,
scolaire, professionnel avec un degré d’affectation variable : limitations spécifiques des
apprentissages à altération globale de l’intelligence (DI) ou du développement (TSA).
Il existe un diagnostic différentiel avec les troubles neurocognitifs (TNC) majeurs et légers
(notamment pour le trouble du développement intellectuel/handicap intellectuel). Les TNC sont
caractérisés par une perte des fonctions cognitives.
Dans le DSM-IV, on parlait de troubles de la 1ière, 2ième enfance ou l’adolescence
regroupant les catégories dont le retard mental, le trouble des apprentissages, le trouble des
habiletés motrices, le trouble de la communication, les troubles envahissants du développement
et les troubles de déficits de l’attention et du comportement perturbateur.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Des changements ont été opérés avec le DSM-V en 2013 donnant lieu à l’appellation « trouble
neurodéveloppemental » reprenant les déficiences ou handicaps intellectuels, les troubles de
la communication, le TSA, le TDA-H, le trouble spécifique des apprentissages, les troubles
moteurs et tics et autres troubles neurodéveloppementaux.
Il faut noter que les TDN sont souvent associés entre eux. Par ex, 31,6% des enfants
diagnostiqués avec un TSA présentent aussi une DI (QI ≤ 70) (Christensen et al., 2016). Mais
aussi TSA-TDAH, TSA et trouble spécifique des apprentissages, TDAH et trouble spécifique
des apprentissages…
Les symptômes de déficit (déficit de la communication, déficit de l’attention…) et sont aussi
souvent associés à des symptômes d’excès (par ex. comportements répétitifs excessifs).
Voici un témoignage en guise d’introduction : « Imaginez que vous soyez le parent d’un enfant
qui, très jeune, n’aime pas les câlins et ne vous regarde pas dans les yeux, un enfant qui
n’apprend pas à parler comme les enfants de son âge ou qui parle de luimême à la troisième
personne, un enfant fasciné par différents objets mais perdu dans le monde social qui l’entoure,
un enfant enfin qui nécessite qu’on le surveille constamment pour le protéger des dangers »
(Dumas, 2013, p. 113). »
Certains enfants présentent un trouble qui, très tôt, bouleverse l’ensemble de leur
développement (interactions sociales, communication, comportement) et interpelle leur
entourage. Pendant longtemps, on a qualifié ce type de trouble « d’envahissant » (« TED »).
4.1.2 Epidémiologie

Les chiffres fluctuants autour de la prévalence du TSA, il y a une absence de consensus


 2,64% (Kim et al., 2011)
 1,47% (Baio, 2014)
 0,90 % (Scarpa & Reyes, 2011)
Ce qu’on remarque c’est que la prévalence tend à augmenter : le nombre de diagnostics est en
progression partout dans le monde. Dernièrement, on s’approche de 1 pour cent de le
population (Brugha et al. 2011 cité par APA, 2015). Mais comment cela s’explique-t-il ? Une
piste de réponse est qu’il y a une augmentation des facteurs de risque (par ex. augmentation de
l’âge avancé des parents, obésité de la mère, etc.) mais aussi une meilleure reconnaissance du
trouble. On observe une plus grande surveillance des signes et symptômes et il y a plus de
sensibilisation. Cette augmentation viendrait aussi des différences dans les pratiques
diagnostiques qui serait le reflet d’un élargissement des critères diagnostiques (spectre inclut
des cas subsyndromiques) ?
Il est important de souligner l’écart considérable entre le nombre de garçons et de filles
diagnostiqués avec un TSA. Encore une fois, on assite à une absence de consensus dans les
chiffres :
 2-5 garçons pour 1 fille (Lai, Lombardo, Auyeung, Chakrabarti & Baron- Cohen, 2015)
 3 garçons pour 1 fille (Loomes, Hull & Mandy, 2017)

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Qu’est-ce qui explique la différence fille-garçon ? Des stratégies compensatoires et de bonnes


habiletés peuvent camoufler les symptômes (jusqu’à ce que les demandes de l’environnement
excèdent les capacités de la personne). Les filles camouflent davantage leurs symptômes que
les garçons et peuvent donc ne pas être identifiées (Lai et al., 2011) De plus, les déficits sociaux
chez les filles sont plus souvent interprétés comme de la « timidité ». Les filles TSA ont moins
tendance à exprimer des comportements externalisés (p. ex., impulsivité et hyperactivité) que
les garçons, leurs comportements sont plutôt internalisés (p. ex. anxiété et dépression) et ceux-
ci ne sont pas « dérangeants » à l’école. En somme, les filles ont moins de chance de recevoir
un diagnostic de TSA.
4.1.3 Diagnostic DSM et diagnostic différentiel

Les critères diagnostic du TSA dans le DSM-V sont :


A. Déficits persistants de la communication et des interactions sociales
a. A.1 Déficits de la réciprocité sociale ou émotionnelle : par exemple, être « dans
sa bulle », ne pas porter attention aux autres, ou signes plus subtils. Partage
limité des intérêts et des émotions. Difficulté à initier ou soutenir une
conversation. Tours de rôle dans la conversation non acquis (tendance aux
monologues).
b. A.2 Déficits des comportements de communication non verbaux : par exemple,
Communication non-verbale peu comprise (intonation, gestes, expression
faciale, regard…). Expression gestuelle déficitaire ou absente, Difficulté à
interpréter émotions exprimées par mimiques des interlocuteurs, Contact visuel
fuyant, Humour difficilement accessible (premier degré) Attention conjointe
absente ou pas comprise, Difficulté de compréhension des signes et des codes
sociaux.
c. A.3 Déficits du développement, du maintien et de la compréhension des
relations : Difficulté pour comprendre différents types de relations
(connaissance, amis, relation amoureuse…), Décodage intentions et pensées des
autres lacunaire (TOM), Difficulté pour savoir quand et comment se joindre à
une conversation, Anticipation sociale absente, Difficulté pour jouer avec
d’autres enfants – à faire semblant…Manque d’intérêt pour partager ses jeux ou
ses plaisirs, Application des règles du jeu….
B. Caractère restreint et répétitif des comportements, intérêts ou activités
a. B.1 Mouvements, utilisation des objets ou langage répétitifs ou stéréotypés :
Mouvements moteurs répétitifs ou stéréotypés (naniérismes des mains (agitation
ou torsion des doigts, battement des mains ou flapping, balancement du haut du
corps ou rocking, sautillement, tournoiement). Langage répétitif ou stéréotypé
(inversion pronoms personnels, vocalisations, echolalie immédiate ou différée,
langage formel ou stéréotypé, pseudo accent, utilisation de mots inventés,
bizarreries)
b. B.2 Intolérance au changement, adhésion inflexible à des routines : Rigidité
comportementale et détresse lors des changements d’horaire ou de routine etc.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

c. B. 3. Intérêts restreints et fixes, anormaux soit dans leur intensité, soit dans leur
but : Très sélectif dans intérêts (par ex. Minecraft, blocs Lego, livre
encyclopédique…), intérêt intense pour objets tournants, ventilateurs,
lumières….thème de prédilection (dinosaures, trains…), difficile de les
intéresser à d’autres choses, attachement excessif à un objet insolite, intérêt pour
la mécanique des objets, très sélectif dans les choix alimentaires.
d. B.4. Hyper/hyporéactivité sensorielle ou intérêt inhabituel pour les aspects
sensoriels de l’environnement : Par exemple, une hyperréactivité à certains sons,
textures, odeurs, couleurs en particulier, une hyporéactivité à douleur, à
température etc. Signaux de faim pas bien perçus ou ressentis. Evitement ou
recherche inhabituelle de certains stimuli
C. Symptômes présents dès les étapes précoces du développement : On se trouve dans
une perspective développementale et avec une diversité de trajectoires
développementale. Certains symptômes ne deviennent manifestes que lorsque les
demandes sociales dépassent les capacités de la personne (par ex. entrée à l’école).
Certains symptômes peuvent êtres masqués plus tard par des stratégies compensatoires.
L’intensité des symptômes et du handicap associé varie d’une personne à l’autre et peut
varier au fil des ans chez une même personne.
D. Symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif : Il y a un
impact sur fonctionnement social, scolaire/professionnel ou dans d’autres domaines
importants ainsi que des difficultés sociales (faible attention conjointe à isolement
social, difficulté à reconnaître les signaux subtils et les états émotionnels des autres ainsi
qu’à prendre leur point de vue, peu de relations sociales et comportement égocentrique
lors d’interactions, relations amicales de faible qualité et peu réciproques. Les personnes
avec TSA demeurent en périphérie des interactions sociales (Kasari, Locke, Gulsrud, &
Rotheram-Fuller, 2011). L’impact au quotidien doit être significatif (on peut avoir profil
TSA mais fonctionner).
E. Pas mieux expliqués par un handicap intellectuel ou un retard global du
développement : La déficience intellectuelle et le TSA sont fréquemment associés. Il
peut y avoir un diagnostic de comorbidité (TSA et DI), si l’altération de communication
sociale est supérieure à ce qui serait attendu pour le niveau de développement général.
Il faut noter que selon l’approche dimensionnelle, il y a une spécification du niveau de sévérité
des critères A et B. Le niveau 3 nécessite une aide très importante, le niveau 2 une aide
importante et le niveau 1 nécessitant simplement de l’aide. Pour les critères A et B, il est très
important de spécifier la sévérité des symptômes pour chacun des domaines (basée sur le niveau
d’aide ou de support requis). Au niveau du profil et des fonctionnement cognitifs, il faut
spécifier si le TSA se présente avec ou sans déficit intellectuel associé mais aussi avec ou sans
déficit du langage associé. Il faut également noter si le TSA présente une association à une
condition génétique, médicale ou environnementale connue.
De nombreuses personnes qui avaient antérieurement un diagnostic de trouble d’Asperger ont
maintenant (avec l’utilisation des spécifications) un diagnostic de trouble du spectre de
l’autisme « sans altération du langage ni déficit intellectuel ».

42
C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Le trouble du spectre de l’autisme donne lieu à un fonctionnement cognitif spécifique et


différent. On observe une présence de forces et de limites cognitives marquées. Le défi est
donc de mesurer l’intelligence des personnes autistes. Selon les tests pour évaluer leur
fonctionnement, le niveau intellectuel peut varier de façon importante. De plus, contrairement
à ce qu’on observe chez les enfants et adolescents « neurotypiques », le niveau intellectuel
mesuré ne correspond souvent pas au niveau de fonctionnement au quotidien ou au rendement
scolaire.
On peut tout de même faire des spécifications. Par exemple, on peut noter la sévérité des
symptômes pour chacun des domaines, basée sur le niveau d’aide ou de support requis pour les
critères A et B. On peut aussi spécifier si c’est un TSA avec ou sans déficit intellectuel associé
ou avec ou sans déficit du langage associé. Par exemple, de nombreuses personnes qui avaient
antérieurement un diagnostic de trouble d’Asperger ont maintenant (avec l’utilisation des
spécifications) un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme « sans altération du langage ni
déficit intellectuel ».
Pour faire les distinctions nécessaires, voilà une liste des caractéristiques associées en faveur
du diagnostic TSA :
 Déficit intellectuel
 Trouble du langage
 Troubles anxieux
 Troubles dépressifs
 Automutilations (se taper la tête, se mordre le poignet)
 Troubles du comportement disruptif et perturbateur
 Déficits moteurs (démarche bizarre, maladresse, marcher sur pointe des pieds…)
 Comportement moteur d’allure catatonique (ralentissement, gel du mouvement… mais
moins intense qu’épisode catatonique).
Cependant, l'établissement d'un diagnostic différentiel, c'est-à-dire l'élaboration d'une liste des
problèmes possibles pouvant être à l'origine des signes et symptômes chez un patient, constitue
une partie importante du raisonnement clinique. Dans les symptômes TSA, on en retrouve
plusieurs :
 Le syndrome de Rett : trouble d’origine génétique (mutation) progressif et désintégratif
qui se manifeste dès la petite enfance par une altération des relations et interactions
sociales, une perte du langage, une perte de l’usage des mains et un ralentissement de
croissance crânienne. Il touche presque exclusivement filles. Selon le DSM-V, le
syndrome figure comme condition génétique ou médicale pouvant être présente en
même temps (ou être la cause) qu'un trouble du spectre de l'autisme ou d'un autre
trouble. Entre 1 et 4 ans, les présentations cliniques sont compatibles avec critères de
TSA. Ensuite on observe une amélioration des compétences de communication sociale.
Les traits autistiques ne sont plus les difficultés au premier plan. Le TSA est uniquement
retenu si les critères diagnostiques sont remplis dans leur ensemble.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

 Mutisme sélectif : le développement précoce n’est habituellement pas altéré au cours


du mutisme sélectif. Enfant a compétences sociales appropriées dans certains contextes
et lieux. Il n’y a pas de comportements restreints ou répétitifs.
 Troubles du langage et trouble de la communication sociale (pragmatique) : Le
sujet n’a pas de comportements ou d’intérêts restreints ou répétitifs (critère B non
rempli).
 Handicap intellectuel (HI) ou trouble du développement intellectuel (TDI) sans
TSA : Diagnostic différentiel difficile chez très le jeune enfant.
 TDAH
4.1.4 Comorbidités

Le TSA est souvent associé à d’autres troubles : 70% des sujets avec TSA ont un trouble
mental/psychiatrique comorbide (Simonoff et al. 2008) donc avec deux diagnostics. 40% ont
deux troubles comorbides et plus.
Le comorbidités les plus fréquentes sont le trouble d’anxiété sociale, le TDAH et le TOP. On
en retrouve quand même d’autre comme les troubles dépressifs, les troubles spécifiques des
apprentissages (langage, écrit, calcul), les maladies somatiques (pathologie
médicale/génétique), par ex. épilepsie et plusieurs autres (par ex. trouble de l’alimentation avec
restriction ou évitement, préférences alimentaires extrêmes et sélectives).
4.1.5 Evolution et pronostic

Le TSA est une condition neurodéveloppementale chronique et il existe des trajectoires


d’évolution diverses (Baghdadli, 2005; Dumas, 2013). Il existe cependant des facteurs
favorisant un pronostic favorable comme l’acquisition du langage avant l’âge de 24 mois qui
est associée à de meilleures habiletés cognitives et adaptatives (Mayo, Chlebowski, Fein, &
Eigsti, 2013) ainsi qu’un QI verbal élevé (Eaves &Ho, 2008).
Lorsqu’on s’intéresse à l’évolution du TSA au niveau de l’autonomie et au niveau fonctionnel,
on voit que pour les adultes ayant reçu un diagnostic de TSA à l’enfance, la majorité est allée à
l’école en bénéficiant d’accommodements et que 2/3 est capable de lire, ¼ a un niveau
académique de niveau secondaire et 1/3 a un niveau académique de niveau post-secondaire. Au
niveau du logement 60% vivent avec leurs parents en bénéficiant d’une pension d’invalidité
mais plusieurs vivent aussi en foyer de groupe. D’un point de vue des relations
interpersonnelles, ils ont tous au moins un ami et généralement les relations familiales sont
qualifiées de bonnes ou excellentes. Finalement, au niveau de l’autonomie quotidienne, près de
la moitié n’arrive pas à maintenir leur hygiène personnelle sans aide. La majorité s’habille et se
nourrit de façon autonome.
4.2 Outils de dépistage et d’évaluation
L’évaluation diagnostique TSA nécessite des informations provenant de sources variées, une
expertise d’équipe et un jugement clinique. L’expertise est faite par des médecins et
psychologies qui peuvent poser un diagnostic. Il faut souligner l’importance de l’évaluation
multi/interdisciplinaire (médecin, psychologue, neuropsychologue, audiologiste, logopède /
orthophoniste, ergothérapeute, neurologue…)

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Les sources d’informations nécessaires au processus d’évaluation TSA proviennent :


 Entrevues d’anamnèse (histoire (neuro)développementale) et entretiens cliniques
(parents, éducateurs, enseignants, enfant/ado)
 Evaluation du QI ou QD selon âge de l’enfant (habiletés adaptatives, cognitives).
Evaluation par orthophoniste.
 Exploration dossier medical de l’enfants (diagnostics différentiels, comorbidités
existantes) Critères diagnostiques DSM-5 (APA, 2013) ou CIM 11 (2018)
 Outils diagnostiques standardisés en lien avec DSM-5 (ADI-R, ADOS2…).
 Observations cliniques (jeu, vie quotidienne)
 Outils non diagnostiques complémentaires (forces et faiblesses de l’enfant)
4.2.1 Exemples d’outils de dépistage

La Checklist for Autism in Toddlers (M-CHAT) est un des outils de dépistage des enfants à
risque autistique de premier niveau les plus fréquemment utilisés. Il vise spécifiquement le
dépistage de l'autisme chez les très jeunes enfants. Les principaux domaines d'évaluation sont
classés en jeux imaginatifs/faire semblant, le pointage et la surveillance du regard. La mesure a
été conçue pour les parents et les pédiatres. La consigne donnée aux parents est la suivante : «
Remplissez les questions en fonction du comportement habituel de votre enfant. Si le
comportement se manifeste de façon irrégulière (par exemple si vous ne l'avez vu qu'une seule
fois ou deux), ignorez-le dans vos réponses ». Les exemples d’items en OUI-NON sont :
 Votre enfant s'intéresse-t-il à d'autres enfants ?
 Votre enfant aime-t-il jouer aux jeux de cache-cache ou ‘coucou me voilà’ ?
 Votre enfant utilise-t-il son index en demandant quelque chose ?
 Arrive-t-il que votre enfant semble excessivement sensible à des bruits ? (jusqu’à se
boucher les oreilles)
L’Autism Discriminative Tool (ADT) a pour objectif d’éclairer le clinicien quant à la
nécessité d’adresser l’enfant vers un centre ressources autisme pour une mise au point
diagnostique. L'ADT cible les enfants de 2 ans et demi à 6 ans et demi fréquentant l'école
maternelle, identifiés comme "à risque de TSA" en raison d'une trajectoire développementale
atypique ou de la présence d'un TSA dans la fratrie. Il est complété par les enseignants et intègre
les critères du DSM-5.
4.2.2 Exemples d’outils d’évaluation diagnostique

En général, on utilise le « Gold standard » qui correspond à la combinaison de l’ADI-R et de


l’ADOS-2, deux outils standardisés complémentaires.
L’Autism Diagnostic Interview–Revised (ADI-R) qui est une entrevue semi-structurée avec
parents qui a pour objectif de repérer des comportements différents de la norme dans les
domaines suivants :
 les interactions sociales réciproques
 la communication et le langage
 les comportements stéréotypés et répétitifs

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

L’entrevue reprend 93 questions sur le développement général dès la naissance, l’acquisition


ou perte des habiletés langagières, la communication, le développement social et les jeux de
l’enfant, ainsi que sur les comportements restreints, répétitifs et stéréotypés. L’ADI-R permet
d’identifier si des traits autistiques sont ou étaient présents dans l’enfance, mais tient également
compte de la situation clinique actuelle de la personne. Des notes entre 0 et 3 sont attribuées
aux comportements et permettent de définir la présence et l’intensité des troubles autistiques.
La durée de passation de 2 à 3 heures et il faut idéalement une formation pour administration
de cet outil.
L’Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS) est une échelle d’observation semi-
structurée pour le diagnostic de l’autisme (référence internationale) et pour mesurer le progrès
lors d’une prise en charge thérapeutique. L’objectif est d’évaluer la communication,
l’interaction sociale réciproque, le jeu et/ou l’utilisation créative d’un matériel, le
comportement stéréotypé, les intérêts restreints et d’autres comportements atypiques. Pour ce
qui est de l’administration, la personne à évaluer est invitée à réaliser des activités standardisées
qui la placent dans une situation sociale où elle devra interagir.
L’ADOS contient plusieurs modules :
 Le module Toddler est destiné aux enfants de 12 mois à 30 mois non verbaux ou ayant
quelques mots.
 Le module 1 est destiné à des enfants non verbaux ou dont le niveau de langage ne
dépasse pas celui de phrases rudimentaires
 Le module 2 s’applique à des enfants accédant à un niveau de langage qui va des petites
phrases de trois mots y compris des verbes, utilisées de manière régulière et spontanée,
à des phrases dépassant le contexte immédiat et comportant des connexions logiques
 Le module 3 est utilisé pour des enfants ou des adolescents qui utilisent un langage
fluide ; Il comporte une partie d’observation durant un jeu interactif et des questions
destinées à recueillir de l’information sur la communication sociale.
 Le module 4 s’applique, quant à lui, à des adolescents et adultes dont le langage est
fluide et est surtout fait à partir de questions et de conversation
Il faut compter 45 à 60 minutes de passation pour chaque module. Ils se basent sur l’observation
de la communication, des interactions sociales réciproques, du jeu, des comportements
stéréotypés et des intérêts restreints. Un seul module est administré : l’examinateur le
sélectionne en fonction de l’âge chronologique et du niveau de langage expressif. Idéalement,
la passation se fait par deux spécialistes qui cotent les items individuellement. Les critères de
notation sont précis et permettent d’attribuer des notes qui vont de 0 à 3 pour chaque item.
 Note 0 : le comportement ne présente pas les anomalies spécifiques aux TSA
 Note 1 : le comportement est légèrement anormal ou légèrement inhabituel Note 2 :
comportement nettement anormal
 Note 3 : comportement franchement anormal, au point que cela interfère avec
l’interaction ou à un comportement si limité que l’appréciation de sa qualité sociale est
impossible.

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Il existe deux autres notations qui correspondent à des situations où le comportement ne sera
pas retenu : un note 7 pour une anomalie qui ne concerne pas les TSA et une note 8 pour un
comportement absent et pour lequel la cotation est donc inapplicable.
Les limites de l’ADI-R et l’ADOS sont que ces entrevues ont été développées selon les critères
du DSM-IV (APA, 1994) et du CIM-10 (OMS, 1994) avec une approche catégorielle. Elles ont
une vision prototypique des phénotypes autistiques et présentent un risque de diagnostic de «
faux négatifs » si le TSA est non accompagné de trouble de langage ni de déficience
intellectuelle (Baghdadi et al., 2017). Il n’y a pas eu de révision pour refléter la mise à jour des
critères diagnostiques du DSM-5 (APA, 2013) et de la CIM-11 (OMS, 2018). Aussi, les
échantillons utilisés pour la validation psychométrique sont composés principalement de
garçons et d’hommes. Il est donc possible que le contenu et/ou le seuil diagnostique ne soient
pas représentatifs des manifestations TSA chez les filles et les femmes (Baghdadi, 2017).
L’ADOS-2 est peu valide pour identifierles filles et femmes avec TSA sans déficience
intellectuelle (Lai et al., 2011; Rynkiewicz et Lucka, 2018). L’explication pourrait se trouver
dans le camouflage des traits autistiques en raison de pression de conformité sociale imposée
aux sujets du genre féminin.
4.2.3 Préparation des parents à l’évaluation

Pour que les parents soient prêts et coopératifs le jour de l’évaluation, il faut qu’ils puissent
établir un historique précis de leur enfant : Quand avez-vous commencé à observer des
particularités au niveau de son évolution ? Avez-vous entrepris d’autres démarches, rencontré
d’autres spécialistes ? Quelles sont ses habitudes de sommeil, alimentaires, problèmes de
comportement, difficultés scolaires, etc ? Ils doivent aussi fournir toutes les évaluations faites
par d’autres spécialistes. Ils doivent se préparer à répondre à certaines questions sur la
grossesse et l’accouchement (déroulement de la gestation, consommation de drogues ou
d’alcool, infections virales, particularités du travail, poids à la naissance, etc.). Il est aussi
important que les parents se munissent de documents écrits et visuels pour expliquer ce qu’ils
ont observé chez leur enfant : présenter de courtes vidéos de l’enfant dans différentes situations,
faire des listes de la récurrence de certains comportements, etc. Il est aussi important que les
parents fassent une liste de leurs questions afin de ne rien oublier : sur l’autisme, le potentiel de
leur enfant, leurs droits, les ressources, les programmes, les services, etc.
4.2.4 Observation clinique directe

Dans la vie de tous les jours on peut observer directement des comportements atypiques comme
des modes de jeu inhabituels, l’absence de jeux typiques et durant la manipulation d’objets ou
de jouets :
 Utilisation non fonctionnelle des jouets, traîner des jours derrière soi sans jouer avec,
aligner les jouets.
 Utilisation à des fins de stimulation sensorielle
 Provoquer des mouvements répétitifs

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Chapitre 5 : Examen psychologique du jeune enfant : évaluation,


observation et intervention
1. Introduction à l’examen du jeune enfant
L’examen psychologique du bébé se définit comme l’évaluation du développement de l’enfant
de moins de trois ans, évaluation de ses compétences cognitives et psychoaffectives. Il s’agit
d’un dispositif à la fois d’évaluation et d’observation. Il est important que le regard du clinicien
se porte sur le développement de l’enfant à l’instant T de l’évaluation, et de ce fait l’observation
du développement ne peut soustraire le bébé de l’environnement dans lequel il évolue.
1.1 Evaluation du développement du jeune enfant : intérêt et nécessité
L’objectif de l’évaluation du développement du jeune enfant n’est pas un diagnostic au sens
d’une classification des symptômes du bébé, encore moins une prédiction du développement
ultérieur. L’examen est plutôt un objectif de prévention et de soutien à apporter lorsque des
difficultés sont précocement rencontrées. « Penser le développement du jeune enfant comme
pouvant témoigner d’une dynamique rassurante ou à l’inverse préoccupante » (Dublineau,
2020). Son intérêt est en lien avec la richesse qu’un clinicien peut retirer de la pratique du bilan
psychologique du bébé. La notion de nécessité est soulevée par Wallon (1951) : « (les tests)
peuvent devenir aussi nécessaires que des pesées régulièrement faites pour surveiller la
croissance du nourrisson. Ils donneront l’alerte pour parer à des conditions fâcheuses et qui
pourraient passer inaperçues ».
1.2 Observation directe des comportements du jeune enfant
Plusieurs méthodes d’évaluation du jeune enfant donnent une place importante à l’observation
directe de ses comportements :
 l’Echelle d’Evaluation du Comportement Néonatal (Brazelton),
 le Brunet-Lézine Révisé (1997) – Echelle de Développement psychomoteur de la
Première Enfance
 les échelles de Bayley (2003)
 ADBB (retrait relationnel, voir cours sur troubles dépressifs)
 MPPE (Malette Projective Première Enfance, voir cours sur épreuves de jeu)
Il faut une complémentarité des épreuves développementales, cognitives et projectives pour
appréhender le développement du bébé (Dublineau, 2020)
1.3 Les baby-tests ou tests d’évaluation du développement
Les baby-test permettent l’évaluation de l’état actuel du nourrisson et du jeune enfant avec une
mise en évidence de retards éventuels dans les divers domaines du développement pouvant
déboucher sur une prise en charge ou une intervention précoces. Les outils d’évaluation divisent
les habiletés du jeune enfant en trois grandes sphères : le domaine cognitif (qui inclut le
domaine langagier), le domaine moteur et sensori-moteur, le domaine social ou
communicatif. Le terme « développement global » est utilisé pour faire référence à l’ensemble
de ces habiletés.

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On utilise pour ce faire des étalonnages (comparaison du développement de l’enfant par rapport
à une « zone normative »). On remarque tout de même une analogie erronée avec les tests
mentaux classiques, les baby-test ne sont pas prédictifs du Q.I. ultérieur (sauf dans les cas de
retard extrême). On note principalement les progrès de l’enfant par rapport à lui-même. Il y a
en effet une grande homogénéité des différents aspects du développement (Tourrette, 2003).
1.4 Observation directe des interactions du jeune enfant avec ses parents
Selon Winnicott : « Un bébé seul n’existe pas ». Pour Lamour et Lebovici (1991), il faut
concevoir la « psychopathologie » du nourrisson avant tout comme l’expression d’une
difficulté d’adaptation dans l’interaction entre l’enfant et son environnement (en
particulier avec la ou les personne(s) qui lui donne(nt) les soins). Il est dès lors très important
que l’évaluation du bébé inclut l’évaluation de l’interaction entre le bébé et sa figure
d’attachement. Notons que l’évaluation du développement du bébé n’est toutefois pas une
évaluation des compétences parentales.
Lors de l’évaluation du bébé, il est primordial d’avoir conscience de l’inquiétude inhérente à
la passation d’un examen psychologique (retard développemental, jugement compétences
parentales). Il convient d’instaurer un climat rassurant (moins anxiogène) et d’expliquer aux
parents comment va se dérouler la passation des épreuves en leur montrant la pièce et en
présentant l’évaluation comme un moment d’observation et de découverte en commun. Il est
également important de contenir l’angoisse parentale et d’en verbaliser certains éléments au
bébé (hypersensible à l’état émotionnel de ses figures d’attachement). Dublineau (2020)
1.5 Cadre de l’examen.
Les recommandations qui émanent de la conférence de consensus sont notamment : « Le
psychologue organise un lieu d’examen favorable à la relation et aux observations cliniques
du jeune enfant » (R13). i.e. le plus près possible de leur réalité quotidienne. » La réflexion
préalable vient de la part du psychologue sur : les possibilités de déambulation, ls modalités
relationnelles, les tâches imposées, le matériel mis à disposition…
Idéalement, toute évaluation d’un jeune enfant se fait de la manière la plus complète possible :
 Consultations mère/père-enfant. Principaux personnages de l’entourage de l’enfant
(fratrie, grands-parents…)
 Données somatiques
 Bilans psychomoteurs
 Bilans psychométriques
La demande d’une évaluation du développement du jeune enfant vient rarement d’une demande
parentale car la pratique de l’examen du jeune enfant est relativement méconnue du grand
public. La demande provient souvent d’un professionnel de la petite enfance : médecin de
famille, personnel de la crèche (inquiétudes sur le développement ou un trouble du
développement, volonté d’objectiver inquiétudes). La demande peut également apparaitre dans
le cadre d’un suivi d’un enfant prématuré, dans le cadre d’un suivi des troubles de la parentalité
(repérés ou potentiels) ou encore dans le cadre de la recherche.

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2. NBAS – échelle de Brazelton


La NBAS (Neonatal Behavioral Assessment Scale) est une échelle d’évaluation du
comportement néonatal de Brazelton, un pédiatre, pédospsychiatre et chef de l’unité de
recherche pluridisciplinaire sur le développement (ex. Tronick). Il observe que certains bébés
semblent moins évidents à comprendre que d’autres (plus vulnérables, en retrait, somnolents
ou irritables)
La NBAS a été revisité et en est depuis 2011 à sa 4ème version. Cet outil se situe au carrefour
de la psychologie, de la pédiatrie, de la neurologie et de la neuropsychologie. L’objectif de
départ est d’évaluer la contribution du bébé à la relation et aux « échecs relationnels » ? Le but
est donc de permettre au bébé de montrer ses capacités d’ajustement, de régulation et
d’interaction en présence des parents, afin de soutenir les premières interactions et favoriser
le développement du bébé en soutenant ses capacités de stabilisation et d’organisation.
L’échelle s’adresse aux nouveau-nés à terme et en bonne santé durant le premier mois, voire
jusqu’à la fin du second. Elle est particulièrement intéressante durant les premières semaines
pendant lesquelles le bébé s’adapte à son nouvel environnement. Elle rend compte de
l’observation du développement au travers de 4 dimensions qui interagissent : système
autonome, système moteur, système de régulation des états d’éveil et système d’attention-
interaction sociale.
Les conditions d’examen sont bien sur contrôlées. La pièce doit être suffisamment chauffée,
au calme (pas de stimulations parasites durant la passation, par ex. téléphone, télévision), et le
niveau lumineux adapté (semi-pénombre est idéale afin de ne pas éblouir le bébé).
On peut affirmer que le NBAS est une évaluation interactive car le nouveau-né est vu comme
un partenaire actif (en tenant compte de son développement neurologique et de ses
compétences). L’objectif est d’observer réactions comportementales du nouveau-né à son
nouvel environnement. L’état d’éveil est la toile de fond de l’observation : on n’observe pas
les mêmes comportements selon l’état du bébé. On cherche à obtenir l'expression des
compétences du bébé à s’organiser. Rappelons que l’évaluation se réalise en présence du
parent et par un professionnel formé à la passation de l’échelle (pédiatre, psychologue…)
 La régulation des états de vigilance/somnolence pendant tout l’examen (sommeil
profond, léger, somnolence, éveil, yeux grands ouverts, pleurs).
 Les moments d’irritabilité pendant tout l’examen (rayon lumineux)
 L’auto-consolabilité du bébé ou la consolabilité par un tiers.
 La réaction à des stimulations animées ou inanimées (la clochette)
 Les capacités sensorielles et interactives du bébé (chatouilles)
Pour le clinicien, la cotation donne lieu à un profil global des comportements du bébé avec des
compétences et des vulnérabilités analysées au sein de chaque système. Pour les parents
l’échelle apporte une mise en évidence et compréhension des compétences/forces de leur bébé
et de ses sensibilités/difficultés éventuelles. Pour le bébé, l’échelle offre une opportunité
d’intervention précoce : procurer l’environnement le plus favorable au développement du bébé
en soutenant ses vulnérabilités, ses capacités d’autorégulation et d’autonomisation.

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3. Brunet-Lézine
Le Brunet-Lézine Révisé est une échelle de développement psychomoteur de la première
enfance destinée aux enfants de 2 mois à 30 mois (2 ans et demi). Elle investigue 4 domaines
(ex. bébé de 7 mois) :
 P ou postural : tient assis sans soutien…
 C ou coordination : saisit/examine clochette avec intérêt
 L ou langage : émissions vocales pour attirer attention
 S ou relations sociales : donne ses jouets, jeu de coucou
Pour chacun des items on note s’il est réussi ou non (R ou E). Voici quelques exemples d’items
ou de tâches proposés aux jeunes enfants de 24 mois cette fois :
 Postural : Donne un coup de pied dans le ballons sur ordre. Se tient sur un pied avec
aide…
 Coordination : Aligne les cubes pour imiter le train. Imite un trait sans direction
observée.
 Langage : Nomme six images. Identifie 8 objets ou en nomme 4. Fait des phrases de 3
mots. Utilise son prénom quand il parle de lui-même ou d’un objet qui lui appartient.

4. Bayley
Le Bayley (Scales of Infant and Toddler Development) est un outil de référence pour les enfants
de 1 à 42 mois (3 ans et demi). Il permet de rendre une vision globale du développement via un
quotient de développement, basé sur le QD moyen des 3 échelles principales :
 Échelle cognitive : développement sensorimoteur, l’exploration et la manipulation, la
relation aux objets, la formation de concepts, la mémoire.
 Échelle langagière : communication réceptive (compréhension) et communication
expressive (préverbale, vocabulaire, syntaxe)
 Echelle motrice : motricité fine (préhension, planification, habilité manuelle) et grande
motricité (mouvement des membres et du tronc, position assise et debout, locomotion,
équilibre)
 Echelle socio-émotionnelle
L’utilisation adéquate de cette échelle demande une longue formation, c’est un test coûteux.
L’administration du Bayley exige un endroit calme, susceptible de faciliter la concentration et
l’écoute de l’enfant. La durée de passation de 45 à 60 minutes. Il est primordial de permettre au
jeune enfant de s’habituer à l’examinateur et la présence d’un parent est vivement souhaitée
lors de la passation.
Le but de cette échelle est d’identifier les enfants présentant une perturbation sur le plan du
développement à donner indications de suivi et d’intervention thérapeutique adéquates mais
aussi de suivre les progrès des enfants présentant un retard de développement. L’intérêt est
également de montrer aux parents certaines compétences de leur enfant et de faire de la
recherche.

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5. GED
La GED est la grille d’évaluation du développement de l’enfant de 0 à 5/6 ans dont l’objectif
est d’évaluer le développement global de jeunes enfants dans ses dimensions cognitive,
langagière, motrice et socio-ou psychoaffective et dépister les retards de développement.
C’est un outil construit à partir de grilles, d’inventaires et d’échelles préexistants couramment
utilisés en intervention et en recherche. Certains items et certaines modalités d’évaluation ont
par exemple été empruntés au Bayley, au Stanford-Binet (4e édition, Thorndike, Hagen, &
Sattler, 1986).
« Souci de produire un outil d’évaluation qui soit simple à comprendre, facile à administrer et
à coter, qui n’exige ni une longue formation, ni l’utilisation d’un matériel complexe ou coûteux
et qui possède des qualités psychométriques assez bonnes pour lui permettre de détecter avec
fidélité et validité les forces et faiblesses du développement chez l’enfant »
En somme, cette grille présentent plusieurs avantages :
 C’est un outil avec d’excellentes qualités psychométriques
 La passation est rapide (30 minutes)
 La passation est simple (versus Bayley)
 Pas besoin d’une formation spécialisée préalable. Mais un expérience avec les enfants,
une bonne connaissance des étapes développement et une brève formation.
 Elle peut être utilisée par intervenants de première ligne.
 C’est un outil peu coûteux (versus Bayley)
 14 niveaux d’âge (permet des observations fines)

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Chapitre 6 : Les épreuves thématiques et expressives (récits, dessin,


jeu)
1. Les épreuves projectives : introduction
1.1 Définitions
Les épreuves projectives sont des épreuves sous forme d’histoires à raconter et dessins et sont
sources de beaucoup d’informations. Ce sont des méthodes issues du courant psychanalytique
qui utilisent les concepts du modèle psychodynamique : « contenu manifeste et latent, processus
primaires – secondaires, conflits, pulsions, mécanismes de défense, représentations, affects ».
Ce sont une projection des mécanisme de défense, c’est-à-dire une « opération par laquelle le
sujet expulse de soi et localise dans l’autre, personne ou chose, des qualités, des sentiments,
des désirs, voire des « objets » qu’il méconnaît ou refuse en lui » (Laplanche & Pontalis, 1967)
Il existe différents types d’épreuves projectives complémentaires :
 Épreuves structurales : Appliquer une structure à un matériel non structuré et flou.
Exemple : Rorschach. Mobilisation registres narcissiques et identitaires
 Épreuves thématiques verbales : Organiser un récit à partir d’éléments figuratifs. Ex.
TAT, CAT, PN Nature des conflits, désirs, relations objectales, mécanismes de défense
 Epreuves thématiques expressives : Organiser un jeu, jouer, dessiner. Ex. Scéno-test,
dessin Nature des conflits, désirs, relations objectales, mécanismes de défense
 Épreuves de complétion : Fable de Düss, contes de Royer, …
Les points communs du matériel « projectif » proposé est qu’il permet au sujet de projeter des
éléments de sa personnalité, de son fonctionnement psychique, de son affectivité. Il permet
aussi d’accéder aux représentations inconscientes du sujet, une sorte de « raccourci » : ces
représentations pourraient émerger de plusieurs consultations cliniques.
Selon Boekholt, la création projective thématique sollicite une triple activité :
1. perceptive : contenu manifeste - contraintes de la réalité externe. Importance données
développementales et références normatives. Adaptation au réel ?
2. imaginaire : contenu latent (fantasmes, réalité psychique). Investir système perceptif
par la réalité interne. Création personnelle ?
3. symbolique : élaboration psychique, verbale (langage), ludique ou graphique. Capacité
à raconter ?
Les épreuves projectives dans l’examen psychologique et phénomènes transitionnels
comprennent une dimension relationnelle : enfant, psychologue clinicien et médiation offerte
par le matériel du test. Elles « facilitent rencontre avec l’enfant en lui offrant à la fois matière
et prétexte à s’exprimer dans une situation qui favorise créativité et travail de pensée grâce à
la mise en mots/la construction de récits » (Boekholt). Elles mobilisent la capacité de jouer, un
fonctionnement de type transitionnel. Finalement, elles invitent le sujet à mettre en forme son
monde interne à partir d’un matériel « médiateur », elles mobilisent l’aire transitionnelle, un
espace d’entre-deux (Winnicott).

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1.2 Objectifs
Les épreuves projectives ont pour objectif l’évaluation du fonctionnement psychique via
démarche de questionnement. Selon le modèle psychanalytique, elles ont pour but de soulever
l’instance dominante dans organisation du Moi (Ça, idéal du Moi, Surmoi), les mécanismes de
défense et modalités défensives et les problématiques (identité, oralité, analité, génitalité). Elles
relèvent aussi l’accessibilité des niveaux de conflictualisation et les registres réactivés et
reconnus.
1.3 Registres

Fondements de Elaboration position Axe œdipien ou


l’identité dépressive relationnel
-Cohérence/confusion -Capacité à éprouver la douleur -Reconnaissance de la
percepts ? dépressive et à faire face à différence de génération et
-Reconnaissance & l’expérience de la perte, de la sexes ?
identification solitude, de la peur du noir etc. ? -Tensions interdit/règles et
personnages ? -Reconnaissance/déni/négation ? désir ?
-Images parentales -S’il y a reconnaissance : -Pôle relationnel mis en
identifiées ? expression directe ? (angoisse place ? Dans sa double
-Représentations d’anéantissement) ou indirecte ? dimension : agressive et
envahissantes et (défenses maniaques, libidinale?
dangereuses ? déplacement…). -Accès à l’ambivalence
-Confusion espaces -Sensibilité au manque ? À -Charge pulsionnelle «
individuels ? l’abandon ? À la séparation gérable » ?
-Confusion verbale ? d’avec l’image maternelle ? -Défenses efficaces ou trop
coûteuses ?

1.4 Choix des épreuves projectives en fonction de l’âge


Il existe plusieurs épreuves complémentaires. Il faut choisir l’épreuve la plus adéquate en
fonction de l’âge de l’enfant notamment. De 0 à 2/3 ans, on va préférer le MPPE. De 2/3 à 6
ans, on utilise des techniques « expressives » comme le jeu ou le dessin mais aussi des
techniques thématiques (Patte Noire, CAT) selon le langage. De 6 à 12 ans, on continue avec
mais le TAT est possible à partir de 8-10 ans selon la maturité affective. Pour les
(pré)adolescents on privilégie des techniques structurales (Rorschach) et thématiques
1.5 Ordre et modalités de passation des épreuves projectives
Il est important de suivre un certain ordre pour la passation des épreuves. Il faut terminer avec
l’épreuve la moins déstabilisante : par exemple, Rorschach en premier puis finir avec une
épreuve thématique (CAT ou TAT), ou alors CAT en premier puis un dessin.
La passation doit se moduler en fonction de l’enfant et de l’adolescent et en fonction des
particularités des échanges établis avec lui (Boekholt, 1998, p. 7). Si on constate un retrait ou
un refus massif à construire un récit thématique, on peut proposer le Scéno-test ou le dessin.
L’important est de saisir à quel moment se produisent les manifestations de blocage et si elles
correspondent ou non à une sensibilité à la spécificité des planches (sollicitations latentes).
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1.6 Relation au clinicien


La qualité de la médiation dépend de l’aptitude de l’enfant à transformer en mots les motions
pulsionnelles et son vécu et de la capacité du clinicien à osciller entre l’étayage et la stimulation.
Si le clinicien maintient une distance stricte, il a de fortes chances de recueillir un protocole
restrictif au bout d’une séance ennuyeuse, surtout s’il s’agit d’enfants inhibés. S’il est très ou
trop intervenant, il risque d’empiéter sur l’espace psychique de l’enfant, soit en se centrant sur
ses propres préoccupations, soit en induisant des modalités séductrices. S’il se montre en
revanche suffisamment souple pour que les espaces respectifs se rencontrent sans se confondre,
les conditions peuvent alors être réunies pour favoriser l’expression personnelle de chacun.
La passation des épreuves projectives auprès de jeunes enfants s’appuie sur la possibilité du
clinicien d’osciller entre différentes positions (stimuler et étayer l’enfant). D’une part, elle
mobilise les fonctions maternantes (étayage, pare excitation, enveloppe rassurante) du clinicien.
D’autre part, elle interroge la part du fonctionnement infantile de l’adulte dans laquelle il
s’autorise à puiser afin de faciliter l’interaction entre des espaces psychiques distincts. Il est
donc important que le clinicien puisse faire preuve de capacités régressives pour entrer en
résonance avec les récits de l’enfant. Il est toutefois tout aussi important qu’il sache maintenir
la relation enfant-adulte dans l’aire transitionnelle, dans ce cas-là, les espaces respectifs (de
l’enfant et de l’adulte) se rencontrent sans se confondre.
1.7 Apports, limites et critiques des épreuves projectives
Les épreuves projectives permettent d’analyser le fonctionnement psychique et de cerner
certaines organisations psycho-affectives. « Ce qui fait la richesse de l’examen multi-méthodes,
c’est la variété des modes d’expression, par exemple, la description de soi dans un
questionnaire, confrontée à la manière dont l’enfant structure une histoire et la position des
protagonistes au Children Apperception Test » (Sultan & Béliveau, 2019). Un plus, c’est que
ce sont des situations contrôlées. On peut aussi souligner l’originalité du dispositif : l’enfant
participe à la définition de la tâche. Il donne une réponse, dont l’organisation et les détails
dépendent de lui. L’enfant ne contrôle pas vraiment le dévoilement qui s’opère (moins que dans
les questionnaires ou il y a une désirabilité sociale) et n’a pas besoin d’insight ou d’introspection
(versus tâches d’auto-description).
Une limite tout de même des épreuves projectives est que l’expertise est indispensable : la
passation est relativement aisée mais la cotation et les interprétations sont très difficiles et
exigeantes. Aussi, il n’y a pas d’accord sur la cotation des épreuves projectives. De plus, on
peut souligner la pauvreté des données scientifiques qui soutiennent l’utilisation des épreuves
projectives. Il manque des données normatives en ce qui concerne les « sollicitations latentes »
(pour pouvoir dire ce qui est typique et ce qui est atypique) (Sultan & Béliveau, 2019).
Finalement, on peut émettre des critiques quant aux propriétés psychométriques de ces outils :
la validité interne n’a pas été étudiée (Sultan & Béliveau, 2019), ni la fidélité interjuges.

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2. Les épreuves thématiques verbales (CAT)


2.1 Introduction
Le Thematic Apperception Test (TAT) est un test projectif utilisé par les psychologues
cliniciens. Le principe est de montrer des planches, dessins figuratifs représentant des situations
sociales variées et ambiguës, et de demander au sujet de raconter une histoire à partir de ces
planches.
Le Children Apperception Test Introduction (CAT) est une épreuve projective thématique
créée par Léopold et Sonja Bellak (1950, 1954, 1961) suite à la constatation que le TAT n’est
pas adapté aux petits enfants. Le CAT est l’adaptation de la méthode du TAT aux enfants. On
présente 10 planches avec des personnages qui sont des animaux familiers et sauvages (poule,
souris, chien, ours, lion, kangourou…). Le CAT s’adresse aux enfants de 3 à 10 ans et est très
souvent utilisé en Europe et encore plus aux Etats-Unis où c’est l’une des épreuves les plus
utilisées.
Dans les années 50, au moment où les premiers dessins animés commençaient à être diffusés,
Bellak affirme que « l’enfant s’identifie plus facilement aux animaux qu’aux figures humaines
». Les arguments qui appuient ses dires sont qu’au niveau conscient, les enfants sont plus
proches des animaux (« amis », intérêt et attirance, films et livres d’image avec animaux). Au
niveau inconscient, les animaux sont des figures d’identification dans les rêves et rêveries des
enfants (conduites et besoins plus primitifs). Dans le Rorschach d’enfants, on retrouve de
nombreuses réponses “animaux”. Dans les personnages-animaux, il y a une ambiguïté quant au
sexe et à l’âge : la projection est plus déguisée. Gardner et Holmes proposent eux une version
humaine du CAT : le CAT-H (1961). Ils n’observent pas de différence significative entre les
épreuves !
De plus, on remarque que le caractère anthropomorphe des images animales peut représenter
un obstacle au laisser-aller projectif comme l’illustrent les récits restrictifs et les procédés de
recours à l’évidence (RE1) d’une fille de 4 ans et 11 mois : « Un lion ce n’est pas assis dans un
fauteuil », « Normalement les lapins ne dorment pas dans un lit » …La conclusion que l’on
peut tirer est que la mise en scène d’animaux ne facilite pas systématiquement projection chez
l’enfant.
2.2 Objectifs du CAT
Selon Bellak (1961), le CAT aide à la compréhension du fonctionnement psychique des enfants
en utilisant le modèle psychanalytique des conflits liés au développement psychosexuel :
nutrition (oralité), rivalité fratrie, attitude en face du couple parental… Selon Boekholt (2006,
2015) le CAT permet d’approcher fonctionnement psychique et organisation du psychisme.
Quelles caractéristiques « adaptatives » face au CAT? Capacités de séparation-individuation?
Capacité d’utiliser l’espace transitionnel ? Quels registres de conflictualisation ? Pulsions ?
Contexte libidinal et/ou agressif ? Quels procédés d’élaboration du discours ? Quels
mécanismes de défense ?

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Tout d’abord, il est important de prendre quelques repères développementaux pour les
productions thématiques :
 2 ans : compréhension supérieure à l’expression. Enfant nomme ce qu’il voit, mais a du
mal à organiser les choses. CAT pas encore possible (ou n’apporte pas bcp
d’information).
 3 ans : énumération devient plus riche et plus précise.
 4 ans : début de représentation de l’action. Personnages sont mis en scène. Témoigne
de la capacité d’organisation psychique des représentations.
En somme, en fonction des enfants, dès 3- 4 ans, ils sont capables de se projeter, de rajouter des
éléments en lien avec leur vécu. L’objectifs entre 3 et 6 ans est que le CAT mobilise des
ressources psychiques relativement nouvelles. Le CAT permet d’apprécier la structuration ou
l’astructuration triangulaire (« œdipienne »). On observe sur le vif, la construction de la vie
psychique (prises de conscience des relations à autrui, du rôle éducatif des parents...).
Entre 6 et 10/12 ans, le CAT fait appel à la régression. Il permet d’apprécier les modalités
d’installation de latence pulsionnelle ; l’éventail des stratégies défensives utilisées (Boekholt,
2006). Il y a une limite d’âge en fonction de l’âge mental, la maturation affective et l’acceptation
d’images animales.
2.3 Conditions de passation
Lors de la passation du CAT, la consigne est de raconter une histoire en rapport avec l’image
présentée : « dis ce qui se passe », « raconte : il était une fois… », « raconte une histoire avec
ce que tu vois ». Tout au long de l’épreuve, il est important d’encourager et stimuler le jeune
enfant : encourager (« et alors? », « et après? »). Vers 6-8 ans, il faut montrer des
manifestations d’intérêt (« oui, ah bon… ») : fonction étayante pour l’enfant.
Le CAT compte une totalité des planches (10). Il faut présenter les planches dans l’ordre qui
suivent la progression des sollicitations latentes prévues. La présentation se fait en une seule
séance (30 min ou moins chez les jeunes enfants. Il faut poser un cadre relationnel avec une
situation de cadrage souple, ludique et au besoin étayant (éviter modèle scolaire). Il est
nécessaire de s’adapter à chaque situation pour favoriser la confiance et l’expression
personnelle. Lors de l’épreuve, on va aussi inviter l’enfant à choisir les planches qu’il préfère
ou qu’il aime le moins, idem pour les personnages. On va aussi faire du repérage des images
parentales en demandant : Montre-moi l’image qui pourrait représenter un papa, une maman.
2.4 Analyse du CAT
Selon l’approche de Bellak (1956), la grille de cotation est la suivante :
A. Etude de la structure formelle du récit : omissions, fausses perceptions, banalités,
additions (introduction de personnages, d’objets, de circonstances extérieures),
fabulations, persévérations.
B. Analyse du contenu du récit : thème principal, perception des personnages, héros
principal (besoins et conduites principales du héros, conflits importants, nature de
l’anxiété, principales défenses, sévérité du Surmoi, intégration du Moi)

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2.5 Etude des procédés formels d’élaboration du discours


Selon l’approche de Boekholt, l’hypothèse centrale de l’école projective est que le langage du
sujet est le reflet de sa structuration psychique. « Ce ne sont pas tant les thèmes qui comptent
que la façon de les aborder, c’est à dire les procédés formels, repérables au niveau du langage
(sollicitations verbales) ou au niveau gestuel (jeu) » (Boekholt, 2006, p. 4). Les procédés
d’élaboration du récit sont sous-tendus par opérations défensives inconscientes dont ils sont la
traduction manifeste. Les épreuves projectives livrent une lecture du monde interne de
l’enfant/adolescent et de la façon dont il fonctionne.
La réponse projective est un compromis entre mobilisation
pulsionnelle et secondarisation. Le contenu latent du matériel amène
une mobilisation pulsionnelle (monde interne). La consigne appelle à
la secondarisation (processus secondaires) : « raconte une histoire à
partir de la planche (contenu manifeste, monde externe) ».
La Grille de Boekholt consiste en l’étude des procédés d’élaboration des récits inspirée par la
grille du TAT et la lecture approfondie et dynamique du fonctionnement psychique. On compte
3 étapes du dépouillement :
1. Observation : déroulement global de l’épreuve et mode d’adaptation de l’enfant
a. Mode de relation avec le clinicien
b. Mode de participation et d’adaptation
c. Expression verbale : vocabulaire, construction syntaxique…
d. Présentation et participation corporelle
2. Analyse : procédés d’élaboration du récit et problématiques abordées en référence aux
sollicitations latentes.
3. Synthèse : articulations défensives, registres de problématique, hypothèses concernant
fonctionnement psychique.
2.6 Les planches

La planche 1

Contenu manifeste Trois poussins assis autour d’une table ; un grand bol plein.
Sur le côté, un grand poulet estompé
Contenu latent potentiel relation à l’image maternelle (oralité : gratification ou
frustration), rivalité fraternelle
Registres de conflictualisation 1) Fondements de l’identité : cohérence identitaire.
2) Elaboration de la position dépressive : Capacité
contenante et étayante de l’image parentale. Si on observe
une défaillance, cela suggère de l’angoisse dépressive, vécu
d’abandon (par ex. perception de bols vides).
3) Mise en place de l’axe relationnel avec le thème du père-
nourricier, la rivalité fraternelle autour de l’oralité et
l’ombre du poulet (instance surmoïque).

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La planche 2

Contenu manifeste Un grand ours tire une corde, tirée de l’autre côté par un
autre grand ours avec un petit ours derrière.
Contenu latent potentiel relation triangulaire parents-enfant, contexte agressif et/ou
libidinal (rivalité, alliances), dialectique grand-petit,
puissant-impuissant.
Registres de conflictualisation 1) Identité : protagonistes peu différenciés et relation
triangulaire pas ou mal située à représentations massives et
dangereuses (thèmes de destruction et de mort).
2) Position dépressive : défaut du contenant qui suggère un
surinvestissement du support au détriment de la
représentation de la relation.
3) Axe relationnel (œdipien) : relation triangulaire ; choix
d’identification ; problématique de castration

La planche 3

Contenu manifeste Un lion, ayant une pipe et une canne, est assis dans un
fauteuil. En bas de le planche à droite, une petite souris dans
un trou.
Contenu latent potentiel Opposition puissance-impuissance : Relation à une image
de puissance phallique (lion = roi des animaux) ou
d’impuissance/ruse (petite souris, vieux lion avec canne).
Registres de conflictualisation 1) Fondements de l’identité : Accès aux oppositions gros-
petit, dominant-dominé, actif-passif (différenciations
identitaires). Versus confusion des rôles et des repères.
2) Elaboration de la position dépressive :
3) Mise en place de l’axe relationnel (oedipien) : Relation
entre lion et souris se noue en termes plus ou moins
compétitifs, plus ou moins érotisés. 3 - 4 ans : omission
souris fréquente (perception) et 8 ans : absence souris rare.
Pour les enfants consultant pour troubles divers on voit de
moins bonnes réactions de défense vis-à-vis du lion qui
éveille la crainte

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La planche 4

Contenu manifeste Un grand kangourou avec panier dans lequel il y a des


provisions. Il a dans sa poche ventrale un bébé qui tient un
ballon. Derrière lui, un enfant kangourou sur une bicyclette
Contenu latent potentiel relation à l’image maternelle, contexte de rivalité fraternelle,
ce qui se passe dans le ventre, processus/conflits de
séparation-individuation
Registres de conflictualisation 1) Fondements de l’identité : Capacité d’individuer les 3
kangourous. Jeunes enfants utilisent noms d’animaux
2) Elaboration position dépressive : Si vécu de perte d’objet
et/ou d’abandon alors surinvestissement du cadre perceptif
3) Mise en place de l’axe relationnel (oedipien) : Chez filles
désir de remplacer/s’identifier à la mère. Si sollicitations
féminines non vues et/ou si thème du père nourricier :
difficultés identificatoires, images parentales.

La planche 5

Contenu manifeste Dans une chambre sombre, un petit lit avec 2 oursons dedans.
Derrière, un grand lit dont les couvertures semblent soulevées
Contenu latent potentiel Prégnance d’éléments symboliques libidinaux
Curiosité sexuelle (culpabilité, angoisse…) Jeux entre enfants.
Sentiment de solitude ou d’abandon face au couple parental.
Registres de conflictualisation 1) Fondements de l’identité : Si difficulté identitaire ou
menace de désorganisation : difficulté d’individuation des
oursons
Pétrification pulsionnelle et Fantasmes destructeurs
2) Position dépressive : Si élaboration de la position
dépressive trop pénible, accent est mis sur l’absence,
l’abandon, le dénuement. éléments sensoriel et supports.
L’enfant déplace sur l’environnement son besoin de repères,
ce qui lui permet d’éviter les affects dépressifs (Boekholt).
3) Mise en place de l’axe relationnel : dépression dans
contexte relationnel, affect pénible lié : au vécu d’exclusion par
rapport au couple parental ; à la culpabilité qu’entraînent
pulsions voyeuristes. Grande enfance : récits construits autour
de l’interdit se rapportant aux pulsions ou aux stratégies
envisagées pour le contourner

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La planche 6

Contenu manifeste Une grotte obscure dans laquelle on voit plus ou moins 2 grands
ours. Devant, un petit ours couché, yeux ouverts, et des feuilles
Contenu latent potentiel Renvoie à la curiosité sexuelle et au rapprochement des parents.
Difficultés d’endormissement, peur de l’obscurité…
Registres de conflictualisation 1) Fondements de l’identité : délimitation espaces internes et
externes et fantasmes de destruction et d’engloutissement
2) Elaboration de la position dépressive : Thématique de
perte d’objet et d’abandon dans un contexte oral (dénutrition).
3) Mise en place de l’axe relationnel : Modalités «
oedipiennes » réactivées : Curiosité sexuelle à l’égard du
couple parental. Déplacement de la curiosité envers l’extérieur
à « interdit » de l’exploration donné par la mère.

La planche 7 La planche 8

La planche 9 La planche 10

Contenu manifeste Un petit chien, couché à plat ventre sur les genoux d’un grand
chien. À droite un cabinet et des serviettes de toilette.
Contenu latent potentiel Rapproché corporel dans un contexte d’apprentissage de la
propreté (analité). Situation de contrainte/transgression.
Relation agressive parent/enfant, dialectique bêtise-punition.
Données développementales Etude avec 20 enfants de 4-5 ans. Contrairement à ce qui est
récentes prévu selon la description des sollicitations latentes, 16 enfants
sur 20 (80 %) n’ont pas reconnu le contexte transgressif de la
planche ou la dialectique bêtise/punition qu’elle suscite.

Comme le montre les données de développementales de la planche 10, certaines sollicitations


latentes ne sont pas reconnues. Il serait intéressant de refaire des études à grande échelle pour
actualiser le descriptif des sollicitations latentes de chacune des planches.

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3. Les épreuves de jeu (Scéno-test, MPPE)


3.1 Fonctions du jeu dans le développement de l’enfant
3.1.1 Introduction : le jeu de la bobine

Pour débuter, on va se concentré sur une observation réalisée par Freud : le jeu de la bobine («
Au-delà du principe de plaisir »). Il a observé un garçon de 18 mois avec des rapports excellents
avec son entourage et qui était gentil caractère. Il était très attaché à sa mère mais ne pleurait
pas pendant ses absences. Il avait pour habitude de lancer tous les petits objets dans le coin de
la pièce dont une bobine de bois entourée de ficelle. Le jeu complet comporte 2 actes :
disparition (o-o-o : fort = parti, loin) et réapparition (da = voilà).
Ce jeu de la bobine est un jeu symbolique de distanciation-rapprochement du jouet :
 Transformation situation passive (« tu m’abandonnes ») en rôle actif (« je te jette »).
 Répétition : à la fois manifestation du principe de plaisir et mécanisme cathartique.
 Démarche jubilatoire de maîtrise à travers réappropriation absence-présence de la
mère…
3.1.2 Les types de jeu

Comme le souligne entre autres Piaget et Wallon, il existe différents types de jeux :
 Jeux fonctionnels : constitués par activité sensorimotrice.
 Jeu libre, gratuit et créateur (jeux de fiction et jeux symboliques) : jouer à la poupée,
à la voiture, à la bobine, jouer au docteur, à l’infirmière. Ce type de jeu se base sur la
notion de playing de Winnicott (1971) : « cette aire où l’on joue n’est pas la réalité
psychique interne. Elle est en dehors de l’individu, mais elle n’appartient pas non plus
au monde extérieur. Dans cette aire, l’enfant rassemble des objets ou des phénomènes
appartenant à la réalité externe et les utilise en les mettant au service de ce qu’il a pu
prélever de la réalité interne ou personnelle. »
 Game : jeu des règles (cf. jeu de société).
 Gamble : jeu de hasard.
Il faut noter que le jeu fait partie intégrante de la vie et du développement de l’enfant : jeu et
développement sont liés dans une interaction permanente !
3.1.3 Significations et fonctions du jeu : pourquoi l’enfant joue-t-il ?

L’enfant joue pour de multiples raisons (cf. Erikson, Freud, A., Freud, S., Klein, Lebovici et
Soulé, Winnicott…) :
 par plaisir (excitation, rire, joie)
 par besoin (jouer est un besoin naturel chez l’enfant) pour créer et imaginer (valeur
créative)
 pour agir sur le monde (fonction active) et mieux le représenter (illusion de maîtrise)
: ex. « en déposant qqs blocs les uns sur les autres, je me retrouve face à une petite tour
!» (J. Bruner).
 Pour accroître et intégrer expériences

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 Pour mieux connaître son corps (par ex. jouer au docteur pour satisfaire curiosité
sexuelle)
 Pour se donner des sensations corporelles (ex. jeu de balançoire)
 Pour rechercher des limites corporelles
 Pour exprimer ses émotions et les conflits : par ex. agressivité s’exprime par « langage
du corps/dans l’action » comme lancer son ourson par terre, déchirer un dessin, attaquer
un « frère-jouet »…
 Pour maîtriser ses émotions : Déplacement des émotions sur les objets/jouets ; fonction
de « soupape émotive », soulagement lié à symbolisation. Avantages : pulsions
agressives « déplacées » sont mieux acceptées. En jouant, les pulsions et angoisses sont
mieux intégrées : par ex. transformer angoisse en plaisir : jeu de fort-da
 Pour s’identifier aux autres (satisfait le désir de se comporter comme les « grands »
 Pour entrer en contact avec les autres (valeur relationnelle : jeu permet de se
rencontrer et de se séparer)
 Pour apprendre les règles (valeur socialisatrice) …
 Se construire sur le plan cognitif : Ex. rôle du jeu symbolique dans le développement
de l’intelligence (théorie de l’esprit).
3.1.4 Rappel sur le développement de l’imagination : repères

À 18 mois, l’enfant est dans des actions symboliques (fait comme s’il buvait) (versus TSA). Le
jeu est relatif à la routine quotidienne et l’enfant a un rôle actif dans des jeux de faire semblant.
À 24 mois (2 ans), le jeu symbolique est encore relatif aux objets présents : avec poupées,
animaux… Le jeu de « faire semblant » dépasse la routine (enfant simule repassage) – et on
voit l’apparition de séquences dans le jeu symbolique (script : « nourrir poupée, la bercer, la
mettre au lit »).
À 36 mois (3 ans) le jeu symbolique est « planifié » et annoncé et l’enfant symbolise les objets
(bloc = auto).
À 48 mois (4 ans), le « faire semblant » se fait en compagnie d’autres enfants. On retrouve des
jeux de rôle plus complexes et plus longs.
À 60 mois (5 ans), on observe des petites mises en scène et des négociations des rôles et du
jeu. Le langage est important !
En conclusion, le jeu est associé à différentes fonctions et a un impact sur différentes facettes
du développement (corporel, affectif, imaginaire, social, cognitif …) de l’enfant !
3.2 Fonctions du jeu dans l’examen psychologique
Dans l’examen psychologique, le jeu rempli plusieurs fonctions. Il est tout d’abord un outil
d’expression pour l’enfant mais aussi un outil diagnostique (grille de Boekholt). C’est
également un outil thérapeutique (décharge, régression, effet cathartique, « expérience
émotionnelle correctrice »). Il y a une similitude entre les mécanismes mis en jeu face aux
épreuves projectives et les phénomènes transitionnels (Winnicott : aire transitionnelle ou
intermédiaire, « playing »).

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

3.3 Le Scéno-test
À Berlin en 1938, von Staabs, un neuropsychiatre, met en place un matériel de jeu avec des
objectifs diagnostiques (épreuve projective - thématique et expressive) et une visée
thérapeutique. Cependant, le Scéno-test proposé par l’allemand n’a jamais fait objet d’études
systématiques lui conférant un réel statut de « test ». Malgré tout, il est très prisé en clinique
infantile par les psychologues et thérapeutes.
3.3.1 Matériel manifeste

Le Scéno-test se compose d’une boîte attractive avec des jouets concrets et divers. Elle contien
notamment des figurines humaines avec des différences de sexes et générations. On retrouve
des enfants, des bébés, des adultes et des personnes âgées. La boîte contient aussi des figurines
parahumaines comme des nain, des anges et certains animaux mythiques mais également des
figurines animales aussi bien familiers et inoffensifs, que des animaux réputés agressifs et
dangereux. On y trouve aussi des éléments végétaux et des objets de l’univers quotidien de la
maison (stéréotypes) et des objets de construction non figuratifs (des blocs).
3.3.2 Indication et consigne du Scéno-test

Le Scéno-test est indiqué pour les enfants âgés de 3 ans jusqu’à 10-12 ans. Ce test propose une
investigation du psychisme d’enfants très jeunes, immatures ou rencontrant des difficultés de
communication verbale qui compliquent passation des épreuves projectives classiques.
À l’époque de von Staabs, la consigne était : « construis quelque chose à l’aide du matériel
disponible, construis ce qui te passe par la tête ». Aujourd’hui, on module la consigne d’après
la situation et on la note. Si l’enfant est inhibé, on peut dire et/ou montrer qu’il y a des jouets
dans la boîte, demander de trouver les animaux, les poupées, les arbres… afin de stimuler la
curiosité. Pour les petits (3-5 ans), la consigne est généralement superflue : l’exploration de la
boîte s’effectue spontanément. On rencontre une difficulté à délimiter l’aire de jeu et
interrompre l’activité.
3.3.3 Fondements théoriques et méthodologiques Scéno-test

Le matériel s’est construit à partir de principes discutables :


 la méthode du jeu mène à une désinhibition qui donne un accès direct à l’inconscient
et aux conflits affectifs.
 Chacune des pièces est définie à la fois par un aspect manifeste et par signification
symbolique prédéfinie : « monsieur en complet incarne personnalité plutôt autoritaire
« bébé peut exprimer le désir d’avoir un petit frère ou une petite sœur », « la présence
de fleurs dans une scène suppose un besoin de se soigner, une coquetterie parfois
excessive… ».
Attention, il est important d’éviter une superposition entre matériel manifeste et implications
latentes ! Les sollicitations latentes sont innombrables et une désignation automatique des clefs
de l’inconscient est une interprétation abusive ! Le choix des figurines n’a du sens qu’en
fonction de la singularité de l’organisation psychique et des choix de jeu de chaque enfant (il
faut faire du « cas par cas », faire une enquête).

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C.BRUFFAERTS EPEA 2021-2022

Que faire de l’absence, la présence ou la surcharge de certaines catégories (jouets) ? Ce qui


devient significatif c’est plutôt la combinaison des diverses catégories entre elles et la façon
dont l’enfant les isole ou les articule. Il faut éviter aussi une assimilation construction scénique
à réalité anamnestique de l’enfant en expliquant celle-ci par celle-là. Le scéno-test n’est ni une
émanation directe de l’inconscient, ni une transposition directe de la réalité ! (Boekholt). La
situation du scéno-test s’inscrit dans un « espace intermédiaire » entre l’expression des
processus inconscients et le conscient-réalité, entre la fantaisie et le contrôle. Il est un médiateur
privilégié dans la rencontre avec l’enfant.
3.4 La démarche de dépouillement de Boekholt
3.4.1 Observation

L’observation est une temps descriptif qui observe le déroulement global de l’épreuve et mode
d’adaptation de l’enfant. Il faut relever la prise de contact avec matériel, le mode de relation
avec clinicien, la motricité et coordination, la mobilisation intellectuelle et l’expression verbale.
3.4.2 Analyse des procédés de jeu

L’analyse est un temps nosographique et correspond au dépouillement formel des procédés :


 HJ : hors-jeu
o Non-utilisation du matériel avec absence, interruption ou désinvestissement du
jeu : agitation, instabilité, explorations annexes, stéréotypies
o Retrait, pleurs, refus : temps d’adaptation, difficulté de se séparer de ses parents
o Décharges auto-érotiques : régression, dépression, phénomène d’hospitalisme
o Décharges auto-agressives : régulation de l’excitation provoquée par le jeu
 SM : procédés sensori-moteurs
o Action dirigée vers le matériel : ébauches d’exploration, interactions simples
 RC : recours à relation avec le clinicien
o Demande dirigée vers le clinicien (appel à la relation) : rapproché corporel, aide
o Demandes de désignations et d’explications verbales : « et pourquoi ? »
o Critiques et plaintes : problèmes caractériels, tableaux carentiels
o Expressions mimées envers le clinicien : frontières entre réel et imaginaire
 EI : procédés traduisant recours à évitement et inhibition
o Limitations de l’activité gestuelle et exploratoire face au matériel
o Inhibition liée à l’utilisation d’éléments à valeur anxiogène
o Evitement spécifique de certaines pièces (par ex. crocodile).
 IF : procédés traduisant recours à imaginaire et au fantasme
o Imitation de gestes impliquant références identificatoires
o Mises en scènes faisant appel à l’univers des contes
o Mises en scène impliquant interactions mimées et/ou verbalisées, dialogues
o Interactions peu compréhensibles, fabulation
o Émergences crues liées à une thématique sexuelle ou agressive
o Confusions identificatoires et/ou identitaires
o Inadéquation entre procédés de jeu et verbalisation : décalage entre ce qui est
fait et dit, deux attitudes psychiques différentes, opposées et indépendantes

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 RE : recours à réalité externe


o Imitations simples à partir du matériel perçu : représentations fictives
ultérieures.
o Scènes calquées sur réalité quotidienne : faire comme, carence imaginaire chez
les plus grands
o Insistance sur cadrage et sur délimitations de l’espace
o Insistance sur le décor
 OC : recours à objectivité et au contrôle
o Nommer, décrire, énumérer, compter, explorations exhaustives
o Constructions élaborées à partir du matériel non figuratif
o Rangements, alignements, dispositions symétriques
o Faire-défaire
o Constructions bizarres avec style rigide
o Isolement d’éléments.
Il faut retenir que chaque procédé de jeu peut recouvrir des fonctionnements et des troubles
psychiques très divers ! Aucun procédé n’a de valeur « normale » ou « pathologique » en soi !
Les notions de « normal ou pathologique » dépendent de la diversité des opérations et de leur
contexte. Il y a une polysémie des significations cliniques : en fonction des enfants, un même
procédé témoigne de principe organisateur ou de déconstruction préoccupante. Tous les
procédés doivent être situés dans la dynamique de passation et dans le déroulement séquentiel
du jeu.
3.4.3 Synthèse

La synthèse est un temps interprétatif pendant lequel le clinicien formule des hypothèses sur
le fonctionnement psychique de l’enfant. Une interprétation est l’attribution d’un sens à des
paroles, attitudes, événements, situations. Elle s’appuie sur un système référentiel qui est un
préalable nécessaire à la saisie compréhensive d’une situation. Le but de la synthèse est de
regrouper les procédés et de soulever les articulations défensives et les principaux registres de
problématiques.
Pour une interprétation qualitative et clinique, il faut de bonnes connaissances théoriques et
pratiques des épreuves. Il faut savoir repérer les procédés de jeu au sein de chaque rubrique.
C’est un premier aperçu descriptif et statique de l’éventail des modalités dont dispose l’enfant.
Il est nécessaire de tenir compte des données issues d’autres phases de l’examen. Il faut disposer
de connaissances en matière de psychologie et de psychopathologie de l’enfant et savoir ajuster
les concepts et les notions à la complexité de la réalité clinique.
Les hypothèses du fonctionnement psychiques s’appuient sur l’organisation formelle du jeu
(procédés, mode d’expression pulsionnelle), les défenses (moins élaborées, liées à l’élaboration
de la position dépressive, de type névrotique) et les registres de problématiques (identité,
élaboration de la position dépressive, accès au conflit œdipien).
Pour valider la démarche diagnostic, il faut une comparaison avec autres épreuves de nature
différente (« multiméthodes ») et noter la répétition des observations dans le temps (évolution
des constations initiales ?).

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Le dépouillement du jeu peut mettre en évidence la possibilité qu’a l’enfant à se situer dans une
aire transitionnelle. L’enfant ou adolescent peut-il :
 « projeter sans être débordé par ses fantasmes » ?
 « s’adapter sans stéréotypie » ?
 « jouer à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire » ?
 « investir matériel en tant qu’objet réel et concret tout en apportant des significations en
fonction de sa subjectivité et de son imaginaire ? »
Si oui, Boekholt parle d’aptitude à se mouvoir dans « l’aire transitionnelle ».
Il parle de « productions d’allure névrotique » si on observe un symbolisme des conduites et
transparence des problématiques ou qu’une activité ludique se déploie dans l’aire transitionnelle
(« faire semblant », « comme si ») et s’appuie à la fois sur réalité du matériel et sur richesse de
la vie fantasmatique.

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Chapitre 7 : L'entretien de restitution : annonce d'un diagnostic éventuel


1. Introduction : Utilité diagnostic du trouble mental et processus de l’annonce
L’entretien de restitution est le moment où on va remettre des conclusions suite à l’évaluation
avec une annonce diagnostique éventuelle. Un diagnostic lourd est un diagnostic de troubles
sévères, dont on peut réduire les symptômes, mais non « guérir » comme le TSA, la
schizophrénie, etc.
Si l’on se réfère au DSM-V, un diagnostic de trouble mental doit présenter une utilité clinique
: il doit permettre au clinicien de déterminer 1) le pronostic, 2) les stratégies de traitement, 3)
les résultats attendus du traitement pour les patients.
Dans le processus de l’annonce, avant, il faut écouter et impliquer le sujet, l’enfant,
l’adolescent, les parents, la personne âgée dans le processus d’évaluation (cheminement pré-
diagnostique), préparation et une anticipation de l’entretien diagnostic. Pendant l’annonce, il
faut impérativement être dans la relation, c’est un partenariat. Il doit y avoir une introduction
de l’annonce et une conclusion de l’annonce. Après, il faut montrer une certaine disponibilité
et continuité avec un accompagnement post diagnostique.

2. Les questions à se poser avant l’entretien de restitution


Avant l’annonce, le clinicien doit se poser un certain nombre de question pour être sur d’être
dans le bon et garder un œil critique sur les conclusions et l’impact de l’annonce :
 Qu’est-ce que je devrais restituer ?
 A qui restituer les résultats, le diagnostic éventuel ?
 Quels critères éthiques à respecter ?
 Sous quelle forme (écrite, orale, les deux) ?
 Lorsqu’il s’agit d’une annonce de diagnostic lourd comment éviter que les mots «
cognent », qu’ils soient traumatisants pour les sujets et leurs proches ?
 Comment faire en sorte que l’entretien d’annonce soit porteur de sens pour les
intéressés (l’enfant, l’adolescent, leurs parents) ?
 Y a-t-il des risques que le patient soit victime de stigmatisation ou de discrimination à
la suite de la réception de son diagnostic ou celui-ci sera-t-il bénéfique pour lui ?

3. Les bonnes pratiques et les erreurs à éviter


Au moment de l’entretien de restitution, il est indispensable de respecter une ligne de bonne
conduite et être bien préparé (prévoir un plan). Il faut prévoir suffisamment de temps pour ne
pas presser et expédier le patient. La qualité de la communication orale et écrite (le choix des
mots et la formulation) est très importante et doit être coconstruite au fil de l’entretien. Une
relation de confiance est primordiale, il ne faut pas se positionner en expert. Pour le bon
déroulement de l’annonce, il est important de suivre plusieurs étapes dans la remise des
conclusions : introduire la remise des conclusions, conclure la remise de conclusions et parler
des interventions et prévoir un suivi post-diagnostique.

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3.1 L’introduction des conclusions


Lors de l’introduction des conclusions, il faut tout d’abord accueillir : comment allez-vous? Il
est ensuite important de reformuler la demande et le contexte de l’évaluation : « Reprenons
ensemble ce qui vous a amené à consulter… ». Il est également préférable de rappeler le cadre
éthique : confidentialité et secret professionnel. Pour rappel, l’évaluation n’est pas une vérité
absolue figée dans le temps. Aucun diagnostic n’est définitif ou déterministe (cf. personne ne
peut écrire la biographie d’une vie tant qu’elle n’a pas été vécue). Il est donc nécessaire de
souligner les apports et limites de l’examen.
3.2 Le choix des mots et la formulation
Les patients et les parents ne sont pas des professionnels, il faut donc utiliser un langage adapté
à la compréhension des destinataires : mots simples, directs, accessibles. Si on utilise un
vocabulaire spécialisé ou technique, on l’explique : « Quand j’utilise ce mot de « flapping »,
c’est pour parler des mouvements que vous m’avez décrits à la maison, j’ai remarqué aussi
qu’il ne les fait que lorsqu’il est content ou inquiet ». (Dormoy, 2020). Au cours de l’entretien,
on utilisera le terme « actuellement » et on soulignera que rien n’est figé dans l’absolu, ce qui
peut aider à prévenir le risque de stress post-traumatique.
Il est proposé de réaliser un travail de « traduction » avec un :
 Vocabulaire équivalent moins connoté. Par exemple au lieu de dire « dépression
sévère », dire « tendance actuelle à voir les choses en noir ».
 Vocabulaire précis et nuancé. Par exemple, au lieu de dire « moyen », plutôt dire «
dans la moyenne de son âge ».
 Vocabulaire qui ne fige pas l’avenir. Au lieu de dire « schizophrénie dysthymique »
plutôt dire « dépression atypique ».
Voici quelques erreurs courantes à éviter :
 Utiliser des abréviations, par ex. « TSA », « TOC »
 Utiliser un vocabulaire spécialisé ou technique (par ex. trichotillomanie, flapping etc.)
sans l’expliquer.
 Utiliser un vocabulaire connoté, péjoratif, stigmatisant, trop flou etc.
 Annoncer le diagnostic entre deux portes, par courrier ou courriel, par téléphone…
 Ne parler que de l’aspect scientifique du diagnostic ou ne pas du tout expliquer le
diagnostic.
 Banaliser ou minimaliser. Par ex. « vous savez, il y a de plus en plus d’enfants avec ce
diagnostic », « J’ai déjà vu des cas plus lourds »…
 Être le seul à parler, sans laisser parler les parents, l’enfant/adolescent. Ne pas inviter à
poser des questions.
 Ne pas parler de la suite de la prise en charge.

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3.3 L’entretien de restitution comme co-construction


Il est important de concevoir l’entretien comme un échange interactif. « Le professionnel n’est
pas un expert qui explique aux parents ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire, mais quelqu’un
qui partage avec eux ses observations, ce qui permet aussi une nouvelle co-construction de
l’enfant à ce moment précis de son histoire » (Sultan, 2019, cité par Dormoy, 2020).
Il est intéressant également de solliciter des questions de la part des parents : « Mes observations
correspondent-elles à ce que vous voyez au quotidien ? », « Avez-vous des questions sur mes
observations - mon évaluation ? », « Y a-t-il des observations qui ne sont pas claires ? », « Que
vous voulez rajouter ? ». Les parents et l’enfant doivent avoir une part active dans l’entretien.
Il est nécessaire de prendre comme point de départ ce que le sujet ressent, ce que les parents
ressentent et les résultats aux évaluations. On peut utiliser des schémas, reprendre les termes
utilisés par le patient. Il est primordiale de montrer une attitude empathique et de donner du
temps pour que diverses questions puissent émerger et respecter les silences.
Il est essentiel de construire une représentation dynamique du sujet en utilisant deux axes de
réponse aux questions posées :
 Description du fonctionnement : comment ?
 Explication du fonctionnement : pourquoi ?
Lorsque les observations du psychologue et des parents sont divergentes, il est utile d’y mettre
du sens : « Vous nous avez décrit des mouvements répétitifs de sautillement sans raison
apparente. Aucun de nous n’a observé ces mouvements lors des rencontres, mais nous avons
constaté qu’il lui était encore difficile de s’exprimer avec des mots, pensez-vous qu’il pourrait
vouloir vous exprimer de la colère avec ce mouvement ? » (Dormoy, 2020).
3.4 Conclure la remise des conclusions
A la fin de l’entretien, il est indispensable de vérifier la compréhension en demandant si cela a
du sens. On peut aussi demander aux parents s’ils peuvent reformuler en leurs mots ce qu’ils
ont compris, retenu de la discussion et voir si le sujet/les parents veulent rajouter quelque chose
avant de clôturer l’entretien. Il faut donner un compte-rendu écrit : très utile, car il peut être relu
et partagé avec d’autres professionnels.
Avant de partir, il est indispensable de parler des pistes thérapeutiques et des interventions
possibles mais aussi de prévoir l’entretien suivant (suivi post-diagnostique). L’entretien qui suit
l’annonce permet de répéter, nuancer le diagnostic et d’accorder les attentes et les besoins de
chacun. C’est aussi l’occasion de reparler des pistes thérapeutiques et de prévoir un espace où
l’entourage (les parents, la fratrie) puisse être entendu.

4. Les personnes avec lesquelles on va communiquer


Une question que l’on peut se poser est : qui inclure dans l’entretien de restitution ? L’entretien
de restitution doit inclure le sujet, l’enfant/l’adolescent, l’adulte mais l’entourage du sujet
(parents, conjoint), la garderie (éducatrice) ou l’école (enseignant.e) ainsi que les collègues
(orthophoniste, ergothérapeute, technicienne en éducation spécialisée…).

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4.1 Entretien de restitution avec le sujet


Les objectifs sont de :
 Sensibiliser le sujet à son mode de fonctionnement (Debray, 2000), lui faire prendre
conscience de ses stratégies de pensée, ses modes défensifs…
 Nommer et éclairer les difficultés et la souffrance associée : mettre en mots canalise
l’angoisse.
 Souligner ressources et points forts : rassurer sur les compétences.
 Rappeler à l’enfant, l’adolescent, le sujet qui présente un trouble, qu’il n’est pas son
trouble.
4.2 Entretien de restitution avec les parents et l’entourage
Il est très important de donner une place et un rôle actif aux parents (souvent eux les experts de
leur enfant). Il faut pouvoir écouter leur savoir, leur doute et inquiétudes parentales et favoriser
les questions et l’expression émotionnelle. On peut les inviter à formuler ce qu’ils éprouvent
vis-à-vis de leur enfant (attentes, déceptions…) et les sensibiliser au mode de fonctionnement
psychique et cognitif particulier de leur enfant. Il est nécessaire d’insister sur ses ressources et
les ressources de la famille et évaluer l’« ajustement » entre les attentes de l’entourage et les
potentialités/fonctionnement de l’enfant. Finalement, on peut interroger leur perception et les
significations qu’ils donnent au diagnostic.
4.3 Que dire aux éducateurs et aux enseignants ?
La communication du diagnostic doit se faire avec l’accord et dans l’intérêt de
l’enfant/adolescent et des parents (consentement). On peut utiliser certaines infos de l’examen
pour aider éducateur ou enseignant à apprécier :
 Les particularités des stratégies cognitives et d’apprentissage
 Les compétences et potentialités développementales de l’enfant ou de l’adolescent
examiné.
 Les meilleures façons pour encadrer l’enfant à la garderie et à l’école (par ex. donner
plus de temps, plus de renforcements positifs, plus de stimulation etc.)
4.4 Communication avec collègue référant ou avec le collègue auquel on va référer
Pour les collègues, on va faire et partager un compte rendu écrit reprenant une synthèse des
entretiens et épreuves proposés (épreuves cognitives, projectives, échelles…). On va souligner
les particularités du fonctionnement psychique et noter l’appréciation diagnostique en termes
de « constat actuel » : possibilités de réorganisation. On va également rendre une suggestion de
prise en charge thérapeutique.

5. Les réactions après l’annonce diagnostique


5.1 Réactions à court terme après l’annonce diagnostique
Les parents et les sujets peuvent être confrontés à un large éventail de réponses émotionnelles
: soulagement, culpabilité, colère, solitude, épuisement et découragement…Ils peuvent aussi
montrer une certaine inhibition (silence).
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À l’inverse, nommer le trouble soupçonné peut procurer un soulagement et mettre fin à une
errance diagnostique (Galinowski, 2011) (par ex. pour les états-limites ou troubles de l’attention
avec hyperactivité).
On peut voir apparaitre un sentiment de culpabilité : « Certains parents ne peuvent s’empêcher
de se sentir coupables ; d’autant plus si l’origine génétique du trouble (…) est établie, mais
aussi tout simplement en se reprochant de ne pas avoir compris plus tôt ou d’avoir eu des
réactions inadéquates. » (Wodon, 2009). Cependant, l’attribution externe des symptômes peut
également diminuer la culpabilité. Par exemple recevoir le diagnostic de « trouble bipolaire »
permet d’attribuer l’irritabilité et les dépenses excessives aux fluctuations de ce trouble et non
à la malignité du sujet. (Galinowski, 2011)
Ensuite, on peut retrouver de l’incompréhension et une difficulté à penser ou encore du refus
et du déni : les explications ne sont pas entendues, par ex. « Ce qu’on me dit est faux, je n’en
tiens pas compte » (je ne prends pas les médicaments prescrits).
On observe également de la colère : Pourquoi mon enfant ? Pourquoi ma famille ? « La colère
peut se déplacer progressivement vers l’école qui ne comprend pas ou vers les familles qui font
preuve d’antipathie » (Wodon, 2009). Il y a aussi la solitude : « La solitude fait (…) son
apparition face à l’isolement social, face au manque d’information et à l’absence de moyens
thérapeutiques efficaces (…)» (Wodon, 2009).
Enfin, on peut voir apparaitre un clivage : « c’est un mauvais psy qui prétend que mon enfant
ait cette maladie, je vais en consulter un meilleur » ou une projection : le sujet ou le parent
attribue à autrui la responsabilité de la maladie : ex. « Mes parents auraient dû m’adresser à un
psy dans mon enfance… », « L’autisme de mon enfant est un effet secondaire des vaccinations
donnés par le pédiatre ».
5.2 Le diagnostic comme traumatisme et comme phase de deuil
Recevoir un diagnostic grave dont on peut traiter les symptômes mais non guérir, peut être un
traumatisme. Le traumatisme de l’annonce s’inscrit dans la mémoire autobiographique :
souvent, il y a un avant et un après. (Lambotte, De Coster, De Gheest, Galinowski, 2011,)
Le diagnostic peut entrainer une phase de deuil de certaines représentations : « Voir la détresse
de son enfant, mais aussi être confronté à la différence, forcent les parents à tout remettre en
question. Leur enfant n’est pas l’enfant « idéal ». Il va falloir retravailler cette image et lui
permettre de se superposer à l’image réelle de l’enfant. Il va falloir accepter de changer ses
méthodes éducatives. Le quotidien sera loin d’être facile ». (Wodson, 2009)

5.3 Réactions différées après l’annonce diagnostique


Si l’on se réfère au travail de deuil décrit par Kübler-Ross, on retrouve plusieurs phases :
 Phase de déni : Le sujet et sa famille sont incrédules. Les explications ne sont pas
entendues, pas reçues (importance d’une trace écrite).
 Phase de colère : la compétence ou l’attitude du professionnel sont mises en cause. Le
patient annule par ex. la consultation suivante sans explication.

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 Phase de marchandage : le patient recherche l’avis d’autres professionnels, à recours


à des traitements non orthodoxes.
 Phase dépressive : découragement, émotivité, humeur triste, troubles du sommeil et de
l’appétit…
 Phase d’acceptation : comprend une part de résignation – permet un engagement du
patient dans une alliance thérapeutique.
5.4 Réactions de l’entourage suite à un diagnostic lourd en santé mentale
Suite à un diagnostic lourd, on observe différentes réactions dans l’entourage. On peut voir en
général un réaménagement de la constellation familiale : éloignement (peur de ne pas faire face,
rejet, indifférence…) ou rapprochement. Des sentiments de culpabilité peuvent apparaitre (par
ex. d’avoir été épargnés pour la fratrie, ou culpabilité de ne pas avoir un enfant parfait) ainsi
que des sentiments d’abandon (pour la fratrie : toute l’attention va vers le frère ou la soeur qui
a un trouble). Les sujets dans l’entourage peuvent avoir peur d’être apparentés à un malade dont
la pathologie est stigmatisante (le poids des représentations dans la société et dans les médias).
(Galinowski, 2011)

6. Le suivi post-diagnostique et les propositions thérapeutiques


Le travail diagnostique amène de nouvelles questions : Nécessité d’envisager changement ou
intervention pour traiter problème ? Attentes du sujet, de son entourage (idéalement il y a
convergence) ? Forme de l’intervention ou de la prise en charge thérapeutique ? (variée)
Répercussions des interventions ?
« Le besoin d’un traitement relève d’une décision clinique complexe qui doit prendre en
considération :
 la sévérité des symptômes (p. ex. la présence d’idéation suicidaire),
 la détresse du patient (sa souffrance mentale) associée au(x) symptôme(s),
 le handicap – dysfonctionnement lié à ses symptômes, ¡ les risques et les bénéfices des
traitements disponibles,
 et bien d’autres facteurs encore » (p. ex. les symptômes psychiatriques qui impliquent
une autre maladie) (DSM-5, introduction)
Il y a une réelle utilité de combiner les critères DSM (approche catégorielle), l’approche
dimensionnelle et approche clinique. Il faut souligner finalement l’importance du « jugement
clinique » critique.

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