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Pédiatrie
pour le praticien
Coordonnateurs
Antoine Bourrillon
Professeur émérite, UFR médecine Denis Diderot, Université Paris
Grégoire Benoist
Praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et hôpital de jour d'allergologie, CHU Ambroise Paré,
Boulogne-Billancourt
Brigitte Chabrol
Professeur des universités, praticien hospitalier, service de neurologie pédiatrique, centre de référence des maladies
héréditaires du métabolisme, hôpital d'enfants, CHU de la Timone, Marseille
Gérard Chéron
Professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service d'urgences pédiatriques, CHU Necker – Enfants
malades, Paris, Université Paris Descartes, Paris
Emmanuel Grimprel
Professeur des universités, praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et aval des urgences, CHU Armand
Trousseau, Paris, faculté de médecine, Sorbonne Université, Paris
Comité éditorial
7e édition
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Pédiatrie pour le praticien, 7e édition, de Antoine Bourrillon, Grégoire Benoist, Brigitte Chabrol, Gérard Chéron, Emmanuel
Grimprel.
© 2020, Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76068-6
e-ISBN : 978-2-294-76263-5
Tous droits réservés.
Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale
et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes
définies par les procédures d'AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé
au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l'Agence du médi-
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et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
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Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Avant-propos
Avec cette nouvelle édition de l'ouvrage Pédiatrie pour de nouveaux espoirs pour augmenter les taux de guérison
le praticien, nous donnons une fois encore l'occasion de et réduire les effets secondaires à long terme, les biomédi-
présenter la pédiatrie comme une spécialité dynamique, caments qui révolutionnent le traitement de nombreuses
ouverte et concernée par tous les âges de l'enfance, de la pathologies pédiatriques. Face à ces nouveaux défis, l'orga-
période anténatale jusqu'à l'âge de 18 ans, soit 22 % de la nisation des soins évolue avec la labellisation des centres de
population française. référence maladies rares où la pédiatrie occupe une place
Nous avons eu l'ambition que l'extrême diversité de sujets majeure, la mise en place de programmes d'éducation thé-
liés aux problèmes de santé de l'enfant soit particulièrement rapeutique destinés aux enfants et leur famille, sans oublier
illustrée dans cet ouvrage avec comme élément fédérateur la création de parcours patient spécifiques à la pédiatrie, etc.
l'amélioration des soins à apporter aux enfants. Force est de Que soient ici remerciés les très nombreux coordonna-
constater que les propos du Pr Pierre Royer, en 1981, restent teurs de chapitres et rédacteurs de ceux-ci. Ils ont permis
plus que jamais d'actualité : « La médecine des Enfants ne à cette nouvelle édition de se régénérer, abordant autant de
peut être comprise que comme l'ensemble des analyses, des thèmes qui mettent en lumière la place singulière du méde-
recherches et des actions dont l'objectif est la protection de la cin de l'enfant (pédiatre et médecin généraliste) dans l'offre,
santé de l'enfant et de son environnement humain ». le parcours et le suivi des soins. Ce rôle prépondérant auprès
Dans une première partie est décrite la richesse de la de l'enfant et de sa famille doit s'exercer en concertation avec
séméiologie pédiatrique, dont la connaissance constitue un les autres professionnels de santé, pour que tous les enfants
prérequis indispensable avant toute démarche diagnostique puissent bénéficier des avancées de la médecine pédiatrique
et ceci, quelle que soit la situation (urgente ou chronique). quel que soit le motif de recours au soignant (dépistage, pré-
Puis sont rappelés les différents axes de suivi du nou- vention, diagnostic, prise en charge, suivi, etc.)
veau-né, du nourrisson, de l'enfant et de l'adolescent qui, Enfin, un questionnement éthique propre à cet âge de
par nature, sont propres à chaque tranche d'âge, selon un la vie est développé comme nous le rappelle au quotidien
objectif commun : une réelle démarche de prévention, avec Antoine Bourrillon « l'Éthique en pédiatrie peut s'expri-
comme corollaire une organisation des soins spécifique et mer ainsi : pour chaque situation, une réflexion. De chaque
rigoureuse. réflexion, une décision. De toute décision, une expérience ».
Les auteurs ont ensuite décliné les grands groupes de En guise de conclusion, nous reprendrons les propos
pathologies médicales ou chirurgicales rencontrées selon d 'Emmanuel Levinas, « dès que l'autre me regarde, j'en
les âges. Dans chaque chapitre, le lecteur pourra trouver les deviens responsable. Le visage oblige, commande : il exige
informations qui lui sont nécessaires, depuis celles concer- réponse, aide, sollicitude ». Pour nous, le regard d'un enfant,
nant les soins à apporter aux maladies les plus habituelles quel qu'il soit, reste le pilier majeur de notre responsabilité
(fréquentes), jusqu'aux soins plus spécifiques adaptés à des qu'il s'agisse de soins, d'enseignement ou de recherche.
pathologies le plus souvent chroniques et complexes.
D'incroyables progrès ont été réalisés au cours de ces
Les coordonnateurs :
dernières années permettant d'améliorer la prise en charge
et la qualité de vie des enfants et des adolescents. Ainsi, la Pr Antoine Bourrillon, Pr Brigitte Chabrol,
disponibilité de nouvelles thérapeutiques pour les enfants présidente du Conseil national professionnel
atteints de maladies rares, les progrès en cancérologie pédia- de pédiatrie, Pr Gérard Chéron, Pr Emmanuel
trique avec l'arrivée de traitements plus ciblés apportant Grimprel, Dr Grégoire Benoist
XI
Auteurs
XIII
XIV Auteurs
Amaddeo Alessandro, praticien hospitalo-universitaire, Bérard Étienne, professeur des universités, praticien
unité fonctionnelle de ventilation non-invasive et du hospitalier, service de néphrologie pédiatrique, GH l'Archet,
sommeil de l'enfant, CHU Necker – Enfants malades, CHU de Nice.
Université Paris Descartes, Paris. Bernard Sophie, praticien hospitalier, service d'ORL et de
Amatore Florent, assistant hôpital-universitaire, service de chirurgie cervico-faciale, CHU Robert Debré, Paris.
dermatologie et cancérologie cutanée, hôpital La Timone, Bernardini Isabelle, chef de clinique des universités –
CHU de Marseille. assistant des hôpitaux, département de chirurgie de l'enfant
Amsellem-Jager Jessica, praticien hospitalier, service et de l'adolescent, hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen.
d'endocrinologie pédiatrique, CHU d'Angers. Berquin Patrick, neuropédiatre, professeur des universités,
Aubertin Guillaume, praticien hospitalier, service de praticien hospitalier, service de neurologie pédiatrique,
pneumopédiatrie, CHU Armand Trousseau, Paris. hôpital Nord, CHU Amiens Picardie.
Audard Vincent, professeur des universités, praticien Bidat Étienne, pneumo-allergologie pédiatrique, cabinet
hospitalier, service de néphrologie et transplantation, CHU médical, Paris.
Henri Mondor, Créteil. Blondé Renaud, chef du service de réanimation polyvalente,
Audic Frédérique, praticien hospitalier, service de CH de Mayotte, Mamoudzou.
neurobiologie pédiatrique, hôpital d'enfants, CHU de la Bodak Nathalie, praticien attaché, service de dermatologie
Timone, Marseille. pédiatrique, CHU Armand Trousseau, Paris.
Bacchetta Justine, professeur des universités, praticien Bois Émilie, chef de clinique des universités – assistant
hospitalier, service de néphrologie pédiatrique, hôpital des hôpitaux, service d'ORL et de chirurgie cervico-faciale,
femme mère enfant, centre de référence des maladies rénales CHU Robert Debré, Paris.
rares, centre de référence des maladies rares du calcium et Bon Saint Côme Marie, praticien hospitalier, service de
du phosphate, Bron, hospices civils de Lyon. psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, CHU d'Angers.
Bachy Manon, maître de conférences des universités, Bonnet Nicolas, pharmacien de santé publique, directeur
praticien hospitalier, service de chirurgie orthopédique du réseau des établissements de santé pour la prévention
et réparatrice de l'enfant, CHU Armand Trousseau, des addictions, responsable de la consultation jeunes
Paris. consommateurs, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Banerjee Ananda, pédiatre, service de pédiatrie- Boucheron Adeline, praticien attaché, service de pédiatrie
néonatalogie, hôpital franco-britannique, Levallois. et urgences pédiatriques, hôpital mère – enfant, CHU de
Barat Pascal, professeur des universités, praticien hospitalier, Nantes.
unité d'endocrinologie et diabétologie pédiatrique, hôpital Boudailliez Bernard, pédiatre, professeur des universités,
des enfants, CHU de Bordeaux. praticien hospitalier, service de pédiatrie médicale et
Baravalle-Einaudi Mélisande, praticien hospitalier, unité médecine de l'adolescent, CHU d'Amiens.
de pneumopédiatrie, hôpital d'enfants, CHU de la Timone, Bouhours Nouet Natacha, praticien hospitalier, service
Marseille. d'endocrinologie et diabétologie pédiatrique, CHU
Basmaci Romain, maître de conférences des universités, d'Angers.
praticien hospitalier, chef du service de pédiatrie urgences, Bourrillon Antoine, professeur émérite, UFR médecine
hôpital Louis Mourier, Colombes. Denis Diderot, Université Paris.
Baudouin Véronique, praticien hospitalier, service de Bouvattier Claire, maître de conférences des universités,
néphrologie pédiatrique, CHU Robert Debré, Paris, Centre praticien hospitalier, service d'endocrinologie pédiatrique,
de référence du syndrome néphrotique idiopathique de CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, faculté de médecine Paris
l'enfant et de l'adulte, Institut Imagine, Université Paris Sud.
Diderot. Boyer Olivia, professeur des universités, praticien
Bégué Pierre, professeur émérite de pédiatrie, Université hospitalier, service de néphrologie pédiatrique, CHU
Pierre et Marie Curie, président honoraire de l'Académie Necker – Enfants malades, Paris, Centre de référence
nationale de médecine. du syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant et de
Beley Gérard, pédiatre, Essey-lès-Nancy, AFPA (Association l'adulte, Institut Imagine, Université Paris Diderot.
française de pédiatrie ambulatoire). Branchereau Étienne, médecin généraliste, Nantes.
Bélien Pallet Valérie, pédiatre, praticien hospitalier, Brémond-Gignac Dominique, professeur des universités,
pédiatre, unité des adolescents, service de pédiatrie, hôpital praticien hospitalier, chef du service d'ophtalmologie, CHU
Jean Verdier, Bondy, maison des adolescents CASITA, Necker – Enfants malades, coordonnateur du centre de
service de pédopsychiatrie, hôpital Avicenne, Bobigny. maladies rares en ophtalmologie Ophtara, coordonnateur
Belot Alexandre, professeur des universités, praticien du centre de recherche clinique CLAIROP n°48, unité CNRS
hospitalier, service de néphrologie, rhumatologie, FR3636, directeur du département d'orthoptie, Université
dermatologie pédiatriques, hôpital femme mère enfant, Paris V René Descartes, Paris.
hospices civils de Lyon, Bron, Inserm U1111, Université de Bresson Violaine, pédiatre, praticien hospitalier,
Lyon. HOSPIDOM, Marseille.
Benoist Grégoire, praticien hospitalier, service de pédiatrie Bronsard Guillaume, pédopsychiatre, professeur des
générale et hôpital de jour d'allergologie, CHU Ambroise universités, praticien hospitalier, service de pédopsychiatrie,
Paré, Boulogne-Billancourt. hôpital de Bohars, CHRU de Brest.
Auteurs XV
Duverger Philippe, professeur des universités, praticien CHU Armand Trousseau, Paris, faculté de médecine,
hospitalier, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de Sorbonne Université, Paris.
l'adolescent, CHU d'Angers. Guigonis Vincent, professeur des universités, praticien
Enaud Raphaël, interne en pédiatrie, service d'hépatologie, hospitalier, chef du service de pédiatrie médicale, hôpital de
gastroentérologie et nutrition pédiatriques, hôpital des la mère et de l'enfant, CHU de Limoges.
Enfants, CHU de Bordeaux. Hazan Myriam, chef de clinique des universités – assistant
Fauroux Brigitte, professeur des universités, praticien des hôpitaux, service des grands enfants, Pédiatrie I, hôpital
hospitalier, unité fonctionnelle de ventilation non-invasive de Hautepierr, CRHU de Strasbourg.
et du sommeil de l'enfant, CHU Necker – Enfants malades, Hemery Floriane, chef de clinique des universités – assistant
Université Paris Descartes, Paris. des hôpitaux, service de néphrologie pédiatrique, dialyse et
Faye Albert, professeur des universités, praticien hospitalier, transplantation rénale, Centre de référence maladies rénales
chef du service de pédiatrie générale, maladies infectieuses rares SORARE, hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU de
et médecine interne, CHU Robert Debré, Paris. Montpellier.
Fila Marc, praticien hospitalier, service de néphrologie Hentgen Véronique, CEREMAIA (Centre de référence
pédiatrique, dialyse et transplantation rénale, Centre de des maladies auto-inflammatoires rares et des amyloses),
référence maladies rénales rares SORARE, hôpital Arnaud service de pédiatrie, CH de Versailles, Le Chesnay.
de Villeneuve, CHU de Montpellier. Hervieux Erik, praticien hospitalier, service de chirurgie
Flaum Valérie, chirurgien pédiatrique, praticien hospitalier, pédiatrique viscérale et néonatale, CHU Armand Trousseau,
service de chirurgie pédiatrique, CH de Luxembourg, Paris.
Luxembourg. Hogan Julien, néphrologue pédiatre, chef de clinique des
Floret Daniel, professeur émérite, Université Claude universités – assistant des hôpitaux, service de néphrologie
Bernard Lyon 1, Bron. pédiatrique, hémodialyse et transplantation rénale, CHU
Foucaud Pierre, pédiatre, service de pédiatrie, hôpital Robert Debré, Paris, Université Paris Diderot.
Mignot, CH de Versailles, Le Chesnay. Hubert Gaëlle, praticien hospitalier, service de pédiatrie
François Martine, praticien hospitalier, service d'ORL et de et urgences pédiatriques, hôpital mère – enfant, CHU de
chirurgie cervico-faciale, CHU Robert Debré, Paris. Nantes.
Freychet Caroline, doctorante, laboratoire HESPER (Health Hullo Églantine, praticien hospitalier, service de pédiatrie,
Service and Performance Research), université Claude CHU Grenoble Alpes.
Bernard, Lyon 1. Ilharreborde Brice, professeur des universités, praticien
Fuger Marilyn, chef de clinique des universités – assistant hospitalier, service de chirurgie infantile à orientation
des hôpitaux, service d'urgences pédiatriques, CHU Necker – orthopédique, CHU Robert Debré, Paris.
Enfants malades, Paris, Université Paris Descartes, Paris. Imbert Patrick, pédiatre, praticien certifié du service de
Fusaro Mathieu, assistant hospitalo-universitaire, centre santé des armées, consultant au Centre de vaccinations
d'étude des déficits immunitaires, CHU Necker – Enfants internationales, hôpital d'instruction des armées Bégin,
malades, Paris. Saint-Mandé.
Gall Olivier, praticien hospitalier, département d'anesthésie Jacquin Paul, pédiatre, praticien hospitalier, unité de
réanimation, CHU Necker – Enfants malades, Paris. médecine de l'adolescent et plateforme de transition
Ganousse Solène, gastro-entérologie et allergologie AD'VENIR, CHU Robert Debré, Paris.
alimentaire pédiatriques, Centre de spécialités pédiatriques Jarreau Pierre-Henri, professeur des universités, praticien
de l'Est parisien, Créteil. hospitalier, service de médecine et réanimation néonatales
Gaudelus Joël, professeur des universités, praticien de Port-Royal, hôpital Cochin, Université de Paris.
hospitalier, service de pédiatrie, hôpital Jean Verdier, Bondy. Jouret Béatrice, praticien hospitalier, unité d'endocrinologie
Gérard Maxime, endocrinopédiatre, praticien hospitalier, pédiatrique, hôpital des enfants, CHU de Toulouse.
service de pédiatrie, hôpital Ambroise Paré, Boulogne- Karila Chantal, pneumopédiatre, praticien hospitalier,
Billancourt, explorations fonctionnelles endocriniennes, service de pneumologie et allergologie pédiatriques, CHU
hôpital Armand Trousseau, Paris. Necker – Enfants malades, Paris.
Girard Muriel, maître de conférences des universités, Kermorvant Elsa, professeur des universités, praticien
praticien hospitalier, unité d'hépatologie pédiatrique, CHU hospitalier, service pédiatrie et réanimation néonatales,
Necker – Enfants malades, Paris. CHU Necker – Enfants malades, Paris, Université Paris
Girard Thomas, praticien hospitalier, responsable de l'unité Descartes, Paris.
Guy Môquet, hôpital Hôtel-Dieu, Paris. Labrune Philippe, professeur des universités, praticien
Gras-Le Guen Christèle, professeur des universités, hospitalier, chef du pôle femme adolescent mère enfant,
praticien hospitalier, chef du service de pédiatrie et urgences chef du service de pédiatrie, hôpital universitaire
pédiatriques, hôpital mère – enfant, CHU de Nantes. Antoine Béclère, Clamart, Paris, Université Paris Sud,
Griffon Lucie, praticien hospitalier contractuel, unité Paris Saclay.
fonctionnelle de ventilation non-invasive et du sommeil de L ajus Marion, inter ne DES p é diat r ie, s er vice
l'enfant, CHU Necker – Enfants malades, Université Paris d'endocrinologie et diabète de l'enfant, CHU Bicêtre, Le
Descartes, Paris. Kremlin-Bicêtre, Centre de référence pour les maladies rares
Grimprel Emmanuel, professeur des universités, praticien du calcium et du phosphate, filière OSCAR et plateforme
hospitalier, service de pédiatrie générale et aval des urgences, d'expertise maladies rares.
Auteurs XVII
Lambert Anne-Sophie, praticien hospitalier, service Mallet Stéphanie, praticien hospitalier, service de
d'endocrinologie et diabète de l'enfant, CHU Bicêtre, Le dermatologie et cancérologie cutanée, hôpital La Timone,
Kremlin-Bicêtre, Centre de référence pour les maladies rares CHU de Marseille.
du calcium et du phosphate, filière OSCAR et plateforme Marcou Valérie, praticien hospitalier, service de médecine
d'expertise maladies rares. et réanimation néonatales de Port-Royal, hôpital Cochin,
Lamireau Thierry, professeur des universités, praticien Paris.
hospitalier, service d'hépatologie, gastroentérologie et Marguet Christophe, pneumopédiatre et allergologue,
nutrition pédiatriques, hôpital des Enfants, CHU de Bordeaux. unité de pneumologie, allergologie et CRCM, département
Laporte Rémi, pédiatre, infectiologue, praticien hospitalier, de pédiatrie et de médecine de l'adolescent, hôpital Charles
permanence d'accès aux soins de santé mère-enfant, Nicolle, CHU de Rouen, CIC Inserm 1404, EA 2656, UFR
Assistance publique – hôpitaux de Marseille. médecine de Rouen, Université de Rouen, Université de
Launay Élise, maître de conférences des universités, Normandie.
praticien hospitalier, service de pédiatrie et urgences Martinot Alain, professeur des universités, praticien
pédiatriques, hôpital mère – enfant, CHU de Nantes. hospitalier, service de pédiatrie générale, urgences et
Le Coz Pierre, professeur des universités en éthique, maladies infectieuses, hôpital Jeanne de Flandre, CHRU et
science, santé et société, Aix-Marseille Université. Université de Lille.
Leblanc Claire, interne en pédiatrie, service de pédiatrie Maruani Annabel, professeur des universités, praticien
générale, Assistance publique des hôpitaux de Paris. hospitalier, service de dermatologie pédiatrique, hôpital
Leboulanger Nicolas, professeur des universités, praticien Trousseau, Centre de référence des maladies rares MAGEC
hospitalier, service d'ORL et de chirurgie cervico-faciale, (maladies génétiques à expression cutanée), CHRU de
CHU Necker – Enfants malades, Paris. Tours.
Lechevallier Joël, professeur des universités, praticien Mas Emmanuel, professeur des universités, praticien
hospitalier, département de chirurgie de l'enfant et de hospitalier, équipe de gastroentérologie, hépatologie,
l'adolescent, hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen. nutrition et maladies héréditaires du métabolisme, hôpital
Leducq Sophie, assistant des hôpitaux, service de des enfants, CHU de Toulouse.
dermatologie pédiatrique, hôpital Trousseau, Centre de Maurin Caroline, médecin conseiller technique auprès du
référence des maladies rares MAGEC (maladies génétiques recteur, Académie de Versailles.
à expression cutanée), CHRU de Tours. Mazenq Julie, chef de clinique des universités – assistant
Lefort Bruno, maître de conférences des universités, des hôpitaux, unité de pneumopédiatrie, hôpital d'enfants,
praticien hospitalier, unité médicochirurgicale de cardiologie CHU de la Timone, Marseille.
pédiatrique, hôpital Clocheville, CHRU de Tours. Michard-Lenoir Anne-Pascale, praticien hospitalier,
Levieux Karine, praticien hospitalier, service de pédiatrie service de pédiatrie, CHU Grenoble Alpes.
et urgences pédiatriques, hôpital mère – enfant, CHU de Michel Gérard, professeur des universités, praticien
Nantes. hospitalier, chef du service d'hématologie, immunologie et
Lezmi Guillaume, praticien hospitalier universitaire, oncologie pédiatrique, hôpital d'enfants, CHU de la Timone,
service de pneumologie et allergologie pédiatriques, CHU Marseille, Aix-Marseille Université.
Necker – Enfants malades, Paris. Milh Mathieu, neuropédiatre, professeur des universités,
Linglart Agnès, professeur des universités, praticien praticien hospitalier, service de neurologie pédiatrique,
hospitalier, service d'endocrinologie et diabète de l'enfant, hôpital La Timone, CHU de Marseille, Aix-Marseille
CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, Centre de référence Université.
pour les maladies rares du calcium et du phosphate, filière Minodier Philippe, praticien hospitalier, service d'urgences
OSCAR et plateforme d'expertise maladies rares. enfants, hôpital Nord, CHU de Marseille.
Lorette Gérard, professeur émérite, Université de Tours, Moulin Florence, praticien hospitalier, service de
service de dermatologie, Centre de référence des maladies réanimation, surveillance continue médicochirurgicale,
rares MAGEC (maladies génétiques à expression cutanée), CHU Necker – Enfants malades, Paris.
CHRU de Tours. Mouterde Olivier, praticien hospitalier, unité d'hépato-
Lorrot Mathie, professeur des universités, praticien gastro-entérologie et nutrition pédiatrique, département de
hospitalier, service de pédiatrie générale et aval des urgences, pédiatrie, hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen, profes-
CHU Armand Trousseau, Paris, faculté de médecine seur associé, Université de Sherbrooke.
Sorbonne Université, Paris. Nancy Javotte, maître de conférences des universités,
Louvigné Mathilde, praticien hospitalier, service de praticien hospitalier, service d'odontologie pédiatrique, GH
pédiatrie, CH Le Mans. Saint-André, CHU de Bordeaux.
Madhi Fouad, service de pédiatrie générale, unité de Nouyrigat Valérie, praticien hospitalier, service d'urgences
nourrissons, jeunes enfants et unité de surveillance pédiatriques, CHU Necker – Enfants malades, Paris.
continue, CHI de Créteil. Ntorkou Alexandra, chef de clinique des universités –
Mahé Emmanuel, service de dermatologie, hôpital Victor assistant des hôpitaux, service d'imagerie pédiatrique, CHU
Dupouy, Argenteuil. Robert Debré, Paris.
Malissen Nausicaa, assistant hospitalo-universitaire, Ouaziz Hayat, chef de clinique des universités – assistant
service de dermatologie et cancérologie cutanée, hôpital La des hôpitaux, service d'imagerie pédiatrique, CHU Robert
Timone, CHU de Marseille. Debré, Paris.
XVIII Auteurs
Pangrani Fabienne, médecin conseiller technique adjoint Rouleau Stéphanie, praticien hospitalier, service
auprès du recteur, Académie de Versailles. d'endocrinologie et diabétologie pédiatrique, CHU
Parat Sophie, praticien hospitalier, service de médecine d'Angers.
et réanimation néonatales de Port-Royal, hôpital Cochin, Rousset-Rouvière Caroline, praticien hospitalier, service
Paris. de pédiatrie multidisciplinaire, hôpital La Timone, CHU de
Parodi Marine, praticien hospitalier, service d'ORL et de Marseille, Aix-Marseille Université.
chirurgie cervico-faciale, CHU Necker – Enfants malades, Roussey Gwenaëlle, praticien hospitalier, chef du service
Paris. de maladies chroniques de l'enfant, hôpital mère – enfant,
Patkai Juliana, praticien hospitalier, service de médecine CHU de Nantes.
et réanimation néonatales de Port-Royal, hôpital Cochin, Salinier Catherine, pédiatre, Gradignan, AFPA (Association
Paris. française de pédiatrie ambulatoire).
Patteau Géraldine, praticien hospitalier, service d'urgences Saultier Paul, chef de clinique des universités – assistant
pédiatriques, CHU Necker – Enfants malades, Paris. des hôpitaux, service d'hématologie, immunologie et
Pech Gourg Grégoire, neurochirurgien pédiatre, praticien oncologie pédiatrique, hôpital d'enfants, CHU de la
hospitalier, service de neurochirurgie infantile, hôpital Timone, Marseille, Aix-Marseille Université, C2VN,
d'enfants, CHU de la Timone, Marseille. Inserm, Inra, Marseille.
Pérel Yves, professeur des universités, praticien hospitalier, Sermet-Gaudelus Isabelle, professeur des universités,
service d'onco-hématologie pédiatrique, GH Pellegrin, praticien hospitalier, service de pneumologie et allergologie
CHU de Bordeaux. pédiatrique, centre de référence maladies rares
Perrin Justine, chef de clinique des universités – assistant mucoviscidose et maladies de CFTR, CHU Necker – Enfants
des hôpitaux, service de pédiatrie multidisciplinaire, malades, Paris.
hôpital La Timone, CHU de Marseille, Aix-Marseille Sorge Frédéric, praticien attaché, Centre de vaccinations
Université. internationales, CHU Robert Debré, consultation
Picard Capucine, professeur des universités, praticien d'adoption, CHU Necker – Enfants malades, Paris.
hospitalier, centre d'étude des déficits immunitaires, CHU S o u l é Nat h a l i e , p r a t i c i e n h o s p i t a l i e r, u n i t é
Necker – Enfants malades, Paris. médicochirurgicale de cardiologie pédiatrique, hôpital
Picherot Georges, ancien chef du service de pédiatrie, CHU Clocheville, CHRU de Tours.
de Nantes. Stheneur Chantal, professeure agrégée de clinique,
Pietrement Christine, professeur des universités, praticien Université de Montréal, chef de pôle médecine de
hospitalier, service de pédiatrie générale et spécialisée, unité l'adolescent, fondation Santé des étudiants de France.
de néphrologie pédiatrique, hôpital américain, CHU de Tamalet Aline, praticien attachée, service de pneumologie
Reims. pédiatrique, CHU Armand Trousseau, Sorbonne Universités
Quartier Pierre, professeur des universités, praticien UPMC 06, Inserm, Paris, centre de pneumologie de l'enfant,
hospitalier, unité d'immunologie-hématologie et Boulogne-Billancourt.
rhumatologie pédiatriques, CHU Necker – Enfants malades, Tanné Corentin, praticien hospitalier, service de pédiatrie,
Université Paris-Descartes, Institut Imagine et Centre de Hôpitaux du Pays du Mont-Blanc, Sallanches.
référence national maladies rares pour les rhumatismes Tauber Maïthé, professeur des universités, praticien
inflammatoires et les maladies auto-imuunes systémiques hospitalier, unité d'endocrinologie pédiatrique, hôpital des
de l'enfant « RAISE », Paris. enfants, CHU de Toulouse.
Quinet Béatrice, ancien praticien hospitalier, CHU Armand Teissier Natacha, professeur des universités, praticien
Trousseau, Paris. hospitalier, service d'ORL et de chirurgie cervico-faciale,
Ranchin Bruno, praticien hospitalier, service de néphrologie CHU Robert Debré, Paris.
pédiatrique, hôpital femme mère enfant, hospices civils de Thierry Briac, praticien hospitalier, service d'ORL et de
Lyon. chirurgie cervico-faciale, CHU Necker – Enfants malades,
Reynaud Rachel, professeur des universités, praticien Paris.
hospitalier, service d'endocrinologie et diabétologie Thouvenin Guillaume, praticien hospitalier, service
pédiatrique, hôpital La Timone, CHU de Marseille. de pneumologie pédiatrique, CHU Armand Trousseau,
Riblier Estelle, médecin de PMI, Direction des familles et Paris.
de la petite enfance de la ville de Paris. Timsit Sandra, praticien hospitalier, service d'urgences
Riquin Élise, praticien hospitalier, chef du service de pédiatriques, CHU Necker – Enfants malades, Paris.
psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, CHU d'Angers. Toubiana Julie, maître de conférences des universités,
Rosain Jérémie, assistant hospitalo-universitaire, centre praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et maladies
d'étude des déficits immunitaires, CHU Necker – Enfants infectieuses, CHU Necker – Enfants malades, Paris.
malades, Paris. Tsimaratos Michel, professeur des universités, praticien
Rouget Sébastien, praticien hospitalier, chef du service de hospitalier, chef du service de pédiatrie multidisciplinaire,
pédiatrie, CH sud-francilien, Corbeil-Essonnes. hôpital La Timone, CHU de Marseille, Aix-Marseille
Rouillon Isabelle, praticien hospitalier, service d'ORL et de Université.
chirurgie cervico-faciale, CHU Necker – Enfants malades, Turck Dominique, professeur des universités, praticien
Paris. hospitalier, unité de gastro-entérologie, hépatologie et
Auteurs XIX
nutrition, clinique de pédiatrie, pôle enfant, hôpital Jeanne Vié le Sage François, pédiatre, Aix-Les-Bains, AFPA
de Flandre, CHRU de Lille, faculté de médecine, Université (Association française de pédiatrie ambulatoire), Infovac,
de Lille, LIRIC-Inserm U995, Lille. GPIP.
Urbina Diego, praticien hospitalier, service de pédiatrie Villeneuve Nathalie, neuropédiatre, praticien hospitalier,
spécialisée et médecine infantile, hôpital d'enfants, CHU de service de neurologie pédiatrique, centre de ressource
la Timone, Marseille. autisme, service de pédopsychiatrie, hôpital d'enfants, CHU
Vadot Amélie, assistante, département de chirurgie de l'enfant de la Timone, Marseille.
et de l'adolescent, hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen. Vrignaud Bénédicte, praticien hospitalier, service de
Valleteau de Moulliac Jérôme, pédiatre, Paris. pédiatrie et urgences pédiatriques, hôpital mère – enfant,
Vautier Vanessa, praticien hospitalier, s er vice CHU de Nantes.
d'endocrinologie et diabétologie pédiatrique, unité Vrillon Isabelle, praticien hospitalier, service de pédiatrie,
d'endocrinologie et diabétologie pédiatriques, hôpital des hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy.
enfants, CHU de Bordeaux. Wastiaux Armelle, assistant hospitalo-universitaire, unité
Ventéjou Sarah, assistant hospitalo-universitaire, service Guy Môquet, hôpital Hôtel-Dieu, Paris.
de dermatologie pédiatrique, hôpital Trousseau, CHRU de Zaloszyc Ariane, maître de conférences des universités,
Tours. praticien hospitalier, service des grands enfants, Pédiatrie I,
Vialle Raphaël, professeur des universités, praticien hôpital de Hautepierre, CRHU de Strasbourg.
hospitalier, chef du service de chirurgie orthopédique et Zokou Hyacinthe, praticien hospitalier, département de
réparatrice de l'enfant, CHU Armand Trousseau, Paris, chirurgie de l'enfant et de l'adolescent, hôpital Charles
Sorbonne Université, Paris. Nicolle, CHU de Rouen.
Abréviations
XXI
XXII Abréviations
BNDMR Banque nationale de données maladies CLOVES Congenital Lipomatous asymetric Over-
rares growth of the trunk with lymphatic, capil-
BNL Bilirubine non liée lary, Venous and combined type vascular
BNM Besoin nutritionnel moyen malformations, Epidermal naevi, Scoliosis/
BPCO Bronchopneumopathie chronique obs- skeletal and spinal anomalies
tructive CLU Cortisol libre urinaire
BTC Bilirubinomètre transcutané CMI Carte mobilité inclusion
BTK Bruton'Tyrosine Kinase CMI Concentration minimale inhibitrice
BU Bandelette urinaire CMP Centre médicopsychologique
C1G Céphalosporine de 1re génération CMPP Centre médico-psycho-pédagogique
C2G Céphalosporine de 2e génération CMU Couverture maladie universelle
C3G Céphalosporine de 3e génération CMUc Couverture maladie universelle complé-
CACI Certificat d'absence de contre-indication mentaire
CAE Conduit auditif externe CMV Cytomégalovirus
CAKUT Congenital Anomalies of Kidney and Uri- CNAM Caisse nationale de l'assurance maladie
nary Tract CNAMTS Caisse nationale de l'assurance maladie
CAMSP Centre d'action médicosociale précoce des travailleurs salariés
CAST Cannabis Abuse Screening Test CNED Centre national d'enseignement à distance
CATCH Canadian Assessment of Tomography for CNR Centre national de référence
Childhood Head injury CO Contraception orale
CAV Canal atrioventriculaire CoA Coenzyme A
CBCL Child Behavioral Checklist COEP Contraception orale œstroprogestative
CC Commotion cérébrale CPAP Continuous Positive Airway Pressure
CCMR Centre de compétence maladies rares CPE Carie précoce de l'enfance
CDAPH Commission des droits et de l'autonomie CPK Créatine-phosphokinase
des personnes handicapées CR Centre régulateur
CDOS Centre de diagnostic et d'orientation pour CRA Centre ressources autisme
la surdité CRAT Centre de référence sur les agents térato-
CDRS Children's Depression Rating Scale gènes
CE Corps étranger CRC Centre de ressources et de compétences
CEE Choc électrique externe CRI Club rhumatisme et inflammation
CépiDC Centre d'épidémiologie sur les causes CRIP Cellule de recueil des informations préoc-
médicales de décès cupantes
CEREDIH Centre de référence déficits immunitaires CRMIN Centre de référence de la mort inattendue
héréditaires du nourrisson
CEREMAIA Centre de référence des maladies auto- CRMR Centre de référence maladies rares
inflammatoires rares et des amyloses CRP C-réactive protéine
CESC Comité d'éducation à la santé et à la CS Cholangite sclérosante
citoyenneté CSAPA Centre de soins, d'accompagnement et de
CF Crise fébrile prévention en addictologie
CFTMEA Classification française des troubles men- CSO Centre spécialisé en obésité
taux de l'enfant et de l'adolescent CSP Code de la santé publique
CGD Granulomatose septique chronique CTV Comission technique des vaccinations
CHH Comparative Genomic Hybridization CV Charge virale
CHALICE Children's Head injury Algorithm for the CVE Carnet de vaccination électronique
prediction of Important Clinical Events CVF Capacité vitale forcée
CHARGE Coloboma, Heart defects, Atresia choanae, CY-BOCS Children's Yale-Brown Obsessive-Compul-
Retardation of growth and development, sive Scale
Genitourinary problems, Ear abnormalities DA Douleur abdominale
CHEOPS Children's Hospital of Eastern Ontario DAN Douleur aiguë du nouveau-né
Pain Scale DASEN Directeur académique des services de
CIA Communication interatriale l'Éducation nationale
CIM Classification internationale des maladies DBAI Dermatose bulleuse auto-immune
CINCA Chronique, infantile, neurologique, DBP Dysplasie bronchopulmonaire
cutané, articulaire DCCNa Dichloro-isocyanurate de sodium
CIO Centre intégré obésité DCI Dénomination commune internationale
CIV Communication interventriculaire DCNS Diarrhée chronique non spécifique
CIVD Coagulation intravasculaire disséminée DCV Dysfonctionnement des cordes vocales
CJC Consultation jeunes consommateurs DDB Dilatation de bronches
CLAT Centre de lutte antituberculeuse DE Dépense énergétique
Abréviations XXIII
Évaluation hospitalière
Terrain à risque
ou signes de gravité
Évaluation
Oui
hospitalière
Terrain à risque (urgences) Prise en charge
ou signes Oui
Âge > 3 mois spécifique selon le
de gravité
Chapitre
> 72 heures
Non Traitement
symptomatique
3
Fig. 1.1 Arbre décisionnel devant une fièvre aiguë du nourrisson. BU : bandelette urinaire ; CRP : C-réactive protéine ; TAS : ; TRC : temps de recoloration cutanée.
4 Partie I. Orientation diagnostique
Tableau 1.1 Critères de gravité et terrain à risque d'une fièvre aiguë du nourrisson.
Critères de gravité
Signes de défaillance vitale Signes en faveur d'une étiologie sévère
Neurologiques – Signes de détresse respiratoire sévère (pneumonie, pleuropneumopathie)
– Trouble de la conscience – Troubles hémodynamiques (sepsis)
– Trouble du comportement (cri plaintif, – Purpura fébrile (infection à méningocoque)
geignement)
– Érythème diffus (syndrome toxinique)
Respiratoires
– Anomalies du tonus et troubles de la conscience (méningite, méningo-encéphalite)
– Polypnée
– Douleur cutanée et/ou à la mobilisation d'un membre (infection cutanée,
– Signes de lutte
ostéoarticulaire)
– Geignement expiratoire (grunting)
– Selles glairosanglantes avec douleurs et forte fièvre (diarrhée bactérienne)
Hémodynamiques
– Tachycardie
– TRC allongé
– Pouls petit, filant
– Extrémités froides
– Coloration pâle, grise
– PAS abaissée
Terrain à risque
Fièvre prolongée
Douleur localisée Signes cutanés, Altération de l'état général Bilan de 1re ligne
Signes d'appel muqueux, Pâleur – NFS, plaquettes, réticulocytes
– ORL articulaires, Purpura – CRP, VS
– Respitatoires musculaires, etc. Syndrome tumoral – BU, ECBU
– Digestifs ganglionnaire, abdominal, etc. – ± radiographie thoracique
– Ostéoarticulaires – ± échographie abdominale
– Cutanés
– Etc.
Anormal Normal
Surveillance clinique
Réoriente Ne réoriente pas ± biologique
Selon le diagnostic
et la gravité
Persistance
Hospitalisation nécessaire Évoquer de principe : thermopathomimie,
fièvre médicamenteuse, etc.
Fig. 1.2 Arbre décisionnel devant une fièvre prolongée de l'enfant. BU : bandelette urinaire ; CRP : C-réactive protéine ; ECBU : examen
cytobactériologique des urines ; NFS : numération formule sanguine ; VS : vitesse de sédimentation.
6 Partie I. Orientation diagnostique
Fièvres répétées ou récidivantes
Périodique
Sans périodicité
(3−6 semaines) – Absence de périodicité
– Épisodes fébriles récurrents périodiques (intervalle 3 à 6 semaines) – Origine familiale géographique/ethnique à risque (Arménie,
– Fièvre élevée, durée 3 à 7 jours Turquie, Maghreb, Sépharade)
– Pharyngite ou amygdalite érythémateuse ou érythémato-pultacée – Antécédent familial de FMF
(TDR streptocoque A négatif), adénopathies cervicales, aphtes FMF – Fièvre élevée, durée 2 à 3 jours
buccaux (plus rares) PFAPA – Signes d'inflammation des séreuses (douleurs abdominales,
– Guérison spontanée entre les épisodes et autres thoraciques, douleurs articulaires/arthrite), signes cutanés
– Syndrome inflammatoire clinique (douleurs diffuses, anorexie, (pseudo-érisypèle)
asthénie) et biologique (CRP souvent très élevée)
maladies génétiques – Absence d'angine, d’aphte, de rash, d'adénopathie
– Réponse à une dose unique de corticoïde (1 mg/kg) – Guérison spontanée entre les épisodes
– Syndrome inflammatoire biologique (CRP souvent très élevée)
– Absence de réponse aux corticoïdes
Fig. 1.3 Arbre décisionnel devant des fièvres répétées ou récidivantes de l'enfant. CRP : C-réactive protéine ; FMF : fièvre méditerranéenne familiale ; Ig : immunoglobuline ; NFS : numération
formule sanguine ; PFAPA : Periodic Fever, Aphthous Stomatitis, Pharyngitis, and Cervical Adenitis ; TDR : test de diagnostic rapide.
Chapitre 1. Symptômes et signes 7
Bilatéral
Guillain-Barré
Début subaigu Unilatéral
Abolition des ROT
AVC : hospitalisation en urgence
Douleurs à l'élongation des Ml
dans un centre référent régional AVC
PL de l'enfant
Myélite
Début aigu, post-infectieux Post-critique
Abolition des ROT
Niveau sensitif Éliminer cause orthopédique
Douleurs rachidiennes (le plus souvent douloureuse)
IRM médullaire Fracture sous-périostée
Compression médullaire Rhume de hanche, ostéochondrite
Pas de contexte infectieux primitive
IRM médullaire Ostéomyélite aiguë
Arthrite septique
Myosite
Contexte viral (grippe +++)
Dosage CPK
Éliminer cause orthopédique
(le plus souvent douloureuse)
Spondylodiscite
Ataxie aiguë
Fig. 1.4 Arbre décisionnel devant des troubles de la marche aigus d'origine neurologique. AVC : accident vasculaire cérébral ;
CPK : créatine-phosphokinase ; EBV : Epstein-Barr Virus ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; MI : membres inférieurs ; PL : ponction lom-
baire ; ROT : réflexes ostéotendineux.
Chapitre 1. Symptômes et signes 9
Tableau 1.2 Conduite à tenir devant une perte de connaissance brève du grand enfant.
Circonstances Douleur, émotion, Effort Antécédents Épisode identique Contexte
stress, chaleur, foule, familiaux : antérieur psychologique, stress,
confinement cardiopathie, surdité, anxiété
mort subite
Signes avant Faiblesse Palpitations Absence de Sémiologie riche
Flou visuel Douleurs thoraciques prodromes et incohérente ou
Vertiges discordante
Sueurs
Signes après Sueurs, pâleur, 0 0 Mouvements Plaintes
nausées, asthénie Obnubilation fonctionnelles
postcritique multiples
Diagnostic évoqué Malaise vagal Syncope d'effort Pas d'orientation Épilepsie Conversion
Bilan 0 ECG Bilan cardiologique EEG Pas en 1re intention
Échocardiographie
Holter d'effort
Suivi Pronostic bénin Suivi selon résultat du Suivi selon résultat du Orientation Suivi psychologique
Récidives bilan cardiologique bilan cardiologique neuropédiatrique Récidives ±
ECG : électrocardiogramme ; EEG : électroencéphalogramme.
Occasionnelle Céphalée Récidivante
Oui Non
HTA ?
Toxiques ?
* Attention : un FO normal n'élimine pas une HTIC Post-traumatique ? Migraine Céphalées de tension
** Liste non exhaustive
Fig. 1.5 Arbre décisionnel devant une céphalée de l'enfant. Imagerie cérébrale : tomodensitométrie ou IRM. FO : fond d'œil ; HTIC : hypertension intracrânienne ; HTA : hypertension artérielle.
Chapitre 1. Symptômes et signes 11
Ne pas oublier :
Kawasaki
Toxidermies médicamenteuses
Maladies systémiques (ACJ, lupus,
dermatomyosite, etc.)
Fig. 1.6 Arbre décisionnel devant une éruption fébrile de l'enfant. ACJ : arthrite chronique juvénile ; CMV : cytomégalovirus ; DRESS : Drug
Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms ; EBV : Epstein-Barr Virus ; SSSS : Staphylococcal Scalded Skin Syndrome ; TSS : Toxic Shock
Syndrome.
12 Partie I. Orientation diagnostique
Critères de gravité* ?
Rechercher un
OUI trouble hémodynamique
NON : étiologie ?
Assurer la liberté
des voies aériennes Dyspnée Dyspnée
obstructive non obstructive
Proclive
Appel SAMU
O2 ± VNI, IOT
Fig. 1.7 Arbre décisionnel devant une dyspnée aiguë du nourrisson. FR : fréquence respiratoire ; IOT : intubation orotrachéale ; PaCO2 et
PaO2 : pressions partielles en dioxyde de carbone et en oxygène du sang artériel ; SaO2 : saturation en oxygène ; VAI et VAS : voies aériennes
inférieures et supérieures ; VNI : ventilation non invasive.
Chapitre 1. Symptômes et signes 13
En rouge : affections se révélant plus spécifiquement ou plus fréquemment chez le jeune enfant par des douleurs abdominales
Fig. 1.8 Arbre décisionnel devant une douleur abdominale aiguë du nourrisson et du jeune enfant (moins de 3 ans).
14 Partie I. Orientation diagnostique
Fig. 1.9 Arbre décisionnel devant une douleur abdominale aiguë de l'enfant de plus de 3 ans. FID : fosse iliaque droite ; HCD : hypocondre droit.
Chapitre 1. Symptômes et signes 15
Allergie ?
Intolérance
au gluten ?
Diarrhée ? Fièvre ? Vomissements verts, Augmentation du PC, Hépatomégalie, troubles
douleurs abdominales, anomalie de conscience ou
arrêt matières et gaz, neurologique, psychiatrique, cassure
météorisme abdominal hypotonie, de croissance,
céphalées, hypoglycémie,
convulsion acidocétose diabétique,
GEA
insuffisance
surrénalienne,
hyperammoniémie,
acidose lactique, cétose,
Infections etc.
extradigestives*
Maladies
Occlusions Neurologique métaboliques
Paludisme intestinales HTIC et endocriniennes
* Toute infection chez l'enfant peut s'accompagner de vomissement (otite, infection urinaire, pneumonie, etc.)
Fig. 1.10 Arbre décisionnel devant des vomissements aigus de l'enfant. GEA : gastro-entérite aiguë ; HTIC : hypertension intracrânienne ;
PC : périmètre crânien.
Toux chronique de l'enfant
Anamnèse, examen clinique 2 Anamnèse, examen clinique, aide d'une vidéo familiale 2
Signes de toux spécifique ? Cliché thorax face inspiration (± expiration) si non réalisé 4
Signes d'alerte ? 3
Oui Non
Signes de toux spécifique Pas d'éléments d'orientation
Pas de signes d'alerte
Signes d'alerte 3
Toux spécifiques 6
Toux non spécifiques 8
Fig. 1.11 Arbre décisionnel devant une toux chronique de l'enfant. DDB : dilatation des bronches ; EFR : épreuves fonctionnelles respiratoires ; RGO : reflux gastro-œsophagien. Les numéros
sont détaillés dans le chapitre 25. Benoist G, Thouvenin G. Toux chronique de l'enfant. Perfectionnement en pédiatrie. Pas à pas 2019. Arch Pediatr. 2019 ; 2 (sup. 1) : S51–S59.
ADÉNOPATHIES SUPERFICIELLES DE L'ENFANT
Fig. 1.12 Arbre décisionnel devant des adénopathies (ADP) superficielles de l'enfant. ATB : antibiothérapie ; CMV : cytomégalovirus ; CRP : C-réactive protéine ; EBV : Epstein-Barr Virus ; IDR :
intradermoréaction ; NFS : numération formule sanguine ; PFAPA : Periodic Fever, Aphthous Stomatitis, Pharyngitis, and Cervical Adenitis ; VIH : virus de l'immunodéficience humaine ; VS : vitesse
de sédimentation.
18 Partie I. Orientation diagnostique
Malaise du nourrisson récent
Perte de connaissance ou accès soutenu de cyanose ou troubles du tonus prolongés
Signes de gravité lors du 1 er examen médical Préciser circonstances de survenue et examen clinique
• Troubles de conscience, de l'interaction, signe neurologique focalisé
• Détresse ou insuffisance respiratoire
• Trouble hémodynamique
Présents
Circonstances de survenue Examen clinique
Fièvre Cf. fig. 1.1 • Antécédents familiaux : décès subit, affection cardiologique,
SMUR et SAU Crise épileptique Cf. fig. 1.16 neurologique, surdité
Facteur déclenchant, traumatisme et pleurs Spasme du sanglot • Antécédents personnels : notamment
immédiats 1er épisode ou récidive
Fausse route, toux, cyanose Inhalation CE • Courbe de PC : si anormale imagerie cérébrale
Pleurs paroxystiques et refus alimentaire IIA • Température : si fièvre cf. fig. 1.1
Effort, bain, bruit, vidéo Bilan cardiologique (QT long) et EEG
Bilan pour documenter la gravité de l'épisode, et à visée étiologique, au mieux fait
à l'hôpital, sans retard, en prévenant le SAU ou le service de pédiatrie de l'arrivée
Pathologie
de la famille, en expliquant à la famille les raisons du bilan spécifique
(recherche de gravité, d'une étiologie)
Non Oui
Oui
Non
Fig. 1.14 Arbre décisionnel devant un ictère du nouveau-né (NN). CMV : cytomégalovirus ; CRP : C-réactive protéine ; EBV : Epstein-Barr Virus ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ;
G6PD : glucose-6-phosphate-déshydrogénase ; NFS : numération formule sanguine.
20 Partie I. Orientation diagnostique
Trouble du neurodéveloppement
Anamnèse
Examen clinique Déficit auditif
Bilan sensoriel et/ou visuel
Évaluation Consultation
Consultation neuropédiatrie
et prise en charge neuropédiatrie/
IRM cérébrale
spécifique génétique
Fig. 1.15 Arbre décisionnel devant un trouble du neurodéveloppement. IRM : imagerie par résonance magnétique ; PC : périmètre crânien.
Première crise d'épilepsie chez l'enfant
Réticulocytes
Morphologie des érythrocytes (dont VGM)
Haptoglobuline, bilirubine
Ferritinine CRP ou VS Frottis sanguin : morphologie cellules
Autres dosages utiles : créatininémie, plomb Coombs
Électrophorèse Hb, dosage G6PD
Fig. 2.1 Arbre décisionnel devant une anémie de l'enfant. AHAI : anémie hémolytique auto-immune ; CRP : C-réactive protéine ; G6PD :
glucose-6-phosphate-déshydrogénase ; GR : globules rouges ; Hb : hémoglobine ; PK : pyruvate-kinase ; SHU : syndrome hémolytique et urémique ;
VGM : volume globulaire moyen ; VS : vitesse de sédimentation.
Apprécier l'urgence
Surveillance et suivi
Fig. 2.2 Arbre décisionnel devant une neutropénie de l'enfant. HTA : hypertension artérielle ; Ig : immunoglobulines ; NK : Natural Killer.
D'après CNR – Neutropénies chroniques (www.neutropenie.fr).
24 Partie I. Orientation diagnostique
PURPURA
Enfant totalement déshabillé – Température – Constantes hémodynamiques
Hématurie
Bandelette urinaire
Positive Négative
lonogramme, urée,
créatinine, NFS plaquettes, ECBU (cystite)
protéinurie, créatininurie ± imagerie (échographie
± imagerie rénale et vésicale)
et bilan immunologique
Fig. 2.4 Arbre décisionnel devant une hématurie de l'enfant. ECBU : examen cytobactériologique des urines ; NFS : numération formule
sanguine ; PA : pression artérielle.
Chapitre 2. Anomalies d'examen clinique ou biologique 25
Protéinurie ≥ 1 + à la BU
Recontrôler la BU
Dosage du rapport PU/créatinine urinaire
ou protéinurie des 24 h
Adresser au néphrologue
Positive Négative
pédiatre
Fig. 2.5 Arbre décisionnel devant la découverte fortuite d'une protéinurie (PU) de l'enfant. En dehors de ce contexte, les signes d'appel
(œdème, hypertension artérielle) sont de type néphrologique (cf. chapitre 20). BU : bandelette urinaire ; PA : pression artérielle.
Chapitre
3
Imagerie
Coordonné par Marianne Alison
Hayat Ouaziz, Alexandra Ntorkou
PLAN DU CHAPITRE
Bonnes pratiques en imagerie pédiatrique . . . 26 Radiographie thoracique . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
L'imagerie a une place importante dans la démarche diag ■ la substitution, qui consiste à privilégier les modalités
nostique en pédiatrie. d'imagerie non irradiantes (échographie et IRM) quand
Son juste usage nécessite une bonne connaissance des elles peuvent répondre à la question posée ;
possibilités et des limites des différentes techniques dispo ■ l'optimisation, fondée sur la démarche ALARA « aussi
nibles. La justification des examens d'imagerie s'appuie sur bas que raisonnablement possible », qui consiste à opti
les référentiels de recommandations pour les professionnels miser les paramètres d'acquisition de façon à avoir non
de santé, notamment sur le Guide de bon usage des exa pas une « belle image » mais une image informative per
mens d'imagerie médicale, élaboré sous l'égide de la Société mettant le diagnostic.
française de radiologie et de la Société française de bio
physique et de médecine nucléaire en concertation avec la
Haute autorité de santé et de l'Autorité de sûreté nucléaire. Techniques
Le niveau de preuve scientifique et l'importance de l'expo Radiographie standard
sition aux rayonnements ionisants sont mentionnés pour La radiographie conventionnelle garde une place importante en
chaque indication. Ces recommandations répondent aux pédiatrie, notamment pour l'exploration du thorax et du sque
objectifs de radioprotection des enfants, en raison de leur lette. Elle correspond à la moitié des actes réalisés en pédiatrie.
plus grande sensibilité aux rayonnements ionisants. Des techniques de contention (coussins de mousse, sacs de
La bonne connaissance de l'aspect normal en fonction de sable, sangles velcro, craniostat pour le crâne, chaises spéci
l'âge est également un prérequis indispensable à une bonne fiques pour les radiographies de thorax) permettent de dimi
interprétation des images. nuer les artefacts de mouvement et d'améliorer ainsi la qualité.
Des planchettes de plexiglas et des bandes de gaze per
mettent d'immobiliser les jeunes enfants pour des examens
Bonnes pratiques en imagerie plus complexes (opacifications digestives ou urinaires en
pédiatrique fluoroscopie).
Les progrès technologiques permettent de diminuer les
Principes de radioprotection doses (capteurs plans, technique EOS).
La sensibilité des fœtus et des enfants aux rayonnements ioni Lorsque les paramètres sont optimisés en fonction de
sants est nettement supérieure à celle des adultes en raison l'âge et du poids du patient, les doses délivrées par une
d'une croissance cellulaire plus importante et d'une espérance radiographie standard sont équivalentes à quelques jours
de vie plus longue. L'exposition aux rayonnements ionisants d'irradiation naturelle.
augmente le risque de développer un cancer radio-induit.
Les principes de radioprotection doivent donc être encore Échographie doppler
plus rigoureux en pédiatrie. Ils reposent sur trois principes L'échographie est une technique fondée sur les ultrasons,
fondamentaux : très utilisée en pédiatrie car indolore, sans effet secondaire,
■ la justification, qui consiste à évaluer l'indication de réalisable sans sédation, y compris au lit du malade. Les
chaque examen en termes de bénéfice/risque pour l'en sondes de haute fréquence utilisées en routine en pédiatrie
fant. Le médecin demandeur et le radiologue réalisant permettent d'avoir une excellente résolution spatiale, supé
l'acte peuvent se fonder sur le référentiel. Un examen rieure à celle de l'imagerie en coupe. La faible épaisseur
utile pour le patient est un examen qui modifiera la prise pariétale et l'absence de graisse intra-abdominale rendent
en charge du patient, qu'il soit positif ou négatif ; cette technique beaucoup plus performante que le scanner
pour l'exploration de l'abdomen en pédiatrie. Elle a égale déplacement ou d'échauffement), d'un pacemaker ou d'un
ment l'avantage de permettre une analyse dynamique en défibrillateur (en l'absence de carte de compatibilité pour le
temps réel (péristaltisme intestinal). Elle est limitée par les champ magnétique concerné 1,5 ou 3 T).
interfaces osseuses, aériques (distension aérique abdomi Des séquences d'angiographie, sans injection de produit
nale) et graisseuses (obésité). de contraste, permettent d'analyser la morphologie des vais
Le mode doppler permet une analyse de la vascularisa seaux (angiographie artérielle ou veineuse).
tion et l'enregistrement du flux sanguin : sens de circulation L'injection de produit de contraste (chélate de gadoli
des vaisseaux, spectre artériel ou veineux, vitesse, index de nium) est nécessaire pour rechercher une prise de contraste
résistance. Des nouveaux modes doppler ultrarapide per principalement dans un contexte infectieux, inflammatoire
mettent désormais de détecter avec une plus grande sensibi ou tumoral. Seuls les chélates de gadolinium macrocycliques,
lité des flux de plus en plus lents. les plus stables, ont l'AMM en pédiatrie (acide gadotérique,
De nouvelles modalités permettent également de mesu gadobutrol). Les contre-indications à l'injection de chélate
rer l'élasticité correspondant à la « dureté » tissulaire (en de gadolinium sont les antécédents d'allergie au produit de
kPa). Cette technique est notamment utile pour le suivi des contraste, l'insuffisance rénale sévère (clairance < 30 mL/min)
pathologies hépatiques chroniques. ou l'insuffisance hépatique en raison du risque de fibrose
Le temps d'examen est de l'ordre de 15–20 minutes en systémique néphrogénique. Des dépôts tissulaires de chélate
moyenne, parfois plus pour des examens complexes. de gadolinium ont été mis en évidence, notamment dans les
noyaux gris centraux, chez les patients ayant reçu des injec
Tomodensitométrie tions répétées de chélate de gadolinium. Si aucune relation
Elle est rarement utilisée en 1re intention chez l'enfant. Les n'a encore été rapportée entre ces anomalies de signal et
indications doivent toujours être pesées en termes de béné d'éventuels symptômes, le principe de précaution incite à
fice/risque car cette technique, reposant sur les rayons X, être plus restrictif dans les indications d'injection, notam
délivre des doses très supérieures à la radiologie conven ment pour le suivi des pathologies chroniques.
tionnelle, de l'ordre de quelques mois à quelques années
d'irradiation naturelle en fonction de l'organe exploré. Imagerie du système nerveux central
La durée d'acquisition des images est de l'ordre de Technique
quelques secondes, ce qui en fait une modalité d'imagerie
Échographie transfontanellaire (ETF)
accessible en urgence, sans sédation (traumatisme crânien,
polytraumatisme, etc.). Elle est possible avant 6-8 mois (idéalement avant 3 mois) tant
La tomodensitométrie reste une technique utile pour que la fontanelle antérieure est ouverte. Elle est l'examen de
l'analyse fine du parenchyme pulmonaire et pour l'analyse choix pour le suivi des prématurés permettant de rechercher
des structures osseuses comme le rocher. avec une bonne sensibilité les lésions hémorragiques (sous-
L'injection de produit de contraste iodé est souvent épendymaire, intraventriculaire ou intraparenchymateuse)
nécessaire (scanner abdominal, scanner thoracique pour (fig. 3.1). Elle ne permet pas une analyse satisfaisante des
exploration du médiastin, pathologie neurologique aiguë espaces péricérébraux et de la convexité, et n'est donc pas adap
non traumatique) nécessitant la pose d'une voie veineuse. tée pour la recherche d'hématome sous-dural ou extradural.
Les principaux risques de l'injection de produit de contraste Les coupes par voie transmastoïdienne permettent de
iodé sont l'extravasation du produit de contraste dans les tis mieux analyser la fosse postérieure.
sus mous, l'aggravation d'une insuffisance rénale (néphro
toxicité), le risque allergique (choc anaphylactique), rare Échographie médullaire
mais imprévisible. L'échographie de la moelle épinière et du canal sacré est
En dehors du contexte d'urgence, la sédation peut être possible avant l'ossification des arcs postérieurs, soit avant
nécessaire chez les jeunes enfants (6 mois – 5 ans) pour évi l'âge de 3–4 mois, idéalement avant 2 mois. Elle s'effectue
ter les artefacts de mouvement. avec une sonde de haute fréquence.
Le cône médullaire a une terminaison effilée et doit être
Imagerie par résonance magnétique (IRM) situé au-dessus de L3.
L'IRM repose sur le phénomène de résonance magnétique Il existe des variantes de la normale : dilatation du ventri
nucléaire des protons de l'eau. Ces protons sont soumis à un cule terminal (5e ventricule).
champ magnétique extérieur et à une excitation électroma
gnétique (onde de radiofréquence) et la réponse enregistrée IRM
va permettre de créer une image. Cette modalité d'imagerie L'IRM est la technique de choix pour l'exploration mor
est non irradiante et dispose d'une excellente résolution en phologique et fonctionnelle du cerveau. Sa résolution en
contraste. Il s'agit cependant d'un examen bruyant et long contraste supérieure à celle du scanner permet une meil
(entre 20 et 40 minutes selon les indications), nécessitant une leure analyse du ruban cortical, de la différenciation cor
immobilité parfaite de l'enfant et donc une sédation pour les tico-sous-corticale, des anomalies de signal de la substance
plus jeunes (entre 4–6 mois et 5 ans), voire une anesthésie blanche ou des noyaux gris centraux. C'est la technique
générale pour les enfants plus grands non coopérants. de choix pour étudier la gyration et la myélinisation, pour
Les contre-indications à l'IRM sont la présence d'un l'analyse des structures de la ligne médiane (région hypo
implant cochléaire, d'un neurostimulateur, d'un corps thalamo-hypophysaire, chiasma, corps calleux) et de la
étranger métallique, notamment intraoculaire (risque de fosse postérieure.
28 Partie I. Orientation diagnostique
A B
Fig. 3.1 Échographie transfontanellaire avec coupe coronale (A) et sagittale (B) chez un grand prématuré. Hémorragie intraventriculaire
avec dilatation des carrefours ventriculaires (double flèche) et infarctus veineux hémorragique de la substance blanche périventriculaire postérieure
gauche (flèche pointillée).
Les séquences conventionnelles (T1, T2, T2*) per Dans un contexte familial de macrocrânie et lorsque
mettent d'avoir une imagerie anatomique de qualité. Les l'examen neurologique est normal, l'ETF suffit en général
séquences fonctionnelles comme la séquence de diffu au diagnostic de macrocrânie bénigne familiale lorsque la
sion, de perfusion sans injection (Arterial Spin Labeling), fontanelle antérieure est encore ouverte.
la spectroscopie (analyse du métabolisme) permettent
de détecter plus précocement des anomalies, de mieux Microcéphalie
caractériser les anomalies de signal et d'avoir des mesures Une IRM est indiquée pour orienter vers une étiologie
quantitatives. (infection materno-fœtale, lésion clastique, malformation
cérébrale, etc.).
Scanner
L'accessibilité et la rapidité du scanner en font un examen de Déformation de la voûte, suspicion de craniosténose
choix en urgence, notamment pour rechercher des lésions Les radiographies standards du crâne face et profil sont
traumatiques : fractures, pneumencéphalie, saignements indiquées mais de réalisation et d'interprétation difficiles.
intraparenchymateux ou péricérébraux (fig. 3.2). Un scanner basse dose peut être réalisé en cas de doute
Des artefacts de la voûte osseuse limitent l'analyse diagnostique et pour le bilan préopératoire. L'échographie
fine de la fosse postérieure et de la région hypothalamo- des sutures réalisée par un praticien expérimenté peut égale
hypophysaire. ment permettre de faire le diagnostic.
Convulsions
Indications
Convulsion fébrile
Anomalie du périmètre céphalique Aucune imagerie n'est indiquée en cas de crise convulsive
Macrocéphalie fébrile simple ayant les critères suivants : survenue chez un
Des signes d'hypertension intracrânienne justifient la réali enfant âgé de 1 à 5 ans, convulsion brève (< 1 minute le plus
sation d'une imagerie en coupe en urgence. souvent, toujours < 15 minutes), généralisée, sans déficit
En cas d'augmentation du périmètre céphalique avec post-critique et avec un examen neurologique normal.
changement de couloir ou en cas de signe neurologique En cas de crise convulsive fébrile complexe ou com
associé, une imagerie en coupe est recommandée rapide pliquée, correspondant à une crise focale, prolongée
ment et l'IRM doit être privilégiée. (> 10 minutes), survenue avant l'âge de 1 an ou après 5 ans,
Les principaux diagnostics à éliminer en urgence sont des avec un déficit post-critique et/ou un examen neurologique
hématomes sous-duraux d'un traumatisme non accidentel anormal, une pathologie infectieuse (méningite, encépha
(cf. fig. 3.2) et une hydrocéphalie (hémorragie intraventricu lite) doit être recherchée et une imagerie doit être réalisée
laire, méningite, sténose de l'aqueduc, tumeur). sans retarder le traitement.
Chapitre 3. Imagerie 29
Fig. 3.2 Scanner cérébral sans injection réalisé chez un nourrisson de 2 mois pour bilan de malaise avec macrocrânie. Coupe axiale
(A) et reconstruction coronale (B) montrant des collections sous-durales hypodenses (*) compatibles avec des hématomes sous-duraux anciens et
une hyperdensité spontanée extra-axiale dans la convexité (flèche) évoquant une hémorragie aiguë sur arrachement/thrombose d'une veine pont,
l'ensemble faisant suspecter un traumatisme non accidentel.
■ une céphalée récente se différenciant de la céphalée L'IRM est indiquée en cas de signes associés (pied creux,
habituelle ; vessie neurologique), d'anomalie cutanée haut située sur la
■ une anomalie à l'examen clinique. ligne médiane, d'impossibilité de réaliser l'échographie ou
En cas de céphalées récurrentes, une imagerie est indiquée d'anomalies échographiques.
en cas d'éléments cliniques faisant suspecter une organicité :
■ céphalées permanentes ou augmentant en fréquence et/ Imagerie ORL
ou en intensité ;
■ céphalées nocturnes ou d'effort ; Infections ORL
■ changement de caractère ou apparition de difficultés Rhinopharyngite récidivante
scolaires ; La radiographie de cavum de profil n'est pas recommandée.
■ crises convulsives associées ; Les indications de l'adénoïdectomie reposent sur la clinique,
■ examen neurologique anormal, signes d'hypertension et la corrélation entre le volume radiologique des végéta
intracrânienne ; tions adénoïdes n'est pas démontrée. Par ailleurs, la fiabilité
■ torticolis associé (tumeur de la fosse postérieure). des mesures radiographiques est discutable.
A B
Fig. 3.3 IRM cérébrale et cervicale réalisée chez un enfant de 2 ans pour torticolis persistant accompagné de vomissements. Séquence
sagittale T1 sans (A) et après injection (B) montrant une lésion bulbaire exophytique infiltrante nécrotique (flèche) compatible avec un gliome
infiltrant du tronc.
32 Partie I. Orientation diagnostique
Vomissements chroniques
Une échographie abdominale peut être réalisée sans urgence.
Lorsque les vomissements sont bilieux, un TOGD peut
être réalisé à la recherche d'une malrotation.
Reflux gastro-œsophagien
L'examen de référence pour le diagnostic de reflux gastro-
œsophagien est la pH-métrie.
Le TOGD n'est indiqué que pour le bilan préopératoire
d'un reflux à la recherche d'une malposition cardiotubérosi
taire, d'une hernie hiatale et/ou d'une malrotation.
Troubles du transit
Rectorragies/méléna
Le cliché d'abdomen n'est utile que chez le nouveau-né
pour rechercher des signes d'entérocolite (distension
digestive et pneumatose pariétale) et une complication
(pneumopéritoine).
L'endoscopie est souvent l'examen le plus contributif en
1re intention en cas d'hémorragie digestive haute.
L'échographie abdominale permet de rechercher une
invagination intestinale, une atteinte digestive diffuse
(maladie inflammatoire, vascularite) ou localisée (polype,
diverticule de Meckel, etc.), une hépatopathie chronique.
Une échographie normale ne permet pas d'éliminer un
Fig. 3.4 Abdomen sans préparation réalisé debout pour syn-
drome occlusif. Distension des anses grêles et niveaux hydroaériques
diverticule de Meckel hémorragique ou un polype. La
centraux. Les antécédents chirurgicaux font suspecter une occlusion scintigraphie au pertechnétate peut visualiser la muqueuse
sur bride. gastrique ectopique d'un Meckel hémorragique. Une explo
ration chirurgicale est parfois nécessaire quand les signes
cliniques sont évocateurs.
ydroaériques sur un cliché debout ou de profil rayons hori
h
zontaux, (fig. 3.4). et oriente vers une occlusion haute ou basse.
En l'absence d'antécédent chirurgical, tout vomissement Diarrhées aiguës/chroniques
bilieux à ventre plat doit bénéficier d'une échographie en L'étiologie infectieuse est fréquemment en cause dans les
urgence pour éliminer un volvulus du grêle sur malrotation. diarrhées aiguës et aucun examen d'imagerie n'est utile. Des
Ce diagnostic est d'autant plus à craindre que l'enfant est jeune. diarrhées chroniques glairosanglantes font suspecter une
La prise en charge doit être extrêmement rapide en raison du maladie inflammatoire intestinale et l'échographie est l'exa
risque de nécrose rapide de l'ensemble du grêle. L'échogra men de 1re intention dans ce contexte.
phie, réalisée par un radiologue expérimenté, met en évidence
le tour de spire des vaisseaux mésentériques (whirlpool sign). Suspicion de maladie inflammatoire chronique
Un TOGD (transit œsogastroduodénal) aux hydrosolubles intestinale (MICI)
peut être réalisé en cas de doute diagnostique mais ne doit pas L'échographie abdomino-colique est l'examen de 1re inten
retarder la prise en charge et le transfert en milieu spécialisé. tion (fig. 3.5). L'analyse des anses digestives (épaisseur,
Dans les autres cas de syndrome occlusif, l'échographie différenciation, hyperhémie pariétale, péristaltisme) et de
est réalisée en 1re intention pour éliminer une invagination la graisse adjacente permet de confirmer l'atteinte inflam
intestinale aiguë. matoire, de localiser les lésions et de rechercher des com
Le diagnostic de hernie inguinale étranglée est un diagnostic plications (abcès, fistules). L'échographie a une très forte
clinique. valeur prédictive négative. Elle permet une analyse du cadre
colique et de la dernière anse iléale. L'analyse des autres
Suspicion de sténose du pylore anses grêles est plus difficile.
Une échographie abdominale est indiquée en cas de L'entéro-IRM nécessite une préparation digestive orale
vomissements alimentaires en jet chez un nouveau-né de rigoureuse permettant une bonne réplétion des anses grêles,
34 Partie I. Orientation diagnostique
A B
C D
Fig. 3.5 Maladie de Crohn chez un adolescent. A. Échographie digestive : épaississement pariétal (double flèche) de la dernière anse iléale,
hypervascularisé en doppler couleur et infiltration de la graisse adjacente (*). L'entéro-IRM nécessite une préparation digestive afin de permettre
une bonne réplétion des anses grêles. Les coupes coronale T2 (B), axiale T2 (C) et axiale diffusion (D) montrent l'épaississement inflammatoire de
la dernière anse iléale.
indispensables pour une analyse satisfaisante de celles-ci Si une maladie de Hirschsprung est suspectée, un lave
(cf. fig. 3.5). Elle est indiquée pour le bilan initial et pour ment opaque peut être demandé, après avis spécialisé.
le suivi des MICI, permettant une cartographie de l'at
teinte et la recherche de complications. Autres
Masse abdominale ou pelvienne
Constipation L'échographie abdominale est l'examen de 1re intention. Si
la masse est confirmée, une imagerie en coupe (scanner ou
Ni l'ASP ni l'échographie ne sont indiqués. IRM) est réalisée dans un centre spécialisé.
Chapitre 3. Imagerie 35
Ingestion de corps étranger (CE) Elle est réalisée en urgence dans la population à risque
La radiographie du thorax face et profil est réalisée en cas (nourrisson de moins de 3 mois, uropathie connue, rein
de dysphagie ou d'hypersialorrhée à la recherche d'un CE unique, insuffisance rénale, immunodépression) ou en cas
œsophagien. de sepsis grave. Dans les autres cas et en l'absence de signes
La radiographie de l'abdomen n'est pas recommandée de gravité, elle peut être différée dans les 48 heures.
sauf en cas de CE acéré ou potentiellement toxique (pile L'échographie est également indiquée en cas de mau
bouton, aimant) afin de le localiser et de rechercher des vaise évolution clinique pour rechercher des complications :
complications (pneumopéritoine). Si l'évacuation du CE néphrite, abcès, pyonéphrose.
n'est pas certaine, un cliché d'abdomen peut éventuellement La cystographie permet de rechercher un reflux
être réalisé après 6 jours. vésico-urétéral favorisant l'infection ou un obstacle uré
tral chez le garçon (valves de l'urètre postérieur). Elle est
Traumatisme abdominal mineur indiquée dès la première pyélonéphrite aiguë si l'écho
graphie est anormale (dilatation calicielle ou dilatation
L'échographie est suffisante en 1re intention dans la plupart pyélique > 10 mm, dilatation urétérale, vessie de grande
des traumatismes abdominaux mineurs et isolés. L'ASP n'est taille ou à parois épaisses, notamment chez le gar
pas utile. Un scanner peut être réalisé en 2e intention en cas çon) ou en cas de récidive de pyélonéphrite. Certaines
de doute ou lorsqu'une lésion traumatique est détectée. équipes proposent une cystographie dès la première
pyélonéphrite aiguë avérée chez un garçon, notamment
Ictère cholestatique persistant à 1 mois de vie avant 6 mois, afin d'éliminer avec certitude des valves de
Une échographie hépatique doit être réalisée précocement l'urètre postérieur.
(avant 8 semaines) afin d'éliminer une atrésie des voies
biliaires. Le diagnostic échographique d'atrésie des voies Reflux vésico-urétéral (RVU)
biliaires est difficile et nécessite un opérateur expérimenté.
Seule une dilatation des voies biliaires permet d'éliminer ce La cystographie rétrograde ou sus-pubienne est l'examen
diagnostic, orientant vers une étiologie obstructive ou mal de référence pour le diagnostic de RVU. Elle permet éga
formative (dilatation kystique des voies biliaires). En cas de lement de rechercher un obstacle urétral (valves de l'urètre
doute diagnostique, des examens complémentaires doivent postérieur).
être discutés en milieu spécialisé. La cystographie isotopique est une alternative moins
irradiante que la cystographie radiologique pour le suivi du
RVU. La cystographie ultrasonore (avec produit de contraste
Imagerie génito-urinaire intravésical) apparaît comme une technique non irradiante
prometteuse.
Suspicion de torsion d'annexe
Toute suspicion de torsion d'ovaire nécessite une échogra Hématurie/colique néphrétique
phie pelvienne en urgence. La voie sus-pubienne utilisée en
pédiatrie nécessite une bonne réplétion vésicale pour visua L'échographie rénovésicale est l'examen de 1re intention
liser les ovaires. L'IRM peut être utile en 2e intention, en cas pour la recherche de lithiase urinaire chez l'enfant. L'ASP
de doute diagnostique, mais ne doit pas retarder la prise peut être utile en complément.
en charge chirurgicale. Après détorsion chirurgicale, elle
permet d'éliminer une lésion sous-jacente lorsqu'un doute Dilatation des voies urinaires
persiste. dépistée en anténatal
En cas de suspicion de valves de l'urètre postérieur, l'écho
Grosse bourse douloureuse/torsion testiculaire graphie et la cystographie sont réalisées dès la naissance.
Toute suspicion clinique de torsion testiculaire nécessite une Dans les autres cas, l'échographie est réalisée à la fin de la
exploration chirurgicale en urgence. L'échographie doppler 1re semaine pour ne pas sous-estimer une dilatation (déshy
testiculaire ne doit pas retarder la prise en charge. Elle est dratation néonatale physiologique). L'échographie permet
indiquée en cas de doute diagnostique pour rechercher des de situer l'obstacle et d'apprécier la taille et la morphologie
éléments en faveur des diagnostics différentiels : orchiépidi des reins. En fonction du résultat, un contrôle par échogra
dymite, torsion d'annexe, hydrocèle. phie dans les 3 premiers mois de vie et/ou une cystographie
peut être nécessaire.
Infection urinaire Dans le suivi des uropathies obstructives, l'étude
de la fonction rénale relative et du drainage des voies
Infection urinaire non fébrile (cystite) excrétrices est faite par la scintigraphie MAG3 ou par
Une échographie rénovésicale est indiquée chez tous les gar l'uro-IRM.
çons et chez les filles de moins de 2 ans. L'uro-IRM, avec injection de Lasilix® (furosémide) et de
produit de contraste, associe étude morphologique et fonc
Infection urinaire fébrile (pyélonéphrite aiguë) tionnelle, sans irradiation. Elle est indiquée dans le bilan
Une échographie rénale est recommandée pour toute des uropathies obstructives, des systèmes doubles, pour
infection urinaire fébrile à la recherche d'une uropathie la recherche d'un abouchement urétéral ectopique et pour
sous-jacente. toute uropathie malformative complexe.
36 Partie I. Orientation diagnostique
moins un fragment congelé pour analyse génétique) afin mique. En dehors d'un contexte traumatique, une IRM com
de déterminer la nature maligne ou bénigne de la lésion plémentaire est indiquée en cas d'anomalie radiologique, de
avant toute exérèse chirurgicale. syndrome inflammatoire ou de persistance des douleurs, pour
rechercher une atteinte rachidienne infectieuse, inflammatoire
Rachis ou tumorale (ostéome ostéoïde) ou une anomalie médullaire
sous-jacente. Une scoliose douloureuse nécessite la réalisation
Scoliose d'une IRM à la recherche d'une lésion sous-jacente.
Le bilan comporte une radiographie standard du rachis entier
de face et de profil avec incidence postéroantérieure, notam Malformation d'un membre supérieur ou inférieur
ment chez la fille pour limiter l'exposition aux glandes mam
maires. Les techniques faibles doses type EOS sont à privilégier. Des radiographies du segment de membre concerné de face
Pour le suivi, un cliché de face seul peut parfois être suffisant. et de profil permettent de caractériser la malformation.
Le bilan d'imagerie a pour but : Après avis spécialisé, l'IRM complémentaire permet de
■ de confirmer le diagnostic et apprécier l'importance de la visualiser les structures cartilagineuses et musculaires.
déformation et son potentiel évolutif ; En fonction de la malformation, un bilan osseux plus
■ de rechercher une étiologie malformative ; complet peut être indiqué afin de rechercher des anomalies
■ de surveiller l'évolution spontanée (angle de Cobb) ; osseuses associées (maladie osseuse constitutionnelle).
■ d'évaluer l'efficacité d'un traitement orthopédique et
d'aider au choix du traitement chirurgical. Suspicion de dysplasie de hanche
La fréquence du suivi est adaptée à la vitesse de croissance. L'échographie de hanche est indiquée dès la naissance en cas
Pour le suivi, les radiographies apportent peu d'informations d'anomalie à l'examen clinique. Selon l'HAS 2013, le dépis
complémentaires à un examen clinique bien conduit. Elles tage échographique à l'âge d'un mois est recommandé en cas
ne doivent donc pas être répétées de façon systématique en de facteurs de risque : antécédent familial au 1er degré, siège,
dehors des périodes d'évolutivité clinique manifeste, notam macrosomie, grossesse multiple, malpositions des pieds ou
ment pendant les pics de croissance. Un cliché de face seul autre posture évocatrice d'un conflit postural sévère (genu
peut être suffisant pour le suivi. recurvatum, torticolis).
L'IRM peut être indiquée en présence d'une scoliose doulou L'échographie permet d'apprécier la couverture osseuse, la
reuse, d'un contexte malformatif, de signes neurologiques ou lors morphologie du cotyle et du talus, et de mesurer le fond coty
du bilan préopératoire même pour une scoliose idiopathique. loïdien lors de manœuvres dynamiques (normalement < 6 mm
Le scanner peut être indiqué en préopératoire, en cas de et différence entre les deux hanches < 1,5 mm) (fig. 3.6).
malformation vertébrale. La radiographie du bassin systématique ne doit plus être
réalisée en dépistage. Elle n'est utile que sur point d'appel
Douleurs rachidiennes clinique, après l'âge de 4 mois et pour le suivi. L'apparition
La radiographie standard face et profil est réalisée dans un du noyau d'ossification épiphysaire fémoral supérieur per
premier temps. Un cliché complémentaire de 3/4 peut être met de vérifier sa bonne position en projection du quadrant
réalisé sur le rachis lombaire en cas de suspicion de lyse isth inféro-interne de la construction d'Ombredanne.
A B
Fig. 3.6 Échographie de hanche néonatale normale (A) et pathologique (B). Tête fémorale cartilagineuse (*), aile iliaque (flèche pointillée),
cotyle (flèche), noyau pubien (**). A. Nouveau-né normal : la tête fémorale est en place (*). Le fond cotyloïdien (double flèche), mesuré lors des
manœuvres dynamiques, correspond à la distance entre la tête fémorale et le noyau pubien et est < 6 mm. B. Luxation de hanche : la tête fémorale
est excentrée (*) avec augmentation du fond cotyloïdien (double flèche) mesuré à plus de 6 mm lors des manœuvres dynamiques.
38 Partie I. Orientation diagnostique
■ Chez le petit enfant, elle est réalisée en incidence antéro ment 4 arcs antérieurs sont visibles et si la trachée est
postérieure, puis en incidence postéroantérieure lorsque coudée vers la droite (fig. 3.7B) ;
l'enfant devient coopérant (après 4 ans environ). – chez l'enfant plus grand, coopérant, l'inspiration pro
■ Chez le nouveau-né et le petit nourrisson ne tenant pas fonde permet de dégager 7 arcs costaux antérieurs (ou
assis, l'examen est réalisé en décubitus dorsal. 10 arcs costaux postérieurs) au-dessus des coupoles
■ Chez le nourrisson plus grand, des moyens de contention diaphragmatiques.
adaptés (Statif de Lefebvre) permettent de réaliser l'exa ■ Exposition suffisante : visibilité de la trame vasculaire en
men en position verticale. rétrocardiaque.
Des incidences complémentaires peuvent être réalisées dans ■ Chez l'enfant plus grand :
certains cas : – scapulas bien dégagées (pas de superposition au
■ face en expiration : en cas de suspicion de corps étranger et parenchyme pulmonaire) ;
pour un bilan d'asthme en période intercritique. Cette inci – cliché réalisé en position debout avec niveau hydro
dence permet également de sensibiliser la recherche d'un aérique visible dans la poche à air gastrique.
pneumothorax si la radiographie en inspiration est normale ;
■ profil (gauche) : pour rechercher des adénopathies (contage Technique de lecture
tuberculeux) ou pour aider à caractériser une anomalie La première lecture doit être systématique avec une grille
visualisée sur le cliché de face (masse médiastinale). exhaustive :
■ nom, âge, date ;
Critères de qualité ■ contenant : structures osseuses, tissus mous, diaphragme,
Certains critères de qualité de la radiographie thoracique de plèvres et cathéter ;
face dépendent de l'âge de l'enfant. ■ poumon : volume, transparence, symétrie des champs
■ Identification correcte du cliché : identité, date, heure, pulmonaires, scissures ;
marquage droit/gauche. ■ médiastin : trachée, bronches souches, cœur, hiles.
■ Cliché de face : les extrémités internes des clavicules sont
symétriques par rapport à la ligne des épineuses dorsales.
Chez le nouveau-né et le petit nourrisson (épineuses non
ossifiées), la longueur des arcs costaux doit être identique Attention aux zones pièges sur le cliché de face : espace rétrocar
à droite et à gauche. diaque, en arrière des coupoles, apex (superposition des clavi
■ Bonne couverture : visualisation des apex jusqu'aux culs- cules et des côtes).
de-sac pleuraux.
■ Inspiration :
– chez le nourrisson en respiration libre, le cliché est
réalisé à la fin du cri, à la reprise de l'inspiration. La Aspect normal
bonne inspiration est définie par la projection de
5 arcs antérieurs (ou de 8 arcs postérieurs) de côtes au- Diaphragme
dessus des coupoles diaphragmatiques (fig. 3.7A). On La coupole diaphragmatique droite est physiologiquement
considère que l'examen est fait en expiration si seule plus haute (de 1 à 2 cm) en raison de la position du foie.
A B C
Fig. 3.7 Radiographie normale de face en inspiration (A), en expiration (B) et de profil chez le même nourrisson. A. Le thymus élargit la
silhouette cardiomédiastinale, sous forme d'une opacité triangulaire sur le bord droit du médiastin correspondant au « signe de la voile » (flèche)
et d'un aspect « ondulé » du thymus se moulant dans les espaces intercostaux sur le bord gauche du médiastin, correspondant au « signe de la
vague » (flèches pointillées). B. En expiration, seulement 4 arcs antérieurs de côte sont visibles au-dessus de la coupole et la trachée (flèche) appa-
raît déviée vers la droite (aspect en « baïonnette »). C. Le thymus se projette dans le médiastin antérieur sur le cliché de profil (flèche).
40 Partie I. Orientation diagnostique
En position debout, la distance entre la poche à air de à involuer vers 1 an pour disparaître radiologiquement entre
l'estomac et le sommet de la coupole gauche est inférieure 2 et 3 ans.
à 1 cm. Il n'est jamais compressif (sur la trachée ou le médiastin),
Sur le cliché de profil, la coupole gauche antérieure, au mobile avec la position de l'enfant, de taille variable avec
contact du cœur, n'est pas visible (signe de la silhouette). le temps respiratoire. Il présente parfois une morphologie
spécifique : signe de la voile, signe de la vague, signe de
Variantes raccordement (incisure à l'intersection du bord externe du
thymus et bord du cœur), signe de recouvrement hilaire (cf.
■
Le festonnement diaphragmatique réalise un aspect en fig. 3.7A).
« marches d'escalier » de la moitié externe de la coupole, En cas de doute diagnostic avec une cardiomégalie, l'inci
visible en inspiration forcée (aspect physiologique) ou
dence de profil ou une échographie permettent de différen
en cas d'augmentation du volume pulmonaire (aspect
pathologique). cier les deux (fig. 3.7C).
■
Les bosses diaphragmatiques correspondent à une voussure
localisée ou multiple du diaphragme. Elles s'expliquent par Trachée
une hétérogénéité de la musculature avec des zones normales
et des zones déhiscentes. Lors de l'inspiration, les asymétries La trachée et les bronches souches doivent être bien
de contraction entraînent l'apparition de bosses. Seul le cliché visualisées. Sur un cliché en expiration, la trachée
en expiration permet de dire si ces bosses sont « normales » peut être déviée à droite (aspect en baïonnette) sur le
ou « pathologiques » : une bosse normale disparaît à l'expira cliché de face et en antérieur sur le cliché de profil (cf.
tion car toutes les fibres musculaires se relâchent de la même fig. 3.7B).
façon ; une bosse pathologique ne disparaît pas à l'expiration. L'aorte exerce une petite empreinte physiologique sur le
bord inférieur gauche de la trachée.
La bronche souche droite est plus verticale que la bronche
Plèvre souche gauche.
La plèvre normale n'est pas visible. Les culs-de-sac pleuraux Le hile gauche est plus haut que le hile droit.
latéraux ont un angle aigu.
Les grandes scissures ne sont visibles que sur le cliché de
profil. Poumon
La petite scissure droite est visible de face et de profil sous Lobes
forme d'une fine ligne opaque séparant le lobe supérieur du Les lobes inférieurs se projettent sur la quasi-totalité du
lobe moyen. champ pulmonaire en dehors des apex qui correspondent
aux lobes supérieurs.
Médiastin Les vaisseaux parenchymateux des bases pulmo
Contours du médiastin naires sont normalement visibles à travers les coupoles
diaphragmatiques
Le bord droit est veineux, constitué par :
■ le tronc veineux brachiocéphalique droit (arc supérieur)
dont la direction est verticale ; Parenchyme
■ la veine cave supérieure (arc moyen) qui a la même L'artère (opacité nodulaire ou tubulaire) et la bronche satel
direction ; lite (clarté arrondie ou tubulaire) de même calibre sont
■ l'oreillette droite (arc inférieur), convexe en dehors. visualisées en proximal. En distalité, la vascularisation n'est
Le bord gauche est artériel, constitué par : plus visible en sous-pleural.
■ le bouton aortique, non visible chez le nouveau-né ; En position debout, les vaisseaux des bases sont 2 fois
■ l'arc moyen, qui comprend le tronc de l'artère pulmo plus larges que ceux des sommets.
naire et l'auricule gauche. Il est très souvent convexe chez
l'enfant ;
■ le ventricule gauche (arc inférieur).
Piège
La projection d'un pli cutané donne une image linéaire.
Silhouette cardiomédiastinale La projection des cheveux (natte) peut donner de fausses
opacités apicales.
L'index cardiothoracique (ICT) correspond au rapport de la
Chez la jeune fille, les ombres mammaires ne doivent pas
somme des plus grands diamètres de l'arc inférieur droit et
être confondues avec des opacités.
de l'arc inférieur gauche sur le plus grand diamètre thora
cique. Il peut atteindre 0,6 chez le nouveau-né et le nourris
son et doit être inférieur à 0,5 chez le grand enfant lorsque Cadre osseux
le cliché est réalisé en position debout et en incidence Chez le petit enfant :
postéroantérieure. ■ les bras sont relevés et les clavicules sont vues en enfilade,
ce qui donne un aspect de nouure centrale (courbure sig
Thymus moïde), à ne pas confondre avec un cal osseux ;
Il est très volumineux chez le nourrisson, entraînant un élar ■ lorsque les scapulas ne sont pas bien dégagées, l'épine
gissement de la silhouette cardiomédiastinale. Il commence donne une fausse image linéaire.
Chapitre 3. Imagerie 41
Corps étranger
La radiographie peut être normale. Elle peut mettre en
évidence :
■ un corps étranger radio-opaque (rare) ;
■ une zone de piégeage expiratoire (asymétrie de transpa
rence majorée sur le cliché en expiration) (fig. 3.9) ;
■ des troubles de ventilation ;
■ une pneumopathie récidivante dans le même territoire.
Pneumopathie
Fig. 3.8 Bronchiolite chez un nourrisson de 2 mois. La radiogra-
Une pneumopathie alvéolaire présente les caractéristiques
phie thoracique de face montre une distension thoracique (plus de suivantes (fig. 3.8 et 3.10) :
7 arcs antérieurs de côte visibles au-dessus des coupoles et coupoles ■ opacité nodulaire à limites floues, confluentes ;
aplaties), une opacité alvéolaire du lobe supérieur droit (flèche) et une ■ systématisée ou non ;
opacité linéaire rétrocardiaque gauche (flèche pointillée). ■ avec présence d'un bronchogramme aérique.
A B
Fig. 3.9 Corps étranger bronchique droit. La radiographie thoracique de face en inspiration (A) et expiration (B) montre une asymétrie de transpa-
rence des champs pulmonaires avec hyperclarté droite majorée en expiration correspondant à un piégeage expiratoire (obstacle bronchique incomplet).
42 Partie I. Orientation diagnostique
A B
Fig. 3.11 Pneumopathie ronde. Radiographie thoracique de face (A) et de profil (B) montrant une opacité alvéolaire arrondie du lobe inférieur
droit chez un enfant présentant une toux fébrile.
Chapitre 3. Imagerie 43
Scanner thoracique
Le scanner thoracique permet une analyse fine du paren
chyme pulmonaire et du médiastin (après injection de pro
duit de contraste iodé). Il est rarement indiqué en urgence
en dehors du contexte traumatique.
L'exposition aux rayonnements ionisants est très supérieure à
celle d'une radiographie de thorax (plusieurs mois d'exposition
naturelle contre quelques jours pour la radiographie simple).
IRM thoracique
Elle est principalement utilisée pour l'exploration du médiastin
mais nécessite une sédation chez le petit enfant et la gestion des
artefacts des mouvements respiratoires et cardiaques par des
techniques d'enregistrement qui allongent la durée de l'examen.
Des séquences pour l'analyse du parenchyme pulmonaire
sont actuellement en développement.
Recommandations
HAS. Luxation congénitale de hanche : dépistage. Fiche mémo. Octobre
2013.
HAS. Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez
l'adulte et chez l'enfant : aspects cliniques et économiques. Recom
mandations. Octobre 2002.
Fig. 3.12 Pneumothorax apical droit. La radiographie thoracique Société française de radiologie, Société française de médecine nucléaire et
montre un croissant aérique apical séparé du parenchyme pulmonaire d'imagerie moléculaire. Guide du bon usage des examens d'imagerie
par une fine ligne dense (flèches). médicale.
Chapitre
4
Néonatalogie
Coordonné par Pierre-Henri Jarreau
PLAN DU CHAPITRE
Notions de diagnostic prénatal . . . . . . . . . . . . 47 Nouveau-né qui inquiète en maternité . . . . . . 66
Accueil du nouveau-né en salle Surveillance du nouveau-né
de naissance (hors réanimation) . . . . . . . . . . . 54 le 1er mois de vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Pédiatrie en maternité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Éléments dysmorphiques chez le nouveau-né :
Examen clinique pédiatrique à la maternité. . . . . 61 quand évoquer une maladie génétique ? . . . . 86
A B
C D
Fig. 4.1 Dilatation urétérale et pyélocalicielle : aspects échographiques prénatals. A, B. Dilatation urétérale (A) et pyélocalicielle (B) modé-
rée. C. Dilatation pyélocalicielle plus sévère (31 SA) avec moins bonne différenciation corticomédullaire. D. Noter la grande taille de la vessie et sa
paroi épaissie évocatrices d'un obstacle sous-vésical (valves de l'urètre postérieur). Crédit : M. Driessen.
À la sortie de maternité, l'enfant est adressé en consultation d'eux. Le pronostic des reins hyperéchogènes est variable en
spécialisée (urologie pédiatrique) vers 1 mois de vie. fonction de l'étiologie et de la sévérité de l'atteinte rénale
Dans tous les cas, le risque d'infection urinaire doit être anténatale, évaluée sur la quantité de liquide amniotique.
pris en compte : il nécessite, dans les situations de dilatation La mise en place d'un suivi néphropédiatrique postnatal est
bilatérale ou significative (> 10 mm) ou avec atteinte paren dans tous les cas indispensable pour surveiller la pression
chymateuse rénale, la mise en place d'une antibioprophylaxie artérielle et la fonction rénale.
(demi-dose) jusqu'à l'avis spécialisé, par céfaclor (Alfatil®) En cas de rein unique (dans le cadre d'une agénésie
le 1 er mois, puis par sulfaméthoxazole/triméthoprime rénale unilatérale, ou d'une dysplasie multikystique unila
(Bactrim ®). Les parents doivent être prévenus de ce risque térale avec rein unique fonctionnel), le pronostic néphrolo
et de la nécessité de consulter rapidement en cas de fièvre, de gique est bon si le rein controlatéral et la quantité de liquide
mauvaise prise pondérale et/ou d'altération de l'état général amniotique sont normaux et l'anomalie isolée, mais un suivi
pour réalisation d'un examen cytobactériologique des urines. est conseillé à vie, ainsi que des mesures de néphroprotec
tion (éviction des médicaments néphrotoxiques, diagnostic
Anomalies rénales et traitement précoce des infections urinaires, éviction des
De gros reins hyperéchogènes peuvent s'intégrer dans un facteurs de risque cardiovasculaires).
cadre syndromique et/ou être associés à des anomalies
génétiques. Ils peuvent être le premier signe d'une polykys Malformations bronchopulmonaires
tose rénale : une échographie rénale des parents du fœtus est La possibilité d'une malformation bronchopulmonaire est
souhaitable dans ces situations car elle peut faire découvrir évoquée au cours de la grossesse devant la découverte d'ano
une polykystose rénale dominante jusqu'ici ignorée chez l'un malies de l'échostructure du poumon. Celles-ci peuvent
Chapitre 4. Néonatalogie 49
c orrespondre à différents types de lésions, dont le diagnostic La MAKP est une anomalie du développement pulmo
étiologique de certitude n'est possible le plus souvent qu'en naire caractérisée par la présence de kystes, de plus ou moins
postnatal. Les malformations les plus fréquemment dépistées grande taille (fig. 4.2). Les formes macrokystiques et/ou
en anténatal sont la malformation adénomatoïde kystique volumineuses sont le plus à risque de détresse respiratoire
pulmonaire (MAKP), la séquestration et l'emphysème lobaire. à la naissance. La séquestration est un territoire pulmonaire
D
A
B E
Fig. 4.2 Malformation adénomatoïde kystique basithoracique droite : aspect échographique prénatal, postnatals radiographique,
scanographique et IRM. A, B. Échographie prénatale (32 SA). Noter les kystes (images anéchogènes) et l'absence de vascularisation systémique
visible au doppler. C. Radiographie de thorax à la naissance. Noter la déviation médiastinale. L'enfant avait présenté une détresse respiratoire transi-
toire d'évolution rapidement favorable. D, E. Scanner et IRM à 4 mois alors que l'enfant présentait une dyspnée aux biberons depuis une quinzaine
de jours et un infléchissement de la courbe pondérale. Volumineuse lésion kystique responsable d'une déviation médiastinale vers la gauche et des
troubles de la ventilation (piégeage et atélectasie). Indication d'une exérèse précoce. Crédit : J. Stirnemann, L. Berteloot.
50 Partie II. Spécialités
qui ne communique pas avec le système bronchique et dont entre 6 et 24 mois. Les séquestrations pulmonaires font soit
la vascularisation est assurée par un vaisseau systémique l'objet d'une exérèse chirurgicale, soit d'une embolisation,
issu de l'aorte. Elle est asymptomatique à la naissance dans dans les mêmes délais. Enfin, l'exérèse d'un emphysème
90 % des cas. L'emphysème lobaire correspond à une surdis lobaire n'est effectuée qu'en cas de signes compressifs.
tension localisée en lien avec des anomalies de structure des Les formes symptomatiques (détresse respiratoire néona
voies aériennes et des alvéoles du lobe atteint. Il est asymp tale) nécessitent une prise en charge en milieu chirurgical.
tomatique à la naissance le plus souvent. En l'absence d'amélioration des symptômes respiratoires au
Le principal risque évolutif anténatal des malformations bout de quelques jours, l'exérèse chirurgicale est effectuée en
bronchopulmonaires est la compression des structures médias période néonatale. Ces situations sont rares (5 à 7 % des cas).
tinales. Une hypoplasie pulmonaire est en revanche rarissime. Dans tous les cas, le pronostic fonctionnel à long terme
En pratique, la démarche diagnostique, la prise en charge et le est excellent.
conseil en prénatal sont guidés par les éléments suivants :
■ le caractère hyperéchogène ou anéchogène de la lésion. Kyste de l'ovaire
Des images anéchogènes traduisent la présence de kystes, Dans leur grande majorité d'origine fonctionnelle, les kystes
qui comportent un risque compressif plus grand ; de l'ovaire sont découverts le plus souvent au 3e trimestre
■ le caractère uni ou bilatéral ; de la grossesse et sont en général isolés. Ils nécessitent un
■ l'existence d'un vaisseau systémique, signe d'une séques avis chirurgical dès la période anténatale. Les indications de
tration. Son absence n'écarte pas ce diagnostic car il est ponction anténatale sont rares et réservées aux kystes très
vu en anténatal dans seulement 2/3 des cas ; volumineux et compressifs.
■ des anomalies associées, en particulier des reins et du Si une majorité des kystes involue spontanément au cours
cœur. Elles sont rares ; en leur absence, un caryotype/une de la 1re année, le risque de torsion d'annexe et de nécrose
ACPA systématique ne sont pas justifiés ; ovarienne rend nécessaire une surveillance échographique
■ l'existence de signes de compression : déviation médiastinale rigoureuse. La prise en charge postnatale dépend de la taille
et cardiaque, éversion de coupole diaphragmatique, hydram et de l'aspect du kyste, et est guidée au mieux par une écho
nios. La présence d'une anasarque est un signe de gravité ; graphie peu de temps avant la naissance.
■ l'évolutivité : les signes compressifs se stabilisent, voire Lorsque le kyste est d'aspect anéchogène en anténatal, c'est-
diminuent après 30 SA généralement tandis que la lésion à-dire non compliqué, une échographie doit être effectuée
devient moins visible (sans disparaître). dans premières 24 heures de vie et un avis chirurgical demandé
Un drainage kysto-amniotique est proposé en cas de malfor rapidement. Un kyste devenu hétérogène (sédiment, hémorra
mation kystique compressive. gie intrakystique) traduit généralement une torsion d'annexe
À la naissance, ces malformations entraînent des symp indiquant une chirurgie en urgence car la torsion peut être
tômes respiratoires dans 20 à 25 % des cas, et requièrent une récente avec des possibilités de récupération non nulles.
chirurgie en période néonatale dans moins de 10 % des cas. ■ Si le kyste est resté anéchogène et de petite taille
Il est donc préférable de prévoir un accouchement en milieu (< 40 mm), une surveillance échographique est poursui
spécialisé (chirurgical) pour les formes bilatérales, très volu vie régulièrement jusqu'à l'involution du kyste.
mineuses, ou avec des signes de gravité (signes compressifs). ■ Si le kyste est volumineux (> 40 mm), une ponction
Dans les autres cas, le risque de détresse respiratoire justifie échoguidée transpariétale sous anesthésie locale est pro
de prévoir l'accouchement dans un centre de type 3, mais posée, afin de diminuer le risque de torsion d'annexe,
pas nécessairement chirurgical. Dans tous les cas, il n'est suivie d'une surveillance échographique régulière.
pas justifié de programmer une césarienne systématique ; le La récidive du kyste, la survenue d'une complication au
terme de naissance doit être le plus tardif possible. cours de la surveillance sont des indications d'exérèse
La prise en charge postnatale de ces différentes malfor chirurgicale.
mations est similaire et dépend surtout de la tolérance respi En revanche, la découverte anténatale d'un kyste com
ratoire. À long terme, les risques évolutifs de ces différentes pliqué, hétérogène d'emblée est de mauvais pronostic car
anomalies sont proches et justifient la surveillance et l'exérèse la torsion d'annexe n'est alors pas récupérable ; l'indication
de la lésion dans les 2 premières années de vie. Les complica d'exérèse (cœlioscopie) est portée sans urgence, après la sor
tions à long terme les plus fréquentes sont l'infection (MAKP tie de maternité.
et séquestration) et la compression (MAKP, très volumineuses
séquestrations, emphysème lobaire), se traduisant par des
Anomalies cérébrales
malaises, une fatigue, une polypnée, une cyanose progressives.
Les séquestrations peuvent également être à l'origine d'une Ventriculomégalie
défaillance cardiaque par effet shunt (exceptionnelle) ou, chez Définie par une taille des ventricules latéraux cérébraux de
l'adulte, d'hémorragie. Enfin, le risque de cancérisation d'une 10 mm ou plus, la ventriculomégalie est une anomalie fré
MAKP, quoique très faible, justifie son exérèse systématique. quemment observée en prénatal (fig. 4.3). Elle peut être une
En pratique, à la naissance, si l'enfant est asymptoma variante de la normale ou le signe d'appel d'une pathologie
tique, il peut rester auprès de sa mère en suites de couches. sous-jacente, dont les plus fréquentes sont les défauts de
Une radiographie du thorax est généralement demandée. fermeture du tube neural (en particulier les myéloméningo
L'enfant est suivi cliniquement par un chirurgien pédia cèles), la sténose de l'aqueduc de Sylvius, les anomalies de la
trique avec une 1re consultation à 2 mois, précédée d'une IRM fosse postérieure, les dysgénésies du corps calleux, certaines
et/ou d'un scanner basse dose du thorax. L'exérèse chirurgi anomalies génétiques, ou encore les lésions hémorragiques,
cale est systématique pour les MAKP ; elle est programmée ischémiques ou infectieuses (CMV).
Chapitre 4. Néonatalogie 51
B
A
C D
Fig. 4.3 Ventriculomégalie ; aspects échographiques prénatals, IRM postnatale. A. Ventricules de taille normale, échographie prénatale.
B, C. Ventriculomégalie majeure : échographie prénatale. D. IRM postnatale du même enfant : dilatation triventriculaire sévère avec rupture septale
et parenchyme cérébral aminci. Il s'agissait d'une sténose de l'aqueduc de Sylvius. Crédit : M. Driessen, D. Grévent.
La ventriculomégalie est isolée dans 20 à 60 % des cas. Le moins bon pronostic. Ainsi, si aucun examen complémentaire
pronostic neuro-développemental des formes isolées varie ne permet de garantir un développement psychomoteur nor
en fonction de la taille des ventricules, de l'évolutivité de la mal de l'enfant en prénatal, les ventriculomégalies mineures
ventriculomégalie et de la croissance du périmètre crânien : (entre 10 et 12 mm) et modérées (entre 12 et 15 mm) sont
une macrocéphalie supérieure au 95e percentile, comme une de meilleur pronostic, avec un développement psychomoteur
microcéphalie qui témoigne d'une atrophie cérébrale, est de normal dans 90 et 75 % des cas respectivement, tandis que
52 Partie II. Spécialités
les ventriculomégalies sévères (> 15 mm) sont associées à un thies, comme la transposition des gros vaisseaux, le bloc atrio
développement neurologique anormal dans 40 % des cas. Les ventriculaire complet ou le retour veineux pulmonaire anormal
ventriculomégalies unilatérales, plus rares, semblent aussi de total susceptible de se bloquer menacent le pronostic vital
meilleur pronostic ; la moitié régresse spontanément. très rapidement. Toutes les cardiopathies ductodépendantes
Quelle que soit la sévérité de la ventriculomégalie, une (comme les atrésies pulmonaires, les formes sévères de tétra
échographie transfontanellaire doit être effectuée dans les logie de Fallot, les sténoses aortiques, les asymétries ventricu
premiers jours de vie, complétée éventuellement d'une IRM loartérielles avec risque de coarctation postnatale), avérées ou
cérébrale, après avis neurochirurgical. Une dérivation est suspectées (par exemple un tronc artériel commun peut être
discutée dans les formes sévères ou évolutives. Dans tous associé à une interruption de l'arche aortique de diagnostic
les cas, un suivi à long terme de l'enfant doit être organisé difficile en prénatal) requièrent également une naissance en
auprès d'un neuropédiatre jusqu'à l'âge de 6–7 ans. maternité de type 3 avec équipe de cardiologie pédiatrique sur
place pour une évaluation postnatale rapide ; elles mettent en
Kystes cérébraux jeu le pronostic vital à la fermeture du canal artériel.
Les kystes paraventriculaires, aussi appelés kystes de ger En revanche, les cardiopathies à shunt, comme les com
minolyse, sont relativement fréquents (jusqu'à 5 % des munications interatriales (CIA), les communications inter
nouveau-nés). Ils sont localisés sous les cornes frontales, dans ventriculaires (CIV) ou les canaux atrioventriculaires, et les
la zone germinative, au niveau de la jonction thalamocaudée. retours veineux pulmonaires anormaux partiels et parfois
Isolés et de localisation typique, ils sont bénins. Néanmoins, certaines formes de tétralogie de Fallot avec très peu d'obs
ils peuvent, en cas d'anomalies associées comme une dilata tacles sur la voie pulmonaire peuvent être pris en charge dans
tion ventriculaire ou des anomalies de la substance blanche, la maternité d'origine. L'adaptation à la vie extra-utérine
traduire une infection virale (CMV, rubéole), une maladie n'est pas modifiée par la cardiopathie chez ces enfants. Une
héréditaire du métabolisme ou encore une anomalie chro échographie cardiaque est habituellement demandée à la sor
mosomique. Il convient donc d'être prudent en cas d'atypie ; tie de la maternité ; la fréquence de la surveillance ultérieure
une IRM fœtale et un avis spécialisé sont alors utiles. (et le délai pour organiser l'intervention chirurgicale répara
Les kystes des plexus choroïdes sont très fréquemment trice) est déterminée par l'équipe de cardiologie en fonction
observés en début de grossesse ; ils disparaissent générale du risque de décompensation cardiaque lié au shunt.
ment spontanément après 28 SA ; ils peuvent persister à la
naissance chez 8 % des nouveau-nés. Isolés, ils n'ont pas de Malformations des pieds
signification pathologique particulière. ■ Le pied bot varus équin est la plus fréquente des malforma
Les kystes arachnoïdiens de diagnostic prénatal siègent tions orthopédiques ; il est bilatéral dans la moitié des cas.
le plus souvent au niveau de la fosse postérieure ; ils sont Dans 10 à 20 % des cas, le pied bot varus équin est secondaire
parfois compressifs, à l'origine d'une ventriculomégalie dans à une anomalie neurologique (arthrogrypose, dystrophies
16 % des cas, susceptibles d'interférer avec le développement musculaires, myéloméningocèle), une maladie des brides
psychomoteur. Ils régressent spontanément le plus souvent ; amniotiques ou est intégré dans un syndrome (trisomie 18,
l'absence de régression prénatale justifie un contrôle postna délétion 22q11). Il est caractérisé par l'irréductibilité partielle
tal de l'échographie transfontanellaire. ou totale de la déformation en équin et varus du pied. Les
Certains kystes arachnoïdiens peuvent être localisés dans radiographies sont rarement utiles en période néonatale, le
la fente interhémisphérique ; ils sont alors souvent associés à tarse étant encore très cartilagineux. L'enfant doit en revanche
une agénésie du corps calleux, parfois à une polymicrogyrie être adressé rapidement en consultation orthopédique ; la
en regard du kyste. Ces kystes interhémisphériques peuvent prise en charge orthopédique commence idéalement dans
augmenter de taille de façon importante et nécessiter une la 1re semaine de vie. Deux principales méthodes sont utili
dérivation. Leur découverte justifie donc une IRM fœtale, sées : la méthode dite de Ponseti, reposant sur des plâtrages
une surveillance échographique postnatale et un suivi successifs en position maximale de correction, et la méthode
neuro-développemental en milieu spécialisé. fonctionnelle, fondée sur une kinésithérapie intensive, avec
immobilisation par plaquettes et attelles dans l'intervalle des
Agénésie du corps calleux séances. Le traitement chirurgical, différé, est de plus en plus
Une agénésie complète ou partielle du corps calleux de diag rare et réservé aux situations de récidive ou lorsque la correc
nostic anténatal ne nécessite pas de prise en charge particu tion de la déformation n'est pas satisfaisante après traitement
lière à la naissance. Il est important de s'assurer que le suivi orthopédique. Quelle que soit la méthode choisie, à long
neuropédiatrique est bien organisé en raison du risque de terme, le pronostic est favorable dans la majorité des cas, per
troubles neuro-développementaux à long terme (âge scolaire). mettant un chaussage normal dès l'âge de la marche.
Une IRM cérébrale est habituellement programmée sans ■ Le pied convexe et le pied en Z « serpentin » sont des malfor
urgence pour vérifier le caractère total ou partiel de l'agénésie mations plus rares ; leur prise en charge initiale est orthopé
et l'absence d'anomalies associées, qui modifient le pronostic. dique ; ils nécessitent plus souvent un traitement chirurgical,
à l'âge de la marche en général. Les anomalies des orteils
Malformations cardiaques (clinodactylie, syndactylies, agénésies, polydactylies) ne jus
Les cardiopathies congénitales font partie des malformations tifient d'un geste chirurgical que si le chaussage est gêné.
congénitales les plus fréquemment diagnostiquées en anténa Un examen soigneux des hanches est nécessaire devant
tal. Celles qui autorisent une naissance en milieu non spécialisé toute malformation des pieds à la recherche d'une dysplasie
sont toutefois peu nombreuses. En effet, certaines cardiopa luxante des hanches.
Chapitre 4. Néonatalogie 53
années de vie, tant sur le plan respiratoire (hyperréactivité porté en a nténatal, est organisée dans une maternité de
bronchique, asthme du nourrisson) que digestif et nutrition type 3 avec ORL sur place. En cas de difficultés d'adaptation
nel (reflux gastro-œsophagien, troubles de l'oralité, retard de à la vie extra-utérine, l'intubation peut en effet être très dif
croissance), nécessitant un suivi multidisciplinaire prolongé. ficile. La prise en charge néonatale inclut la mise en décu
Des déformations thoraciques, plus rarement une scoliose, bitus ventral, un support ventilatoire adapté à la sévérité du
justifient un suivi orthopédique jusqu'à l'adolescence. syndrome obstructif, une nutrition entérale au départ, une
alimentation orale prudente avec du lait épaissi, un traite
Myéloméningocèle ment antireflux, et un monitoring cardiorespiratoire.
Une prise en charge adaptée dès la naissance permet, dans
La myéloméningocèle est la forme la plus grave et la plus les formes isolées, une évolution favorable à 2 ans, parallè
fréquente de spina-bifida, caractérisée par une hernie des lement à la maturation neurologique. La fente palatine est
méninges et de la moelle épinière à travers un défect du mur fermée avant 9 mois. Le pronostic est plus réservé en cas de
vertébral postérieur plus ou moins étendu. Elle fait l'objet Pierre Robin associé à un syndrome malformatif, dépendant
d'un diagnostic prénatal dans la grande majorité des cas. alors de celui-ci.
C'est une pathologie de l'ensemble du système nerveux
central, associée à une malformation d'Arnold-Chiari (élar
gissement du foramen magnum, engagement du vermis céré Accueil du nouveau-né en salle
belleux, déformation/étirement du tronc cérébral) dans
plus de 75 % des cas, plus rarement à des hétérotopies sous-
de naissance (hors réanimation)
épendymaires et des anomalies de la moelle épinière au-dessus Juliana Patkai
de la lésion (syringomyélie notamment). L'évolution est com La naissance correspond au passage de la vie « aquatique »
pliquée d'une hydrocéphalie dans 85 à 90 % des cas, nécessi du fœtus à la vie « aérienne » du nouveau-né. Cette transi
tant généralement une dérivation ventriculopéritonéale. tion physiologique s'accompagne de modifications brutales
Il est important que les parents aient bien compris la de la circulation cardiopulmonaire déclenchée en grande
certitude de polyhandicap à long terme, avec des troubles partie par les premiers mouvements respiratoires et l'aéra
sphinctériens constants (vessie neurologique, constipation, tion pulmonaire.
incontinence urinaire et fécale), un déficit sensori-moteur à Pour la majorité des naissances (> 90 %), cette adapta
des degrés divers (le potentiel de marche dépend du niveau tion de l'enfant aux nouvelles conditions d'environnement
de la malformation et de son étendue, il est susceptible de se fait spontanément. On parle de bonne adaptation à la
s'aggraver avec le temps), des complications orthopédiques vie extra-utérine. Ces conditions favorables permettent de
fréquentes, et un risque de déficience cognitive pouvant prioriser l'établissement du lien parental, en particulier le
impacter l'autonomie et les apprentissages. Le pronostic est peau à peau, chaque fois que possible. Cependant, au cours
largement dépendant de la qualité de la prise en charge, qui des heures qui suivent la naissance, le nouveau-né reste
doit être multidisciplinaire (uronéphrologique, gastroenté fragile et son état stable est facilement réversible sous l'ef
rologique, neurochirurgicale, orthopédique et en rééduca fet de facteurs environnementaux défavorables. L'accueil
tion fonctionnelle) et poursuivie à vie. en salle de naissance correspond à l'application de soins
En général, les enfants porteurs d'une myéloméningo de stabilisation associée à une surveillance clinique de la
cèle ne présentent pas de difficultés d'adaptation à la vie mère et de l'enfant pendant au minimum les 2 premières
extra-utérine. La prise en charge en salle de naissance heures qui suivent la naissance. Cette surveillance, redéfi
consiste à protéger la lésion par un pansement humide nie par la Haute autorité de santé (HAS) en 2017, nécessite
stérile (compresses imbibées de sérum physiologique) et une évaluation clinique régulière, au minimum toutes les
à placer l'enfant en décubitus ventral avant son transfert 15 minutes la 1re heure, qui doit être consignée par écrit
en soins intensifs de néonatologie. La fermeture neurochi (tableau 4.1).
rurgicale intervient au mieux dans les 24–48 heures ; elle Pour moins de 10 % des naissances, l'adaptation à la
est urgente en cas de rupture de la myéloméningocèle en vie extra-utérine n'est pas immédiate ou si elle l'est, le
raison du risque infectieux (méningite). Pour éviter de nouveau-né nécessite des soins et/ou une surveillance
séparer la mère de son enfant, il est préférable d'organiser systématique. C'est en particulier le cas du nouveau-né
l'accouchement là où l'enfant sera opéré. prématuré. Dans ces situations, l'enfant requiert une prise
en charge active pour restaurer ou maintenir une vitalité
Séquence de Pierre Robin normale : on parle de difficultés à l'adaptation à la vie
Secondaire à un dysfonctionnement anténatal du tronc céré extra-utérine.
bral, elle associe une microrétrognathie, une glossoptose et une
fente palatine postérieure. Elle est isolée dans la moitié des cas.
Elle s'intègre dans les autres cas dans des syndromes malfor Bonne adaptation à la vie extra-utérine
matifs variés (anomalies neuromusculaires, osseuses, oculaires, Elle est définie immédiatement à la naissance par la valida
cardiaques, etc.) avec ou sans anomalie génétique associée. tion des trois critères suivants :
Elle est à l'origine de troubles de la succion-déglutition- ■ une naissance à terme (≥ 37 SA) ;
ventilation de gravité variable, avec syndrome obstruc ■ l'existence de mouvements respiratoires, de pleurs ou cris ;
tif ventilatoire, apnées – bradycardies, malaises vagaux, ■ un tonus normal.
tétées difficiles, fausses routes et troubles de la motricité Dans ce cas de figure, l'accueil et la surveillance du
œ sophagienne. La naissance, quand le diagnostic a été nouveau-né peuvent être réalisés dans la salle d'accouche
Chapitre 4. Néonatalogie 55
ment. Cette salle doit être chauffée au minimum à 20 °C, d'hyperthermie (T > 38 °C). La température cutanée doit
idéalement 24 °C, et être équipée d'une table radiante. Ainsi, être maintenue entre 36 et 37 °C.
l'ensemble des soins nécessaire et la surveillance de l'enfant
peuvent être effectués en présence des parents. En cas d'ac
Installation en peau à peau
couchement par césarienne, l'accueil du père seul auprès
de son enfant dans un premier temps doit être organisé Le peau à peau après la naissance est recommandé par
selon les ressources de chaque maternité. Dès que possible, l'HAS et l'OMS. Ses bienfaits chez le nouveau-né sont
l'enfant et sa mère doivent être réunis. multiples :
■ il améliore le bien-être et diminue le stress de l'enfant ;
Clampage retardé du cordon ■ il favorise l'adaptation thermique et cardiorespiratoire ;
■ il favorise l'adaptation métabolique (meilleure régu
Les données physiologiques sont en faveur d'une meilleure
lation glycémique, correction plus rapide de l'acidose
adaptation cardiocirculatoire en cas de clampage du cor
métabolique) ;
don survenant après l'initiation des premiers mouvements
■ il facilite la mise en place et allonge la durée de
respiratoires. En ce qui concerne le clampage retardé (au-
l'allaitement ;
delà de 60 secondes), son bénéfice a été bien établi chez
■ il favorise le lien mère-enfant.
les nouveau-nés prématurés et à terme. Il est désormais
Pour cela, il doit être précoce et prolongé, si possible au
recommandé par l'HAS et l'Organisation mondiale de la
moins 1 heure, idéalement 2 heures.
santé (OMS). Il doit être effectué systématiquement, sur
Toutefois, des malaises graves (type mort inattendue
une durée de 1 à 3 minutes, en dehors des situations de
du nourrisson) ont été décrits chez des enfants placés
bradycardie inférieure à 100 bpm. L'enfant est placé sur le
en peau à peau. Une surveillance clinique du nouveau-
ventre de sa mère, enveloppé, en position ventrale, douce
né est obligatoire pendant toute sa durée. Elle est assu
ment stimulé.
rée par la présence permanente d'une tierce personne
auprès de la mère (habituellement le père) et la visite
Contrôle de la température régulière d'un membre du personnel soignant (toutes les
À la naissance, le nouveau-né, mouillé et nu, est exposé à 10 à 15 minutes). Les parents doivent avoir été informés
un risque élevé d'hypothermie dont les conséquences sont des risques associés et des signes à surveiller (couleur,
bien connues : augmentation de la mortalité, du risque de tonus), notamment l'importance de laisser libre les voies
détresse respiratoire, d'hypoglycémie et d'hémorragie intra aériennes. La sécurisation du peau à peau implique
cérébrale, notamment chez le nouveau-né prématuré. Pour la disponibilité du personnel soignant et l'absence de
le prévenir, après la naissance, le bébé doit immédiatement contre-indication liée à l'état de la mère ou de l'enfant.
être séché, recouvert d'un lange chaud et d'un bonnet et Chez le nouveau-né fragile (petit poids de naissance,
placé en peau à peau sur sa mère. En cas de peau à peau dif terme < 37 SA, etc.) ou en cas de charge de travail élevée,
féré (césarienne, contre-indications au peau à peau), l'enfant la mise en place d'un monitoring de la fréquence car
doit être placé sur la table radiante avec mise en place d'une diaque et de la saturation pendant le peau à peau peut
sonde thermique en mode cutané pour éviter tout risque être proposée.
56 Partie II. Spécialités
■
Nouveau-né placé en position ventrale sur le haut du thorax
de la mère (à hauteur de baisers) et non au niveau des seins
au risque d'induire une bradycardie vagale. Le passage des
■
Tête bien visible, tournée sur le côté choanes n'est pas nécessaire. L'aspiration douce réglée à –100
■
Nez et bouche dégagés à 150 mmHg est appliquée toujours lors du retrait de la
■
Cou non fléchi sonde.
■
Nouveau-né recouvert d'un lange chaud propre qui ne doit
pas recouvrir la tête (et donc s'arrêter au niveau du cou) avec Vérification de la perméabilité des choanes
un bonnet sur la tête Ce dépistage n'est plus recommandé en l'absence de
signes évocateurs (détresse respiratoire ou respiration
difficile bouche ouverte et bruyante) ou d'antécédents
En cas de césarienne, certaines équipes proposent au familiaux.
père de prendre le relais de la mère après avoir préalable En cas de signes évocateurs ou d'ATCD familial, un
ment recueilli l'accord de celle-ci. dépistage par méthode douce est fiable :
■ fils devant la narine avec narine opposée bouchée en tes
Cotation du score d'Apgar tant les deux narines alternativement ;
Les paramètres de vitalité : fréquence cardiaque, présence ■ buée sur miroir ou objet métallique en bouchant alterna
de mouvements respiratoires, coloration, tonus et réactivité tivement une narine puis l'autre
sont recueillis systématiquement à M1, M5 et M10 de vie,
permettant d'établir le score d'Apgar. Ce recueil peut être Vérification de la perméabilité de l'anus
fait en maintenant l'enfant sur sa mère. Il n'est plus nécessaire d'introduire une sonde dans l'anus.
Ce geste invasif peut être remplacé par un examen minu-
Réalisation des premiers soins/premiers gestes tieux de l'anus en déplissant la marge anale. Ultérieu
Dans la situation où l'enfant s'adapte bien, aucun geste systé- rement, l'observation du transit et du comportement
matique n'est préconisé immédiatement à la naissance : la alimentaire complète l'examen. Du fait d'une association
priorité est de favoriser le lien parental en initiant le peau à syndromique possible (syndrome VATER), toute ano
peau rapidement. Les soins systématiques sont différés et les malie anale impose une vérification de la perméabilité
soins non systématiques réservés aux situations particulières. œsophagienne.
Préparation
Conseil anténatal Anticipation Briefing de l'équipe
Vérification
NAISSANCE
AVEZ-VOUS
NORMOTHERMIE Connaître la couleur et la consistance du LA BESOIN D'AIDE ?
– NN à terme ? OUI
– Respiration efficace ? Cris francs ? Pas de réanimation
– Bon tonus ? à toutes
– Clampage retardé du
les questions
cordon > 30 secondes
– Séchage
NON à une ou plusieurs questions
– Surveillance
CHRONOMÈTRE PHASE A
Déclenchement du chronomètre
Liberté des VAS
Si respiration Normothermie
Stimulations
inefficace,
ventilation à
débuter à la fin NON Cƒ. si difficultés respiratoires,
Apnée ou gasps ?
de la 1re minute de vie cyanose et prise en charge
FC < 100/min ?
de la détresse respiratoire
OUI
1 minute PHASE B Efficacité VPP
N VPP masque efficace pendant = soulèvement thoracique B
O 30 secondes SpO2 préductale E
R Monitorage FC (scope) S
M O
Si pas de soulèvement thoracique : I
O
– vérifier fuites/obstruction/pressions N
T
– envisager intubation trachéale ?
H D
E Arrêt VPP, surveillance '
R Évaluation NON si VS spontanée efficace A
M après 30 secondes FC < 100/min
I
I de VPP efficace D
E OUI Valeurs SpO2
E
préductales acceptables
Certitude de VPP efficace ? ?
2 min : 60 % 3 min : 70 %
Considérer O2
4 min : 80 % 5 min : 85 %
10 min : 90 %
Et si FC < 60/min
ATTENTION
Hypovolémie
PNO
PHASE C Malformation pulmonaire
Envisager intubation si pas déjà faite Cardiopathie
CT coordonnées à la VPP Malposition du tube
FiO2 100 % trachéal si intubation
Évaluation
30–45 secondes après NON Arrêt CT
FC < 60/min ? Poursuite ventilation
début CT + VPP durablement
Adaptation FiO2 aux besoins
OUI
Soins post-réanimation
PHASE D
Poursuvre CT + VPP
Adrénaline IV renouvelable toutes les 3–6 minutes
Expansion volémique en cas d'hypovolémie
Évaluation
1 minute après Arrêt CT
OUI NON
FC < 60/min ? Poursuite ventilation
injection d'adrénaline, Adaptation FiO2 aux besoins
durablement
puis toutes les minutes Soins post-réanimation
Information
aux parents
Fig. 4.4 Résumé des recommandations de réanimation du nouveau-né en salle de naissance. CT : compressions thoraciques ; FC : f réquence
cardiaque ; LA : liquide amniotique ; NN : nouveau-né ; PEP : pression expiratoire positive ; PNO : pneumothorax ; SIT : sonde d'intubation ; VAS :
voies aériennes supérieures ; VPP : ventilation en pression positive ; VS : ventilation spontanée.
Chapitre 4. Néonatalogie 59
Tableau 4.2 Cible de saturation préductale Dans ce contexte très physiologique, les mesures préven
après la naissance (capteur à la main droite). tives prennent une place prépondérante et le pédiatre parti
cipe activement à leur mise en place.
Temps écoulé depuis Saturation (%)
la naissance (minutes) La multiplicité des intervenants en maternité nécessite
qu'il travaille en coordination avec les différentes disci
1 60–65
plines présentes en tant qu'un des acteurs de l'amélioration
2 65–70 des pratiques et de la sécurité des soins qui concernent le
3 70–75 nouveau-né.
4 75–80
5 80–85 Tâches cliniques
10 85–95 En salle de naissance
Le pédiatre participe à la prise en charge des urgences néo
natales. Les gestes de réanimation sont appris au cours du
cursus initial de formation. Lorsque la maternité est à bas
Évaluation secondaire risque, ces situations de réanimation sont rares et le pédiatre
Dans certains cas, après une période de stabilisation de peut se sentir peu à peu plus désarmé. Le renouvellement de
l'enfant, son maintien en salle de naissance peut être auto sa formation par la simulation est une grande avancée des
risé mais une surveillance rapprochée est souvent nécessaire dernières années. Lorsque le nouveau-né est transféré du
pendant la 1re heure. Un monitoring des paramètres car fait de son état de santé, après mise en condition, le pédiatre
diorespiratoires peut être mis en place au mieux auprès des est l'interlocuteur privilégié du SAMU et du service de
parents. Au décours de cette période de surveillance rappro néonatologie qui va accueillir l'enfant. Il a un rôle essentiel
chée et après réévaluation clinique, l'enfant peut rejoindre le dans le transfert de l'information du dossier de la mère et de
parcours du nouveau-né avec bonne adaptation. l'enfant.
Dans les situations où les besoins d'une prise en charge ou Dans certaines situations à risque, qui ont été décidées
d'une surveillance au-delà de la 1re heure de vie sont identi avec lui, le pédiatre est appelé avant ou après la naissance
fiés, un transfert de l'enfant vers une structure adaptée à sa pour une évaluation précoce de l'enfant.
prise en charge doit être organisé. Un avis pédiatrique est
obligatoire à ce stade, s'il n'a pas déjà été recueilli auparavant. En suites de couches
Par sa visite quotidienne, il apporte son expertise aux sages-
Conclusion femmes, pour tout ce qui concerne la surveillance des enfants
L'accueil du nouveau-né en salle de naissance est un temps hypotrophes et prématurés et les pathologies courantes de
essentiel à la stabilisation après la naissance. Il doit avant suites de couches : ictère, courbe de poids stagnante, désé
tout privilégier l'établissement du lien parental en proposant quilibre glycémique ou thermique, problèmes d'allaitement,
le peau à peau précoce et prolongé chaque fois que possible. risque infectieux. Il valide les sorties des nouveau-nés lorsque
Cet accueil doit nécessairement comprendre une surveil la sortie est précoce ou pour les plus fragiles.
lance clinique rapprochée de l'enfant et de sa mère. Par ailleurs tout nouveau-né de maternité doit être exa
Dans les cas où l'adaptation nécessite une intervention miné par le pédiatre au moins une fois à partir de 48 heures
immédiate à la naissance, la connaissance et l'application d'âge révolues. Il est suivi de la rédaction du carnet de santé,
des premières mesures de réanimation permettent le plus et du certificat du « 8e jour ». Un examen clinique plus pré
souvent le rétablissement d'une vitalité normale. coce entre H6 et H12 est indiqué en cas de fièvre maternelle
Quelles que soient les modalités de sortie de la salle de supérieure à 38 °C pendant le travail, sans antibiothérapie
naissance de l'enfant, suites de couches ou hospitalisation, il maternelle adéquate ou, bien sûr, en cas de symptômes
doit être identifié par ses bracelets d'identité et accompagné apparaissant chez le nouveau-né.
des éléments du dossier contenant la traçabilité des inter
ventions et de la surveillance, et son carnet de santé. Continuité
Les pédiatres organisent la continuité des soins par une liste
Pédiatrie en maternité de garde ou d'astreinte en fonction du type de maternité et
du nombre d'accouchements, en accord avec le décret de
Sophie Parat périnatalité du 10 octobre 1998.
L'exercice du pédiatre en maternité a la particularité de se
dérouler en milieu hospitalier mais dans une population à Tâches relationnelles
bas risque médical. L'enjeu est à la fois de rester en perma
nence vigilant afin de repérer les quelques situations à risque
Parents
médical ou psychosocial afin qu'une prise en charge précoce En anténatal
et adaptée soit mise en place, et d'éviter de médicaliser à Le pédiatre est amené à rencontrer les parents dans plusieurs
outrance la prise en charge des nouveau-nés qui, pour la plu situations : prématurité attendue, pathologies de diagnostic
part, vont bien et doivent bénéficier d'un climat rassurant et anténatal nécessitant parfois une prise en charge particu
serein, dans lequel le lien mère-enfant s'épanouira au mieux. lière à la naissance, diagnostic anténatal d'une anomalie du
60 Partie II. Spécialités
caryotype, pathologies maternelles pouvant avoir des consé des structures hospitalières. Le staff médico-psycho-social
quences sur le nouveau-né, conseils sur l'allaitement en cas est un lieu de partage des informations entre profession
de traitement maternel, etc. Ces consultations constituent nels. Avec l'accord de la patiente, sa situation est expo
un étayage utile pour des parents souvent inquiets et faci sée, analysée et des propositions de prise en charge sont
litent la prise en charge postnatale. établies en amont de la naissance. Ce n'est cependant
qu'après la naissance que la prise en charge maternelle et
Après la naissance la relation avec l'enfant pourront être évaluées. La présence
Dès qu'un nouveau-né présente une particularité dans son d'au moins un pédiatre au staff médico-psycho-social est
évolution, la présence permanente de la maman auprès de importante.
son enfant permet de lui expliquer l'évolution de celui-ci.
Ce temps conséquent consacré aux mères et aux pères n'est Taches organisationnelles
pas inutile. Il permet à ceux-ci de se rassurer, mais aussi de
prendre peu à peu leur place de parents. Le pédiatre est un des acteurs de la gestion du risque associé
Lorsqu'un enfant est transféré en néonatologie, parfois en aux soins en maternité.
dehors de l'établissement, le pédiatre prend régulièrement
des nouvelles auprès du service de néonatalogie et rencontre Situations à risque
les parents pendant leur séjour à la maternité afin de les L'identification des situations à risques a priori permet
tenir au courant de l'évolution de leur enfant. Parfois, la d'établir des protocoles en lien avec les obstétriciens, les
communication de certaines informations doit être réservée sages-femmes et l'encadrement. Il s'agit par exemple des
au service d'accueil (il est préférable d'être sur ce point très indications d'appel du pédiatre en salle de naissance, du
précis entre les deux services). Il joue un rôle important en repérage et de la prise en charge des enfants vulnérables ou
engageant les parents à aller voir leur enfant, éventuellement à risque (infectieux ou d'hypoglycémie par exemple, enca
en ambulance et en informant la maman sur les bénéfices dré 4.1), du protocole de dépistage systématique de l'ictère
d'un allaitement maternel, qui nécessite en cas de séparation chez tous les nouveau-nés. Ces protocoles tiennent compte
mère-enfant des expressions précoces avec un tire-lait. du type de maternité, de la présence d'un pédiatre sur place
ou non. Ils sont mis régulièrement à jour mais surtout, afin
Obstétriciens d'être connus, compris et acceptés par tous, un temps sup
La communication des pédiatres avec les obstétriciens est plémentaire de communication doit être prévu dans le cadre
fondamentale car elle engage la sécurité de la prise en charge de réunions d'équipe.
des nouveau-nés. En amont de l'accouchement, les staffs de
grossesses à risque ou de diagnostic anténatal permettent de Organisation de la salle de naissance
déterminer le type de prise en charge du nouveau-né à venir et prise en charge en urgence
(transfert in utero, examens ou surveillance à appliquer, L'organisation de la salle de naissance doit permettre l'ac
prise en charge active, palliative, etc.). cueil d'une situation d'urgence néonatale non prévue, en
Après un accouchement, le pédiatre informe l'obstétri termes de matériel, mais également de personnel : entraîne
cien de l'évolution des nouveau-nés connus en anténatal, ment aux gestes techniques et à la communication en situa
mais aussi des nouveau-nés pour lesquelles une pathologie tion d'urgence, répartition anticipée des tâches.
inattendue a été découverte à la naissance. Ceci est souvent La formation du personnel sur la nécessaire surveillance
fait dans le cadre de la réunion matinale de relève de garde, des enfants placés en peau à peau sur leur mère est très
où le pédiatre de maternité est généralement présent. Cette importante. L'urgence d'une prise en charge en suites de
communication participe à l'amélioration des pratiques couches doit pouvoir également être anticipée.
professionnelles.
Autres situations
Équipe psychosociale, PMI
Les risques iatrogènes comme la prévention de la dou
Le pédiatre, ainsi que la sage-femme et le personnel para leur en cas de prélèvement, la prévention des infections
médical sont attentifs à la révélation de problèmes psycho
sociaux en suites de couches. Ces problèmes sont multiples,
parfois simples (mère isolée multipare ayant eu des compli
cations obstétricales pour laquelle une assistance à domicile Encadré 4.1 Population à risque
peut être mise en place avec l'aide de l'assistante sociale, d'hypoglycémie
fragilité maternelle dans un contexte d'isolement engageant ■
Hypotrophe < 10e percentile
à faire le lien avec la PMI), mais parfois plus complexes, ■
Macrosome > 90e percentile
nécessitant un entretien psychologique, parfois psychia ■
Nouveau-né de mère diabétique
trique ou une prise en charge sociale lourde du fait d'une ■
Nouveau-né prématuré (< 37 SA) ou postmature (> 42 SA)
précarité extrême. Dans certains cas, lorsqu'un danger pour ■
Le plus petit de 2 jumeaux, même eutrophe
la protection de l'enfant apparaît, le pédiatre peut être amené ■
Nouveau-né de mère traitée par β-bloquants ou corticoïdes à
à rédiger une information préoccupante.
fortes doses pendant la grossesse
Les situations les plus complexes sont néanmoins désor ■
Tout enfant présentant une pathologie : détresse respiratoire,
mais en grande partie repérées en anténatal grâce au travail en
suspicion d'infection, anoxie périnatale, hypothermie, etc.
réseau, mettant en lien les professionnels de proximité et ceux
Chapitre 4. Néonatalogie 61
(soins du cordon, port de blouse individuel, etc.), les Examen clinique pédiatrique
règles d'administration des vitamines K et D font égale
ment l'objet de protocoles élaborés avec l'encadrement
à la maternité
des équipes. Sophie Parat
L'organisation du dépistage néonatal (prélèvement de
Selon les maternités, un examen clinique est réalisé par le
sang et auditif) doit faire l'objet de protocoles clairs.
pédiatre une ou plusieurs fois pendant le séjour du nouveau-
né. L'HAS recommande qu'au moins un examen pédiatrique
Matériel systématique soit pratiqué à partir de 48 heures révolues.
L'avis du pédiatre est souhaitable dans le choix du matériel de Ce recul permet de juger de l'adaptation à la vie extra-
la maternité : berceau chauffant, matériel de photothérapie, utérine du nouveau-né à distance de la naissance, de voir
de surveillance de la bilirubine transcutanée, et surtout maté apparaître d'éventuels signes cardiaques ou neurologiques
riel de réanimation. Le choix de celui-ci doit obéir à la règle indétectables lors d'un examen plus précoce ou d'assister à la
d'une ergonomie simple et intuitive, en particulier dans les révélation d'une rare maladie métabolique. Les recomman
maternités à bas risque où les situations d'urgence sont rares. dations de l'HAS stipulent qu'un 2e examen médical doit
être réalisé entre 6 et 10 jours de vie.
Analyse des accidents ou des évènements
sentinelles, des dysfonctionnements Dossier médical
Elle fait partie de la culture de la gestion de risques et le L'examen en maternité est précédé de la lecture attentive du
pédiatre y joue un rôle important. dossier maternel. Celui-ci permet de relever :
■ les antécédents familiaux et en particulier maternels :
Tâches de conseils, d'enseignement outre les maladies génétiques transmissibles, certaines
et d'éducation maladies maternelles ou leur traitement peuvent avoir un
Parents impact sur le fœtus et le nouveau-né ;
■ le contexte psychosocial afin de pouvoir mettre en place
Certaines maternités organisent de façon régulière des ren
d'éventuelles aides auprès de la famille (mère isolée, âgée,
contres en cours de grossesse de groupes de parents avec un
antécédents de décès périnataux, de dépression, trans
pédiatre pour les couples qui le souhaitent. Il peut répondre
plantation récente, etc.) ;
aux questions, expliquer le parcours d'un enfant bien por
■ le déroulement de la grossesse et les éventuelles patholo
tant en maternité, anticiper le retour à la maison et faire pas
gies médicales et obstétricales ;
ser déjà quelques messages de prévention, qui sont peut-être
■ le déroulement de l'accouchement, l'âge gestationnel, la
mieux enregistrés à cette période.
présentation, l'existence de critères d'anamnèse infec
tieuse, l'administration d'une antibiothérapie adéquate en
Sages-femmes, infirmières auxiliaires cas d'anamnèse infectieuse, les signes éventuels d'anoxie
Le pédiatre participe à la formation continue du personnel périnatale (RCF et adaptation néonatale), les éventuelles
paramédical et des sages-femmes, que ce soit pour la réa manœuvres réalisées ;
nimation en salle de naissance, la prise en charge d'enfants ■ toutes les mensurations de l'enfant rapportées à l'âge
à risque ou l'allaitement. Dans les maternités publiques, gestationnel afin de repérer une hypotrophie, une micro
l'enseignement au « lit du malade » profite aux étudiants en céphalie ou une petite taille.
médecine et aux élèves sages-femmes.
Conditions de l'examen
Allaitement
Les meilleures conditions de l'examen sont réunies lorsque
Le lait maternel est la référence pour l'alimentation du nour l'enfant est en éveil calme et la mère, si possible le père, dis
risson et l'allaitement maternel est recommandé par l'OMS, ponibles. Le lavage des mains de l'examinateur est impératif
comme par le programme national nutrition et santé. Malgré (utilisation d'une solution hydroalcoolique) avant l'examen
cela, après une augmentation régulière du taux d'allaitement du nouveau-né ainsi que le port du masque en cas d'infec
maternel en France à partir de 1990, la dernière enquête tion virale. Des manipulations douces, des mains réchauf
périnatale de 2016 montre pour la première fois une dimi fées et un dialogue avec l'enfant aident à maintenir son
nution du taux d'allaitement maternel exclusif. Même si le calme et son attention.
choix d'allaiter appartient bien sûr à la mère ou au couple, ce
choix doit être éclairé. À ce titre, le pédiatre peut rappeler à
l'ensemble du personnel les bénéfices médicaux reconnus de Inspection
l'allaitement maternel tant pour la mère que pour l'enfant. L'inspection note d'emblée la coloration rose de la peau,
Par ailleurs, la formation sur l'allaitement est notoirement éventuellement ictérique ou porteuse de lésions en rapport
insuffisante parmi les professionnels et certaines pratiques avec l'accouchement, la gesticulation de l'enfant et un éven
reposent sur des croyances, des habitudes institutionnelles, tuel syndrome postural qui associe attitude de torticolis,
voire un vécu personnel. Le pédiatre de maternité doit bassin asymétrique, etc. La respiration est régulière entre 30
s'impliquer dans la culture de l'allaitement dans la maternité et 60/min, silencieuse sans signe de lutte. Selon le choix de
pour que les conseils et informations donnés aux parents l'examinateur, l'examen est pratiqué de façon descendante
reposent sur des preuves. ou appareil par appareil.
62 Partie II. Spécialités
Examen du rachis
La palpation des épineuses tout au long de la colonne
Fig. 4.5 Pied normal : la bissectrice du talon passe entre le vertébrale recherche un déplacement, une anomalie,
2e et le 3e orteil (position neutre).
l'absence de rectitude de la colonne vertébrale. Une ano
malie cutanée en regard de la colonne vertébrale peut
révéler un dysraphisme sous-jacent confirmé par une
de la main. Il n'y a pas de syndactylie et les articulations sont échographie médullaire dans les premières semaines. Les
souples. Les doigts des mains et des pieds sont comptés, il fossettes sacrococcygiennes sont le plus souvent banales.
n'y a pas de syndactylie. La prise en charge de doigts sur Leur exploration échographique doit être limitée à cer
numéraires, quelle que soit leur importance, est toujours tains cas : fossette large supérieure à 2 mm de diamètre,
chirurgicale. hautes (plus de 25 mm par rapport à l'anus), associée à
L'examen de la face plantaire du pied montre un bord d'autres anomalies.
latéral rectiligne avec une bissectrice du talon passant entre
le 2e et le 3e orteil (fig. 4.5). Le calcanéum est en place dans
le talon, dans l'axe du tibia. L'avant-pied est dans l'axe de Examen de la face et du cou
l'arrière-pied. On juge de la souplesse et de l'amplitude de La palpation cervicale recherche une éventuelle fistule, un
flexion et d'extension de la cheville et du genou. Si les mal kyste, une masse, un goitre.
positions du pied sont fréquentes, liées aux contraintes uté On s'assure de la normalité des oreilles, de la présence
rines, la majorité régresse spontanément lorsque le pied est d'un conduit auditif externe. L'examen note fréquemment
souple. l'existence de fistules préauriculaires et d'enchondromes
prétragiens. L'examen de la bouche recherche une éven
tuelle asymétrie, révélant une paralysie faciale ou une apla
Examen des hanches
sie du triangulaire des lèvres. L'examen du palais élimine
Il nécessite un bon relâchement musculaire chez le nou une fente parfois uniquement vélaire. Les freins de langue
veau-né qui doit être calme et nu. L'examinateur observe médians, courts sont fréquents. Les perles épithéliales gingi
la position naturelle du bassin. L'amplitude de l'abduc vales disparaîtront progressivement.
tion des hanches est mesurée cuisses fléchies à 90° : elle L'examen des yeux est méticuleux. Le glaucome congéni
est normale entre 70 et 85°. Une limitation inférieure à tal est une urgence ophtalmologique. Il est évoqué devant une
60° constitue un risque de luxation. La recherche d'une mégalocornée (> 12 mm) et une diminution de transparence
instabilité de hanche se pratique par la méthode de Bar de la cornée. Normalement, la pupille est ronde, sans opacité
low : après avoir stabilisé le bassin en plaçant le pouce sur visible, avec une lueur pupillaire normale à l'ophtalmoscopie
le pubis et les quatre autres doigts au niveau du sacrum, (ce qui élimine cataracte congénitale et rétinoblastome).
l'examinateur empaume le genou, cuisses et genoux flé Le ptosis justifie une surveillance ophtalmologique, de
chis à 90°, le pouce au niveau de la face interne de cuisse même que la fermeture incomplète de l'œil secondaire à une
et l'index et le majeur au niveau du grand trochanter. La paralysie faciale.
pronosupination de la main fémorale recherche un dépla La poursuite oculaire sur 90° est possible chez le
cement de la tête fémorale hors de la cavité cotyloïdienne, nouveau-né à terme. Elle est recherchée chez un enfant
plus ou moins associée à une sensation de ressaut (sen éveillé en position semi-assise, la cible ou le visage de
sation d'accrochage). La hanche du nouveau-né est nor l'examinateur étant situé à 20–30 cm. Un strabisme à la
malement stable. Le craquement qui est une sensation fixation est physiologique jusqu'à 4 mois. Au-delà ou s'il
audible ne s'accompagne pas d'instabilité et n'a pas de est permanent à la naissance, il justifie une consultation
signification pathologique. ophtalmologique.
Cet examen de hanches est systématique à chaque exa
men clinique de l'enfant jusqu'à l'âge de la marche. L'écho
graphie des hanches complète l'examen clinique en cas Examen cutané
d'examen anormal ou devant l'existence de facteurs de La peau du nouveau-né à la naissance est souvent recou
risque (encadré 4.2). verte d'un enduit gras blanchâtre (vernix caseosa) aux vertus
64 Partie II. Spécialités
thermique et anti-infectieuse, qui se résorbe naturellement. t emporales. Les craniosténoses entraînent une déformation
Quelques particularités de la peau du nouveau-né sont à du développement de la boîte crânienne dépendant des
connaître afin d'éviter des explorations ou des traitements sutures touchées. Leur suspicion fait demander une consul
inutiles : tation de neurochirurgie. Les fontanelles sont de taille très
■ le milium est représenté par des kystes épidermiques variable. La fontanelle postérieure est le plus souvent vir
superficiels blanchâtres prédominant dans la région tuelle. La mesure du périmètre crânien est systématique à
médiane du visage, disparaissant en quelques semaines à chaque examen.
mois après la naissance ;
■ l'érythème toxique est une éruption survenant entre 1 et
3 jours de vie. Il s'agit le plus souvent de maculopapules Examen général
érythémateuses de taille variable parfois associées en leur En état d'éveil calme, le nouveau-né à terme peut être
centre à des pustules. Elles épargnent le cuir chevelu, capable d'une grande attention par rapport au visage de
les paumes et les plantes, leur étendue est variable d'un sa mère ou de l'examinateur. Ceci est particulièrement
moment à l'autre et elles disparaissent spontanément en notable lorsqu'en position semi-assise, l'examinateur,
6 semaines maximum ; en bloquant la nuque de l'enfant, obtient le relâchement
■ la tache ardoisée (aussi appelée mongoloïde) est une du tonus des membres supérieurs. La poursuite ocu
macule de grande taille d'allure ardoisée touchant pré laire est jugée à ce moment-là. La motricité spontanée
férentiellement les épidermes pigmentés. Sa localisation est symétrique et asynchrone avec des membres légère
lombosacrée est très habituelle mais elle peut être éga ment relevés par rapport au plan de change. On observe
lement présente sur tout le reste du corps. Elle disparaît une ouverture des mains avec abduction du pouce, à
vers 4–5 ans ; un moment de l'examen, même si celles-ci sont le plus
■ la pustulose néonatale transitoire est faite de pustules souvent fermées. En éveil agité, le nouveau-né est ini
localisées au niveau du sexe, des plis inguinaux, du tronc, tialement sensible aux manœuvres d'apaisement comme
des fesses. Elle touche plus volontiers les enfants de peau le rassemblement de ses membres sur la ligne médiane,
noire. Cette pustule va disparaître, laissant une collerette l'écoute de la voix.
de desquamation ainsi qu'une macule pigmentée ; La mère est parfois alertée par des manifestations banales
■ les bulles de succion sont présentes à la naissance, conte qui surviennent en sommeil agité (sursaut, abduction des
nant un liquide clair ou apparaissant sous forme d'éro bras, grimaces et élévation des globes oculaire). La succes
sion post-bulleuse régulière. Leur siège le plus fréquent sion des stades d'éveil et de sommeil peut lui être expliquée,
est au niveau des avant-bras ou des mains ; ainsi que l'augmentation de la vigilance du nouveau-né dans
■ le naevus flameus est un angiome de localisation la première partie de la nuit, source de fatigue mais aussi
typique : ligne médiane du visage (intersourcilier, d'inquiétude pour le couple.
front, nez, lèvre supérieure) et paupières. La locali
sation, la teinte, souvent discrète, le caractère émietté
permettent de rassurer les parents sur sa disparition Tonus passif
progressive ; L'examen du tonus de base dit passif, confirme chez le
■ l'angiome de nuque, situé à la base de l'implantation des nouveau-né à terme, la prépondérance des muscles flé
cheveux, ne régresse pas systématiquement mais n'en chisseurs. Il se juge à l'inspection (attitude de quadri
traîne pas de préjudice esthétique. flexion), puis à l'examen de chaque segment de membre,
en jugeant de la symétrie par rapport au segment contro
Examen neurologique latéral (cf. tableau 4.3).
L'examen neurologique du nouveau-né doit être interprété
en fonction de l'état d'éveil de celui-ci, de son âge gestation Tonus actif
nel (tableau 4.3), des circonstances de la naissance et de son La qualité du tonus actif au niveau des muscles du cou
âge de vie. Il est préférable de le répéter avant de porter un est jugée par la manœuvre du tiré-assis. L'examinateur,
jugement. en empaumant les épaules du nouveau-né, l'amène en
position assise, en soutenant, jusqu'à mi-parcours envi
Examen du crâne ron, la nuque de l'enfant. L'enfant, tiré d'arrière en avant,
Le crâne est modelé en fonction de la présentation ou de tente de verticaliser sa tête par l'action des fléchisseurs du
l'existence d'un jumeau. Son remodelage naturel se fait cou. Chez l'enfant à terme, la tenue de tête est possible
dans les premières semaines si l'enfant mobilise sa tête et quelques instants dans l'axe du corps avant de retomber en
ne subit pas de contrainte. Les conseils de positionnement avant. Après stimulation des épaules et légère inclinaison
sont donc la première arme contre la plagiocéphalie. Bosses en arrière, l'enfant redresse sa tête (action des extenseurs
sérosanguines et céphalhématomes sont fréquents et banals. de la nuque), là encore, quelques instants, et la maintient
Ces derniers (limités par les sutures crâniennes) régressent dans l'axe quelque temps lorsqu'il est incliné vers l'arrière.
plus lentement. Les sutures sont bien palpées et mobiles, Le redressement sur les membres inférieurs est jugé en
on note parfois un chevauchement ou une disjonction qui soutenant par les aisselles l'enfant en position verticale,
restent modérés, en particulier sur les sutures coronales et ses pieds sur un plan ferme. Par une discrète pression
Chapitre 4. Néonatalogie 65
verticale, l'examinateur sollicite un appui plus marqué recherchés : le grasping observé en plaçant son doigt à l'inté
des pieds, qui déclenche un mouvement d'extension des rieur de la paume de l'enfant qui s'agrippe ainsi fortement,
jambes, puis du tronc et de la tête. en renforçant sa flexion du membre supérieur, le réflexe
de Moro déclenché par les manœuvres qui entraînent une
rapide flexion de la nuque. Ce réflexe déclenche une abduc
Réflexes archaïques tion symétrique des bras, une extension des avant-bras et
À la suite du redressement des membres inférieurs, le nou des doigts, suivie d'un retour en flexion. D'autres réflexes
veau-né enchaîne généralement une marche automatique. archaïques peuvent être notés au cours de l'examen : réflexe
D'autres réflexes d'automatisme primaire peuvent être d'orientation, de fouissement, etc.
66 Partie II. Spécialités
■ les crises myocloniques (20 %), rapides, segmentaires ou par les accouchements dystociques et les extractions instru
généralisées ; mentales mais peuvent survenir même en cas d'accouche
■ les crises toniques (5 %), qui peuvent être généralisées ment normal.
avec opisthotonos ou focales avec mouvement d'enroule
ment d'un membre.
Déformations et remodelages du crâne
Ces manifestations sont à différencier de mouvements non
épileptiques que sont les trémulations et les myoclonies du Les déformations et remodelages du crâne liés aux
sommeil. contraintes utérines, à la présentation et aux conditions de
Les étiologies des convulsions néonatales sont nombreuses naissance doivent être différenciés des craniosténoses. Ils
mais les plus fréquentes sont l'encéphalopathie anoxo- peuvent se majorer dans les semaines qui suivent la nais
ischémique dans un contexte évocateur avec des crises qui sance, surtout s'ils sont associés à un torticolis ou une atti
surviennent dans les premières heures de vie et l'accident tude préférentielle.
vasculaire cérébral périnatal responsable de crises le plus La prévention et la prise en charge des plagiocéphalies font
souvent focales, survenant de façon inopinée sans facteur appel au repositionnement de l'enfant, avec alternance des posi
favorisant avec un délai de 12 à 24 heures après la naissance tions au cours de la journée en favorisant le portage. La kinési
(tableau 4.7). thérapie est nécessaire en cas de torticolis. Dans les formes les
Le bilan étiologique comprend : glycémie, ionogramme plus marquées, une orthèse (casque) peut être proposée secon
avec calcémie et bilan infectieux en urgence ainsi qu'EEG et dairement par une équipe habituée à cette prise en charge.
IRM cérébrale. Un bilan métabolique plus poussé est réalisé
dans un second temps si nécessaire. Bosses et hématomes
Le traitement de la crise repose sur le phénobarbital IV Ils sont très fréquents et sans conséquence à long terme. En
(20 mg/kg IVL puis 5 mg/kg), la phénytoïne ou d'autres période néonatale, ils peuvent être responsables d'une ané
traitements étant plutôt utilisés en 2e intention. mie et majorer un ictère.
On différencie (fig. 4.6) :
■ la bosse sérosanguine : épanchement sous-cutané, pou
Déformations du crâne et lésions vant chevaucher une suture. Elle se forme au cours de
obstétricales l'accouchement et se résorbe en quelques jours ;
Les traumatismes obstétricaux ne sont pas exceptionnels ■ un céphalhématome : épanchement sous-périosté, tem
mais le plus souvent rapidement résolutifs. Ils sont favorisés poral ou pariétal, uni ou bilatéral, toujours limité par
Chapitre 4. Néonatalogie 69
Tableau 4.7 Orientation diagnostique devant une crise convulsive en période néonatale.
Contexte Encéphalopathie anoxo-ischémique
d'anoxo-ischémie
Sans contexte Sans anomalie de – Accident vasculaire cérébral périnatal
d'anoxo-ischémie l'examen neurologique – Causes métaboliques
• Hypoglycémie sévère (RCIU, hyperinsulinisme, maladie métabolique)
• Hypocalcémie, hyponatrémie, hypomagnésémie
– Hémorragies intracrâniennes
– Syndrome de sevrage (toxicomanie maternelle)
– Convulsions néonatales bénignes (convulsions du 5e jour)
Avec encéphalopathie – Encéphalopathies métaboliques :
• Épilepsie pyridoxinodépendante
• Hyperglycinémie sans cétose
• Anomalies du transfert du glucose
• Déficit en transporteur du glutamate
• Convulsions sensibles à l'acide folinique
• Déficit en biotinidase, holocarboxylase, sulfite-oxydase, molybdène
• Déficit en PDH
• Maladie peroxysomale (Zellweger)
– Malformations cérébrales
– lésions d'origine toxique (cocaïne)
– infectieuse
• Méningite bactérienne
• Méningoencéphalite : herpes, CMV, entérovirus, Coxackie, etc.
CMV : cytomégalovirus ; PDH : pyruvate-déshydrogénase ; RCIU : retard de croissance intra-utérin.
Bosse sérosanguine
Peau
Aponévrose épicrânienne Hématome sous-galéal
(galéa aponévrotique) ou sous-aponévrotique
Périsote
Os
Dure-mère
les sutures. Une élévation palpable du bord du périoste d'hypertension intracrânienne avec augmentation du PC.
est souvent présente. Il se résorbe en quelques semaines, Le scanner (TDM) cérébral permet d'en faire le diagnos
pouvant laisser une calcification résiduelle. Il peut être tic rapidement, l'IRM recherche des lésions associées et en
associé à une fracture du crâne et faire rechercher une suit l'évolution. Le neurochirurgien pose l'indication d'une
hémorragie intracrânienne ; ponction ou d'une simple surveillance clinicoradiologique.
■ un hématome sous-galéal ou hématome extensif du cuir Les fractures du crâne et les embarrures sont trauma
chevelu par rupture des veines émissaires de Santorini, tiques et en rapport avec une extraction instrumentale par
rare mais dont les conséquences peuvent être graves du fait forceps. Alors que la lésion est unique dans la fracture, elle
du risque de choc hypovolémique par spoliation sanguine est bifocale dans l'embarrure, provoquant un enfoncement
liée à l'importance du saignement. L'hématome déborde le de la boîte crânienne en balle de ping-pong. Les enfonce-
scalp et peut atteindre les orbites, la nuque, les oreilles. ments sont secondaires à une compression in utero.
La TDM cérébrale visualise les hémorragies intracrâ
niennes associées et la radiographie du crâne peut visualiser
Hémorragies intracérébrales et fractures du crâne le trait de fracture.
Les hémorragies intracrâniennes sont rares. Elles peuvent Les embarrures se réduisent le plus souvent spontané
se voir après un accouchement eutocique. Elles sont suspec ment sans séquelle esthétique et ne nécessitent pas de traite
tées devant des convulsions, des signes neurologiques ou ment chirurgical.
70 Partie II. Spécialités
Nouveau-né ≥ 36 SA asymptomatique
1) FDR INBP ?
Pas de FDR INBP – Colonisation maternelle à SGB
– Antécédent d'infection néonatale à SGB
– Rupture des membranes > 12 heures
– Prématurité spontanée et inexpliquée < 37 SA
≥ 1 FDR INBP
Surveillance clinique/4 h
Surveillance simple Surveillance clinique/4 h
en maternité
en maternité en maternité
et examen pédiatre entre H6 et H12
Fig. 4.7 Indications de surveillance clinique des nouveau-nés asymptomatiques à risque d'infection néonatale bactérienne précoce
(INBP). FDR : facteur de risque ; SA : semaine d'aménorrhée ; SGB : streptocoque du groupe B. SFN/SFP. Prise en charge du nouveau-né à risque
d'infection néonatale bactérienne précoce (≥ 34 SA). Recommandations, septembre 2017.
L'efficacité de ces mesures de prévention doit être évaluée La prévention de la transmission mère-enfant repose
par la recherche de l'antigène HBs et le titrage des anticorps sur le contrôle précoce de la charge virale maternelle. Une
anti-HBs à partir de l'âge de 9 mois, idéalement 1 à 4 mois prise en charge multidisciplinaire de la grossesse est de
après la dernière dose vaccinale. Un échec de sérovaccina règle. Le risque de transmission mère-enfant du VIH-1 est
tion survient dans 1 à 2 % des cas. Pour une protection effi inférieur à 0,3 % lorsque la charge virale maternelle à l'ac
cace, le taux d'anticorps doit être supérieur à 10 UI/L. En couchement est inférieure à 50 copies/mL. Les contamina
l'absence de vaccination bien conduite, il existe un risque tions sont dues à des échecs de prise en charge des mères.
important de contamination intrafamiliale dans les pre La prévention de la transmission mère-enfant repose sur
mières années de vie par la salive, les petites blessures ou le 3 volets :
partage d'objets (brosse à dents). ■ traitement de la mère par trithérapie débutée avant la
Bien que le VHB soit excrété en faible quantité dans le grossesse ou le plus précocement possible avec obtention
lait, l'allaitement maternel est autorisé après sérovaccination. d'une CV indétectable < 40 copies/mL (Treatment as
Prevention) ;
Hépatite C ■ prise en charge de l'accouchement (prophylaxie pré-
Environ 0,1 % des femmes enceintes sont atteintes d'hépa exposition) : perfusion d'AZT (zidovudine) et césarienne
tite C chronique. L'incidence diminue rapidement ces der en cas de CV non nulle ;
nières années et on espère la disparition de l'infection en ■ prise en charge du nouveau-né (traitement post-
France d'ici 2025 grâce à la mise sur le marché de traitement exposition) : traitement antiviral par névirapine (NVP)
antiviraux efficaces et surtout à la recommandation d'un trai pendant 15 jours ou par AZT pendant 1 mois. La NVP doit
tement universel et simplifié par glécaprévir + pibrentasvir être préférée chez l'enfant à terme du fait de sa moindre
(Maviret®) ou sofosbuvir + velpatasvir (Epclusa®) (Société toxicité. Le traitement doit être renforcé (bi ou trithérapie)
française d'hépatologie, mars 2018), malheureusement et cas de charge maternelle élevée à l'accouchement.
contre-indiqués pendant la grossesse et l'allaitement. En cas
de sérologie positive, seule la négativité de la PCR peut diffé
rencier une hépatite C guérie d'une forme chronique. L'allaitement maternel est strictement contre-indiqué dans les
Bien que le dépistage ne soit pas obligatoire mais simple pays développés.
ment recommandé en cas de situation à risque (transfusion
avant 1990, toxicomanie, infection par le VIH, entourage
d'une personne VHC +, origine asiatique, personnels de Les anticorps anti-VIH maternels restent présents jusqu'à
santé), il est habituellement proposé lors de la 1re consulta l'âge de 18 mois environ (passage transplacentaire). Avant
tion prénatale, en même temps que celui de l'hépatite B et cet âge, la sérologie n'est donc pas interprétable. Le diagnos
du VIH. tic de non-contamination ou d'infection à VIH repose sur
Il n'y a pas de prévention possible de la transmission qui les techniques d'isolement viral par biologie moléculaire
survient essentiellement à l'accouchement (contact avec le (recherche d'ARN viral par PCR) permettant d'évaluer la
sang maternel) dans 3 à 5 % des cas. Il n'y a pas d'embryo charge virale. Ces examens sont réalisés à la maternité puis
fœtopathie. Le risque de contamination de l'enfant est aug à 1, 3 et 6 mois. Deux prélèvements négatifs, dont un au
menté en cas de charge virale VHC élevée ou de co-infection moins 1 mois après l'arrêt de la prophylaxie néonatale, sont
par le VIH. La majorité des nouveau-nés infectés développe nécessaires pour affirmer la non-contamination, qui peut
une hépatite C chronique d'évolution très lente. donc être certifiée à 3 mois. La sérologie doit être réalisée
La prise en charge de l'enfant consiste en une vérification à 18 mois.
de son statut après la naissance par une sérologie à 18 mois, Le suivi des enfants de mères séropositives doit p
ermettre
après disparition des anticorps maternels. Il n'y a pas de de poser le diagnostic de non-infection mais aussi recher
bilan particulier à faire à la naissance, les signes biologiques cher les signes cliniques ou biologiques de toxicité à court,
étant toujours tardifs. moyen et long terme des antirétroviraux auxquels le
L'allaitement maternel n'est pas contre-indiqué car non nouveau-né aura été exposé in utero. Cette surveillance, chez
associé à une incidence plus grande d'infection chez le l'enfant non infecté, nécessite un suivi spécifique pendant
nouveau-né. au moins 2 ans. En cas de transmission du virus à l'enfant
(PCR VIH positive), une trithérapie doit être instaurée le
VIH plus rapidement possible. Le BCG doit être reporté jusqu'à
Environ 1 500 femmes par an, séropositives pour le VIH, confirmation de l'absence d'infection.
accouchent en France. Cette situation expose le nouveau-
né au risque de contamination, essentiellement en fin Syphilis
de grossesse et au cours de l'accouchement. Il n'y a pas La syphilis est une infection sexuellement transmissible faci
d'embryofœtopathie. lement curable par pénicilline. Son incidence, forte dans les
Le dépistage est systématiquement proposé lors de la pays en voie de développement, reste faible en France bien
1re consultation obstétricale. Il doit être reproposé au 3e tri qu'elle augmente rapidement depuis 2009. Actuellement,
mestre de grossesse dans les milieux à risque. En cas de 0,06 % des femmes enceintes sont séropositives, notamment
séropositivité du partenaire chez une femme séronégative, aux Antilles et à Nouméa. L'infection est souvent méconnue
la sérologie doit être surveillée tous les mois pendant la car l'atteinte initiale disparaît spontanément puis est suivie
grossesse. d'une phase de latence.
74 Partie II. Spécialités
Chez la femme enceinte, elle peut être responsable de dant l'accouchement (85 %), expliquant les signes cliniques
syphilis congénitale (SC). La transmission au fœtus est retardés. Les autres modes sont rares (passage transplacen
importante (70 %) en cas d'infection récente (syphilis pri taire ou contamination postnatale par un herpès labial).
maire ou secondaire de moins d'un an) et augmente avec le L'allaitement n'est contre-indiqué qu'en cas de lésion
terme de la grossesse. La SC se complique de MFIU dans mamelonnaire ne pouvant être protégée. Le risque de conta
40 % des cas, de mortalité périnatale dans 20 % des cas et mination est maximal en cas de lésion maternelle évolutive :
de séquelles graves chez 20 % des survivants. L'infection primo-infection dans le mois précédant l'accouchement ou
congénitale peut être symptomatique d'emblée (rhinorrhée, de récurrence dans les 7 jours précédant l'accouchement,
lésions cutanées, ostéochondrites) mais les signes sont retar surtout s'il s'y associe une prématurité (terme < 37 SA), une
dés, après 2 ans, dans 65 % des cas. rupture prolongée des membranes excédant 6 heures ou un
Le traitement de la mère, avant la 28e SA, permet le traite traumatisme obstétrical.
ment du fœtus et prévient les complications dans 90 % des cas. Les signes cliniques surviennent entre le 5e et le 12e jour
Un dépistage systématique doit donc être réalisé au 1er tri de vie (exceptionnellement après 1 mois). L'herpès néonatal
mestre de grossesse, éventuellement renouvelé au 3e tri se présente sous trois formes cliniques de gravité croissante :
mestre en cas de conduite à risque. Les rares cas de syphilis ■ la forme cutanéomuqueuse se traduit par une érup
congénitales en France sont le fait de grossesses non ou tion cutanée vésiculopustuleuse, des ulcérations de la
mal suivies chez des femmes en situation précaire. Depuis muqueuse buccale et une kératoconjonctivite ;
2017 (HAS), le dépistage repose sur un test tréponémique ■ la forme neurologique est responsable d'un tableau de
automatisé (ELISA). En cas de positivité, le diagnostic doit méningo-encéphalite, avec des troubles du comporte
être confirmé par un test non tréponémique (VDRL). Un ment, des convulsions et une méningite lymphocytaire ;
2e test non tréponémique de confirmation (western blot) est ■ la forme systémique, de gravité extrême, se traduit par
recommandé chez la femme enceinte. Au moindre doute, un tableau d'infection sévère avec atteinte multiviscérale
la femme et son partenaire doivent être traités par 2 ou notamment hépatique, cardiaque, neurologique et cutanée.
3 injections de benzathine benzylpénicilline (Extencilline®). Cette forme peut survenir dans les premiers jours de vie.
L'efficacité du traitement est attestée par la diminution d'un Le diagnostic d'herpès génital ou néonatal repose sur la
facteur 4 du taux de VDRL. L'absence d'atteinte fœtale est mise en évidence du génome viral par PCR. Les prélève
recherchée par des échographies mensuelles. ments sont réalisés :
À la naissance, le bilan néonatal comporte une recherche ■ chez la mère : au niveau des lésions cervicovaginales pen
de tréponème sur le placenta et le sang de cordon au micro dant la grossesse ou en début de travail ;
scope à fond noir, et une surveillance sérologique. L'absence ■ chez l'enfant :
d'IgM en ELISA chez l'enfant et un VDRL inférieur à 4 fois – au niveau des muqueuses oculaires et nasopharyngées :
le taux maternel confirment l'absence de SC. Néanmoins, il - après 24 heures de vie afin d'éviter les faux positifs liés
est recommandé de traiter l'enfant par 1 injection d'Exten à une charge virale trop faible (il n'est pas recommandé
cilline® (50 000 UI en IM) quand la mère a été traitée pen de renouveler ces prélèvements en cas de négativité),
dant la grossesse. Le VDRL de l'enfant doit être contrôlé à 3, - ou dès la naissance en cas de symptômes, de lésion
6 et 12 mois (jusqu'à négativation). suspecte ou de terme < 37 SA,
En cas de traitement maternel insuffisant (< 1 mois avant – dans le sang et le LCR en cas de risque majeur ou de
l'accouchement, décroissance insuffisante du VDRL) ou symptômes d'herpès néonatal.
de signe clinique ou biologique d'infection néonatale, le
bilan doit être complété par une radiographie des os longs, Lésions ou symptômes maternels évocateurs d'herpès génital
une ETF, un FO, une PL et la recherche de tréponème sur pendant la grossesse ou à l'accouchement
d'éventuelles lésions. Le traitement de l'enfant est poursuivi La réalisation d'un prélèvement cervicovaginal et d'une
pendant 10 à 15 jours en fonction des résultats sérologie maternelle en urgence permet de conclure quant
au statut maternel (primo-infection, infection non primaire
ou récurrence) afin d'évaluer le risque pour l'enfant.
Herpès La prise en charge dépend de la situation :
L'herpès néonatal est rare (3/100 000 naissances), soit 20 cas ■ en cas d'herpès génital à l'accouchement et en l'absence
attendus en France/an, mais il est à haut risque de séquelles d'antécédent connu, le risque de transmission est
neurosensorielles ou de décès. Il s'agit d'une infection à majeur (50 à 75 %). Une césarienne est recommandée si
HSV2 dans 2/3 des cas et à HSV1 dans 1/3 des cas. Dans la rupture des membranes date de moins de 4 heures ou
2/3 des infections néonatales, le portage maternel n'est pas en cas de terme < 37 SA. Des prélèvements sont réalisés
connu car la primo-infection et les récurrences sont souvent à l'enfant pour PCR (sang, muqueuses, lésions suspectes).
asymptomatiques. La présence d'anticorps n'empêche pas la Si la primo-infection maternelle est confirmée ou en
réactivation ni la réinfection et une infection non primaire l'absence de résultats possibles en moins de 24 heures, un
est possible chez les sujets déjà infectés par contact avec un traitement par aciclovir IV est débuté chez l'enfant dès les
autre sérotype. La sérologie herpétique n'est pas recom prélèvements réalisés. En cas d'infection non primaire,
mandée chez la femme enceinte mais en cas d'antécédents de récurrence ou de césarienne à membranes intactes
maternels, elle permet de confirmer le diagnostic et de typer et en l'absence de symptômes néonataux, le traitement
le virus (sérologie spécifique de type). n'est débuté que si un prélèvement est positif. Un bain ou
La contamination du nouveau-né se fait essentiellement l'usage de collyre chez le nouveau-né ne permettent pas
par contact direct avec les sécrétions cervicovaginales pen de prévenir la transmission ;
Chapitre 4. Néonatalogie 75
■ en cas de primo-infection ou d'infection non primaire datant Le risque de passage placentaire est stable tout au long
de moins de 1 mois ou de récurrence datant de moins de de la grossesse (30 à 40 % en cas de primo-infection et 3
1 semaine avant l'accouchement, le risque de transmission est à 4 % en cas de réinfection) mais le risque de séquelles est
de 1 à 2 %. Une césarienne est discutée si le terme est < 37 SA plus important au 1er trimestre et en cas de primo-infection.
et la rupture des membranes < 4 heures. Des prélèvements Compte tenu de la durée prolongée de la virémie maternelle,
sont réalisés chez l'enfant pour PCR (sang, muqueuses, lésions une transmission au fœtus est possible (9 %) en cas d'infec
suspectes). En cas de PCR sanguine positive, un traitement par tion dans le mois précédant la grossesse. L'infection est res
aciclovir IV est instauré ; ponsable d'une placentite avec stress oxydatif qui induit un
■ en cas d'antécédent ou d'herpès génital pendant la retard de croissance intra-utérin, puis le virus se multiplie
grossesse sans lésions à l'accouchement : le risque de dans les différents organes (cerveau, foie, rein, tube diges
transmission est de 1/1 000. La prévention repose un tif), provoquant des lésions visibles sur les échographies
traitement maternel oral par aciclovir ou valaciclovir à anténatales.
partir de 36 SA. Il n'est pas nécessaire de faire un prélève L'infection congénitale à CMV est fréquente : elle
ment systématique chez la mère sauf en cas de naissance concerne environ 0,5 à 0,7 % des naissances. Dans 85 %
avant 37 SA. Aucun bilan n'est nécessaire à la naissance des cas, l'infection est asymptomatique. Les symptômes
de l'enfant. Une surveillance clinique est suffisante. les plus fréquents sont : retard de croissance intra-utérin
avec microcéphalie, prématurité, calcifications périven
Herpès labial après l'accouchement triculaires, hépatosplénomégalie, hépatite, ictères, pété
Des mesures d'hygiènes s'imposent : ne pas embrasser l'enfant, chies, choriorétinite. Il existe un risque de séquelles
porter un masque ou un pansement occlusif lors des soins au neuro-développementales dans 10 à 15 % des cas (primo-
nouveau-né et l'allaitement, laver les mains ou frictionner avec infections du 1er trimestre, nouveau-nés symptomatiques
une solution hydroalcoolique avant de toucher l'enfant. ou ayant une virémie importante à la naissance) qui
devient exceptionnel après 25 SA. C'est la première cause
Suspicion d'herpès néonatal de surdité neurosensorielle non génétique (20 % des
La gravité potentielle et les risques élevés de séquelles neuro enfants asymptomatiques et 35 % des enfants symptoma
logiques imposent un traitement précoce par aciclovir IV tiques). Sa particularité est d'être évolutive, uni ou bilaté
sans attendre la confirmation virologique. Si le diagnostic rale. Un déficit visuel est possible par atteinte rétinienne,
est confirmé, le traitement par aciclovir IV (60 mg/kg/j) est du nerf optique ou du cortex visuel. Une atteinte vestibu
poursuivi pendant 14 jours (formes cutanéomuqueuses) ou laire peut entraîner un retard de la marche.
21 jours (formes neurologiques et systémiques). En cas d'infection maternelle documentée, l'infection
fœtale peut être recherchée par PCR dans le liquide amnio
tique après 21 SA et au moins 6 semaines après l'infection.
Les lésions fœtales sont recherchées par des échographies
En cas de situation à risque obstétricales mensuelles et l'IRM cérébrale après 32 SA. En
d'herpès néonatal cas de lésions cérébrales, une interruption médicale de gros
Il est indispensable d'informer les parents des signes pouvant sesse peut être discutée.
évoquer une infection et imposant une consultation en urgence Il n'existe pas de traitement validé de l'infection à CMV
(conjonctivite, lésion vésiculeuse, irritabilité, pleurs anormaux, même si le valganciclovir PO et le ganciclovir IV sont pro
hypotonie, somnolence). posés dans le cadre de protocoles ou dans les infections
symptomatiques.
La prévention de la transmission de la mère à l'enfant
Séroconversions maternelles repose sur les mesures d'hygiène, qui doivent être expliquées
pendant la grossesse à toutes les femmes enceintes quel que soit leur statut pour
Cytomégalovirus le CMV.
Environ 55 % des femmes enceintes sont séronégatives pour
le CMV. Le virus est présent de façon prolongée dans les
sécrétions (urines, salive, selles) des sujets infectés (jeunes Mesures d'hygiène pour toutes
enfants essentiellement) qui transmettent l'infection. Elle se les femmes pendant la grossesse
présente comme une virose banale.
Les anticorps sont partiellement protecteurs et une réin ■
Ne pas embrasser un enfant sur la bouche
fection ou une réactivation virale est possible. Ainsi, même les ■
Ne pas sucer les cuillères
femmes immunisées peuvent transmettre l'infection au fœtus.
■
Se laver les mains après avoir changé, lavé ou donné à manger
L'infection congénitale, par passage transplacentaire, à un enfant
■
Ne pas essuyer le nez ou les larmes d'un enfant
peut être responsable de fœtopathie avec risque de séquelles
alors que l'infection périnatale par contact avec les sécré
tions génitales ou l'ingestion de lait contenant du virus est
sans conséquence sauf en cas de prématurité inférieure à
32 SA (imposant la pasteurisation du lait maternel tiré). Elle Toxoplasmose
se manifeste par un tableau septique avec atteinte multivis Près de 50 % des femmes enceintes ne sont pas immunisées
cérale, thrombopénie et lésions cutanées. contre la toxoplasmose. Le dépistage du statut sérologique
76 Partie II. Spécialités
Isolé
l'ictère et sa prise en charge en période néonatale ont été rédi
■
Intensité modérée
gées par la Société française de néonatologie en 2017 avec mise
■
Destruction excessive des globules rouges : hémolyse Dans les deux cas, la transmission est autosomique récessive
Une hémolyse excessive provoque une accumulation de biliru et le diagnostic repose sur la biologie moléculaire.
bine que l'immaturité de la conjugaison hépatique ne permet
Retard de mise en route de la glucuroconjugaison
pas d'éliminer. L'ictère est précoce et rapidement évolutif. L'ané
Il est possible en cas de prématurité ou chez certaines
mie, normo ou macrocytaire, qui l'accompagne est régénérative
familles d'origine asiatique.
avec réticulocytose élevée. Elle peut nécessiter une transfusion
si elle est profonde (< 7 g/dL) ou mal tolérée. Le nadir se situe à Ictère bénin
6 semaines. La surveillance du taux d'hémoglobine et des réti L'ictère physiologique concerne 30 à 50 % des nouveau-nés
culocytes doit être faite tous les 15 jours pendant 2 mois. Une sains. Il est lié à un défaut physiologique néonatal de matu
supplémentation en acide folique (5 à 7,5 mg/semaine) est pré rité de la glucuroconjugaison de la bilirubine. Il ne nécessite
conisée pour la prévenir. La supplémentation martiale n'est pas pas de traitement particulier.
nécessaire du fait de la libération de fer par l'hémolyse. Le classique ictère « au lait de mère » ne peut être qu'un
Incompatibilités fœto-maternelles diagnostic d'élimination, il n'est jamais précoce ni supé
Elles sont responsables d'hémolyse anté ou néonatale par rieur à 350 μmol/L et ne concerne que 3 % des nouveau-nés
présence d'anticorps maternels, transmis passivement au allaités. Il est dû à une activité lipoprotéine-lipase excessive,
fœtus et dirigés contre les antigènes des différents systèmes responsable d'une libération d'acide gras qui inhibe la glu
sanguins (Coombs direct positif). curoconjugaison. Son apparition est concomitante avec la
■ L'allo-immunisation rhésus D est devenue rare depuis mise en place de la lactation. Bien que pouvant persister 5
sa prévention par l'injection de gammaglobulines anti-D. à 6 semaines, il est toujours bénin et ne contre-indique pas
■ Dans les allo-immunisations par incompatibilité de groupe l'allaitement maternel.
ABO, l'hémolyse est moins intense mais l'ictère peut être très Ictères à bilirubine conjuguée ou mixte
sévère. Il s'agit le plus souvent d'une mère de groupe O et d'un
Dans les 2 premières semaines de vie, un taux de bilirubine
enfant A ou B, mais les allo-immunisations A-B sont possibles.
conjuguée supérieur à 40 μmol/L ou à 10 % de la bilirubine
■ Enfin, l'allo-immunisation peut concerner les sous-
totale doit être considéré comme anormal et faire poser le
groupes du système rhésus (c, E) ou d'autres systèmes
diagnostic de cholestase surtout s'il existe une hépatosplé
sanguins (Kell, Duffy, Kid). La sévérité de la maladie
nomégalie ou une décoloration des selles. Les phosphatases
hémolytique du nouveau-né dépend du système concerné.
alcalines (PAL) et les gamma glutamyl-transférases (γ-GT)
Les systèmes Lewis, H et HI ne sont jamais en cause.
sont augmentées. L'évolution vers une cirrhose biliaire est
Hémolyses constitutionnelles parfois très rapide.
Par anomalie enzymatique. Le déficit en G6PD (ou favisme) L'atrésie des voies biliaires est le premier diagnostic
est fréquent dans le pourtour méditerranéen, en Afrique, Asie à évoquer, sa fréquence est de 1/10 000. La cholestase est
et aux Antilles. Sa transmission est liée à l'X et s'exprime à l'état progressive, jamais régressive, avec hépatomégalie et déco
hétérozygote chez le garçon, beaucoup plus rarement à l'état loration complète et permanente des selles. L'échographie
homozygote chez la fille. L'ictère survient classiquement entre abdominale peut conforter le diagnostic en ne visualisant
le 3e et le 6e jour. Une fois le diagnostic posé par dosage enzy pas la vésicule biliaire mais permet surtout d'éliminer les
matique, il faut remettre à la famille la liste des médicaments autres causes de cholestases extra-hépatiques (encadré 4.6).
et aliments contre-indiqués et dépister l'ensemble de la fratrie. Il s'agit d'une urgence diagnostique car le traitement chirur
Le déficit en pyruvate-kinase est plus rare mais peut toucher
les filles. Sa transmission est récessive autosomique.
Par anomalie de la membrane érythrocytaire. La maladie Encadré 4.6 Étiologies des cholestases
de Minkowski-Chauffard ou microsphérocytose héréditaire
est responsable d'une hémolyse par fragilité de la membrane Cholestases extra-hépatiques (bilirubine conjuguée)
érythrocytaire. Le diagnostic repose sur l'ektacytométrie qui ■
Atrésie des voies biliaires
évalue la résistance de la membrane globulaire aux solutions ■
Obstacles sur les voies biliaires extra-hépatiques (kyste du
hypotoniques. Sa transmission est autosomique dominante.
cholédoque)
Par hémoglobinopathies. Drépanocytose et thalassémie ■
Hypoplasie des voies biliaires intra-hépatiques syndromiques
n'ont pas de manifestation en période néonatale, en dehors (Alagille) ou non
de quelques formes rares d'alphathalassémies.
Cholestases intra-hépatiques
Retard à l'élimination de la bilirubine (bilirubine libre et conjuguée)
Déficits constitutionnels de la glucuroconjugaison
Hépatites virales et fœtopathies (CMV)
■ La maladie de Gilbert touche 3 à 10 % de la population.
■
Infections bactériennes
Il s'agit d'un déficit de l'activité de la glucuronyltrans
■
Niemann-Pick)
Toujours bénigne, elle n'est pas responsable d'un ictère
Déficit en alpha-1-antitrypsine
néonatal mais peut en majorer la durée ou l'intensité.
■
Mucoviscidose
■ La maladie de Criggler-Najar est extrêmement rare. Il
■
Insuffisance hypophysaire
s'agit d'une absence complète ou partielle de glucuronyl
■
gical (intervention de Kasaï ou hépato-porto-entérostomie) de lunettes occlusives afin de prévenir toute complication
doit être réalisé dans les 2 premiers mois de vie pour éviter rétinienne. La PTI doit être réalisée pendant au minimum
l'évolution vers l'insuffisance hépatique. 6 heures et de façon continue sur 24 heures en cas d'ictère
Un ictère à bilirubine mixte oriente vers une cholestase hémolytique précoce, avec des pauses de 30 minutes pour
intra-hépatique. les tétées.
En cas d'ictère majeur avec BNL supérieure à 0,8 μg/dL
Bilan ou de réponse insuffisante à la photothérapie (augmenta
Les examens complémentaires permettront d'évaluer la tion de la bilirubine totale > 10 μmol/L/h), une perfusion
sévérité de l'ictère, d'en déterminer la cause et d'en prévoir d'albumine (1,5 g/kg en 2 à 3 heures) permet de réduire la
l'évolutivité. Le bilan minimal à réaliser comporte : fraction toxique de la bilirubine.
■ bilirubine totale et conjuguée ; Enfin, en cas de signes cliniques d'encéphalopathie
■ NFS + réticulocytes ; hyperbilirubinémique ou d'ictère majeur, une exsanguino-
■ groupe sanguin, Coombs direct ; transfusion est réalisée en milieu spécialisé.
■ vérification du groupe sanguin et des RAI maternelles à
l'accouchement ;
■ dosage du G6PD chez le garçon dans les populations à Prise maternelle de substances
risque. Opiacés
Si l'ictère se prolonge ou résiste à la photothérapie, on La consommation maternelle d'opiacés par usage de sub
recherche : stances illégales (héroïne, cocaïne, crack) ou dans le cadre
■ une cause plus rare d'hémolyse : déficit en G6PD d'une substitution (buprénorphine ou méthadone) a des
chez une fille, déficit en pyruvate-kinase, micro conséquences néonatales. Passé la période d'imprégnation
sphérocytose ou autre anomalie de membrane par avec hypotonie, somnolence, hypothermie et risque de
ektacytométrie ; pauses respiratoires, survient un syndrome de sevrage, 3 à
■ une anomalie de la glucuroconjugaison : retard de mise 7 jours après la naissance. Le délai d'apparition et l'intensité
en route ou anomalie génétique (déficit du gène ou du des troubles peuvent être modifiés par la prise concomitante
promoteur de l'UDP-glucuronyltransférase) ; d'inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, de benzodia
■ une hypothyroïdie : TSH, T4. zépines ou de nicotine.
En cas d'ictère à bilirubine conjuguée, on réalise : Le sevrage morphinique est marqué par des troubles neu
■ bilan hépatique : phosphatases alcalines, γ-GT, transami rologiques (trémulations, troubles du sommeil, agitation,
nases, facteurs de l'hémostase ; hypertonie, hyperexcitabilité), du comportement (pleurs
■ échographie abdominale ; incessants, succion désordonnée) et digestifs (régurgitation,
■ prélèvements bactériologiques et virologiques orientés. diarrhée) associés à des signes généraux (hyperthermie,
hypersudation). Il est évalué par le score de Finnegan et
nécessite la mise en place de mesures de cocooning réali
Le bilan étiologique d'un ictère néonatal est illustré figure 4.8. sées, au mieux, par la maman qui aura besoin d'être soute
nue pendant cette période difficile.
Si le nursing est insuffisant, un traitement substitutif
Diagnostic peut être instauré. Le traitement de référence reste le chlo
rhydrate de morphine (0,3 à 0,8 mg/kg/j en 6 prises) bien
Le dépistage de l'ictère en maternité par l'inspection n'est
que des études récentes semblent montrer la supériorité de
pas fiable. L'utilisation systématique d'un bilirubinomètre
la méthadone et surtout de la buprénorphine avec moins
transcutané (BTC), qui évalue la concentration de bilirubine
d'effet dépresseur cardiorespiratoire. Le diazépam ne doit
totale par mesure optique, est indispensable. La mesure se
plus être prescrit. Dès que les troubles sont contrôlés, le trai
fait en 2 endroits (front et thorax), dès 12 heures de vie, 1 à
tement doit être progressivement diminué, puis arrêté. Une
2 fois/j. Les valeurs sont reportées sur des courbes de réfé
irritabilité peut persister plusieurs mois.
rence (fig. 4.9).
Le retour à domicile doit être encadré par les structures
La méthode de mesure de référence est le dosage san-
sociales et médicopsychologiques mises en place pendant la
guin de la bilirubine qui est réalisé si la valeur donnée
grossesse et l'enfant doit avoir un suivi médical rapproché.
par le BTC est supérieure au 75 e percentile pour l'âge
postnatal.
En fonction de la valeur de la bilirubine totale sanguine et Alcool
de l'existence de facteurs aggravants de l'ictère (tableau 4.11), Les effets toxiques de l'alcool sur le fœtus sont connus
on pose l'indication d'un traitement (fig. 4.10). mais la consommation maternelle n'est pas facile à
mettre en évidence. Le syndrome d'alcoolisation fœtale
Traitement (SAF) est bien décrit. Il associe un retard de croissance
Il repose sur la photothérapie, au mieux intensive (PTI) par intra-utérin harmonieux avec microcéphalie, une dys
tunnel ou LED. Elle impose une surveillance cardiorespi morphie faciale (fentes palpébrales étroites, ensellure
ratoire et de la température du fait du risque de survenue nasale marquée, narines antéversées, lèvre supérieure
de malaise grave et d'hyperthermie ainsi que l'utilisation fine, philtrum lisse et bombé, microrétrognatisme) et des
80 Partie II. Spécialités
ICTÈRES DU NOUVEAU-NÉ
H0 de vie H24
Bilirubine Bilirubine
non conjuguée conjuguée
Hémolyses Autres
cycle
précoces hémolyses Kyste
entérohépatique
du cholédoque
lncompatibilité Anomalies
Enzymes ABO du tube digestif lnfections
G6PD, PK urinaires
Hématomes
Pathologie
Galactosémie
de la conjugaison
Membrane Tyrosinémie
de la bilirubine
Enzymes
Thalassémie G6PD, PK
Déficit en alpha-1-
Autres
antitrypsine
Incompatibilité lctère
ABO au « lait de mère »
(élution +)
Mucoviscidose
Infections
Hypothyroïdie
Fig. 4.8 Arbre étiologique des hyperbilirubinémies néonatales en fonction du délai d'apparition. G6PD : glucose-6-phosphate-déshydro-
génase ; PK : pyruvate-kinase. D'après Anne Cotey, CNRHP, 2016.
malformations (cérébrales, osseuses, cardiaques, rénales, traitement par benzodiazépines. Les conséquences sont
oculaires). En cas de consommation en fin de grossesse, essentiellement tardives avec un retard cognitif majoré
un sevrage précoce peut survenir avec hyperexcitabilité et par des troubles du comportement, une hyperactivité, des
troubles du sommeil nécessitant un cocooning, voire un tremblements et des anomalies de la motricité fine qu'il
Chapitre 4. Néonatalogie 81
350
300
200
150
40e percentile
100
75e percentile
95e percentile
50
0
0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144
Âge postnatal en heures
Fig. 4.9 Normogramme de surveillance de l'ictère par bilirubinomètre transcutané chez le nouveau-né après 35 SA. D'après Cortey A et
al. Ictère à bilirubine non conjuguée du nouveau-né de 35 semaines et plus : du dépistage au suivi après sortie de la maternité. Recommandations
pour la pratique clinique. Arch Ped 2017 ; 24 : 192–203.
Tableau 4.11 Éléments cliniques de gravité d'un ictère. ■ s'assurer que les difficultés rencontrées à la naissance ont
été résolues ;
Conditions à risque – Terme < 38 SA
■ dépister les pathologies néonatales passées inaperçues ou
d'hyperbilirubinémie – Situation d'incompatibilité (mère O, Rh
sévère négatif, ou RAI +)
imposant une réhospitalisation après la sortie ;
– Antécédents d'ictère dans la fratrie ou ■ s'assurer de la mise en place d'une alimentation efficace
antécédents familiaux d'hémolyse ainsi que d'une croissance pondérale correcte ;
– Hématomes ou bosse sérosanguine, forceps ■ contrôler la réalisation des dépistages réglementaires ;
– Origine : Afrique, Antilles, Asie ■ rassurer et guider les nouveaux parents en insistant sur
– Alimentation au sein difficile ou perte les recommandations de couchage, d'hygiène et de pué
de poids > 8 %
– Apparition dans les premières 24 heures
riculture afin de prévenir la mort inattendue du nourris
son (MIN), la transmission des infections, les accidents
Facteurs augmentant – Prématurité, jeûne, médicaments fixés domestiques et le syndrome du bébé secoué ;
le risque d'ictère à l'albumine (paracétamol, aminosides,
nucléaire caféine)
■ s'assurer de l'instauration d'un lien mère-enfant de bonne
– Infection, acidose, hypoxie, qualité.
hypothermie, hypoglycémie La première visite médicale, recommandée entre le 6e et le
– Déshydratation, hypo-osmolarité, 10e jour, est fondamentale pour repérer les enfants qui néces
hypoalbuminémie sitent des explorations ou une surveillance particulières.
Signes cliniques – Enfant endormi
d'encéphalopathie – Mauvaise succion Alimentation et prise pondérale
hyperbilirubinémique – Hypotonie
– Cri aigu à l'éveil, enfant difficilement L'OMS recommande l'allaitement maternel exclusif pendant
consolable les 6 premiers mois de vie. En cas d'alimentation au biberon,
Indices cliniques – Survenue précoce avant 24 heures de vie
seules les formules 1er âge réalisées à partir de lait de vache
devant faire – Signes d'hémolyse (syndrome anémique, sont adaptées aux nourrissons. Les boissons d'origine végé
suspecter un ictère splénomégalie) tale ne doivent pas être considérées comme du lait.
pathologique – Signes de cholestase En cas de terrain atopique familial (parents ou fratrie) ou
– Durée > 10 jours de compléments ponctuels au sein, le lait hypoallergénique
RAI : recherche d'agglutinines irrégulières ; SA : semaines d'aménorrhée. est recommandé. Seules les allergies aux protéines de lait de
vache (APLV) documentées nécessitent un hydrolysat de
lactosérum ou de caséine.
450
Allaitement au sein et complications
400
La mise en route de l'allaitement peut durer 4 à 6 semaines. La
350 production de lait par la mère s'ajuste à la consommation du
Blirubine totale sanguine (mmol/L)
Des pesées régulières sont nécessaires, d'abord 2 puis Comme en période néonatale immédiate, il faut diffé
1 fois/semaine, même en cas d'alimentation au biberon. rencier un rejet banal d'un vomissement évocateur de
pathologie digestive. Ces troubles sont détaillés dans le
chapitre 15.
Prise pondérale insuffisante
Le plus souvent, la mauvaise prise pondérale est en rapport
avec un défaut d'apport alimentaire qui se corrige avec
l'optimisation de l'alimentation. Au sein, l'évaluation des Ictère
apports est difficile. Un bon transfert de lait est objectivé par L'ictère du nouveau-né débute en principe à la maternité mais
6 à 8 couches mouillées et 3 à 8 selles par jour (encadré 4.7). les sorties de plus en plus précoces font craindre un défaut
Il faut être alerté devant un nombre de tétées inférieur à 7 ou, de dépistage pour les formes les moins précoces. Les sages-
au contraire, supérieur à 12 par jour. L'observation d'une tétée femmes exerçant en ville sont actuellement de plus en plus
avec test de pesée avant/après permet d'objectiver la qualité souvent équipées de bilirubinomètres transcutanés permettant
de la tétée. L'utilisation d'un tire-lait permet de contrôler la la surveillance, mais inadaptés au diagnostic des ictères choles
lactation, puis de l'augmenter et de compléter l'enfant avec du tatiques qui doivent être suspectés devant une décoloration des
lait tiré si besoin. selles.
Chez un nouveau-né au lait artificiel, une mauvaise prise Dans le premier mois de vie, il faut :
pondérale doit faire éliminer une APLV surtout si elle est ■ contrôler la disparition d'un ictère apparu à la maternité ;
associée à un trouble du transit, des rectorragies ou des ■ s'assurer de l'absence d'apparition d'un ictère tardif
lésions cutanées à type de dermatite atopique. (J4–J5) ;
Dans tous les cas, l'examen clinique et l'ausculta ■ surveiller l'absence d'anémie profonde en cas d'ictère
tion recherchent une anomalie buccale ou de la suc hémolytique ;
cion, une cause neurologique, respiratoire ou cardiaque ■ s'assurer de la normalité de la coloration des selles en cas
(tableau 4.12). d'ictère clinique même modéré ;
Enfin, si l'optimisation de l'allaitement et l'augmentation des ■ rechercher un ictère cholestatique devant la per
apports alimentaires ne permettent pas une reprise pondérale sistance après J10 ou l'apparition d'un ictère après la
ou si l'enfant a perdu plus de 10 % de son poids, un bilan biolo 3e semaine de vie.
gique doit être réalisé en urgence afin de rechercher une cause En cas de « jaunisse » importante, avec notamment une
métabolique ou rénale et en particulier une hyperplasie congé- atteinte conjonctivale, un contrôle de la bilirubine totale et
nitale des surrénales de forme classique avec un syndrome de conjuguée ainsi qu'une NFS doivent être réalisés. Si la biliru
perte en sel qui survient entre le 7e et le 10e jour alors que le bine est supérieure à 350 μmol/L dans les 15 premiers jours,
résultat du dépistage néonatal n'est pas encore disponible. l'enfant doit être adressé aux urgences pédiatriques pour
mise sous photothérapie.
Si aucun bilan n'avait été réalisé à la maternité et si l'ictère
Troubles digestifs est encore présent après J10, il faut réaliser en plus un groupe,
Les troubles digestifs mineurs ou physiologiques sont Coombs direct et des transaminases, ainsi qu'un dosage de
fréquents et rapidement résolutifs avec de simples G6PD chez les garçons dont les parents sont originaires des
conseils hygiénodiététiques. Les rejets sont habituels zones à risque (pourtour méditerranéen, Afrique, Asie et
dans les premières semaines de vie du fait de l'imma Antilles).
turité digestive et du faible volume de l'estomac. Leur En cas d'anémie, on s'assure de la bonne tolérance cli
fréquence diminue rapidement après les premiers nique (dyspnée, croissance pondérale, tonicité et réactivité).
jours. Ils ne nécessitent aucun traitement particulier En cas de mauvaise tolérance ou d'anémie inférieure à 7 g/dL,
et le couchage en position dorsale à plat doit toujours une transfusion sanguine est réalisée.
être vivement recommandé. Lorsqu'ils sont fréquents En cas d'ictère cholestatique, une hospitalisation s'im
et abondants et persistent au-delà des 2 premières pose pour bilan étiologique et prise en charge.
semaines de vie, on parle de reflux gastro-œsophagien. En cas d'ictère se prolongeant au-delà de 3 semaines,
un bilan étiologique est nécessaire pour rechercher :
■ une fragilité globulaire (déficit en G6PD, microsphérocy
tose, déficit en pyruvate-kinase) ;
Encadré 4.7 Signes d'inefficacité
■ une infection urinaire, en particulier à Escherichia coli ;
de l'allaitement les 14 premiers jours de vie
■ une anomalie de la glucuroconjugaison d'origine
■
Perte de poids > 7 % génétique par déficit partiel ou complet en UDP-
■
Absence de prise de poids à 5 jours glucuronyltransférase (maladie de Gilbert, maladie de
■
Selles méconiales après le 4e jour, < 3 selles par jour Crigler-Najjar) ;
■
Diurèse < 6 couches mouillées par 24 heures après le 4e jour ■ une anomalie thyroïdienne.
■
Enfant irritable et agité ou endormi et refusant de téter
■
Pas de modification du volume des seins le 5e jour
■
Douleur des mamelons persistant ou augmentant
■
Engorgement du sein non diminué après la tétée L'ictère au lait de mère qui peut persister 5 à 6 semaines est un
diagnostic d'élimination.
■
Pas de reprise du poids de naissance à 14 jours
84 Partie II. Spécialités
Infection virale
Encadré 4.8 Recherche d'une cardiopathie Entérovirus (Coxsackie, échovirus)
congénitale chez le nouveau-né
La transmission peut être anté, per ou postnatale. L'infection
peut être sévère avec fièvre, altération de l'état général, détresse
Symptômes d'insuffisance cardiaque à rechercher respiratoire, atteinte hépatique, neurologique (méningite,
■
Polypnée ou dyspnée aux biberons encéphalite) ou myocardique. Le virus peut être retrouvé par
■
Mauvaise prise pondérale PCR dans les sécrétions, le sang et le LCR. Passé la phase aiguë,
■
Tachycardie la guérison sans séquelle est le plus souvent habituelle.
■
Hépatomégalie
Données cliniques à évaluer Rotavirus
■
Cyanose
Principale cause de diarrhée à cet âge, les causes bacté
■
Souffle cardiaque
riennes sont plus rares (Campylobacter ou salmonelle).
■
Pouls fémoraux et périphériques Herpès néonatal
■
Prise pondérale
Quoique rare, il reste l'infection redoutée de cette période en
raison du risque de mortalité et de séquelles. Dans 2/3 des
Infection néonatale tardive (INT) cas, l'infection survient en l'absence d'anamnèse maternelle,
Même si la fièvre est souvent présente en cas d'INT, les signes ce qui conduit à débuter un traitement par aciclovir IV au
cliniques ne sont pas spécifiques. Ainsi, tout nouveau-né qui moindre doute. Les signes suspects sont les suivants :
va mal dans le 1er mois de vie est suspect d'infection. Les infec ■ sur la peau : apparition de vésicules, petites cloques trans
tions du 1er mois de vie sont d'origine bactérienne dans 55 % parentes, de 1 à 10 mm de diamètre, souvent groupées sur
des cas. Une hospitalisation avec bilan s'impose en urgence une peau rouge ;
pour confirmer le diagnostic et rechercher une méningite ou ■ au niveau des yeux : œil rouge avec larmoiement
une infection systémique. Ce dernier ne doit pas retarder la permanent ;
mise sous antibiotiques qui seront arrêtés en cas de négativité ■ comportement de l'enfant : perte d'appétit, refus de boire,
du bilan ou de virose. Même en cas d'infection virale banale, vomissements importants, somnolence excessive ou au
une surveillance pendant 48 à 72 heures en milieu hospitalier contraire irritabilité ;
est indispensable en raison du risque de survenue d'apnées. ■ détresse respiratoire ;
■ syndrome infectieux avec ictère persistant ;
Infection bactérienne tardive (IBT) ■ syndrome infectieux avec signes neurologiques ou
convulsions.
L'antibioprophylaxie systématique en cas de portage maternel à
streptocoque B a permis la diminution de l'incidence des infec
tions néonatale bactériennes précoces sans modifier celle des
infections tardives. Elles peuvent survenir dans les 2 à 3 pre Surveillance des nouveau-nés
miers mois mais essentiellement entre le 7e et le 28e jour de vie. après la sortie de maternité en fonction
L'incidence des IBT est de 5 à 10 ‰. La bactérie la plus des risques (tableau 4.13)
fréquemment en cause est Escherichia coli, très largement ■ Risque d'ictère : coloration et si besoin BTC ou
devant le streptocoque B. Il s'agit d'une pyélonéphrite dans bilirubinémie.
50 % des cas imposant la réalisation systématique d'un ■ Risque d'anémie : coloration, aspect des conjonctives.
ECBU. En cas d'antibiothérapie per-partum par bêtalacta ■ Risque de cardiopathies : auscultation et perception nette
mine, le risque de sécrétion d'une bêtalactamase est élevé. des pouls fémoraux.
■ Risque de déshydratation ou de dénutrition : poids, fré
Pneumopathie à Chlamydia trachomatis quence et tolérance des repas, urines (à chaque change),
La transmission de la mère à l'enfant se fait essentiellement à la selles spontanées et régulières (3 ou 4 selles/j).
naissance lors du passage de la filière génitale. Environ un tiers ■ Risque infectieux : température (hypo ou hyperthermie),
des nouveau-nés contaminés sont asymptomatiques. L'infec fréquence respiratoire, troubles hémodynamiques (colo
tion à Chlamydia trachomatis est responsable de conjoncti ration, allongement du temps de recoloration).
vites néonatales et de bronchopneumopathies débutant après ■ Risque neurologique : comportement (tonus, éveil,
2 semaines de vie. Le diagnostic repose sur la mise en évidence contact).
des bactéries intracellulaires sur prélèvement orienté. La radio ■ État maternel et interactions mère-enfant.
graphie n'est pas spécifique et retrouve un infiltrat interstitiel. ■ Supplémentation quotidienne en vitamine D et, en cas
Le traitement fait appel aux macrolides pendant 1 semaine, d'allaitement maternel même partiel, en vitamine K à
associés à un traitement local en cas de conjonctivite. 1 mois.
86 Partie II. Spécialités
Tableau 4.13 Symptômes imposant une consultation aux urgences dans le 1er mois de vie.
Symptômes Signes de lutte respiratoire Tirage intercostal, balancement thoracoabdominal, battement des ailes du nez,
respiratoires entonnoir xiphoïdien
Stridor D'apparition secondaire, permanent ou s'aggravant
Ou avec signes de détresse respiratoire
Ou avec mauvaise croissance pondérale
Apnées
Symptômes Diarrhée Avec signes de déshydratation ou persistant plus de 5 jours
digestifs
Syndrome occlusif Ballonnement avec vomissements bilieux ou arrêt du transit
Vomissements Avec échec de réhydratation orale
Refus alimentaire Pendant plus de 12 heures
Symptômes Souffle cardiaque Avec signes d'insuffisance cardiaque
cardiologiques
Anomalie du rythme cardiaque Arythmie
Fréquence > 160/min ou < 80/min
Symptômes Ictère Intense avec bilirubinémie > 350 μmol/L ou avec cholestase et/ou décoloration
généraux des selles
Anomalies de la régulation thermique Fièvre > 38 °C ou hypothermie < 36 °C
Malaise Changement de teint brutal, accès de cyanose ou de pâleur intense
Anémie Mal tolérée (difficulté alimentaire ou mauvaise prise pondérale) ou sévère < 7 g/L
Mauvaise croissance pondérale Perte de poids > 10 % ou absence de reprise du poids de naissance à J15
Symptômes Mouvements anormaux Rythmiques ou répétés
neurologiques
Comportement inhabituel Hypotonie, hyporéactivité, somnolence, geignement
Cri anormal Aigu, excessif, monotone, incalmable
Ou trop rare, discontinu, faible, geignard
Augmentation anormale du périmètre
crânien ou bombement de la fontanelle
Des anomalies de morphologie des oreilles peuvent (fig. 4.13A), d'un syndrome de Cornelia de Lange (fig. 4.13B)
égalem ent être détectées, ouvrant des discussions sur d'une craniosténose de la suture métopique (fig. 4.13C). La
l'existence de syndromes malformatifs, par exemple un reconnaissance de ces dysmorphies pendant la grossesse
syndrome de type CHARGE (colobome, cardiopathie permet, outre les examens complémentaires nécessaires à la
congénitale, atrésie des choanes, retard de croissance, confirmation du diagnostic, d'organiser la rencontre entre
anomalies génitales, anomalies des oreilles, et absence des les parents et l'équipe médicale et/ou chirurgicale qui pren
canaux semi-circulaires). Des fentes labiales et/ou labio dra en charge l'enfant après la naissance.
palatines sont régulièrement mises en évidence et il faut Lorsqu'une dysmorphie faciale a été détectée et explorée durant
s'assurer de leur caractère isolé pour mieux en préciser le la vie fœtale, il est important que, après la naissance, l'examen cli
pronostic ou, à l'inverse, de leur caractère syndromique nique et les examens complémentaires nécessaires puissent être
pour arriver à un diagnostic plus précis. pratiqués dans les meilleurs délais pour confirmer ou infirmer la
Toutes ces constatations conduisent à parler de dysmor présomption du diagnostic évoqué durant la grossesse.
phie faciale fœtale et posent autant de problèmes diagnos
tiques car, durant la grossesse, seuls des examens d'imagerie, Diagnostic postnatal
voire de laboratoires, sont envisageables. L'échographie en À la naissance, plusieurs situations sont possibles :
trois dimensions peut permettre de mieux préciser certains ■ prise en charge d'un nouveau-né dont l'histoire anténatale
aspects. avait mis en évidence une probable dysmorphie faciale ;
La figure 4.13 illustre trois autres situations de découverte ■ découverte d'une dysmorphie faciale dès les minutes
anténatale qui sont celles d'un syndrome de Pierre Robin suivant la naissance ;
A B
Fig. 4.11 Dysmorphie faciale – fœtopathie alcoolique. A. Aspect anténatal sur échographie 3D. B. Aspect chez l'enfant. Crédit figure A :
Dr Levaillant.
A B
Fig. 4.12 Dysplasie frontonasale avec angle frontonasal plat. A. Aspect anténatal sur échographie 3D. B. Même aspect en postnatal. Crédit
figure A : Dr Levaillant.
88 Partie II. Spécialités
PLAN DU CHAPITRE
Mode d'emploi du carnet de santé . . . . . . . . . 91 L'enfant qui ne grossit pas bien. . . . . . . . . . . . 119
Calendrier vaccinal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 Dépistage systématique des troubles visuels
Accidents de la vie courante – Prévention . . . 98 et auditifs au cabinet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Guide de l'examen clinique . . . . . . . . . . . . . . . 101 Pleurs excessifs du nourrisson . . . . . . . . . . . . . 128
Développement psychomoteur du nourrisson Troubles du sommeil chez le jeune enfant . . . 131
et de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Odontologie pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Croissance staturale normale . . . . . . . . . . . . . . 109 Photoprotection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Apports nutritionnels conseillés et alimentation L'enfant et le sport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
du nourrisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
1 2 3 4 5 6 7
Numéro :
Fig. 5.1 Échelle colorimétrique des selles. La décoloration des selles du nouveau-né (5 à 7 sur l'échelle) est très évocatrice de l'existence d'une
atrésie des voies biliaires extrahépatiques. Carnet de santé 2018 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/carnet_de_sante-num-.pdf
Fig. 5.2 Courbes de croissance staturale et pondérale des filles de 1 à 18 ans. Cette courbe comporte en plus la manière de calculer la
taille cible en fonction de la taille des parents. Elle comporte également des informations relatives aux repères de la puberté et leur âge habituel
d'apparition. Courbes de croissance AFPA – CRESS/Inserm – CompuGroup Medical, 2018 (enfants nés à plus de 2 500 g et suivis par des médecins
sur le territoire métropolitain).
■ le focus sur l'exposition aux allergènes et produits pol- tifique concernant leur nature. L'attention est ainsi
luants. L'idée était d'attirer l'attention des familles sur attirée sur les vernis, colles, peintures, textiles et jouets
la possible présence dans l'environnement de l'enfant en premier usage, mais aussi sur le tabagisme passif. La
de produits nocifs, notamment de perturbateurs endo- recommandation d'éviter l'utilisation de produits cosmé-
criniens dans un contexte de relative incertitude scien- tiques dans les premiers mois, tant pour la mère que pour
94 Partie II. Spécialités
le bébé, a suscité quelques réactions dans les médias, mais Certificats de santé
aussi de la part d'industries de cosmétiques ; Trois certificats de santé doivent réglementairement être
■ la diversification alimentaire : un tableau très didactique délivrés à l'issue de consultations réalisées dans les 8 jours
indique à quel âge les différents types d'aliments peuvent suivant la naissance, au cours du 9e mois et au cours du
être introduits dans l'alimentation de l'enfant ; 24e mois. Ces certificats sont des outils importants qui per-
■ des messages spécifiques adressés aux préadolescents et mettent de décrire l'état de santé de la population des enfants
adolescents concernant notamment la sécurité routière, français à ces âges. Le HCSP a déploré dans son avis le faible
les drogues illicites et addictions mais aussi la prévention taux de retour de ces certificats (surtout les 2e et 3e) et le
de grossesses non désirées.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 95
fait que nombre d'items ne soient pas renseignés, les rendant Vaccinations obligatoires
peu exploitables. Cette situation s'explique par l'insuffisance Jusqu'en 2017, les seules vaccinations obligatoires en France
de motivation du corps médical pour renseigner ces certi- étaient : diphtérie, tétanos et polio ; l'obligation vaccinale
ficats et les contraintes liées à la multiplication des docu- concernant la variole ayant été levée en 1984 et celle de la
ments à remplir qui comportent des informations proches vaccination BCG ayant été suspendue en 2007 au profit d'une
mais pas identiques, ainsi que par la complexité du circuit recommandation de vaccination ciblée sur les nourrissons et
de remontée et d'interprétation de ces certificats. Ainsi, le enfants considérés comme à risque élevé de tuberculose.
HCSP a recommandé la dématérialisation de ces certificats L'intérêt du maintien du caractère obligatoire de certaines
et la simplification du circuit de remontée des informations. vaccinations a été longuement débattu en France. Au terme
Les trois certificats, dont le contenu a été quelque peu modi- de ce débat, l'extension de l'obligation vaccinale à l'ensemble
fié, figurent toujours en version papier dans le nouveau du calendrier vaccinal du nourrisson a été décidée par le
carnet de santé ainsi qu'en version téléchargeable sur le site gouvernement français et votée à l'Assemblée nationale puis
du ministère chargé de la Santé. La Direction générale de la au Sénat en 2017 et mise en place en France pour les nour-
santé met progressivement en place la dématérialisation de rissons nés à partir du 1er janvier 2018.
ces échanges par l'intermédiaire d'une plate-forme nationale L'obligation qui concernait les 3 vaccins diphtérie, tétanos
et de la messagerie sécurisée de santé. Pour l'instant encore, et polio a donc été étendue vers les 8 autres vaccins recom-
ces certificats doivent être adressés sous pli confidentiel mandés au calendrier du nourrisson (jusqu'à 2 ans), c'est-
aux médecins départementaux de protection maternelle et à-dire les vaccinations coqueluche, Haemophilus influenzae
infantile du département de domicile des parents. sérotype b, hépatite B, pneumocoque conjugué, rougeole,
oreillons, rubéole, et méningocoque C conjugué. Les rappels
En conclusion polio de l'enfant (6 et 11 ans) ne sont donc plus obligatoires
Ce nouveau carnet de santé est certainement amélioré. mais restent fortement recommandés.
Pour 10 ans ? La dématérialisation totale du carnet de santé, Cette loi ne s'applique qu'aux nourrissons nés après le
intégré au dossier médical partagé, est apparue hautement 1er janvier 2018. Pour les nourrissons et enfants nés avant
souhaitable, avec l'espoir que ce changement intervienne cette date, l'ancienne obligation limitée à diphtérie, tétanos
avant 10 ans. D'ici là, une meilleure appropriation de ce et polio reste toutefois en vigueur.
carnet de santé apparaît utile tant pour les familles (rem- Les vaccinations recommandées et obligatoires justifient
plissage des parties qui leur sont réservées, présentation d'une prise en charge financière par la sécurité sociale (rem-
systématique lors des consultations) que pour les profes- boursement à 65 % par l'assurance maladie, restant à charge
sionnels qui devraient être incités à le consulter et le remplir remboursé par les mutuelles ou la CMU ; le tiers payant permet
systématiquement. aux patients de n'avoir rien à payer à l'achat en pharmacie).
Les différents vaccins sont inscrits sur des pages spéci-
fiques par le médecin en y mentionnant systématiquement
Calendrier vaccinal le nom, prénom et date de naissance, la date de vaccination,
le type de vaccin (tableau 5.1), le numéro du lot, la date de
Emmanuel Grimprel, Robert Cohen, François Vié le Sage péremption (étiquettes autocollantes disponibles sur chaque
vaccin). La signature et le cachet du médecin vaccinateur
authentifient l'acte vaccinal. Ces pages ont la valeur d'un cer-
Préambule tificat de vaccination, et peuvent être photocopiées à cet effet.
Le calendrier vaccinal définit la politique vaccinale d'un Ces vaccins doivent être inscrits de façon numérique
pays. Il s'applique aux enfants et aux adultes. Il répond à des dans le logiciel métier du vaccinateur. Ils peuvent aussi être
choix stratégiques qui tiennent compte de l'épidémiologie reportés sur un Carnet de vaccination électronique (CVE)
des pathologies infectieuses, de la disponibilité des vaccins dont l'utilisation commence à se développer et qui pourrait
et des caractéristiques de ceux-ci (efficacité, durée de pro- être systématisé très rapidement.
tection), des rapports bénéfices/risques et coût/efficacité de
la stratégie envisagée.
Le calendrier vaccinal est élaboré par la Commission tech- Recommandations générales
nique des vaccinations (CTV), commission permanente de la Le calendrier vaccinal 2019 comporte les vaccinations indi-
Haute autorité de santé (HAS), et est publié chaque année sur le quées dans le tableau 5.2.
site du ministère de la Santé et sur celui de Santé publique France. Une stratégie de rattrapage des non vaccinés est égale-
■ Les recommandations générales s'adressent à la totalité ment recommandée pour les vaccinations suivantes :
de la population. ■ vaccination ROR : 2 doses à 1 mois d'intervalle pour les
■ Les recommandations particulières s'adressent à une personnes nées depuis 1980 ;
partie seulement de la population comme : ■ vaccination MenCc : 1 dose jusqu'à 24 ans révolus ;
– certaines populations à risque infectieux élevé et/ou ■ hépatite B : schéma complet jusqu'à 15 ans révolus ;
spécifique (maladies chroniques, susceptibilité selon ■ HPV (filles) : schéma complet jusqu'à 19 ans révolus ;
l'âge, etc.) ; ■ HPV (garçons HSH) : schéma complet jusqu'à 25 ans ;
– certaines professions ; ■ rappel coqueluche pour les personnes n'ayant pas reçu le
– les voyageurs. rappel de 25 ans : jusqu'à 39 ans révolus.
96 Partie II. Spécialités
Tableau 5.1 Tableau de correspondances entre les valences vaccinales dans le calendrier des vaccinations
et les vaccins commercialisés en France.
(sans préjuger de problèmes de disponibilité, temporaires ou définitifs entre deux publications, dont
certains pourraient nécessiter une adaptation transitoire de la stratégie de vaccination)
Valences vaccinales contenues dans le vaccin Noms commerciaux des vaccins
BCG (tuberculose) Vaccin BCG SSI/Vaccin BCG BIOMED-LUBLIN
Diphtérie/Tétanos Vaccin uniquement sous ATU nominative en cas de contre-indication à un vaccin
contenant la valence coqueluche
Diphtérie/Tétanos/Poliomyélite Revaxis® (valences dTP)
Diphtérie/Tétanos/Coqueluche/Poliomyélite Enfants (valences DTCaP) : InfanrixTetra®/Tétravac-acellulaire®
Adolescents et adultes (valences dTcaP) : Boostrixtetra®/Repevax®
Diphtérie/Tétanos/Coqueluche/ InfanrixQuinta®
Poliomyélite/Haemophilus influenzae b Pentavac®
Diphtérie/Tétanos/Poliomyélite/ Infanrix Hexa®
Coqueluche/Haemophilus influenzae b/Hépatite B Hexyon®
Vaxelis®
Fièvre jaune Stamaril®
Grippe saisonnière Influvac®
Fluarixtetra®
Vaxigriptetra®
Influvac tetra®
Haemophilus influenzae b Act-Hib®
Hépatite A Enfants (12 mois à 15 ans) : Havrix® 720 U/Avaxim® 80 U
Adolescents (à partir de 16 ans) : Avaxim® 160 U/Havrix® 1 440 U
Adultes : Avaxim® 160 U/Havrix® 1 440 U/Vaqta® 50 U
Hépatite B Enfants : Engerix® B10 μg/HBVaxpro® 5 μg
Adolescents et adultes (à partir de 16 ans) : Engerix® B20 μg, HBVaxpro® 10 μg
Hépatite A et hépatite B Enfants (entre 1 et 15 ans) : Twinrix® Enfant
Adolescents et adultes (à partir de 16 ans) : Twinrix® Adulte
Leptospirose Spirolept®
Méningocoque A, C, Y, W À partir de l'âge de 6 semaines : Nimenrix® (conjugué)
À partir de l'âge de 2 ans : Menveo® (conjugué)
Méningocoque C Menjugate®/Neisvac® (vaccins conjugués)
Méningocoque B Bexsero®
Papillomavirus humains (HPV) Cervarix® (vaccin bivalent)
Gardasil® (vaccin quadrivalent)
Gardasil9® (vaccin nonavalent)
Pneumocoque Prevenar 13® (conjugué)
Pneumovax® (non conjugué)
Poliomyélite Imovax Polio®
Rage Vaccin rabique Pasteur®
Rabipur®
Rougeole/Oreillons/Rubéole M-M-RVaxPro®
Priorix®
Tétanos Ce vaccin n'existe que sous forme associée à d'autres valences dans des vaccins tri, tétra,
penta ou hexavalents
Typhoïde (fièvre) Typhim Vi®
Typherix®
Typhoïde et Hépatite A Tyavax®
Varicelle Varilrix®
Varivax®
Zona Zostavax®
Les vaccins indiqués en gras sont des vaccins vivants atténués. Extrait du calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2019, ministère des Solidarités
et de la santé. Mise à jour chaque année en mars consultable sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/calendrier-vaccinal
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 97
Tableau 5.2 Calendrier vaccinal 2019. – l'entourage familial des nourrissons âgés de moins
de 6 mois présentant des facteurs de risque de grippe
Âge Vaccins grave, personnes séjournant dans un établissement
2 mois DTCaP-Hib-HB + VPC13 de santé de moyen ou long séjour quel que soit leur
4 mois DTCaP-Hib-HB + VPC13 âge ;
– les personnels soignants dans leur ensemble.
5 mois MenCc (1 dose)
■ Vaccination hépatite A recommandée :
11 mois DTCaP-Hib-HB + VPC13 – pour les jeunes accueillis dans les établissements et
12 mois ROR (dose 1) + MenCc (1 dose) services pour l'enfance et la jeunesse handicapées ;
16–18 mois ROR (dose 2)
– chez les patients atteints de mucoviscidose et/ou de
pathologies hépatobiliaires chroniques susceptibles
6 ans DTCaP d'évoluer vers une hépatopathie chronique ;
11–13 ans dTcaP1 + HPV (11–14 ans filles) – chez les enfants, à partir de l'âge de 1 an, nés de familles
25 ans dTcaP (ou dTP) dont l'un des membres (au moins) est originaire d'un
pays de haute endémicité et qui sont susceptibles d'y
45 ans dTP
séjourner ;
65 ans dTP + grippe injectable2 – chez les sujets homosexuels masculins ;
75 ans dTP tous les 10 ans – dans l'entourage familial d'un patient atteint d'hépa-
DTCaP-Hib-HB : vaccin combiné contenant les valences diphtérie (D), tétanos
tite A.
(T), coqueluche acellulaire (Ca), polio injectable (P), Haemophilus influenzae b ■ Vaccination hépatite B obligatoire pour les personnes
(Hib) et hépatite B. exerçant une activité professionnelle les exposant à des
MenCc : vaccin contre les infections invasives à méningocoque C. risques de contamination dans un établissement ou orga-
Une combinaison pentavalente DTCaP-Hib est également disponible pour le nisme de soins ou de prévention, public ou privé ainsi
nourrisson ne comportant pas la valence hépatite B. que les étudiants des filières suivantes :
Une combinaison tétravalente DTCaP est également disponible pour l'enfant
(ne comportant pas la valence Hib, inutile au-delà de l'âge de 5 ans).
– professions médicales et pharmaceutiques (médecin,
Les combinaisons faiblement dosées en anatoxine diphtérique (d au lieu de D) chirurgien-dentiste, pharmacien, sage-femme) ;
sont réservées aux grands enfants et adultes. Elles ne sont pas indiquées chez – et autres professions de santé (infirmier, infirmier
le nourrisson. spécialisé, masseur kinésithérapeute, pédicure-
Les combinaisons faiblement dosées en antigène coquelucheux (ca au lieu de podologue, manipulateur d'électroradiologie médi-
Ca) sont réservées aux adolescents et adultes. Elles ne sont pas indiquées chez cale, aide-soignant, ambulancier, auxiliaire de
le nourrisson.
puériculture, technicien en analyses biomédicale,
ROR : vaccination combinée triple rougeole, oreillons, rubéole (il n'y a plus de
vaccin monovalent disponible en France contre la rougeole, les oreillons ou la
assistant dentaire en formation).
rubéole). ■ Vaccination tétravalente conjuguée méningococcique
HPV : vaccin anti-Human Papillomavirus. ACYW recommandée chez les personnes âgées de 2 ans
1. Les doses de rappel diphtérie et coqueluche destinées à l'adolescent et et plus, ayant un déficit en fraction terminale du com-
l'adulte sont moins fortement dosées que celles destinées aux nourrissons, plément, recevant un traitement anti-C5A, porteurs d'un
d'où les signes d et ca au lieu de D et Ca.
déficit en properdine ou ayant une asplénie anatomique
2. Vaccination grippe saisonnière injectable, recommandée chaque année
chez les personnes âgées de 65 ans et plus.
ou fonctionnelle.
Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2019, ■ Vaccination pneumococcique recommandée chez les
ministère des Solidarités et de la santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/ sujets à risque élevé d'infection invasive pneumococcique :
calendrier-vaccinal1 – vaccination conjuguée 13-valente à 1 dose pour
les enfants de 2 à 5 ans non préalablement vac-
Recommandations particulières cinés, suivie d'une dose de vaccin non conjugué
23 valences ;
■ Vaccination coqueluche, combinée avec la vaccination – association vaccin conjugué et vaccin polyosidique
diphtérie (d) tétanos (T) polio (P) recommandée dans le non conjugué 23-valent chez les adultes et les enfants
cadre du cocooning (protection indirecte du jeune nour- de plus de 5 ans.
risson) recommandée chez : ■ Vaccination varicelle recommandée pour :
– les adultes susceptibles de devenir parents dans les – tous les adolescents de 12 à 18 ans n'ayant pas d'an-
mois ou années à venir et lors du rappel dTP de 25 ans ; técédent clinique de varicelle ou dont l'histoire est
– les personnels soignants dans leur ensemble. douteuse, les femmes en âge de procréer, notamment
■ Vaccination grippe saisonnière recommandée pour : celles ayant un projet de grossesse et sans antécédent
– les sujets atteints de maladies respiratoires chroniques clinique de varicelle, les femmes n'ayant pas d'anté-
susceptibles d'être aggravées ou décompensées par une cédent clinique de varicelle (ou dont l'histoire est
affection grippale, dont asthme, bronchite chronique, douteuse) dans les suites d'une première grossesse ;
bronchiectasies, hyperréactivité bronchique, etc. (liste toute grossesse doit être évitée dans le mois suivant la
complète à consulter dans le document du ministère vaccination ;
de la Santé) ; – tous les adultes de plus de 18 ans exposés à la vari-
celle, immunocompétents sans antécédent de varicelle
Les mises à jour annuelles du calendrier des vaccinations
1 ou dont l'histoire est douteuse, la vaccination doit être
et recommandations vaccinales sont disponibles sur le site effectuée dans les 3 jours suivant l'exposition à un
du ministère de la santé chaque année au mois de mars. patient avec éruption ;
98 Partie II. Spécialités
– toute personne sans antécédent de varicelle (ou dont accidentelle de l'enfant (800 décès en 1970, 250 actuellement),
l'histoire est douteuse) et dont la sérologie est négative, liée essentiellement à la réglementation et à la législation, ne doit
en contact étroit avec des personnes immunodépri- pas cacher la permanence du problème posé : 1 enfant sur 10 est
mées ; les enfants candidats receveurs, dans les 6 mois victime chaque année d'un accident de la vie courante et parmi
précédant une greffe d'organe solide, sans antécédents ceux-ci, 1 % en gardera des séquelles. À côté de la réglementa-
de varicelle (ou dont l'histoire est douteuse) et dont la tion, du développement de labels de qualité pour les produits les
sérologie est négative. plus courants, l'éducation des familles, l'information, la promo-
■ Vaccination BCG recommandée chez les enfants appar- tion d'un environnement sûr ont montré leur efficacité.
tenant aux groupes à risque suivants :
– né dans un pays de forte endémie tuberculeuse (les
définitions de ces pays varient dans le temps) ;
Définitions
– dont au moins l'un des parents est originaire de l'un de L'accident est un évènement indépendant de la volonté
ces pays ; humaine, provoqué par une force extérieure agissant rapide-
– devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un ment et qui se manifeste par un dommage corporel ou mental.
de ces pays ; On distingue classiquement :
– ayant des antécédents familiaux de tuberculose (colla- 1. les accidents de la vie courante qui incluent :
téraux ou ascendants directs) ; – les accidents proprement domestiques, se produisant à
– résidant en Île-de-France ou en Guyane ; la maison ou dans ses abords immédiats, jardin, cour,
– dans toute situation jugée par le médecin comme garage et autres dépendances,
à risque élevé d'exposition au bacille tuberculeux, – les accidents scolaires (on y associe souvent la crèche),
notamment enfant vivant dans des conditions de – les accidents de sports, de vacances et de loisirs ;
logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé) 2. les accidents de la circulation : tout accident ayant lieu sur
ou socio-économiques défavorables ou précaires (en la voie publique, l'enfant pouvant être passager, cycliste,
particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, CMUc, motocycliste ou piéton.
AME, etc.) ou en contact régulier avec des adultes ori-
ginaires d'un pays de forte endémie. Épidémiologie
■ Vaccinations du voyageur. Selon les zones visitées, peuvent
être recommandées les vaccinations suivantes : hépatite A, Mortalité
fièvre jaune, rage, typhoïde, méningococcique ACYW Plus de 200 enfants meurent chaque année au décours d'un
conjuguée, encéphalite japonaise, encéphalite à tiques, etc. accident de la vie courante (300 lors d'accidents de la circu-
lation). La mortalité accidentelle représente plus de 50 % de
la mortalité globale des enfants entre 1 et 14 ans. Ainsi en
Vaccinations des personnes 2012, 224 enfants sont décédés (28 entre 0 et 1 an, 112 entre
immunodéprimées 1 et 4 ans et 84 entre 5 et 14 ans). Les mécanismes des décès
Principes généraux accidentels sont indiqués dans le tableau 5.3.
■ Les vaccins vivants sont contre-indiqués chez les femmes
enceintes et en cas d'immunodépression. Morbidité
■ L'immunogénicité des vaccins est réduite chez les sujets Environ 12 à 15 % des enfants de 0 à 14 ans sont victimes
immunodéprimés → schémas vaccinaux particuliers ou chaque année d'un accident et plus de la moitié requièrent
renforcés. des soins médicaux. Ainsi, 1 à 2 % des enfants accidentés
■ Le risque accru de complications associées à certaines
infections justifie des vaccinations spécifiques ou des Tableau 5.3 Effectifs de mortalité standardisés
rappels supplémentaires. par type d'accident de la vie courante, selon l'âge
0–15 ans, France métropolitaine, 2012 (taux pour
Mesures générales 100 000 habitants).
■ Nécessité de renforcement des vaccinations du calendrier Mécanismes/âge 0–1 an 1–4 ans 5–14 ans
et d'étendre certaines indications ;
Chutes – 11 8
■ Notamment avec pneumocoque, méningocoque,
Haemophilus influenzae b, grippe injectable. Suffocations 16 22 8
■ Intérêt d'effectuer des dosages d'anticorps post-vaccinaux. Noyades – 46 26
Feu 1 9 12
Accidents de la vie courante – Intoxications – 1 2
Prévention Brûlures 0 0 2
garderont à vie des séquelles psychomotrices, esthétiques Facteurs de risques liés à l'enfant
ou fonctionnelles. Les enfants de 1 à 4 ans sont les plus ■ Entre 1 et 4 ans : le développement psychomoteur rapide
touchés et 60 % d'entre eux sont des garçons ; 5 % sont des du petit enfant, mal perçu par l'entourage (vigilance
« récidivistes ». insuffisante), allié à une immaturité (maladresse, imma-
Les accidents de la vie courante sont le plus souvent turité sensorielle, coordination imparfaite, centre de gra-
bénins. Cinq mécanismes regroupent les accidents les plus vité haut situé) et à une curiosité légitime soumet l'enfant
graves sur lesquels se porteront plus logiquement les efforts à un environnement inadapté à sa morphologie et ses
de prévention : les défenestrations, les noyades, les accidents compétences propres (chutes, intoxications, noyades,
liés au feu, les morsures d'animaux et les brûlures. Les lieux suffocation). Entre 18 mois et 3 ans, l'enfant acquiert de
sont répertoriés dans le tableau 5.4. plus en plus d'autonomie et le risque accidentel devient
maximal.
Mécanismes accidentels ■ Entre 4 et 10 ans : l'esprit de découverte, le développe-
Ils dépendent de l'âge de l'enfant et de ses capacités ment des activités physiques, la socialisation l'exposent
motrices (tableau 5.5). La tranche d'âge des 1–4 ans est aux risques des loisirs et des sports de contact : déforma-
la plus touchée et l'ensemble des mécanismes accidentels tions physiques, chocs directs, collisions.
sont en cause. ■ Après 10 ans : le besoin d'indépendance, l'opposition
coexistent avec une immaturité psychologique qui
Facteurs de risque l'expose aux expériences dangereuses, susceptibles de le
Un accident est la conséquence de la rencontre fortuite d'un valoriser.
enfant et d'un agent d'agressivité. Les conséquences de cette Certains profils psychologiques particuliers : les enfants
confrontation vont dépendre de la qualité de l'environne- anxiodépressifs ou hyperactifs sont à risque de récidives
ment matériel et humain. d'accidents dans la tranche d'âge 10–14 ans. Un handicap
moteur, psychomoteur ou sensoriel est un facteur de risque
reconnu d'accidents.
Tableau 5.4 Répartition des principaux lieux
d'accidents de l'enfant (%) en fonction de l'âge. Entourage humain
Lieu/âge 0–1 an 1–4 ans 5–9 ans 10–14 ans Les parents sont conscients des risques accidentels.
Domicile 81 76 34 14 Ils se font souvent des illusions sur les capacités psycho-
motrices de leur enfant : capacité dès le plus jeune âge et
École 0 7 33 26
avant même l'âge de la marche de se déplacer d'une pièce
Sports et 0 5 25 45 à l'autre, à monter sur une chaise et attraper un objet ainsi
loisirs
placé en hauteur.
Voie 5 3 6 9 L'attitude surprotectrice de l'entourage, les familles dis-
publique sociées, monoparentales, le bas revenu socio-économique
Divers 14 9 2 6 et surtout le bas niveau d'instruction maternelle sont
D'après Pédrono G, Bouilly M, Thélot B. Enquête permanente sur les accidents
autant de facteurs de risques identifiés, en particulier
de la vie courante (EPAC). Résultats 2010 en France métropolitaine. Données entre 1 et 4 ans.
Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2016. Toute situation (déménagement, décès, festivité, horaires
de préparation des repas – 11–13 h et 18–20 h) qui peut
limiter les capacités de surveillance de l'enfant induit une
Tableau 5.5 Répartition des mécanismes insécurité du jeune enfant. Dans 40 à 50 % des cas, une
accidentels (%) en fonction de l'âge. surveillance insuffisante ou une vigilance trop faible sont
l'explication majeure de l'événement accidentel.
Mécanismes/âge 0–1 an 1–4 ans 5–9 ans 10–14 ans
Chute de sa hauteur 12 21 24 23 Environnement matériel
Chutes hautes 59 29 25 29 Les enfants vivent dans un environnement « conçu par les
adultes pour les adultes ».
Coups/collisions 5 10 22 23
La maison est parsemée de pièges dans toutes les pièces,
Intoxications 6 13 1 1 la rue est inadaptée aux possibilités d'un jeune enfant. La
Brûlures 4 3 1 1 salle de bains, la cuisine, les escaliers sont les lieux les plus
Déformation à l'effort 3 2 9 8
à risque.
Les piscines privatives, les points d'eau, les cours d'im-
Morsures 1 4 2 2 meubles sont tout autant de sources de dangers potentiels.
Pincement 1 7 4 4 Les objets présents dans l'environnement immédiat
Corps étranger 2 4 2 1 de l'enfant changent régulièrement selon les innovations ;
ainsi, des accidents nouveaux surviennent depuis quelques
Autres 7 7 10 8
années : piles à mercure, micro-aimants, matériel d'exercice
D'après Pédrono G, Bouilly M, Thélot B. Enquête permanente sur les accidents physique à domicile, écrans plats, cheminées d'intérieur, et
de la vie courante (EPAC). Résultats 2010 en France métropolitaine. Données doivent être signalés pour alerter les familles des risques
Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2016.
nouveaux.
100 Partie II. Spécialités
Prévention ■ Une visite domiciliaire peut être proposée par les services
L'accident n'est pas une fatalité. La grande majorité des de PMI pour vérifier la sécurisation des pièces de l'appar-
accidents de la vie courante sont évitables. La prévention tement et du couchage de l'enfant (encadré 5.3).
associe des mesures passives : réglementation, législation, et
des mesures actives utilisant des stratégies d'éducation et de
promotion de la sécurité.
Encadré 5.1 Messages clés de la prévention
des accidents de l'enfant de 0 à 4 ans
Mesures passives
■
Au coucher : enlever tout collier, bracelet, foulard.
La réglementation permet de réduire fortement le ■
Utiliser un matelas adapté au lit en cas de lit d'appoint.
nombre d'accidents du jeune enfant : emballage des ■
Ranger dans un endroit qu'il ne peut atteindre tout objet
médicaments sous blister, barrières pour les piscines
coupant, pointu ou brûlant, tout produit toxique.
privées, hauteur des balustrades dans les immeubles, ■
Attacher la ceinture ventrale et de l'entrejambe de la chaise
détecteurs de fumées, normes des jouets et des produits
haute.
ménagers. ■
Ne pas laisser seul l'enfant de moins de 3 ans dans le bain.
La réglementation est appliquée lorsqu'elle est com- ■
Comprendre que les dispositifs de bain pour nourrisson ne
prise. Les remontées d'accidents du terrain aux décideurs
sont pas des articles de sécurité pour l'enfant.
permettent d'actualiser la réglementation, avec parfois des ■
Ne pas laisser de rallonge électrique branchée, non raccordée
délais dommageables pour l'enfant.
à un appareil.
■
Ne pas laisser seul l'enfant avec un ou plusieurs chiens.
■
Ne pas placer pas de meubles devant une fenêtre.
■
Débrancher tout outil électrique après usage.
Produits potentiellement dangereux ■
Ranger les produits ménagers et les médicaments dans un
n'ayant fait l'objet que de placard sécurisé ou hors de portée de l'enfant.
recommandations sans réglementation ■
Ne jamais laisser un enfant plus de quelques minutes seul
(septembre 2018) dans une pièce sans voir ce qu'il fait.
■
Être vigilant dès la proximité d'un point d'eau : mare, étang,
■
Trotteurs piscine gonflable ou enterrée, bassin de jardin.
■
Colliers d'ambre (pour lutter contre les douleurs dentaires) ■
Prendre garde aux bouées gonflables non munies de valves
■
Cordons pour serrer les capuches des enfants de moins de
« antiretour ».
6 mois
■
Température excessive de l'eau chaude sanitaire
■
Matériel de bains : anneaux, siège de bains
■
Coussins, oreillers sous la tête des nourrissons (pour éviter la
plagiocéphalie) Encadré 5.2 Accidents et précarité : facteurs
Tubes de médicaments avec comprimés en vrac (somnifères)
de risques risque accrus
■
■
Accessibilité moins bonne aux campagnes de prévention.
■
Objets/jouets importés, non labellisés.
Mesures actives ■
Coût des dispositifs de sécurité dans la maison.
■ Les actions d'éducation à la santé s'adressent aux parents ■
Surface habitable plus faible et encombrement des pièces.
lorsque l'enfant est jeune tant il est quasi impossible ■
Contrôles moins réguliers des matériels de chauffage :
de modifier les comportements individuels à cet âge chaudière, chauffe-eau, cheminées, etc.
(encadré 5.1).
■ L'apprentissage parental des capacités de développe-
ment de l'enfant ainsi que la nécessité d'une surveil-
lance « active » des jeunes enfants sont au cœur de cette
éducation. Encadré 5.3 Place des professionnels
■ La sécurisation de l'environnement quotidien de l'en- de santé dans la prévention
fant complète ces mesures actives par une information
et une responsabilisation des familles et des pouvoirs Les professionnels de la santé interviennent de diverses façons
publics. auprès des familles et peuvent avoir plusieurs opportunités
■ L'incidence accrue de certains types d'accidents graves pour faire de la prévention des accidents une priorité.
dans les situations de précarité (brûlures, défenestra- Les messages de prévention délivrés au décours d'une
tions, accidents liés aux incendies) justifie d'associer des consultation médicale ou hospitalière ne sont que partiellement
mesures spécifiques de prévention avec des messages suivis d'effet et ont un impact bref dans le temps s'ils ne sont
simples, relais d'informations proches des familles les pas renouvelés.
plus à risques (subvention des moyens de protection La combinaison de messages oraux et écrits, à différents
individuelle et collective). Les facteurs de risques sont moments de la vie familiale (pendant la grossesse, à la visite du
multiples (encadré 5.2). premier mois, à 9 mois) s'est avérée efficace.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 101
Antécédents familiaux
Recueil des informations ■ Père et mère : âge actuel, profession, pays d'origine, condi-
Le recueil des informations (encadré 5.4) concernant l'en- tions de logement, antécédents personnels (principales
fant et sa famille se situe habituellement dans le contexte de pathologies), existence éventuelle d'une consanguinité.
102 Partie II. Spécialités
■ Fratrie : prénoms des différents enfants par âge décrois- de la position assise avec et sans appui, de la station
sant avec, pour chacun d'entre eux, année de naissance ; debout avec appui, de la marche autonome, de l'acquisi-
antécédents néonatals et principales pathologies. tion des premiers mots et de la propreté.
Un arbre généalogique peut être établi dans toutes les cir- ■ Comportement habituel : contact avec la famille, appétit,
constances évoquant une maladie familiale. En aucun cas, sommeil, attitude au cours des jeux.
on ne saurait évoquer, devant les parents dès le premier ■ Mode de garde, scolarité : niveau, comportement avec
recueil d'informations, l'hypothèse « héréditaire » d'une l'environnement, avis des encadrants et enseignants.
pathologie suspectée.
Informations concernant les antécédents
Antécédents personnels de l'enfant pathologiques
Informations concernant la grossesse maternelle ■ Médicaux : nature et fréquence des infections des voies
et l'accouchement, état de l'enfant à la naissance aériennes supérieures ou inférieures, maladies infec-
tieuses éruptives, convulsions.
■ Chirurgicaux : adénoïdectomie, amygdalectomie, appen-
Ces informations doivent être d'autant plus détaillées que l'ob- dicectomie, etc.
servation concerne un nouveau-né ou un jeune nourrisson. ■ Pathologies traumatiques : préciser en particulier en cas
de répétition anormale.
■ Séjours prolongés en pays exposés à des pathologies infec-
Il convient de recueillir les précisions concernant : tieuses spécifiques : durée, prophylaxie d'un paludisme.
■ le déroulement de la grossesse : conditions de vie, surveil- Cette démarche, souvent consommatrice de temps, ne sau-
lance, examens complémentaires, traitements éventuels ; rait être imposée dans cette chronologie pour un enfant exa-
■ le terme théorique ; miné en urgence chez lequel l'abord de la pathologie actuelle
■ les circonstances de l'accouchement : anoxie périnatale, peut apparaître prioritaire.
voie basse ou césarienne (indication) ;
■ l'état de l'enfant à la naissance :
– score d'Apgar à 1 et 5 minutes (réanimation éventuelle, Toute rédaction d'une observation, consultation ou hospitalisa-
mode, durée), tion doit être l'occasion d'évaluer les démarches de prévention :
– poids, taille, périmètre crânien ; ■
vaccinations ;
■ l'âge et le poids de l'enfant à la sortie de la maternité. ■
recherche d'un déficit sensoriel.
Aborder l'enfant dans sa globalité.
Informations concernant le régime du nourrisson
et de l'enfant
■ Nature du premier aliment : Histoire de la maladie
– lait de mère : modalités de l'allaitement et durée ; Elle est rédigée en répondant à des règles simples :
– préparations pour nourrisson : date d'introduction des ■ utiliser un style :
protéines du lait de vache. – concis : phrases courtes, excluant des termes tels que
■ Régime actuel : « sur le plan de… » « au niveau de… », « problème
– type de lait actuel ; diagnostique », « problème thérapeutique », « notion
– date et chronologie éventuelle de la diversification : de », etc.,
gluten, légumes, fruits, viandes ; – précis : dates indiquées en clair et chiffrées, fréquence
– nombre, horaires, durée, volume et composition des repas. quantifiée d'un épisode (tous les jours, tous les mois et
■ Complément au régime : non pas « beaucoup » ou « souvent »),
– vitamines D et K (nom du produit pharmaceutique, – factuel : donner les faits bruts et non pas dans leur inter-
doses) ; prétation ou selon les « diagnostics de l'entourage » ;
– fluor, fer. ■ préciser les signes négatifs (p. ex. toux sans fièvre, diar-
■ Tolérance du régime : rhée sans vomissements, etc.), seuls garants que la ques-
– prise de poids, nombre et aspect des selles, tion a bien été posée ;
régurgitations ; ■ être lisible.
– réactions alimentaires éventuellement observées.
Examen physique de l'enfant
Informations concernant la croissance
staturo-pondérale Nous rapportons ici les données générales de cet examen
et les principaux signes à rechercher. Des précisions sup-
Données : courbe de poids, taille, périmètre crânien jusqu'à plémentaires sont données au sein de chaque chapitre de
l'âge de 3 ans (à reporter sur le carnet de santé). pathologie pédiatrique.
enfants.
sant leur caractère spontané ou provoqué, hématomes ■
B2 est plus éclatant que B1 au foyer pulmonaire.
fréquents sur les faces antérieures des jambes chez le
petit enfant),
– éruptions cutanées diverses,
Elle recherche :
– anomalies des cheveux ou des ongles ;
■ une modification des bruits du cœur : assourdissement,
■ l'état trophique :
éclat, dédoublement ;
– eutrophie (croissance normale),
■ un rythme à trois temps : bruit de galop, bruit claqué
– hypotrophie pondérale (maigreur) ou staturale (retard
protodiastolique, claquement mésosystolique ;
de taille),
■ un souffle (cf. chapitre 12) :
– obésité.
– le plus souvent systolique,
Cette évaluation est confirmée par les mesures de la taille,
– le plus souvent anorganique : de courte durée, d'inten-
du poids, de l'IMC comparées aux normes pour l'âge.
sité < 3/6, de tonalité basse, vibratoire et musicale,
maximum le long du bord gauche du sternum, du
2e au 3e espace ou du 4e au 5e espaces intercostaux
■
Respecter le temps de l'observation. gauches en dedans de l'apex, irradiant peu, d'intensité
Enfant totalement déshabillé.
variable selon les positions (disparition du souffle en
■
■
Inscrire toutes les données chiffrées au début de l'observation.
orthostatisme), l'examen, la respiration,
– parfois diastolique (toujours pathologique) ou continu
(canal artériel).
Examen cardiovasculaire
Il est effectué chez un enfant rassuré, familiarisé au stétho
scope préalablement réchauffé dans la paume de la main En cas de souffle avant l'âge de 1 an, un avis cardiopédiatrique
(nourrisson) et maintenu au calme, à distance d'un effort est utile.
(grand enfant).
■ sa couleur : gris perle avec un cadre rosé ; logie concernée, par exemple en cas de méningite
■ sa forme : la présence de la saillie de l'apophyse externe purulente :
du manche du marteau et le reflet lumineux triangulaire – évolution infectieuse (clinique, biologique, bactériolo-
témoignent de sa légère concavité ; gique, etc.),
■ son épaisseur : elle permet, par transparence, de déter- – évolution neurologique (syndrome méningé, anoma-
miner le caractère purulent ou séreux d'une éventuelle lies sensorielles, etc.),
collection rétrotympanique. – poids (sécrétion inappropriée d'hormone antidiuré-
L'examen de la cavité buccopharyngée permet de préciser : tique), etc. ;
■ l'aspect et le volume des amygdales : celles-ci ont atteint ■ en cas de diagnostic non assuré (p. ex. enquête étiolo-
leur volume maximum vers l'âge de 4 ans ; elles involuent gique sur des polyadénopathies ou à propos d'une fièvre
ensuite ; prolongée isolée) : regrouper dans différentes rubriques
■ l'aspect de la langue (recherche d'une stomatite) ; (p. ex. cadres étiologiques) les informations cliniques,
■ l'état de la muqueuse buccale (énanthème) ; hématologiques, biochimiques, bactériologiques, ou les
■ l'état dentaire : état maturatif, caries, infections dentaires données d'imagerie, qui permettent de confirmer, nuan-
(cf. infra dans ce chapitre). cer ou réorienter le diagnostic.
Au terme de cet examen, on doit vérifier le recueil d'un certain L'absence d'orientation étiologique initiale impose une rééva-
nombre de données chiffrées : luation clinique et une disponibilité du médecin.
■
taille ;
■
périmètre crânien (avant 3 ans) ;
poids ;
Développement psychomoteur
■
■
température ;
■
fréquence cardiaque ; du nourrisson et de l'enfant
■
pression artérielle ;
■
fréquence respiratoire (en cas de détresse respiratoire). Brigitte Chabrol
Enjeux
Synthèse et conclusion Le développement psychomoteur du nourrisson et
Une fois toutes ces informations recueillies, il convient : de l'enfant est le reflet de l'interaction entre des fac-
■ d'identifier, de discriminer et de saisir les indices signifi- teurs génétiques et des facteurs environnementaux, qui
catifs. Ceux-ci ont permis le plus souvent un diagnostic débute dès la vie intra-utérine. La maturation cérébrale
immédiat. Cependant, dans les cas difficiles, il importe et le développement du système nerveux central suivent
d'éliminer avant tout les urgences diagnostiques ou thé- étape par étape un programme déterminé. Les facteurs
rapeutiques, de demander un avis à un collègue, de pro- environnementaux peuvent quant à eux moduler le déve-
poser une réévaluation clinique proche ; loppement cérébral, certaines stimulations étant cru-
■ de proposer s'il y a lieu un plan d'investigations complé- ciales aux phases précoces de développement et dans une
mentaires ; fenêtre temporelle donnée (périodes critiques). L'impor-
■ d'assurer les prescriptions thérapeutiques : c'est-à-dire de tance du processus d'apprentissage dans la mise en place
proposer un traitement dont les objectifs apparaissent des différentes acquisitions psychomotrices est soulignée
clairement établis et fondés sur les données cliniques et actuellement.
paracliniques. Sa prescription doit être complétée par la L'évaluation du développement psychomoteur est capi-
précision des signes de surveillance témoignant de l'effica- tale. Il s'agit d'évaluer le développement d'un enfant d'un âge
cité thérapeutique ou à l'inverse, d'une éventuelle aggrava- donné par rapport à une norme de population. Il faut donc
tion nécessitant une reprise de contact avec le médecin. savoir tenir compte des variations individuelles au fil d'un
calendrier qui sera toujours le même pour chaque enfant. Au
cours de l'examen, plusieurs domaines du développement
L'observation sémiologique clinique permet dans la majorité sont évalués : développement moteur, capacités de commu-
des cas : nications et compétences sociales ainsi que développement
■
d'exclure les critères de gravité évoquant une urgence (ils cognitif (tableau 5.7).
sont précisés au cours de chaque chapitre de pathologie Deux circonstances différentes peuvent conduire à éva-
pédiatrique), luer le développement psychomoteur : lors d'un examen
■
l'économie des examens complémentaires en pathologie systématique, ou devant une inquiétude des parents ou à
pédiatrique habituelle. l'occasion d'une pathologie.
L'étude du développement psychomoteur repose sur
l'interrogatoire, qui est fondamental et ne doit jamais être
Chez un enfant hospitalisé, l'observation est enrichie des suggestif, et sur l'examen clinique. Deux notions sont impor-
données de suivi évolutif : tantes : le niveau des performances de l'enfant par rapport à
■ en cas de diagnostic certain : il importe de faire le point son âge chronologique et sa dynamique de développement
itératif sur chacun des problèmes inhérents à la patho- appréciée lors de consultations successives.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 107
Conclusion
Physiologie de l'hormone de croissance
La connaissance des différentes étapes du développe-
ment psychomoteur est indispensable. Elles doivent être La sécrétion d'hormone de croissance est sous la dépen-
soigneusement évaluées lors de tout examen de l'enfant et dance de la sécrétion de GHRH (GH Releasing Hormone,
notées dans le carnet de santé. En cas d'écart de développe- d'origine hypothalamique) et de la ghréline (origine stoma-
ment, les données recueillies, complétées par celle de l'exa- cale). L'hypothalamus est au sein du système nerveux cen-
men neurologique, permettent une orientation diagnostique. tral, et reçoit toutes les afférences donnant les informations
sur l'état nutritionnel, psychique, et les pathologies diverses.
Ainsi, en cas de carence nutritionnelle importante, d'insuf-
Croissance staturale normale fisance d'organe sévère, d'inflammation chronique, un
infléchissement de la vitesse de croissance d'origine centrale
Maxime Gérard
peut survenir, par inhibition de la sécrétion de GH.
La croissance staturale est un phénomène continu, se dérou- La sécrétion d'hormone de croissance est pulsatile. Le
lant en plusieurs phases : dosage de la GH de base, sans stimulation pharmacologique
■ de la naissance à 4 ans : phase de croissance rapide ; ou hors contexte d'hypoglycémie, n'est pas informatif ; le
■ de 4 ans à la puberté : phase de croissance linéaire, taux peut être nul sans valeur pathologique.
5–6 cm/an, anormale si < 5 cm/an ; La GH est libérée dans la circulation sanguine et se fixe
■ puis : phase de croissance pubertaire, rapide, 10 cm/an. à son récepteur hépatique, induisant la sécrétion d'un pep-
Le pic de croissance pubertaire débute dès l'apparition tide, l'IGF-1 (Insulin-like Growth Factor 1). C'est ce pep-
des bourgeons mammaires chez la fille (gain statural total tide qui va se fixer au niveau de récepteurs des cartilages
d'environ 20 cm), mais il est retardé d'un an environ chez de croissance, entraînant la croissance des os. La demi-vie
le garçon par rapport à l'augmentation du volume testi- de l'IGF-1 est longue, et son dosage (basal) est donc inté-
culaire (gain statural total d'environ 25 cm). ressant pour évaluer la sécrétion d'hormone de croissance
110 Partie II. Spécialités
26 9 POIDS 9
25 8 8
24 7 7
23 6 6
22 5 5
21 4 4
20 3 3
19 2 2
+2s
18 1 +1s 1
M.
17 0 0
–2s –1s
16 –1 –1
15 –2 –2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 ans
14 Ces accroissements (moyenne M. et écarts type σ) ont été calculés par années révolues
jusqu'à 11 ans et obtenus ensuite d'après les courbes préparées en percentiles.
13 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 ans 13
12 12
11 TAILLE 11
10 10
9 9
8 8
7 7
6 6
5 5
4 4
3 3
2 2
1 +2s 1
+1s
0 –2s –1s M. 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 ans
(normes dépendant de l'âge et du stade pubertaire). Le taux les courbes OMS et, depuis le 1er avril 2018 dans les car-
d'IGF-1 dépend aussi de l'état nutritionnel (un dosage bas nets de santé, les courbes actualisées de l'Inserm (fig. 5.2
chez un patient avec nutrition insuffisante n'est donc pas et 5.6).
informatif). L'utilisation des nouvelles courbes est préférée, même si
toutes sont utilisables. Le plus important est de surveiller la
cinétique de croissance si l'on a commencé un suivi sur une
Le dosage de GH de base n'est pas informatif. autre courbe.
Tableau 5.9 Équivalences entre déviations ■ Signes digestifs (troubles du transit, selles glairosan-
standards (DS) et percentiles. glantes, douleurs abdominales).
■ Signes de déficit hypophysaire (constipation, frilosité,
Percentile 0,1 2,3 15,9 50 84,1 97,7 99,9
asthénie).
DS –3 –2 –1 0 + 1 + 2 + 3 ■ Signes de compression du chiasma optique (troubles du
champ visuel, nausées, vomissements, notamment mati-
naux, hypertension intracrânienne).
Il est important de demander la puberté dans la famille
(âge des premières règles de la mère, âge de la poussée de
croissance pubertaire du père) pour voir comment s'est Analyse de la courbe de croissance
déroulée leur croissance pubertaire, et si possible d'exami- ■ Calcul de la taille cible.
ner leurs carnets de santé. ■ Appréciation de la vitesse de croissance.
Il est très fréquent de ne pas avoir le même âge osseux bilité interindividuelle des besoins et couvrir les besoins de
que son âge réel. Un retard d'âge osseux (âge osseux infé- la quasi-totalité de la population (97,5 % des individus). En
rieur à son âge réel) laisse plus de réserve de croissance. À pratique, l'ET est rarement connu et un coefficient de varia-
l'inverse, une avance d'âge osseux laisse moins de réserve tion défini par défaut, de l'ordre de 10 à 20 %, est ajouté au
de croissance. Attention, l'âge osseux peut avancer plus vite BNM à la place de l'ET pour dériver la RNP. La RNP corres-
que le temps réel, c'est-à-dire qu'en 1 an par exemple, l'âge pond donc à 120–140 % du BNM.
osseux peut avancer de 2 ans, notamment en période péri- Si pour un individu l'apport d'un nutriment est infé-
pubertaire. Avoir un retard d'âge osseux de 2 ans ne veut pas rieur aux ANC/VNR, cela ne signifie pas pour autant qu'il
dire qu'on grandira 2 ans de plus que les autres. ne couvre pas ses besoins pour ce nutriment. Le risque de
La fin de la croissance est marquée par un âge osseux de déficit pour un nutriment ne devient significatif que si son
15 ans pour la fille et 17 ans pour le garçon. apport est inférieur au BNM, soit 70–80 % de la RNP.
Lorsque les données scientifiques sont insuffisantes pour
déterminer le BNM (et par conséquent la RNP), une autre
Face à un retard statural, un retard d'âge osseux ne doit pas valeur, l'apport satisfaisant (AS) peut être proposée. L'AS est
complètement rassurer. Une consultation spécialisée doit être le niveau d'apport supposé suffisant d'après l'observation de
demandée s'il existe une croissance staturale pathologique. groupes de personnes en bonne santé. L'objectif de l'AS est
similaire à celui de la RNP : décrire le niveau d'apport d'un
nutriment considéré comme adéquat pour maintenir un bon
Conclusion état de santé. La distinction entre ces deux valeurs concerne
le niveau de preuves scientifiques sur lesquelles elles reposent.
Il existe plusieurs phases de croissance staturale : nourris-
son, enfant et adolescent. Spécificités des besoins nutritionnels
La croissance est plurifactorielle, l'évaluation de ses diffé-
rents facteurs est nécessaire en cas de croissance pathologique.
de l'enfant
La croissance staturale dite « normale » est une croissance Les besoins nutritionnels sont variables d'un enfant à l'autre.
staturale entre –2 et + 2DS, à plus ou moins 1,5DS de la Ils dépendent de l'âge, du sexe, de l'activité physique, de la
taille cible, et régulière sur son couloir. vitesse de croissance, du développement pubertaire, ainsi
L'examen de la courbe de croissance, taille, poids, IMC, que de caractéristiques génétiques et environnementales. La
PC (chez le moins de 5 ans), doit faire partie de toute consul- couverture des besoins nutritionnels permet d'assurer chez
tation pédiatrique. l'enfant un état de santé normal et une croissance staturo-
L'évolution de la croissance et de la puberté doit être surveil- pondérale optimale.
lée même en l'absence de pathologie identifiée, chez tout enfant.
Insister pour voir les enfants et les examiner à l'âge pubertaire. Apports nutritionnels conseillés/valeurs
nutritionnelles de référence chez l'enfant
Eau
Apports nutritionnels conseillés L'eau représente 75 % du poids du corps les premières
et alimentation du nourrisson semaines de vie et 60 % à l'âge d'un an. Le nourrisson est
Dominique Turck très dépendant des apports en eau du fait de ce contenu en
eau élevé et de l'immaturité des fonctions de concentration-
dilution des urines. Les besoins en eau, exprimés en kg de
Apports nutritionnels conseillés poids, sont d'autant plus importants que l'enfant est jeune.
Le terme « apports nutritionnels conseillés », ou son syno- Il faut être attentif au risque de déshydratation lorsque les
nyme « valeurs nutritionnelles de référence », désigne un pertes en eau sont augmentées : diarrhée, vomissements,
ensemble de valeurs, dont le besoin nutritionnel moyen, fièvre, température ambiante élevée.
la référence nutritionnelle pour la population, et l'apport L'AS en eau est de 700–1 000 mL/j de 0 à 6 mois,
satisfaisant. 800–1 000 mL/j de 6 à 12 mois et 1 100–1 300 mL/j de 1 à
3 ans. On peut utiliser les deux formules suivantes pour un
Définitions enfant d'un poids supérieur à 10 kg :
■ si le poids est > 10 kg, besoins en eau = 1 L + 50 mL par
Il ne faut pas confondre le besoin nutritionnel, qui
kg au-dessus de 10 kg (p. ex. besoins quotidiens de 1,4 L
concerne un individu, et les apports nutritionnels conseil-
pour un poids de 18 kg) ;
lés (ANC) ou valeurs nutritionnelles de référence (VNR),
■ si le poids est > 20 kg : besoins en eau = 1,5 L + 20 mL
qui concernent une population dans son ensemble.
par kg au-dessus de 20 kg (p. ex. besoins quotidiens de
Le besoin nutritionnel moyen (BNM) reflète le niveau
1,9 L pour un poids de 40 kg).
d'apport d'un nutriment qui répond aux besoins quotidiens
de la moitié des personnes dans une population donnée.
Sous réserve que les besoins pour un nutriment soient Énergie
répartis de façon normale (gaussienne), la référence nutri- Les besoins énergétiques, exprimés en kilocalories (kcal)
tionnelle pour la population (RNP) est calculée en ajoutant ou kilojoules (1 kcal = 4,185 kJ), sont d'autant plus éle-
au BNM, sauf pour l'apport énergétique, 2 écarts types (ET), vés que l'enfant est en croissance rapide, notamment au
marge de sécurité permettant de prendre en compte la varia- cours des 2 premières années de vie et pendant la puberté
114 Partie II. Spécialités
(tableau 5.10). Les besoins énergétiques sont estimés par (10–20 kcal/kg/j), elle augmente ensuite pour atteindre
l'analyse des ingesta spontanés d'un groupe de personnes en 25–40 kcal/kg/j jusqu'à 1 an. C'est chez l'adolescent
bonne santé ou des composantes de la dépense énergétique qu'elle varie le plus : la DE totale peut ainsi varier de
(DE) totale (méthode factorielle) : 2 000 à 3 500 kcal/j chez un garçon pesant 50 kg selon
■ DE de base : il s'agit de la DE mesurée le matin, l'intensité de son activité physique ;
chez un sujet à jeun depuis 12 heures, éveillé mais ■ DE de thermorégulation : elle varie en fonction de l'environ-
au repos, allongé et dans une ambiance proche de la nement thermique, de l'âge de l'enfant et de sa protection
neutralité thermique. Pour le jeune enfant chez qui vestimentaire. En cas d'hyperthermie, elle augmente
un jeûne prolongé n'est pas possible, c'est la DE de de 5–10 kcal/kg/j par degré de température corporelle
repos (DER), mesurée dans les mêmes conditions, le supplémentaire ;
plus à distance possible d'un repas, qui est prise en ■ coût énergétique de la croissance : il s'agit de l'énergie
compte. La DER est de 50–70 kcal/kg/j avant 1 an, nécessaire à la synthèse de nouveaux tissus et l'énergie
40–50 kcal/kg/j de 1 à 10 ans, et 30–40 kcal/kg/j de 10 déposée dans ces tissus sous forme de protéines ou de
à 15 ans ; lipides. Ce coût est d'environ 5 kcal par gramme de gain
■ DE liée à l'activité physique : elle varie selon l'âge et le pondéral. Il peut représenter jusqu'à 20–25 % de la DE
type d'activité physique. Faible avant l'âge de 6 mois totale durant les 6 premiers mois de vie.
Tableau 5.10 Apports nutritionnels conseillés/Référence nutritionnelle pour les enfants vivant en Europe.
Âge Énergie (BNM)1 MJ/j (kcal/j) Protéines (RNP) (g/j) Fer (RNP) (mg/j) Vit. D (AS)2 (μg/j) Calcium (RNP) (mg/j)
0–1 mois G : 1,5 (359) – 6–103 10 200
F : 1,4 (329)
1–2 mois G : 2,1 (505) G : 8 6–103 10 200
F : 1,9 (449) F : 7
2–3 mois G : 2,2 (531) G : 8 6–103 10 200
F : 2,0 (472) F : 8
3–4 mois G : 2,1 (499) G : 9 6–103 10 200
F : 1,9 (459) F : 8
4–5 mois G : 2,3 (546) G : 9 6–103 10 200
F : 2,1 (503) F : 8
5–6 mois G : 2,4 (583) G : 9 6–103 10 200
F : 2,3 (538) F : 8
6 mois G : 2,5 (598) G : 10 11 10 500
F : 2,3 (550) F : 9
1 an G : 3,3 (789) G : 12 11 15 450
F : 3,0 (717) F : 11
18 mois G : 12 7 15 450
F : 11
2 ans G : 4,3 (1 028) G : 12 7 15 450
F : 4,0 (956) F : 12
3 ans G : 4,9 (1 171) G : 13 7 15 450
F : 4,6 (1 099) F : 13
4 ans G4 : 5,3–6,8 (1 267–1 625) G : 15 7 15 800
F4 : 4,6–6,3 (1 099–1 506) F : 14
5 ans G4 : 5,6–7,2 (1 388–1 721) G : 16 7 15 800
F4 : 5,2–6,74 (1 242–1 601) F : 16
10 ans G4 : 8,1–9,1 (1 936–2 175) G : 31 11 5 800
F4 : 7,6–8,6 (1 816–2 055) F : 31
15 ans G4 : 11,3–12,7 (2 701–3 035) G : 52 G : 11 5 1 150
F4 : 9,3–10,5 (2 223–2 510) F : 46 F : 13
18 ans G4 : 9,8–12,6 (2 342–3 011) G : 62 G : 11 5 1 150
F4 : 7,9–10,1 (1 888–2 412) F : 52 F : 16
AS : apport satisfaisant ; BNM : besoin nutritionnel moyen ; F : fille ; G : garçon ; RNP : référence nutritionnelle pour la population.
1. 1 mégajoule (MJ) = 1 000 kJ = 239 kcal.
2. 1 μg de vitamine D = 40 unités internationales (UI).
3. En l'absence de RNP pour le fer définie par l'Efsa (European Food Safety Authority) pour la tranche d'âge de 0 à 6 mois, les valeurs indiquées correspondent aux
ANC pour la population française publiés par l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) en 2001.
4. Variations des besoins énergétiques en fonction du niveau d'activité physique faible ou élevé.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 115
Macronutriments Calcium
Protéines Les ANC/VNR en calcium, qui est essentiel pour une minéra-
Les protéines constituent la source d'azote de l'organisme. lisation optimale du squelette, doivent tenir compte du coeffi-
Elles apportent les acides aminés que l'organisme ne peut cient d'absorption (fonction de la biodisponibilité du calcium
synthétiser, dénommés indispensables, assurent le déve- des aliments) et de l'apport en vitamine D. La puberté est une
loppement musculaire et squelettique, et la production de période clé dans la minéralisation du squelette, où les besoins
protéines fonctionnelles (immunoglobulines, hémoglobine, calciques sont particulièrement élevés (cf. tableau 5.10).
enzymes). Les ANC/VNR en protéines ne dépassent pas Vitamines
12 g/j jusqu'à 2 ans, et 1 g/kg/j ensuite (cf. tableau 5.10). Les Vitamine D
protéines ne devraient pas contribuer à plus de 15 % des C'est de loin la principale vitamine dont les apports peuvent être
apports énergétiques. insuffisants dans les pays industrialisés. Elle joue un rôle essen-
tiel dans l'absorption du calcium, la minéralisation osseuse et
Lipides la prévention du rachitisme. Les ANC/VNR en vitamine D
En raison de leur densité calorique de 9 kcal/g, les lipides sont indiqués dans le tableau 5.10. Les réserves en vitamine D
contribuent principalement à la couverture des besoins du nouveau-né dépendent de celles de sa mère, et sont le plus
énergétiques. Les apports lipidiques doivent également assu- souvent faibles en Europe. Le lait maternel contient peu de
rer les besoins en vitamines liposolubles (A, D, E et K), et en vitamine D (0,5 à 2 μg/L, soit 20 à 80 UI/L) et les préparations
acides gras essentiels (AGE). Les lipides devraient contri- lactées sont enrichies en vitamine D mais insuffisamment. La
buer à 50–55 % des apports énergétiques de la naissance à prévention du déficit en vitamine D repose sur :
6 mois, 40 % de 6 à 12 mois et 35–40 % entre 1 et 3 ans. ■ la supplémentation des femmes enceintes au début du
Les AGE sont constitués de 2 acides gras polyinsa- 7e mois de grossesse (en particulier en cas de dernier tri-
turés (AGPI) : l'acide linoléique (C18 : 2n-6) et l'acide mestre hivernal ou printanier) avec une dose unique de
α-linolénique (C18 : 3n-3), constituants indispensables 80 000 à 100 000 UI ;
des membranes cellulaires, en particulier du tissu cérébral. ■ jusqu'à 18 mois, la supplémentation :
Leur carence est très rare dans les pays développés. L'AS – de 600–800 UI/j chez l'enfant recevant une prépara-
pour les acides linoléique et α-linolénique est respective- tion lactée,
ment de 4 et 0,5 % de l'apport énergétique total. À partir – de 800–1 000 UI/j chez l'enfant allaité ou recevant un
des AGE se produit une série d'élongations et de désatura- lait non enrichi en vitamine D ;
tions aboutissant à des AGPI à longue chaîne (AGPI-LC), ■ après 18 mois et jusqu'à l'adolescence, la supplémentation
principalement l'acide arachidonique (ARA ; C 20 : 4n-6) automno-hivernale par la prise orale de 2 doses de charge
pour la série n-6 et l'acide docosahexaénoïque (DHA ; C22 : de 80 000–100 000 UI chacune, l'une en novembre-
6n-3) pour la série n-3. Ces deux AGPI-LC jouent un rôle décembre et l'autre en février-mars.
essentiel dans le développement du système nerveux cen-
tral et de la rétine, ainsi que dans l'immunité et le contrôle Vitamine K
de l'inflammation. L'AS en DHA seul est de 100 mg/j de 0 à Elle joue un rôle essentiel dans la synthèse des facteurs de
24 mois. De 24 à 36 mois, l'AS de la somme (ARA + DHA) coagulation, en particulier en période néonatale. Les ANC/
est de 250 mg/j. VNR en vitamine K sont de 5 μg/j de 0 à 6 mois, 10 μg/j de
6 mois à 1 an et 12 μg/j entre 1 et 3 ans. Afin de prévenir la
Glucides maladie hémorragique du nouveau-né, il est recommandé
Ils ont surtout un rôle d'apport calorique. Leur source de donner 1 mg de vitamine K per os à la naissance et au
principale pendant les premiers mois d'alimentation lactée 3e–4e jour de vie. Pour tenir compte de la faible teneur en
exclusive est le lactose (glucose + galactose). Les glucides vitamine K du lait maternel, une troisième supplémentation
devraient contribuer à 45–60 % des apports énergétiques de 1 mg per os est recommandée à l'âge d'un mois en cas
après l'âge d'un an. L'AS en fibres, non défini avant un an, d'allaitement exclusif.
est de 10 g/j entre 1 et 3 ans.
plus élevé chez les enfants de la naissance à 6 mois et ceux choisie, le praticien peut être amené à en changer, mais en
âgés de 6 mois à 2 ans. Dans les pays industrialisés, l'allaite- évitant la « valse des laits », qui n'a souvent aucune justifi-
ment est associé chez le nourrisson à un moindre risque de cation scientifique. Les allégations (c'est-à-dire la commu-
diarrhées aiguës, d'otites aiguës et d'infections respiratoires nication) concernant les préparations ne sont pas toujours
sévères à l'origine d'hospitalisations. L'allaitement d'une supportées par des preuves scientifiques, ce qui est contraire
durée au moins égale à 3 mois est associé à une diminution à la réglementation européenne.
du risque d'asthme et d'eczéma pendant les 2–3 premières On distingue selon l'âge de l'enfant et sa période
années de la vie chez les enfants à risque d'allergie (au moins d'alimentation :
un parent du 1er degré allergique), ainsi qu'à une diminution ■ les préparations pour nourrissons (dénommées cou-
du risque d'obésité et de surpoids pendant l'enfance et l'ado- ramment laits « 1er âge »), de la naissance à 4–6 mois :
lescence, de diabète de type 2, et de maladies inflammatoires « denrées alimentaires destinées à l'alimentation parti-
chroniques de l'intestin (MICI). culière des nourrissons pendant les premiers mois de leur
Chez les enfants prématurés, l'alimentation avec du LM vie et répondant à elles seules aux besoins nutritionnels de
(ou du lait provenant de donneuses via un lactarium) favo- ces nourrissons jusqu'à l'introduction d'une alimentation
rise la maturation des fonctions digestives et la tolérance à complémentaire appropriée ». Il s'agit donc d'une alterna-
l'alimentation par voie orale. Elle diminue le risque d'enté- tive à l'allaitement maternel ;
rocolite ulcéronécrosante, et est associée à de meilleures ■ les préparations de suite (dénommées couramment
performances cognitives chez les nouveau-nés très préma- laits « 2e âge »), de 4–6 à 12 mois : « denrées alimentaires
turés (terme < 32 semaines). destinées à l'alimentation particulière des nourrissons
L'allaitement favorise également les interactions entre lorsqu'une alimentation complémentaire appropriée est
la mère et l'enfant ainsi que l'attachement, et constitue un introduite et constituant le principal élément liquide d'une
avantage économique non négligeable par rapport au coût alimentation progressivement diversifiée de ces nour-
des préparations pour nourrissons et de suite. rissons ». L'intérêt principal des préparations de suite
L'allaitement a aussi des effets bénéfiques pour la santé est leur enrichissement en fer, pour tenir compte des
de la mère. La perte de poids et la diminution de la masse apports souvent insuffisants provenant des aliments de
grasse sont plus rapides dans les 6 premiers mois du post- diversification ;
partum chez les femmes allaitantes. L'allaitement est associé ■ les préparations pour enfant en bas âge (dénommées
à une diminution de l'incidence du cancer du sein avant la couramment « laits de croissance »), entre 1 et 3 ans. Leur
ménopause et du cancer de l'ovaire, du diabète de type 2 et composition a pour principal objectif la prévention des
de la dépression du post-partum. déficits en fer, vitamine D et DHA. Elle n'est pas régle-
Les contre-indications de l'allaitement sont peu nom- mentée au niveau européen mais par chacun des États
breuses : infection par le VIH ou l'HTLV, galactosémie, membres. En France, elle doit répondre à la réglemen-
exposition à des isotopes radioactifs, maladie chronique tation sur les préparations de suite. L'enfant consomme
invalidante, tuberculose active, chimiothérapie anticancé- laitages et fromages ; le lait de vache peut être utilisé dans
reuse. Très peu de médicaments contre-indiquent l'allaite les préparations culinaires familiales. Il est préférentiel-
ment. Les indications du Vidal sont souvent alarmistes lement remplacé par une préparation pour enfant en bas
voire erronées ; en cas de doute, il faut consulter les centres âge pour le petit-déjeuner et le goûter.
régionaux de pharmacovigilance ou le CRAT (Centre de
référence pour les agents tératogènes, lecrat.fr). Préparations spécifiques
Les préparations ci-dessous sont destinées à des nourrissons
Préparations « standards » ayant des besoins nutritionnels spécifiques ou à risque élevé
Le lait de vache est totalement inadapté à l'alimentation du de pathologie ou en situation pathologique avérée.
jeune nourrisson, en raison de son contenu trop riche en pro-
téines et en sodium, et trop faible en acides gras essentiels, fer Préparations contenant des prébiotiques ou des probiotiques
et vitamine D. Il est formellement proscrit avant un an. Un prébiotique est un ingrédient non digestible qui induit
Toutes les préparations commercialisées en France un effet physiologique bénéfique pour l'hôte en stimulant de
répondent aux règles de composition décrites dans la direc- façon spécifique la croissance et/ou l'activité d'un nombre
tive européenne 2006/141/CE du 22 décembre 2006, trans- limité de populations bactériennes déjà établies dans le
posée en droit français par l'arrêté du 11 avril 2008. Cette côlon. Un probiotique est un micro-organisme (tels cer-
directive sera remplacée à partir de février 2020 par le règle- tains lactobacilles ou bifidobactéries) qui, une fois ingéré en
ment délégué 2016/127 de la Commission du 25 septembre quantité adéquate, demeure vivant lors du transit intestinal
2015. Ces préparations sont utilisées en l'absence d'allaite- et s'implante suffisamment pour modifier la flore intestinale
ment ou en complément de celui-ci. Les protéines autorisées et exercer un effet bénéfique démontré sur la santé de l'hôte.
sont les protéines de lait de vache, les protéines de soja et, En dépit de nombreuses études, les bénéfices cliniques
depuis 2013, les protéines de lait de chèvre. Les graisses sont démontrés se limitent à :
le plus souvent d'origine végétale, rarement d'origine lactée. ■ des selles plus molles avec certains prébiotiques (mélange
La préparation doit être choisie en fonction de l'état 90 % galacto – 10 % fructo-oligosaccharides) ;
nutritionnel du nourrisson, de son niveau de maturité ■ la réduction du risque de diarrhée aiguë chez des nour-
digestive et rénale, et des éventuels antécédents familiaux rissons avec certains probiotiques (Bifidobacterium lactis
d'allergie. En cas de mauvaise tolérance de la préparation et Streptococcus thermophilus).
118 Partie II. Spécialités
introduit selon une séquence variable non établie. Pour cifiques pour les bébés commercialisés par les industriels
les fruits/légumes, il est préférable de proposer une nou- n'ont aucun avantage nutritionnel démontré par rapport
veauté par jour, afin que l'enfant apprenne le goût parti- aux préparations « maison ».
culier de chacun de ces aliments. Chez le nourrisson à risque allergique, la diversification
peut être débutée et conduite comme chez l'enfant non à
En pratique risque d'allergie.
Allaitement Alimentation totalement diversifiée
L'OMS recommande un allaitement exclusif pendant 6 mois Après l'âge d'un an, l'alimentation est totalement diversi-
et partiel jusqu'à l'âge de 2 ans en fonction des souhaits de la fiée, comme celle de l'adulte. L'eau pure est la seule boisson
mère et de l'enfant. à proposer. Un apport de 250 mL/j de préparation pour
À la naissance, il faut privilégier le contact peau à peau enfants en bas âge est conseillé de 1 à 3 ans, afin d'assurer des
entre le nouveau-né et la mère le plus tôt possible et instaurer apports suffisants en fer, vitamine D et AGE. L'apport pro-
l'allaitement précocement, idéalement en salle de naissance et tidique provenant des aliments non lactés peut être limité à
selon la demande du nouveau-né. La position choisie par la 30–50 g/j de viande + poisson + œuf, bien qu'aucun effet
mère doit être la plus confortable possible (assise ou couchée). délétère ne puisse être attribué avec certitude à un apport
La bouche du nouveau-né doit prendre largement l'aréole en protéines élevé chez le nourrisson et le jeune enfant. Des
et non le seul mamelon. Il n'existe aucun médicament ou sucres complexes (céréales, féculents) peuvent être proposés
régime alimentaire susceptible d'influencer favorablement la au déjeuner et au dîner. Le grignotage doit être évité.
sécrétion lactée.
kg + 3σ kg
85
115 80 + 2σ 80
90 55 55
ter (fig. 5.7). 65 30 30
60 25 25
50 15 15
En dehors de situations évidentes et de diagnostic Fig. 5.7 Adolescent atteint d'une maladie de Crohn iléale termi-
établi retentissant sur la croissance (insuffisance car- nale paucisymptomatique. Absence de surveillance staturopondé-
rale régulière, perte d'un couloir en taille et poids, retard pubertaire et
diaque, polyhandicap, etc.), l'enquête sur un « petit
rattrapage spectaculaire après prise en charge thérapeutique.
poids » isolé doit débuter par les antécédents. Le poids
et la taille des parents, des frères et sœurs voire des
autres collatéraux proches peuvent être informatifs. Si prendre 2,5 kg entre 3 et 9 mois, passant de 4 à 6,5 kg. Un
la mère est petite et mince, si les enfants précédents enfant suivant la courbe de + 2DS va prendre 4 kg, passant
ont été petits et minces avant de grossir de façon plus de 6,5 à 10,5 kg. L'alimentation est souvent proportion-
importante ensuite, il n'est peut-être pas nécessaire de nelle en quantité, autre motif d'inquiétude pour les « petits
pratiquer d'investigations. poids ». Dans les deux cas, la croissance est normale, mais
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est une l'enfant petit consulte car il « grossit mal ». Ce n'est pas en
grande cause de poids insuffisant dans les premiers mois mangeant plus qu'il va grossir et grandir plus !
ou premières années. S'il est important (en particulier au- Autre exemple, les maigreurs génétiques et constitu-
dessous de –2DS), associé à des signes dysmorphiques, des tionnelles. Certaines maladies génétiques s'accompagnent
malformations, un retard de développement, etc., l'enquête d'une maigreur (63 d'après Orphanet), dont par exemple la
génétique est bien sûr au premier plan, à la recherche d'un maladie de Marfan (fig. 5.8). On retrouve ici l'importance
syndrome identifiable. de l'étude familiale, la recherche de signes et malformations
associés et l'intervention des généticiens.
Petit poids : où va-t-il ? La maigreur constitutionnelle est une entité mal connue
(10 000 publications sur l'anorexie mentale en un siècle,
Les parents consultent pour une insuffisance pondérale du 35 sur la maigreur constitutionnelle en 70 ans). Il s'agit
nourrisson, ou le médecin s'inquiète devant la courbe de de sujets maigres, dont la famille comporte des individus
poids. maigres, mais qui suivent leur courbe de poids, la courbe de
taille étant également régulière mais à un niveau supérieur.
La courbe de poids est-elle normale ? La physiologie de ces sujets fait appel aux hormones régula-
Prenons le cas du RCIU (p. ex. pour une fille sur les courbes trices de la faim et de la satiété, au métabolisme des graisses
de Sempé). Un enfant situé sur la courbe de –2 DS va (graisses brune, beige et blanche). On trouve dans cette
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 121
d'enrichissement de l'alimentation suivi, en cas d'échec, Quel bilan pour une cassure de courbe de poids
de la prescription de compléments nutritionnels oraux d'allure organique isolée ?
(p. ex. dans la mucoviscidose), de modification des tex- Le terme « bilan » est détestable et devrait être remplacé par
tures, positions et outils (polyhandicapé), avant d'envisa- des questions précises orientées par la clinique. Dans cette
ger une nutrition partielle ou de complément par sonde situation où aucun point d'appel clinique ne donne une
nasogastrique sur le court terme, gastrostomie sur le long hypothèse diagnostique, un bilan de débrouillage peut aider,
terme (p. ex. polyhandicapé). par exemple :
■ Dans les manuels nord-américains est proposé un diag ■ à visée diagnostique : recherche d'inflammation, de
nostic « d'insuffisance d'apport calorique », chez des maladie cœliaque, d'insuffisance rénale, de cholestase
enfants en insuffisance pondérale sans signes cliniques et infraclinique, d'hyperthyroïdie ;
sans cause évidente. Une diététicienne fait une enquête ■ à la recherche de signes biologiques de dénutrition : fer-
alimentaire et trouve un apport calorique inférieur aux ritine, pré-albumine, albumine, âge osseux, vitamines,
valeurs théoriques pour l'âge. Ceci entraîne des conseils IGF-1. La biologie n'est cependant ni nécessaire ni fiable
d'enrichissement de l'alimentation, pouvant de fait s'ac- pour le diagnostic de dénutrition.
compagner d'insistances potentiellement délétères pour Certains pointent cependant la faible rentabilité des bilans
la relation de l'enfant et de ses parents à l'alimentation. « d'emblée » prescrits pour ce motif chez l'enfant hospitalisé
Des stimulants de l'appétit sont cités en 2e intention. En et plaident pour une observation préalable du comporte-
l'absence de régime anormal, de troubles du comporte- ment et des relations parents – enfant.
ment alimentaire et de pathologie organique anorexiante, Chez le jeune nourrisson, l'allergie aux protéines du lait
ce diagnostic et cette attitude paraissent discutables. de vache peut prendre différents visages trompeurs. La
Dans ce type de démarche, les médecins ont une respon- mauvaise prise pondérale en fait partie, avec dans ce cas
sabilité en incitant les parents à enrichir ou insister, avec des IgE spécifiques quasi constamment négatives. Un test
un risque de déclencher des troubles du comportement d'éviction-réintroduction est indiqué en cas de suspicion, en
alimentaire, sans aucune efficacité durable sur la prise utilisant un hydrolysat extensif d'efficacité prouvée.
calorique et la croissance.
Une prise en charge médicale est toujours capable de faire
grossir un enfant, parfois au prix d'une nutrition par sonde
La chronologie des variations respectives du poids et de la taille
nasogastrique ou de gastrostomie. Ceci ne peut s'imaginer
est d'importance majeure, en l'absence d'autres signes cliniques
qu'avec un diagnostic le justifiant, un objectif, une échéance d'orientation :
de réévaluation régulière (fig. 5.10). ■
cassure de poids puis de taille : dénutrition chronique (mul-
tiples causes) ;
■
cassure de poids isolée : dénutrition aiguë ou situation non
organique ;
■
cassure de taille avec poids normal ou élevé : pathologie
endocrinienne (déficit en GH, hypothyroïdie, Cushing, etc.) ;
■
prise de poids excessive avec grande taille relative à l'âge :
obésité commune ;
■
prise de taille excessive avec poids normal ou élevé : cause
endocrinienne (puberté précoce, hyperthyroïdie, hypersécré-
tion de GH) ;
■
taille et poids à -2DS de façon régulière : cinétique de crois-
sance normale (RCIU ?) ;
■
taille normale ou élevée et poids bas suivant leurs couloirs :
maigreur constitutionnelle, certaines causes génétiques ;
■
infléchissement du poids et de la taille, puis redressement
sans traitement : passage sur la courbe génétique.
Dépistage systématique
des troubles visuels
et auditifs au cabinet
Gérard Beley
Troubles visuels
L'examen des fonctions visuelles dès les premiers mois et les
premières années de la vie doit permettre :
Fig. 5.10 Courbe typique d'intolérance au gluten et évolution ■ de repérer très tôt les malformations et les pathologies
sous régime. majeures du globe oculaire dans les premières semaines ;
124 Partie II. Spécialités
■ de repérer, si possible vers l'âge de 1 an, à l'âge préver- Qui adresser à l'ophtalmologiste ?
bal, les anomalies amblyogènes. Ce repérage est l'étape Le travail du médecin qui prend en charge un enfant
la plus difficile avec des moyens limités et des résultats consiste donc à dépister les enfants suspects de troubles
médiocres mais la mise sur le marché des réfractomètres visuels : malformations chez le tout-petit, facteurs amblyo-
pédiatriques automatiques est une avancée ; gènes à l'âge préverbal, troubles de la réfraction chez le
■ de dépister chez l'enfant plus grand les fréquents troubles plus grand. On identifie ces enfants en tenant compte des
de la réfraction. antécédents, des signes d'appel, puis des résultats d'exa-
Le but est d'adresser à l'ophtalmologiste tous les enfants mens systématiques.
atteints de pathologie et le moins possible d'enfants sans
troubles. Antécédents
Ce sont d'abord les enfants ayant des facteurs de risque de
Prérequis
problèmes visuels : prématurité, petit poids de naissance,
La vue est une fonction très immature à la naissance. La souffrance neurologique périnatale, trisomie 21, craniosté-
maturation anatomique et fonctionnelle se fait en plusieurs nose, embryopathies (toxoplasmose, rubéole), exposition in
années. utero aux drogues ou à l'alcool.
Ce sont ensuite ceux ayant des antécédents familiaux :
Maturation de la vue strabisme, myopie précoce, amblyopie, astigmatisme, mala-
L'acuité visuelle est de 1/30 à la naissance. Le nouveau-né die ophtalmologique héréditaire.
cligne à la lumière vive ; il fixe un visage à très faible distance. Ainsi tout enfant présentant des antécédents familiaux
À 1 mois, son acuité lui permet de voir un crayon à 30 cm. ou des facteurs de risque personnels doit bénéficier d'un
À 4 mois, il voit la mine du crayon à 30 cm (acuité de 1/10), examen complet chez un ophtalmologiste avec étude de la
commence à voir les couleurs et sa convergence est normale. réfraction sous cycloplégie.
À 6 mois, la vision binoculaire est installée, mais l'acuité est
encore faible (2/10). Ce n'est qu'à 1 an qu'il voit un cheveu à Signes d'appel
30 cm (acuité 4/10). Chez le tout-petit, des anomalies de la cornée, une leucoco-
rie, un nystagmus sont des signes qui impliquent un examen
Amblyopie dans les jours qui suivent.
Une perturbation dans ce développement peut altérer Les anomalies des paupières et du globe, l'absence de
définitivement la fonction visuelle et entraîner une vision poursuite oculaire, un strabisme constant, un torticolis
plus basse unilatérale le plus souvent et une absence de nécessitent un examen ophtalmologique.
vision binoculaire : c'est l'amblyopie. On retient trois types Après 4 mois, tout strabisme même intermittent est
d'amblyopie : pathologique et nécessite un avis ophtalmologique.
■ l'amblyopie organique, due à une anomalie du globe ocu- De 6 mois à l'acquisition du langage (âge préverbal),
laire (cataracte, rétinopathie, rétinoblastome, glaucome, s'ajoutent aux signes précédents des chutes fréquentes, une
etc.) quelles qu'en soient la nature ou la localisation ; photophobie ; mais ces signes sont rares.
■ l'amblyopie de privation, reliée à l'absence de stimuli À l'âge verbal, on peut citer enfin les céphalées, des diffi-
appropriés atteignant la rétine du fait d'un obstacle sur cultés scolaires.
le trajet des rayons lumineux. Elle n'est pas toujours
distinguée de l'amblyopie organique. Il s'agit souvent Anomalies à un examen systématique
d'une anomalie des paupières (ptosis, angiome). L'inté- Mais des enfants sans antécédents personnels ou familiaux
rêt de l'individualiser est une raison pronostique : dans et sans signes d'appel peuvent être porteurs de troubles
l'amblyopie de privation, la suppression de l'obstacle peut visuels et il est donc indispensable de faire des examens
entraîner la récupération, alors que dans l'amblyopie systématiques. L'Anaes conseille des examens différenciés
organique, la récupération est plus aléatoire ; selon l'âge. Le guide réalisé par la DGS et la Société française
■ l'amblyopie fonctionnelle, où aucune lésion du moins appa- de pédiatrie (2009) explique la réalisation pratique de ces
rente ne vient expliquer la baisse d'acuité visuelle. C'est examens.
l'amblyopie liée au strabisme et aux troubles de la réfraction.
Examen à la naissance, 2 et 4 mois de vie recommandé
Justification du dépistage de l'amblyopie par le carnet de santé
L'Anaes (aujourd'hui HAS) justifie le dépistage des troubles Cet examen comporte un examen anatomique à l'aide d'un
visuels pour les raisons suivantes : lampe-crayon des paupières, des globes oculaires, de la cor-
■ la prévalence importante du strabisme et de l'anisométro- née, de l'iris, des pupilles qui doivent être rondes, noires et
pie, facteurs les plus amblyogènes ; de même taille ; l'étude de la lueur pupillaire se fait avec un
■ l'accessibilité de ces pathologies à un traitement simple et ophtalmoscope (plus souvent avec un otoscope).
efficace ; Il faut ensuite rechercher le réflexe d'attraction du regard à
■ la réversibilité de l'amblyopie sous traitement n'existant la lumière douce, la poursuite oculaire avec un œil-de-bœuf,
que pendant une période dite sensible qui se situe avant le réflexe photomoteur, le réflexe de fermeture des paupières
3 ans. à l'éblouissement.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 125
Toute anomalie à cet examen nécessite un examen oph- Mais les autoréfractomètres fixes nécessitent l'immobilité
talmologique, mais celui-ci doit être réalisé dans les jours du sujet. Massifs et impersonnels, ils imposent une distance
qui suivent en cas de mégalocornée, de leucocorie ou d'ano- d'examen très faible et sont difficilement compatibles avec
malie de la lueur pupillaire. l'examen d'un tout-petit.
Dès 1995 sont apparus les premiers autoréfractomètres
Examen préverbal portables. Ces appareils étaient déjà plus rapides (mais
Un examen avant 1 an est favorisé par la ROSP (Rémuné- 10 à 15 secondes), ne nécessitaient pas d'immobilisation et
ration sur objectif de santé publique). L'interrogatoire et permettaient un usage ambulatoire mais ne pouvaient pas
l'examen externe de l'œil sont recommandés comme chez faire une mesure simultanée des deux yeux. En raison de ces
le tout-petit. Les réflexes précédemment cités doivent être insuffisances, ils étaient déconseillés en 2002.
également recherchés. Depuis, les appareils ont beaucoup évolué et les réfracto-
Il faut faire un dépistage du strabisme par l'étude des mètres automatiques à présent proposés sont miniaturisés,
reflets cornéens (en cas de strabisme un reflet est au centre portables à la main et autonomes. Le temps de capture est
d'une pupille et l'autre est décentré), des lunettes à secteur très court, de quelques secondes. La distance de travail est
(relation différente entre le bord du secteur et la pupille), du de 1 m environ dans une ambiance peu lumineuse et l'enfant
test à l'écran unilatéral, puis alterné (on observe un mouve- sur les genoux de sa mère n'est pas inquiet, ni effrayé.
ment de l'œil non caché quand l'autre reprend la fixation en Deux appareils sont commercialisés en France : le
cas de strabisme). Plusoptix S12C et le Spot Vision Screnner de Wech Allyn.
Le dépistage de l'amblyopie se fait par la défense à l'occlu- L'American Academy of Pediatrics (AAP), asso-
sion (l'occlusion du bon œil est mal tolérée) et les lunettes à ciée à d'autres sociétés savantes, a résumé l'intérêt de
secteur (si l'œil gauche est amblyope, l'enfant tourne la tête ces techniques pour le dépistage précoce des facteurs
pour regarder un objet situé sur sa gauche). Le test de Lang amblyogènes.
recherche la vision binoculaire. Sa présence élimine l'am- Les appareils doivent être étalonnés pour la recherche des
blyopie. Le Bébé-Vision (sur le principe des cartes de Teller), facteurs amblyogènes et l'American Association for Pediatric
non recommandé par l'Anaes, estime l'acuité de chaque œil Ophtalmology and Strabismus (AAPOS) propose le degré
séparé et peut permettre de dépister des amblyopies. d'hypermétropie, d'anisométrie, de myopie et d'astigma-
Ces examens sont difficiles. Si le médecin est peu habitué tisme qu'il faut retenir en fonction de l'âge. Une sensibilité
à ces tests ou s'il a un doute, il peut confier cette recherche à de 87 % et une spécificité de 75 % ont été rapportées pour les
un orthoptiste. facteurs de risque d'amblyopie pour l'un des appareils.
Mais aucune publication n'a étudié la sensibilité et la spé- Des études sont en cours en France. Certains pédiatres
cificité de ces examens et n'a rapporté les faux positifs et faux sont déjà équipés et il est probable que ce dépistage sera
négatifs de ces dépistages. En 2002, l'Anaes recommandait dans l'avenir généralisé, en remplacement d'examens diffi-
un examen de la réfraction après cycloplégie pour tous les ciles et peu efficaces.
enfants même en l'absence d'anomalie à ce bilan visuel. La
démographie des spécialistes en ophtalmologie n'a jamais
permis cette attitude. L'Anaes déconseillait les réfracto- Troubles auditifs
mètres portables en raison de leur performance insuffisante Dépistage systématique néonatal
à l'époque. L'évolution de cette technique a changé cette
donnée (cf. ci-dessous). La surdité existe dès la naissance dans un certain nombre de
cas mais elle n'est pas « visible ». Son dépistage et son diagnos-
À l'âge verbal (après 2 ans) tic étaient très difficiles et trop tardifs avec des conséquences
On ajoute aux examens précédents la mesure de l'acuité majeures sur le langage, la scolarisation et la socialisation.
visuelle de loin faite avec des images isolées (Pigassou) ou Les connaissances scientifiques et technologiques se sont
groupées (Cadet Image), ou des lettres chez le plus âgé. Il faut alliées pour apporter deux modes de dépistage non invasif
essayer de tester dès 2 ans (seuls les enfants très c oopératifs correspondant aux critères de Junger et Wilson.
et précoces en langage réussiront). Il faut le répéter à 2 ans ½ ■ C'est une pathologie fréquente : 126/100 000 naissances
(à cet âge, plus d'enfants répondront). À 3 ans, âge auquel d'après le travail CNAMTS-AFDPHE, soit 1 000 enfants
cette évaluation est demandée pour la première fois par le par an en France pour les surdités sévères et profondes.
carnet de santé, tout échec (retard de langage, refus de coo- Il faut le comparer à la fréquence de la mucoviscidose
pération) nécessite un examen chez un ophtalmologiste. (50/100 000), de l'hypothyroïdie (25/100 000) ou de la
phénylcétonurie (7/100 000).
■ C'est une pathologie grave car une absence d'audition
Autoréfractométrie pendant les 2 premières années conduit inévitablement
La skiascopie (détermination de la réfraction de l'œil) après à un retard de communication qui ne peut être récupéré
dilation représente l'examen diagnostique de référence. Mais ultérieurement en raison de la notion de période critique.
elle nécessite un opérateur entraîné et un temps très long ; ■ C'est une pathologie qui peut être repérée dans les pre-
elle est difficilement compatible avec un dépistage de masse. miers jours, à l'aide de deux tests non invasifs, non dou-
Dès 2002, l'Anaes souhaitait le développement d'outils per- loureux, acceptables par la population. Elle peut être
mettant l'étude de la réfraction sans cycloplégie. diagnostiquée à un stade latent par les PEA (potentiels
Les réfractomètres qui utilisent le principe de la skia évoqués auditifs) du tronc cérébral et par l'audiométrie
scopie et de la rétinoscopie ont été une solution alternative. comportementale.
126 Partie II. Spécialités
Deux techniques objectives de dépistage sont aujourd'hui les PEA, l'audiométrie comportementale et d'autres exa-
validées : mens si nécessaire), informer la famille sur les modes de
■ les otoémissions acoustiques provoquées (OEAP) sont communication existants et organiser sa prise en charge.
des sons très faibles émis au niveau de l'oreille et enre- En cas de test non concluant sur une seule oreille, on peut
gistrables dans le conduit auditif. Elles ne dépistent pas proposer de refaire des tests à l'âge de 12 mois. Mais il faut
la surdité mais un défaut de fonctionnement des cellules cependant tenir compte de certains facteurs de risque (surdité
ciliées externes de l'oreille interne. Leur présence permet familiale précoce, ventilation prolongée, poids de naissance
de conclure à la normalité de la chaîne auditive, de l'oreille < 1 500 g, fœtopathies autres que CMV (cytomégalovirus),
externe aux cellules ciliées externes. C'est un test rapide malformation craniofaciale, syndrome génétique), on peut
(de quelques secondes à quelques minutes), indolore, et alors recommander de refaire des PEAA vers 3–4 mois.
particulièrement facile chez un bébé qui dort. Il n'utilise Certaines pathologies nécessitent une attention particu-
pas de consommable. Les premiers appareils (Ilo 88) lière. C'est le cas notamment des infections à CMV. Même
donnaient des résultats graphiques, à interpréter. Actuel- en cas de test concluant sur les deux oreilles à la naissance,
lement, ces appareils sont automatisés et donnent une il est recommandé de faire des PEA à 3–4 mois et un suivi
réponse binaire : absence ou présence d'otoémissions ; audiométrique jusqu'à 6 ans. Il est également recommandé
■ les PEAA (potentiels évoqués auditifs automatisés) sont de faire des PEA vers 3 ou 4 mois en cas de méningite bac-
un enregistrement de l'activité électrique des premiers térienne, de traitement par les aminosides, ou d'hyperbili-
relais des voies auditives (potentiels d'action) générée par rubinémie supérieure à 350 μmol/L (même en cas de tests
des stimuli sonores (aigus) et recueillis grâce à des élec- concluants sur les deux oreilles).
trodes collées sur la peau de l'enfant. Ils ne testent pas les Dans les cas de surdité familiale de l'enfant ou du jeune
déficits dans les fréquences graves. Ce test est un peu plus adulte, de ventilation prolongée, de petit poids de naissance,
long. Il utilise des consommables (électrodes). L'interpré- de malformations craniofaciales, de syndrome génétique,
tation est automatisée et la réponse binaire. C'est le test de fœtopathie, un test non concluant unilatéral doit retenir
obligatoirement pratiqué chez les nouveau-nés à risque l'attention et on peut également faire des PEA à 3–4 mois.
(surdité neurologique).
Ces deux tests permettent en 1 à 5 minutes de vérifier si le Quelle place pour le dépistage des troubles
nouveau-né entend bien. auditifs après la période néonatale ?
Ce dépistage systématique et gratuit s'est mis en place tar- Ces tests dépistent et permettent de diagnostiquer 1,3 pour
divement en France en raison d'obstacles éthiques et législa- 1 000 enfants nés qui sont atteints de surdités profondes et
tifs mais l'arrêté du 23 avril 2012 paru au journal officiel du sévères.
5 mai 2012 a permis sa généralisation. Il est obligatoirement Mais d'autres surdités peuvent apparaître secondaire
proposé aux familles. Les modalités de ce dépistage ont été ment. Retenons les surdités génétiques d'apparition secon-
précisées par l'arrêté du 3 novembre 2014. daire, la bilatéralisation d'une atteinte unilatérale à la
Sa mise en place a transformé notre travail, mais il reste naissance et les hypoacousies acquises. La cause la plus fré-
très utile.
quente de ces hypoacousies est l'otite séromuqueuse.
La fréquence de ces pathologies est mal connue : pour
Rôle du médecin après le dépistage 10 enfants atteints de surdité congénitale, 5 à 9 enfants sup-
néonatal systématique plémentaires développeraient une surdité avant 9 ans.
Tout médecin qui prend en charge un nouveau-né doit Le dépistage de ces surdités peut se faire dans trois
d'abord s'assurer en consultant le carnet de santé que ce circonstances :
dépistage a été réalisé. Certains parents ont pu le refuser, il ■ lors d'un examen systématique conseillé par le carnet de
faut alors essayer de les convaincre de le faire. Une sortie très santé ;
précoce et précipitée peut faire que le dépistage n'est pas allé ■ lors de dépistage ciblé en cas de facteurs de risque (sur-
à son terme. Enfin, une pathologie grave (chirurgicale, car- dité familiale, otites répétées, etc.) ;
diaque, etc.) a pu sortir l'enfant du circuit classique alors que ■ devant certains signes cliniques d'appel (retard de lan-
ces enfants sont les plus à risque. Ces enfants étaient 15 en gage, hypoacousie constatée par la famille, etc.).
2016 et 3 en 2017 sur 23 000 naissances en Lorraine. Les facteurs de risque sont :
On doit ensuite s'assurer que des tests non concluants ont été ■ les antécédents familiaux (prothèse auditive avant
pris en charge rapidement pour la phase suivante. En Lorraine, 50 ans) ;
15 enfants en 2016 et 25 en 2017 sur 300 tests non concluants ■ les antécédents personnels périnataux : prématurité
n'avaient pas été pris en charge pour la phase diagnostique. (< 32 SA ou ses complications neurologiques), poids de
En cas de tests non concluants sur les deux oreilles à la naissance < 1 500 g, troubles neuromoteurs, anomalies
maternité (phase 1), certaines régions ont décidé, pour évi- chromosomiques (trisomie 21, délétion 22q11, etc.) mal-
ter la surcharge des centres de diagnostic, de faire un nou- formations craniofaciales, embryopathies, exposition aux
veau contrôle dans le même centre ou dans un autre lieu toxiques (drogues, alcool, etc.), hyperbilirubinémie ;
(phase 2) dans les 2 semaines. D'autres passent immédiate- ■ les antécédents personnels en dehors de la période néo-
ment à la phase diagnostique. Que ce soit après une phase 1 natale : méningites purulentes, traumatisme du rocher,
ou une phase 2, la famille doit partir avec un rendez-vous otites répétées.
fixé dans un centre référent de diagnostic qui doit, avant Les tests de dépistage sont différents en fonction de l'âge
l'âge de 3 mois, infirmer ou affirmer la surdité (en utilisant tout comme les signes d'appel.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 127
dans les enseignements. Ce test est rapide, attractif et peu Une première étape : qui dysfonctionne,
coûteux et il est validé. l'émetteur ou le récepteur ?
À partir de 5 ans L'interrogatoire joue dès ce stade un rôle clé pour distinguer
des parents intolérants à des pleurs habituels et des pleurs
L'enfant est maintenant latéralisé et une audiométrie vocale authentiquement excessifs. L'intolérance aux pleurs habi-
au casque est possible avec des audiomètres semblables à tuels s'inscrit dans un contexte sociologique d'intolérance
ceux utilisés chez l'adulte et commercialisés par de nom- aux symptômes chez certains parents et/ou peut révéler des
breux fabricants. Le carnet de santé nous rappelle l'intérêt de interactions précoces disharmonieuses.
ce dépistage à 6, 8, 10–12 et 14–16 ans. Il faut donc identifier les pleurs dits physiologiques, qui
relèvent plus d'un mode de communication peu élaboré, peu
Cas particuliers de l'otite séromuqueuse spécifique, que d'un symptôme. Les pleurs sont physiologi-
De 1 à 5 ans, l'otite séreuse est une pathologie fréquente. En quement pluriquotidiens chez le jeune nourrisson, d'autant
2017, l'HAS a publié un rapport et une fiche de pertinence que l'enfant est totalement dépendant de sa mère ou de son
sur les indications de pose d'aérateurs transtympaniques entourage. Ces pleurs habituels peuvent traduire un incon-
dans l'OSM chronique. Ce travail insiste sur l'intérêt d'une fort de l'enfant (faim, mauvaise position, couche souillée, dif-
audiométrie adaptée à l'âge. Chez le tout-petit, seule une ficultés d'endormissement, réveil solitaire, etc.), un stress lié
audiométrie comportementale semble apte à diagnosti- au bruit ou à une tension intrafamiliale, des douleurs modé-
quer une hypoacousie. Chez le plus grand, l'Audio 4 peut rées, quelle qu'en soit la cause. Ils sont modulés, harmonieux,
certainement être utilisé pour le repérage d'une surdité continus, d'environ 400 Hz et le plus souvent aisés à consoler.
moyenne. Si les pleurs semblent effectivement excessifs et n'entrent
pas dans ces catégories, la deuxième étape vise à les caté-
Conclusion goriser : s'agit-il de pleurs paroxystiques aigus ou de pleurs
Le dépistage de la surdité a changé depuis la mise en place du prolongés et/ou récurrents ? Dans ce dernier cas, ont-ils une
dépistage généralisé à la naissance. Il est important cepen- allure organique ou au contraire surviennent-ils chez un
dant de rester vigilant car des surdités constitutionnelles ou enfant bien portant ?
acquises, certes moins sévères, doivent être dépistées par
nos examens systématiques. Les pleurs paroxystiques aigus imposent
Il est souhaitable de ne retenir d'indication opératoire la recherche d'une étiologie organique
dans l'otite séromuqueuse qu'après avoir précisé sa réper-
cussion sur l'audition.
(fig. 5.11)
Ils sont particuliers par leur début brutal, leur intensité, chez
un enfant difficile, voire impossible à calmer. Ils peuvent
révéler une douleur aiguë, et demeurent rarement isolés.
Pleurs excessifs du nourrisson L'enquête étiologique requiert un interrogatoire rigoureux
et un examen clinique soigneux. De nombreuses patholo-
Pierre Foucaud
gies peuvent être évoquées : une fissure anale compliquant
Les pleurs excessifs du nourrisson continuent de poser de une constipation, une pyélonéphrite d'autant que durant les
nombreuses questions et constituent un motif fréquent de premières semaines de vie, la fièvre peut être absente (une
consultation, en médecine de premier recours comme à prise pondérale insuffisante, un ictère peuvent être un élé-
l'hôpital, y compris aux urgences. Au xviie siècle, on par- ment d'orientation), une otite, rare avant 3 mois, imposant
lait déjà de « cris incessants » qui interpellaient familles, une paracentèse pour analyse bactériologique, une hernie
éducateurs et médecins. On estime aujourd'hui que étranglée, essentiellement inguinale, une irritation cutanée,
8 à 25 % des nourrissons âgés de moins de 3 mois sont notamment un érythème du siège, un traumatisme osseux
concernés. Un flou est entretenu dans la littérature par secondaire à un accident (identifié ou non) ou à des sévices
la confusion entre les pleurs excessifs inexpliqués et les (avoués ou non), une hypertension intracrânienne venant
« coliques », alors que l'implication de la sphère digestive révéler une méningite, le plus souvent virale, un hématome
n'est que supposée. sous dural, une hémorragie méningée (le cri est alors par-
On comprend que la définition du caractère « exces- ticulier par son timbre aigu, son caractère plaintif chez un
sif » est, par nature, arbitraire. On peut retenir les cri- enfant irritable, hyperesthésique), un accès de tachycardie
tères de la CIM-10, à savoir la règle des 3 fois 3 (plus supraventriculaire, une blessure cornéenne (ongle). La sur-
de 3 heures/j, plus de 3 jours/semaine, depuis au venue de vomissements accompagnés d'accès de pâleur et
moins 3 semaines) ou, mieux, depuis 2007, le ressenti de pleurs paroxystiques évoque en premier lieu une inva-
des familles (ou de l'un des parents ou proches), dépas- gination intestinale aiguë, surtout lors du 2e semestre, de
sées ou anxieuses devant ces pleurs prolongés et répétés potentielle gravité si le diagnostic est méconnu. Les brûlures
(définition aujourd'hui privilégiée). De fait, la tolérance occultes sont devenues exceptionnelles (p. ex. brûlure œso-
de l'entourage est très variable. Elle dépend de différents phagienne sur un biberon excessivement réchauffé au four
critères : l'expérience, l'histoire familiale et personnelle à micro-ondes, sans contrôle préalable de la température).
des parents, leur personnalité, la place de l'enfant et les Ces situations qui nécessitent une prise en charge spé-
projections dont il est l'objet, les évènements de vie, les cifique ne doivent pas être méconnues. Elles constituent
conditions de logement. cependant une faible proportion des pleurs excessifs.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 129
Interrogatoire
et examens orientés Coliques Williams
Traitement étiologique Œsophagite APLV Angelman
Cornelia de Lange
Syndrome d'alcoolisme fœtal
Fig. 5.11 Conduite à tenir devant des pleurs excessifs du nourrisson. APLV : allergie aux protéines du lait de vache ; IIA : invagination intes-
tinale aiguë.
Les pleurs excessifs prolongés de 6 semaines, où ils atteignent un pic jusqu'à 3 heures/j. La
et récurrents sont la situation décrue s'amorce, et vers l'âge de 3–4 mois, ils se limitent à
1 heure/j. La connaissance de ces variations physiologiques
la plus fréquente et l'information des familles sont essentielles. Leur prise en
Malgré une multiplicité de travaux et de nombreuses hypo- charge individualisée vise à soulager l'enfant et à rassurer
thèses diagnostiques, les pleurs prolongés et récurrents les parents ; elle contribue à la prévention de la dépression
des 3 à 4 premiers mois de vie demeurent une énigme. Si, du post-partum, de certains passages à l'acte par exaspé-
dans de rares cas, une cause organique peut être identifiée, ration, notamment le syndrome des bébés secoués, forme
conduisant à une prise en charge spécifique, le plus souvent de maltraitance isolée ou répétée, grevée d'une morbimor-
il s'agit de pleurs inexpliqués, parfois improprement appelés talité importante, et permet d'éviter des sevrages intem-
« coliques du nourrisson ». On ne devrait parler de coliques pestifs, le lait (maternel en l'occurrence) finissant par être
du nourrisson que devant un tableau précis : enfant algique incriminé à tort.
au faciès érythrosique, poings serrés, front et sourcils plis-
sés, dos arqué, cuisses repliées sur un abdomen ballonné,
avec des émissions répétées de gaz. Ces coliques ou sup- Dans de rares cas (5 % environ), une étiologie
posées telles se manifestent volontiers entre 18 h et minuit, organique est retrouvée
sont hyperphoniques à 1 000 Hz, ne cèdent pas avec l'ali- Les éléments d'orientation sont une croissance pondérale
mentation, sont difficilement consolables. Diverses hypo- insuffisante, des circonstances déclenchantes ou des horaires
thèses physiopathologiques ont été émises : immaturité de la particuliers, des éléments dysmorphiques, un contexte
motricité intestinale, déséquilibre du microbiote intestinal, malformatif, un retard des acquisitions, des troubles de la
augmentation de la perméabilité intestinale, « adaptation succion-déglutition, des pleurs excessifs se prolongeant au-
digestive postnatale », etc. delà de 4 mois.
Après un intervalle libre de 2 à 3 semaines, ces pleurs La dysphagie douloureuse doit faire évoquer une œso-
inexpliqués augmentent en fréquence et durée jusqu'à l'âge phagite de reflux à cet âge. Les repas sont compliqués
130 Partie II. Spécialités
et interrompus par une agitation, des pleurs stridents moins, parfois des troubles du sommeil perdurent. Certains
per et postprandiaux. Le sommeil est lui aussi perturbé travaux non confirmés suggèrent des difficultés socio-
(cf. chapitre 15). émotives, voire cognitives à long terme. Ce sont bien sou-
L'allergie aux protéines du lait de vache (APLV) est (trop) vent les parents qui sont les plus éprouvés, avec un panel de
souvent évoquée. Comme il ne peut s'agir d'une forme IgE- réactions conjuguant anxiété, stress, privation de sommeil,
médiée, les signes d'accompagnement sont essentiels au fatigue, sentiment d'incompétence, exaspération, répercus-
diagnostic : prise de poids insuffisante, selles molles et, par- sions négatives sur la relation à l'enfant. Bien que rare, la
fois, eczéma. Seul le test d'exclusion/réintroduction permet situation qui requiert une détection précoce et une prise en
de confirmer le diagnostic. Parfois est incriminée une into- charge familiale adaptée est le dérapage relationnel (troubles
lérance au lactose. En dehors des cas exceptionnels d'alac- de l'attachement pouvant conduire à l'évitement, la négli-
tasie congénitale, la responsabilité du lactose est discutée et gence). Dans les cas extrêmes, les pleurs sont vécus comme
discutable à cet âge. une agression par les parents, plus souvent par l'un des
Enfin, certains syndromes très rares, difficiles à repérer parents, qui peut aller jusqu'à percevoir son propre enfant
dans les premières semaines, s'accompagnent de pleurs fré- comme persécuteur. Ce qui expose au risque de passage à
quents et de troubles du sommeil, liés ou non aux troubles l'acte sous formes de différents types de sévices, dont le syn-
digestifs sus-cités. L'attention peut être attirée par des pleurs drome du bébé secoué se soldant dans les formes classiques
excessifs qui se prolongent au-delà du 4e mois, des éléments par un ou des hématomes sous-duraux sans fracture et des
dysmorphiques, des troubles de la succion déglutition, hémorragies rétiniennes.
de signes associés (syndrome de Williams, d'Angelman, Un certain nombre de facteurs de risque ont été
de Cornelia de Lange, de Smith-Magenis, d'alcoolisation identifiés : jeune âge maternel, faible niveau d'étude
fœtale, etc.). des parents, isolement maternel, indépendamment du
Les poussées dentaires trop souvent mises en cause ne niveau social, conduites addictives, violence intrafami-
sont pas responsables de pleurs excessifs, elles rendent plu- liale, faible estime de soi, antécédents de maltraitance,
tôt l'enfant irritable. Quant au muguet buccal à Candida troubles de la personnalité souvent masqués, impulsi-
albicans, il est très rarement douloureux. vité. L'impulsivité est le facteur le plus souvent retrouvé,
et toutes les catégories sociales ou socioprofessionnelles
Dans la très grande majorité des cas, ces pleurs sont représentées.
restent inexpliqués
Leur fréquence est comparable chez les filles et les garçons, Les piliers de la prise en charge
chez les enfants nourris au sein et au biberon, chez ceux nés Les pleurs excessifs du nourrisson requièrent une prise
à terme ou prématurément. Des troubles du sommeil leur en charge individualisée. Deux objectifs se conjuguent
sont fréquemment associés. La dimension culturelle doit lorsqu'aucune cause organique n'a été retenue : le bien-
être prise en compte : il semblerait que des nourrissons éle- être de l'enfant, la réassurance et l'accompagnement des
vés avec un portage quasi permanent et un allaitement au parents.
sein immédiat à la demande pleureraient moins que ceux ■ Aucune molécule n'a fait la preuve de son efficacité dans
élevés au mode occidental. Quelques facteurs prédispo- les coliques du nourrisson, bien que soient régulièrement
sants, parfois contradictoires, ont été identifiés : premier prescrits des antispasmodiques (phloroglucinol, trimé-
enfant, familles monoparentales, vie urbaine, deux parents butine). Les médicaments homéopathiques (nux vomica,
au niveau d'étude élevé qui mènent une activité profession- colocynthis, magnesia phosphorica, crupum), les tisanes
nelle, âge maternel entre 30 et 34 ans, absence de soutien, phytothérapeutiques (notamment à base de verveine,
tabagisme passif, qui favorise coliques et RGO. Dans ce camomille, réglisse et mélisse), les préparations à base de
contexte, les interactions parents/enfant peuvent être déter- carbonate de chaux n'échappent pas à ce constat. L'intérêt
minantes. Des corrélations ont pu être établies entre anxiété des probiotiques a fait l'objet d'une récente méta-analyse.
maternelle et pleurs excessifs. Le baby blues avéré, des Ses résultats sont contradictoires. Lactobacillus reuteri, dis-
dépressions post-partum plus ou moins masquées peuvent ponible en gouttes en France, aurait une certaine efficacité
parasiter la réponse adaptée aux besoins du bébé. Un cercle (transitoire) chez les nourrissons nourris au sein. Les pro-
vicieux peut s'instaurer, la mère se sentir dépassée, voire biotiques donnés en prévention pourraient être efficaces,
persécutée dans des cas extrêmes. Des tensions intrafami- mais avec des risques d'évènements indésirables graves
liales, des violences conjugales, le surinvestissement d'un chez les nouveau-nés de petit poids ou les prématurés.
enfant « précieux » peuvent également conduire à des pleurs ■ L'impuissance des médecins peut se solder par des propo-
excessifs. Les pleurs apparaissent comme un moyen de libé- sitions diététiques. La « valse des laits » est régulièrement
ration d'une tension interne du nourrisson dont les besoins retrouvée dans les carnets de santé. Les propositions de
reçoivent une réponse inadaptée. lait de vache à hydrolyse protéique poussée ne peuvent se
concevoir si les pleurs sont isolés et la prise de poids nor-
male. Les « laits » végétaux à base d'amande, châtaigne,
Un pronostic globalement favorable riz font courir un risque de carences alimentaires poten-
Le plus souvent, ces pleurs excessifs diminuent au fil du tiellement graves… Chez les enfants présentant pleurs
temps et disparaissent entre les âges de 3 et 6 mois. Dans excessifs et RGO, diverses propositions thérapeutiques
la plupart des cas, entre 8 et 12 mois, plus rien ne distingue (siméticone, oméprazole) n'ont pu faire la preuve de leur
les enfants ayant présenté des « coliques » des autres. Néan- efficacité dans des études contrôlées.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 131
■ Le recours à la tétine connaît un regain d'intérêt depuis La santé somatique mais aussi psychique et sociale est
qu'est reconnu son rôle dans la prévention de la mort étroitement liée au temps et à la qualité du sommeil. Un
subite du nourrisson. Encore faut-il qu'elle soit proposée mauvais sommeil chez l'enfant peut être un marqueur,
à bon escient, avant que l'enfant n'en soit au stade des conséquence ou cause, de particularités relationnelles
hurlements. Les techniques comportementales ances- avec son entourage ou éducationnelles, de difficultés psy-
trales doivent être réinvesties et adaptées : le bercement, le chologiques ou de vie. Banal la plupart du temps et rele-
portage en déambulation, les berceuses (vocales ou méca- vant d'une prise en charge de premier recours de soutien
niques), les massages abdominaux, l'haptonomie, le décu- à la parentalité, il peut avoir, mal pris en compte ou s'il se
bitus dorsal avec bras croisés sur la poitrine et très légère pérennise, des conséquences somatiques, métaboliques,
pression. Ces approches n'ont de sens que si l'adulte est cognitives ou psychologiques. La qualité du sommeil est
en capacité lui-même de se contrôler et de se relaxer. Le un des grands thèmes à aborder systématiquement au
recours à l'ostéopathie, l'emmaillotement, le holding n'ont cours de toute consultation de suivi pédiatrique. Envi-
pas fait l'objet d'études contrôlées solides, et l'effet placebo ron 20 % des consultations pédiatriques concernent les
semble important pour des parents désemparés. troubles du sommeil.
■ Les parents doivent être soutenus et conseillés. Les La structuration du sommeil, ses différentes phases, ses
séances de préparation à la naissance devraient prévoir un rythmes sont variables au cours de la croissance et il importe
chapitre concernant les pleurs des nourrissons et la pré- d'en informer les parents dans une optique d'adaptation de
paration au « cap des 100 jours ». Pendant les premières la vie de l'enfant, de prévention et de traitement des troubles
semaines ou premiers mois de vie, l'enfant peut trouver du sommeil de l'enfant qui, non pris en charge, peuvent
sa place dans la chambre des parents (mais le partage du générer des troubles du sommeil de l'adulte.
lit est proscrit). Par la suite, lorsque l'enfant de plus de Les troubles du sommeil d'origine organique
6 mois a son propre espace, il est possible d'apprendre à (fig. 5.12) ne sont pas traités dans ce chapitre, à l'excep-
tolérer le pleur modéré et à lui laisser la chance de se ren- tion du syndrome d'apnées obstructives du sommeil
dormir spontanément. Les familles à risque de passage (encadré 5.5).
à l'acte doivent être repérées autant que possible. Leur
suivi doit être multidisciplinaire. Des prises en charge
comportementalistes ont été récemment proposées à
Structuration du sommeil, variation
Montréal (« thermomètre de la colère »). Plusieurs essais de rythme du nouveau-né au nourrisson –
randomisés testant le bénéfice de programmes indivi- Fonction et conséquences pratiques
dualisés auprès des parents par des intervenants formés Le sommeil qui module l'activité motrice et cérébrale de
ont fait la preuve de leur pertinence, avec des réductions l'individu est une activité cyclique spontanée et automa-
significatives des temps de pleurs. tique à partir d'une commande hypothalamique. Cette
activité cérébrale automatique règle le sommeil en cycles
répétés entrecoupés de microréveils. Les cycles de som-
En conclusion meil dès la fin de la vie fœtale se modifient dans leur
Quelques recommandations simples peuvent être données : structuration de la naissance à l'adolescence, puis à l'âge
■ mieux préparer les parents au cap des 100 premiers jours adulte.
de vie de leur enfant, en incluant les informations concer-
nant les pleurs du jeune nourrisson ;
■ écouter avec empathie, rassurer, pratiquer le renforce- Le sommeil des premiers mois de vie
ment positif après un (long) interrogatoire orienté et un De 0 à 6 mois : cycles veille/sommeil
examen clinique soigneux, permettant une prescription sur un rythme ultradien
médicamenteuse économe souvent portée par l'effet pla- Le sommeil des nouveau-nés comprend deux phases :
cebo (mesures diététiques rarement nécessaires) ; ■ le sommeil agité, indispensable à la structuration neu-
■ savoir catégoriser les pleurs excessifs ; ronale qui soutiendra les acquisitions psychomotrices.
■ repérer un entourage impulsif et/ou exaspéré, à risque de Il représente à la naissance 50 à 80 % du temps de som-
secouer un bébé en pleurs de façon incontrôlée, ou de lui meil. Au cours de cette phase, le bébé bouge, gémit,
infliger d'autres sévices physiques. grogne, a des mimiques, sa respiration est irrégulière.
La place des probiotiques devra faire l'objet de travaux Des parents inquiets, et non prévenus, prennent souvent
complémentaires. ces manifestations trop dérangeantes dans le silence de
Cette approche globale nécessite un temps important la nuit pour un état de mal-être de leur bébé, voire de
d'écoute et de réassurance des familles. douleurs ou de faim et, voulant l'apaiser, le prennent
dans les bras et lui proposent le sein ou un biberon. En
fait, ils le réveillent, désorganisant son sommeil parfois
Troubles du sommeil pour de longs mois ;
chez le jeune enfant ■ une phase de sommeil calme, qui dure 10 à 20 min/
cycle.
Catherine Salinier
La période d'éveil qui suit comprend une phase d'éveil
Le sommeil est une fonction biologique indispensable à calme où le bébé regarde autour de lui, fait des mouvements
la vie. Il soutient d'autres grandes fonctions biologiques. de succion, bouge calmement, puis une phase de veille active
132 Partie II. Spécialités
0–6 mois 6–24 mois : le plus souvent origine psychologique mais toujours
examiner l'enfant
Mise en place des rythmes circadiens
Fig. 5.12 Conduite à tenir face à des troubles du sommeil chez le jeune enfant. APLV : allergie aux protéines du lait de vache ; EEG : élec-
troencéphalogramme ; RGO : reflux gastro-œsophagien.
Les cycles complets de sommeil se suivent séparés de ■ Quel est le mode de vie de cet enfant ?
microréveils le plus souvent non perçus par le dormeur ■ Quel est le mode de relation de l'enfant avec ses parents ?
sauf si des interférences sensorielles (bruit, lumière,
etc.) ou psychiques (stress, préoccupation, anxiété, etc.)
Mode de vie de l'enfant
provoquent le réveil nocturne complet qui nécessite une
nouvelle période d'endormissement comme au coucher Ses rythmes biologiques sont-ils respectés, son rythme
pour laquelle l'enfant sollicitera souvent l'intervention de vie, l'ambiance de sa vie sont-ils compatibles avec le
parentale. lâcher-prise nécessaire à l'endormissement et à la séré-
nité du sommeil ? Les troubles du sommeil ont le plus
souvent leur origine dans la journée, dans tout l'envi-
Le respect de la succession des stades et des cycles de sommeil ronnement de l'enfant. De nombreux enfants ont une vie
joue un rôle fondamental dans diverses fonctions de l'organisme. trépidante, sont ballottés par des parents aux multiples
Le sommeil, en permettant de trier, consolider et mémoriser les occupations qui ne perçoivent pas que du temps calme,
connaissances, impacte les acquisitions scolaires chez l'enfant serein, de partage de tendresse, de jeux est nécessaire les
grand en favorisant les fonctions de mémorisation, d'attention jours sans travail et les vacances, et quotidiennement en
et de concentration. La qualité du sommeil intervient dans la fin de journée.
régulation de l'humeur, du contrôle des émotions ; ainsi, le Chez le nourrisson puis le petit enfant, il importe de
manque de sommeil est en lien avec des comportements impul- comprendre les difficultés de séparation et l'anxiété qui
sifs, hyperactifs, influençant la vie relationnelle d'un enfant dont
la personnalité se construit d'échanges et d'interactions.
peut en découler. La période du 9 e mois est classique-
ment la première expérience angoissante de séparation
qui se répétera tout au long de l'enfance à chaque acqui-
sition psychomotrice (marche, langage, etc.) ou chaque
Consultation pour troubles du sommeil étape de la vie sociale un peu difficile (entrée en crèche,
à l'école, au collège, etc.). Ces angoisses de séparation
rencontrés en pratique de ville doivent être accompagnées en les comprenant et en les
acceptant. Des évènements de vie de la famille (deuil,
souci professionnel, désaccords) perturbant la sérénité
Cette consultation doit être dédiée au trouble, le problème ne des parents auront d'autant plus d'impact sur l'enfant
peut pas être « évacué » en fin de consultation pour un autre
motif. Il n'y a jamais de conduite à tenir standardisée mais la
qu'il ne les comprendra pas parce qu'ils ne lui auront pas
solution viendra d'une ou de plusieurs consultations avec les été expliqués et que rien ne lui aura été dit pour contenir
deux parents et l'enfant où le médecin les amènera à trouver son anxiété.
« leur » solution à défaut de « la » solution.
Mode de relation de l'enfant avec ses parents
Ce mode de relation et la place de cet enfant dans cette
famille, dans ce couple, détermine la façon dont les
Diagnostic des troubles du sommeil parents sont en mesure d'accompagner le trouble ou sa
Allégation des parents et évaluation cause avec la compréhension, la bienveillance et la fer-
de la gêne occasionnée meté qui devraient prévaloir à l'éducation d'un enfant.
De quoi se plaignent les parents ? Quels troubles sont repérables Compréhension de la difficulté qu'exprime l'enfant, bien-
chez l'enfant qui pourraient être liés à un manque de sommeil ? veillance pour l'accompagner à la dépasser mais fermeté
Il est en effet des situations où des particularités de mode de qui doit rappeler le cadre qu'ils ont fixé. Certains parents
sommeil sont repérées à l'interrogatoire (enfant qui dort entre ont des difficultés à fixer ce cadre rassurant, ne com-
ses parents, parent qui passe sa soirée à endormir l'enfant, etc.) prennent pas que la fermeté et leur détermination calme
mais où personne ne porte de plainte, ni les parents ni l'enfant. contiennent l'enfant, qu'elles ne sont pas un manque
Quel droit alors pour le médecin d'intervenir sauf à amener les d'amour (ce qu'ils croient) mais au contraire le rassurent,
parents à réfléchir à leur pratique dans une optique de préven- que le trouble du sommeil n'existe ou perdure que parce
tion de ce qui pourrait potentiellement être délétère un jour qu'ils l'autorisent souvent inconsciemment. On doit ten-
pour le développement global de leur enfant ? ter de les amener à réfléchir et à comprendre ce qui leur
fait renoncer à de multiples soirées de calme pour eux
Agenda de sommeil car passées à endormir un enfant, d'accepter les nuits
Il est parfois utile, surtout chez le grand enfant, de maté- hachées. Il leur est possible de réfléchir à leur propre
rialiser les horaires de sommeil et de réveil et d'affirmer ou insécurité de parents, à leur propre anxiété de séparation
d'infirmer la réalité du trouble et le type de trouble : difficul- en résonance avec celle de leur enfant.
tés endormissement, réveils nocturnes, lien avec activité de
la journée, etc.
C'est souvent après plusieurs consultations et surtout lorsque la
Prise en charge des troubles du sommeil limite d'acceptation des parents est atteinte qu'ils peuvent enfin
Quel que soit l'âge de l'enfant, il est important de considérer poser la limite à l'enfant et lui permettre ainsi d'être plus serein
les troubles du sommeil comme un marqueur pluridimen- car contenu.
sionnel, avec deux grands axes de réflexion :
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 135
Quand adresser l'enfant en consultation et bien tolérées par les parents déterminés (fermeté). Laisser
spécialisée ? « hurler » un enfant plus de quelques minutes n'a pas de sens.
Dans tous les cas, passée la période du nouveau-né, on doit
veiller à un coucher et un lever à heure régulière, à une soirée
Dans la plupart des cas, ces consultations de « guidance paren- calme partagée avec l'enfant sans écran, à un rituel de coucher
tale » sont suffisantes à faire cheminer les parents vers un amé- voire d'endormissement qui soit acceptable par les parents dans
nagement de leur mode de vie, un changement de regard sur la sa durée. Lorsque l'enfant se réveille la nuit, il a souvent besoin
place de l'enfant auprès (entre) eux et une redirection de leur du même rituel qu'à l'endormissement et si celui-ci est long et
mode d'éducation vers moins de complaisance mais plus de compliqué, il sera aussi long et compliqué en pleine nuit !
bienveillance ferme sans sévérité pour autant.
L'éruption des dents permanentes peut être associée à : bénin soit-il, peut modifier l'odontogenèse du germe de la
■ des anomalies de position et de nombre (agénésie de la dent définitive.
dent successionnelle), qui motivent souvent une consul-
tation orthodontique ; Anomalies de nombre
■ des anomalies non isolées de forme qui doivent conduire Elles vont soit dans le sens de la diminution, soit dans celui
à une consultation spécialisée (génétique) ; de l'augmentation du nombre de dents.
■ des accidents d'évolution, qui concernent principalement Dans le cas de la diminution, l'anomalie concerne :
les troisièmes molaires (dents de sagesse). ■ toutes les dents : l'anomalie est alors reliée à un syndrome
général tel que, par exemple, une dysplasie ectodermique
Anomalies dentaires anhidrotique ;
■ les dents de fin de série seulement (2e incisive latérale,
Elles concernent, outre l'éruption, la forme, le nombre, la 2e prémolaire et 3e molaire).
structure et la coloration. Dans le cas de l'augmentation, les dents ont soit une mor-
Les anomalies dentaires intéressent soit la denture tempo- phologie strictement conforme à celle de la dent dont elles
raire (rarement), soit la denture définitive, soit les deux. Il est sont la copie, soit elles sont dysmorphiques. L'augmentation
parfois difficile de tracer les limites précises des anomalies de 5 dents ou davantage est associée de façon significative à
dentaires entre elles. Elles peuvent être isolées, généralisées huit syndromes.
ou associées à des syndromes et en permettre le diagnostic.
Anomalies de structure
Anomalies de forme Elles ont trois origines :
Elles sont variées ; elles concernent la couronne et/ou la ■ héréditaires : amélogenèses ou dentinogenèses impar-
racine. Elles sont en rapport avec des étiologies aussi bien faites ;
embryologiques qu'infectieuses ou encore traumatiques. ■ congénitales : fentes alvéolopalatines, anomalies
Un traumatisme, par exemple, en denture temporaire, aussi chromosomiques (trisomie 21), troubles métaboliques
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 137
Diagnostic
Il est posé grâce à l'apparence clinique typique associée à
la rapidité de l'évolution (fig. 5.14 et 5.15). La CPE débute
sournoisement, l'alternance des phases salivaires de démi-
néralisation et reminéralisation masquant la cavitation
sous-jacente. Dès lors où le rempart d'émail cède, la destruc-
tion tissulaire sera inéluctable et rapide.
Étiopathogénie
Elle est en rapport avec :
■ une contamination précoce par Streptococcus mutans
avant l'éruption des premières dents, émanant de l'entou-
rage de l'enfant (parents, fratrie, etc.) ;
■ la présence constante de plaque bactérienne : bros-
Fig. 5.13 Fluorose. sage aléatoire et/ou débuté trop tardivement. Le brossage
devrait être supervisé par les parents jusqu'à la maîtrise
Anomalies de coloration dentaire de l'écriture cursive (7-8 ans) ;
Elles sont d'origine :
■ bactérienne :
– coloration verte ou orange : ces anomalies sont dues
à la présence de bactéries chromogènes au sein d'une
plaque dentaire trop omniprésente,
– noire : ces anomalies sont dues à une bactérie chro-
mogène : Prevotella melaninogenica. Ces colorations
sont habituellement observées sur les dents tempo-
raires ; elles sont facilement éliminées par le net-
toyage professionnel dentaire. Elles disparaissent au
fur et à mesure des modifications salivaires au cours
de l'enfance. Elles sont disgracieuses et inquiètent
souvent les parents car confondues avec des lésions
carieuses ;
■ alimentaire : fruits rouges, thé, café, cola ;
■ pathologique : suite à une nécrose pulpaire après trauma-
tisme ;
■ iatrogène (historiquement liée à la prise de tétracyclines,
Fig. 5.14 Stade 1 de carie : lésions prodromiques décelées en
à l'amalgame proscrit chez l'enfant et la femme enceinte soulevant la lèvre supérieure. À ce stade, l'émail est reminéralisable
depuis le 1er juillet 2018). par apports topiques fluorés. Courtoisie Dr P. Rouas.
138 Partie II. Spécialités
Dysfonctions orofaciales
Toute dysmorphose craniofaciale générera une dysfonction,
l'une et l'autre s'entretenant.
Les déséquilibres fonctionnels s'installent très tôt, Fig. 5.16 Utilisation prolongée (> 1 an) de la tétine favorisant
une béance et une tendance à l'endognathie maxillaire en den-
empêchant un développement harmonieux. Ils sont soit
ture temporaire.
d'origine congénitale ou héréditaire, soit d'origine acquise
(traumatisme, succion non nutritive, infections ORL, etc.). Traumatismes alvéolodentaires
Une intervention précoce s'impose afin de prévenir l'aggra-
Les traumatismes bucco-dentaires sont très fréquents à
vation des dysmorphoses et/ou l'apparition de dyspraxies
l'occasion de l'apprentissage de la marche ou lors de jeux
orofaciales.
et d'activités sportives. Ils concernent principalement les
■ Dès la naissance et jusqu'à 7 ans, pour une harmonie
incisives centrales maxillaires (temporaires ou définitives) ;
des arcades temporaires, les objectifs sont de veiller :
deux tiers des enfants concernés sont des garçons.
– à la maturation des praxies orales, notamment au
Les fractures sont plus fréquentes sur les dents permanentes ;
maintien de la ventilation nasale, à la disparition de
les luxations sont l'apanage des dents temporaires (fig. 5.17).
la succion-déglutition (un frein lingual trop court
La réimplantation d'une dent permanente expulsée doit
empêche la langue de s'élever jusqu'aux incisives
toujours être tentée dans l'heure qui suit le traumatisme à
maxillaires) ;
condition qu'elle soit intacte.
– à la croissance transversale du maxillaire (élément
Une dent temporaire n'est jamais réimplantée (l'inflam-
clé du développement harmonieux de la face) : par
mation pouvant léser le germe).
exemple, les pertes dentaires rompent l'équilibre
musculaire entre joues et langue. La langue est pro-
pulsée, devient hypotonique et ne s'appuie plus sur le La consultation de l'enfant traumatisé
maxillaire ; Un traumatisme buccodentaire pouvant être associé à un
– à la qualité de l'occlusion. traumatisme crânien, l'interrogatoire doit renseigner en
■ Après 7 ans, s'ajoute l'obtention d'une déglutition mature priorité sur l'existence de troubles de la conscience afin de
et d'une mastication efficace. réagir face à une éventuelle urgence neurologique.
Les enfants respirateurs buccaux ont les yeux cernés, Puis quatre questions sont posées : « pourquoi, où, quand,
des narines hypodéveloppées et un air fatigué. De plus, comment » afin de faire corroborer l'observation et les faits
leur oreiller est mouillé le matin, leur sommeil est agité, pour écarter un cas de maltraitance et reconstituer l'impact
ils ont tendance à s'endormir pendant la journée et (valeurs diagnostique et pronostique).
présentent des problèmes d'attention et/ou d'hyperacti- À l'examen facial, il convient de palper la symphyse
vité. Outre les conséquences générales de la respiration mentonnière, les articulations temporomandibulaires
buccale, celle-ci favorise le développement de lésions (notamment lors d'un choc de bas en haut), les orbites et le
carieuses et empêche la maturation de la déglutition. nez à la recherche d'éventuelles fractures. Après nettoyage
Le glissement vers une résistance respiratoire (SAHOS) des plaies avec un linge propre et imbibé d'eau tiède, des
doit être envisagé et une orientation vers un ORL, ecchymoses et des plaies faciales et labiales sont recher-
proposée. chées ainsi que la présence de corps étrangers ou de dents
Par ailleurs, il faut motiver parents et enfants pour tendre impactées qui peuvent se localiser dans les tissus mous.
vers la cessation des succions non nutritives (fig. 5.16), pour
rétablir les fonctions orofaciales (notamment la respiration Traumatismes en denture temporaire3
nasale). Ils passent la plupart du temps inaperçus et/ou sont souvent
En présence d'une dysmorphose avérée, il est négligés ; ils ont pourtant des répercussions parfois impor-
conseillé d'adresser l'enfant dès 3 ans à un orthodon- tantes sur les dents définitives.
tiste qui, en outre, dépistera les éventuelles dysfonc-
tions orofaciales. https://dentaltraumaguide.org/injury-groups/primary-teeth/
3
140 Partie II. Spécialités
Tableau 5.14 Dyschromies post-traumatiques sur Cependant, le soleil n'est pas que mauvais ! Il permet
les dents temporaires. la synthèse de la vitamine D, il influe positivement sur
le moral et peut même améliorer certaines dermatoses
Couleur Étiologie possible Conséquences possibles
inflammatoires (eczéma, psoriasis, lichen, etc.), immu-
Rose Résorption interne Exfoliation précoce nologiques (pelade, vitiligo, etc.) ou prolifératives (lym-
Gris Hémorragie dans les Abcès phomes cutanés T épidermotropes, etc.). La surprotection
tubuli et pigmentation Extraction imposée dans certaines génodermatoses, comme le xero-
Jaune Oblitération canalaire Exfoliation retardée derma pigmentosum (« enfants de la lune »), nécessite une
Éruption ectopique supplémentation en vitamine D pour prévenir un rachi-
Asymptomatique tisme carentiel.
Alors quand et comment protéger l'enfant du soleil ?
■ simple à réaliser : Il faut protéger tous les enfants du soleil, et en particulier
– une première visite entre 12 et 18 mois puis chaque année, ceux qui ont une peau très pâle, des cheveux blonds ou roux,
– un biberon contenant seulement de l'eau la nuit, des yeux clairs, ceux qui « brûlent » facilement au soleil et
– un brossage avec l'apparition de la 1re dent, celui du ne bronzent jamais (phototypes I et II sur les 6 phototypes
soir étant le plus important ; le révélateur de plaque de la classification de Fitzpatrick). Les nourrissons n'ont
facilite la lisibilité de la plaque, aucun intérêt à être exposés directement au soleil. De plus,
– un dentifrice fluoré en concentration adaptée à l'âge ils sont plus à risque de déshydratation, insolation ou hyper-
de l'enfant, thermie (« coup de chaleur »). Ne pas hésiter à les faire boire
– des premières molaires définitives bénéficiant si régulièrement !
besoin d'un scellement de leurs sillons selon le risque Il faut avant tout limiter les durées d'exposition :
carieux. ■ éviter toute exposition solaire non indispensable, surtout
entre 11 et 16 h, et privilégier les zones ombragées ;
Conclusion ■ s'exposer peu et progressivement, en se méfiant des
journées nuageuses ou venteuses, où l'on s'expose plus
Tous les enfants devraient pouvoir bénéficier de soins et de
sans s'en rendre compte ! On peut s'aider d'applications
suivi de leur santé orale afin de briser le cercle vicieux de
« météo » qui donnent l'intensité du rayonnement UV ;
l'anxiété et du classique renoncement aux soins. De plus,
■ ne pas oublier que la photoprotection, ce n'est pas que
des prises en charge particulières peuvent être proposées :
pendant les vacances à la mer ou à la montagne, mais
prémédications, MEOPA, anesthésie générale, techniques
toute l'année, lors des activités d'extérieur la semaine et le
psychocomportementales (p. ex. hypnose).
week-end : match de football, balade à vélo, etc. ;
Concernant les enfants à besoins spécifiques, il faudrait :
■ se méfier des expositions solaires indirectes : neige, eau,
■ intégrer systématiquement, dans leur suivi de santé glo-
sable, etc. Il faut donc se protéger du soleil à la plage,
bale, une surveillance de leur santé bucco-dentaire ;
même sous le parasol !
■ favoriser l'émergence de réseaux ville – hôpital – PMI
Il faut privilégier avant tout la protection vestimentaire, car
pour améliorer le dialogue, en identifiant les correspon-
c'est la plus efficace, avec :
dants chirurgiens-dentistes pédiatriques.
■ un vêtement bien couvrant, de maille serrée, de couleur
La santé buccodentaire en France est encore trop souvent
sombre et sec, l'humidité diminuant l'efficacité (tissus les
négligée ou envisagée lors de l'apparition des dents défini-
plus protecteurs : sergé de coton, soie, polyester réfléchis-
tives vers 6 ans. Mais il est alors parfois trop tard !
sant par exemple) ;
Elle reste un des reflets principaux des disparités en
■ des vêtements anti-UV adaptés aux enfants, notamment
matière de santé ; la fatalité, la fameuse peur du dentiste
à la plage, avec aujourd'hui des textiles améliorés par
et l'impuissance y sont souvent associées et empêchent les
l'incorporation de colorants, sels métalliques ou même
familles d'entrer dans une démarche préventive.
filtres à large spectre dans les fibres. Certains parlent de
« cosmétotextiles » ou « texticaments » ;
■ un chapeau à larges bords (pour le visage, les oreilles et la
La santé buccodentaire contribue à la qualité de vie de l'enfant et
nuque) ;
tous les professionnels de santé de la petite enfance devraient se
pencher sur son berceau pour préparer celle de l'adulte. ■ des lunettes de soleil enveloppantes anti-UV. Il est vrai
qu'il est plus dangereux de porter de « fausses lunettes
anti-UV », inefficaces, que de ne pas en porter du tout
(dilatation de la pupille à l'ombre de verres teintés) et que
Photoprotection seul le matériau des verres arrête les UV, la teinte ne pro-
Stéphanie Mallet tégeant que de l'éblouissement et non des UV.
Les produits de protection solaire sont la dernière étape
L'exposition solaire et les coups de soleil pendant l'enfance de photoprotection. Ils doivent être réservés aux zones du
favorisent l'apparition des nævus chez l'enfant et des cancers corps qui ne peuvent être protégées par les vêtements. Il faut
de la peau à l'âge adulte. La prévention primaire repose donc conseiller une crème solaire protégeant à la fois contre les
sur la photoprotection, c'est-à-dire l'« ensemble des moyens UVA et les UVB avec :
naturels ou artificiels capables de s'opposer aux effets délé- ■ un facteur de protection solaire adapté au type de peau
tères du soleil », de l'enfant et de l'adolescent. de l'enfant (moyenne ou haute protection : SPF entre
142 Partie II. Spécialités
15 et 50 suffisent en l'absence de pathologie induite par ■ la combinaison de mouvements corporels réduits au strict
la lumière) et aux conditions d'exposition, p. ex. SPF 50 + minimum (marcher, monter des escaliers, agir dans la vie
en conditions extrêmes (mer, montagne, neige) ; quotidienne) est une activité physique comme le jeu (foot-
■ en quantité suffisante, de manière homogène, ½ heure ball, tennis, danse, natation) ou toute autre activité récréa-
avant l'exposition solaire, avec une 2e couche ½ heure tive de loisir sans encadrement ni esprit de compétition ;
après le début de l'exposition ; ■ cette activité physique deviendrait-elle du sport quand
■ un renouvellement régulier, toutes les 2 heures à l'exté- elle est obligatoire et encadrée en EPS (éducation phy-
rieur, voire plus en cas de transpiration excessive et après sique et sportive) à l'école, quand elle est volontaire et
chaque baignade ; encadrée dans le cadre d'une association sportive ou
■ un produit résistant à l'eau, avec de préférence une cos- d'un club, que ce soit en loisir dont l'objectif est le jeu et
métique « crème » pour le visage et « lait » pour le corps ; le plaisir, ou en compétition dont le but est également la
■ dans l'idéal, des écrans minéraux, à base de poudres victoire individuelle ou collective ?
inertes opaques qui laissent des traces blanches, plutôt ■ sans oublier que ce peut être une activité physique dans
que des filtres chimiques (pour prévenir allergies et pho- un but thérapeutique.
toallergies de contact), bien que pas plus efficaces.
Le sport, c'est bien !
Attention Le sport fait partie des rythmes de vie de l'adulte comme de
l'enfant : pendant la journée, il y a des moments de travail,
La crème solaire ne doit pas servir à augmenter le temps d'expo-
de repos, d'alimentation et d'activité physique libre ou enca-
sition solaire. Il n'existe pas de « bronzage en sécurité », même
après application des meilleures crèmes solaires. Il faut conti- drée, puis de sommeil.
nuer à en appliquer une fois « bronzé »… L'activité physique sportive ou non fait partie de la vie et du
développement psychomoteur de l'enfant et réciproquement.
Le sport est bénéfique pour la santé : contrôle du poids, de
Enfin, l'enfance est l'âge de prédilection pour communi- la dépense énergétique, du développement musculaire, du
quer sur l'éducation solaire, base des futurs comportements renforcement du squelette, de l'amélioration du souffle et du
solaires. Et bien sûr, les parents doivent donner l'exemple fonctionnement cardiaque, etc. ; ainsi, il participe au bien-
aux enfants… être physique et à la prévention des maladies de l'adulte.
Le sport véhicule des valeurs éducatives (tableau 5.15) :
■ le sens de l'effort et de la persévérance, de la ténacité ;
L'enfant et le sport5 ■ l'affirmation de la personnalité et le besoin de s'exté-
Jérôme Valleteau de Moulliac rioriser, de communiquer, de fédérer, de participer,
de se socialiser indépendamment de toute hiérarchie
sociale ;
■ l'apprentissage de la loyauté, du « fair-play », le rejet de la
Préambule tricherie, de la simulation, du dopage ;
■
Le sport est utile et indispensable. ■ le respect des règles, de l'arbitrage, des sanctions éven-
■
Les enfants ne sont pas des adultes. tuelles qu'il faut savoir accepter, le respect de l'adver-
■
Il y a donc des limites à respecter afin d'éviter des incidents saire sans mépris, ce qui n'est pas contradictoire avec
moteurs, voire psychologiques. la volonté et la ténacité dans la recherche de la vic-
toire, le respect des autres, de ses partenaires dans un
sport de groupe, mais aussi le respect du public (en
Le sport, c'est quoi ? évitant les démonstrations agressives) et de l'environ-
nement ;
« On entend par “sport” toutes formes d'activités physiques et ■ le contrôle de soi et de sa propre agressivité : ne pas s'em-
sportives qui, à travers une participation organisée ou non, porter, ne pas répondre aux provocations, savoir rester à
ont pour objectif l'expression ou l'amélioration de la condition sa place et participer à l'effort collectif ;
physique et psychique, le développement des relations sociales ■ le dépassement de soi : une des raisons d'être du sport est
ou l'obtention de résultats en compétition de tous niveaux » d'offrir aux pratiquants de tout niveau et de tout âge un
(Charte européenne du sport, 2001, art. 2) sentiment d'accomplissement et de réussite par le recul de
Le sport, c'est aussi une « activité physique visant à amélio- ses limites. L'esprit d'équipe est une école de la solidarité ;
rer sa condition physique, l'ensemble des exercices physiques ■ le plaisir de réussir, de se dépasser, de favoriser l'estime de
se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, don- soi en sachant accepter l'échec.
nant généralement lieu à compétition, pratiqués en observant
certaines règles précises » (Dictionnaire Larousse)
C'est donc une activité physique mais qui peut se décliner Mais le sport chez l'enfant a des limites
sous plusieurs formes : Limites liées à la spécificité de l'enfant
Croissance
Rédigé en s'inspirant de Michel Binder, pédiatre, médecin du
5 L'âge réel, la taille, la vitesse de croissance, la maturité
sport de l'enfant et de l'adolescent, clinique du sport, centre physique (âge osseux), la puberté sont autant de facteurs à
médicochirurgical, Paris V. considérer dans la pratique du sport chez l'enfant. L'enfant
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 143
Tableau 5.15 Quel sport, à quel âge, pour quel enfant ? Exemples non exhaustifs.
Sport Âge Commentaires
Football Dès 6 ans Endurance et vitesse
Gestion de l'espace et anticipation
Collectif
Coups
Rugby Dès 6 ans Abnégation, équipe, respect de l'adversaire
Tous les enfants peuvent y jouer
Certes coups mais sport d'évitement
Gymnastique Dès 6 ans au sol, puis agrès ou GRS Sport individuel complet et équilibré
Appropriation du corps
Souplesse et technicité
Goût de l'effort
Handball Dès 12 ans (accueil 9 ans) Très ludique et intense : efforts courts mais répétés
Course et statique
Esprit d'équipe
Basket-ball Accueil dès 4 ans Très pratiqué (filles)
Agilité, endurance, vision du jeu, tactique, coordination
Sport très complet
Ping-pong Dès 4 ans Renforcement musculaire et peu de blessures
Agilité autour de la table
Individuel : mental et persistance
Coordination et sens de l'anticipation
Judo (sport de combat) Dès 6 ans Souplesse
Canalise l'énergie
Turbulents : respect de la tradition et de la hiérarchie
… Et timides : confiance en soi
Badminton Dès 5 ans, parfois avant si capacité Très ludique mais très exigeant et fatigant
de concentration forte Concentration +++ et repère dans l'espace mental
En double : communication
Natation Dès 7 ans mais 0-7 ans Goût de l'effort mais musculation et dos
Le moins ludique si entraînements fréquents car répétition de
longueurs pour geste parfait
Respiration
Boxe Dès 6 ans, boxe éducative, assaut Contrôle de soi, ne pas perdre son calme
(FFB) Vitesse, endurance, agilité : tout le corps participe
Anticipation, évitement
Escrime Dès 5 ans Vitesse dans l'exécution des gestes, de la précision
Bonne coordination
Sport de neige Dès 3 ans Contrôle du corps, équilibre
Grand air mais soleil et altitude
Luge, jardin des neiges, école de ski
FFB : Fédération française de boxe ; GRS : gymnastique rythmique et sportive.
Selon fédérations respectives, à consulter pour tout autre sport.
est un organisme en développement et tous les enfants ■ De 2 à 6 ans, on peut proposer cependant une activité
n'évoluent pas au même rythme. Il faut cependant savoir et physique comme en témoignent la mode des « bébés
informer les parents et l'enfant que le sport ne rend pas petit : nageurs » et les cours de « baby sports », essentiellement
certes, un sport (danse, gymnastique ou patinage artistique axés sur l'éveil corporel et la gymnastique douce dès
féminins) avec un entraînement intensif (> 12 heures/ 4 ans : c'est alors par le plaisir et le jeu que dans un espace
semaine) chez des sujets parfois génétiquement sélectionnés protégé l'enfant peut être initié à l'éducation motrice,
sur leur morphologie, comme des apports nutritionnels ina- corporelle artistique voire sportive, véritable stimulation
daptés, peuvent retarder la puberté mais, si la taille défini- psychomotrice.
tive est différée, elle sera conforme à la taille cible. ■ De 6 à 7 ans, c'est l'âge du CP et, en même temps que
l'enfant apprend l'écriture et la lecture, qu'il découvre
Développement psychomoteur le schéma corporel, il commence à comprendre les
Il ne faut pas inscrire trop tôt un jeune enfant à des activi- bases de la condition physique : le contrôle postural,
tés sportives ; on conseille généralement le début la pratique l'équilibre, la latéralité, la coordination des mouve-
d'un sport vers 7 ans. ments, l'orientation temporo-spatiale mais aussi sa
144 Partie II. Spécialités
force, son habileté et sa vitesse ; il est alors prêt à s'ini- tion de l'âge, du sport pratiqué ou de la région impliquée
tier au sport. des fractures de fatigue, ostéochondroses apophysaires
■ De 7 à 12 ans, c'est l'âge de l'apprentissage, du perfec- (les plus connues étant la maladie de Sever au talon, la
tionnement dans le sport choisi et, s'il le désire et s'il a de maladie de Scheuermann vertébrale, l'apophysite tibiale
réelles aptitudes, l'ouverture à la compétition. antérieure ou maladie d'Osgood Schlatter) ou articu-
■ De 13 à 15 ans, c'est souvent la période des abandons laires. Les ostéochondroses correspondent toutes à des
car c'est l'âge de la contradiction, de la rébellion, du microtraumatismes répétés au niveau de l'insertion d'un
refus de l'autorité (entraîneur), des contraintes (entraî- tendon d'un muscle puissant. Le tendon étant lui-même
nements et exigence de performance) ; la morpholo- extrêmement solide, c'est le cartilage de croissance auquel
gie change (geste moins précis) et, en même temps, la il est fixé qui est à l'origine de douleurs. La présentation
motivation baisse. clinique est caractéristique et permet quasiment toujours
de faire le diagnostic.
Aspect psychologique La douleur en est le symptôme majeur, la sonnette
La valeur éducative du sport a été largement énoncée d'alarme. Il s'agit d'une douleur mécanique, augmentée
mais il ne faut pas oublier qu'indépendamment de son par les activités sportives et localisée en un point précis,
âge et de ses capacités physiques, chaque enfant a son s'accompagnant parfois de signes inflammatoires locaux.
profil psychologique : il peut être volontaire, motivé, Il faut que l'enfant sache la reconnaître et l'exprimer, que
ambitieux, altruiste, etc. Mais aussi timide, angoissé, mal son entourage l'écoute. Il doit la comprendre avec des
dans sa peau, peu sûr de lui, ou opposant, agressif, voire explications simples et adaptées à son âge. L'enfant, mais
indécis, vulnérable et influençable selon l'« air ambiant » aussi ses entraîneurs, professeurs d'éducation physique
sans réelle motivation personnelle… Sans parler de la et ses parents doivent en tenir compte et la respecter en
pression exercée par des parents excessifs ou champions acceptant au pire l'arrêt temporaire du sport en cause dans
par délégation ? D'autres, très exhibitionnistes, ne voient les formes les plus sévères, sinon l'arrêt du geste dès l'appa-
dans le sport que la recherche de gloire, d'honneur, quel rition de la douleur.
qu'en soit le prix. La pratique sportive doit donc tenir
compte des limites liées à la personnalité de l'enfant (et
de ses parents). Les ostéochondroses sont des pathologies de surmenage des
cartilages de croissance. Les tendinites sont beaucoup plus rares
chez l'enfant que chez l'adulte.
■
Il faut laisser l'enfant choisir son sport en tenant compte de
ses compétences physiques et psychologiques car sa moti-
vation et son épanouissement priment ; c'est ainsi que, après
mûre réflexion, il ne semble pas utile de le forcer à poursuivre Maladies chroniques
un sport qu'il ne veut plus pratiquer. Tout enfant porteur d'une maladie chronique doit faire du
■
Le sport doit rester un jeu librement consenti. Il faut donc le sport, cela fait « partie » de sa prise en charge. C'est alors au
laisser s'investir dans le sport qu'il désire. médecin de déterminer, en fonction de la pathologie pré-
existante et de l'état clinique de l'enfant, quel sport il ne peut
pratiquer, dans quelles circonstances et avec quelles limites
Besoins énergétiques ou restrictions.
C'est le cas des cardiopathies cyanogènes non opérées,
L'enfant a besoin pour vivre (métabolisme basal), pour des myocardiopathies obstructives, des troubles du rythme
grandir, pour le déroulement normal de la puberté et pour aggravés ou déclenchés par l'effort. Le cardiologue référent
pratiquer une activité physique, un ou des sports, d'un doit informer le patient, ses parents et son médecin traitant
apport énergétique adapté. Alors attention aux entraîne- de l'attitude à adopter.
ments intensifs, au désir de maigrir parfois sous la pres- Un enfant obèse doit être encouragé à faire du sport
sion de la pratique de certains d'entre eux, aux activités sachant que le sport ne fait pas maigrir mais s'inscrit dans
sportives exagérées dans le but de perdre du poids et qui le programme thérapeutique. Il faut alors privilégier les
pourraient s'inscrire dans une anorexie mentale qu'il sports d'endurance en décharge (vélo, aviron, natation) et
faut savoir dépister. Attention aussi à l'excès de boissons éviter les activités où l'enfant pourrait avoir de mauvaises
énergisantes. performances, sources de moqueries, démotivantes et qui
l'amèneraient à réduire sa pratique et donc à prendre du
Cartilages de croissance poids.
Le cartilage de croissance de l'enfant est particulièrement Le diabète, l'asthme, certaines infections ORL chro-
sensible, et donc très souvent soumis à des traumatismes niques l'épilepsie nécessitent parfois des aménagements
aigus et/ou chroniques (excès de sollicitation) qui peuvent particuliers
grever son parcours sportif. Il faut les différencier des En revanche, la scoliose ne contre-indique aucun sport
tendinites et des entorses, sachant qu'une entorse chez même avec corset. C'est la meilleure des kinésithérapies.
l'enfant est une fracture du cartilage jusqu'à preuve du Contrairement à une idée préconçue, les sports asymé-
contraire. C'est ainsi que peuvent apparaître, en fonc- triques ne favorisent pas la scoliose.
Chapitre 5. Suivi de l'enfant 145
Surentraînement
En pratique
Un entraînement est considéré comme « intensif » s'il dépasse ■
Le sport c'est bien ; bien le faire, c'est mieux.
schématiquement plus d'heures par semaine que l'âge : par ■
L'enfant n'est pas un adulte.
exemple plus de 12 heures/semaine à 12 ans. ■
La première condition à la pratique sportive : la motivation.
■
Le premier facteur limitant : la douleur.
■
Les contre-indications absolues à la pratique sportive sont
Qu'il soit volontaire ou « imposé », l'excès d'entraînement exceptionnelles.
Le sport hors limites est mauvais pour la santé : autant pour le
requiert des efforts dont l'intensité, le rythme et la durée
■
PLAN DU CHAPITRE
Suivi spécifique de l'adolescent . . . . . . . . . . . . . 147 Troubles somatoformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
L'adolescent en consultation . . . . . . . . . . . . . . 147 L'adolescent qui mange peu : quand
Puberté normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 orienter vers le spécialiste ?. . . . . . . . . . . . . . . . 167
Troubles du cycle menstruel . . . . . . . . . . . . . . . 154 Pratiques addictives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Entrée dans la vie affective et sexuelle . . . . . . 155 Phobie scolaire, harcèlement scolaire . . . . . . . 174
Sommeil de l'adolescent . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Idées suicidaires, tentatives de suicide
L'adolescent qui inquiète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 et scarifications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Affections chroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 État de santé des adolescents les plus fragiles. . . 183
de l'adolescent, grâce aux courbes de croissance et à l'aide ormonaux (sécheresse cutanée, myxœdème, fragilité cuta-
h
de l'examen des seins et des organes génitaux, étape indis- née, vergetures pourpres, etc.) ou des signes évocateurs
pensable de l'examen de tout adolescent, permettant de d'une atteinte systémique. Il peut aussi permettre de consta-
définir le stade pubertaire selon la classification de Tanner ter des scarifications suggérant une souffrance psychique ou
(cf. tableau 6.1). Cette étape permet également le plus sou- d'identifier des ecchymoses ou cicatrices multiples devant
vent de rassurer l'adolescent concernant la normalité de alors faire évoquer des maltraitances subies.
son développement, à un âge où le regard des autres tient Il est également indispensable, à l'adolescence, d'exami-
une place prépondérante et définit, à lui seul, la normalité ner le dos à la recherche d'une gibbosité évocatrice de sco-
à laquelle il tente de se conformer. Chez le garçon, une liose (en l'absence d'asymétrie des membres inférieurs), à un
gynécomastie (à différencier d'une adipomastie en contexte âge où cette dernière est susceptible de s'aggraver du fait de
d'obésité) peut être observée physiologiquement en début la croissance staturale pubertaire rapide. Cet examen peut
de puberté. Elle devra toutefois être explorée en cas de doute également être l'occasion de repérer une raideur ou une
(majoration de la gynécomastie, asymétrie mammaire, ano- anomalie de courbure évocatrice d'un éventuel spondylolis-
malie testiculaire) ou en l'absence de régression (habituelle thésis, notamment en cas de douleurs lombaires. L'ensemble
dans les 6 mois dans 90 % des cas). Plus largement, toutes des articulations est également passé en revue, avec une
les anomalies de la croissance staturopondérale ou de la attention particulière portée aux hanches, notamment dans
puberté doivent être analysées et explorées si nécessaire. Les les contextes d'obésité, en raison du risque d'épiphysiolyse,
étiologies peuvent être diverses, tels que des déséquilibres plus fréquemment retrouvée chez le garçon.
alimentaires, des troubles endocriniens ou bien témoigner L'examen de la thyroïde termine l'examen clinique. Elle
de maladies chroniques connues ou à rechercher. n'est habituellement pas ou peu palpable à l'adolescence
Après un temps d'inspection générale, l'auscultation car- et la découverte d'un goitre, évocateur de thyroïdite, ou de
diaque et respiratoire est systématique, associée à la prise nodules thyroïdiens, doit motiver la réalisation d'explora-
des constantes hémodynamiques (pression artérielle et fré- tions complémentaires avant même la présence de signes
quence cardiaque, palpation des pouls, mesure du temps de cliniques d'hyper ou d'hypothyroïdie.
recoloration cutanée). Elle peut être, en dehors de symptôme
d'orientation, l'occasion de découvrir une pression artérielle
élevée, un souffle, une tachycardie ou une arythmie car- Synthèse de la consultation et suivi
diaque (bien souvent respiratoire) ou encore des sibilants, Cette consultation d'évaluation globale doit être conclue
passés jusqu'alors inaperçus. par une synthèse des besoins de santé observés ainsi que
L'examen abdominal avec une palpation systématique, des éventuelles difficultés psychosociales associées. Ce
et parfois orientée par des manifestations douloureuses, moment important de la consultation se déroule dans un
recherche une éventuelle hépato et/ou splénomégalie ou un premier temps avec l'adolescent seul, permettant également
syndrome tumoral, tout comme l'examen rigoureux des aires d'identifier avec lui quelles sont les ressources dont il dis-
lymphonodales, notamment en contexte d'asthénie ou de pose dans son environnement immédiat (familial, amical,
fièvre prolongée. En cas de symptomatologie digestive évo- scolaire, etc.). Ensuite, en accord lui et dans le respect du
catrice, l'étude de la cavité buccale recherchant la présence secret médical, les principaux éléments sont repris avec les
d'aphtes, ainsi que de la marge anale à la recherche d'éven- parents (et/ou parfois avec les institutions qui sont en charge
tuelles fissures atypiques, vient compléter utilement l'examen. des adolescents), afin que le projet de suivi et les soins éven-
L'examen neurologique se doit également d'être rigou- tuels proposés soient compris et soutenus.
reux et systématique, et cela notamment devant l'existence L'évaluation de la gravité des troubles identifiés n'est
de céphalées (qui doivent aussi motiver un examen ophtal- généralement pas possible en une seule consultation, tant
mologique avec acuité visuelle et fond d'œil) ou de mani- les frontières entre le normal et le pathologique, ou entre le
festations neurologiques, pouvant être à cet âge révélatrices somatique et le psychologique sont ténues chez l'adolescent.
de pathologies neurologiques, mais également se rencon- C'est le suivi dans le temps de la maturation de l'adolescent,
trer parfois dans les somatisations (expressions corporelles des ressources mises en jeu par celui-ci et son entourage,
de souffrances psychiques) (cf. « Troubles somatoformes » qui permet d'apprécier la dynamique évolutive de la situa-
plus loin dans ce chapitre). L'absence de systématisation tion et de mieux distinguer ainsi ce qui relève d'une période
du trouble et/ou la fluctuation des symptômes peuvent de troubles transitoires ou de l'installation dans la durée de
être évocatrices de tels troubles dits psychosomatiques ou problématiques plus sévères.
fonctionnels. Dans ce contexte, la prudence est la règle. Si Le praticien doit par conséquent être en mesure de se
les examens complémentaires limités ne sont pas à répéter, positionner et de s'engager auprès de l'adolescent et de sa
la réévaluation clinique systématique, en revanche, est de famille en proposant un projet de suivi adapté aux constats
rigueur. faits ensemble. Il prescrit et organise la mise en place des
L'examen des phanères est toujours utile, notamment soins éventuels ainsi que le ou les prochains rendez-vous,
pour aborder la question de l'acné qui est toujours un motif qu'il adaptera ensuite selon l'évolution constatée.
de préoccupation pour les adolescents quoi qu'ils en disent.
Des explications doivent leur être données sur ses causes
et sur l'existence de traitements efficaces. Il permet égale- Conclusion
ment, en contexte d'obésité et/ou d'irrégularité des cycles Toute consultation auprès d'un adolescent, et quel qu'en soit
menstruels, de rechercher des signes évocateurs d'intolé- le motif initial, représente une occasion précieuse d'infor-
rance glucidique (acanthosis nigricans) ou d'autres troubles mation, de prévention et de dépistage.
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 151
Elle se doit de donner progressivement sa place à l'ado- taux s'effondre en même temps que l'augmentation du taux
lescent, dans un processus d'individuation, qui ne saurait de testostérone (fig. 6.1).
pour autant exclure la famille. Il existe une période appelée mini-puberté, entre 2 et
L'approche holistique, intégrant de façon indissociable 6 mois environ chez le garçon, où les sécrétions de gona-
les dimensions psychosociales et la santé physique, per- dotrophines augmentent transitoirement, avant de dimi-
met une évaluation à la fois globale et fine des besoins de nuer jusqu'à la puberté. Cette période est utile au dosage
santé souvent multiples à l'adolescence, afin d'apporter des des gonadotrophines afin de vérifier le bon fonctionnement
réponses adaptées en termes d'information, de conseil et de de l'axe gonadotrope. En dehors des périodes de mini-
soins éventuels. puberté et jusqu'à la puberté, le dosage de gonadotrophines
basses ne permet pas de conclure à un diagnostic de déficit
gonadotrope.
Puberté normale Chez la fille, les gonadotrophines vont entraîner la syn-
Maxime Gérard thèse d'œstrogènes par les ovaires. La LH entraîne la syn-
thèse d'œstradiol par les cellules de la thèque. La FSH agit
La puberté est définie par l'acquisition des fonctions de sur les cellules de la granulosa pour la synthèse d'inhibine B
reproduction. Survenant lors de la transition entre l'enfance et d'AMH.
et l'âge adulte, c'est une période de grands changements psy- Durant l'enfance, l'axe hypothalamo-hypophysaire est au
chiques et physiques. repos, il n'y a pas de pulsatilité de GnRH, LH, FSH, et pas
Les caractères sexuels secondaires se développent sous la de sécrétions gonadiques. Les phénomènes initiateurs de la
dépendance des sécrétions gonadiques. C'est également une puberté sont encore mal compris ; des facteurs génétiques et
période essentielle pour la croissance, avec une phase d'ac- environnementaux entrent en compte. Les âges de puberté
célération de la vitesse de croissance puis de ralentissement de la famille (date des premières règles, date de poussée de
jusqu'à atteindre la taille définitive. Il est donc important de croissance pubertaire), la nutrition, l'état psychique, des
dater le début pubertaire, en le reportant sur le carnet de états pathologiques, influencent l'âge de début de la puberté.
santé, pour analyser le pronostic de taille. L'accélération de la vitesse de croissance est secondaire
à la sécrétion des stéroïdes sexuels. Ce sont les œstrogènes
Physiopathologie qui agissent sur les cartilages de croissance (y compris chez
Le phénomène initiateur de la puberté correspond à la le garçon après conversion des androgènes, via l'aromatase).
réactivation de la sécrétion pulsatile de la GnRH (Gonado-
trophin-Releasing Hormone) par l'hypothalamus. L'hypo- Démarrage pubertaire (tableau 6.1)
thalamus, au sein du système nerveux central, reçoit de Chez les filles
nombreuses afférences, signaux extérieurs, de l'état physique
et psychique de l'individu. Il s'agit d'un élément important Entre 8 et 13 ans, le début de la puberté est marqué par le
à prendre en compte. En effet, lors d'un état pathologique stade S2 selon Tanner, soit l'apparition de bourgeons mam-
important, carence nutritionnelle, carence affective grave, maires avec élargissement de l'aréole.
état inflammatoire chronique, insuffisance sévère d'un Il est important de dater le démarrage pubertaire. Un
organe (cardiaque, pulmonaire, rénale), les mécanismes de interrogatoire précis est indispensable mais cela n'est pas
croissance et de puberté peuvent être bloqués sur le plan toujours évident. Il est possible d'utiliser des grands repères
central. (à la rentrée, à Noël, aux dernières vacances). De plus, les
La sécrétion pulsatile de GnRH déclenche la sécrétion bourgeons mammaires peuvent être sensibles au début de
pulsatile de la FSH (Follicle Stimulating Hormone) et surtout l'œstrogénisation et la petite fille peut le rapporter lorsqu'elle
de la LH (Luteinizing Hormone), gonadotrophines hypo- prend sa douche. Un autre élément essentiel est l'évolutivité,
physaires sécrétées par l'antéhypophyse. C'est la pulsatilité en effet le « vrai » démarrage pubertaire correspond à l'appa-
qui déclenche la puberté, c'est-à-dire la stimulation des rition des bourgeons mammaires, suivie d'une augmenta-
gonades qui vont sécréter les stéroïdes sexuels, lesquels vont tion progressive du volume.
permettre l'apparition et l'évolution des caractères sexuels
secondaires. Chez les garçons
Chez le garçon, les cellules de Leydig testiculaires, en Entre 9 et 14 ans, le début de la puberté est marqué par l'aug-
réponse à la LH, produisent de la testostérone. Dans les mentation du volume testiculaire correspondant au stade G2
tissus cibles, la testostérone sera réduite en dihydrotestosté- de Tanner (volume testiculaire entre 4 et 6 mL, soit une lon-
rone (par la 5α-réductase), qui est la principale responsable gueur testiculaire entre 25 et 32 mm). Il est plus difficile de
du développement de la pilosité et de l'allongement de la dater exactement le début pubertaire du garçon. C'est une
verge. Les cellules de Sertoli testiculaires sécrètent l'inhi- des raisons pour lesquelles l'examen des organes génitaux
bine B et l'hormone antimüllérienne (AMH). doit faire partie de l'examen général de tout jeune patient,
Le rôle de l'inhibine B est mal connu, son taux augmente permettant de dater le démarrage pubertaire, et donc d'éta-
au cours de la puberté, sous l'action de la FSH. L'AMH est blir un pronostic de taille finale. À l'interrogatoire, le jeune
produite pendant la vie embryonnaire et fœtale, et durant garçon peut rapporter des érections plus fréquentes (à condi-
l'enfance. Elle entraîne la régression des structures müllé- tion de l'interroger, « zizi devenant plus gros, plus dur, plus
riennes. Son rôle postnatal est mal connu. À la puberté, son souvent », voir avec les parents comment ils parlent de cela).
152 Partie II. Spécialités
Sécrétion hypothalamique
de GnRH
Gonadotrophines
hCG LH
circulantes
FSH
6 mois
T
IB
Hormones testiculaires
circulantes
AMH
Croissance
La poussée de croissance pubertaire est contemporaine du
Date de début de puberté normale début de la puberté, chez la fille, alors qu'elle est retardée d'un an
■
Fille : entre 8 et 13 ans/stade S2 de Tanner, apparition des environ chez le garçon. Le gain statural passe de 5 à 10 cm par
bourgeons mammaires an. Le gain de croissance pubertaire est d'environ 25 cm chez le
■
Garçon : entre 9 et 14 ans/stade G2 de Tanner, longueur testi- garçon, 20 cm chez la fille. Après la poussée de croissance de la
culaire ≥ 25 mm puberté, la taille adulte est atteinte, les cartilages de croissance
sont soudés, aucune action médicamenteuse n'est possible.
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 153
Examens paracliniques
Âge osseux Variantes de la normale
Il correspond à la radiographie de la main et du poignet Adrénarche prématurée
gauche de face (comparé à l'atlas de Greulich et Pyle). Il faut L'adrénarche correspond à l'augmentation de la produc-
penser à relire soi-même l'âge osseux, une erreur fréquente tion des androgènes surrénaliens (déhydroépiandrostérone
consiste à ne pas considérer la partie de l'atlas correspondant [DHEA] et sulfate de DHEA [SDHEA]) et contribue à l'ap-
au sexe du patient. Le début pubertaire correspond à un âge parition de la pilosité pubienne et axillaire. Ce phénomène
osseux de 11 ans chez la fille (fig. 6.2), 13 ans chez le garçon, débute vers l'âge de 6–8 ans et précède l'activation gonado-
correspondant à l'apparition de l'os sésamoïde du pouce. trope. Le développement de la pilosité pubienne ne corres-
pond pas au début de la puberté.
Échographie utérine (chez la fille) De principe, en cas de pilosité pubienne isolée entre 6 et
C'est un élément essentiel, non invasif, pour évaluer le 9 ans, le dosage des androgènes surrénaliens (testostérone,
démarrage pubertaire. Le corps utérin grandit avec l'œs- 17-hydroxy-progestérone, SDHEA, Δ4-androstènedione)
trogénisation, une longueur de l'utérus supérieure à 35 mm est utile afin de ne pas méconnaître une hyperandrogénie
154 Partie II. Spécialités
(adresser le patient en cas de bilan anormal, selon l'âge yomètre mais aussi de céphalées, nausées, vomissements,
m
[vérifier les normes du laboratoire], testostérone > 0,4 ng/ etc. expliquant les douleurs abdominales et les symptômes
mL notamment). associés de la dysménorrhée. Les cycles anovulatoires sont
souvent moins sécréteurs de prostaglandines et la plupart des
Thélarche isolée prostaglandines sont secrétées dans les premières 48 heures
des menstruations. Ceci explique que la dysménorrhée pri-
Elle correspond à la poussée mammaire isolée, sans pilosité, maire commence habituellement 1 à 3 ans après la ménarche,
sans accélération de la croissance, ni œstrogénisation de la que la douleur commence avec les saignements ou un peu
vulve. Elle survient le plus souvent avant l'âge de 2 ans, mais avant et dure typiquement 24 à 48 heures (parfois plus).
peut arriver plus tard. Elle peut être uni ou bilatérale. En cas Devant une histoire évocatrice, l'examen général avec
de doute, une échographie utérine peut être réalisée pour évaluation des organes génitaux externes suffit. Au moindre
vérifier l'absence de début pubertaire (longueur utérine doute, une échographie pelvienne est réalisée afin de mettre
< 35 mm) et l'absence d'évolution, avec une consultation en évidence une malformation de l'appareil génital et en
2–3 mois plus tard. particulier de l'utérus.
Les traitements ayant un effet variable, il ne faut pas hési-
Conclusion ter à changer de molécule pour obtenir la meilleure réponse.
■ L'absence de démarrage pubertaire à 13 ans chez la Les anti-inflammatoires sont analgésiques et ont un effet
fille, à 14 ans chez le garçon correspond à un retard inhibiteur sur les prostaglandines. Comme tout antidouleur,
pubertaire. ils doivent être prescrits le plus tôt possible afin d'éviter que
■ Le démarrage pubertaire avant 8 ans chez la fille, avant la douleur s'installe et pour une durée d'au moins 3 cycles
9 ans chez le garçon correspond à une puberté précoce. avant de conclure à leur inefficacité. Les molécules comme
Il est conseillé d'explorer toute puberté pathologique, afin le naproxène 500 mg matin et soir ou l'acide méfénamique
de ne pas méconnaître une organicité. 250 mg 1 à 2 gélules toutes les 6 heures ont montré une effi-
cacité particulière.
Si la patiente souhaite une contraception ou si la douleur
Troubles du cycle menstruel ne répond pas aux anti-inflammatoires, une contraception
Chantal Stheneur œstroprogestative est essayée. Son efficacité maximale peut
prendre plusieurs mois.
De plus en plus spécialistes dont l'Académie américaine En France, les progestatifs sont souvent utilisés en
de pédiatrie décrivent le cycle menstruel comme un des 2e partie de cycle pour régulariser les cycles et diminuer la
signes vitaux au même titre que la fréquence cardiaque ou la dysménorrhée. Leur efficacité serait inférieure à celle des
pression artérielle. Ce signe doit donc être évalué à chaque anti-inflammatoires.
consultation sachant que plus de 50 % des adolescentes Dans les cas d'échec au traitement, après avoir vérifié
expérimentent des troubles des règles. l'observance qui est un problème fréquent dans ce contexte,
Qu'est-ce qu'un cycle menstruel normal ? Pour faire la possibilité d'une pathologie associée telle que l'endomé-
simple, le cycle doit durer entre 21 et 45 jours, le saignement triose doit être évoquée.
une semaine ou moins et, pendant cette période, il ne fau-
drait pas avoir à changer de serviette hygiénique/tampon Syndrome prémenstruel
plus que toutes les 1 à 2 heures. Chez l'adolescente, le cycle
menstruel est plus variable que chez l'adulte, avec une mise Le terme « syndrome prémenstruel » est utilisé pour défi-
en place progressive des cycles qui sont souvent anovula- nir un ensemble de symptômes physiques, émotionnels
toires au début. et comportementaux présents pendant la phase lutéale du
cycle et qui disparaît avec l'arrivée des menstruations. Ce
syndrome pourrait atteindre jusqu'à 85 % des femmes et 3
Dysménorrhée et syndrome prémenstruel à 8 % auraient une atteinte sévère. On parle alors de trouble
Dysménorrhée dysphorique prémenstruel qui est une nouvelle entité du
Pathologie extrêmement fréquente, sa prévalence varie de 34 DSM-5 classée parmi les troubles dépressifs. Il serait dû à
à 94 % suivant les études internationales, et la douleur très une interaction entre les hormones sexuelles et des neuro-
sévère de 0,9 à 59,8 %. L'absentéisme scolaire ou au travail transmetteurs. Le traitement est encore controversé, il com-
pourrait atteindre 57,8 % des jeunes femmes et l'impact sur prend une bonne hygiène de vie, des anti-inflammatoires et/
les activités sociales serait présent chez 21,5 % d'entre elles. ou une pilule contraceptive ou des progestatifs seuls.
Ce fléau est pourtant peu ou mal pris en charge car les ado-
lescentes ne vont pas forcément consulter pour ce problème Endométriose
et tentent l'automédication ou les remèdes traditionnels. De L'endométriose reste encore diagnostiquée tardivement
plus, des liens étroits ont été rapportés entre dysménorrhée chez les adolescentes. Les symptômes les plus courants sont
et niveau de dépression/anxiété, réduisant d'autant la per- pourtant invalidants, limitant de façon importante la qualité
ception de la qualité de vie des adolescentes. L'impact de la de vie. Il s'agit classiquement de douleurs pelviennes et non
dysménorrhée est donc majeur, rendant sa prise en charge cycliques ou menstruelles, modérées à sévères, débutant à
un enjeu important au niveau pédiatrique. la ménarche et accompagnées de nausées. Leur intensité
La sécrétion importante de prostaglandines en début augmente de cycle en cycle et les douleurs peuvent survenir
de menstruations serait responsable de contractions du également en milieu de cycle, au sport ou lors des r apports
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 155
sexuels. L'histoire familiale est souvent positive ainsi qu'une Le traitement dépend de la cause et un bilan de base com-
histoire personnelle d'atopie ou d'asthme. L'évaluation est prenant β-hCG, FSH, LH, prolactine, œstradiol et testosté-
d'abord clinique puis échographique. L'IRM est un examen rone libre permet d'orienter le diagnostic si la clinique n'est
de choix quand le diagnostic est difficile. De nombreux pas suffisante.
traitements médicaux ont été testés, mais très peu éva-
lués de façon rigoureuse. Les contraceptifs oraux, même
s'ils n'ont pas été évalués, sont essayés en 1re intention. Les Entrée dans la vie affective
autres traitements tels que les agonistes de la gonadolibérine et sexuelle
(GnRHa) sont affaires de spécialistes. Ce sont les seuls trai-
Sébastien Rouget
tements prouvés efficaces pour le soulagement de la douleur
de l'endométriose de l'adolescente.
Métrorragies pubertaires « Le pédiatre est en situation idéale pour dispenser une éducation
Elles surviennent le plus souvent dans l'année qui suit la sexuelle sur le long cours aux enfants et adolescents, ce qui fait
ménarche et sont typiquement caractérisées par des cycles partie des soins de santé préventive. » Cette déclaration de l'Ame-
rican Association of Pediatrics incite à une grande proactivité du
courts entrecoupés de saignements prolongés. pédiatre dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive. Il
La cause la plus courante d'hémorragie pubertaire gardera à l'esprit la valeur positive et physiologique de la sexua-
est l'immaturité physiologique de l'axe hypothalamo- lisation, processus physique, psychique et social qui découle
hypophysaire, mais une pathologie de l'hémostase doit être naturellement de la puberté. Ce processus conduit à l'émergence
recherchée telle qu'une maladie de von Willebrand ou une de multiples préoccupations que le pédiatre doit savoir évoquer.
thrombocytopénie. Les causes organiques telles les tumeurs Le plus grand piège serait de ne voir dans la sexualité adoles-
sont exceptionnelles à cet âge. cente que les aspects de danger et de prise de risque qu'elle
Lors de la consultation, un calendrier des menstruations représenterait.
doit être obtenu avec si possible un détail sur l'abondance
des saignements. L'examen clinique apprécie surtout le
retentissement du saignement sur l'état général. L'examen
gynécologique n'est nécessaire que s'il existe des arguments Sexualité et sexualisation
cliniques pour une pathologie organique.
Le bilan biologique comprend β-hCG en cas d'activité Aboutissement du processus pubertaire, la sexualisation
sexuelle, NFS, ferritinémie, bilan d'hémostase (TS, TP, TCA, concerne non seulement les organes génitaux mais aussi la
fibrine, plaquettes) ± recherche de maladie de Willebrand. totalité de la personne. Ce phénomène progressif doit être
Le traitement dépend de l'intensité de l'anémie : vu comme une dynamique plutôt qu'un statut ou un acquis.
■ si l'hémoglobine est > 11 g/dL, une simple surveillance Il ne peut se réduire à l'acte sexuel. La métamorphose puber-
est possible avec une supplémentation en fer ; taire et les divers émois qui l'accompagnent en réalisent la
■ pour une hémoglobine entre 8 et 11 g/dL, on débute première étape, l'initiation à un corps sexué. L'adolescent se
une pilule œstroprogestative contenant au moins 30 μg découvre des capacités inédites, expérimente des relations
d'éthinylœstradiol pour une durée de 1 à 3 cycles puis le affectives, amoureuses et peut-être sexuelles, explore les
relais peut être pris par des progestatifs si la patiente ne rôles et fonction sexuels et se définit progressivement en
souhaite pas continuer la contraception ; termes d'identité et d'orientation sexuelles. En fin de col-
■ dans les formes sévères, en dehors des mesures d'urgence, lège, 80 % des jeunes auront déjà eu un petit ami, et presque
le saignement pourra être arrêté par de fortes doses autant auront embrassé quelqu'un sur la bouche.
d'œstrogène, par exemple une pilule à 50 μg 1 cp matin et La dynamique sexuelle de l'adolescence infiltre pratique-
soir jusqu'à arrêt du saignement puis 1 cp/j pour le reste ment tous les aspects de sa vie relationnelle, à commencer par
du mois. On s'aide facilement d'un traitement antiémé- le rapport avec son propre corps. De nombreuses questions
tique en raison des fortes doses d'estrogène. Un traitement émergent sur la normalité de ces changements inédits, les
antifibrinolytique (acide tranexamique 1 g, 2 à 3 fois/j) sensations qui en découlent, les sentiments, l'amour, la poten-
est ajouté pour améliorer l'efficacité hémostatique. tialité sexuelle et procréative. Dans le même temps, notam-
ment chez les plus jeunes, un sentiment d'insécurité sexuelle,
une pudeur parfois extrême, la honte face à certaines pensées
Aménorrhée secondaire ou actions s'associent souvent à la curiosité et au désir.
Elle est définie par une interruption du cycle menstruel au-
delà de 90 jours. Comportement sexuel
La liste des causes d'aménorrhée secondaire est longue
mais chez l'adolescente, les trois principales causes sont la Premières relations sexuelles
grossesse, un trouble du comportement alimentaire ou un Il existe de grandes disparités de rythme et de mode d'en-
entraînement physique excessif (triade de l'athlète), un syn- trée dans la sexualité génitale. Le premier partenaire est
drome des ovaires polykystiques. On vérifie aussi la prise de fréquemment rencontré au sein du lieu de scolarisation ou
médicament tels que les antipsychotiques ou une cortico- dans une soirée amicale. Les filles, plus fréquemment que les
thérapie qui peuvent jouer sur les cycles. garçons, le choisiront un peu plus âgé (de 2 à 3 ans).
156 Partie II. Spécialités
confidentiel. Comme ils se sentent mal à l'aise pour initier Méthodes hormonales
la discussion, les jeunes préfèrent que ce soit le médecin qui Pilule œstroprogestative
aborde le sujet en premier. Ces échanges n'ont pas de visée
normative, l'attitude adoptée est ouverte, non jugeante et res- Son efficacité contraceptive est excellente en cas de bonne obser-
pectueuse de l'autonomie de l'adolescent. Les premières dis- vance. Elle présente aussi l'intérêt d'une amélioration sympto-
cussions doivent avoir lieu avant qu'il soit sexuellement actif. matique des dysménorrhées, de l'irrégularité menstruelle, du
Le médecin peut commencer en recueillant les antécédents syndrome prémenstruel, des ménorragies et des signes d'hype-
et l'histoire sexuelle du jeune consultant (savoirs, conduites, randrogénie relative (acné, séborrhée, excès de pilosité).
partenaires, relations, ressentis, identité, pratiques contra- Avant sa prescription, on recherche des contre-indica-
ceptives). Contrairement aux séances en milieu scolaire, la tions (tableau 6.2). Le tabagisme n'est pas une contre-indi-
discussion avec le pédiatre permet un retour personnalisé, cation avant 35 ans. Il faut aussi se méfier des traitements
une évaluation individualisée des conduites et risques. L'ado- inducteurs enzymatiques, qui peuvent diminuer l'effica-
lescent peut poser des questions, rapporter une expérience cité de la pilule, notamment si elle est minidosée (rifamy-
gênante, discuter de sujets confidentiels. Il faut répondre aux cine, certains antiépileptiques, certains antirétroviraux qui
questions ou réajuster des idées fausses au sujet de l'anato- peuvent aussi entraîner une dyslipidémie). Le traditionnel
mie (la leur et celle de l'autre sexe), de la masturbation, des bilan sanguin (cholestérol, triglycérides, glucose à jeun) ne
règles, des éjaculations nocturnes, des rêves érotiques, du doit pas retarder la prescription : il peut être fait dans les 3 à
plaisir sexuel, etc. Dans une dynamique de prévention et 6 mois après l'instauration du traitement.
d'empowerment1, on discute avec l'adolescent de la notion On choisit toujours en 1re intention une pilule de 2e géné-
d'être « prêt(e) », l'aidant à améliorer ses compétences à expri- ration, dont le risque thromboembolique est plus faible et
mer ses désirs mais aussi à refuser une proposition sexuelle. qui présente l'avantage d'être remboursée par la sécurité
On rappelle les risques liés à l'altération du jugement en cas sociale. Le premier choix est une association de lévonorges-
de consommation d'alcool ou de drogues. On accompagne trel et d'éthinylœstradiol à la dose de 20 ou 30 μg, mono-
l'adolescent à ne pas développer une vision normée du com- phasique (ou bi ou triphasique). Le choix entre la prise
portement sexuel, afin qu'il ne se sente pas en décalage par séquentielle de 21 cp et une tablette à 28 cp dont 4 placebos
rapport à ce qu'il imagine des comportements de ses pairs2. à prendre en continu est laissé à l'adolescente. Il n'est pas
On peut aussi reconnaître l'influence des divers médias nécessaire d'attendre les prochaines règles pour la débuter,
sur les représentations sexuelles, que ce soit au travers de la un quick-start étant possible, sous réserve de bien informer
publicité, des jeux vidéo, des clips musicaux, et alerter les l'adolescente que la couverture contraceptive ne sera effi-
jeunes sur l'outrance et l'inauthenticité de la représentation cace qu'à partir du 8e jour.
de la sexualité dans les contenus pornographiques, notam-
ment ceux largement accessibles sur les « tubes » internet. Implant progestatif
Le pédiatre doit être à même de leur conseiller quelques L'implant diffusant une microdose d'étonogestrel durant
ressources documentaires (par exemple le site www.onsex- 3 ans est intéressant en cas de difficulté d'observance ou de
prime.fr ou le livret distribué par Santé publique France rythme de vie très irrégulier. Il entraîne dans 50 % des cas
Questions d'ados) et de les adresser si besoin à son réseau une aménorrhée, parfois mal vécue. Durant les premiers
local, notamment les Centres de planification ou d'éduca- mois d'utilisation, apparaissent volontiers des spottings voire
tion familiales. des saignements plus importants, qui conduisent à une
demande de retrait dans près d'un quart des situations. Il est
Première contraception déconseillé si le poids est supérieur à 90 kg.
La première consultation de contraception est un moment
marquant de la vie de l'adolescente. Elle affirme sa capacité
sexuelle et une certaine autonomie. L'examen clinique est Tableau 6.2 Contre-indications
systématique, mais l'examen gynécologique n'est pas indis- aux œstroprogestatifs.
pensable en l'absence de symptôme. Absolues Maladie thromboembolique ou antécédents
Parmi les jeunes filles sexuellement actives, 97 % familiaux : facteur V Leiden, déficit en
déclarent utiliser une contraception. Les méthodes les plus antithrombine III, en protéine S, en protéine C
employées sont la pilule seule (44 %), l'association pilule- Lupus
Hépatopathie active
préservatif (16 %) et le préservatif seul (30 %). Les autres
Migraine avec aura
méthodes, implant (3,5 %), anneau vaginal ou DIU (disposi- Diabète avec complication vasculaire
tif intra-utérin) sont peu utilisées. Le choix du mode contra- Cardiopathie thrombogène
ceptif repose en premier sur l'évaluation de l'adolescente Hypertension artérielle non contrôlée
elle-même, et donne lieu à un entretien où on commence Hypercholestérolémie > 3 g/L
par explorer ses connaissances sur les différentes méthodes Porphyrie
avant de délivrer des informations. Relatives Hyperlipidémie
Migraine apparue sous pilule
Obésité avec IMC > 30 kg/m2
Ou « capacitation » : amélioration du pouvoir d'agir.
1
Shunt gauche-droite
Tous les jeunes surestiment la prévalence de la sexualité au sein du
2
Hypertension artérielle traitée
groupe de pairs, mais ceux qui la surestiment le plus sont ceux qui
Diabète mal équilibré non compliqué
prennent le plus de risques sexuels.
158 Partie II. Spécialités
diurne ; la baisse de la vigilance diminue les performances retrouvent dans toute la psychopathologie de l'adolescent.
(notamment pour les épreuves de mémorisation) et majore Un épisode dépressif est souvent à l'origine des troubles
les réactions émotionnelles et l'irritabilité. La récupération du sommeil et doit être recherché et nommé (« Te sens-tu
pendant le week-end entretient le cercle vicieux du mauvais déprimé ? »). L'adolescent se plaint d'un sommeil peu répa-
sommeil de l'adolescent qui a spontanément tendance au rateur accompagné de mauvais rêves et de cauchemars, il est
décalage de phase. triste, restreint sa vie sociale et se confie difficilement. Puis
Un temps suffisant devrait être gardé pour parler du le trouble du sommeil aggrave la dépression.
sommeil à chaque consultation avec un adolescent. C'est Les réveils nocturnes prolongés ou les insomnies du petit
une bonne porte d'entrée pour aborder les difficultés qu'il matin sont plus rares et, lorsqu'ils se répètent plusieurs fois
peut rencontrer dans l'organisation de son temps car l'ado- par semaine et pendant plusieurs semaines sans cause rela-
lescent a tendance à maltraiter son sommeil pour acquérir tionnelle franche, sont à considérer avec beaucoup d'atten-
une autonomie en dehors des schémas parentaux. Lorsque tion car ils peuvent traduire des désordres psychiatriques
l'adolescent se plaint d'un mauvais sommeil et de ne pas être plus sévères.
en phase avec son environnement, et/ou si les troubles du L'insomnie conduit souvent à une automédication
sommeil deviennent préoccupants, on pourra le revoir avec préjudiciable.
un agenda de sommeil qui est un bon outil pour objectiver
la désorganisation des rythmes circadiens. Cela évite sou-
vent une prescription médicamenteuse. Causes médicales
Bien que rares chez l'adolescent, elles doivent être recher-
chées systématiquement chez un adolescent se plaignant
Syndrome de retard de phase d'un mauvais sommeil, peu récupérateur et d'une somno-
de l'adolescent lence diurne.
Très caractéristique de cet âge, il touche 7 % des adolescents ■ Les apnées du sommeil, qui se traduisent par des pauses
et se traduit par un retard progressif de l'heure du coucher, respiratoires répétées, des ronflements, des sueurs, qui
une diminution des heures de sommeil et des difficul- sont majorées par une consommation tabagique, une
tés pour se lever le matin. Le retard de phase, qui semble obésité, des antécédents allergiques, justifient d'une
banal au début, que l'adolescent lui-même recherche, est consultation spécialisée et d'un enregistrement du som-
un phénomène qui s'installe dans la durée et s'aggrave meil (polygraphie ventilatoire ou polysomnographie).
progressivement. ■ Plus rarement, un syndrome des jambes sans repos sera
Tous les écrans, les jeux vidéo, mais aussi le téléphone por- évoqué devant des mouvements répétés des membres
table, la musique, qui donnent au jeune un espace de liberté inférieurs.
lorsqu'il est dans sa chambre, majorent les stimulations ■ La narcolepsie entraîne au contraire une hypersomnie,
extérieures qui l'empêchent de s'endormir paisiblement. des accès de sommeil incontrôlables, des épisodes de
Au début, tant que l'adolescent continue à aller en classe, cataplexie. Il faut savoir y penser car elle justifie d'un trai-
le nombre d'heures de sommeil est impacté, puis la fatigue tement adapté.
accumulée l'empêche de se réveiller le matin et conduit à des ■ Le syndrome de Kleine-Levin est exceptionnel (hyper-
retards ou des absences scolaires répétés, une somnolence somnie et épisodes de désinhibition).
accrue, une baisse des performances, un désinvestissement. ■ L'hypersomnie dite idiopathique est un syndrome mal
Le risque encouru est celui de l'isolement et de la déscola- défini qui justifie une consultation spécialisée dans un
risation, voire une inversion complète du rythme jour-nuit. centre de sommeil, après avoir éliminé une dépression.
■ Les maladies chroniques, les douleurs, la prise de médi-
caments peuvent entraîner des troubles du sommeil.
Insomnies
Trente-sept pour cent des adolescents se plaignent d'insom-
nies occasionnelles et 19 % d'insomnies fréquentes. Elles Prise en charge
peuvent être favorisées par la prise d'excitants (café, tabac, L'agenda de sommeil, qui consiste à demander de noter
alcool), la consommation des écrans qui stimulent la vigi- les heures de coucher et de lever, les réveils nocturnes, les
lance et retardent la sécrétion de mélatonine, ou la pratique siestes ou les accès de somnolence, permet d'objectiver le
intensive d'un sport le soir qui augmente le métabolisme et rythme de sommeil hebdomadaire et la durée réelle du som-
la température et ne favorise pas le sommeil. Le cannabis, meil. Les outils connectés donnent également une bonne
qui peut donner à l'adolescent l'impression de s'endormir information sur l'organisation du sommeil. Il est toujours
plus facilement, entraîne rapidement une dépendance et utile de réexpliquer au jeune les rythmes fondamentaux et
modifie l'architecture du sommeil qui est plus morcelé avec notamment le fonctionnement de l'horloge biologique qui
diminution du sommeil paradoxal. régule les rythmes circadiens.
Les insomnies avec des difficultés d'endormissement L'hygiène de vie, l'impact de la consommation d'exci-
traduisent une anxiété parfois en relation avec des dif- tants, café, tabac, alcool ou drogues doivent lui être rappelés,
ficultés familiales, affectives ou scolaires. La plainte est de même que le rôle délétère de la luminosité des écrans et
souvent ancienne et isole l'adolescent qui n'en parle pas à de la réception de messages téléphoniques à toute heure de
ses parents. Il est somnolent dans la journée et accuse une la nuit.
baisse des résultats scolaires. Les troubles de l'humeur sont L'adolescent doit comprendre qu'il ne doit pas trop déca-
responsables d'idées noires et d'agressivité. Les insomnies se ler ses horaires les week-ends, les jours fériés et pendant les
160 Partie II. Spécialités
vacances, et s'il veut corriger un décalage de phase, il devra c ancers, etc.). La prise en charge de ce tiers de la population
se lever très régulièrement à la même heure et surtout ne pas adulte est un défi pour notre société et pour notre système
manquer les cours, la régularité des rythmes sociaux étant le de soins qui reste encore trop exclusivement orienté vers la
meilleur régulateur de l'horloge biologique. prise en charge des maladies aiguës.
Les adolescents ont mauvaise réputation parmi les spé-
Thérapies médicamenteuses cialistes qui les suivent pour maladie chronique, en pédiatrie
et en service d'adultes. Sont mises en avant : leurs prises de
Dans la grande majorité des cas, aucun traitement médica- risques multiples, leur observance thérapeutique médiocre,
menteux ne doit être prescrit car il ne faut perdre de vue que leur absence de ponctualité aux rendez-vous, les difficultés
la consommation d'hypnotiques commence souvent à cet relationnelles avec les parents, etc. Si ces difficultés existent,
âge et risque de se poursuivre pendant des années. elles ne rendent compte que d'une partie de ce que doivent
Les techniques de relaxation, la sophrologie, la lumino- affronter les adolescents atteints d'une affection chronique,
thérapie, la chronothérapie, les thérapies cognitives et com- tant les contraintes de celle-ci s'opposent frontalement
portementales qui reposent sur l'agenda de sommeil, sont à leurs besoins physiologiques et développementaux. La
utilisées dans les décalages de phase de l'adolescent pour tâche des adolescents, ainsi que celle de leurs parents et des
resynchroniser l'horloge biologique. soignants, est rude, puisqu'elle vise le double objectif d'un
La mélatonine est indiquée dans les retards de phase développement optimal et de soins adéquats, permettant le
sévères de l'adolescent. Elle agit comme un régulateur circa- meilleur avenir en termes de santé somatique et psychique
dien pour rétablir un rythme de sommeil plus satisfaisant, la et d'insertion sociale.
prescription doit être encadrée dans le temps et l'adolescent
revu régulièrement. Elle peut être prescrite sous forme de
gélules de mélatonine à libération immédiate de 1 ou 2 mg, à Impact de la maladie chronique
donner 20 à 30 minutes avant l'heure souhaitée du coucher. sur l'enfant, l'adolescent et sa famille
Des doses faibles sont suffisantes pour obtenir un effet hyp- La MC qui touche un enfant ou un adolescent a toujours des
notique, sans modifier l'architecture du sommeil. Les doses répercussions importantes sur son bien-être physique, psy-
fortes sont déconseillées. Le traitement doit s'accompagner chique, relationnel, et sur son développement. Son impact
de conseils pour une réorganisation du sommeil, afin d'ai- est également considérable sur la famille, les parents en pre-
der au rétablissement d'un rythme nycthéméral satisfaisant mier lieu, et la fratrie aussi.
en renforçant également les autres donneurs de temps. Il y a
peu d'effets secondaires (quelques céphalées, fatigue). Dans Annonce du diagnostic
le retard de phase de l'adolescent, le traitement est prescrit
pour 1 mois, renouvelable, jusqu'au rétablissement d'un L'irruption de la maladie, ou la découverte d'une anomalie
rythme de sommeil plus satisfaisant. Les préparations ven- grave est toujours un coup de tonnerre dans un ciel serein :
dues sur internet doivent être proscrites. le diagnostic tombe « comme un coup de massue » au cours
ou au décours d'un épisode aigu. Il peut soulager aussi
lorsqu'il vient éclairer des symptômes inquiétants inexpli-
qués qui évoluent parfois depuis longtemps. C'est toujours
un moment capital qui va déterminer en partie la façon dont
L'adolescent qui inquiète l'enfant ou l'adolescent et sa famille vont vivre avec la mala-
die. L'annonce doit être faite avec les deux parents et leur
enfant, par un médecin sénior connaissant bien la patholo-
Affections chroniques gie en cause, dans des conditions de calme et de disponibilité
(sans téléphone) permettant des échanges approfondis dans
Paul Jacquin le respect de l'intimité et de la confidentialité nécessaire.
Les maladies chroniques (MC) sont définies comme toute situa-
tion affectant pour une durée de plus de 6 mois l'état de santé Parents et famille
physique ou psychique d'une personne, et/ou son développe- Cependant, même faite dans de bonnes conditions, l'an-
ment dans le cas d'un enfant. Elles concernent en France un tiers nonce du diagnostic constitue toujours un traumatisme que
de la population adulte et environ 15 % des adolescents. les parents vont porter toute leur vie. C'est le deuil impos-
Ce chiffre est augmentation constante en raison de deux sible de l'enfant idéal, la blessure et le sentiment de culpabi-
facteurs : lité « de ne pas avoir été capable de protéger son enfant » de
■ d'une part, les progrès de la médecine permettent à de cette maladie ou de cette anomalie. Après la sidération, c'est
plus en plus d'enfants atteints d'affections ou de malfor- la tristesse et la douleur de voir son enfant qui souffre et/ou
mations graves, autrefois mortelles, de vivre aujourd'hui ; qui ne pourra pas avoir une vie normale. Ces sentiments,
■ d'autre part en raison de l'augmentation de pathologies auxquels se mêle la colère face à l'injustice de la maladie,
liées à un environnement délétère (allergies, obésité, peuvent envahir totalement et durablement les parents
addictions, pathologies mentales). qui peuvent ressentir que leur vie s'est arrêtée lors de cette
Pour la plupart des jeunes atteints, ces pathologies se pour- annonce.
suivront à l'âge adulte où ils seront rejoints par le flux des Pourtant, la vie familiale va se réorganiser tant bien
maladies chroniques apparaissant chez l'adulte (pathologies que mal et l'un des parents, la mère le plus souvent, va être
cardiovasculaires et métaboliques, neurodégénératives, obligé de modifier considérablement sa vie personnelle et
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 161
professionnelle pour répondre au mieux aux besoins de La scolarité, premier espace de socialisation, est très
l'enfant : faire les soins (et se former pour cela), assurer la largement impactée par la plupart des MC, en raison des
garde et les contraintes horaires, les consultations, les hos- absences répétées, des douleurs et de la fatigabilité, de l'im-
pitalisations, le régime alimentaire, le stockage de médica- possibilité de participer à toutes les activités. Cependant, il
ments ou de matériel médical, etc. Les aspects sociaux et existe plusieurs dispositifs réglementaires destinés à l'inté-
financiers (cf. chapitre 8) de la pathologie doivent être bien gration de l'enfant permettant l'adaptation de la scolarité en
pris en charge : demande de prise en charge à 100 % par fonction de son état : PAI (projet d'accueil individualisé), ou
la sécurité sociale, inscription si besoin à la Maison dépar- sur indication de la MDPH, tiers temps, AVS (auxiliaire de
tementale des personnes handicapées (MDPH), aide de la vie scolaire), PPS (projet personnalisé de scolarisation).
Caisse d'allocations familiales. De même, les échanges avec les pairs peuvent être res-
L'attention portée aux parents dans les premiers mois de la treints en raison des contraintes de traitement, de régime,
maladie par les services de soins hospitaliers, et la qualité de de matériel : les sorties entre copains sont limitées, les invi-
l'accompagnement proposé (éducation thérapeutique, soins tations chez les autres compliquées (aller dormir une nuit,
à domicile, soutien psychologique), sont aussi importantes ou pour des vacances). Ces situations exposent au risque de
que pour l'adolescent atteint, de façon à les aider à émerger désocialisation et de stigmatisation, même lorsqu'elles sont
du traumatisme et à pouvoir penser à nouveau l'avenir. compensées par les attentions des parents qui font le maxi-
Généralement, l'enfant atteint de MC bénéficie d'un mum pour éviter toute différence avec les autres.
surinvestissement et d'une surprotection parentale, situa- À l'adolescence, tout change, ou devrait changer. Les
tion de compensation positive de sa condition, au risque de relations et sorties ne peuvent plus demeurer sous le contrôle
freiner sa socialisation et de compliquer son autonomie à parental, l'adolescent a soif de liberté et d'autonomie. Il a
l'adolescence. besoin de construire de nouvelles relations avec des pairs aux-
Des représentations et réinterprétations personnelles et quels il puisse s'identifier, de vivre des nouvelles expériences.
culturelles de la maladie vont apparaître. Elles permettent La maladie s'oppose frontalement à ce fort besoin de « nor-
d'atténuer la violence de la maladie en l'inscrivant dans malité » caractéristique de l'adolescent. Face aux besoins
l'histoire familiale : « c'est à cause de la mort du grand- d'action, d'expériences nouvelles et de construction, la MC
père… du stress de tel évènement… », parfois d'un secret de impose la passivité : contraintes de traitements, d'horaires
famille. À l'inverse, elles peuvent faire porter « la faute » sur (attentes) régime alimentaire, handicap, symptômes phy-
certains membres de la famille, surtout si la maladie a un siques (douleurs, fatigue, malaises, etc.). De cette opposition
caractère familial ou génétique. Ces représentations sont découlent diverses stratégies d'adaptation qui vont souvent
importantes à interroger, elles peuvent être une aide ou un compromettre l'observance thérapeutique (cf. infra) :
obstacle à la compréhension de la maladie et à l'observance ■ essais et expérimentations, plus ou moins contrôlés, mais
thérapeutique. allant vers l'apprentissage et la réappropriation de la
maladie ;
Âge au diagnostic ■ ou au contraire, prise de risques, refus des contraintes
Lorsqu'il s'agit d'une révélation anté ou périnatale, ou dans thérapeutiques, dissimulations, déni, dont les consé-
la première enfance, ce sont les parents seuls qui reçoivent quences peuvent être rapidement graves.
l'annonce et l'enfant grandit avec la maladie, qui fait partie Les transformations pubertaires et la croissance, si cen-
de sa vie et de son identité. La situation est très différente trales à l'adolescence, sont fréquemment impactées par la
à l'adolescence ou dans les années la précédant, car l'ado- maladie (maladies inflammatoires, anémies constitution-
lescent reçoit cette annonce avec ses parents. La maladie nelles, maladie à composante nutritionnelle, etc.) ou par les
frappe un sujet dont la construction identitaire a déjà large- effets secondaires des traitements (corticoïdes, immunosup-
ment commencé sur des bases de « normalité » somatique : presseurs, chimiothérapie, etc.) :
l'adolescent peut s'opposer ou résister au diagnostic, les ■ retard pubertaire fréquent ;
parents ne sont pas les seuls responsables, il y a d'emblée une ■ déficit statural, pondéral ou, au contraire, surpoids/
répartition des tâches possible. Ces situations n'épargnent obésité ;
pas l'adolescent d'un sentiment de culpabilité vis-à-vis de ses ■ signes visibles tel qu'hirsutisme, faciès cushingoïde, cica-
parents : « si je n'avais pas été malade, mes parents auraient trices, appareillage.
été plus heureux », mais elles permettent plus de jeu et de Ces altérations de l'image corporelle compliquent la
conflits entre acceptation de la maladie et refus ou révolte : construction de l'identité, même sans atteintes visibles, par
« pourquoi moi ? ». Acceptation est un terme inapproprié, car le sentiment d'être différent ou malade. Les questions d'iden-
la maladie reste toujours inacceptable : le sujet n'a pas ce tité et de normalité, au centre de la sexualisation physique,
choix-là. En revanche, il lui faut construire ou reconstruire psychique et relationnelle, se posent avec plus d'acuité :
son identité d'adolescent puis d'adulte, avec une maladie. « vais-je être capable de plaire et d'aimer, qui va m'aimer ? ».
S'y rajoutent, dans le cas de la MC, les questions spécifiques
de fertilité, d'hérédité et de transmission de la maladie.
Être adolescent et malade Les conduites d'essai et les conduites à risques concernent
Le souci premier de l'adolescent est d'être « normal, comme autant les adolescents atteints de MC que les autres. Il est donc
les autres », ce à quoi s'oppose la MC sur tous les plans. Qu'il important d'aborder avec eux, suffisamment tôt, la sexualité
soit malade depuis l'enfance ou seulement à l'adolescence, il (ainsi que la grossesse et la contraception), les consomma-
est ramené en permanence à ses différences, ses limitations tions (tabac, alcool, cannabis) et leurs particularités éven-
et handicaps, même si la maladie n'est pas visible. tuelles en fonction de la pathologie.
162 Partie II. Spécialités
Point sur la maladie et les traitements Encadré 6.6 Les 4 acteurs de la maladie
Plusieurs étapes clés au cours de l'adolescence peuvent être chronique
schématiquement individualisées : ■
Patient : connaissances, capacités cognitives, représentations
■ l'entrée dans l'adolescence (entrée au collège), âge où il de la maladie, estime de soi, culpabilité, honte
est souhaitable de refaire une annonce diagnostique pour ■
Parents : soutien/contrôle, ambivalence, intrusion, abandon,
ceux qui sont malades depuis l'enfance ; anxiété, culpabilité, secret
■ le milieu d'adolescence : interférences entre la MC et les ■
Pairs : informés de la maladie, soutenants, stigmatisants
nouvelles expériences, la sexualisation, l'autonomisation ; (maladie visible ou non)
■ le passage en adulte (transition) ; ■
Soignants : qualité de la relation, confiance, confidentialité,
■ et idéalement un 1 ou 2 ans après le passage en adulte. conditions d'accueil et de rendez-vous, burn-out
L'évaluation de la situation du jeune avec sa maladie peut
être déclinée selon 3 temps et 4 acteurs de la MC (enca-
drés 6.5 et 6.6).
C'est à partir de cette évaluation globale que les équipes concerne pas que les seuls adolescents mais également lar-
de soins spécialisées ajustent le programme d'éducation gement les adultes.
thérapeutique du patient, et si besoin des parents, pour Cependant, on a vu que les adolescents ont des besoins
avancer vers l'autonomie et vers la transition en service physiques, psychiques et sociaux qui les exposent particu-
pour adultes. lièrement à ne pas se soumettre à la règle médicale et à ses
obligations.
La meilleure approche de l'observance est de considérer
Observance et adhésion thérapeutique que cette question fait partie de toute prise en charge d'une
L'observance thérapeutique est définie comme le degré MC. L'adhésion du patient se construit avec lui, sur chacun
d'adéquation entre une prescription médicale (régime, médi- des aspects du suivi de sa pathologie : examens médicaux
caments, changement de comportement, etc.) et sa réalisation et surveillance, traitements, régimes, etc. Cela suppose une
par le patient. Les conséquences d'une mauvaise observance bonne information et une bonne formation des patients
sont graves en termes de morbidité (perte de greffon, résis- (ETP) sur les buts et effets des traitements, y compris les
tance aux anti-infectieux, complications médicales aiguës ou effets « secondaires » souvent considérés comme primaires
dégénératives), de mortalité et de dépenses de santé. par les patients, l'efficacité sur les symptômes ressentis,
C'est une problématique majeure de la vie avec une l'efficacité biomédicale (examens complémentaires). Du
maladie chronique qui, contrairement aux idées reçues, ne côté des soignants, il faut savoir entendre le ressenti des
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 163
patients, notamment sur le temps passé autour des soins et Ces hospitalisations, généralement de plusieurs mois, ont
des rendez-vous, la faisabilité des traitements (nombre de souvent des effets très positifs à court terme. En dehors de
prises, goût, douleur, visibilité, etc.) afin de comprendre les son environnement habituel, le jeune accepte plus facile-
« aménagements » qu'ils sont tentés de faire. La répartition ment d'être aidé : il bénéficie du regard d'adultes et de pairs
des tâches entre parents et adolescent doit être optimisée : sans a priori sur lui, lui permettant d'expérimenter une autre
pas trop interventionniste, sans laisser trop d'autonomie. Il façon d'être soi et de vivre avec sa maladie.
peut être nécessaire de faire appel à un infirmier à domicile Le revers de la médaille concerne le retour dans le milieu
dans les périodes les plus difficiles, qui aide sur le plan tech- de vie habituel. La régression est fréquente et les bénéfices
nique les soins et soutient l'adolescent, tout en faisant tiers s'effaçant peuvent rapidement faire place au sentiment d'un
par rapport aux parents. échec supplémentaire, puisqu'on n'a pas été capable de
Les mécanismes psychologiques de la non-adhésion maintenir les progrès acquis. Les parents aussi peuvent pas-
doivent être identifiés : s'agit-il d'un simple découragement ser du soulagement et du répit que constituent ces séjours au
ou d'éléments dépressifs sous-jacents, avec le sentiment constat déprimant de difficultés retrouvées inchangées. Les
que « fichu pour fichu… », autant tout lâcher ? Est-on face à séjours en SSR ne sont pas une solution de facilité et doivent
un déni de la maladie, des convictions erronées, ou encore être soigneusement préparés. Ensuite, la période de sépara-
une attitude de défi et de pensée magique ? Dans d'autres tion doit permettre qu'un travail soit fait avec l'adolescent
cas, se maltraiter est un équivalent suicidaire, et doit être et avec les parents (entretiens familiaux) pour préparer le
reconnu comme tel. La position des parents doit également retour à la maison.
être décryptée, car elle est l'un des éléments permettant de
comprendre ce que vit l'adolescent. Au-delà des reproches et Passage de la pédiatrie aux services
des conflits habituels entre parents et adolescents autour de pour adultes : la transition
la maladie, sont-ils eux aussi dans le déni, ou déprimés, bais-
sant les bras, ou se sentent-ils abandonnés ? La collaboration Le passage du suivi pédiatrique aux services de soins pour
avec les psychologues et les différents membres de l'équipe adultes (SA) constitue toujours une épreuve. Quitter un
pluridisciplinaire est nécessaire pour aider le jeune à trouver milieu de soins familier, dans lequel les liens sont sou-
le meilleur compromis avec la maladie. Les parents et les vent forts et anciens, pour l'inconnu n'est jamais aisé, et
soignants ont également besoin de comprendre ce que vit le ce d'autant moins que cela intervient à une période de la
jeune pour continuer à le soutenir positivement. vie plutôt instable, avec de nombreux changements de vie :
L'entretien motivationnel est une technique très utile et fin de la scolarité, engagement dans des études ou vers la
efficace pour améliorer l'adhésion thérapeutique du patient. vie professionnelle, abandon du domicile familial, etc. De
plus, si de nombreux adolescents et jeunes adultes aspirent
à plus d'autonomie, ils sont également pleins d'incertitudes,
Hospitalisation sur leurs propres capacités à être autonomes, et souvent sur
Le parcours d'un adolescent atteint de maladie chronique les compétences de la nouvelle équipe qui va les prendre en
comporte souvent de nombreuses périodes d'hospitalisation : charge.
en urgence, parfois dans un contexte de menace vitale, ou La réussite de ce passage engage la qualité de vie des
pour des observations plus prolongées ou des bilans program- patients. En effet, s'il échoue, c'est-à-dire si le jeune n'est
més. Les conditions d'hospitalisation sont essentielles pour plus suivi ni en adulte ni en pédiatrie, les conséquences sont
le patient qui n'en retient souvent que l'inconfort, l'attente, graves : complications aiguës plus fréquentes, et complica-
la douleur, l'ennui, l'absence d'intimité, etc. Les conditions tions chroniques ou secondaires dépistées plus tardivement
d'accueil des adolescents, si possible dans des unités dédiées et moins bien traitées.
ou dans un secteur où l'on peut les regrouper, doivent être La transition est un processus long qui débute bien en
pensées pour limiter au maximum ces conséquences néga- amont du passage et se termine lorsque l'accrochage est jugé
tives. En effet, celles-ci sont ressenties par l'adolescent comme satisfaisant en adulte. Elle doit être anticipée et annoncée
autant d'éléments « à charge » contre sa maladie et donc dès le début de l'adolescence, c'est une étape qui s'inscrit
défavorables à son adhésion. Le retentissement des hospita- dans le projet de vie. Elle doit être préparée, planifiée et
lisations sur la socialisation et sur la scolarité peut être égale- structurée, en prenant en compte :
ment très négatif. Il doit être anticipé et pallié par des services ■ des éléments individuels (complexité des soins, gravité de
appropriés intervenant auprès du patient hospitalisé (ensei- la maladie, maturité, autonomie) ;
gnants de l'Éducation nationale ou associations spécialisées). ■ l'implication de l'adolescent et de ses parents dans le
choix des objectifs et des priorités ;
■ l'environnement du jeune (famille et soutiens, accessibi-
Services de soins de suite lité des aides et des soins) ;
et de réadaptation (SSR) ■ le système de soins local ou régional (proximité ou éloi
Conçus pour permettre aux enfants et adolescents de pour- gnement des services de pédiatrie et SA).
suivre une scolarité tout en bénéficiant de soins adaptés, c'est L'objectif primordial de la transition, c'est d'aboutir est
une ressource importante dans le parcours de soins des ado- à un suivi effectif en SA, c'est-à-dire d'éviter les perdus de
lescents atteints de MC, pouvant répondre à de nombreuses vue et qu'une relation de confiance entre le jeune et la nou-
situations difficiles : absentéisme scolaire lié à la pathologie, velle équipe puisse s'établir. Elle requiert des liens vivants
éducation thérapeutique et apprentissage des auto-soins, entre la pédiatrie et les SA pour une réelle co-construction
difficultés d'observance ou d'autonomisation, etc. d'un parcours de soins sécurisé.
164 Partie II. Spécialités
(nausée fonctionnelle, vomissement fonctionnel, douleur L'examen médical doit être complet, comme habituelle-
fonctionnelle, constipation, syndrome du côlon irritable, ment en pédiatrie, afin d'éliminer une cause organique et
dyspepsie fonctionnelle, etc.). Et 25 % des enfants/adoles- évaluer le retentissement corporel des symptômes comme
cents présentant des douleurs abdominales récurrentes vont une fonte musculaire par exemple.
devenir des adultes avec un syndrome du côlon irritable. Les examens complémentaires doivent être ciblés, pour
éliminer les différents diagnostics organiques possibles, mais
sans en faire trop car cela ne rassure pas les familles finalement.
Que sait-on sur la douleur chronique
fonctionnelle ?
Sur le plan neurosensoriel, les nouvelles données de l'ima- Évaluation psychiatrique
gerie fonctionnelle indiquent que le développement et le La fréquence des comorbidités psychiatriques et leur
maintien d'une douleur chronique – qu'elle soit d'origine influence dans le traitement des troubles somatoformes
organique ou non – induisent des changements à long obligent à avoir un diagnostic précis. On recherche en
terme au niveau du système nerveux central et contribuent à particulier un trouble de l'humeur, un trouble anxieux, un
l'expérience individuelle actuelle et ultérieure de la douleur. trouble de personnalité. Une consultation en pédopsychia-
Les changements se font sur les plans structural, fonctionnel trie n'est pas nécessaire à ce stade, le médecin de l'enfant/
et neurochimique. En particulier, l'exposition chronique à la adolescent évalue les différents éléments.
douleur pourrait causer une diminution de la matière grise
du cortex préfrontal similaire quelle que soit l'origine de la Évaluation des facteurs environnementaux
douleur. Le centre de la douleur n'est pas une entité distincte
On recherche la présence de symptômes ressemblant chez
et unique mais un réseau qui implique diverses structures,
des membres de la famille ou des amis. La place du symp-
différentes en fonction des individus. Il y a donc de plus en
tôme dans la dynamique familiale et le retentissement sur
plus d'arguments pour penser qu'au niveau cérébral, la dou-
la fonctionnalité de l'enfant/adolescent sont à évaluer dès la
leur chronique donne les mêmes conséquences quelle que
première rencontre.
soit son origine, organique ou non. Aussi, la prise en charge
doit être la même, qu'il s'agisse de douleur en lien avec un
syndrome d'Ehlers-Danlos par exemple ou d'une origine Évaluation globale de l'adolescent
indéterminée répondant aux critères de somatisation. Comme pour toute consultation avec un adolescent, le
Les structures de la douleur chronique sont en lien étroit contexte de vie de celui-ci est indispensable à la compréhen-
avec les fonctions d'apprentissage, de mémoire et de réponse sion du symptôme. Un questionnaire type HEADSS permet
émotionnelle, ce qui explique probablement la fréquence de ne rien oublier lors de l'entrevue (cf. encadré 6.1).
des comorbidités. Celles rapportées le plus fréquemment
sont la diminution de la fonctionnalité physique, les troubles
du sommeil, la fatigue et les problèmes cognitifs comme les Cette première rencontre, nécessairement longue, a plusieurs
difficultés de concentration, des atteintes à la mémoire de buts : faire le diagnostic, créer un lien, permettre au jeune et
travail et la diminution de la performance. Des problèmes à sa famille de se sentir écoutés dans leurs plaintes et non
émotionnels peuvent aussi y être associés, tels que l'anxiété jugés. Cette consultation a déjà des valeurs thérapeutiques si
ou la dépression, qui peuvent constituer à la fois une cause et le médecin est à l'écoute et s'il semble savoir comment aider le
une conséquence de la douleur chronique. Les adolescents patient sans le renvoyer par un rapide « ça va passer » ou « c'est
dans ta tête ». De plus, cela permet à l'enfant ∕ adolescent de se
atteints de douleur chronique quelle que soit son origine ont
rendre compte de l'impact fonctionnel du symptôme, et à quoi il
plus d'idées suicidaires (× 1,3) et font plus de tentatives de renonce à cause de lui.
suicide (× 2,1). En présence de symptômes sévères de soma-
tisation, le risque de dépression majeure à 4 ans est signifi-
cativement plus important que dans la population générale,
alors qu'aucun trouble spécifiquement émotionnel n'était Quelles sont les possibilités
détecté au départ. Pour les enfants d'âge scolaire, ceux pré- thérapeutiques ?
sentant des symptômes somatiques fréquents ont significati- La revue de la littérature de Liossi parue dans Pediatrics en
vement plus de problèmes comportementaux et affectifs que 2016 explique que l'approche biopsychosociale est indis-
ceux qui n'en ont pas. pensable à la prise en charge de la douleur chronique,
en raison de l'intrication extrême des composantes de la
Que faire devant un enfant/adolescent douleur : facteurs neurosensoriels, affectifs, sociocultu-
suspect de somatisation ? rels, comportementaux et cognitifs. Les modifications de
la substance grise au niveau frontal s'améliorent avec une
Évaluation physique prise en charge biopsychosociale, là encore, quelle que soit
L'histoire clinique doit porter principalement sur le ou les l'origine de la douleur. Il en est de même de tous les symp-
symptômes actuels mais aussi sur l'histoire médicale et l'exis- tômes somatoformes.
tence de symptômes identiques antérieurs. Il est important À l'instar de ce qui est fait en cas de douleur chronique,
de s'attarder sur les différentes plaintes, non seulement pour la règle dite des « 3P » (physiothérapie, psychothérapie et
avoir la meilleure vision possible du trouble, mais aussi pour pharmacothérapie) peut être proposée. Elle sera adaptée aux
avoir une idée d'ensemble du ressenti du patient. symptômes présentés.
166 Partie II. Spécialités
une prise ne charge en cabinet est tout à fait possible en col- Tableau 6.3 Causes organiques et psychiatriques
laboration avec d'autres professionnels tels que kinésithéra- de diminution de l'appétit.
peute, psychologue etc. Le rôle du pédiatre ou du médecin de
Causes Maladies inflammatoires du tube
l'enfant/adolescent est primordial afin que cet être en devenir gastro-entérologiques digestif, gastrite, pancréatite,
ne soit pas un adulte somatisant dont la place dans la société hépatite, maladie cœliaque,
se résume à une place de malade. parasitose, achalasie de l'œsophage
Au total, la prise en charge des troubles somatoformes est Causes endocriniennes Diabète de type 1, hyperthyroïdie
surtout une question de temps, d'écoute et de soutien de toute
Causes métaboliques Insuffisance rénale
la famille. On doit rechercher une amélioration de la qualité
de vie et non une absence de symptômes. Cela demande au Causes tumorales Tumeur cérébrale
médecin de se mettre dans une position inhabituelle d'im- Causes infectieuses Tuberculose
puissance et de mise en échec partielles qu'il faut savoir tolé-
Causes médicamenteuses Méthylphénidate, fluoxétine,
rer un temps avant de voir se développer une amélioration. topiramate
Causes psychiatriques Dépression, stress post-traumatique
pesée des aliments, mesure du tour de cuisse avec un peuvent être hebdomadaires puis mensuelles, selon l'im-
mètre-ruban de couturière. portance de la restriction, de l'état physique et du contexte
■ Obsessions autour de la nourriture : les aliments, les environnemental.
c alories, les temps de repas envahissent les pensées Les examens complémentaires clés sont un ionogramme
(cognitions anorexiques). sanguin (recherche d'une hyponatrémie secondaire à une
■ Dysmorphophobie : l'adolescent se voit plus gros qu'il intoxication à l'eau, d'une hypokaliémie avec hypochlorémie
n'est (cuisses, ventre) ou ne se rend pas compte de son et alcalose le plus souvent conséquence de vomissements,
état de maigreur. Il existe aussi souvent une « dysmor- d'une insuffisance rénale, d'une hypophosphorémie qui
phophobie de l'assiette » : « J'ai plus de purée dans mon sera corrigée avant renutrition), une NFS (neutropénie fré-
assiette que toi… » quente), un dosage des transaminases et, en cas de vomisse-
■ Hyperactivité physique : station debout prolongée, course ments ou d'hypokaliémie, un ECG.
à pied, abdominaux, gainage, passage d'une activité spor- Certaines situations d'urgence (tableaux 6.4 à 6.6) néces-
tive en groupe à une activité physique solitaire. sitent une hospitalisation en pédiatrie, de préférence dans
■ Hyperinvestissement scolaire (préoccupation excessive une unité dédiée aux adolescents.
pour les résultats scolaires avec résultats souvent en En dehors de ces situations, les objectifs thérapeutiques
hausse). initiaux sont un arrêt de la perte de poids, puis une reprise
■ Conduites de purge : vomissements provoqués, prise de pondérale avec, pour finalité à moyen terme, le retour au
laxatifs. percentile de corpulence prémorbide (en dehors d'une obé-
■ Potomanie : quantité d'eau bue excessive dont thé, tisanes sité pré-anorexie), une reprise progressive d'une alimenta-
et cafés. tion diversifiée et, le cas échéant, un arrêt des vomissements
■ Contrôle par l'adolescent de l'alimentation d'un membre et une réduction des apports hydriques.
de son entourage (mère, sœur jumelle). L'alliance thérapeutique est essentielle avec les deux
■ Volonté de faire un régime alors que la corpulence est parents et l'adolescent même si leurs aspirations peuvent ini-
normale. tialement diverger. Les parents sont généralement les meil-
■ Aménorrhée secondaire chez une adolescente pubère. leurs alliés face à ces maladies. Le médecin conseillera les
parents ou les orientera vers un diététicien si leurs repères
alimentaires sont faussés (ce qui peut être le cas lorsqu'un
Diagnostic
des parents souffre d'un TCA).
Le diagnostic peut être fait à partir des critères du DSM-5 ou
de la classification internationale de maladies (CIM). Il doit Prise en charge pluridisciplinaire et orientation
être énoncé clairement, sans stigmatisation ni banalisation.
Il est essentiel d'expliquer qu'il s'agit d'un mode d'adaptation En l'absence d'amélioration, le médecin poursuivra les
à un mal-être préexistant. consultations tout en ayant recours à des collaborateurs
Le trouble de l'alimentation sélective et évitante concerne de proximité : thérapeutes familiaux, psychologue clini-
généralement des adolescents plus jeunes que dans l'ano- cien, nutritionniste, psychomotricien, etc. Le médecin doit
rexie mentale et la proportion des garçons (30 %) est plus encourager les échanges réguliers avec les autres profes-
grande. sionnels pour une prise en charge solide et cohérente, avec
l'accord de l'adolescent et de sa famille.
S'il n'y a pas de réseau local ou en l'absence d'amélioration
Suivi et accompagnement de l'adolescent après 6 mois, outre la poursuite des consultations, l'adolescent
et de ses parents pendant quelques semaines doit être adressé à un spécialiste des TCA : pédiatre médecin
Le médecin note poids, taille et stade de développement d'adolescents ou pédopsychiatre spécialisé en TCA.
pubertaire. Le pouls et la PA sont mesurés couchés, au Il existe un annuaire national des centres de soins TCA
repos, et après 3 minutes debout. La fonte adipeuse et la avec les MDA (maisons des adolescents), services de pédia-
force musculaire sont évaluées. Les courbes de croissance trie-médecine pour adolescents, services de pédopsychiatrie
et de corpulence sont réalisées à la recherche de chan- et services adultes, service d'accueil téléphonique sur le site
gements de couloirs (fig. 6.3 et 6.4). Les consultations de la Fédération française anorexie boulimie (FF-AB).
170 Partie II. Spécialités
190 110
185
180 105
+3e.t.
175 +2e.t. 100
170
+1e.t.
165 95
160 M
155 –1e.t. 90
150 –2e.t.
145 85
140 Taille –3e.t.
80
135
130 75
125
120 70
115
110
97e 65
Taille (cm)
90e
Poids (kg)
105 60
100 75e
95 55
90 50e
85 25e
50
80 10e 45
75 3e
70 40
65
60 35
55
50 30
45 25
40
35 20
30 Poids
25 15
20
15 10
10 5
5
0 0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
Âge (années)
Fig. 6.3 Chute du poids et arrêt de la croissance staturale chez une jeune fille de 12 ans. Poids : 23,0 kg ; taille : 152,0 cm ; indice de masse
corporelle : 9,95 kg/m2.
32
31
30 iotf30**
29
28
27
26 degré 2 97e
Obésité
IMC : Poids (kg)/Taille (m)2
25
24 90e
23
22 degré 1 75e
21
50e
20
19 25e
18 10e
17 3e
16
15
14
13
12
11 Insuffisance pondérale
10
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
Âge (années)
Fig. 6.4 Chute de la corpulence chez une jeune fille de 12 ans (jeune fille de la fig. 6.3). La courbe de corpulence est également appelée
courbe de l'indice de masse corporelle (IMC).
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 171
Tableau 6.4 Critères somatiques d'hospitalisation Motivation, – Échec antérieur d'une prise en charge
.
coopération ambulatoire bien conduite
Anamnestiques – Perte de poids rapide : > 2 kg/semaine
– Patient peu coopérant, ou coopérant
– Refus de manger : aphagie totale
uniquement dans un environnement de soins
– Refus de boire
très structuré
– Lipothymies ou malaises d'allure
– Motivation trop insuffisante, rendant impossible
orthostatique
l'adhésion aux soins ambulatoires
– Fatigabilité voire épuisement évoqué par le
patient HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010. Nous remercions la
Haute autorité de santé et la FFAB – Fédération française anorexie boulimie
Cliniques – IMC < 14 kg/m2 au-delà de 17 ans, ou
(anciennement AFDAS-TCA), www.ffab.fr, de nous avoir autorisés à reproduire
IMC < 13,2 kg/m2 à 15 et 16 ans, ou IMC
ce tableau. Il est également consultable sur le site www.has-sante.fr rubrique.
< 12,7 kg/m2 à 13 et 14 ans
Toutes nos publications.
– Ralentissement idéique et verbal, confusion
– Syndrome occlusif
– Bradycardies extrêmes : pouls < 40/min quel
que soit le moment de la journée
– Tachycardie
Tableau 6.6 Critères environnementaux
– Pression artérielle systolique basse
d'hospitalisation
.
(< 80 mmHg) Disponibilité – Problèmes familiaux ou absence de famille
– PA < 80/50 mmHg, hypotension de l'entourage pour accompagner les soins ambulatoires
orthostatique mesurée par une – Épuisement familial
augmentation de la fréquence cardiaque
> 20/min ou diminution de la PA Stress – Conflits familiaux sévères
> 10–20 mmHg environnemental – Critiques parentales élevées
– Hypothermie < 35,5 °C – Isolement social sévère
– Hyperthermie Disponibilité des Pas de traitement ambulatoire possible par
Paracliniques – Acétonurie (bandelette urinaire), soins manque de structures (impossibilité du fait de
hypoglycémie < 0,6 g/L la distance)
– Troubles hydroélectrolytiques ou Traitements Échec des soins ambulatoires (aggravation ou
métaboliques sévères, en particulier : antérieurs chronicisation)
hypokaliémie, hyponatrémie,
hypophosphorémie, hypomagnésémie (seuils HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010. Nous remercions la
non précisés chez l'enfant et l'adolescent) Haute autorité de santé et la FFAB – Fédération française anorexie boulimie
– Élévation de la créatinine (> 100 μmol/L) (anciennement AFDAS-TCA), www.ffab.fr, de nous avoir autorisés à reproduire
– Cytolyse (> 4 × N) ce tableau. Il est également consultable sur le site www.has-sante.fr rubrique.
– Leuconeutropénie (< 1 000/mm3) Toutes nos publications.
– Thrombopénie (< 60 000/mm3)
HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010. Nous remercions la
Haute autorité de santé et la FFAB – Fédération française anorexie boulimie
(anciennement AFDAS-TCA), www.ffab.fr, de nous avoir autorisés à reproduire Pratiques addictives
ce tableau. Il est également consultable sur le site www.has-sante. fr rubrique. Nicolas Bonnet
Toutes nos publications.
L'abord pédiatrique des addictions de l'enfant et de l'ado-
Tableau 6.5 Critères psychiatriques lescent est trop peu fréquent. Pourtant les pédiatres, les
d'hospitalisation médecins généralistes et autres soignants sont confrontés
.
aux risques d'addiction.
Risque – Tentative de suicide réalisée ou avortée Prendre en charge l'enfant ou l'adolescent, c'est aussi tra-
suicidaire – Plan suicidaire précis
– Automutilations répétées
vailler avec les familles, les associations et l'école. On peut,
dans ces domaines, développer des expériences originales à
Comorbidités Tout trouble psychiatrique associé dont l'intensité inscrire dans l'organisation des soins.
justifie une hospitalisation :
Par définition, les addictions « vraies » sont rares à
– dépression
– abus de substances l'adolescence et, dans la plupart des cas, la dépendance
– anxiété n'est pas établie. Néanmoins, quel que soit leur degré,
– symptômes psychotiques qu'elles soient avec ou sans produit, les pratiques addic-
– troubles obsessionnels compulsifs tives interfèrent avec des éléments essentiels du déve-
Anorexie – Idéations obsédantes intrusives et permanentes, loppement de l'enfant : alimentation, jeu, découverte de
mentale incapacité à contrôler les pensées obsédantes nouvelles sensations, etc.
– Renutrition : nécessité d'une renutrition Au-delà de la diversité de leurs propriétés, toutes les
par sonde nasogastrique, ou autre modalité substances psychoactives agissent sur les systèmes régu-
nutritionnelle non réalisable en ambulatoire lateurs des émotions et du plaisir et impliquent des com-
– Activité physique : exercice physique excessif
et compulsif (en association avec une autre
portements semblables. Le concept de pratique addictive
indication d'hospitalisation) constitue une approche unitaire et globale, qu'il concerne
– Conduites de purge (vomissements, laxatifs, un produit ou un comportement. Ce concept est justifié
diurétiques) : incapacité à contrôler seul des par des similitudes comportementales expliquées par des
conduites de purge intenses mécanismes neurobiologiques communs.
172 Partie II. Spécialités
Usages de substances psychoactives eux une popularité importante de ce mode d'usage. L'usage de
la e-cigarette se concentre, tout comme en population adulte,
Vue d'ensemble principalement chez les fumeurs de cigarettes.
L'expérimentation et parfois l'entrée dans des consommations
régulières pour les principaux produits psychoactifs (tabac, Consommations de tabac, d'alcool
alcool et cannabis) ont souvent lieu avant la majorité (18 ans). La et de cannabis
plupart des usagers à l'âge adulte déclarent même une initiation
précoce durant les premières années de l'adolescence. Il convient Les données présentées proviennent des enquêtes menées
donc d'observer avec attention les jeunes et leurs usages. par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies
Dans un environnement marqué par une forte présence (OFDT) :
et disponibilité des substances (licites comme illicites), ■ ESPAD : European School survey Project on Alcohol and
les expérimentations sont des événements courants qui other Drugs qui a lieu tous les 4 ans et qui concerne un
répondent principalement à des enjeux de sociabilité et échantillon représentatif d'élèves de 16 ans ;
permettent aux jeunes garçons et filles de renforcer les liens ■ HBSC : Heath Behavior in School aged Children qui a lieu
avec leurs pairs. Les ressentis vis-à-vis des consommations tous les 4 ans et qui concerne trois échantillons nationaux
sont cependant très variables d'un produit à l'autre et ce, dès représentatifs des enfants de 11, 13 et 15 ans ;
le stade de l'initiation. Ainsi, le tabac apparaît-il fortement ■ ESCAPAD : enquête sur la santé et les consommations
stigmatisé pour sa nocivité alors que les consommations lors de l'appel de la préparation à la défense réalisée par
d'alcool, globalement associées à des situations et circons- l'OFDT lors de la journée « défense et citoyenneté » qui
tances festives, voient leurs risques largement minimisés. concerne un échantillon représentatif des jeunes garçons
Face à l'image du tabac très dégradée et dénormalisée pour et filles de 17 ans et qui a lieu tous les 3 ans.
cette génération qui a grandi dans un contexte d'interdiction
Tabac
renforcée de son usage, le cannabis, et surtout l'herbe, bénéfi-
cie au contraire d'une représentation positive. Selon la dernière enquête HBSC (2014), un tiers des col-
Les dynamiques de diffusion au cours de la scolarité légiens dit avoir déjà fumé une cigarette. Sa diffusion est
varient nettement d'un produit à l'autre. Les premiers usages multipliée par 5 durant les années collège, avec un élève sur
de tabac et d'alcool s'observent dès l'entrée en 6e, progres- deux qui a déjà fumé une cigarette en 3e. Les garçons sont
sant fortement tout au long du collège, tandis que l'expéri- plus nombreux à expérimenter le tabac. La consommation
mentation du cannabis débutant en 4e se développe durant quotidienne de tabac concerne 12,3 % des collégiens en 3e.
les « années lycées ». Le lycée est davantage marqué par des En 2015 et selon l'enquête ESPAD, ce sont 6 lycéens
usages qui s'intensifient, se répètent et parfois s'installent sur 10 qui déclarent avoir fumé une cigarette au cours de
durablement. À la fin de l'année de terminale, l'usage quoti- leur vie. L'usage quotidien concerne 28 % des élèves de ter-
dien de cigarettes et les consommations régulières, au moins minale. Ces résultats sont confirmés par l'enquête ESCA-
dix fois dans le mois, de boissons alcoolisées ou de cannabis PAD de 2017 où un quart des adolescents de 17 ans disent
concernent respectivement 28, 21 et 9 % des élèves. fumer tous les jours.
Cependant, en termes d'évolution, les usages de tabac, Les élèves de l'enseignement professionnel se distinguent
d'alcool et de cannabis à 17 ans mesurés en 2017 sont les plus avec une prévalence presque deux fois supérieure à celle de
bas observés depuis 2000. La part des abstinents a plus que leurs pairs de la voie générale.
doublé en 10 ans, passant de 5,1 % en 2008 à 11,7 % en 2017. Ce renforcement du tabagisme durant le lycée est en
Plus précisément, la diffusion du tabac est en net recul. Alors grande partie lié au fort pouvoir addictif du tabac. Il va de
que 6 jeunes sur 10 déclarent l'avoir essayé, l'usage quotidien pair avec le désir d'émancipation.
a perdu 7 points en quelques années et concerne un quart La moitié des jeunes de 17 ans déclare avoir déjà fumé la
des adolescents. L'usage d'alcool a également tendance à chicha dont 8 % des non-fumeurs.
marquer le pas ces dernières années, même si deux tiers des Le vaporisateur personnel a été expérimenté par un jeune
jeunes ont bu au cours du mois écoulé et que plus de 4 sur 10 de 17 ans sur deux.
indiquent avoir consommé au moins 5 verres en une seule
occasion au cours de ces mêmes 30 derniers jours. Pour le Alcool
cannabis, on note aussi une diminution sensible des usages En 2014, dans l'enquête HBSC, avoir déjà bu de l'alcool
au cours des dernières années. Ainsi l'expérimentation passe au cours de sa vie concerne un élève de 6e sur deux et près
pour la première fois depuis 2000 sous les 40 % (39,1 %). de 8 sur 10 en 3e. Les filles présentent des expérimentations
Cependant, plus l'indicateur d'usage s'intensifie, moins la moindres de 10 points par rapport aux garçons. L'expéri-
baisse est marquée et les situations problématiques se main- mentation de l'ivresse concerne 5 % des collégiens en 6e et
tiennent. Concernant les autres drogues illicites, les usages, 28 % en 3e.
principalement d'ecstasy et de cocaïne, restent très limités. L'enquête ESPAD confirme que les années lycées ne
Enfin, les consommations des jeunes à la fin de l'adoles- constituent pas une phase décisive d'expérimentation de
cence se différencient de celles de leurs aînés sur deux points boissons alcoolisées où 87 % des lycéens déclarent avoir
principaux : le cannabis est davantage consommé, et les épi- déjà consommé de l'alcool au cours de leur vie. Le lycée
sodes d'alcoolisations ponctuelles importantes (API) sont est davantage une période de diversification et d'intensifi-
beaucoup plus fréquents. L'expérimentation de drogues illicites cation des usages. L'usage régulier (plus de 10 fois dans le
autres que le cannabis demeure rare et dépasse rarement 3 %. mois) y double (de 10 à 21 %) entre la 2de et la terminale. La
Les niveaux d'expérimentation de la chicha révèlent quant à période du lycée est aussi marquée par la progression des
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 173
a lcoolisations excessives expérimentées par 41 % des élèves sur l'importance de fixer des limites et de préserver des
au cours du dernier mois. moments familiaux.
L'enquête ESCAPAD de 2017 confirme une expérimenta- Plusieurs programmes de prévention des conduites
tion de l'alcool à 17 ans par 86 % des jeunes et une API (ou addictives ont fait l'objet d'évaluations à l'échelle internatio-
binge drinking) dans le dernier mois pour près d'un sur deux. nale. Ces évaluations ont permis de dégager des principes
d'intervention :
Cannabis ■ renforcer les compétences psychosociales des jeunes :
Selon l'enquête HBSC, en 2014, un collégien sur dix déclare développer son affirmation de soi, exercer son jugement
avoir déjà consommé du cannabis, 1,4 % en 6e et 23,9 % à la critique et sa capacité à demander de l'aide, résoudre des
fin du collège. problèmes, communiquer efficacement, s'adapter aux
L'enquête ESPAD de 2015 nous apprend que ces expéri- changements et aux éléments de stress ;
mentations progressent de 34 % en 2de à 54 % en terminale. ■ favoriser les pédagogies interactives et participatives ;
Dans l'enquête ESCAPAD de 2017, ce sont près de 4 ado- ■ renforcer les compétences parentales ;
lescents de 17 ans sur 10 qui ont déjà fumé du cannabis au ■ agir sur le cadre législatif et réglementaire ;
cours de leur vie. ■ intervenir sur l'accompagnement des adolescents
consommateurs ;
Autres drogues illicites et usages détournés ■ adapter les programmes aux jeunes à qui l'on s'adresse.
de substances
Choisir la stratégie de prise en charge adaptée
En 2017, 6,8 % des adolescents de 17 ans déclarent avoir
consommé au moins une fois au cours de leur vie une subs- Quelle que soit la stratégie adoptée par le professionnel de
tance illicite autre que le cannabis, principalement des santé, une attitude globale non stigmatisante est recomman-
psychostimulants (MDMA [3,4-méthylène-dioxy-métamphé- dée pour aborder la question des usages : éviter les jugements
tamine ou ecstasy], cocaïne) et 3,8 % des adolescents déclarent moraux, les recommandations péremptoires et les menaces est
avoir déjà pris un nouveau produit de synthèse (NPS). fondamental pour créer une alliance thérapeutique. Durant
l'entretien, il s'agit de laisser la personne développer son dis-
Internet, jeux et réseaux sociaux (écrans) cours et ses arguments, tout en intervenant régulièrement
pour la valoriser et positiver. Pour réussir son intervention, le
L'utilisation des technologies de l'information et des réseaux professionnel gagne à être « aux côtés » de la personne, quittant
sociaux a modifié les processus de socialisation. Si les sa position de « sachant » pour une posture d'accompagnant.
générations antérieures concevaient le temps et l'espace de
manière plus linéaire, soit un passé, un présent, un futur, les Conseil et information
nouvelles générations vivent plus dans le moment présent
Dans tous les cas, le professionnel peut apporter de l'infor-
tout en étant dans des espaces multiples. Cette approche
mation valide et des conseils simples au jeune : prévention de
multitâche de la réalité sociale comporte plusieurs aspects
la conduite automobile ou à deux-roues sous l'influence de
positifs, mais également des aspects potentiellement néfastes
substances psychoactives, information sur le bad trip, préven-
où la passion peut glisser à l'obsession.
tion des rapports sexuels non protégés, etc. Cette information
Concernant les jeux vidéo, les adolescents restent les premiers
peut être complétée par la mise à disposition de documents.
consommateurs. Pour la majorité d'entre eux, l'usage consiste
en une pratique ludique et récréative, et nombreuses sont les Intervention brève
études qui en montrent les effets bénéfiques. Mais pour certains, Lorsqu'un usage est repéré mais que les réponses du jeune
l'usage devient excessif et conduit à des conséquences négatives ne suggèrent ni dépendance, ni dommage majeur, le profes-
(scolaires, sociales, familiales, etc.). Les recherches actuelles sur sionnel peut réaliser une intervention brève motivationnelle.
l'usage des jeux vidéo n'ont pas tranché le débat scientifique pour Cette intervention a pour objectif de favoriser la réflexion,
savoir si un comportement lié à leur utilisation abusive pouvait l'auto-observation et l'autochangement.
être qualifié de dépendance, voire d'addiction. L'Association Plutôt que d'intensifier l'information pour convaincre le jeune,
américaine de psychiatrie a décidé d'inclure le trouble de l'usage l'intervenant, dans une posture d'empathie et dans une approche
des jeux vidéo en ligne dans la 3e section du DSM-5 comme motivationnelle, adapte ses questions et ses informations :
syndrome à investiguer, soulignant la nécessité de poursuivre les ■ au niveau estimé de nocivité de la consommation ;
recherches empiriques dans ce domaine. En France, il n'existe ■ au niveau de connaissance du produit consommé ;
pas encore d'étude de prévalence auprès des adolescents. Aussi, ■ au niveau de satisfaction procurée par l'usage ;
contrairement au tabac, à l'alcool ou au cannabis où se pose le ■ et au niveau de motivation au changement du jeune.
problème de l'addiction, on privilégiera la notion d'usage problé- L'efficacité de cette intervention tient à la capacité du pro-
matique pour les jeux vidéo. Enfin, compte tenu de la diffusion de fessionnel à réduire l'ambivalence du jeune quant à son
ces technologies, il paraît préférable de privilégier une approche usage, à déjouer d'éventuelles résistances au changement,
de réduction des risques plutôt que de chercher à contrôler.
en faisant preuve d'empathie à l'égard de la situation de la
personne. Les stratégies de ce type d'entretien sont :
Intervention ■ poser des questions ouvertes ;
Les stratégies d'intervention passent par le développement ■ valoriser ;
des compétences psychosociales des adolescents, une infor- ■ pratiquer l'écoute réflective ;
mation des parents sur la réalité des usages et un rappel ■ résumer.
174 Partie II. Spécialités
de l'Éducation nationale et les médecins, généralistes, – ou secondaires à des contextes de harcèlement sco-
pédiatres et pédopsychiatres, etc. laire, dépression, troubles des apprentissages scolaires
Il convient de distinguer plusieurs situations de avec ou sans appétence scolaire, etc. ;
déscolarisation : ■ la phobie scolaire est une angoisse massive survenant à
■ la plus simple à caractériser est la déscolarisation complète l'évocation de la fréquentation du cadre scolaire ; elle se
ou partielle de l'enfant par manque d'intérêt ou de goût pour manifeste par des crises de panique et des symptômes
l'école : « la classique école buissonnière » dont les causes physiques qui apparaissent tout à fait irrationnels aux
peuvent être personnelles ou induites par une orientation témoins mais interdisent la fréquentation de l'école dans
subie ; l'école étant obligatoire et sa fréquentation imposée sa forme « classique ». La phobie scolaire est largement
par la loi, peu d'adolescents peuvent régler leur difficulté représentée actuellement dans les situations de désco-
avec l'école de cette manière ; larisation ; elle peut être en lien avec le stress ressenti
■ concernant les situations de refus scolaire anxieux, les par l'adolescent vis-à-vis de l'école et des attentes à la
tableaux cliniques sont extrêmement divers mais l'an- fois sociétales et parentales de plus en plus fortes pour
goisse reste le symptôme majeur. Toutes les formes cli- la réussite scolaire. Elle peut être également considérée
niques peuvent être rencontrées : dans une approche plus psychanalytique comme « une
– primaires, avec comme premier substrat l'angoisse de pathologie du penser » dans une période de grande
séparation, fragilité narcissique, l'adolescence (Nicole Catheline).
176 Partie II. Spécialités
Par des mécanismes complexes, la phobie scolaire est sation d'un nombre de plus en plus important d'élèves
alors l'expression d'une souffrance psychique au même (encadré 6.11) ; ceci ne peut se faire sans l'étroite col-
titre que des addictions ou des scarifications. S'autori- laboration des médecins en charge de ces enfants et
ser à ne plus penser et paradoxalement ne plus penser des équipes médicales de l'Éducation nationale et en
qu'à ça : « comment échapper à l'obligation scolaire ? ». s'appuyant sur les familles, car le parcours est long et
La prise en charge psychologique de ces enfants doit éprouvant pour celles-ci. Dans tous les cas, le retour
inclure celle de leur famille fortement impactée par à une scolarité en présentiel est l'objectif commun à
cette situation, avec si possible la mise en place d'une poursuivre.
thérapie familiale. Les dispositifs à utiliser dépendent de la situation :
■ la scolarité semble encore possible mais à temps partiel :
Que faire face à un adolescent qui se – PAI avec emploi du temps partiel,
déscolarise ? – APAD et PAI,
– APAD au domicile,
Le médecin qui prend en charge toute situation de déscola- – CNED à la carte réglementé ;
risation doit : ■ la scolarité semble impossible :
■ prendre en compte la parole de l'enfant et ne jamais mini- – CNED en classe inscription réglementée pour cause
miser la plainte de celui qui dit « ne plus vouloir » ou ne médicale,
plus « pouvoir » se rendre à l'école ; – soins études en établissement de SSR.
■ évaluer la situation réelle : existence de plaintes soma- Parmi les « causes » de décrochage scolaire, la problématique
tiques (nausées et vomissements, douleurs abdominales, du harcèlement scolaire (cf. ci-après) mérite une attention
douleurs diffuses, tachycardie, sueurs, malaises etc.), en particulière.
faire préciser la fréquence et les circonstances (à l'évoca-
tion de la reprise scolaire, la veille de celle-ci, le dimanche
soir, à la fin des congés scolaires, aux périodes de change- Harcèlement en milieu scolaire
ment d'établissement, etc.), ne pas négliger d'évoquer un Les harcèlements, et plus précisément le harcèlement en
possible harcèlement scolaire, lit fréquent de la déscolari- milieu scolaire, ont été récemment pris en compte en France
sation (« est-ce qu'on t'a déjà fait du mal à l'école ? » et si alors que les faits qu'ils recouvrent ne sont pas nouveaux. Ils
oui, circonstances, lieux, auteurs, etc.) ; ont longtemps été considérés comme anodins, voire consti-
■ évaluer l'environnement de l'enfant, en particulier la tutifs des relations sociales entre enfants et adolescents.
dynamique familiale ; La préoccupation des pouvoirs publics a été tardive
■ prendre contact rapidement avec l'infirmière et/ou le (2011) à l'issue d'une enquête réalisée par l'observatoire
médecin de l'établissement (directement si les parents international de la violence, à la demande de l'UNICEF dans
l'autorisent ou demander aux parents de joindre les pro- le cadre des états généraux de la sécurité à l'école. Le harcè-
fessionnels de santé de l'Éducation nationale) afin que lement est désormais inscrit dans la Loi de refondation de
ceux-ci puissent évaluer la situation de l'enfant au sein l'école de la République de juillet 2013 qui précise que « La
de l'établissement ; en effet, par leur connaissance de lutte contre toutes les formes de harcèlement sera une priorité
l'institution et leurs liens professionnels, ils vont pouvoir pour chaque établissement d'enseignement scolaire ».
prendre contact avec les membres de l'équipe éducative Ces phénomènes ne sont pas rares puisque lors de la der-
pour commencer leur évaluation ; nière enquête HBSC de 2014 qui portait sur la santé et les com-
■ ne pas « couvrir » les absences d'un élève par un certificat portements des 11–15 ans, 12,4 % des collégiens se déclaraient
médical, comme on est parfois amené à le faire pour un victimes de brimades avérées au cours des 2 derniers mois.
adulte au travail. Dans ce cas, la famille est confortée et La gravité des conséquences du harcèlement sur la
rassurée temporairement par ce « sursis » mais cela peut construction de la personnalité et la santé mentale des
retarder d'autant la nécessaire évaluation à faire dans enfants et des adolescents en fait un sujet de préoccupation
l'établissement puisque toute possibilité de dialogue est majeure.
empêchée par ce certificat qui va faire écran entre les dif-
férents interlocuteurs. Un tel certificat peut aussi retarder
la prise en charge adaptée comme celle d'un harcèlement Pour pouvoir « traiter » le harcèlement,
où les harceleurs vont continuer leurs manœuvres via les il faut pouvoir le nommer
réseaux sociaux ; Les caractéristiques du harcèlement sont la violence (verbale,
■ adresser le jeune et sa famille vers une consultation physique, rapport de force et de domination), la répétitivité
psychiatrique de proximité si possible, a fortiori s'il et l'isolement, voire l'ostracisation de la victime. C'est une
existe des manifestations de mal-être, d'idées suici- « conduite intentionnellement agressive adoptée par un ou plu-
daires, de comportements à risque ou addictifs. Les sieurs élèves qui se répète et qui dure »4. Les trois critères perma-
services de médecine de l'adolescent et de pédiatrie, nents sont l'intentionnalité, la répétition et la relation d'emprise.
les CMP et CMPP sont des interlocuteurs à privilé- Le cyber harcèlement en est une forme à part entière
gier. La prise en charge sera longue et nécessairement où la violence ne s'arrête pas à la porte des établisse-
pluridisciplinaire. ments mais envahit tous les espaces de vie de l'enfant et
Il existe des stratégies et des dispositifs au sein de l'Édu-
cation nationale pour essayer de pallier la déscolari- Catheline N. Le harcèlement scolaire. Paris : PUF ; 2015.
4
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 177
Dispositifs d'accompagnement pour les élèves en scolaire. Sur avis favorable du DASEN (Directeur académique des
difficulté services de l'Éducation nationale) et validation médicale du MCT
■
PAI – Projet d'accueil individualisé. En cas de maladie (Médecin conseiller technique) de celui-ci.
chronique, possibilité de mettre en place des mesures CNED à la carte réglementé
d'accompagnement en termes de soins, repos, emploi du S'adresse à tout élève qui souhaite travailler 1 à 4 matières
temps partiel, recommandations thérapeutiques, etc. Mis maximum, soit parce que non enseignées dans son établissement,
en place à la demande des parents et avec le concours du soit parce que son emploi du temps ne lui permet pas de les
médecin scolaire en lien avec le chef d'établissement. suivre, par exemple dans le cadre d'un PAI avec emploi du temps
■
PAP – Plan d'accompagnement personnalisé. Dans le cas de partiel pour raison médicale. Le chef d'établissement précise au
troubles des apprentissages avec difficultés scolaires durables, CNED les matières qui seront suivies au CNED.
mise en place d'aménagements pédagogiques reconductibles
pendant la scolarité tant que de besoin. CNED « partagé »
■
PPS – Projet personnalisé de scolarisation. Dans le cadre Mise en place d'une scolarité partagée entre le CNED et un
d'une situation de handicap, validé par la MDPH (Maison établissement scolaire pour éviter ou rompre l'isolement qui, de
départementale des personnes handicapées). Projet suivi par un facto, s'installe avec la scolarité à distance, ou pour bénéficier
enseignant référent de scolarisation, tout au long du parcours des infrastructures et des activités proposées au sein d'un
scolaire de l'enfant avec mise en place d'aménagements établissement, ou pour reprendre progressivement une scolarité.
pédagogiques ou matériels, accompagnement par une aide Dans ces cas, une double inscription est à prévoir (convention
humaine, emploi du temps adapté, orientation, etc. partagée).
Il est exceptionnel que des enfants ne puissent être scolarisés du
Établissements de soins étude
fait d'une pathologie médicale ou psychiatrique.
Uniquement sur indication médicale, le principe étant une
APAD (Assistance pédagogique à domicile) synergie soins et scolarité dans une dynamique thérapeutique.
Pour les enfants et adolescents atteints de trouble de la santé évoluant Hospitalisation à temps plein ou en hôpital de jour. Le projet
sur une longue période ou victimes d'un accident rendant impossible pédagogique s'élabore en fonction de l'état de santé de l'enfant
la fréquentation de l'école. Un professeur volontaire, de préférence ou de l'adolescent (exemple : Fondation santé des étudiants de
de l'établissement de l'élève, se rend au domicile de celui-ci. France).
de l'adolescent et ce, à tout moment. Les spécificités en victime, les témoins et l'auteur. Mais on peut observer
sont la dissémination et la multiplication illimitée, « traces parfois des changements de posture chez le même ado-
indélébiles » que l'on ne peut pas contrôler, et l'anonymat. lescent, la victime pouvant devenir auteur et inversement.
C'est le plus souvent l'acceptation de la différence par Les témoins, que l'on appelle aussi outsiders, jouent un
rapport aux normes et aux valeurs du groupe qui fait diffi- rôle clé. Par crainte de devenir eux-mêmes victimes, ils
culté. Les « différences » à l'origine de harcèlement peuvent ne s'autorisent pas à s'opposer, ce qui accentue le phéno-
être très diverses et pas toujours évidentes pour les adultes : mène, validant ainsi la légitimité de l'auteur et le confor-
différences dans les résultats et/ou le comportement scolaire tant dans sa posture. Ce rôle passif des témoins favorise
(être un bon ou un mauvais élève), particularités physiques chez la victime la perte d'estime de soi et un sentiment
ou d'apparence (être roux ou « efféminé »), origine sociale d'infériorité.
stigmatisante (tenue vestimentaire, quartier, etc.). Afin d'échapper à leur(s) agresseur(s), les victimes
Les manifestations évoluent avec l'âge des enfants mais opèrent des stratégies d'évitement : retard en cours,
existent dès l'école élémentaire où l'on observe des agres- absentéisme, pouvant aller jusqu'à la déscolarisation. Les
sions plutôt physiques (majoritairement chez les garçons). changements d'établissement parfois proposés ne règlent
Plus tard, en général à l'âge du collège, le harcèlement est que rarement le problème et le harcèlement peut aboutir
plus organisé, sous la forme de brimades verbales col- à un décrochage scolaire délétère pour l'avenir. Des phé-
lectives et de rumeurs (ces dernières plus fréquemment nomènes anxieux voire dépressifs, pouvant aller jusqu'à
observées chez les filles). Le cyber harcèlement apparaît la crise suicidaire, peuvent apparaître et sont à rechercher
avec la maîtrise de l'informatique (de plus en plus précoce). systématiquement lors d'une consultation. Les consé-
Le harcèlement suppose des acteurs avec des postures quences du cyber harcèlement sont plus immédiatement
bien définies à un moment donné. On en décrit trois : la visibles et plus délétères du fait de la rapidité du transfert
178 Partie II. Spécialités
La prise en charge hospitalière doit être globale, associer plan de soin ambulatoire ne peut pas être défini après une
plusieurs intervenants, s'adapter individuellement à chaque semaine d'hospitalisation. La durée d'hospitalisation recom-
adolescent. Elle doit répondre à des règles institutionnelles mandée est d'au moins 3 jours, la durée idéale oscille entre
de travail en équipe et de recherche de continuité des soins. 5 et 8 jours.
Il s'agit de véritables « soins intensifs » autour de trois
dimensions : Accueil aux urgences
■ travail individuel de l'adolescent qui amorce un proces- L'objectif est d'évaluer et de prendre en charge le retentis-
sus d'élaboration psychique ; sement physique immédiat (recherche et traitement d'une
■ travail de groupe et confrontation aux pairs hospitalisés ; intoxication, surveillance en réanimation selon l'état cli-
■ travail avec la famille autour de la crise familiale qui nique et les risques induits, prise en charge traumatolo-
accompagne la crise suicidaire. gique, etc.) et d'expliquer les raisons de l'hospitalisation.
On ne cherchera pas de la part de l'adolescent une critique L'équipe des urgences exerce un rôle de réparation du corps,
au sens de dénigrement de son geste, mais plutôt une ana- sans aucun jugement de valeur sur le geste suicidaire, dans
lyse critique de la situation d'impasse dans laquelle il se sen- une attitude bienveillante qui permet l'établissement d'une
tait, de la voie de sortie qu'il a cru discerner dans la TS et, relation de confiance. L'intervention de l'équipe multidisci-
dans l'idéal, la prise de conscience des autres possibilités qui plinaire qui prendra en charge ultérieurement l'adolescent
existent pour lui face à une adversité. Quant à la famille, elle est souhaitable. Des explications sont données au jeune et à
est attaquée « comme le corps » par les conduites suicidaires. ses parents sur l'intérêt et la nécessité de l'hospitalisation qui
L'équilibre familial antérieur est modifié, ce qui entraîne soit permettra les évaluations indispensables et offrira un lieu de
des remaniements positifs, soit une plus grande rigidité des refuge tiers en dehors de la famille.
mécanismes interactifs familiaux. Deux caractéristiques de La TS conduit souvent à une diminution de la tension
la réaction familiale ont un impact favorable sur l'évolution psychique et à la résolution temporaire des conflits rela-
ultérieure : la capacité à reconnaître la gravité de l'acte (et tionnels par les sentiments de culpabilité et de regret. Cette
non la banalisation) et la capacité à reconnaître la souffrance amélioration symptomatique ne doit pas faire surseoir à la
psychique de chacun (et non le déni de cette souffrance). nécessité d'une hospitalisation et d'un suivi.
Les entretiens avec les parents durant l'hospitalisation ont
pour but de les favoriser.
Évaluation triple : somatique, psychique
et sociale
Hospitalisation Évaluation somatique
Passée le premier examen aux urgences, elle est approfondie
durant l'hospitalisation. Des comorbidités physiques sont
recherchées. L'évaluation du développement pubertaire, de
Toute TS de l'enfant et de l'adolescent, quelle qu'en soit la la croissance staturo-pondérale est indispensable. L'examen
gravité immédiate, devrait conduire à un temps d'évaluation physique permet souvent d'initier un dialogue autour des
hospitalière. problèmes de l'adolescent. On recherche aussi des scarifi-
cations ou des automutilations. Il peut parfois être utile de
proposer un dépistage des infections sexuellement trans-
missibles ou encore un test de grossesse.
Pourtant, seules 25 % des TS de l'adolescent conduisent à
une hospitalisation. Plusieurs raisons expliquent ce constat : Évaluation sociale
absence de repérage de l'acte, banalisation par l'entourage,
réticence des familles, absence d'organisation des services Elle précise le contexte familial, scolaire, professionnel et
d'accueil, absence de place ou de structure adaptée aux ado- éducatif. On évalue les conditions de vie de l'adolescent : vie
lescents, contre-attitudes des médecins et soignants (face en famille ou en collectivité, difficultés d'insertion. La crise
à la violence de la TS, au sentiment d'impuissance qu'elle est souvent l'occasion de révéler des difficultés familiales.
engendre) et défaut de reconnaissance de la souffrance et de L'hospitalisation permet d'évaluer la souffrance familiale et
l'intérêt du soin. parfois de réduire les clivages entre l'adolescent et sa famille.
Il n'existe pourtant pas de parallélisme entre la gravité Des entretiens avec les parents ont lieu.
immédiate de la TS et l'évolution ultérieure. L'intérêt de Un travail de liaison sociale est aussi nécessaire autour
l'hospitalisation a été confirmé par des études prospectives des adolescents en grande difficulté : reconstitution des
et rétrospectives portant notamment sur le risque de réci- prises en charge précédentes, contacts avec les éducateurs
dive et l'adaptation sociale. d'un foyer ou de l'Aide sociale à l'enfance, etc.
Le lieu d'hospitalisation doit être adapté à l'âge de l'ado-
lescent et varie selon les habitudes locales. Les unités de Évaluation psychologique
médecine de l'adolescent représentent un lieu idéal pour Elle a lieu dès que possible et tout au long de l'hospitalisa-
évaluer la situation. Un adressage en milieu pédopsychia- tion, en tenant compte de l'état physique de l'adolescent.
trique est rarement nécessaire d'emblée, mais doit être envi- Systématique et articulée avec la prise en charge ultérieure,
sagé en cas de pathologie psychiatrique manifeste ou si un elle requiert l'intervention d'un psychiatre.
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 181
sans volonté de mourir ou de se détruire. Il faut donc bien les Prise en charge
différencier des tentatives de phlébotomie à visée suicidaire. Il faut différencier le premier épisode de scarifications et
Il s'agit bien souvent d'un comportement répétitif, parfois les comportements répétitifs ultérieurs. Lors d'un premier
compulsif, qui a pour but de soulager une tension interne épisode, il peut être utile d'offrir le même type de prise en
ou un sentiment de vide intérieur. Il est fréquemment caché charge que face à des idéations suicidaires : consultation
à l'entourage et vécu avec un sentiment de honte. Tous rapide, éventuellement hospitalisation en cas de critères
les endroits accessibles du corps sont concernés, bien que de gravité associés (encadré 6.14). La violence subie,
l'avant-bras du côté mineur soit le plus souvent attaqué : le notamment sexuelle, doit toujours être recherchée.
thorax, les cuisses, les mollets, le ventre, les seins. Les moyens Face à une adolescente qui se scarifie régulièrement, un
sont variés : ongles, lame de taille-crayon, lame de rasoir, suivi ambulatoire doit être instauré, dont l'objectif est de
compas, ciseaux, couteau, etc. L'objet est parfois dénué reconnaître la souffrance et de mettre en mots les émotions et
d'importance, parfois au contraire fétichisé et conservé pré- sentiments. Il est aussi utile de prendre soin du corps de l'ado-
cieusement. Les formes sont variables : linéaires parallèles, lescente, de lui donner des conseils dermatologiques et cos-
en croisillon, dessins, lettres ou mots, voire phrase, etc. Une métiques (désinfection durant les premiers jours, intérêt des
situation proche est représentée par les brûlures thermiques, crèmes cicatrisantes une fois l'épiderme reformé, massage des
chimiques ou mécaniques par frottement (règle, ongles, etc.) cicatrices pour éviter les chéloïdes, protection solaire, etc.).
qui peuvent parfois conduire à une errance diagnostique.
Scarifications et tentatives de suicide sont donc deux forcé, expulsion du domicile familial ou déscolarisation. La
situations distinctes, mais qui partagent la particularité de nature de la rupture, la stratégie d'adaptation, le support
révéler une souffrance sous-jacente. Quelles qu'en soient social, l'âge du sujet, son histoire de vie antérieure et ses
les conséquences physiques immédiates, et d'autant plus représentations socioculturelles influencent l'écho de cette
lorsqu'elles sont minimes ou inexistantes, il ne faut pas pri- rupture. Cet écho est souvent perceptible dans la vie sociale,
ver ces adolescents de l'attention qu'ils nécessitent et une familiale, scolaire et constamment dans l'état de santé ou
prise en charge adaptée est impérative. dans la perception qu'en a l'individu. L'impact de ces rup-
tures sur la santé d'un adolescent est recherché en pratique
dans deux types de situation clinique :
État de santé des adolescents ■ la ou les ruptures sont connues et orientent le diagnostic,
les plus fragiles le soin, la prévention et l'éducation à la santé ;
■ à l'inverse, le profil de santé que présente l'adolescent
Thomas Girard, Armelle Wastiaux fait suspecter certaines ruptures encore non exprimées
À l'adolescence, les devenirs physiologique, affectif et et implique de prendre en compte cette probabilité pour
socioprofessionnel sont souvent asynchrones et source décider d'un parcours de soins et de suivi thérapeutique.
d'une dysharmonie à l'origine d'une première fragilité.
La survenue à cet âge d'évènements subis ou de ruptures
favorise une interruption du parcours de soins à l'origine Épidémiologie
de nombreuses morbidités somatiques et psychiques. Cet
Données existantes
éclatement du parcours de soins est également favorisé par
un exercice médical clivé entre les spécialités, au détriment Dans les pays à faible revenu, la 1re cause de décès est infec-
du temps nécessaire à l'installation d'une relation thérapeu- tieuse. Chez les 15-19 ans, on note 3 millions d'interruptions
tique, à la mise en place d'un suivi et à la prise en compte du volontaires de grossesse (IVG) à risque par an et une aug-
champ de la médecine préventive. Enfin, l'adolescence est le mentation des IST. La dépression et le suicide sont la 3e cause
moment de la vie où le corps est le lieu de l'expérience, où de maladie et de décès. La consommation de toxiques est
craintes et prises de risque coexistent, dans des sociétés où élevée (cf. Pratiques addictives plus haut dans ce chapitre).
les rituels de passage à l'âge adulte, médiatisés par les adultes, Aux États-Unis, les adolescents sans-abri ont 2 fois plus
ont en grande partie disparu. En introduisant le concept de de maladies somatiques chroniques et 5 fois plus de mala-
rupture dans ses acceptions concernant l'individu, son his- dies aiguës que les autres. Les études faites aux États-Unis
toire familiale et ses liens à l'environnement, nous décrivons et dans les pays à faible revenu montrent une prévalence
une épidémiologie de santé singulière et construisons une augmentée de la consommation de toxiques, des infections
approche clinique spécifique du corps d'abord dont le béné- virales chroniques, des grossesses et l'absence d'utilisation
fice attendu pour l'adolescent est celui d'une sécurité interne du préservatif chez 25 % des adolescents vivant dans la rue.
trouvée ou retrouvée. L'importance des comportements à risque pour la santé
est confirmée en Europe. À 15 ans, 12 % consomment du
tabac et/ou de l'alcool et 7 % du cannabis, 21 % sont sexuel-
Repérage d'une adolescence fragile : lement actifs avec le dernier rapport sexuel non protégé chez
la notion de rupture dans l'anamnèse 25 %, 17 % sont en surpoids et parfois obèses. Les études
françaises sont concordantes avec ces résultats, mais très
La santé des adolescents est souvent réduite aux causes princi- peu de données sont disponibles sur l'état de santé global de
pales de la mortalité dans cette tranche d'âge : suicide, accident cette population, notamment pour les maladies somatiques.
de la route, consommation excessive de tabac, d'alcool et de
stupéfiants, classée abusivement en addiction. De nombreuses
études ont tenté d'identifier les motifs de difficultés d'accès aux Problèmes de santé des adolescents ayant vécu
soins et les problèmes de santé réels des adolescents. Les résul- des ruptures
tats obtenus à partir d'enquêtes effectuées auprès de médecins Très peu de structures prennent en charge spécifiquement
libéraux et/ou de population d'adolescents sélectionnés ne les adolescents ayant vécu des ruptures. Dans ces structures,
prennent pas forcément en compte les jeunes les plus exclus ces adolescents peuvent être adressés par l'Aide sociale
du système de soin. Les auteurs se rangent un peu trop vite à à l'enfance, la protection judiciaire de la jeunesse, la santé
une vision bénigne des problèmes de santé. Le rôle du méde- scolaire ou les missions locales. L'évolution récente des
cin serait réduit à aider l'adolescent à résoudre son mal-être et flux migratoires a majoré la part de jeunes migrants de
la relation soignant-soigné serait d'emblée positionnée selon pays à faible revenu, qui cumulent souvent plusieurs rup-
la perspective d'une psychologisation du symptôme. Cette tures. Un profil de santé des adolescents fragiles a pu être
approche est insuffisante et souvent contre-productive. établi, en comparant notamment la santé des adolescents
La survenue d'une rupture dans la vie d'un enfant ou d'un nés en France et celle des jeunes migrants. Les principaux
adolescent inscrit une dimension supplémentaire de fragi- problèmes de santé rencontrés chez ces adolescents les plus
lité. Ces ruptures, par définition subies, sont définies comme fragiles sont regroupés dans le tableau 6.8. Si tous présentent
les évènements suivants : décès ou disparition d'un ou des des carences de médecine préventive, elles prédominent
deux parents, décès dans la fratrie, violences physiques/psy- chez les adolescents migrants ainsi que les infections, alors
chiques intra ou extra-familiales, migration, maladie soma- que les adolescents nés en France présentent plutôt des com-
tique et/ou psychiatrique d'un ou des deux parents, mariage portements à risque pour la santé.
184 Partie II. Spécialités
Tableau 6.8 Problèmes de santé fréquents chez les Évolution du profil de santé des migrants
adolescents fragiles* Le profil de santé des migrants évolue vers celui des patients
.
Problèmes de santé Patients nés Migrants nés en France avec la durée de séjour en France. Au-delà de
en France 2 ans passés en France, on constate une augmentation très
Couverture vaccinale significative de la consommation de tabac et d'alcool, ainsi
que du grignotage, de l'IMC, des troubles du sommeil avec
Hépatite B 52 % vaccinés 21 % vaccinés
désynchronisation, des allergies, des tentatives de suicide et
ROR 61 % vaccinés 46 % vaccinés des IST à Chlamydia (homme et femme).
DTPC (rappel 11–13 ans) Fréquemment Absente
absente Maladies chroniques
Méningocoque C et HPV Mauvaise +++ Absente Chez ces adolescents fragiles, qu'ils soient nés en France ou
Infections migrants, 5 à 10 % présentent des maladies chroniques sans
Tuberculose latente 0 % 33 %
suivi et parfois encore non diagnostiquées. Les maladies les
plus fréquemment diagnostiquées sont des maladies inflam-
Tuberculose maladie 0 % 0,7 % matoires du sujet jeune, des maladies kystiques ovariennes,
VIH 1,3 % 1,8 % des infections chroniques, des troubles neurocognitifs du
VHB 0,2 % infection 22 % infection développement, de l'asthme et des troubles de la statique.
ancienne guérie ancienne guérie D'autres patients ont des maladies en rupture de suivi avec
0,2 % infection 7 % infection une représentation significative du diabète, de maladies
chronique chronique auto-immunes et génétiques, de la drépanocytose et de
Bilharziose urinaire 0 % 1,8 % (Mali : 8 %) l'épilepsie.
Épigastralgies H. pylori + 3% 18%
Santé sexuelle Conséquences sur l'approche clinique
Viol/attouchement 20 % F 22 % F L'écho des traumatismes vécus peut survenir à un moment
où la plasticité cérébrale permet tous les apprentissages pos-
Excision ? 2% F
sibles mais peut aussi cristalliser les influences morbides
(sous-estimé +++)
d'un bain social ou familial défavorable, de prises de toxiques
RS jamais protégés 9 % 18 % régulières ou d'un choc émotionnel. Les conséquences des
Contraception 26 % F 17 % F discontinuités induites par ces ruptures peuvent se traduire
ATCD de grossesse 17 % F 17 % F
en termes d'accidents, d'infections sexuellement transmis-
sibles, de dysrythmies biologiques, de syndrome post-trau-
IST à Chlamydia 22 % F ayant 23 % F ayant déjà
matique avec un parcours de soins rompu. Pour le réengager,
trachomatis déjà eu des RS eu des RS
plusieurs principes clés méritent d'être appliqués.
IST à gonocoque 5 % F ayant déjà 5 % F ayant déjà
eu des RS eu des RS
Secret médical, procédure et loi
Pathologies fréquentes
Le cadre du secret médical doit strictement s'exercer pour
Drépanocytose 1 % 5 % qu'une alliance solide soit construite et qu'une parole libre
hétérozygote puisse s'exprimer.
Anémie ferriprive 20 % F 33 % F La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 permet aux mineurs
Allergies/asthme 22 %/8 % 9 %/3 % qui le demandent expressément de recevoir des soins sans
l'accord des titulaires de l'autorité parentale. Cet article
Stress post-traumatique 0,2 % 1,5 %
est inspiré de la loi de 2001 autorisant l'avortement des
complet
mineures sans autorisation parentale. Le mineur doit alors
ATCD de tentative de suicide 7 % 3 % se faire accompagner par un adulte de son choix, sauf s'il est
Troubles du comportement assuré social à titre personnel, auquel cas seul son consen-
Sommeil 43 % 34 % tement est requis (cas des mineurs de plus de 16 ans en
(désynchronisation) rupture des liens familiaux, loi n° 99-641 du 27 juillet 1999
portant création d'une couverture maladie universelle).
Trouble des conduites 5 % 1 %
alimentaires Par ailleurs, lorsqu'un mineur confie être victime de
violences actuelles, ou passées et pouvant se reproduire,
Obésité (IMC > 30 kg/m2) 9 % (F 10 %, G 3 % (F 7 %, G
il faut faire appel aux services de protection de l'enfance :
9 %) 2 %)
un signalement doit être effectué par la première personne
Tabac quotidien 44 % 22 % recevant cette information, soignant ou non, auprès de la
Alcool occasionnel 29 % 16 % Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) et
Cannabis occasionnel ou 31 % 14 %
éventuellement du procureur de la République. Elle permet-
régulier tra à la CRIP d'engager une action d'investigation sociale
et/ou judiciaire et de mettre en œuvre les mesures de pro-
F : fille ; G : garçon ; RS : rapports sexuels.
Données personnelles Unité Guy Môquet, Hôtel-Dieu, Paris.
*
tection appropriées, éventuellement l'extraction du milieu
familial avec placement du mineur.
Chapitre 6. Suivi de l'adolescent 185
d'éduquer à la prévention de la transmission du VHB, de ou d'autres situations qui n'ont rien à voir avec la relation
traiter une parasitose responsable de maladies inflamma- actuelle. Il revient au soignant d'être très attentif à ce type
toires et cancéreuses de l'arbre urinaire, et d'éradiquer de projections dont il n'a pas forcément conscience mais
une bactérie responsable de gastrite, d'ulcère et de lésions dont le symptôme le plus évident est celui de l'impasse rela-
précancéreuses. Un tiers des patients migrants ont une tionnelle, d'une nouvelle rupture. Plus qu'avec toute autre
tuberculose latente sans notion claire de contage récent population, le positionnement du soignant est mobilisé à
à l'interrogatoire. Une étude prospective menée dans une plusieurs niveaux : le cadre théorique de sa discipline, sa
unité d'accueil des adolescents en rupture révèle que pour propre histoire et ce qui détermine une relation thérapeu-
ces jeunes patients, s'ils ont un domicile et un accompa- tique. Cette relation soignant-soigné fait donc l'objet d'une
gnement social, en l'absence d'immunosuppression ou de attention et d'un travail particuliers que l'on pourrait quali-
maladie pulmonaire, le risque de passage vers une tuber- fier de déprise.
culose maladie est nul. Plus encore, si l'on considère que
la tuberculose latente est protectrice vis-à-vis de réinfec- Parcours de soins et travail en réseau
tion à partir d'autres souches de Mycobacterium tubercu-
En France, un mineur est associé à une autorité parentale,
losis, son efficacité serait finalement supérieure à celle du
qu'elle soit familiale ou institutionnelle par l'intermédiaire
vaccin actuel. Ainsi, l'abstention thérapeutique permet
d'un juge. La prise en charge de la santé des adolescents fragiles
d'éviter de nombreux effets secondaires d'un traitement
ayant vécu des ruptures nécessite de travailler principalement
inutile. Enfin, le dépistage des hémoglobinopathies et en
avec des intervenants des secteurs éducatif, judiciaire, sani-
particulier du portage du gène de la drépanocytose per-
taire scolaire, social ou, plus rarement dans ce cadre, avec les
met, là aussi, d'informer sur la nécessité d'un dépistage
parents. Les soignants doivent partager l'information néces-
chez le futur conjoint.
saire et suffisante qui permet au patient d'être accompagné
dans son parcours de soins, avec un relais éducatif qui soutient
Rôle des soignants les recommandations médicales, sans trahir l'alliance au sein
Les soignants doivent incarner une fonction d'étayage, aider du secret médical. Ce travail en réseau s'organise au cas par
à la séparation et questionner leur positionnement. cas, avec l'accord du patient, dans la pleine responsabilité de
l'exercice médical, avec parfois une autorité parentale vivante
Fonction d'étayage mais très éloignée. La coordination médicale du parcours de
Chez ces jeunes patients ayant vécu des ruptures, elle doit soins permet d'offrir une référence identifiable pour le patient,
être une préoccupation pour tout soignant ou toute équipe d'établir un projet de soin et de vérifier sa réalisation. Pour
soignante. Les conditions d'accueil, de prise de rendez-vous cette population, le parcours de soins doit pouvoir s'effectuer
et de fréquence des rendez-vous sont primordiales. Elles au sein d'une unité de lieu avec des soignants identifiés, dont
sont à la base du lien et de l'accompagnement permettant les savoir-faire doivent aussi concerner la prise en charge d'une
à l'adolescent d'apprivoiser progressivement ses perceptions maladie chronique en lien avec un hyperspécialiste, jusqu'au
et de s'autonomiser dans la démarche vers le soin, tout en moment où un passage en secteur de soins adulte devient
prévenant toute forme d'écho du ou des évènements de rup- possible.
ture. C'est donc à l'échelle du soignant et de l'organisation
soignante que cet étayage s'exerce en prévenant tout éclate-
ment du parcours de soins dont les conséquences sont évi- Recommandations
dentes pour l'individu et la société. American Academy of Pediatrics. Committee on Psychosocial Aspects of
Child and Family Health and Committee on Adolescence. Sexuality
Fonction de séparation Education for Children and Adolescents. Pediatrics. 2001 ; 108(2) :
498–502.
Cette fonction est une des conditions de l'évolution du vivant.
Fédération française anorexie boulimie : http://www.ffab.fr
Elle doit être distinguée de la rupture, imposée par l'exté- Hagan JF, Shaw JS, Duncan PM, eds. Promoting healthy sexual develop-
rieur. Interrogeant le lien mère-enfant, la place du père, elle ment and sexuality. In : Bright futures : guidelines for health super-
va être questionnée dans le lien soignant-soigné, dans lequel vision of infants, children, and adolescents, 4th ed. Elk Grove Village,
le soignant a une fonction symbolique entre autres parentale. IL : American Academy of Pediatrics ; 2017.
Chez ces patients pour lesquels de nombreux deuils restent HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010.
inaccomplis, l'enjeu de cette relation sera aussi de veiller à ce HAS. Contraception chez l'adolescente. Fiche mémo, mars 2018.
que l'attachement ne devienne pas une dépendance. Là aussi, HAS. Manifestations dépressives à l'adolescence : repérage, diagnostic et
le positionnement du soignant, le parcours de soins avec prise en charge en soins de premier recours. Recommandations de
ses différentes composantes liées entre elles mais avec des bonne pratique, novembre 2014.
HAS/Anaes. Prise en charge hospitalière des adolescents après une ten-
espaces séparés vont permettre d'accompagner l'adolescent
tative de suicide. Recommandations de bonne pratique, novembre
sur le parcours des séparations nécessaires à son évolution. 1998.
INPES. Entre nous – Comment initier et mettre en œuvre une démarche
Positionnement du soignant d'éducation pour la santé avec un adolescent ? Guide d'intervention
La place du soignant impose certaines exigences. Les pro- pour les professionnels de santé, 2009.
jections de l'adolescent vers le soignant et vice versa peuvent OMS. Adolescents : risques sanitaires et solutions, 2018.
faire s'immiscer dans l'espace relationnel d'autres personnes
Chapitre
7
Environnement à risque
Coordonné par Antoine Bourrillon et Grégoire Benoist
PLAN DU CHAPITRE
Enfants victimes de sévices . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 Prise en charge administrative et juridique . . . 192
Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 Suivi et mesures préventives . . . . . . . . . . . . . . 193
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 Cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 Conduites à risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Examens paracliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 Jeux dangereux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Prise en charge médicale . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Noyades . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
Tableau 7.1 Nouveaux mineurs au sujet desquels le juge des enfants a été saisi, selon l'origine de la saisine.
Année 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Total 87 315 79 233 77 928 78 287 81 075 79 927 81 928 82 849 85 905 89 331 92 639 104 239
Saisines du parquet 68 381 62 524 62 379 64 321 67 347 66 869 68 961 70 052 72 540 75 692 78 377 88 178
Saisines d'office 7 465 6 067 5 639 4 777 4 757 4 445 4 349 4 168 4 141 3 929 3 963 3 984
Père, mère, tuteur 9 658 9 114 8 657 8 018 7 765 7 586 7 408 7 434 7 562 7 915 7 560 7 764
Mineur 832 685 649 629 721 629 864 868 1 332 1 456 2 330 3 861
Gardien, personne ou 979 843 604 542 485 398 346 327 330 339 409 452
service à qui le mineur est
confié
Champ : France métropolitaine et départements et régions d'outre-mer (Drom), hors Mayotte.
Ministère de la Justice/SG/SEM/SDSE/tableaux de bord des juridictions pour mineurs.
Chapitre 7. Environnement à risque 189
■ l'analyse du carnet de santé : consultations anormalement ■ évaluer la mobilité des membres et des articulations
fréquentes dans les services d'urgences pédiatriques, (fractures) ;
courbes staturo-pondérales (hypotrophie, nanisme ■ palper la fontanelle antérieure chez le nourrisson
psychosocial), retard dans le calendrier vaccinal, irrégu- (bombement) ;
larités du suivi, nomadisme médical ; ■ inspecter les organes génitaux externes et la région anale
■ le mode de garde, un contexte actuel particulier dans la famille avec prudence ;
(licenciement, fatigue parentale, violences conjugales). ■ demander selon les cas un fond d'œil (hémorragie réti-
L'existence de facteurs de risque (tableau 7.2) ne traduit nienne, œdème papillaire).
qu'une augmentation du risque de maltraitance, sans être Il convient enfin d'éliminer d'autres diagnostics qui pourraient
une preuve indéniable de celle-ci. Ils peuvent être cumula- faire suspecter une maltraitance. Ainsi, on évoquera devant :
tifs, voire multiplicatifs. ■ des hématomes (fig. 7.1 à 7.3) : des troubles de l'hémo
La maltraitance existe dans tous les milieux sociaux. stase, des jeux scolaires, des rituels d'endormissement ;
■ des ecchymoses : des taches bleu ardoisé (anciennement
dites mongoloïdes), des thérapeutiques parallèles ou
Retenir surtout comme éléments anamnestiques ayant une rituelles (Cao-Gio asiatique) ;
valeur d'orientation essentielle : ■ des brûlures accidentelles non infligées, des lésions vési-
■
le délai inexplicable entre le début des signes et la consulta- culobulleuses d'origine infectieuse ou allergique ;
tion médicale ;
■
l'incohérence entre le motif invoqué de la consultation et le
tableau clinique ainsi qu'entre l'âge de l'enfant et les lésions
constatées ; Encadré 7.1 Lésions tégumentaires
■
l'inadéquation entre les explications fournies par les parents évocatrices de maltraitance
et les signes physiques observés ;
■
l'absence de douleur reconnue par l'entourage dans un événe- ■
Hématomes et ecchymoses :
ment habituellement douloureux ; – morphologie : linéaire, en boucle (cravache, ceinture),
■
la responsabilité reportée sur une tierce personne ; – siège : visage, cuir chevelu, oreilles, parties couvertes
■
le manque d'intérêt pour le pronostic des lésions constatées.
(thorax, région dorsale, lombes).
■
Brûlures :
– morphologie : cigarettes,
Indices de suspicion clinique – siège : bouche, dos des mains.
L'examen physique doit être complet, sur un enfant totalement ■
Autres : griffures, morsures, plaques de cheveux arrachés,
déshabillé. L'enfant est mis en confiance, en évitant les gestes traces de contention.
douloureux ou agressifs inutiles. La présence éventuelle d'une
personne connue et/ou rassurante pour l'enfant peut l'apaiser.
Cet examen physique vise à :
■ observer le comportement et les réactions de l'enfant
(irritabilité, hostilité, indifférence) ;
■ évaluer précisément la douleur ;
■ analyser son aspect et son état général (hygiène corpo-
relle, cassure pondérale) ;
■ inspecter les téguments (encadré 7.1) ;
■ évaluer les grands repères de l'acquisition et du développe
ment psychomoteur ;
Examens paracliniques
Examens systématiques
Devant toute situation présumée ou avérée de maltraitance,
on réalise :
■ une NFS (numération formule sanguine avec dosage des
plaquettes) et une étude complète de l'hémostase (dont
facteur XIII) : recherche d'une pathologie hématologique
ou de coagulation ;
■ un bilan toxicologique : transaminases, recherche de
toxiques ;
■ des examens radiographiques du squelette (complet
chez l'enfant de moins de 2 ans, en privilégiant les cli-
chés centrés sur chaque segment : membres de face,
rachis entier de face et profil, gril costal ; segments
orientés au-delà de l'âge de 2 ans avec double lecture
radiologique) ;
■ imagerie cérébrale le plus souvent recommandée
chez tout enfant d'âge < 2 ans : TDM (tomodensito-
métrie) c érébrale en phase aiguë, IRM en complé-
ment ou en 1 re intention en absence de symptôme
neurologique (https://sfip-radiopediatrie.org/references-
medico-legales/).
Fig. 7.2 Sévices physiques : hématomes des joues L'analyse des radiographies effectuées (fig. 7.4) est en faveur
.
d'une maltraitance si elle montre :
■ des arrachements métaphysaires multiples et des décolle-
ments périostés (souvent latents) ;
■ des fractures des os plats (crâne, côtes) ou du rachis, des
os longs avant l'acquisition de la marche.
Fig. 7.5 Lésions traumatiques cérébrales évocatrices de maltraitance : lésions sous-durales, enfant secoué
.
192 Partie II. Spécialités
119 – « Allo, enfance maltraitée » Information préoccupante Situation d'une extrême gravité
(appels anonymes) (médicale, sociale, etc.) Échec d'une protection administrative
Évaluation
Juge pour enfant Juge d'instruction
Classement sans suite Brigade des mineurs
= protection = poursuite
■ une IRM, systématiquement effectuée dans un délai Dans ce contexte, il convient d'être rigoureux en :
rapide associant imagerie cérébrale et médullaire haute ■ recueillant très précisément les paroles de l'enfant et/ou
pour préciser le diagnostic et fixer le pronostic ; les circonstances qui ont amené à la suspicion d'abus ;
■ des clichés de squelette complet à la recherche de frac- ■ fixant le degré d'urgence par rapport à l'ancien-
tures associées, en particulier costales ; neté supposée des faits (si < 48 heures : urgence des
■ une numération formule sanguine pour évaluer la spolia- explorations) ;
tion ainsi qu'un bilan complet de coagulation pour élimi- ■ évaluant la possibilité de protection par l'entourage, du
ner une pathologie pouvant expliquer les saignements. risque psychologique, en particulier suicidaire ;
La prise en charge est lourde. L'hospitalisation est bien sûr ■ pensant aux risques d'infections sexuellement transmis-
indispensable dans tous les cas. sibles (IST) et de grossesse (contraception d'urgence).
Une prise en charge en réanimation pédiatrique est souvent L'examen général est toujours possible à la recherche de
indiquée au stade initial pour le maintien des fonctions vitales, signes de maltraitance.
le traitement des convulsions, la lutte contre l'œdème cérébral. Les examens gynécologiques et anaux requièrent une
Le traitement neurochirurgical peut comporter une éva- expertise importante et sont à confier aux unités pédia-
cuation simple par ponction transfontanellaire (rarement triques hospitalières.
efficace car les HSD sont souvent multiples) ou une dériva- L'accompagnement de l'enfant au décours de ces trau-
tion externe pour lutter contre l'hypertension intracrânienne. matismes associe une surveillance médicale et une prise
La prise en charge médicosociale est faite en milieu en charge psychologique. La suspicion d'abus sexuels chez
pédiatrique au décours de la réanimation avec l'aspect l'enfant implique un signalement judiciaire.
somatique initial et de surveillance prolongée. Les aspects
sociojuridiques sont associés. Le SBS est une maltraitance à
enfant et doit faire l'objet d'un signalement judiciaire.
Les conséquences de ces secouements dans le cadre du L'abus sexuel est une situation sévère de maltraitance où les
SBS sont graves. Selon les études à long terme, seuls 10 % appels à l'aide sont parfois dissimulés derrière des signes fonc-
des enfants évoluent sans séquelles. Celles-ci sont principa- tionnels variés, et dont le pronostic psychologique ultérieur est
lement sensorielles (cécité ou malvoyance), neurologiques lourdement engagé.
(cérébrales ou médullaires), cognitives. La mortalité est La prise en charge relève d'unités spécialisées.
importante et variable selon les séries de 10 à 40 % des cas.
La prévention doit être systématiquement abordée avec
tout parent au début de la grossesse ou tout adulte en âge
de procréer. Elle porte sur deux aspects : le danger des Des textes à connaître pour le médecin
secousses et l'attitude devant les pleurs de l'enfant. autour du secret médical
Article 226-13 du Code pénal
« La révélation d'une information à caractère secret par une per-
L'information des parents sur les dangers du secouement d'un sonne qui en est dépositaire […] est punie d'une peine d'emprison-
enfant est fondamentale. nement et de 15 000 € d'amende. »
Elle est associée à une information sur l'attitude parentale ou
adulte en responsabilité de garde devant les pleurs du nourrisson. Article 226-14 du Code pénal
« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose
ou autorise la révélation du secret. En outre il n'est pas applicable :
Abus sexuel ■
à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou admi-
nistratives de privation ou de sévices y compris lorsqu'il s'agit
Ce type de maltraitance est souvent commis par un adulte bien d'atteintes ou de mutilations sexuelles […] qui ont été infligées
connu de l'enfant (parent ou membre de la famille, enseignant à un mineur ou une personne qui n'est pas en capacité de se
ou éducateur). Les fausses allégations d'un enfant sont rares, et protéger […] ;
il n'appartient pas au médecin de douter de la véracité des faits. ■
au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec
La rétraction après une première révélation signe souvent l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de
une conduite d'adaptation, devant renforcer la présomption la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'éva-
et non l'infirmer. luation des informations préoccupantes relatives aux mineurs
en danger ou qui risquent de l'être, les sévices ou privations
Le diagnostic est souvent difficile et peut être évoqué sur :
qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exer-
■ le récit de l'enfant ; cice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des
■ des troubles somatiques indirects : douleurs abdominales violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature
ou pelviennes, récurrence inexpliquée de cystite ou de ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une
vulvite, infections génitales à germes inhabituels pour personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de
l'âge (Chlamydia), saignement vaginal ou rectal, gros- son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord
sesse chez l'adolescente ; n'est pas nécessaire […] »
■ des troubles psychocomportementaux : énurésie secon- Clarification complémentaire par la loi n° 2015-1402
daire récente, chute des performances scolaires ou pro- du 5 novembre 2015
blèmes de discipline, syndrome dépressif, agressivité, « Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les
mutisme, comportements à connotation sexuelle (mas- conditions prévues au présent article ne peut engager la respon-
turbation, jeux érotiques), tentative de suicide (ou sui- sabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est
cide), troubles du comportement alimentaire. établi qu'il n'a pas agi de bonne foi. »
196 Partie II. Spécialités
Conduites à risques ■ dans les jeux intentionnels, tous les enfants disent jouer
de leur plein gré. Ils connaissent les règles et donc les
Bertrand Chevallier risques qu'ils encourent : celui d'être victime, de recevoir
des coups, d'être humilié ou, à l'inverse, celui de devoir
frapper ou humilier un copain. Ces jeux sont nombreux,
baptisés de noms sans cesse évolutifs : jeu du cercle infer-
Jeux dangereux nal, jeu de la cannette, jeu du mikado, etc. ;
La pratique des jeux dangereux par l'enfant d'âge scolaire ■ dans les jeux contraints, l'objectif est d'agresser et humi-
est un phénomène préoccupant, mal connu des familles, lier un enfant désigné par le groupe, mais qui n'a pas
des enseignants et des médecins. Il s'agit essentiellement choisi de « jouer » et qui n'a pas donné son consentement.
de jeux d'agression, et de jeux de non-oxygénation dont Le jeu se complète par la diffusion des films des agres-
les enfants méconnaissent la dangerosité. Les médecins sions par les téléphones portables et internet. L'utilisation
d'enfants se doivent d'être informés de ces pratiques et de des moyens de communication modernes permet ainsi
leurs complications parfois redoutables, physiques, cogni- l'extension du cyberbullying.
tives et psychiques, afin de savoir repérer les signes évo-
cateurs, informer les enfants des risques, et contribuer à la Jeux de défis
prévention. Ces jeux s'appuient sur la recherche de l'exploit, du défi
conduisant le préadolescent ou l'adolescent à pratiquer des
activités de plus en plus dangereuses pour impressionner
Typologie des jeux dangereux son entourage, le plus souvent un groupe de pairs. Le sou-
Quelle définition ? hait de voir son exploit raconté, voire filmé est très présent
Trois grandes catégories de jeux dangereux doivent être dans cette situation spécifique.
distinguées : les jeux de non-oxygénation, appelés actuelle-
ment « jeux » d'évanouissement, les « jeux » d'agression et les Que sait-on des profils des enfants
« jeux » de défis. qui y participent ?
Dans le cas des jeux de non-oxygénation
Jeux dits de non-oxygénation ou d'asphyxie ou d'évanouissement
(choking games)
Certains traits de comportement peuvent être plus marqués,
Ils consistent, par un mécanisme de compression sternale tels qu'un intérêt pour la prise de risque, l'hyperactivité,
(ou cervicale) ou par une strangulation, à percevoir cer- voire certaines tendances dépressives (besoin de restaurer
taines sensations : visions pseudo-hallucinatoires, vertiges, un sentiment d'identité défaillant).
impression de planer, états euphoriques, voire un certain Un certain nombre de ces enfants s'adonnent à ces jeux
degré d'excitation sexuelle. par curiosité. Ces enfants sont en règle sains et sans diffi-
Le mécanisme est complexe, associant une hypoxie céré- cultés psychologiques particulières. D'autres, au contraire,
brale provoquée et des variations brutales de la capnie. vont répéter cette pratique jusqu'à l'addiction. Les enfants
Ces jeux peuvent être pratiqués par l'intermédiaire d'une vraiment suicidaires sont rares.
tierce personne (strangulation) ou seuls (auto-strangulation)
au moyen d'un lien serré autour du cou (corde, écharpe, Dans le cas des jeux d'agression
ceinture, etc.).
■ Les agresseurs sont le plus souvent des garçons lorsque
Lorsqu'ils sont pratiqués seuls, ces jeux ont le plus sou-
la violence physique est employée mais les filles parti-
vent lieu au domicile de la famille, alors que lorsqu'ils sont
cipent également lorsqu'il s'agit essentiellement de vio-
pratiqués à plusieurs, l'école reste un lieu privilégié ainsi que
lences psychologiques. Certains agresseurs sont actifs
les centres de loisirs et les colonies de vacances.
(les meneurs), souvent impulsifs, avec une tendance à
Les dénominations de ces jeux sont diverses : du simple
l'emportement rapide, la recherche de la domination ou
mais déjà dangereux « jeu de la tomate » pratiqué par les plus
la volonté d'imposer certains comportements à d'autres.
jeunes (dès 3–4 ans), jusqu'au « jeu du foulard », appelé aussi
■ Les victimes, malgré le côté aléatoire apparent de leur
« rêve indien », « rêve bleu », « jeu du cosmos » ou autre.
choix, sont le plus souvent des enfants ou adolescents
timides qui apparaissent alors comme des proies faciles.
Jeux d'agression
Certains d'entre eux peuvent attiser certaines jalousies ou
Ils s'intègrent dans le phénomène dit de harcèlement ou envies en raison de leurs compétences scolaires, de leur
bullying défini par des phénomènes d'agressions répétées et milieu socio-économique ou de simples particularités
systématiques d'élèves aux dépens d'autres élèves, surtout en physiques (taille, poids, disgrâce quelconque, habille-
groupe. ment, couleur des cheveux, etc.).
Ses formes sont variées : violences physiques, coups, rac-
ket, extorsion d'argent, dépouillement des effets personnels, La pratique et ses conséquences
mais aussi verbales ou psychologiques : injures (racistes,
sexistes), humiliation, intimidation, voire totale mise à l'écart. Déroulé de la pratique
Dans ces jeux d'agression, on distingue les jeux inten- Les jeux de non-oxygénation ou d'évanouissement suivent
tionnels et les jeux contraints : un rituel identique : une hyperventilation obtenue par
Chapitre 7. Environnement à risque 197
quelques flexions rapides des genoux et de grandes inspi- Conséquences à moyen et long terme :
rations débute cette séquence. Les pouces d'un camarade encéphalopathie anoxique aiguë
(ou un lien, foulard, etc.) compriment alors les carotides et conséquences des pratiques régulières
au point d'interrompre la circulation sanguine cérébrale. ■ Les pratiques répétées de jeux d'évanouissement
C'est lors des minutes qui suivent et qui précèdent la perte induisent des signes souvent peu spécifiques tels que des
de connaissance que le sujet ressent différentes sensations : maux de tête réguliers, des vertiges, des troubles du com-
vertige, impression de planer, vision floue, hallucinations portement et du sommeil, des difficultés scolaires.
visuelles ou auditives. Lorsque le jeune a repris ses esprits, ■ Les conséquences physiques de la pratique des jeux
soit spontanément, soit réveillé par l'un des assistants à cette d'agression sont également très lourdes et on décrit des
pratique, il raconte ses visions qu'il cherche à partager avec fractures de la colonne vertébrale, des traumatismes
le groupe de pairs. Dans la phase d'initiation, ce jeu se pra- crâniens, voire des ruptures d'organes (foie, rate, rein,
tique en groupe (cour de récréation, toilettes de collège) à organes génitaux). Les enfants victimes sont sujets à
l'abri des regards des adultes. En pratique solitaire, le dan- des manifestations psychotraumatiques (troubles du
ger est mortel car lors de la perte de connaissance, l'enfant sommeil, symptômes anxiodépressifs, phobies sco-
s'effondre, ce qui conduit à une pendaison. laires, idéations suicidaires avec parfois des passages à
l'acte).
Conséquences immédiates
Ces pratiques reconnaissent des conséquences importantes Quelques chiffres
tant sur le plan physique que psychologique. ■ La pratique concerne les enfants de 5 ans (jeu de la
■ Quel que soit le jeu pratiqué, un obstacle à la ventilation ou tomate) à 17 ans (jeux du foulard).
à la circulation a pour conséquence un état d'hypoxie céré- ■ La moyenne des pratiquants est âgée de 11 ans ½ ; 50 %
brale qui, dans l'immédiat, se manifeste chez l'enfant par sont des garçons.
des bourdonnements d'oreille, des tapes sourdes au niveau ■ Quinze à 25 % des enfants de fin d'école primaire y ont
des tempes, une vision double, des hallucinations visuelles joué au moins une fois et près de 40 % d'entre eux ont
variées, une impression de planer au-dessus du sol, une déjà vu cette pratique en cours d'école.
impression d'objets qui se déplacent et des phénomènes ■ Dix pour cent des pratiquants viennent consulter
physiques tels qu'une lourdeur dans les jambes ou, du fait pour des symptômes conséquence de ces pratiques
de la strangulation, des rougeurs au niveau du visage. (urgences, neuropédiatrie, ophtalmologie, pédopsy-
■ La durée et l'intensité de la strangulation ou de la com- chiatrie, ORL).
pression peuvent induire des complications neurolo- ■ On recense depuis 10 ans en France entre 10 et 16 décès
giques d'intensité variable. annuels dus à ces jeux, dont 90 % concernent les garçons
■ Peu appuyée, la compression des vaisseaux du cou inté- et surviennent lorsque l'enfant ou l'adolescent joue seul.
resse surtout la circulation veineuse responsable d'un
œdème cérébral par blocage du retour veineux du cer-
veau et d'une hypercapnie. Prévention
■ Lorsque la pression exercée est plus forte, touchant les Prévention primaire
carotides, le cerveau est privé d'oxygène et selon la durée
Elle consiste en l'information des enfants et des familles, la
de l'acte, peuvent survenir une perte de connaissance,
formation des enseignants et des médecins. Certaines inter-
une souffrance cérébrale avec des lésions cérébrales défi-
ventions sont efficaces :
nitives (surdité, cécité, état grabataire, etc.) et un coma
■ sollicitation et participation active et interactive
irréversible.
des élèves, sans se réduire à une simple transmission
■ Après la perte de connaissance qui apparaît très rapide-
d'informations ;
ment après les premiers signes, des convulsions peuvent
■ adaptation aux tranches d'âge (maturité chez les plus
survenir.
jeunes, compétences d'ordre social pour les adolescents),
■ Après l'arrêt de l'hypoxie à ce stade, la récupération peut
aux groupes à risques (compétences plus spécifiques :
être complète ; mais pendant un certain nombre d'heures,
gestion de la colère, capacité d'autorégulation, etc.) ;
et parfois même de jours, on peut observer des troubles
■ inscription dans la durée (répétées tout au long de la
de l'équilibre, des tremblements fins des extrémités, des
scolarité de l'enfant et coordonnées avec les programmes
troubles moteurs, des difficultés à la marche et à la mon-
scolaires) ;
tée des escaliers, une confusion de l'enfant, une déso-
■ action sur plusieurs facteurs simultanément (famille,
rientation temporospatiale, une amnésie complète des
enseignants, associations, professionnels de santé, envi-
phénomènes que l'enfant a pu percevoir avant la perte
ronnement scolaire).
de connaissance et l'hypoxie, et une amnésie complète de
l'évènement lui-même.
■ Les enfants présentent le plus souvent des signes phy- Prévention secondaire
siques d'œdème du cerveau avec des hémorragies Certains signes doivent être repérés par les parents (enca-
intraoculaires et des lésions de saignement (pétéchies ou dré 7.3) et doivent conduire à évoquer ces pratiques et à en
purpura) sur la peau (cou, visage). parler avec l'enfant et l'adolescent. Il s'agit surtout de signes
■ Le décès est constant lorsque la durée de l'hypoxie céré- physiques, de troubles du comportement, d'une baisse de
brale atteint 4 minutes. rendement scolaire.
198 Partie II. Spécialités
4. enfant avec des signes d'insuffisance respiratoire : pro- ■ Sécuriser sa piscine : en complément des mesures de
céder à l'intubation et la ventilation mécanique avec PEP prévention, l'installation de dispositifs de sécurité est
élevée, transférer en soins intensifs ; obligatoire, notamment pour les piscines privées. La loi
5. enfant avec des troubles de la conscience : en prévoit de plusieurs types : les barrières, abris ou cou-
– traiter d'éventuelles convulsions, vertures (qui empêchent physiquement l'accès au bassin
– mesurer la glycémie, et sont particulièrement adaptés pour les jeunes enfants)
– éviter l'installation secondaire d'une hypoxie ou d'une et les alarmes sonores d'immersion ou périmétriques
hypotension. (qui informent de la chute dans l'eau ou de l'approche
du bassin). Attention cependant, ces dispositifs ne rem-
placent pas la surveillance active et permanente d'un
Prévention adulte.
■ Assurer une surveillance permanente, surtout lorsque
l'on sait qu'un enfant peut se noyer en moins de 3 minutes
dans 20 cm d'eau, sans un bruit : ne pas laisser seul un Recommandations
enfant de moins de 2 ans dans la baignoire et éviter les
sièges de bain, les anneaux, etc. HAS. Maltraitance chez l'enfant : repérage et conduite à tenir. Fiche mémo,
■ Être vigilant avec un enfant qui ne sait pas nager à proxi- juillet 2017.
HAS. Repérage et signalement de l'inceste par les médecins : reconnaître les
mité des points d'eau : lacs, étangs, piscines.
maltraitances sexuelles intrafamiliales chez le mineur. Recommanda-
■ Équiper les enfants qui ne savent pas nager de brassards adap- tions de bonne pratique, mai 2011.
tés à leur taille, leur poids et leur âge, et ce dès qu'ils sont à HAS. Syndrome du bébé secoué et traumatisme crânien non accidentel par
proximité de l'eau. Ces brassards doivent porter le marquage secouement. Recommandations de bonne pratique, juillet 2017.
CE et indiquer la norme NF 13138-1. Les matelas, bateaux Loi du 5 mars 2007 (n° 2007-293 réformant la protection de l'enfance).
pneumatiques et autres bouées ne protègent pas de la noyade. JO du 6 mars 2007.
Chapitre
8
Organisation des soins
autour de l'enfant
Coordonné par Brigitte Chabrol
PLAN DU CHAPITRE
Protection maternelle et infantile (PMI) . . . . . 201 Hospitalisation à domicile (HAD) . . . . . . . . . . . 209
Médecine scolaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 Maison des adolescents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
Enfant en situation de handicap. . . . . . . . . . . . 207 Enfant migrant en conditions de vie précaires. . . 215
Planification familiale
Éducation familiale PMI Modes d'accueil
contrat entre la famille et le département, et d'AEMO – repérer les enfants en souffrance (négligence, maltrai-
(Actions éducatives en milieu ouvert) ordonnées par tance, prise en charge inadaptée) ;
le juge d'enfant, l'ASE (Aide sociale à l'enfance), les – soutenir les familles des enfants en difficulté ;
associations, les CAMSP, les hôpitaux, les médecins – soutenir les enfants des familles en difficulté.
libéraux, etc.
Professionnels
Loi du 5 mars 2007 réformant la protection
Puéricultrices, médecins, psychologues, psychomotriciens,
de l'enfance assistantes sociales, éducatrices de jeunes enfants, auxiliaires de
■ La réforme de 2007 a renforcé la compétence médico- puériculture, agents de service spécialisés.
sociale du service départemental de la PMI reconnu
comme un acteur majeur de la protection de l'enfance. Après cette énumération des actions au sens large de
■ Elle renforce : la PMI, il est une réalité de terrain que l'on ne peut nier.
– la collaboration entre les différents services parte- Actuellement, en 2019, la PMI rencontre une pénurie de
naires concourant à la protection des enfants ; moyens telle que son avenir pourrait être compromis. À la
– la prévention précoce. demande de la ministre des Solidarités et de la Santé et de
■ Le président du département est chef de file et coordina- la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations
teur de la protection de l'enfance. avec les collectivités territoriales, de nombreux travaux se
mettent en place pour mieux répondre aux difficultés de
Loi du 14 mars 2016 déterminant la protection financement de la PMI et au problème de démographie des
de l'enfant professions de santé concourant à la PMI.
« La protection de l'enfant vise à garantir la prise en compte La PMI est actuellement le seul acteur dans l'organisation
des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son dévelop- des soins autour de l'enfant qui a une vue d'ensemble sur les
pement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa différents milieux de vie du jeune enfant : la famille, les lieux
santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation dans le respect d'accueil petite enfance, l'école maternelle, etc. Son travail
de ses droits » (art. L. 112-3). pluridisciplinaire avec la maternité, les hôpitaux, le monde
La réforme de 2016 permet : libéral, les CAMSP, CMP et autres services doit permettre une
■ l'évaluation par une équipe pluridisciplinaire ; les profes- approche globale de la santé de l'enfant et de sa famille. Pour
sionnels, sauf exception, sont différents de ceux chargés cela, la PMI doit rester accessible à tous, avec une attention
du suivi ; particulière pour les personnes en situation de vulnérabilité.
■ l'évaluation de la situation de l'ensemble des mineurs
d'un même foyer ; Médecine scolaire
■ le recueil de l'avis des professionnels ou des personnes
qui connaissent le mineur dans son quotidien ou dans le Pierre Bégué
cadre de soins ou d'accompagnement après information La santé « scolaire » a beaucoup évolué ces dernières décen-
des parents ; nies, orientée vers le bien-être physique, moral et psychique
■ la réponse de l'évaluation en 3 mois ; des élèves. Pour les 12 millions d'élèves que compte la
■ la désignation dans chaque département d'un méde- France, l'école est le lieu d'enseignement où leur personna-
cin référent pour la protection de l'enfance chargé lité doit se construire, à la condition que l'environnement
de l'organisation et de la coordination entre les ser- soit favorable. Les enfants passent la moitié de leur temps
vices départementaux et les médecins libéraux et éveillé à l'école entre 6 et 16 ans. Combinant de façon éga-
hospitaliers ; litaire prévention et éducation pour la santé, l'école devrait
■ l'envoi tous les 6 mois d'un rapport au juge des enfants procurer des solutions adaptées à tous les élèves, y compris
pour les enfants de moins de 2 ans bénéficiant d'une les plus vulnérables ou en situation de handicap.
mesure judiciaire.
De la médecine de dépistage
Modes d'accueil
à la promotion de la santé
■ Agrément/avis et contrôle des établissements d'accueil
des enfants de moins de 3 ans (par les médecins et/ou par La notion de médecine scolaire a émergé au Siècle des Lumières
les puéricultrices de PMI). car les philosophes s'intéressaient à l'éducation des enfants et à
■ Agrément et formation des assistantes maternelles. l'hygiène. Une médecine des écoles fut promulguée par Laka-
■ Information et orientation des familles. nal en 1793, mais il fallut attendre la fin du xixe siècle pour
■ Gestion des crises sanitaires : par exemple rougeole, infec- introduire l'éducation à la santé dans le système scolaire natio-
tions invasives à méningocoques, coqueluche, teigne, gale, nal. L'école de Jules Ferry fut surtout orientée vers l'hygiène et
syndrome mains-pieds-bouche, varicelle, etc. l'éducation physique des élèves. C'est seulement en 1946 que
■ Projet d'accueil individualisé (PAI), essentiellement des ordonnances posèrent les bases d'un service national sco-
allergie alimentaire et asthme. laire et universitaire. La santé scolaire dépendait de l'Éducation
■ Contrôle des obligations vaccinales. nationale (EN) en 1946, puis du ministère de la Santé en 1964
■ Travail pluridisciplinaire afin de : et, de nouveau, du ministère de l'EN en 1984 et jusqu'à ce jour.
– repérer les enfants porteurs de troubles de développe- Ces allers et retours traduisent l'ambiguïté de la place de la
ment ; santé scolaire dans la gouvernance nationale.
Chapitre 8. Organisation des soins autour de l'enfant 205
Aujourd'hui, ses objectifs sont beaucoup plus ambitieux Sous l'égide du ministre de l'EN, la DGESCO élabore
que ceux des ordonnances de 1946. On est passé du simple la politique éducative et pédagogique et assure la mise en
dépistage à la promotion de la santé chez l'enfant et l'ado- œuvre des programmes d'enseignement des écoles, des
lescent. Le concept de « médecine » scolaire a évolué vers collèges, des lycées et des lycées professionnels. La sous-
celui de « santé » scolaire, selon les 7 axes de promotion de la direction de la « vie scolaire » comporte un bureau de la
santé à l'école de la loi du 8 juillet 2013. Trois termes, défi- santé, de l'action sociale, de la sécurité, avec en particulier
nissant les missions, figurent dans les textes organisant la un médecin de l'EN conseiller technique.
santé scolaire en France :
■ la promotion de la santé ; Acteurs de la santé scolaire
■ l'éducation pour la santé ;
■ le parcours éducatif de santé. « La promotion de la santé à l'école relève des personnels
En 1991, le service de la médecine scolaire fut remplacé par médicaux, infirmiers et sociaux de l'éducation nationale,
le service de promotion de la santé en faveur des élèves, travaillant en équipes pluri-professionnelles. L'ensemble des
rattaché au ministère de l'EN. La promotion de la santé, for- personnels de la communauté éducative participe à cette mis-
malisée en 1986 dans la charte d'Ottawa, est un processus sion. » Ce sont les termes adoptés en février 2019 dans la loi
global donnant aux populations les moyens d'assurer un plus pour l'école de la confiance.
grand contrôle sur leur propre santé et d'améliorer celle-ci.
Elle comporte les démarches essentielles de dépistage, en Médecins scolaires
particulier par les examens obligatoires de 6 et 11 ans. Elle Ils appartiennent à trois catégories :
concerne aussi les enfants ayant des problèmes médicaux ■ les médecins titulaires, ou « médecins de l'Éducation
spécifiques ou des handicaps pour assurer leur bien-être et nationale » (MEN), dont le corps a été créé en 1991, sont
leur réussite à l'école. recrutés sur concours. Les candidats admis reçoivent une
L'éducation pour la santé vise à développer des compor- formation théorique à l'École des hautes études en santé
tements responsables et à éduquer à la citoyenneté, ce qui est publique de Rennes, dont la durée varie de 8 à 16 semaines
du ressort de toute la communauté éducative : hygiène de vie, selon leur expérience professionnelle. En outre, une
éducation à la sexualité, éducation nutritionnelle, prévention formation spécialisée transversale (FST) de médecine
des jeux dangereux, des addictions, des écrans, du mal-être. scolaire a été créée en 2017, concrétisant ainsi la spéci-
Faisant partie du socle commun des connaissances, l'éduca- ficité de cette profession. Les MEN sont sous l'autorité
tion à la santé est formalisée par le projet d'établissement, et hiérarchique de l'inspection d'académie mais ils gardent
mise en pratique par le Comité d'éducation à la santé et à la leur indépendance professionnelle. Leurs missions ont
citoyenneté (CESC) créé en 2006 pour les établissements du été redéfinies par une circulaire de novembre 2015 sépa-
second degré. Il a pour mission de « contribuer à l'éducation à rant les missions des médecins et celles des infirmières.
la citoyenneté, de préparer le plan de prévention de la violence, Un nombre de 5 000 élèves par médecin était retenu en
de proposer des actions pour aider les parents en difficulté, de 2004. Mais le nombre des médecins scolaires n'a cessé
définir un programme d'éducation à la santé et à la sexualité et de décroître, passant de 2 000 en 2006 à moins de 1 000
de prévention de conduites à risques ». en 2019, avec un taux moyen d'encadrement variant de
Le parcours éducatif de santé, mis en place en 2016, 2 000 à 46 000 élèves par médecin ;
décrit ce qui est offert aux élèves en matière de santé à ■ les médecins vacataires et des médecins contractuels,
l'échelon de l'école, de la circonscription et de l'établisse- recrutés sans concours pour combler les déficits, mais
ment scolaire en articulation étroite avec leur territoire. dont le recrutement est actuellement très faible (7,2 % des
médecins scolaires) ;
La médecine scolaire au sein ■ les médecins scolaires « municipaux », également recru-
de l'Éducation nationale tés sans concours par les municipalités d'une douzaine
de villes importantes, à Paris, Lyon, Nantes, par exemple.
La politique de santé en faveur des élèves est organisée à Ils ne sont affectés qu'aux écoles maternelles et élémen-
tous les niveaux de l'institution scolaire : national, acadé- taires. Leurs missions sont celles définies par les textes en
mique, départemental et local. La tutelle de la mission de vigueur.
promotion de la santé est exercée au ministère de l'EN par
la sous-direction de la vie scolaire (Direction générale de
l'enseignement scolaire, DGESCO).
L'académie est la circonscription administrative de réfé- Où exerce le médecin scolaire ?
rence de l'EN. Il existe 17 régions académiques créées en
2016 au sein desquelles se regroupent 30 académies, 26 en Le médecin de secteur exerce différemment en zone urbaine ou
métropole et 4 en Outre-mer. Chaque académie est placée en zone rurale. En zone urbaine, il exerce au sein du « centre
médico-scolaire », avec une secrétaire administrative scolaire
sous l'autorité d'un recteur, nommé par le président de la et des infirmières de l'EN faisant partie d'un établissement sco-
République. Chaque service départemental de l'EN est dirigé laire. La secrétaire est un lien important avec les familles et les
par un directeur académique des services de l'EN. Le recteur enseignants. Ces centres dépendent du ministère de l'EN. Créés
d'académie est responsable de la totalité du service public de en 1945 pour réaliser les visites des élèves et du personnel sco-
l'éducation dans l'académie, de la maternelle à l'université, laire et pour l'éducation à la santé, ils sont organisés par les com-
ainsi que pour les établissements privés. L'inspecteur d'acadé- munes de plus de 5 000 habitants.
mie est le représentant du recteur à l'échelon départemental.
206 Partie II. Spécialités
a ddictions. La protection de l'enfance s'exerce aussi lorsqu'un la vie. L'objectif est de renforcer les compétences psychoso-
élève est en danger au regard de sa santé, de la moralité ou de ciales et de développer la promotion de la santé par des pro-
sa sécurité. Le médecin scolaire est amené à avertir les autori- grammes tels qu'ABMA (Aller bien pour mieux apprendre)
tés compétentes de son secteur, voire le procureur. ou la mise en place des « ambassadeurs élèves » de prévention
qui portent des messages de prévention auprès des autres
Éducation pour la santé élèves. D'autres actions (mallette des parents, école inclusive,
L'équipe de santé scolaire doit faire l'analyse des détermi- etc.) ont pour but d'améliorer le bien-être et la santé à l'école.
nants de santé concernant la prévention pour responsabi- Des problématiques sociétales nouvelles représentent
liser les élèves : alimentation, activité physique, addictions, une lourde charge dans la politique de prévention à l'école :
sexualité, écrans. violence et harcèlement, tentatives de suicide, grossesses
précoces, troubles alimentaires et nutritionnels, conduites à
risque, absentéisme, décrochage scolaire. Ces situations
Environnement
justifient un travail en réseau avec de nombreux acteurs
Le médecin scolaire veille avec le chef d'établissement et de la santé publique et de l'éducation. L'« équipe de santé
l'équipe éducative à l'environnement autour des élèves. Ceci scolaire » est plus que jamais indispensable… En France, le
concerne les questions matérielles : les locaux, les sanitaires nombre des médecins scolaires est insuffisant et en décrois-
ou la restauration (cantines), mais aussi le climat général, en sance. La désaffection pour cette discipline provient d'une
particulier les comportements de violence. reconnaissance insuffisante, d'une gouvernance imparfaite
entre les ministères de l'Éducation nationale et de la Santé
Situations aiguës et de conditions salariales médiocres. Cette situation devrait
Il faut parfois faire face à une maladie infectieuse grave, telle s'améliorer dans les années futures si l'on veut assurer une
qu'une méningite à méningocoque ou bien à un évènement promotion de la santé et une éducation à la santé plus que
grave dans l'établissement, parfois médiatisé, impliquant jamais nécessaires pour tous les enfants et les adolescents.
la mise en place d'une cellule d'écoute pour les parents, les
élèves, les enseignants.
Enfant en situation de handicap
Autres actions Brigitte Chabrol
■ Le médecin scolaire a aussi un rôle de référent d'ensei- Le médecin traitant de l'enfant occupe une place privilégiée
gnant de la médecine scolaire : à l'égard des enseignants auprès d'un enfant en situation de handicap. À tout moment,
mais aussi des étudiants en médecine. il se doit d'être son référent, favorisant une approche et une
■ De nombreuses visites s'ajoutent à ces tâches : visites prise en charge globales afin de lui assurer la meilleure auto-
de suivi des élèves dépistés, pour l'enseignement adapté, nomie possible.
pour les classes relais lors d'un décrochage scolaire, pour La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des
l'affectation prioritaire des élèves porteurs de handicap chances, la participation et la citoyenneté des personnes
au lycée, pour les certificats médicaux en cas d'assistance handicapées est venue préciser le contenu du terme « han-
pédagogique à domicile. S'y ajoutent les visites régulières dicap » : « Constitue un handicap toute limitation d'activité ou
à la demande, en réponse aux appels de plus en plus nom- restriction de participation à la vie en société subie dans son
breux des enseignants ou des infirmières. environnement par une personne en raison d'une altération
substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions
La médecine scolaire en Europe physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques,
L'organisation de la médecine scolaire est très variée en d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »
Europe, mais tous les systèmes ont en commun la promo-
tion de la santé. Des chercheurs ont mis en évidence trois Épidémiologie
modèles :
Le taux de prévalence des handicaps de l'enfant n'a pas dimi-
■ un modèle sanitaire sans médecins scolaires mais avec
nué durant les dernières décades en France comme à l'étran-
des médecins de ville dans certains cantons de Suisse ;
ger, la proportion d'enfants déficients est proche de 2,5 %
■ un modèle communautaire où les médecins et les spécia-
tous handicaps confondus. Ce taux se situe ainsi autour de :
listes de médecine scolaire sont regroupés dans un centre
■ 6,6 enfants pour 1 000 naissances pour les handicaps
de quartier : Espagne, Portugal ;
neurosensoriels sévères (trisomie 21, retards mentaux
■ un système intégré où la santé scolaire est au cœur de
sévères, paralysies cérébrales, surdités sévères, autisme et
l'institution éducative : France, Belgique, certains cantons
troubles du spectre autistique) ;
de Suisse ou certains lands d'Allemagne. Le modèle fran-
■ 3 pour 1 000 pour les déficiences motrices comme pour
çais est remarquable mais souffre d'un manque évident
les déficiences intellectuelles sévères ;
de moyens.
■ 2,5 ‰ pour les troubles psychiatriques (autisme et
psychose) ;
Orientations nouvelles ■ 1,5 ‰ pour les déficiences sensorielles sévères.
Le Comité interministériel pour la santé a choisi en 2018 Par ailleurs, plus de 1 % des enfants sont atteints d'autres
de mettre en place une politique de promotion de la santé anomalies responsables de handicaps (maladies somatiques,
incluant la prévention, dans tous les milieux et tout au long de malformations). Ce taux est beaucoup plus élevé chez les
208 Partie II. Spécialités
enfants nés prématurément (< 32 SA) où il est montré que Centres d'action médicosociale précoce (CAMSP)
3 à 9 % seront porteurs d'une paralysie cérébrale, 15 à 20 % Pour les enfants âgés de 0 à 6 ans, ils ont pour objet le dépis-
présenteront une déficience intellectuelle modérée ou pro- tage, la cure ambulatoire et la rééducation des enfants ayant
fonde et 3 à 4 % seront porteurs d'une déficience visuelle ou des déficits sensoriels, intellectuels ou moteurs, en vue d'une
auditive sévère. adaptation sociale et éducative dans leur milieu naturel
Les troubles du neurodéveloppement, toutes causes et avec la participation de leurs familles. Ils fonctionnent
confondues, représentent 45 % des maladies chroniques de avec une équipe pluridisciplinaire, tant au niveau médical
l'enfant (source CNAMTS). (pédiatres, pédopsychiatres) que paramédical (kinésithéra-
peutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues,
Scolarisation etc.). Ce type de prise en charge ne nécessite pas d'orien-
tation par la MDPH ; l'accès y est direct à la demande de la
Projet personnalisé de scolarisation (PPS) famille ou de médecins.
Il s'établit en lien avec l'équipe éducative, les parents, un
enseignant référent de la MDPH et les équipes de soins. Autres services pouvant également intervenir
Le PPS est un projet individualisé dynamique adapté aux
besoins réels de l'enfant. À la rentrée 2017, 321 476 enfants en
sans orientation par la MDPH
situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire ■ Pour les enfants âgés de 3 à 18 ans ayant des troubles psy-
dont 181 158 dans le 1er degré et 140 318 dans le 2e degré. Les choaffectifs, psychomoteurs ou des troubles des appren-
élèves porteurs de déficiences intellectuelles et cognitives tissages : CMPP (centres médico-psycho-pédagogiques).
sont les plus nombreux (43 % des effectifs), suivis des élèves ■ Pour les enfants ayant des troubles psychiques : CMP
ayant des troubles psychiques (19 %), et des jeunes présen- (centres médicopsychologiques).
tant des troubles du langage et de la parole (14 %). Les autres Des prises en charge peuvent également être réalisées en
déficiences (motrices, associées, visuelles, auditives et autres) secteur libéral (séances de kinésithérapie, d'orthophonie,
constituent 23 % de l'ensemble des élèves handicapés. suivi pédopsychiatrique, neuropédiatrique, de rééducation
fonctionnelle). Les frais de rééducations par des psycholo-
gues, psychomotriciens et ergothérapeutes en libéral ne sont
Intégration individuelle en classe scolaire
pas pris en charge par la sécurité sociale et peuvent être pris
Elle peut se faire avec le soutien d'un accompagnant des en compte dans le PPC (plan personnalisé de compensa-
élèves en situation de handicap (AESH), ce qui permet tion) établi par la MDPH.
à un certain nombre d'enfants handicapés de trouver leur
place dans la classe comme dans la vie de l'école, mais aussi
à l'enseignant, aux camarades, à toute l'école de les accueil-
Services médicosociaux d'accompagnement
lir dans les meilleures conditions, en facilitant les relations nécessitant une orientation MDPH
et la communication. Cette mesure est décidée sur étude ■ SESSAD – Services d'éducation spéciale et de soins à
de dossier par la commission des droits à l'autonomie de la domicile : pour les enfants atteints de déficiences intel-
MDPH. Enfin, tous les examens et concours organisés par lectuelles et motrices, de troubles du caractère et du
l'Éducation nationale offrent des possibilités d'aménage- comportement.
ments étendus et renforcés pour les candidats handicapés ■ SSAD – Services d'aides et de soins à domicile : pour les
(tiers temps supplémentaire, assistant de secrétariat, etc.). enfants présentant un polyhandicap.
■ SAFEP – Services d'accompagnement familial et d'éduca-
tion précoce : pour les enfants âgés de 0 à 3 ans ayant une
Classes d'intégration collective
déficience sensorielle.
■ En primaire, les ULIS école (unités localisées pour l'in- ■ SSEFIS – Services de soutien à l'éducation familiale et à
clusion scolaire) accueillent 12 enfants au maximum. l'intégration scolaire : pour les enfants déficients auditifs
■ Au collège et au lycée, les ULIS collège et lycée assurent âgés de plus de 3 ans.
une continuité avec les ULIS école et accueillent 10 élèves ■ SAAIS – Services d'aide à l'acquisition de l'autonomie et
âgés de 11 à 16 ans. à l'intégration scolaire : pour les enfants déficients visuels
■ Au collège, les SEGPA (sections d'enseignement général âgés de plus de 3 ans.
et professionnel adapté) accueillent les élèves ayant des
difficultés d'apprentissage graves et persistantes. Il s'agit
d'un enseignement adapté qui vise une qualification pro- Intégration en établissement médicosocial
fessionnelle. L'élève est ensuite orienté, après la classe de Si tout enfant handicapé peut être inscrit dans « l'école ou
3e, vers un lycée professionnel, un centre d'apprentis ou l'établissement du second degré de son quartier », il peut
un établissement régional d'enseignement adapté (EREA). exister des limites à cette intégration. Le pédiatre doit veiller
à ce que l'enfant ne paye pas son adaptation scolaire à un
prix méconnu : par des efforts incessants, par un sentiment
Dispositifs d'accompagnement de ne jamais en faire assez, et devoir en faire toujours plus.
de la scolarisation Ce sentiment risque de le conduire à une profonde dévalo-
Plusieurs structures pluridisciplinaires définissent et mettent risation, voire à une authentique dépression source de pho-
en œuvre pour chaque enfant un projet éducatif, pédago- bie scolaire. Dès lors, une orientation en milieu spécialisé
gique et thérapeutique en association avec les parents. ne doit pas être ressentie comme un échec mais comme un
Chapitre 8. Organisation des soins autour de l'enfant 209
passage pour atteindre d'autres objectifs, mais dont la fina- Autres organisations de soins
lité est toujours la même : donner à l'enfant l'autonomie et
l'intégration sociale les meilleures possible.
Consultation pluridisciplinaire
Différentes structures proposent une prise en charge Ces dernières années, une approche multidisciplinaire
au long cours de la totalité ou d'une partie des besoins de de l'enfant en situation de handicap s'est imposée comme
l'enfant handicapé tant au niveau éducatif, que rééducatif une évidence avec comme conséquence la mise en place de
et psychologique. L'accès se fait par l'intermédiaire de la consultations dédiées spécifiques. Ces consultations relèvent
CDAPH de la MDPH. Il s'agit principalement : de quelques principes de base : unité de lieux, unité de
■ d'IME (instituts médico-éducatifs) pour les enfants temps, cohérence de l'information entre spécialistes, temps
âgés de 0 et 20 ans, en distinguant les établissements de synthèse, accessibilité des locaux, rendu des résultats à la
pour enfants ayant une déficience intellectuelle, de ceux famille, désignation d'un coordonnateur, etc. L'enfant voit
pour enfants ayant une déficience motrice, de ceux pour ainsi dans une journée ou une demi-journée les différents
enfants polyhandicapés, de ceux pour enfants ayant une spécialistes nécessaires à son suivi, le médecin coordonna-
déficience auditive grave, et de ceux pour enfants ayant teur ayant établi au préalable un planning de cette journée.
une déficience visuelle grave ou cécité ; Le rythme du suivi est variable d'une à deux fois par an,
■ d'IMPRO (instituts médico-professionnels) après l'âge de variable selon l'enfant, sa maladie et le stade évolutif. D'où
14 ans afin de donner une formation professionnelle ; l'importance du pédiatre comme coordonnateur, et d'une
■ d'ITEP (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédago- équipe référente, garante du « savoir partagé » actualisé à
giques) pour des enfants ayant des difficultés scolaires tous moments.
sévères associées à des troubles du comportement ;
■ des IEM (instituts d'éducation motrice) pour les enfants Transition enfant – adulte
atteints de déficience motrice sévère. Avec les progrès de la prise en charge, un plus grand
nombre d'enfants handicapés deviennent adultes. Le
Aides financières et sociales passage des consultations « enfants » aux consultations
« adultes », marquant la transition de la prise en charge
La prise en charge sociale repose avant tout sur la rédac-
de l'enfance à l'âge adulte, représente un défi majeur dans
tion de certificats médicaux qui doivent être précis, clairs,
l'organisation des soins. Ce processus de transition reste
synthétiques et contenir des éléments pertinents (certificat
difficile et, trop souvent, prend la forme d'un transfert
MDPH et ALD – affection de longue durée). Ces certificats
brutal pour des jeunes et des familles qui y sont trop peu
sont soumis au secret médical.
préparés. La transition risque alors d'être associée à une
Les enfants handicapés bénéficient d'une exonération du
rupture du suivi médical, parfois prolongée, et source de
ticket modérateur, avec prise en charge à 100 % des frais
complications graves.
de santé. Cette prise en charge recouvre les soins médica-
menteux et autres, les régimes spécifiques, les séjours hos-
pitaliers, les frais de transport relatifs aux soins, les aides Hospitalisation à domicile (HAD)
techniques.
L'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant Violaine Bresson
handicapé (AEEH) relève de la compétence de la CDAPH Depuis la première ouverture de service en 1945 à l'Assis-
de la MDPH. Les compléments sont attribués aux enfants tance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), l'hospita-
dont la nature ou la gravité du handicap exige des dépenses lisation à domicile n'a de cesse de déplacer l'hôpital au lit
particulièrement coûteuses ou le recours fréquent à une du malade tout en assurant des soins médicaux et paramé-
tierce personne. Il existe des compléments de 6 catégories dicaux continus, complexes et fréquents en toute sécurité.
différentes. Des pathologies graves, aiguës ou chroniques, évolutives
La carte mobilité inclusion (CMI) permet de béné- ou instables, sont ainsi prises en charge tout en permettant
ficier de certains droits notamment dans les transports. au patient de rester dans son environnement. Au-delà des
Elle comporte une ou plusieurs mentions (priorité, inva- enjeux économiques, cette particularité est un atout majeur
lidité, stationnement). Elle relève de la compétence de la pour le patient dont l'évolution clinique et le confort en sont
MDPH. améliorés.
L'allocation journalière de présence parentale (AJPP) Ceci est d'autant plus visible en pédiatrie où le retour à
est attribuée lorsque l'enfant est atteint d'une maladie, d'un domicile a un réel bénéfice sur le confort et la guérison du
handicap, ou victime d'un accident rendant indispensable patient.
une présence parentale soutenue et des soins contraignants.
L'obtention du congé n'est pas cumulable avec le complé-
ment d'éducation spéciale perçu pour le même enfant. Définition
L'AJPP est en revanche cumulable avec l'AEEH simple. Selon le décret du 2 octobre 1992 : « Les structures d'HAD
Des aides à domicile sont également possibles. Toute permettent d'assurer au domicile du malade, pour une période
prescription de soins médicaux ou paramédicaux à domicile limitée mais révisable en fonction de l'évolution de son état de
peut être assurée soit par des professionnels libéraux payés santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et néces-
à l'acte, soit par des services de soins infirmiers à domicile sairement coordonnés. Les soins en HAD se différencient de
dans les conditions habituelles de prise en charge de l'assu- ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et
rance maladie. la fréquence des actes ».
210 Partie II. Spécialités
Ainsi, « l'HAD concerne les malades, quel que soit leur Contexte de développement national
âge, atteints de pathologies graves aiguës ou chroniques, L'HAD s'est développée au niveau national dans un contexte
évolutives et/ou instables qui, en l'absence d'un tel service d'un nombre croissant de patients polypathologiques et
seraient hospitalisés en établissement de santé » (circulaire d'une forte demande de la part des patients, des familles et
du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile). des soignants. Elle répond à une nécessité de réduction des
L'HAD prend en charge des pathologies sévères requérant durées moyennes de séjour (DMS) pour les établissements
des soins complexes, techniques et pluriquotidiens avec de santé et à une nécessité de réduction des dépenses de
une surveillance continue. Cela nécessite une coordina- santé pour les pouvoirs publics.
tion pluridisciplinaire afin de maintenir le patient dans
son environnement en toute sécurité. C'est une structure
unique en son genre nécessitant une adaptation : la pré- L'HAD filière pédiatrique
sence des soignants n'est pas constante, le domicile n'est Objectifs
pas toujours ergonomique et les moyens matériels sont
Au-delà des objectifs généraux déjà définis, la filière pédia-
limités.
trique de l'HAD permet une poursuite des soins techniques
au domicile, une éducation des parents dans les soins et la
Historique surveillance de leur enfant, une éducation thérapeutique
L'histoire de l'HAD débute en 1945 à New York avec l'ex- lorsqu'elle est nécessaire. L'ensemble de ces prises en charge
périence du Home Care par le Dr Bluestone. En France, se fait toujours dans le respect du rythme de l'enfant, de
c'est à Paris que la première structure s'est ouverte en son environnement et dans des conditions de sécurité
1957. La Fédération nationale des établissements d'hospi- maximum.
talisation à domicile (FNEHAD) a été créée en 1973 et les
règles de fonctionnement ont été établies en 1974 par la Pour quels patients ?
caisse primaire d'assurance maladie. Progressivement, des Les enfants admissibles en HAD sont des patients atteints
lois, circulaires et décrets ont encadré la prise en charge de pathologie aiguë ou chronique nécessitant une hospita-
en HAD. La première loi établissant les choses est celle lisation, stables cliniquement. L'adhésion des parents et de
du 31 juillet 1991 définissant l'HAD comme une véritable l'enfant, lorsqu'elle est possible, est nécessaire ainsi qu'une
alternative à l'hospitalisation conventionnelle. La circu- capacité de surveillance de leur part. En effet, la puéricul-
laire du 30 mai 2000 a permis de structurer le contenu trice, même si elle reste joignable au téléphone, n'est pas en
des prises en charge, base du fonctionnement de toutes permanence à leurs côtés. Enfin, le logement doit être accep-
les HAD, confirmée par celle du 4 février 2004. En juil- table et permettre des soins au domicile dans des conditions
let 2009 paraît la loi « Hôpital patients santé territoire » de sécurité et d'hygiène maximum.
confirmant que l'HAD est un mode d'hospitalisation à
part entière. Enfin, la dernière circulaire en date est celle Pour quels soins ? (tableau 8.1)
relative au positionnement et au développement de l'HAD
Les soins en pédiatrie et en néonatologie sont variés, allant
rédigée en décembre 2013.
de l'assistance respiratoire au traitement intraveineux, en
passant par la nutrition entérale/parentérale.
Champs d'activité et périmètre À côté de ces soins techniques, il est aussi question
La définition de l'HAD rappelle quels patients sont suscep- d'accompagnement (soins palliatifs, aide à la parentalité,
tibles d'être accueillis au sein de la structure : patients de douleur) et d'éducation (éducation thérapeutique, forma-
tous âges avec des pathologies graves, aiguës ou chroniques, tion des parents à certains soins). Les prises en charge des
évolutives et/ou instables qui, en l'absence d'HAD, seraient enfants associent souvent les deux, donnant tout son sens
hospitalisés en hospitalisation conventionnelle. à l'HAD.
L'HAD couvre des domaines variés d'activité : chirurgie,
médecine, obstétrique, pédiatrie et néonatalogie. Toutes Coordination
les spécialités sont représentées et les types de soins sont La coordination est le fondement de l'HAD. Elle est au cœur
nombreux. de la prise en charge du patient et du lien avec les différents
partenaires. Elle est assurée par l'infirmière de coordination
en collaboration avec le pédiatre coordinateur mais aussi
Législation par les puéricultrices de terrain. La coordination organise
Les HAD sont des établissements publics ou privés sans l'entrée en HAD du patient, la préparation du domicile en
hébergement dans un lieu géographique donné. Leur collaboration avec les puéricultrices du terrain, l'organisa-
activité est rattachée à un établissement de santé pluridis- tion du matériel, des médicaments, des dossiers et les diffé-
ciplinaire. Ce sont des structures qui sont soumises aux rents rendez-vous.
mêmes obligations que les établissements hospitaliers. Elles Son rôle premier est l'organisation d'une admission de
dépendent du régime des autorisations délivrées par les ARS patient. Elle reçoit la demande d'HAD faite par un ser-
et les lits d'HAD sont intégrés dans les schémas régionaux vice hospitalier ou un médecin et recueille les premières
d'organisation des soins (SROS). En termes de tarification, informations.
depuis 2005, l'HAD bénéficie d'un système de tarification à La prescription de l'HAD est avant tout posée par la
l'activité (T2A). charge en soins que nécessite l'état de santé de l'enfant. Les
Chapitre 8. Organisation des soins autour de l'enfant 211
soins sont nécessairement complexes, techniques, pluriquo- soins techniques et éduquent les parents sur les soins, la sur-
tidiens. L'admission se fait sur demande du médecin réfé- veillance et les signes d'alerte. Elles essaient au maximum de
rent par prescription médicale et est bien sûr subordonnée maintenir l'enfant dans son environnement et s'adaptent à
à l'accord du médecin référent du patient et au consente- son rythme de vie. Elles participent aussi à de nombreuses
ment du patient ou de sa famille. Le projet thérapeutique missions de prévention. Ainsi, les puéricultrices du terrain
est discuté en équipe en ce qui concerne son organisation favorisent la prise en charge globale de l'enfant avec sa
et sa faisabilité. Si l'ensemble des conditions sont remplies, pathologie, sa famille et son environnement.
la demande est validée et l'enfant est admis en HAD à une
date fixée. L'infirmière coordinatrice organise l'installation à Prise en charge de néonatalogie
la maison. Elle établit des liens avec le service référent, pro- Les principales indications de prise en charge sont : les
gramme et gère les consultations et établit un lien avec des petits poids (< 2 500 g), les allaitements difficiles dans des
partenaires extérieurs si besoin et/ou l'assistante sociale du contextes parfois de gémellité ou de naissance triple, la
service. nutrition entérale, les surveillances d'ictère, l'antibiothérapie
dans les suspicions d'infections materno-fœtales, l'oxygé-
Activité de terrain nothérapie et la surveillance respiratoire dans le cadre de
Les missions des puéricultrices sur le terrain sont nom- dysplasie bronchopulmonaire. Le contexte social est fré-
breuses et font toutes la spécificité de l'HAD. Elles évaluent quemment associé à ces prises en charge.
tout d'abord quotidiennement l'enfant et sa pathologie, son Outre les soins techniques, le rôle spécifique de la pué-
environnement et le matériel nécessaire à sa prise en charge. ricultrice à l'HAD est une aide à la parentalité, un repérage
Elles veillent à l'hygiène parfaite du domicile, réalisent les des situations à risque ainsi qu'une éducation des parents.
212 Partie II. Spécialités
Hépatite B Hépatite A
Une sérologie hépatite B est réalisée pour vérifier la négati- Dans les pays en développement à forte incidence de l'hé-
vité de l'Ag HBs et de l'Ac anti-HBc, un enfant déjà infecté patite A, la quasi-totalité des enfants est immunisée à 5 ou
serait considéré à tort protégé. La sérologie hépatite B ini- 10 ans. En France, cette vaccination a plusieurs recomman-
tiale guide le rattrapage (tableau 8.3). dations (souvent non remboursées) dont l'accueil dans des
établissements pour enfant ou jeunes handicapés ou en cas
d'épidémies en communauté à hygiène précaire. Le statut
Tableau 8.2 Sérologie antitétanique immunitaire peut être vérifié avant.
et rattrapage vaccinal.
Anticorps Statut vaccinal et suite du rattrapage Varicelle
antitétanique (UI/mL) jusqu'à reprise du calendrier vaccinal
La vaccination contre la varicelle est recommandée chez les
> 1 Réponse anamnestique : schéma complet adolescents non immuns. Son incidence est supposée faible
0,5 et 1 1 dose de rappel à 6 mois dans les pays tropicaux. Une sérologie peut être réalisée
< 0,5 2 doses à 2 et 6 mois avant ce rattrapage.
Certains facteurs exposent encore plus certains enfants : Exposition aux moisissures, punaises, morsures de rats
l'isolement de sa famille, le sans-abrisme, le fait d'avoir ■ Les enfants exposés aux moisissures présentent surtout
directement subi ou assisté aux violences, un membre de des réactions d'hypersensibilité (asthme allergique, rhi-
la famille présentant une pathologie psychiatrique ou des nite). L'éviction passe par la suppression des facteurs
addictions, le décès ou la disparition d'un proche. favorisants (humidité des parois, promiscuité et confi-
nement). L'éducation thérapeutique et l'intervention de
Adolescents et santé sexuelle conseiller habitat-santé sont efficaces pour améliorer
Un même cadre de soin que pour tout autre adolescent (inti- l'efficacité du traitement.
mité, secret médical, etc.) favorise l'échange en dehors de sa ■ Sans transmettre de maladie, les piqûres de punaises sont
place fréquente d'interprète de la famille. une plainte fréquente. Elles sont impossibles à éradiquer
Qu'ils soient accompagnés de leur famille ou isolés, les sans un logement stable, sain, désencombré, un traite-
expositions sexuelles des adolescents en situation précaire ment chimique et thermique coûteux.
sont très fréquentes et précoces, illustrées par une préva- ■ Les morsures de rat reçoivent une antibiothérapie sys-
lence élevée des infections sexuellement transmissibles et tématique (risque de streptobacillose, leptospirose,
les grossesses précoces (dont certaines unions culturelles pasteurellose).
jeunes). Ceci motive un dépistage systématique (surtout
en bidonville et pour les mineurs isolés). Le suivi gynéco- Déséquilibre alimentaire
logique des adolescentes est à promouvoir dès que possible. Un rebond pondéral minime est fréquent avec une stabilisation
des conditions de vie. La surcharge pondérale et l'obésité sont
Conditions de vie actuelles fréquentes. Leur prise en charge n'est envisageable qu'après sta-
Un enfant en situation de migration et de précarité a été bilisation de l'habitat, accès à l'eau et à un moyen de cuisiner.
ou est encore souvent exposé à de multiples expositions
environnementales. Promiscuité, contages infectieux
Des cas groupés de maladies à transmission interhumaine
Dangerosité mécanique, électrique sont fréquents, surtout respiratoires (tuberculose, coque-
L'interrogatoire décrit l'habitat par ses caractéristiques : sta- luche, rougeole, etc.), cutanées (gale, impétigo) et digestives
bilité (hébergement par un tiers, sociale, d'urgence, location, (diarrhées, hépatite A, etc.).
squat-bidonville, etc.), accès à l'eau, à des sanitaires et moyen de La vaccination d'une communauté en période d'épidé-
cuisiner, occupants (habitat personnel, partagé, collectif ; suroc- mie, bien qu'étant souvent la seule réponse d'urgence dis-
cupation > 2 personnes/pièce). En bidonville, les traumatismes ponible, expose à des échecs vaccinaux (patients en période
sont fréquents, l'immunisation antitétanique est primordiale d'incubation) qui menacent l'adhésion ultérieure de toute la
(argument vaccinal auquel les familles sont sensibles). communauté aux vaccinations.
réseaux, délinquance, prostitution). La médiation en santé Circulaire n° DGOS/R4/2013/398 du 4 décembre 2013 relative au position-
est la seule action avec une certaine efficacité sur la durée. nement et au développement de l'hospitalisation à domicile (HAD).
Code de la santé publique. Article L2112-2 modifié par loi n° 2016-297 du
14 mars 2016 – art. 31.
Scolarisation
Code de la santé publique. Décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 relatif aux
Elle permet une intégration sociale de l'enfant à une collectivité structures de soins alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article
en même temps que l'apprentissage rapide du français. Après L. 712-2.
quelques mois, elle permet un dépistage des troubles senso- Code de la santé publique. Loi n° 89-899 du 18 décembre 1989 relative à la
riels et d'explorer les éventuels troubles des apprentissages. protection et à la promotion de la santé de la famille et de l'enfance et
Les vaccinations doivent avoir été rattrapées dans les adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences
3 mois de l'intégration. Plusieurs pathologies exposent à un en matière d'aide sociale et de santé.
DGCS (Direction générale de la cohésion sociale). Protection maternelle
risque discriminatoire lié au risque épidémique théorique
et infantile, soutien à la fonction parentale, protection de l'enfance et
(rougeole, coqueluche mais aussi hépatite A, tuberculose). modes d'accueil. Rapport, 14 octobre 2014.
Leur dépistage et leur prévention sont donc des éléments HCSP. Mise à jour du guide pratique de dépistage et de prise en charge
importants pour la scolarisation. des expositions au plomb chez l'enfant mineur et la femme enceinte.
Rapport final, octobre 2017.
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative
Recommandations
aux patients, à la santé et aux territoires.
Circulaire du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile. Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.
Circulaire n° DHOS/O/2004/44 du 4 février 2004 relative à l'hospitalisation Ministère des Solidarités et de la Santé. Calendrier des vaccinations et
à domicile. recommandations vaccinales 2019.
Chapitre
9
Éthique
Coordonné par Brigitte Chabrol
PLAN DU CHAPITRE
Annonce du handicap et de maladie chronique. . . 221 L'intérêt supérieur de l'enfant : enjeux
Particularités des soins palliatifs pédiatriques . . . . 222 philosophiques, éthiques et juridiques. . . . . . . . . 223
■ après un accident aigu (noyade, traumatisme crânien, Enfin, le pédiatre doit veiller au retentissement de cette
etc.), même si les séquelles neurologiques vont être défi- annonce sur les frères et sœurs qui sont encore trop souvent
nitives, le pronostic final est souvent difficile à préciser les « oubliés de l'information », selon l'expression de Pierre
avec certitude ; Canoui. Ces enfants peuvent manifester un réel déni de la
■ une situation particulière est représentée par l'absence maladie ou, à l'inverse, une véritable « parentification ».
de cause précise retrouvée malgré un large bilan. De
fait, l'absence de diagnostic précis, situation encore trop
fréquente malgré les progrès médicaux, favorise un réel Particularités des soins palliatifs
déni du handicap de la part des parents, et parfois des
soignants. pédiatriques
Isabelle Desguerre
« Règles de bonne pratique » d'annonce
Les soins palliatifs pédiatriques sont des soins actifs et com-
Elle est effectuée au cours d'un colloque singulier dans un plets, englobant les dimensions physique, psychologique,
lieu tranquille, le médecin donnant du temps et de la dis- sociale et spirituelle. Le but des soins palliatifs est d'aider à
ponibilité, avec les deux parents ensemble ou en présence maintenir la meilleure qualité de vie possible à l'enfant et
d'un proche, le plus précocement possible pour éviter des d'offrir du soutien à sa famille, ce qui comporte le soulage-
périodes de doute. Le langage doit être simple et acces- ment des symptômes de l'enfant, l'existence de services de
sible pour éviter la notion de filtrage sélectif, du syndrome répit pour la famille, et des soins jusqu'au moment du décès
du pas-de-porte (tout semble avoir été dit, compris et, en pouvant se prolonger pendant la période de deuil. Le suivi
partant, les parents posent une question qui témoigne de la de deuil fait ainsi partie des soins palliatifs, quelle que soit
non-compréhension du discours entendu). Il faut éviter les la cause du décès, y compris les causes traumatiques et les
veilles de week-end ou de vacances, des entretiens ultérieurs décès de la période périnatale.
doivent être prévus rapidement. Des possibilités de prise Il convient cependant d'être prudent : d'une part, ne
en charge et de soutien dès l'annonce doivent être mises pas limiter la réflexion des soins palliatifs à la fin de vie
en place. Dans tous les cas, il faut savoir faire preuve d'une imminente ou considérer que les limitations anticipées de
grande disponibilité traitement (LAT) ne sont réservées qu'aux services de réani-
mation, et d'autre part, ne pas envisager la trajectoire de vie
À l'heure d'internet de ces enfants uniquement face à leur futur décès, en omet-
L'arrivée de nouveaux moyens d'information utilisés tant tant de mettre en place des projets relationnels, éducatifs et
par les patients que les médecins ne doit pas faire modi- de socialisation.
fier ces « règles de bonne pratique ». Au contraire, ce type En dehors de la période néonatale, la grande majorité
d'information peut permettre d'aborder plus largement les des enfants atteints de maladie grave décèdent en service de
différents problèmes auxquels l'enfant et sa famille vont être réanimation, d'onco-hématologie ou de neurologie pédia-
confrontés. triques. Les tumeurs malignes représentaient, en 2012 en
France, la 1re cause de décès par maladie des enfants âgés de
1 à 14 ans. Les pathologies neurologiques représentaient sur
Annonce du diagnostic de handicap la même période la 2e cause de décès par maladies (données
et de maladie chronique Inserm-CépiDc). Plusieurs études ont démontré que c'est en
Elle conditionne le maintien d'un lien avec l'enfant et sa service de réanimation pédiatrique que survenait la majorité
famille. Ce temps d'annonce doit être considéré comme des décès d'enfants au sein des pays industrialisés. À l'ori-
une véritable plate-forme permettant de mettre en place un gine, le concept de LAT et les recommandations formulées
accompagnement pluridisciplinaire sur le court, moyen et à ce sujet étaient avant tout utilisés dans les services de réa-
long terme, ceci afin d'éviter les phénomènes de ruptures. nimation mais elles sont également discutées et appliquées
Il faut accompagner les parents tout en respectant leurs dans d'autres services de spécialités pédiatriques. Depuis
défenses, il faut reconnaître leurs capacités à soutenir eux- avril 2005, la loi Leonetti exige – et cela est conforté par la
mêmes leurs enfants. Il faut soutenir l'enfant, lui expliquer loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits
sa maladie en nommant ses limites actuelles mais égale- en faveur des malades et des personnes en fin de vie – que
ment ses potentialités, garder comme critère d'évolutivité pour des mineurs, ces décisions soient prises au terme d'une
le rythme propre à chaque enfant. Au cours d'une mala- « procédure collégiale » incluant tous les professionnels par-
die évolutive, l'enfant va prendre conscience de sa mala- ticipant aux soins de l'enfant (art. R4127-37 du Code de la
die au fur et à mesure de l'évolution, qu'il va vivre comme santé publique).
des « micro-annonces ». Il est donc fondamental d'infor- L'Observatoire national de la fin de vie (ONFV) a réa-
mer l'enfant, ne rien lui dire peut avoir des conséquences lisé un état des lieux national de la prise en charge des
directes, notamment sur la prise en charge entraînant une enfants et adolescents en fin de vie au cours de l'année
mauvaise observance, et au niveau psychique, un ressenti de 2014, permettant de mettre en exergue que la majorité
culpabilité. Néanmoins, le fait de trop dire à l'enfant et le des enfants décède à l'hôpital. Sur un total de 53 centres
projeter dans une réalité qui n'est pas la sienne dans le temps participants (sur 94 services sollicités), 13 % des patients
présent peut le déborder psychiquement et entraver son hospitalisés étaient considérés en situation palliative, soit
développement. L'enfant a besoin de recevoir l'information 225 parcours d'enfants décédés suite à une maladie grave
à différents moments de sa maladie aux rythmes des étapes. en phase avancée. Soixante-douze pour cent souffraient
Chapitre 9. Éthique 223
■
Connaissance des surhandicaps sensoriels
■
Échelle de douleur utilisable : modifications de comporte-
ment, qualité de la veille et de sommeil L'intérêt supérieur de l'enfant
Identification des épisodes à risque selon les penseurs de l'Antiquité
■
Intervention chirurgicale, en particulier orthopédique Si la notion d'intérêt supérieur de l'enfant est apparue
■
Pose de gastrostomie tardivement sur la scène juridique, les réflexions sur les
Constipation opiniâtre
devoirs envers les enfants et la façon de bien les éduquer sont
■
■
Risque de déshydratation et calculs rénaux
présentes dès l'Antiquité. Socrate (470-399) inaugure le débat
224 Partie II. Spécialités
éthique par ses réflexions sur « la vie qui vaut la peine d'être parents en tant que défenseurs naturels des intérêts de
vécue ». Platon (428-348), puis son disciple Aristote (384- leurs enfants. C'est parce que les parents (pour la plupart)
322), mettent l'accent sur les bonnes habitudes que l'enfant aiment leurs enfants qu'ils peuvent être réceptifs au devoir
doit contracter dès son plus jeune âge pour acquérir les vertus que la société leur impose de bien s'en occuper. Néanmoins,
intellectuelles et morales qui lui permettront d'accomplir son encore faut-il s'assurer que cet amour parental s'exerce
humanité. L'éducation est l'art d'aider l'enfant à pousser « le dans les conditions propices à la santé psychique et soma-
plus droitement possible, avec la plus grande beauté corporelle ». tique de l'enfant. Parce que l'amour ne doit pas exclure le
Un enfant ne sera heureux et épanoui à l'âge adulte que si respect, Max Scheler propose de distinguer entre « relation
l'éducation qu'il reçoit l'apprend à devenir juste, tempérant, d'amour véritable » et « contagion affective ». Ces deux dispo-
courageux et prudent. En effet, une bonne éducation consiste sitions n'ont pas la même coloration émotionnelle. Dans la
en une « discipline réglée des plaisirs et des peines ». Aussi, peu contagion affective, l'enfant n'a plus de réalité indépendante
après sa naissance, le corps du nouveau-venu sera soumis à car le parent le perçoit comme une sorte de prolongement
des exercices physiques afin d'éprouver sa robustesse. L'édu- de lui-même. Or, l'amour véritable ne réside pas dans une
cateur devra imposer à l'enfant la marche nu-pieds, y compris transmission en chaîne des affects ; il s'accompagne d'une
par temps de neige, lui apprendre à ne pas gesticuler, à ne pas distance qui permet au parent de pas confondre ce qui lui
crier, à ne pas parler à tort et à travers. fait du bien à lui avec le bien de son enfant.
Aristote, quant à lui, plaide pour une éducation moins Max Scheler voit dans certaines formes d'« amour » paren-
rigoriste, plus respectueuse de la temporalité de l'enfant. tal, une incapacité à maintenir ce minimum d'écart néces-
Néanmoins, pour Aristote autant que pour Platon, l'enfant saire au bien-être infantile : « Les soins incessants des mères
est un être inachevé. Son humanité est incomplète ; elle est qui, sous ce rapport, apparaissent comme les plus “mater-
« en puissance » et non « en acte ». Ces philosophes partent nelles”, s'opposent souvent à tout développement psychique
du principe que l'enfant n'aspire qu'à une seule chose : deve- indépendant de l'enfant et entravent son épanouissement ».
nir grand. Ses progrès sont évalués à l'aune de l'adulte qu'il N'écoutant que leur instinct, certaines mères aspirent à faire
doit devenir. rentrer leur enfant dans leur corps protecteur (« le man-
ger »). Cette forme de « réincorporation » de l'enfant dans la
cavité utérine réduit le présent à une répétition du passé au
La perception de l'enfant à l'âge lieu de l'ouvrir sur l'avenir. A contrario, le véritable amour
de la modernité maternel est celui qui suspend tout épanchement fusionnel
Même si – contrairement à une thèse répandue par P hilippe et sait reconnaître l'enfant comme un être indépendant,
Ariès – le Moyen-Âge est riche en méditations sur le bien- existant pour lui-même.
être infantile, ce n'est qu'à partir du xviiie siècle que la En résumé, un authentique amour sait s'effacer pour lais-
réflexion sur l'intérêt de l'enfant se renouvelle véritablement. ser l'enfant exister et réaliser son aspiration fondamentale
Une nouvelle philosophie de l'éducation se fait jour – le pué- qui est d'« émerger de l'obscurité de la vie purement organique
ricentrisme – qui consiste à accorder à l'enfant une subjec- pour accéder progressivement à la clarté de la conscience »
tivité et une personnalité propres. Les auteurs du siècle des (Max Scheler). Le propre de l'homme est d'aspirer à une vie
lumières se gardent de rabaisser l'enfant en le comparant à qui a du sens. Or, une vie n'a de sens que si elle s'accom-
l'adulte qu'il n'est pas. Tandis que les Anciens voulaient faire pagne de la conscience de soi et s'inscrit dans une tempora-
grandir l'enfant, les Modernes entendent lui confier des ini- lité dynamique. C'est pourquoi le maintien en vie de l'enfant
tiatives. Sous l'influence de Jean-Jacques Rousseau, le pré- lourdement handicapé et dépourvu de conscience de soi
curseur du puéricentrisme, la pédagogie moderne déclasse pose autant de questions métaphysiques qu'éthiques.
la vertu et accorde une place croissante à l'autonomie. Elle
recommande de laisser l'enfant tirer parti de ses propres
expériences, par essais, erreurs et tâtonnements.
L'intérêt supérieur de l'enfant
Rousseau inaugure ainsi un changement de paradigme dans le champ de la santé
qui gratifie l'enfant d'une intériorité et d'une richesse La pédiatre François Dolto (1908–1988) compte parmi les
insoupçonnée : « Chaque âge, chaque état de la vie a sa per- auteurs qui ont le plus contribué à ancrer la philosophie
fection convenable, sa sorte de maturité qui lui est propre ». puéricentrique dans la réalité familiale et clinique. De nos
Ce nouveau credo annonce déjà la pédagogie de notre jours, on constate que les parents ont appris à s'interroger,
temps, axée sur la psychologie de l'enfant, l'attention portée sinon à se méfier d'eux-mêmes. On observe également que,
à sa parole, à ses modes corporels de communication, à son dans les situations critiques, plusieurs tiers bienveillants se
imaginaire, à ses préférences. sont intercalés entre eux et leurs enfants (pédiatres, psycho-
logues, acteurs médico-sociaux, etc.). En cas de défaut de
Les parents : porte-paroles de l'intérêt discernement ou de manque de recul critique des parents,
la Justice peut intervenir au nom de l'« intérêt supérieur
de l'enfant ? de l'enfant ». S'agissant de décisions qui mettent en danger
La perception moderne de l'enfant a amorcé un nouveau la santé ou la vie de l'enfant, le législateur a prévu que les
questionnement sur l'amour parental. Appelé à devenir parents puissent être destitués de leurs prérogatives : « Si la
le plus rapidement « autonome », l'enfant ne doit plus être santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé
livré « pieds et poings liés » au zèle protecteur de ses parents. sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de
Certes, l'amour qu'ils ont pour lui intronise ipso facto les son développement physique, affectif, intellectuel et social
Chapitre 9. Éthique 225
sont gravement compromises, des mesures d'assistance édu- être mise en œuvre pour mettre fin à l'obstination déraison-
cative peuvent être ordonnées par la justice à la requête (…) nable, le cas échéant au rebours de l'avis des représentants de
du service à qui l'enfant a été confié (…) ou du ministère l'autorité parentale.
public » (art. 375-7 du Code civil). Ainsi, dans le cas d'une À l'appui de l'interprétation personnaliste selon laquelle
opposition à une transfusion sanguine pour motif idéo- l'enfant est avant tout une personne, on fera valoir qu'en cas
logique, le médecin sauve l'enfant contre la volonté de ses d'obstination déraisonnable, le Code de la santé publique
parents, avec l'aval d'un magistrat. C'est ce que préconise le (CSP) ne subordonne aucunement la décision d'arrêt des
Comité national d'éthique qui estime qu'en cas d'urgence traitements au consentement des parents. La loi prévoit que
vitale (hémorragie de la délivrance, accident avec hémorra- « le médecin doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime
gie aiguë, leucémie, hémorragie digestive, etc.), le médecin que l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par
doit transfuser plutôt que de laisser mourir la parturiente. son entourage » (art. R. 4127-43 du CSP). Sur le plan de la
Un gynécologue-obstétricien ne doit pas non plus s'incliner jurisprudence, une récente décision du juge des référés du
face à un refus de césarienne pour raison religieuse ou eth- Conseil d'État prévoit que « le médecin doit (…), lorsque le
nique. Exposer l'enfant à un risque vital majeur ne peut être patient est un enfant, faire de l'intérêt supérieur de celui-ci
accepté au nom de la liberté de croyance. une considération primordiale ». Les parents sont seulement
Mais au-delà du domaine de l'éthique médicale, le prin- consultés dans le cadre de la procédure collégiale. En effet,
cipe de « l'intérêt supérieur de l'enfant » a servi de fil conduc- en l'absence de directives anticipées, c'est la procédure col-
teur au législateur pour encadrer la bioéthique. Concernant légiale qui s'applique. Celle-ci consiste, pour le médecin, à
l'AMP, en cas de conception d'embryons avec donneur de s'enquérir de l'avis des titulaires de l'autorité parentale, à agir
gamètes anonyme, le législateur prévoit que le père ne puisse en concertation avec l'équipe de soin, à consulter d'autres
pas renier son engagement une fois qu'il l'a signé en présence avis médicaux avant d'endosser, seul, la responsabilité de la
du juge. Dans le champ du dépistage génétique, le législateur décision finale.
a interdit les tests de paternité en prenant appui sur l'intérêt
supérieur de l'enfant – menacé d'être abandonné du père en Perspective « parentaliste »
fonction du résultat. Il a consolidé ce choix par le principe On se situe à l'inverse dans une perspective « parentaliste » si
de l'indisponibilité du corps humain. De façon générale, les l'on dénie à l'enfant son statut de « personne hors d'état d'ex-
tests génétiques ne doivent jamais desservir l'enfant ni le primer sa volonté » pour voir en lui, et avant tout, un fils ou
rendre transparent aux yeux de ses parents. une fille, un descendant de ses parents. De ce point de vue,
l'arrêt des traitements ne peut être décidé sans le consen-
Obstination déraisonnable tement explicite des détenteurs de l'autorité parentale, qui
et opposition des parents sont ses seuls porte-paroles.
À l'actif de l'interprétation « parentaliste » qui majore le
Dans les situations où l'enfant est maintenu en vie au moyen poids de l'avis des parents dans la décision, on relève que
de suppléances artificielles, la prise en compte de son intérêt le Code civil dispose que l'autorité « appartient aux parents
commande de lui épargner toute douleur inutile et de proté- jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant, pour le pro-
ger son intégrité physique. L'intérêt de l'enfant est de ne pas téger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer
subir un mal inutile et le médecin a, quant à lui, le devoir son éducation et permettre son développement, dans le res-
d'anticiper, d'évaluer et de soulager ses souffrances. Mais pect dû à sa personne » (art. 371-1). De ce point de vue, les
que faire si les parents veulent que les soins soient entrepris parents doivent être étroitement impliqués dans les déci-
coûte que coûte, alors que l'équipe médicale estime que cette sions relatives à leurs enfants mineurs. Dans le même sens,
persévérance est inutilement douloureuse ? le CSP énonce que les parents doivent recevoir l'information
Son défaut de maturité empêche l'enfant d'être doté de la médicale, même si les mineurs « ont le droit de recevoir eux-
capacité juridique de désigner une personne de confiance mêmes une information et de participer à la prise de déci-
ou de faire valoir ses directives anticipées. Se pose alors sion les concernant, d'une manière adaptée (…) à leur degré
la question de savoir comment une personne mineure, a de maturité (…) » (art. L. 1111-2 du CSP), ce qui signifie,
fortiori l'infans, doit être considérée : faut-il l'appréhender au moins implicitement, que les mineurs ne prennent pas
comme une « personne hors d'état d'exprimer sa volonté » ? eux-mêmes les décisions qui les concernent. On note tou-
tefois que le législateur relativise sa doctrine parentaliste en
Perspective « personnaliste » l'assortissant de dérogations au Code civil, afin de permettre
Créditant tout être humain du statut de personne digne de au médecin de se dispenser d'obtenir le consentement des
respect, elle répond par l'affirmative à cette question. Elle parents. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une adolescente
souscrit aux recommandations du Rapport Sicard qui pré- souhaite garder secret son recours à l'avortement.
conisait en 2013 de « relier la fin de vie chez les personnes
âgées, à celle des adultes et des enfants sans différencier l'âge
de la personne. Au nom de quoi considérerait-on que la fin Trouver un compromis
de vie d'un nouveau-né est un problème radicalement à entre personnalisme et parentalisme
part et pose moins de problèmes ? ». La décision d'arrêt des Entre le personnalisme qui érige l'enfant au rang de personne
traitements peut être prise par le médecin à l'issue d'une et le parentalisme qui le réduit au statut de progéniture, existe-
procédure collégiale, comme il en va pour un adulte. Une t-il une position médiane ? Les verdicts du juge des référés
sédation profonde et continue jusqu'au décès doit parfois du Conseil d'État, dans son ordonnance du 5 janvier 2018,
226 Partie II. Spécialités
PLAN DU CHAPITRE
Luxation congénitale de la hanche . . . . . . . . . 227 Douleurs des genoux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246
Anomalies des pieds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231 Pathologies du tronc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Boiteries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 Principes du traitement des fractures . . . . . . . 255
Morphotypes des membres inférieurs
et troubles de la démarche . . . . . . . . . . . . . . . 243
Examen clinique
Il est pratiqué sur un enfant complètement nu, installé sur
un plan plat. Le médecin doit veiller à réchauffer ses mains
afin d'éviter les spasmes musculaires susceptibles de fausser
les résultats de l'examen. Le déclenchement du réflexe de
succion (éventuellement avec un sirop sucré) permet d'obte-
nir le relâchement indispensable à l'examen.
Le dépistage clinique comporte 4 étapes :
■ inspection : l'observation de la position et de la ges-
ticulation de l'enfant est importante. Elle permet de
reconstituer la posture anténatale du nouveau-né et
de noter une asymétrie d'abduction des hanches, de
longueur des cuisses, ou des plis cutanés à la base des
Fig. 10.1 Prévention primaire. Le port de l'enfant sur le dos (ou sur
cuisses ;
le ventre) de la mère permet de maintenir automatiquement l'abduc- ■ évaluation du volant d'abduction : le nourrisson est en
tion des hanches. L'incidence de la LCH en Afrique subsaharienne est décubitus dorsal, les hanches et les genoux sont fléchis à
faible. Il est probable que les modalités de port des enfants n'y soient 90°. L'examinateur écarte les genoux l'un de l'autre. Toute
pas étrangères. limitation du volant d'abduction en deçà de 75° d'une ou
des deux hanches est une LCH jusqu'à preuve du contraire
(fig. 10.2) ;
Fig. 10.2 Limitation du volant d'abduction. La mesure du volant d'abduction fait partie intégrante de tout examen clinique des hanches. Ici,
limitation de l'abduction de la hanche gauche.
Chapitre 10. Orthopédie 229
A B
Fig. 10.3 Manœuvre de Barlow et signe du ressaut. Cette manœuvre consiste – ici pour examiner la hanche gauche – à tenir le bassin de
l'enfant dans la main gauche, et le membre inférieur gauche dans la main droite. L'examinateur provoque ici une luxation de la hanche gauche par
un mouvement d'adduction – pression axiale – pronation (A). Il réduit la luxation par un mouvement de traction, abduction et pression sur le grand
trochanter (B). En cas de ressaut lors de la manœuvre A (ressaut de sortie) et de la manœuvre B (ressaut de réentrée), il s'agit d'une hanche luxable.
En cas d'absence de ressaut lors de la manœuvre A, il s'agit d'une hanche luxée. En cas de ressaut de réentrée lors de la manœuvre B, il s'agit d'une
hanche luxée réductible, sinon, c'est une hanche luxée irréductible.
230 Partie II. Spécialités
Luxée Luxée
Stable Douteuse Luxable
réductible irréductible
Échographie précoce
Pas de facteur
asymétrique
de risque
de risque
Facteur
Bassin
LCH Avis
et prise en charge
Échographie à 1 mois orthopédique
Normale
Normale LCH
Avis
et prise en charge
Reproduction de l'examen clinique orthopédique
à chaque consultation
© J. LECHEVALLIER
B
Fig. 10.4 Stratégie de prise en charge de la luxation congénitale de la hanche (LCH) à la naissance (A) et lors des contrôles
systématiques (B).
Chapitre 10. Orthopédie 231
Chez le nouveau-né
Les anomalies des pieds du nouveau-né sont le plus sou-
vent le témoignage d'une contrainte fœtale extrinsèque Fig. 10.5 Pied talus. Déformation typique chez un nouveau-né : dos
appliquée en fin de grossesse sur un pied normal (mal- du pied amené par le talus au contact de la face antérieure du tibia.
232 Partie II. Spécialités
Fig. 10.8 Pied plat : physiologique de l'âge de la marche jusqu'à 9 ans. A. Vue de profil : voûte plantaire sans concavité. B. Pied plat valgus,
en position debout : déformation typique en valgus accrue de l'axe longitudinal du calcanéus vers l'axe longitudinal du tendon calcanéen. C. Sur
la pointe des pieds : creusement de la voûte et effacement du valgus au profit d'un varus, témoin de la souplesse du pied.
A B
Fig. 10.9 Pieds creux chez un enfant porteur d'une neuropathie sensitivomotrice de type 1. A. Déformation de l'arrière-pied en varus plus
marqué à droite qu'à gauche, avec début de rétraction des orteils en griffe. B. Creux interne prononcé.
234 Partie II. Spécialités
Malformations congénitales
Les malformations congénitales du squelette du pied se
Fig. 10.10 Fillette présentant une touffe pileuse sur la ligne révèlent secondairement, quand l'ossification de la matrice
médiane associée à une diastématomyélie déjà opérée. cartilagineuse se développe.
Chapitre 10. Orthopédie 235
Boiteries
Joël Lechevallier, Isabelle Bernardini, Amélie Vadot,
Hyacinthe Zokou
Fig. 10.12 Os naviculaire (scaphoïde) accessoire. Le talus (T) est
entre le tibia et le calcanéus (C). L'os naviculaire accessoire (A) pro- Une boiterie est un signe clinique défini comme une per-
longe en arrière la face médiale de l'os naviculaire (N). turbation de la marche responsable d'une asymétrie du pas
dans son rythme et dans son déroulement. Deux types de
boiteries sont le plus fréquemment observés :
■ la boiterie d'esquive : l'enfant réduit le temps d'appui au
sol du membre pathologique. La situation la plus typique
est observée en cas de traumatisme du pied ou de la che-
ville. En fait, c'est la boiterie observée pour toute pathologie
aiguë du membre inférieur ;
■ la boiterie de l'épaule : l'enfant bascule le tronc et les
épaules au-dessus du membre pathologique. Dans cette
position, le centre de gravité est transféré au-dessus de la
hanche pathologique, ce qui a pour effet, par un jeu de
bras de levier (décrit par Pauwels dans les années cin-
quante) de diminuer la charge qui s'y applique. En effet,
en appui unipodal, l'effort musculaire nécessaire pour
maintenir le bassin horizontal impose à la hanche por-
tante une charge égale à 3 fois le poids du corps. C'est la
boiterie observée dans les pathologies subaiguës de hanche.
Mais tout n'est pas toujours aussi simple, en particulier chez
le très jeune enfant, chez lequel la boiterie échappe à toute
description. Il est même parfois difficile de déterminer le
côté pathologique, quand la plainte douloureuse n'est pas
exprimée.
Quatre causes principales sont à identifier : une douleur,
Fig. 10.13 Synostose talocalcanéenne gauche : image tomoden- exprimée ou non, une raideur articulaire, une anomalie ana-
sitométrique. Le talus (T) et le calcanéus (C) sont fusionnés par tomique (défaut d'axe ou inégalité de longueur), une pertur-
leurs surfaces articulaires internes. Noter que la synostose (flèche) est bation neuromusculaire, du trouble de la commande motrice
incomplète, et qu'il persiste ici un pont fibreux entre les deux os. à la paralysie d'un muscle.
236 Partie II. Spécialités
Stratégie diagnostique
Interrogatoire
L'âge de l'enfant est essentiel à l'orientation, la majorité
des affections ayant leur âge de prédilection. On pré-
cise ensuite les caractères de la boiterie, son mode d'ins-
tallation, son ancienneté, son évolution, son caractère
permanent ou intermittent. Si la douleur est présente,
on précise sa date d'apparition, sa localisation (mais on
connaît l'imprécision de l'information ou les douleurs
de hanche projetées au genou), son caractère permanent
ou intermittent, diurne ou nocturne, son rythme méca-
nique ou inflammatoire. Il est fréquent qu'une douleur
soit rapportée à tort à un traumatisme pourtant banal et
quotidien chez un enfant normalement actif. Il est donc
indispensable de faire préciser si l'intensité et la topogra-
phie de la douleur paraissent en rapport avec celles du
traumatisme, et de vérifier si certains signes ne préexis-
taient pas à celui-ci.
On recherche une fièvre, des signes d'altération de l'état
général et les antécédents récents (en particulier d'infection
ORL) ou anciens (pathologie néonatale, date de l'acquisition
de la marche).
Examen de la hanche
L'organicité d'une pathologie de la hanche est mise en évi-
dence par la manœuvre de mise en abduction et rotation
interne (fig. 10.15).
Fig. 10.15 Examen de la hanche. L'organicité d'une pathologie de la
hanche est mise en évidence par la manœuvre de mise en abduction et
Examen clinique rotation interne. Les amplitudes sont habituellement limitées par rap-
Comme on l'a indiqué, l'analyse de la boiterie (d'épaule ou port au côté opposé en cas de pathologie de hanche. Cette manœuvre
d'esquive), permet d'orienter l'examen vers la hanche ou le réveille en outre la douleur qui est reconnue par l'enfant.
reste du membre. En outre la procédure de l'examen cli-
nique, relativement simple et orientée chez le grand, doit mobilisation peut réveiller une douleur. On recherche
prendre un ton systématique et méthodique chez le petit un choc rotulien.
enfant. L'examen ne peut s'achever sans la recherche d'une dou-
leur à la palpation ou d'une raideur au niveau du rachis.
Chez le jeune enfant (avant 5 ans) L'impossibilité de maintien de la position assise est un signe
On examine l'enfant du rachis à l'hallux. On recherche une majeur de pathologie rachidienne (infectieuse ou tumorale).
attitude vicieuse du membre inférieur (une attitude en rota-
tion externe est évocatrice d'une pathologie de hanche), Chez le grand enfant ou l'adolescent
une lésion cutanée, en particulier au niveau de la plante du La douleur est, en règle, bien identifiée. L'examen, mené
pied. Une amyotrophie quadricipitale est un signe formel comme chez le jeune enfant, peut être focalisé sur la région
d'organicité. douloureuse. Il faut simplement ne jamais oublier qu'une
La palpation de tout le membre inférieur doit être douleur du genou peut correspondre à la projection d'une
méthodique, en commençant par son extrémité distale pathologie de hanche.
et en remontant jusqu'à la hanche. La diaphyse tibiale
est palpée avec une attention particulière (possible
fracture sous-périostée). Dans le même objectif, on
lui imprime un mouvement de torsion qui réveille une Signes cliniques orientant vers la hanche
douleur. Les métaphyses sont toutes examinées (dou- ■
Boiterie de l'épaule
leur à la palpation, augmentation de la chaleur locale, ■
Attitude vicieuse en rotation externe et en adduction
voire rougeur). Les articulations sont mobilisées et l'on ■
Raideur de la hanche qui réduit l'amplitude de la rotation
note un déficit d'amplitude comparativement au côté interne et de l'abduction
opposé. Dans les maladies de hanche, la limitation de ■
Douleur provoquée en abduction et en rotation interne
l'abduction et de la rotation interne est habituelle. La
Chapitre 10. Orthopédie 237
Imagerie Bactériologie
■ Les clichés radiographiques sont centrés selon les conclu- La recherche bactériologique est fondamentale : ponc-
sions de la clinique. Les clichés comparatifs ne sont tion osseuse ou articulaire sous anesthésie. Elle relève de
justifiés qu'en cas de doute sur une image d'ostéolyse, ou l'urgence car elle est indiquée en cas de doute sur infection
d'œdème des parties molles. ostéoarticulaire. Des hémocultures peuvent également être
■ C'est l'échographie qui visualise au mieux un épanche- réalisées en cas de pics fébriles.
ment articulaire au niveau de la hanche ou de la cheville.
Elle peut aussi objectiver un épanchement des parties
molles ou un abcès sous-périosté. Éléments d'orientation diagnostique
■ La scintigraphie osseuse est précieuse quand on a la Tous les diagnostics possibles ne sont pas envisageables pour
conviction d'une atteinte organique que l'on n'a pas un même enfant. Quelques critères très simples doivent per-
objectivée par les clichés simples. mettre une orientation précoce et un « pré-tri » des diagnos-
■ Les examens plus sophistiqués (TDM ou IRM) n'ont pas tics possibles (fig. 10.16).
de caractère routinier. Leur choix résulte d'une discus- L'âge de l'enfant est le principal élément d'orientation :
sion avec le radiologue quand le diagnostic n'est pas fait ■ le petit (avant 3 ans) présente plus volontiers une boi-
ou si le plan thérapeutique en dépend. Il peut être orienté terie liée à une cause traumatique (les chutes sont plus
par les anomalies relevées sur les clichés simples ou sur la fréquentes à l'âge de l'apprentissage de la marche),
scintigraphie. une cause infectieuse (la porte d'entrée ORL est
Boiterie
Spondylodiscite
Apophysites
de croissance
Tout âge
Boiteries du préadolescent
et de l'adolescent
Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS)
C'est la principale cause de boiterie de hanche de la période
pubertaire. C'est une maladie du cartilage de croissance
responsable du glissement de l'épiphyse fémorale supé-
rieure sur la métaphyse. Dans plus de la moitié des cas,
les patients présentent une surcharge pondérale. Il s'agit
A d'une maladie trop souvent méconnue : le délai moyen
entre les premiers signes et le diagnostic est encore actuel-
lement de 3 mois ! Pourtant, le diagnostic tardif expose au
risque de séquelles. La bilatéralisation est observée dans
20 % des cas.
Elle se manifeste sous deux formes cliniques complète-
ment différentes : stable ou instable.
Dans la forme stable, la boiterie est permanente, avec une
rotation externe du membre inférieur spontanée et lors de la
marche. La douleur est inguinale le plus souvent, mais peut
être projetée et siéger au niveau du genou. La rotation interne
et l'abduction de la hanche sont toujours diminuées et dou-
loureuses (fig. 10.21).
Deux incidences radiologiques sont nécessaires et suffi-
santes pour confirmer le diagnostic : bassin de face et deux
hanches de profil. Le glissement est au début postérieur, de
sorte que la radiographie de bassin de face peut paraître
normale. Celle-ci met en évidence les signes directs de la
maladie du cartilage de croissance (aspect élargi, feuilleté
et mal dessiné) ou les signes indirects du glissement pos-
térieur (diminution de la hauteur de l'épiphyse fémorale
supérieure). C'est le cliché de profil qui met en évidence le
signe direct du glissement : bascule postérieure de l'épiphyse
fémorale supérieure.
B À un stade plus évolué, la bascule épiphysaire est évidente
sur les clichés de face.
Fig. 10.18 Fracture en cheveu d'ange. Noter la finesse du trait (A) qui
n'est le plus souvent pas visible. La douleur réveillée par un mouvement
de torsion de la jambe est alors le seul moyen de faire le diagnostic. Au
bout d'une dizaine de jours, alors que la boiterie a régressé, il apparaît
une apposition périostée à la face latérale du tibia (B).
240 Partie II. Spécialités
Fig. 10.19 Synovite aiguë transitoire. Noter l'épanchement visible à la face antérieure du col du fémur de la hanche gauche. À titre de compa-
raison, la hanche droite est placée dans la même position.
B C
D
Fig. 10.21 Épiphysiolyse fémorale supérieure. Garçon de 13 ans présentant une boiterie droite depuis plusieurs mois avec douleurs du
genou. A. De face, le cartilage de croissance a un aspect élargi et flou. B. Le cliché de profil montre la bascule postérieure qui permet d'affir-
mer le diagnostic. Malheureusement, l'appui a été poursuivi à ce stade et il se présente en urgence avec une déformation caractéristique en
adduction, rotation externe et raccourcissement typique (C). D. Le glissement s'est accentué avec apparition d'une épiphysiolyse instable à
grand déplacement.
242 Partie II. Spécialités
Affections du genou
Les affections du genou chez l'adolescent sont, hormis l'os-
téochondrite disséquante, rarement responsables de boite-
rie. Elles sont abordées plus loin dans ce chapitre.
Tumeurs osseuses
Tumeurs osseuses bénignes
La boiterie n'a pas de caractère spécifique. Le diag
nostic repose sur l'imagerie et l'anatomopathologie
(fig. 10.22).
Tumeurs malignes
Les lésions tumorales malignes de l'enfant sont domi-
nées par les sarcomes osseux (fig. 10.23). Ils sont plus
souvent localisés au niveau du genou (extrémité infé-
rieure du fémur ou supérieure du tibia). Malheureuse-
ment, leur diagnostic est souvent retardé alors qu'une
tendinite ou une douleur de croissance a été d'abord
évoquée.
Rhumatismes infantiles
Dans une forme oligo ou monoarticulaire, l'atteinte
intéresse le genou ou la cheville, exceptionnellement la
hanche. Lors du premier épisode, un diagnostic d'arthrite
septique est souvent posé. Les récidives et l'atteinte
d'articulations telles que les poignets font corriger le
diagnostic.
A B C
Fig. 10.25 Évolution du morphotype des membres inférieurs (plan frontal). A. Genu varum. La distance intercondylienne (DIC) est > 0.
Situation physiologique de la naissance à 3 ans. B. Genu valgum. La distance intermalléolaire (DIM) est > 0. Situation physiologique de 3 ans à
la phase prépubertaire. C. Morphotype aligné. Le centre de la tête fémorale (F), le centre du genou (G) et le centre de la cheville (C) se trouvent
alignés. Situation physiologique à partir de la période pubertaire.
■ de l'âge de 2 à 10 ans : genu valgum. Il est maximal à l'âge rieure et médiale. L'aggravation spontanée est constante
de 3 ans chez la fille et 4 ans chez le garçon. Puis le valgus et le traitement est le plus souvent chirurgical.
diminue jusqu'à la puberté ; ■ Associé à une petite taille, le genu varum fait rechercher
■ à partir de la puberté (11 ans chez la fille, et 13 ans chez une maladie osseuse constitutionnelle (achondroplasie,
le garçon), le morphotype frontal évolue selon le sexe : etc.).
les filles conservent leur genu valgum ou deviennent ■ Le genu varum idiopathique est le cas le plus fréquent. Si
alignées, alors que les garçons deviennent alignés, ou la DIC reste > 4 cm à la fin de la puberté, ce morphotype
évoluent vers un léger genu varum. expose à une arthrose fémorotibiale médiale à l'âge adulte et
peut nécessiter une correction préventive par épiphysiodèse
latérale.
Morphotypes frontaux pathologiques ■ Un genu valgum idiopathique qui persiste après l'âge de
10 ans est souvent disgracieux, rarement pathologique.
Il existe des situations cliniques qui doivent faire rechercher Toutefois, si la DIM est > 10 cm, le risque d'arthrose
une étiologie à ces déformations frontales. fémorotibiale latérale à l'âge adulte peut justifier la réali-
■ Le genu varum rachitique s'observe chez les enfants sation d'une épiphysiodèse médiale préventive.
n'ayant pas reçu une prophylaxie adaptée. Il révèle plus
souvent un rachitisme vitaminorésistant. Le genu varum
est bilatéral et symétrique assorti d'une torsion tibiale
médiale (fig. 10.26). La radiographie montre un élargis- Genu varum ou valgum :
sement des cartilages de croissance. un bilan radiographique s'impose
■ La maladie de Blount constitue un genu varum uni ou ■
Quand la déformation est observée en dehors des âges où elle
bilatéral chez un enfant d'origine africaine ou antillaise. est physiologique
La radiographie montre une déformation caractéris- ■
À tout âge si la déformation est asymétrique
tique de la région épiphysométaphysaire tibiale supé-
Chapitre 10. Orthopédie 245
A B C D
Fig. 10.27 Mesure des torsions fémorale et tibiale. Les torsions de fémur et de tibia se mesurent idéalement sur un enfant en position couchée
en bout de table, les jambes pendantes. La mesure des rotations de hanche s'effectue en maintenant le bassin à plat et en portant le pied en
dehors pour mesurer la rotation interne (A), et en dedans pour mesurer la rotation externe (B). Si la rotation interne est supérieure à la rotation
externe, on parle de torsion fémorale interne ; dans le cas contraire, on parle de torsion fémorale externe. Dans le cas de cet enfant, la situation est
équilibrée. La mesure de la torsion tibiale s'effectue genou fléchi en portant le pied en dedans pour mesure la rotation interne (C), puis en dehors
pour mesurer la rotation externe (D). La rotation externe est supérieure à la rotation interne, on parle chez cet enfant de torsion tibiale externe.
Ostéochondrite disséquante
des condyles fémoraux
Elle est responsable de douleurs mécaniques essentiellement
en position debout ou lors de la marche. La palpation du
condyle fémoral, genou fléchi, réveille la douleur. La plupart
des ostéochondrites au niveau du genou requièrent simple-
ment une mise au repos antalgique. Il est en revanche impor-
tant de ne pas laisser évoluer une forme disséquante qui peut
aboutir à la libération intra-articulaire d'un corps étranger
laissant alors des séquelles sévères à l'âge adulte. Il est donc
nécessaire de s'inquiéter devant l'apparition de phénomènes
de blocage du genou ou d'hydarthrose (choc rotulien) qui ne
sont pas habituels dans les formes simplement lacunaires.
Pathologies méniscales
Elles sont d'origine malformative (ménisque hypermobile ou dis-
Fig. 10.29 Plagiocéphalie. Noter la position du nez et de l'oreille
coïde). Elles sont responsables de phénomènes aigus douloureux gauche qui permet d'identifier l'axe sagittal et la déformation de la
ou de blocage vrai du genou qui apparaissent très précocement boîte crânienne.
vers l'âge de 5 ans en l'absence de traumatisme identifié. Ils sont
souvent observés le matin au réveil, alors que l'enfant a dormi en
relâchement maximum dans une position vicieuse. tourne de sorte que le regard de l'enfant est dirigé
Les atteintes méniscales d'origine traumatique sont, en du côté opposé. Une olive (savamment nommée
revanche, le propre de l'adolescent et n'ont pas de caractère fibromatosis colli) est souvent trouvée à la palpation
spécifique par rapport à ce qui est observé chez l'adulte. de la base du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Elle
régresse spontanément en quelques semaines. Les
autres stigmates cliniques de la contrainte fœtale
Pathologies tumorales peuvent être observés : plagiocéphalie (fig. 10.29),
Elles doivent être évoquées devant une douleur mécanique scoliose du nourrisson, bassin asymétrique congéni-
ou inflammatoire, réveillée par la palpation des métaphyses tal, genu recurvatum, malposition des pieds. À l'instar
osseuses. Toute douleur à la palpation d'une des métaphyses des autres déformations posturales du nourrisson, la
du genou impose un bilan radiographique avant toute pres- vie extra-utérine d'une part, et le développement neu-
cription d'attente (antalgique ou rééducation). romusculaire d'autre part suffisent habituellement à
corriger ces défauts.
■ La rétraction du muscle sterno-cléido-mastoïdien entraîne
Pathologies du tronc une déformation identique (fig. 10.30). La palpation
Joël Lechevallier, Isabelle Bernardini, Amélie Vadot, perçoit un aspect fibreux du muscle, telle une corde qui
Hyacinthe Zokou peut être étirée par des postures de rééducation, voire,
chez le plus grand, par une ténotomie ou un allongement
chirurgical.
Torticolis ■ Le torticolis malformatif, enfin, en rapport avec une ano-
L'attitude en torticolis est fréquemment observée chez le malie de segmentation du rachis cervical, hémivertèbre
nourrisson ou le petit enfant, plus rarement mise en évi- ou synostose, est beaucoup moins fréquent, mais doit
dence tardivement chez le plus grand enfant, voire l'ado- être recherché obligatoirement avant de débuter un pro-
lescent. Trois causes sont observées : le torticolis postural gramme de rééducation ou de manipulations. Le cou est
simple, le torticolis par rétraction du muscle sterno-cléido- court. Les stigmates cutanés peuvent être trouvés : angiome
mastoïdien, et le torticolis malformatif. ou anomalie d'implantation des cheveux (fig. 10.31). C'est
■ Le torticolis postural simple est la conséquence d'une la radiographie qui permet d'affirmer le diagnostic. Le
contrainte fœtale. Dans cette situation, la tête est syndrome de Klippel-Feil est la principale cause de cette
inclinée du côté de la rétraction musculaire, mais elle anomalie.
248 Partie II. Spécialités
A B
Fig. 10.30 Torticolis par rétraction du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) gauche. Le SCM va du processus mastoïde, derrière l'oreille à
la clavicule. Sa rétraction fibreuse provoque une inclinaison de la tête de son côté et une rotation du côté opposé (A). La corde du SCM est visible
en provoquant le mouvement inverse d'inclinaison controlatérale (B).
Fig. 10.31 Torticolis malformatif. Noter l'asymétrie de la base du cou et l'implantation horizontale des cheveux en arrière chez cette fillette (A)
porteuse d'un syndrome de Klippel-Feil. Sur l'IRM (B), il existe des malformations multiples du rachis cervical.
Chapitre 10. Orthopédie 249
Scolioses Imagerie
La scoliose est une déformation du rachis dans les trois plans Le premier bilan d'une scoliose comporte une radiogra-
de l'espace (frontal, sagittal et horizontal). Son diagnostic cli- phie du rachis en entier de face et de profil en position debout
nique repose sur la mise en évidence de la gibbosité, témoin (fig. 10.33). Les clichés centrés ou segmentaires – incompa-
de la rotation vertébrale. Son pronostic dépend de son étio- tibles avec une bonne analyse de la statique rachidienne –
logie, de son amplitude et de son évolutivité, elle-même liée à sont inutilisables. Cette radiographie permet de calculer l'angle
l'âge, au stade pubertaire et à la maturité squelettique de l'en- de Cobb dont l'évaluation facilite la surveillance de la scoliose.
fant. Chez l'enfant, la scoliose est habituellement indolore. Le cliché de profil met en évidence les courbures sagittales.
C'est donc un dépistage systématique qui permet d'en faire le
diagnostic. Les fréquentes dorsalgies des adolescents sont un
motif de consultation important. Elles donnent l'opportunité Bilan étiologique
d'un examen plus attentif du dos de l'adolescent et ainsi un ■ La grande majorité des scolioses que l'on est amené à
dépistage de pathologie rachidienne. prendre en charge sont, dans l'état actuel de nos connais-
sances, idiopathiques. Le diagnostic reste d'élimination.
Le bilan étiologique clinique est donc systématique, lors
Diagnostic clinique de la première consultation, et répété pour toutes les sco-
L'enfant est examiné en position debout de face, de profil, de lioses qui n'évoluent pas de façon « habituelle » sous trai-
dos et en antéflexion. tement. Outre la recherche des antécédents familiaux de
De face comme de dos, on note le déséquilibre latéral, scoliose ou d'autres maladies génétiques identifiées dans
l'asymétrie des plis de la taille, la surélévation d'une épaule les causes de la scoliose, l'examen clinique comporte
(fig. 10.32). celui du revêtement cutané et de l'élasticité tissulaire,
De profil, on note que la cyphose du rachis thoracique et un examen neurologique. Il permet de rechercher les
est habituellement réduite. La scoliose idiopathique est une grandes causes de scolioses secondaires.
lordoscoliose. ■ La cause malformative (« scoliose congénitale ») est
En fait, le diagnostic est affirmé sur la seule présence suspectée sur le caractère anguleux de la déformation,
d'une gibbosité dont la technique de recherche, très simple, l'association d'une cyphose, les anomalies cutanées
doit être rigoureuse. L'examinateur, assis, place l'enfant sur la ligne médiane postérieure (angiome, touffe
devant lui, de face ou de dos. Il vérifie le bon équilibre du pileuse). Elle est confirmée par l'imagerie (fig. 10.34).
bassin (épines iliaques antérosupérieures de face ou fos- ■ La maladie de Marfan ou tout autre syndrome d'hyper
settes iliaques de dos). Les mains de l'enfant sont jointes élasticité tissulaire est repérable cliniquement (grande taille,
pour équilibrer les épaules. L'enfant se penche en avant au hyperélasticité, arachnodactylie, thorax en entonnoir ou en
maximum de sa possibilité pour toucher ses pieds. carène), mais confirmée sur les antécédents familiaux et les
examens ophtalmologique, cardiologique et génétique.
■ La neurofibromatose de type I est évidente devant les
taches café au lait, les neurofibromes et les antécédents
familiaux (fig. 10.35). Le bilan ophtalmologique, neuro-
Dépistage de la scoliose logique et génétique apporte la confirmation.
Il repose sur la recherche de la gibbosité. Aucune radiographie ■ Une cause neurologique doit être recherchée. On ne
n'est nécessaire pour avoir une certitude. parle pas des affections neurologiques connues anté-
rieurement qui peuvent se compliquer de scoliose
250 Partie II. Spécialités
A B
C
Fig. 10.32 Scoliose idiopathique. De dos (A), on observe ici tous les stigmates de la scoliose, déséquilibre latéral droit, asymétrie des plis de taille,
surélévation de l'épaule droite et saillie de la scapula. Ces défauts sont bien corrigés par l'arthrodèse vertébrale postérieure (B). De profil, une scoliose
idiopathique présente une réduction de la cyphose physiologique. Le dos est plat voire, comme ici, creux (C). La gibbosité est la conséquence directe de
la rotation vertébrale (D). Elle correspond à la saillie en arrière de l'hémithorax emporté dans cette rotation. Elle est pathognomonique de la scoliose.
Chapitre 10. Orthopédie 251
Traitement
Il ne faut pas céder à la tentation de l'établissement de
schémas simplistes selon lesquels un angle donné de
scoliose aboutit à une option thérapeutique donnée. Les
paramètres pris en compte pour prendre la décision sont
nombreux. L'amplitude de la scoliose est bien évidemment
C D un paramètre essentiel mais on tient compte aussi de l'im-
portance de la rotation vertébrale (amplitude de la gibbo-
Fig. 10.33 Bilan radiographique d'une scoliose. Le bilan doit com-
sité) du niveau de maturité pubertaire, de l'évolutivité de
porter une radiographie (idéalement EOS moins irradiant) du rachis en
entier de face (A) et de profil (B). Il s'agit de clichés d'ensemble qui
la déformation, de la morphologie du tronc, de l'étiologie.
permettent d'analyser la statique rachidienne, et de mesurer l'angle de L'abstention thérapeutique a sa place quand la scoliose
Cobb. La correction chirurgicale (C, D) vise à restituer l'équilibre global n'est pas ou peu évolutive ou quand la maturité squelet-
et l'horizontalité de la vertèbre d'appui. tique est déjà avancée. Dans les autres cas, l'option d'un
252 Partie II. Spécialités
A B
Fig. 10.34 Scoliose malformative. Enfant présentant une hémivertèbre L2 gauche. Reconstruction 3D de face (A) et de profil (B).
Spondylolyse et spondylolisthésis
La spondylolyse, ou lyse isthmique, est une zone de fra-
gilité développée au niveau de l'isthme vertébral, point de
convergence des processus articulaires supérieur et infé-
rieur, du pédicule, du processus transverse et de la lame.
Cette spondylolyse est très fréquente (fig. 10.39). Son dia-
gnostic est fortuit dans plus de la moitié des cas alors qu'elle Fig. 10.37 Attitude scoliotique par inégalité de longueur des
est asymptomatique. Le plus souvent, elle se révèle chez membres inférieurs. Jeune garçon de 14 ans présentant une asymétrie
l'adolescent, voire plus tardivement chez l'adulte par des de longueur des membres inférieurs de 16 mm au profit du côté droit,
lombalgies qui sont majorées en hyperextension lombaire responsable d'une attitude scoliotique lombaire gauche. Noter la ligne
(position debout) et soulagées en flexion (position assise). des épineuses bien centrée qui confirme l'absence de rotation vertébrale.
254 Partie II. Spécialités
Principes du traitement
des fractures
Joël Lechevallier, Isabelle Bernardini, Amélie Vadot,
Hyacinthe Zokou
Les traumatismes de l'enfant trouvent leur originalité dans
leurs causes, leurs mécanismes et la nature des tissus concer-
nés. Les activités de l'enfant l'exposent à des traumatismes
de moindre violence que ceux de l'adolescent ou de l'adulte.
Des circonstances spécifiques (naissance, maltraitance)
donnent lieu à une traumatologie propre. La résistance dif-
férente des tissus explique la plus grande fréquence relative
des fractures et des décollements épiphysaires, la rareté des
entorses et le caractère exceptionnel des luxations.
■
Constance de la douleur dans le temps : l'enfant se
plaint à n'importe quel moment de la journée et il
présente des douleurs nocturnes. Les accalmies sont La fusion prématurée d'un cartilage de croissance consti-
rares et de courte durée.
tue une épiphysiodèse. La gravité des conséquences dépend
■
Constance de la douleur dans l'espace : celle-ci se
situe toujours au même endroit, et elle est relati-
de l'âge de l'enfant, de la fertilité du cartilage traumatisé et
vement peu diffusée. Quand elle irradie, son trajet de la localisation de cette épiphysiodèse sur le cartilage. Les
est toujours le même. La multiplicité des points cartilages les plus fertiles se situent « près du genou, et loin
douloureux est donc plutôt au contraire un critère du coude ». En particulier, le cartilage de croissance fémoral
rassurant. inférieur fournit 70 % de la longueur du fémur et celui de
■
Rupture dans les activités, à ne pas négliger bien que ce l'extrémité supérieure de l'humérus fournit 80 % de la lon-
critère ne soit pas aussi fiable. En pratique, une inca- gueur de l'humérus.
pacité de poursuivre l'activité sportive favorite, l'annu- Si une épiphysiodèse est centrée sur le cartilage de
lation de la soirée prévue avec les amis, l'interruption croissance, elle entraîne une inégalité de longueur. Si
de la scolarité en raison des crises douloureuses sont
elle est latéralisée, elle entraîne une déviation axiale
autant de signaux qu'il faudra prendre en compte.
(fig. 10.42).
256 Partie II. Spécialités
A B
Tout ne se corrige pas avec la croissance
Type V
Les remodelages spectaculaires des fractures diaphysaires du
Fig. 10.41 Classification de Salter et Harris. Cette classification jeune enfant ne doivent pas faire oublier que certains défauts
identifie les différentes lésions du cartilage de croissance. Sur ces ne se corrigent pas avec la croissance (troubles rotationnels par
schémas, la plaque germinative (physe) est symbolisée par une ligne exemple) et que d'autres s'aggravent (déformation après sou-
en pointillé. Le type I est un décollement épiphysaire pur. Le type II dure prématurée du cartilage de croissance).
présente un refend métaphysaire (la physe est respectée). Le type III
présente un refend épiphysaire (la physe est rompue). Le type IV
présente un trait épiphysométaphysaire (la physe est rompue). Le
type V est une lésion par compression (A) qui est à très haut risque
d'épiphysiodèse (B). Pédiatrie, Antoine Bourrillon, Grégoire BENOIST,
Christophe Delacourt, Collège National Des Pédiatres Universitaires,
CNHUCP, 7e édition, © 2017, Elsevier Masson SAS
A B C
Fig. 10.44 Remodelage d'une fracture néonatale. A. Fracture obstétricale de la diaphyse humérale chez un garçon. B. Aucune réduction n'a
été réalisée et le volumineux cal se développe en 17 jours en situation vicieuse. C. À 17 mois, toute trace de la fracture a disparu.
Recommandations
HAS, Luxation congénitale de la hanche : dépistage. Fiche mémo,
octobre 2013.
PLAN DU CHAPITRE
Invagination intestinale aiguë . . . . . . . . . . . . . 259 Pathologie inguinoscrotale et de la paroi
Appendicite aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261 abdominale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
Reflux vésico-urétéral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
être précoce, quelques jours après le premier épisode, elle clinique, parfois associés à quelques selles diarrhéiques liées
peut survenir plus tardivement, avec la même présentation à la vidange du segment d'aval du tube digestif, qui oriente à
que le tableau clinique initial. tort le diagnostic vers une gastro-entérite aiguë. L'abdomen
peut être ballonné mais reste souple à la palpation. C'est
Infection de plaie opératoire l'altération de l'état général de l'enfant, généralement pros-
Comme pour toute chirurgie, une infection ou désunion de tré, l'intensité de la fièvre (et du syndrome inflammatoire)
plaie opératoire peut survenir. Si une résection digestive a et l'installation secondaire d'un syndrome occlusif qui per-
été réalisée, un avis chirurgical est nécessaire pour s'assurer mettent de rectifier le diagnostic. L'appendicite aiguë est la
de l'absence de fuite anastomotique digestive sous-jacente. principale cause de syndrome occlusif fébrile de l'enfant et
Sinon, un traitement par soins locaux antiseptiques et cica- doit donc être systématiquement évoquée devant ce tableau
trisation dirigée peut suffire. En cas de doute, un avis peut clinique, même en absence de défense ou de contracture.
être repris auprès du chirurgien de l'enfant.
Formes compliquées
Péritonite appendiculaire
Appendicite aiguë
La péritonite appendiculaire est l'évolution naturelle de l'ap-
Erik Hervieux pendicite aiguë. Les vomissements et la fièvre s'intensifient
L'appendicite aiguë est l'une des urgences chirurgicales (> 38,5–39 °C), la défense peut se généraliser à tout l'abdo-
abdominales les plus fréquentes chez l'enfant. Elle peut men. Apparaît ensuite une contracture abdominale, contrac-
survenir tout au long de la vie, mais est particulièrement tion permanente et douloureuse des muscles abdominaux,
prépondérante dans l'enfance. Si certaines formes sont qui signe la péritonite. L'examen clinique doit rechercher des
typiques, d'autres peuvent être de diagnostic plus difficile, signes d'instabilité hémodynamique (tachycardie, augmenta-
notamment chez le petit enfant ou l'immunodéprimé. tion du temps de recoloration cutanée, oligurie, marbrures,
froideur des extrémités). L'enfant doit bénéficier d'un trans-
fert urgent vers un centre de chirurgie pédiatrique.
Tableaux cliniques à connaître
Forme typique Plastron appendiculaire
La symptomatologie commence par des douleurs abdo- Le plastron appendiculaire correspond à une agglutination
minales, classiquement périombilicales, puis migrant en d'anses digestives et d'omentum, venus s'accoler sur l'appen-
fosse iliaque droite, associées rapidement à des nausées et/ dice inflammé pour limiter la diffusion péritonéale de l'in-
ou vomissements et à une fébricule. Une diarrhée, rarement fection. Il survient le plus souvent en cas de tableau abâtardi
abondante, peut être associée. À l'examen clinique, la pal- par l'administration inadéquate d'antibiotiques. L'interro-
pation abdominale met en évidence une défense en fosse gatoire recherche des arguments en faveur d'une appendi-
iliaque droite : contraction douloureuse, brève et involon- cite aiguë non diagnostiquée, la prise d'antibiotiques et ou
taire déclenchée à la palpation. Une douleur à la décompres- d'AINS. Diagnostic clinique, la palpation abdominale met
sion de l'abdomen et l'impossibilité du saut monopodal sont en évidence une masse compacte en fosse iliaque droite,
possiblement retrouvées mais peu spécifiques. dure et douloureuse, parfois associée à une défense. Un syn-
drome occlusif ou subocclusif peut émailler l'évolution. Le
Localisations appendiculaires atypiques transfert vers un centre de chirurgie pédiatrique est urgent.
■ Dans la forme rétrocæcale, l'inflammation de l'appen- Le traitement de 1re intention est médical, par bi ou trian-
dice irrite le psoas situé en arrière du cæcum, provoquant tibiothérapie par voie veineuse ciblant les germes digestifs.
sa rétraction. Cela se traduit par un psoïtis, flexion irré- Le traitement chirurgical étant rendu très difficile par les
ductible de la cuisse sur le tronc, avec impossibilité pour adhérences et l'inflammation du plastron à la phase aiguë, il
l'enfant d'étendre le membre inférieur, et parfois une boi- n'est entrepris qu'en cas de mauvaise évolution sous traite
terie. Du fait de sa position rétrocæcale, l'inflammation ment médical. Le diagnostic de plastron est fait à l'examen
de l'appendice n'irrite pas la paroi abdominale antérieure clinique, et la visualisation à l'échographie ou au scanner
et la défense peut manquer. d'une agglutination des anses ne doit pas faire poser à tort
■ Dans la forme pelvienne, l'appendice inflammé est au ce diagnostic en l'absence de palpation abdominale de cette
contact de la vessie et des signes fonctionnels urinaires masse. La présence d'un « plastron » à l'imagerie sans plas-
(brûlures mictionnelles, pollakiurie, impériosités) tron clinique ne semble pas en effet toujours prédictive des
peuvent apparaître. La douleur à la palpation pelvienne difficultés opératoires rencontrées à la phase aiguë des véri-
ou en fosse iliaque droite basse avec ou sans défense, tables plastrons appendiculaires.
sans douleur à l'ébranlement des fosses lombaires, et
la normalité de la bandelette urinaire et/ou de l'ECBU Abcès appendiculaire
réorientent le diagnostic vers l'appendicite. Son tableau clinique est proche de celui d'une appendicite
typique, avec un retentissement parfois plus marqué sur
Forme clinique du jeune enfant : l'occlusion fébrile l'état général. Le diagnostic est suspecté à l'imagerie. En
Chez le jeune enfant (2–4 ans), la défense comme la contrac- 1re intention, se discute le traitement chirurgical d'emblée
ture sont quasi toujours absentes, rendant le diagnostic ou, pour éviter une chirurgie difficile à la phase aiguë, un
difficile. La fièvre et les vomissements dominent le tableau traitement médical plus ou moins associé à un drainage
262 Partie II. Spécialités
tableau très atypique, ou en cas de suspicion forte de diag mentent, la fièvre réapparaît ou ne disparaît pas. En fonction
nostic différentiel. Mieux vaut référer l'enfant pour un avis de la localisation de l'abcès, des signes digestifs (vomis-
chirurgical avant de réaliser le scanner. sements, diarrhées, ou iléus puis occlusion) ou urinaires
(brûlures mictionnelles, pollakiurie) peuvent être présents.
Abdomen sans préparation Dans certains cas, le toucher rectal peut mettre en évidence
Il n'a plus sa place dans la démarche diagnostique d'une un bombement si un abcès est situé dans le cul-de-sac de
appendicite aiguë. Même s'il met parfois en évidence un Douglas ; en pratique, il est souvent réalisé après l'imagerie
stercolithe, il est très rarement discriminant. Il ne doit donc pour savoir si l'abcès est accessible à un drainage transrectal
pas être demandé. En revanche, la constatation d'un sterco- au bloc opératoire et, même s'il peut être informatif, il n'est
lithe en fosse iliaque droite sur un ASP fait pour un autre donc pas indispensable avant l'imagerie. La NFS et la CRP
motif « abdominal » doit faire rechercher un éventuel diag mettent souvent en évidence une réascension du syndrome
nostic manqué d'appendicite. inflammatoire, et l'échographie permet le plus souvent d'en
faire le diagnostic. Le scanner se justifie en cas d'échographie
non contributive, mais est dans l'idéal réalisé dans un centre
qui peut y associer une ponction ou un drainage radioguidé
Quand référer l'enfant pour un avis de l'abcès si celui-ci est accessible sans interposition d'anses
chirurgical ? digestives. L'enfant doit être référé dans un service de chirur-
■
En cas de forme clinique typique, avec ou sans imagerie. gie pédiatrique, disposant si possible d'un centre de radio-
■
En cas de tableau clinique incertain, mais avec des examens logie interventionnelle, permettant de drainer l'abcès par
complémentaires, biologiques et/ou échographiques en voie transrectale ou sous contrôle scopique. Le traitement
faveur. est principalement médical, par antibiothérapie, mais le
■
Chez le petit enfant devant des signes cliniques digestifs traî- drainage associé diminue les risques d'échec du traitement
nants et un syndrome inflammatoire intense, ou devant un médical et la nécessité de recours à un drainage chirurgical.
tableau d'occlusion fébrile.
■
Toujours avant de faire un scanner, sauf en cas de suspicion Lâchage de moignon
d'un diagnostic différentiel justifiant cet examen.
Il survient classiquement autour du 5e jour postopératoire,
durée de nécrose de la base appendiculaire sous le nœud mis
en place lors de l'appendicectomie. Un tableau de péritonite
Principes de prise en charge ou d'abcès postopératoire s'installe. Il nécessite un transfert
En dehors du plastron et éventuellement de l'abcès appen- en urgence vers un chirurgien pédiatrique pour une reprise
diculaire qui peuvent bénéficier d'un traitement médical chirurgicale.
premier et d'une chirurgie différée à froid, le traitement des
autres formes reste chirurgical d'emblée. En 2019, l'appendi- Abcès de paroi
cectomie est le plus souvent réalisée en cœlioscopie, qui est La réapparition d'une fièvre et de douleurs, surtout après
possible à tout âge. La voie de McBurney est une alternative. incision de McBurney, doit faire retirer le pansement pour
Certaines équipes étudient la place du traitement médical vérifier l'état local. En cas d'abcès de paroi, l'examen cli-
seul, sans chirurgie différée, des appendicites simples, mais nique met en évidence une rougeur, une induration et/ou
du fait du risque non négligeable d'échec et de récurrence, il une tuméfaction fluctuante sous la cicatrice. Une échogra-
est très controversé. phie est réalisée pour s'assurer de l'absence de communi-
En pratique, avant de transférer l'enfant dans un centre cation de l'abcès en intrapéritonéal. Un avis chirurgical est
de chirurgie : nécessaire pour évacuer l'abcès.
■ pas d'antibiothérapie en l'absence de certitude diagnos-
tique, qui va sinon fausser l'évolution et l'évaluation Occlusion sur brides
chirurgicale ; Elles surviennent volontiers après abord de McBurney, mais
■ traitements antalgiques possibles, ils n'empêcheront pas également après cœlioscopie, rapidement ou à distance, par-
une évaluation clinique chirurgicale adaptée ; fois plusieurs années après l'intervention. L'apparition d'un
■ possibilité d'adresser une suspicion d'appendicite simple syndrome occlusif après chirurgie abdominale doit la faire
pour les examens complémentaires dans la journée en évoquer. Son diagnostic repose sur un syndrome occlusif cli-
ville, une forme compliquée doit être adressée en urgence nique. L'ASP, fréquemment réalisé chez l'enfant, non recom-
à un centre chirurgical disposant de moyens de biologie mandé chez l'adulte, peut aider au diagnostic et permet de
et d'imagerie. suivre l'évolution. Le scanner est plus rarement nécessaire
au diagnostic, mais est utile dans les formes douteuses.
La durée de cicatrisation de l'aponévrose autorise une Ce type de hernies est de très loin le plus fréquent en
reprise des activités sportives en général 2 semaines après pédiatrie, et ne nécessite pas de renforcement de la paroi
une intervention par cœlioscopie, et 6 semaines après une musculaire par du matériel prothétique comme chez
intervention de McBurney. l'adulte. Les autres types de hernies, directe et crurale, beau-
coup plus rares, peuvent être discutés en cas de localisation
atypique, de récidive inexpliquée ou d'absence de canal
Pathologie inguinoscrotale péritonéovaginal retrouvé lors de la chirurgie malgré une
et de la paroi abdominale symptomatologie typique.
Erik Hervieux
La pathologie inguinoscrotale de l'enfant est fréquente, dans
une grande majorité des cas bénigne, mais peut parfois nécessi- En pratique
ter un traitement chirurgical. Les principaux motifs de consul- ■
Une hernie engouée chez un garçon doit être réduite en
tation sont la constatation d'une tuméfaction, inguinale, des urgence, et sera opérée dans les jours suivants.
bourses, des grandes lèvres, ou abdominale, notamment ombi- ■
Une hernie non engouée doit être opérée, mais peut être pro-
licale, une anomalie de la position des testicules, une douleur grammée sans urgence et adressée en consultation de chirur-
scrotale ou pelvienne faisant craindre une torsion de testicule/ gie pédiatrique.
d'annexe, une anomalie des organes génitaux externes.
Atteinte déférentielle
Fragile et situé au contact du canal péritonéovaginal, le canal
déférent peut être lésé lors de la chirurgie. Une atteinte lors
d'une chirurgie bilatérale dans l'enfance peut être une cause
d'infertilité masculine à la vie adulte.
Récidive
■ Une récidive de hernie inguinale nécessite une réinterven-
tion chirurgicale. Une récidive immédiate est générale Fig. 11.1 Hernie inguinale gauche chez une fille.
ment réopérée au cours de la même hospitalisation, une
récidive tardive peut être reprogrammée à distance en
absence d'engouement d'emblée. Il s'agit d'une bonne indi- En l'absence d'étranglement, l'intervention est program-
cation d'intervention par cœlioscopie, qui évite les adhé- mée sans urgence, après une consultation de chirurgie
rences postopératoires en utilisant une autre voie d'abord. pédiatrique. La plupart des équipes ont tendance à pro-
■ Une récidive de symptomatologie herniaire sans canal grammer plus rapidement, dans les 2 semaines, les hernies
péritonéovaginal perméable retrouvé doit faire recher- de l'ovaire que les hernies digestives chez les plus grandes
cher par le chirurgien un autre type plus rare de hernie, filles, qui se compliquent plus rarement.
directe ou crurale. Le traitement chirurgical suit les mêmes principes que
■ Une récidive d'hydrocèle testiculaire peut faire discuter chez le garçon, en s'assurant de l'absence d'annexe dans le
une réintervention, parfois par voie scrotale en retour- canal péritonéovaginal.
nant la vaginale comme pour les hydrocèles de l'adulte. Les complications postopératoires possibles de type
La récidive d'un kyste du cordon peut également faire hématome, diffusant ici vers les grandes lèvres, surinfection,
discuter une réintervention en cas de gêne. ou récidive, sont possibles, comme chez le garçon (cf. supra).
normal, ou le siège d'une hypertrophie compensatrice, ce par exemple) à mettre en balance avec le risque de tor-
qui est alors en faveur d'un testicule fonctionnellement sion controlatérale. La détorsion du côté tordu ne permet
unique. Il n'y a pas d'examen complémentaire nécessaire. qu'exceptionnellement de récupérer un testicule viable,
Dans tous les cas, à partir de 6 mois, une cœlioscopie rapporté à moins de 10 % dans la littérature, presque
exploratrice est indiquée pour confirmer ou infirmer la jamais observé en pratique, ce qui doit être expliqué aux
présence du testicule, préparer un abaissement (en deux parents en préopératoire.
temps le plus souvent) ou réaliser l'exérèse d'un reliquat
testiculaire le cas échéant. À l'adolescence
■ En cas de TNP bilatéral, l'enfant doit avoir un bilan hor- Chez l'adolescent, et beaucoup plus rarement l'enfant, la
monal avant la chirurgie, en urgence en cas de décou- torsion se manifeste par une douleur d'emblée intense,
verte néonatale, l'anomalie pouvant dans certains cas être de survenue brutale, souvent dans la nuit, réveillant alors
liée à un trouble de différenciation sexuelle, en particu- parfois le patient. Elle s'accompagne de signes vagaux :
lier en cas d'anomalie de la verge associée (hypospadias), vomissement au moment de la survenue de la douleur,
et bénéficier d'un avis endocrinologique pédiatrique spé- pâleur. Le testicule est ascensionné, rétracté à l'anneau,
cialisé pour s'assurer de l'absence de déficit hormonal au parfois horizontalisé. Il est douloureux dans son ensemble,
préalable, avant la réalisation de la cœlioscopie. difficilement palpable du fait de la douleur. Un tour de
spire peut être palpé sur le cordon. L'autre testicule est le
Testicules oscillants plus souvent en place, non douloureux. En cas de torsion
Également appelés testicules ascenseurs, ou yoyos, il s'agit vieillie, des signes inflammatoires apparaissent, la bourse
de testicules qui sont dans les bourses, mais qui remontent augmente de taille, devient rouge, chaude. L'enfant peut
dans le canal inguinal plus ou moins haut lors de la stimula- alors être fébrile.
tion du réflexe crémastérien, déclenché lors de la palpation Aucun examen n'est nécessaire au diagnostic de tor-
de la cuisse, et parfois accentué chez un enfant non détendu. sion testiculaire. L'exploration chirurgicale est urgente.
Ils peuvent alors être facilement pris pour des TND. Le Chez un adolescent, en cas de doute de torsion et devant
plus souvent, l'examen du carnet de santé montre des tes- l'urgence de la prise en charge, des lésions irréversibles sur
ticules décrits en place à la naissance. À l'examen chez un la spermatogenèse survenant en 4 à 6 heures, l'exploration
enfant détendu, on arrive à abaisser facilement ces testicules peut être réalisée dans un centre ne disposant pas de chirur-
dans les bourses. La stimulation du réflexe crémastérien gien pédiatre. En cas de diagnostic en ville, il faut l'adresser
provoque leur réascension immédiate. Il n'y a alors pas aux urgences chirurgicales disposant des moyens d'opérer
d'indication opératoire, mais une surveillance de leur posi- rapidement l'enfant (vérifier la disponibilité du bloc avant le
tion avec la croissance est utile, de manière espacée jusqu'à transfert) les plus proches.
la puberté. En cas de doute entre des testicules oscillants En cas d'incertitude diagnostique à l'examen clinique
ou des TND, ils peuvent être adressés en consultation de chirurgical, une exploration chirurgicale testiculaire est
chirurgie pédiatrique. nécessaire. L'échographie n'a d'intérêt qu'en cas de diag
nostic de torsion cliniquement éliminé, pour conforter un
autre diagnostic, orchiépididymite par exemple. Elle n'a pas
sa place en cas de doute de torsion testiculaire, pour ne pas
En pratique retarder l'exploration chirurgicale.
■
Tout testicule non descendu ou non palpable persistant à L'intervention consiste à détordre le testicule, éva-
l'âge de 6 mois doit être adressé en consultation de chirurgie luer sa viabilité, le fixer en cas de récupération, et fixer
pédiatrique. l'autre testicule (dans le même temps ou en différé selon
■
Les testicules oscillants n'ont besoin d'être adressés qu'en cas les équipes). En cas de nécrose avérée, une orchidecto-
de doute avec des TND ou TNP. mie peut être nécessaire. En cas de récupération dou-
Des TNP bilatéraux doivent avoir une exploration hormonale.
teuse, le testicule peut être laissé en place et fixé, malgré
■
Adhérences balanopréputiales
En pratique Le phimosis est à différentier des adhérences balanoprépu-
Toute douleur pelvienne brutale et intense doit faire évoquer tiales qui empêchent partiellement le décalottage. À l'exa-
le diagnostic de torsion d'annexe, et encore plus à partir de men, l'orifice préputial est souple et large, mais la peau du
la puberté ou en cas de présence ou découverte d'une masse prépuce adhère au gland. Ces adhérences vont disparaître
ou kyste de l'ovaire. Une échographie et un avis chirurgical/ spontanément avec la croissance et les érections et ne néces-
gynécologique en urgence sont nécessaires. sitent pas de traitement.
Balanoposthite
Il s'agit d'une inflammation du prépuce, qui est augmenté
de taille, œdématié, rouge, luisant et douloureux. La miction
peut être douloureuse, avec un enfant qui se retient. Aucun
examen n'est nécessaire. Le traitement repose sur des soins
locaux par bains antiseptiques non alcooliques (ex. chlore
actif : Amukine®, bains de 10 minutes, 2 fois/j). La seule
urgence nécessitant un avis chirurgical est la survenue d'une
impossibilité pour l'enfant d'uriner, qui est rare, mais qui
peut nécessiter un drainage par cathéter sus-pubien. Fig. 11.2 Hypospadias.
Chapitre 11. Chirurgie viscérale 269
I II III IV V
Fig. 11.4 Illustration des grades de reflux décrits par l'International Reflux Study Committee.
Chapitre 11. Chirurgie viscérale 271
Autres examens spécialisés L'objectif du suivi est d'éviter les complications du RVU
Scintigraphie au DMSA en attendant sa probable résolution spontanée avec la crois-
sance, tout en protégeant les reins des infections.
Son but est de rechercher en cas de reflux avéré des cica-
trices rénales et d'évaluer le retentissement sur la fonction
relative de chaque rein. Irradiante, elle est réalisée en fonc- Complications
tion du contexte après consultation spécialisée, et n'est pas à Le RVU pose deux principaux problèmes :
faire en 1re intention. ■ la survenue d'infections du haut appareil urinaire, source d'in-
confort et d'hospitalisations répétées pour l'enfant, et pouvant
IRM médullaire aboutir à long terme à l'apparition de cicatrices rénales ;
Non systématique, elle est utile en cas d'anomalie neurolo- ■ dans certains cas, la possibilité pour la néphropathie de
gique constatée lors de l'examen clinique. reflux de contribuer à la dégradation rénale à long terme sur
un rein initialement dysplasique, mais cette hypothèse reste
controversée. Chez ces patients avec RVU sur reins dyspla-
Diagnostic : quand rechercher un reflux ? siques, une surveillance de la pression artérielle et de la pro-
Deux grandes situations se présentent. téinurie semble nécessaire mais aucune recommandation n'a
pour l'instant validé le suivi à effectuer au long cours.
Reflux suspecté en échographie anténatale :
dilatation des voies excrétrices Traitement
Un avis en consultation anténatale de chirurgie pédiatrique Son objectif principal est d'éviter la survenue de pyélo-
est nécessaire afin : néphrites aiguës.
■ d'explorer les différentes étiologies, dont le reflux Trois groupes de risque ont été établis selon les recomman-
vésico-urétéral ; dations de l'European Society of Pediatric Urology (ESPU) :
■ et de proposer un suivi postnatal adapté : le plus sou- faible, modéré et élevé. Ces groupes conditionnent les moda-
vent consultation et échographie rénale et vésicale à une lités de traitement du reflux qui comprend plusieurs parties.
semaine de vie. Le tableau 11.2 résume les recommandations actuelles de
En fonction de cette première échographie, la cystogra- l'ESPU pour le traitement du reflux.
phie et l'antibioprophylaxie sont discutées en consultation
spécialisée. Mesures générales
Dans tous les cas, dès la première consultation en ville, il
Après pyélonéphrite aiguë faut rechercher et corriger le cas échéant les anomalies des
En cas de 1er épisode, le résultat de l'échographie en phase habitudes mictionnelles : boire de l'eau régulièrement sur la
aiguë guide la conduite. journée, aller uriner régulièrement, bien vider sa vessie, lut-
■ Si celle-ci retrouve des anomalies, une échographie rénale ter contre les attitudes rétentionnistes.
à 1 mois est le 1er examen à réaliser, pour éviter un nombre
important de cystographies rétrogrades inutiles si cette Antibioprophylaxie au long cours
échographie de contrôle est normale finalement. En cas
Elle peut être proposée en fonction du contexte, et notam-
de dilatation pyélocalicielle ou urétéro-pyélocalicielle, la
ment de l'âge et de l'acquisition de la propreté, en attendant
cystographie est réalisée pour confirmer ou infirmer le
l'amélioration spontanée du RVU avec la croissance.
reflux, et l'enfant est adressé en consultation de chirurgie
En fonction de l'âge, on utilise :
pédiatrique urologique.
■ jusqu'à 6 semaines de vie : céfaclor (Alfatil®) à la dose de
■ En cas d'échographie normale (en phase aiguë ou au
10 mg/kg en 1 fois/j, jusqu'à 6 semaines de vie ;
contrôle), aucun autre examen n'est indiqué. Cependant,
■ après 6 semaines de vie : triméthoprime-sulfaméthoxa-
si un 2e épisode de pyélonéphrite survient, la cystogra-
zole (Bactrim®) en suspension buvable, une dose unique
phie rétrograde est alors nécessaire, ainsi que la consulta-
par jour à la posologie de 10 mg/kg, soit 0,25 mL/kg/j.
tion spécialisée.
Ses principales indications sont :
L'antibioprophylaxie systématique n'est pas recommandée
■ le RVU asymptomatique avec anomalie du parenchyme
avant la consultation spécialisée.
rénal chez l'enfant de moins de 1 an ;
■ un RVU de haut grade ;
Évolution naturelle ■ plusieurs épisodes de pyélonéphrites chez l'enfant de
Chez l'enfant, la majorité des reflux primitifs se résolvent moins de 1 an.
spontanément au cours du temps et ce d'autant plus qu'ils
sont mis en évidence chez des enfants en bas âge (< 1 an) Traitement chirurgical
et qu'ils sont de bas grade (grades I et II : résolution chez Il est la dernière ligne du traitement dans la majorité des cas.
80 % des enfants, grades III–V : résolution chez 30 à 50 % Différentes interventions, endoscopiques, cœlioscopiques
des enfants après 4–5 ans de suivi). Les anomalies du cortex ou en chirurgie ouverte peuvent se discuter.
rénal, la dysfonction vésicale et les pyélonéphrites à répéti- Dans certains cas ciblés avant l'âge de la propreté, peut
tion sont des facteurs corrélés à une absence de résolution se discuter chez le garçon la posthectomie pour diminuer le
spontanée du RVU. portage de germes spécifiques sous le prépuce.
272 Partie II. Spécialités
Fièvre et/ou pyélonéphrite sur RVU connu l'enfant est nécessaire. Une cystographie rétrograde de
En cas de fièvre sans point d'appel clinique, ou a fortiori en contrôle peut alors être indiquée (elle ne l'est pas de
cas de signes fonctionnels urinaires, chez un patient porteur manière systématique après chirurgie) pour chercher
de RVU, une BU, voire un examen cytobactériologique des une persistance du RVU, et faire discuter une reprise
urines doit être réalisé pour argumenter une infection uri- de l'antibioprophylaxie et/ou une nouvelle intervention
naire débutante, notamment chez le nourrisson. En cas de chirurgicale.
pyélonéphrite avérée, une fois celle-ci traitée, une consulta-
tion rapprochée doit être prise avec l'urologue pédiatre qui Recommandations
suit l'enfant afin de discuter une adaptation de traitement.
HAS. Commission technique des vaccinations. PV, séance du 5 juin 2018.
HAS. Pertinence des soins en chirurgie pédiatrique. Février 2018.
Récidive de pyélonéphrite Lopez PJ, Celis S, Reed F, Zubieta R. Vesicoureteral reflux : current manage-
après traitement chirurgical ment in children. Curr Urol Rep. 2014 ; 15(10) : 447.
Radmayr C, et al. EAU Guidelines on Paediatric. Urology 2018.
En cas de récidive de pyélonéphrite en postopéra-
toire, une nouvelle consultation avec le chirurgien de
Chapitre
12
Cardiologie
Coordonné par Alain Chantepie
Bruno Lefort, Nathalie Soulé
PLAN DU CHAPITRE
Examen cardiovasculaire de l'enfant . . . . . . . . 273 Prophylaxie de l'endocardite bactérienne . . . . . 285
Souffle cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276 Sport et problèmes cardiovasculaires . . . . . . . 286
Insuffisance cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 Médicaments prescrits chez l'enfant
Cardiopathies congénitales graves . . . . . . . . . 281 et risque cardiovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Myocardiopathies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
■ L'examen clinique peut repérer des anomalies morpholo- Particularités de l'examen cardiovasculaire
giques du visage ou des membres, une petite taille ou une de l'enfant
grande taille, ou des taches cutanées ; ces signes peuvent
constituer des éléments de syndromes génétiques ou Fréquence cardiaque
malformatifs comportant fréquemment des anomalies La fréquence cardiaque (FC) normale d'un enfant est extrê-
cardiovasculaires à rechercher (tableau 12.2). mement variable en fonction de l'âge et des circonstances
d'examen, si bien qu'il est difficile d'établir des valeurs de
Syndrome de Turner Sporadique, 45 X Pterygium colli, thorax large, Coarctation de l'aorte, sténose
mamelons écartés, petite taille, valvulaire aortique, dilatation de
dysgénésie gonadique l'aorte
Trisomie 21 Sporadique Faciès lunaire, hypertélorisme, Canal atrioventriculaire,
hypotonie, retard mental communication interventriculaire
ou interatriale, canal artériel,
tétralogie de Fallot
Syndrome d'alcoolisme fœtal Hypotrophie et petite taille Communication interventriculaire
de naissance, microcéphalie, ou interatriale, tétralogie de
philtrum long et lisse, lèvre Fallot
supérieure mince, retard mental
Embryofœtopathie Dysmorphie faciale Communication interventriculaire
des antiépileptiques ou interatriale, canal artériel,
sténose aortique
Charge : Coloboma, Heart defects, Atresia choanae, Retardation of growth and development, Genitourinary problems, Ear abnormalities ; VACTERL : Vertebral,
Anal, Cardiovascular, Tracheal, Esophageal, Renal, Limb defects.
Tableau 12.3 Fréquence cardiaque diurne au repos Tableau 12.4 Fréquence respiratoire au repos
en fonction de l'âge (/min). en fonction de l'âge (/min).
Âge FC moyenne Limite Limite Âge Valeur normale limite
supérieure inférieure supérieure de la fréquence
respiratoire
1re semaine 120 160 90
Nouveau-né 60
1 semaine – 150 180 110
1 mois 6 mois 40
3–6 mois 140 180 110 1 an 30
6–12 mois 130 150 110 16 ans 20
1–3 ans 120 150 90
3–5 ans 110 140 70
chez le grand enfant. L'absence de variation de la FC au
5–8 ans 100 135 65 cours d'une tachycardie évoque en priorité un trouble du
8–12 ans 90 130 60 rythme cardiaque.
12–16 ans 85 120 60
Une FC inférieure à 80/min chez le nouveau-né et le nour-
risson, à 60/min chez l'enfant plus âgé doit faire rechercher
D'après Davignon et al. Rev Int Pediatr 1981, 45–70. un bloc atrioventriculaire.
inférieurs permettent d'affirmer l'absence de coarctation d'inquiétude car la crainte de méconnaître une cardiopa-
aortique. Chez l'enfant plus grand, il est possible de perce- thie est au premier plan des préoccupations du médecin. La
voir les pouls fémoraux malgré l'existence d'une coarctation question fondamentale est de savoir s'il s'agit d'un souffle
aortique ; mais la comparaison simultanée de la pulsatilité organique ou fonctionnel. Nous verrons plus loin comment
artérielle fémorale et radiale montre toujours une nette asy- répondre à cette question en fonction de l'âge de l'enfant et
métrie en faveur du pouls radial droit. des caractéristiques sémiologiques du souffle.
Les autres particularités de l'auscultation normale de
Mesure de la pression artérielle l'enfant sont les suivantes : arythmie cardiaque d'origine
La prise de la pression artérielle fait partie de l'examen cli- respiratoire (accélération à l'inspiration, ralentissement à
nique de l'enfant et vise à dépister une hypertension arté- l'expiration), bruits du cœur paraissant de forte intensité,
rielle. La technique doit être irréprochable : enfant calme, dédoublement variable du deuxième bruit au foyer pulmo-
brassard de largeur suffisante (au moins les 2/3 de la lon- naire particulièrement net, présence fréquente d'un troi-
gueur du bras), appareils de mesure bien réglés. Avant l'âge sième bruit physiologique en protodiastole en rapport avec
de 2 ans, il est difficile d'avoir des mesures fiables car les un remplissage ventriculaire rapide.
conditions d'examen sont rarement favorables. L'utilisation
aujourd'hui répandue des appareils automatiques permet de Souffle cardiaque
pallier en grande partie ces difficultés. La pression artérielle
dépend principalement du sexe et de la taille de l'enfant. Il Nouveau-né et nourrisson de moins
existe des abaques de valeurs de référence françaises (cf. cha- d'un an
pitre 20 : Hypertension artérielle). Les cardiopathies congénitales ont une prévalence éle-
vée : 0,8 à 1 %. La plupart des malformations cardiaques,
État circulatoire mineures ou majeures, s'expriment par un souffle cardiaque
L'état circulatoire périphérique est un élément important découvert le plus souvent au cours du 1er mois de vie. Toute-
à évaluer dans les situations d'insuffisance cardiaque : des fois, l'absence de souffle cardiaque ne suffit pas à écarter le
extrémités froides et cyanosées, un teint pâle et gris, des diagnostic de cardiopathie.
marbrures généralisées, un temps de recoloration allongé Un souffle apparemment isolé chez un nouveau-né ou un
sont des signes de gravité car ils annoncent un état de choc nourrisson de quelques mois peut être un souffle organique
cardiogénique. Toutefois, chez le nourrisson normal, il est ou un souffle fonctionnel. Les caractéristiques du souffle
banal d'observer de façon isolée des marbrures physiolo- permettent souvent d'avoir une bonne orientation étiolo-
giques encore appelées livedo, constitué d'un aspect réticulé gique ; l'examen doit rechercher d'autres éléments en faveur
rose situé sur le tronc et à la racine des membres. Chez le d'une cardiopathie : discrète cyanose, début d'insuffisance
nouveau-né, il est fréquent également d'observer de façon cardiaque, pouls fémoraux mal perçus, croissance pondérale
isolée des extrémités froides et cyanosées témoignant d'un insuffisante. Même si l'enfant va bien et si le souffle est isolé,
simple ralentissement circulatoire cutané. Une cyanose il est recommandé d'avoir l'avis d'un cardiopédiatre qui pra-
généralisée, cutanée et muqueuse (langue, lèvres), évoque tiquera si besoin une échocardiographie afin de préciser la
en priorité une cardiopathie cyanogène. Le diagnostic en cardiopathie et de déterminer son pronostic à court terme
maternité est facilité par la mesure de la saturation en oxy- et plus à distance.
gène grâce à l'oxymètre de pouls.
Souffles organiques
État des veines périphériques Les cardiopathies responsables de souffle cardiaque isolé
L'état des veines périphériques et du foie peut renseigner chez le nouveau-né et le nourrisson se répartissent schéma-
sur le niveau de pression veineuse centrale mais ce sont des tiquement en quatre types : shunt gauche-droite, obstacle au
paramètres cliniques difficiles à interpréter. Normalement, niveau du cœur droit, obstacle au niveau du cœur gauche,
les veines sont plates, mais il est fréquent d'observer une fuite d'une valve atrioventriculaire.
distension des veines jugulaires chez l'enfant normal en cas
de pleurs, cris, blocage respiratoire ou effort. La palpation Shunt gauche-droite
du bord inférieur du foie 1 à 2 cm sous le rebord costal est Communication interventriculaire
un signe habituel chez l'enfant ; un débord plus marqué peut La communication interventriculaire (CIV) est de loin la
témoigner d'un foie cardiaque, mais aussi d'autres patholo- première cause de souffle lors des premiers mois. Il s'agit
gies hépatiques et respiratoires (ptose hépatique en cas de de CIV membraneuse ou musculaire de petite dimension
distension pulmonaire). dans la majorité des cas. Le souffle est rarement présent
dès la naissance et apparaît après plusieurs jours lorsque
Auscultation cardiaque les résistances vasculaires pulmonaires ont baissé. Typi-
L'auscultation cardiaque est l'outil clinique principal pour quement, le souffle est intense, holosystolique maximum
détecter une cardiopathie. Chez l'enfant, l'auscultation se à l'endapex et au foyer tricuspide avec des irradiations
fait aux foyers classiques mais aussi au niveau des creux axil- larges. Le souffle des petites CIV musculaires situées dans
laires, du cou, du dos. Il est fréquent d'observer des souffles le septum trabéculé est différent : protosystolique, peu
fonctionnels chez l'enfant, surtout après l'âge de 2 ans. La intense, localisé, audible seulement si l'enfant est calme.
découverte d'un souffle cardiaque est toujours une source L'évolution dépend de la dimension et de la localisation
Chapitre 12. Cardiologie 277
Souffle cardiaque découvert laire aortique ou pulmonaire. Les atteintes valvulaires acquises
chez l'enfant âgé de plus d'un an après infection streptococcique sont devenues exceptionnelles
car le rhumatisme articulaire aigu a pratiquement totalement
La découverte récente par le pédiatre ou le médecin généraliste disparu en France.
d'un souffle cardiaque chez un enfant est un motif fréquent de
demande de consultation cardiologique ou cardiopédiatrique,
Souffles innocents
car cette situation engendre une anxiété chez les parents et les
médecins. Cette stratégie diagnostique aboutit le plus souvent Plusieurs phénomènes expliquent la plus grande fréquence
à des examens cardiologiques coûteux, et inutiles puisque dans des souffles innocents chez les enfants par rapport aux
l'immense majorité des cas, le cœur est normal. adultes :
■ la vitesse du sang dans les gros vaisseaux est plus élevée ;
Prévalence des souffles chez l'enfant ■ le diamètre de l'aorte est plus faible ;
■ surtout le stéthoscope, placé sur la région précordiale, est
très proche des structures cardiovasculaires du fait de la
La plupart des souffles entendus chez les enfants âgés de plus
d'un an correspondent à l'un des différents types de souffles
faible épaisseur thoracique des enfants à cet âge : raison
innocents observés dans l'enfance. pour laquelle on perçoit parfaitement les bruits du cœur
et la moindre turbulence circulatoire intracardiaque.
Ces souffles sont perçus chez des enfants en bonne santé
Le cœur de l'enfant normal souffle. La prévalence des apparente dont le cœur est anatomiquement et fonctionnel-
souffles innocents (ou anorganiques ou fonctionnels) est très lement normal.
élevée entre 1 et 14 ans ; elle est estimée à 50 % au moins chez Le souffle innocent le plus commun est le souffle de Still,
les enfants asymptomatiques scolarisés. Cependant, certaines reconnaissable par ses caractéristiques vibratoires. Il prend
malformations passent inaperçues pendant longtemps et sont son origine dans le cœur gauche – chambre de chasse du
finalement diagnostiquées après plusieurs années grâce à la ventricule gauche et aorte ascendante – et a son pic d'inci-
découverte d'un souffle. C'est le cas notamment de la commu- dence entre 2 et 10 ans. Certains caractères permettent de
nication interatriale, de la persistance du canal artériel et des l'identifier facilement : il s'agit d'un souffle systolique isolé,
anomalies qui s'accentuent avec le temps telles que les lésions de faible intensité (< 3/6), de brève durée en début de systole,
obstructives du cœur gauche (bicuspidie aortique, sténose de timbre musical et vibratoire, maximum au bord inférieur
valvulaire aortique, coarctation de l'aorte, myocardiopathie gauche du sternum, mieux entendu après un effort ou en cas
hypertrophique). Ces anomalies donnent des signes d'examen de fièvre (élévation du débit cardiaque) plus faible ou absent
qui peuvent être distingués de ceux du souffle innocent par une en position debout dans plus de la moitié des cas.
analyse attentive (tableau 12.5). Un souffle diastolique doit être D'autres types de souffle innocent existent :
considéré comme organique, correspondant à une fuite valvu- ■ le souffle systolique au foyer pulmonaire est observé plus
volontiers chez l'adolescent ou en cas de déformation
thoracique (dos plat, pectus excavatum) ;
Tableau 12.5 Caractéristiques sémiologiques ■ le souffle continu de type veineux est de sonorité grave
des anomalies cardiovasculaires qui peuvent et de timbre « roulant », variable avec les mouvements de
être découvertes chez les enfants scolarisés. rotation de la tête et disparaissant en position couchée.
Les souffles innocents peuvent persister plusieurs années et
Anomalies cardiovasculaires Caractéristiques finissent par disparaître spontanément, mais il est banal de les
Communication interatriale Souffle protomésosystolique percevoir encore chez les adolescents ou les jeunes adultes.
Sténose pulmonaire peu serrée maximum au foyer pulmonaire
irradiant dans le dos
Dédoublement fixe de B2 L'auscultation de l'enfant au repos en position debout depuis
Communication Souffle holosystolique au bord quelques minutes est une méthode intéressante en pratique cli-
interventriculaire gauche du sternum nique pour identifier un souffle innocent car il a été démontré
que l'absence ou la disparition du souffle en orthostatisme était
Persistance du canal artériel Souffle continu ou systolique
un critère fiable pour exclure une cardiopathie.
avec prolongement diastolique
au foyer pulmonaire
Pouls amples Conséquence de la découverte d'un souffle
Coarctation de l'aorte Souffle systolique dorsal La découverte d'un souffle cardiaque chez un enfant est une
Pouls fémoraux amortis
source d'inquiétude pour les parents et pour le médecin. Il
Hypertension artérielle
est tentant de demander sans discernement des examens
Bicuspidie aortique Souffle protosystolique au foyer complémentaires dans le seul but de rassurer. Cette attitude
Sténose aortique peu serrée aortique
est médicalement injustifiée car la probabilité de découvrir
Clic protosystolique endapexien
une anomalie cardiaque à cet âge est très faible et il existe
Prolapsus valvulaire mitral Souffle télésystolique et clic des critères cliniques validés pour différencier les souffles
mésosystolique au foyer mitral innocents des souffles organiques. Il s'agit d'une attitude
Myocardiopathie Souffle protomésosystolique à coûteuse car le recours à un avis spécialisé s'accompagne
hypertrophique obstructive l'endapex presque toujours de la pratique d'examens complémen-
Choc de pointe dévié à gauche taires : ECG (électrocardiogramme) et échocardiographie.
Chapitre 12. Cardiologie 279
méconnue, habituellement un trouble du rythme ventri- volumineux shunt gauche-droite et d'une augmentation
culaire (tachycardie ou fibrillation ventriculaire) secon- de la précharge. Cette situation est l'apanage du nourris-
daire à une myocardiopathie, une dysplasie arythmogène son de plus d'un mois : l'IC apparaît quand la baisse des
du ventricule droit, une anomalie congénitale des artères résistances pulmonaires autorise un hyperdébit pulmo-
coronaires, un obstacle serré à l'éjection du ventricule naire important ;
gauche, une préexcitation ventriculaire (syndrome de ■ insuffisance cardiaque avec bas débit ventriculaire gauche : il
Wolff-Parkinson-White), ou à une anomalie électrophy- s'agit d'une situation grave de choc cardiogénique associant
siologique telle que syndrome du QT long, tachycardie des signes congestifs et des signes d'insuffisance circulatoire
ventriculaire catécholergique et syndrome de Brugada. aiguë, tableau clinique observé en cas de bas débit systé-
Le traitement préventif des syncopes et du risque de mort mique par atteinte grave de la contractilité myocardique
subite en cas de syndrome de QT long, et de tachycardie (myocardite aiguë, myocardiopathie dilatée) ou en cas d'aug-
ventriculaire catécholergique repose sur la prise quo- mentation brutale de la post-charge. Cette situation est à
tidienne d'un bêtabloquant, en général le nadolol. Une redouter chez le nouveau-né atteint de cardiopathie obstruc-
longue liste de médicaments contre-indiqués et déconseil- tive gauche sévère telle qu'une coarctation néonatale serrée.
lés chez les patients atteints du syndrome de QT long est
disponible sur le site du Centre de référence des maladies
cardiaques héréditaires.
Diagnostic
La plupart des signes décrits ci-dessus ne sont pas spéci-
fiques d'une IC aiguë. Ils peuvent, notamment, s'observer au
En pratique, une syncope survenant à l'effort doit conduire
cours des infections graves chez le nouveau-né et le nourris-
à la réalisation d'examens cardiovasculaires : ECG, écho- son. La distinction entre choc infectieux et choc cardiogé-
cardiographie, test d'effort, Holter, voire explorations nique est essentielle car les mesures thérapeutiques initiales
électrophysiologiques. sont radicalement différentes. En cas de doute, si une
échocardiographie ne peut être réalisée immédiatement, la
constatation d'une cardiomégalie radiologique est un argu-
ment essentiel pour rapporter le choc à une cause cardiaque.
Insuffisance cardiaque Les causes principales de l'IC avec insuffisance circulatoire
L'insuffisance cardiaque (IC) est une urgence vitale. Sur le sont :
plan physiopathologique, elle peut être due à : ■ les cardiopathies congénitales avec obstacle gauche du
■ une augmentation de la précharge par surcharge volé- nouveau-né : coarctation de l'aorte, interruption de
mique, par exemple en cas de shunt gauche-droite ; l'arche aortique, sténose valvulaire aortique, hypoplasie
■ une augmentation de la post-charge dont l'exemple ventriculaire gauche ;
caractéristique est un obstacle aortique ; ■ les myocardiopathies dilatées et hypokinétiques primi-
■ un défaut de contractilité du myocarde. tives ou secondaires à une infection (myocardite aiguë
La conduite à tenir comporte plusieurs étapes : reconnaître virale), une maladie métabolique, une ischémie myocar-
l'IC, évaluer sa gravité, effectuer le diagnostic différen- dique (anomalie congénitale des artères coronaires), une
tiel, rechercher sa cause et commencer le traitement sans non-compaction du myocarde ventriculaire (myocarde
retard. spongieux) ;
■ les troubles du rythme cardiaque du nouveau-né et petit
nourrisson : tachycardie jonctionnelle, tachycardie atriale
Reconnaître une insuffisance cardiaque (flutter).
L'IC se manifeste par des signes congestifs, parfois associés à En cas d'IC congestive isolée, le débit ventriculaire gauche
des signes de bas débit cardiaque apparus en quelques jours. est le plus souvent normal. Il s'agit le plus souvent de car-
■ Les signes congestifs comportent un ou plusieurs des diopathies avec shunt gauche-droite important : commu-
signes suivants : polypnée, dyspnée d'effort, râles cré- nication interventriculaire large, canal atrioventriculaire
pitants, hépatomégalie, turgescence veineuse, prise de complet, gros canal artériel, ventricule unique.
poids excessive, œdèmes déclives.
■ Les signes de bas débit cardiaque sont identiques à ceux
de l'insuffisance circulatoire d'autre étiologie : extrémi- Traitement du choc cardiogénique
tés cyanosées et froides, peau marbrée, teint gris et pâle, Il est urgent et comporte plusieurs volets :
temps de recoloration allongé, tachycardie, pouls faibles, ■ mesures générales de réanimation : oxygénothérapie, intu-
pression artérielle basse ou imprenable, oligurie, agitation bation et ventilation assistée, mise en place de voies vei-
ou conscience altérée. Un bruit de galop traduit l'atteinte neuses, restriction hydrosodée ;
de la fonction ventriculaire. ■ traitement symptomatique :
En pratique, l'insuffisance cardiaque s'observe dans deux – pas de remplissage vasculaire ++,
situations physiopathologiques distinctes de gravité bien – diurétique d'action rapide : furosémide 2 mg/kg IV à
différente : répéter si besoin,
■ insuffisance cardiaque à débit ventriculaire gauche normal – inotrope : dobutamine 5 à 15 μg/kg/min ;
ou élevé ; il s'agit d'une insuffisance cardiaque congestive ■ traitement étiologique :
isolée sans risque d'insuffisance circulatoire aiguë dont – réduction d'un trouble du rythme, par choc électrique
le type représentatif est une large CIV responsable d'un externe si besoin,
Chapitre 12. Cardiologie 281
– réouverture du canal artériel par prostaglandine en cas cardiopathie est maintenant effectif dans presque tous les
d'obstacle au cœur gauche, cas et conduit le plus souvent à l'interruption de grossesse,
– chirurgie d'une malformation cardiaque. compte tenu des résultats médiocres du traitement chirur-
gical par le procédé de Norwood. En l'absence de diagnostic
prénatal, le tableau clinique initial simule un choc infec-
Traitement de l'insuffisance cardiaque tieux, mais l'absence totale de pouls, l'énorme foie, le bruit
congestive de galop, la cardiomégalie radiologique et l'aggravation
Le traitement symptomatique, débuté en milieu hospitalier, inéluctable malgré la réanimation orientent rapidement
comporte en général : vers cette cardiopathie dont le diagnostic échographique est
■ un apport lacté normal, sans restriction sodée, avec enri- évident.
chissement calorique ;
■ un diurétique : furosémide (1 à 2 mg/kg/j en 2 prises)
parfois associé à la spironolactone (1 à 3 mg/kg/j en Interruption de l'arche aortique
1 prise) ; L'interruption de l'arche aortique avec communication
■ un inhibiteur de l'enzyme de conversion, en l'absence interventriculaire est rare ; cette cardiopathie appartient au
d'obstacle aortique, tel que le captopril (1 à 4 mg/kg/j en groupe des cardiopathies cono-troncales et, à ce titre, elle
3 prises) ; est fréquemment associée au syndrome de Di George ou aux
■ un bêtabloquant en cas d'IC réfractaire au traitement autres variétés de microdélétion 22q1.1. Grâce au diagnostic
précédent : carvédilol : 0,05 à 1 mg/kg/j, ou bisoprolol : prénatal, on peut éviter les complications liées à la fermeture
0,02 à 0,2 mg/kg/j ; postnatale du canal artériel par la perfusion de prostaglan-
■ la digoxine à la dose de 7–15 μg/kg/j en 2 à 3 prises, en dine E1 (PGE1) en attendant le traitement chirurgical. Si le
cas d'hypokinésie ventriculaire gauche ou de cardiopa- canal artériel est fermé ou petit, le diagnostic clinique est
thie rythmique. proche de celui de la coarctation : absence de pouls fémo-
raux et installation rapide d'un choc cardiogénique.
unique) ; le cas de la transposition des gros vaisseaux est efficace pour lever l'obstacle, est devenue le traitement électif de
particulier du fait d'une circulation systémique et pulmo- cette malformation dont le pronostic est excellent si le ventricule
naire en parallèle et non croisée. droit est de dimension normale.
réaliser dans presque tous les cas une atrioseptostomie de droite-gauche ductal et atrial. Le diagnostic doit être évo-
Rashkind afin d'obtenir un shunt gauche-droite atrial, indis- qué devant toute situation d'hypoxémie réfractaire néona-
pensable à la survie du nouveau-né. Le traitement définitif tale avec image radiologique de poumon « brouillard » et les
consiste en une correction anatomique ou « switch artériel » signes échographiques suivants : petites cavités gauches avec
au cours des 8 premiers jours de vie. shunt droite-gauche atrial exclusif et hypertension artérielle
pulmonaire. Le traitement chirurgical urgent consiste à
Cardiopathies de type « ventricule unique » anastomoser le collecteur veineux à l'oreillette gauche. Les
Ce sont des cardiopathies complexes où le sang veineux sys- formes non bloquées donnent une cyanose modérée et des
témique et pulmonaire des oreillettes se jette et se mélange signes d'IC congestive d'apparition progressive.
dans une seule cavité ventriculaire principale (de type ven-
tricule droit ou ventricule gauche) qui éjecte le sang à la fois Truncus arteriosus
dans l'aorte et l'artère pulmonaire. Les aspects cliniques sont Le truncus arteriosus est une cardiopathie cono-troncale sou-
très variés mais une cyanose plus ou moins marquée est vent associée à la microdélétion 22q11. Les deux ventricules,
habituelle. L'échocardiographie est l'examen clé pour établir droit et gauche, éjectent le sang dans un vaisseau unique à
un diagnostic précis et dresser un bilan des anomalies asso- cheval au-dessus du septum interventriculaire. Le tableau
ciées fréquentes. Le but des traitements chirurgicaux ini- clinique associe des signes d'insuffisance cardiaque et une
tiaux est d'obtenir une circulation pulmonaire sans sténose cyanose discrète ; des pouls amples et un souffle diastolique
des branches ni élévation des résistances vasculaires pulmo- sont liés à une fuite de la valve troncale. Le traitement chirur-
naires et d'éviter la détérioration du ventricule principal afin gical consiste à fermer la communication interventriculaire
de proposer plus tard une dérivation cavopulmonaire. et à détacher l'artère pulmonaire de l'aorte pour la relier au
ventricule droit.
Retour veineux pulmonaire anormal total
Il correspond le plus souvent à un drainage anormal de
toutes les veines pulmonaires dans un collecteur veineux
Myocardiopathies
sténosé se jetant dans le foie (forme infra-diaphragmatique) Les myocardiopathies de l'enfant sont dues à des affections
ou dans le tronc veineux innominé (forme supracardiaque). nombreuses et diverses dont les principales sont rapportées
La cyanose est due à l'œdème pulmonaire et au shunt dans le tableau 12.6.
Elles sont découvertes selon deux types de circonstances : Les autres myocardiopathies dilatées ont un pronostic assez
■ à l'occasion d'un bilan cardiovasculaire pratiqué à la sombre. Dans les formes primitives ou familiales à transmis-
suite de symptômes révélateurs : insuffisance cardiaque, sion autosomique dominante, le traitement symptomatique
troubles rythmiques, syncopes du grand enfant, malaises de l'insuffisance cardiaque permet d'améliorer les signes
du nourrisson ; fonctionnels et de retarder le moment de la transplantation
■ lors du bilan réalisé dans le cadre de la surveillance d'une cardiaque. Les myocardiopathies métaboliques ont égale-
pathologie connue : myocardiopathie familiale, maladie ment un mauvais pronostic. Dans la glycogénose de type II
neuromusculaire, syndrome malformatif, hémopathie (maladie de Pompe), l'enzymothérapie intraveineuse per-
maligne traitée par chimiothérapie. met d'espérer une survie au prix d'un traitement prolongé.
Médicaments prescrits
La présence d'un souffle cardiaque innocent, de cardiopathies
mineures ou de cardiopathies opérées sans anomalies rési- chez l'enfant et risque
duelles significatives ne constitue pas une contre-indication à la cardiovasculaire
pratique sportive.
De nombreux médicaments utilisés chez l'enfant comme chez
l'adulte sont connus pour modifier la repolarisation ventricu-
laire en allongeant l'espace QT, raison pour laquelle ils sont
Le problème le plus difficile concerne les enfants asymp- contre-indiqués ou déconseillés en cas de syndrome de QT
tomatiques atteints de cardiopathie opérée ou non respon- long. La liste est disponible sur le site du Centre de référence des
sables d'anomalies résiduelles susceptibles de provoquer maladies cardiaques héréditaires. En l'absence de syndrome de
des troubles du rythme à l'effort : cicatrice ventriculaire, QT long, ces médicaments n'ont pas d'effets cliniques signifi-
dilatation ou hyperpression ventriculaire droite ou gauche, catifs connus lorsqu'ils sont utilisés en monothérapie.
hypertrophie ventriculaire, anomalie de la fonction ventri- Le méthylphénidate est un psychostimulant aujourd'hui
culaire, fuite valvulaire significative, extrasystoles ventricu- largement prescrit dans le trouble déficit de l'attention/hyper
laires au repos, troubles de la perfusion coronarienne, etc. activité (TDAH) de l'enfant. Ce médicament a des effets sym-
Chez ces enfants, il faut éviter les attitudes extrêmes qui pathomimétiques, noradrénergiques et dopaminergiques, ce
consistent soit à les priver abusivement du bénéfice de l'ac- qui explique qu'il augmente un peu la fréquence cardiaque et
tivité physique, soit de permettre sans discernement tous les la pression artérielle. Un allongement de l'espace QT peut aussi
sports. Les examens cardiovasculaires sont précieux pour être observé mais sans augmentation démontrée jusqu'à ce jour
évaluer les capacités individuelles et les risques encourus : du risque de mort subite. De rares effets cardiovasculaires consi-
ECG de repos et d'effort, Holter de rythme, échocardiogra- dérés comme graves ont été rapportés : palpitations ressenties
phie, voire cathétérisme cardiaque et angiocardiographie. par l'enfant en lien avec une tachycardie ou avec des extrasys-
Des propositions d'activités sportives adaptées à l'état car- toles ventriculaires. L'Agence nationale de sécurité du médica-
diovasculaire de l'enfant sont préférables à la solution de ment (ANSM) a précisé en 2017 les conditions de prescription
facilité qui consiste à interdire tout exercice sportif. du méthylphénidate. Elle est contre-indiquée en cas d'antécé-
Dans de rares situations, le sport est formellement contre- dents personnels de cardiopathie congénitale avec retentisse-
indiqué : sténose aortique serrée, myocardiopathie hyper- ment hémodynamique, de trouble du rythme, de canalopathie
trophique ou dilatée, ischémie myocardique par anomalies et d'hypertension artérielle sévère. En cas d'antécédents fami-
coronariennes, insuffisance cardiaque, cardiopathie cya- liaux de pathologie électrique cardiaque héréditaire, de myocar-
nogène non réparée, hypertension artérielle pulmonaire, diopathie, de mort subite ou de syncope inexpliquée chez des
troubles du rythme ventriculaire acquis ou congénitaux, personnes de moins de 40 ans, une consultation de cardiologie
anévrysme de l'aorte ascendante. Dans ces cas, il convient avec ECG est conseillée. Enfin, la présence de symptômes fonc-
de bien expliquer à l'enfant et à ses parents les raisons de tionnels cardiaques inexpliqués (malaise, dyspnée, palpitation,
cette interdiction parfois difficile à accepter. Il importe aussi douleurs thoraciques à l'effort) ou d'une anomalie à l'examen
d'informer l'établissement scolaire de la contre-indication cardiovasculaire (souffle, HTA) doit également conduire à la
médicale aux sports en milieu scolaire. réalisation d'un examen cardiovasculaire plus approfondi. La
Dans les écoles, la mise en place d'un Projet d'accueil réalisation d'un ECG systématique avant la première prescrip-
individualisé (PAI) a l'avantage de rassurer parents et ensei- tion de méthylphénidate n'est pas utile. La surveillance cardio-
gnants et d'éviter des conduites abusives ou aberrantes, mais vasculaire des enfants recevant du méthylphénidate comporte le
ce dispositif est lourd à mettre en place et risque de drama- recueil de signes fonctionnels éventuels, et la mesure de la fré-
tiser la scolarisation d'un enfant n'ayant aucun symptôme quence cardiaque au repos et de la pression artérielle à chaque
cardiaque. adaptation posologique et au moins une fois tous les 6 mois.
Chapitre
13
Dermatologie
Coordonné par Gérard Lorette et Stéphanie Mallet
PLAN DU CHAPITRE
Dermatologie néonatale . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 Acné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308
Anomalies pigmentaires cutanées . . . . . . . . . . 291 Urticaire, angio-œdème, mastocytose . . . . . . . 311
Chute de cheveux, alopécie Nævus de l'enfant et de l'adolescent . . . . . . . 313
et anomalies pilaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293 Manifestations cutanées révélatrices
Dermites du siège du nourrisson . . . . . . . . . . . 296 de maladies systémiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
Dermatite atopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299 Infestations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318
Psoriasis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301 Dermatoses bulleuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Angiomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
Il faut insister sur le soin d'hygiène indispensable qu'est L'érythème toxique du nouveau-né est une dermatose
le lavage des mains par les parents et le personnel soignant néonatale fréquente transitoire d'étiologie indéterminée
avant chaque soin et chaque repas. caractérisée par une éruption de macules rouges accompa-
gnées de pustules ou de croûtes, épargnant le cuir chevelu et
Toxicité de produits topiques les extrémités, ne nécessitant aucun traitement, rapidement
La diminution de l'effet barrière conduit à n'utiliser que résolutive.
les produits jugés indispensables. Dans tous les cas, il faut Des taches bleutées, en particulier lombosacrées, consti-
vérifier la composition des produits utilisés, et éliminer ceux tuent les taches mongoliques qui disparaissent spontané-
contenant une substance toxique ou très allergisante. L'uti- ment en quelques années. Des taches rosées ou orangées
lisation d'antiseptiques ou d'autres substances à visée théra- (saumonées) du visage sont très fréquentes, elles siègent à
peutique n'a aucune justification en dehors d'une maladie la partie médiane du front, aux paupières, au philtrum, et
cutanée. En revanche, l'application régulière d'un émollient disparaissent spontanément dans les premiers mois de vie.
diminue le risque de survenue ultérieure d'une dermatite Cependant, si elles sont nettement rouges, bien délimitées,
atopique (liée par ailleurs à une prédisposition génétique). étendues, elles peuvent persister, il en est de même des
taches rouges occipitales.
D'autres manifestations cutanées bénignes peuvent être
Examen clinique observées :
L'examen cutané fait partie de l'examen systématique du nou- ■ grains de milium cutanés (petits kystes épidermiques
veau-né. Il peut révéler des manifestations bénignes, mais blanchâtres) ;
aussi des tumeurs, des malformations, des infections, des ■ petits kystes du palais ou des gencives, rapidement
dermatoses. Certaines de ces anomalies sont congénitales, régressifs ;
d'autres vont se révéler progressivement. Les tableaux suivants ■ hypertrophie des seins avec parfois un petit écoulement
donnent une liste non exhaustive des principales affections laiteux (fig. 13.1).
auxquelles il faut penser devant des manifestations cutanées.
■
Doigt surnuméraire Pigmentaires
■
Hémangiomes ■
Nævus pigmentaires géants congénitaux
– Congénitaux (miliaires, NICH, RICH, syndrome PHACES) ■
Pigmentation convolutée selon les lignes de Blaschko, taches
– Non congénitaux café au lait
■
Syndrome de Kasabach-Merritt (hémangioendothéliome ou ■
Achromie : albinisme oculocutané et ses variantes, piebaldisme,
angiome en touffes) taches blanches (en feuille de sorbier de la sclérose tubéreuse
■
Histiocytose auto-involutive de Hashimoto-Pritzker (fig. 13.2) de Bourneville)
■
Rhabdomyosarcome ■
Phacomatose pigmento-vasculaire (fig. 13.3)
■
Fibrosarcome infantile
Hamartomes
NICH : Non Involutive Congenital Hemangioma ; PHACES : Posterior fosse abnor- ■
Sébacé
malities/Hemangioma/Arteries anomalies/Coarctation aortic/Eyes troubles/Ster- ■
Verruqueux
nal malformations ; RICH : Rapidly Involutive Congenital Hemangioma.
■
Conjonctif, etc.
Autres
■
Kyste dermoïde
■
Méningocèle, encéphalocèle
■
Dysplasie ectodermique
■
Aplasie cutanée congénitale (présence d'un fœtus papyracé,
aplasie du vertex)
■
Kystes ou fistules branchiaux, tragus accessoire
■
Malformations liées à des maladies génétiques
■
Malformations cutanées dysraphiques
■
Aplasie phanérienne
Piebaldisme
Anomalies pigmentaires cutanées Il s'agit d'une affection héréditaire, autosomique dominante.
Les taches achromiques sont présentes à la naissance et ne
Gérard Lorette sont pas évolutives. Il existe en général une tache blanche
La couleur de la peau résulte principalement de la méla- médiofrontale avec une mèche blanche médiane. D'autres
nine et du sang. L'intensité de la pigmentation mélanique taches achromiques sont présentes sur le tronc et à la par-
est génétiquement déterminée et influencée par les expo- tie médiane des membres. Les taches achromiques sont
sitions aux rayons ultraviolets. D'autres pigments peuvent congénitales, elles sont bien limitées, stables. Le syndrome
intervenir dans des circonstances pathologiques telles de Waardenburg autosomique récessif ou dominant associe
qu'une hypercaroténémie ou un ictère. Les nævus pigmen- une surdité congénitale, une hétérochromie irienne, un élar-
taires, les mélanocytoses dermiques et les angiomes sont gissement de l'espace intercanthal et, parfois, un syndrome
discutés plus loin dans ce chapitre. Une absence de pig- de Hirschprung.
mentation mélanique est une achromie, une diminution
une hypochromie.
Albinismes
Les albinismes associent une hypopigmentation de la peau,
des poils, des cheveux et des yeux, ainsi qu'une diminution
Achromies et hypochromies de l'acuité visuelle et un nystagmus. Il existe trois grandes
formes :
Vitiligo ■ albinisme oculocutané avec 7 sous-types ;
Il est constitué de taches achromiques, à limites nettes, ■ albinisme oculaire lié au chromosome X ;
asymptomatiques mesurant quelques mm à quelques cm ■ albinismes syndromiques : syndrome de Hermansky-
(fig. 13.4). Ces taches peuvent siéger n'importe où, en par- Pudlak, syndrome de Chediak-Higashi.
ticulier au pourtour des orifices, au visage, sur le dessus des La transmission est autosomique récessive sauf dans la
mains, sur les zones de frottements, autour de nævus pig- forme liée à l'X, 19 mutations ont été identifiées. Il n'y a
mentaires (halo-nævus). Elles sont acquises, avec un début pas toujours une corrélation nette phénotype/génotype. Le
insidieux, sauf dans des cas d'uvéite avec méningite asep- degré d'hypopigmentation cutanéo-phanérienne peut être
tique (syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada). Les pilosités compris entre l'absence totale de pigmentation et une pig-
dans ces zones peuvent être décolorées. Chez les enfants, une mentation normale. L'hypopigmentation est responsable de
topographie segmentaire est plus fréquente que chez l'adulte ; brûlures solaires, d'un vieillissement accéléré de la peau, de
en cas d'antécédents familiaux, le début est souvent plus pré- kératoses actiniques, de cancers cutanés.
coce. La peau avoisinante peut être plus pigmentée que nor- Le syndrome d'Hermansky-Pudlak est une variété
malement, la bordure peut être inflammatoire. L'évolution d'albinisme qui comporte une augmentation du temps
est insidieuse, non prévisible. Les taches peuvent être stables, de saignement, des ecchymoses, des troubles plaquet-
ou présenter différents degrés de repigmentation, en parti- taires, une colite granulomateuse. Les patients atteints de
culier autour des poils. Il existe de rares vitiligos généralisés. syndrome de Chediack-Higashi (autosomique récessif )
292 Partie II. Spécialités
Hypopigmentations circonscrites
Le nævus depigmentosus (ou hypochromique) est une
tache bien limitée plus claire que la peau environnante, il
peut être présent à la naissance ou survenir plus tard. Par-
fois, il a une disposition en bande. L'existence de plusieurs
bandes cutanées de couleur plus claire disposées selon les
lignes de Blaschko constitue l'hypomélanose de Ito qui est Fig. 13.5 Nævus anémique et angiome capillaire.
souvent associée à des anomalies neurologiques, oculaires
ou osseuses (scoliose, hémi-hypertrophie).
Le pityriasis alba (ou dartre achromiante) est une tache ■ infectieuses : lèpre tuberculoïde, onchocercose, tréponé-
claire, très fréquente dans l'enfance unique ou multiple, mal matoses endémiques ;
limitée, finement squameuse, sur les parties découvertes, et ■ ou non infectieuses : dermatite atopique, psoriasis, lupus
en particulier le visage, survenant dans l'enfance ou l'adoles- érythémateux chronique, sarcoïdose, sclérodermie,
cence, souvent après des expositions solaires, et plus souvent lymphomes.
chez des atopiques. Il témoigne d'une sécheresse cutanée Des taches blanches post-inflammatoires peuvent aussi
aggravée par les expositions solaires. Il est traité par appli- se voir au cours de la dermatite atopique, du pityriasis liché-
cation d'émollients. noïde chronique, du lichen striatus, après des lésions cuta-
Le pityriasis versicolor est causé par une infection nées infectieuses, après une brûlure, une cryothérapie, au
cutanée superficielle à levures (Malassezia furfur). Il cours d'un lymphome cutané.
se manifeste en été par des taches blanches finement Certaines erreurs innées du métabolisme, transmises
squameuses principalement du haut du tronc ; en hiver, sur le mode autosomique récessif, comportent une hypo-
ces taches sont plutôt marron clair. Le traitement par pigmentation diffuse et un retard mental : phénylcétonurie,
topiques antimycosiques est très efficace, mais des réci- homocystinurie, histidinémie, maladie de Menkès. Des
dives sont fréquentes. dépigmentations diffuses peuvent également s'observer au
Un signe cutané précoce de la sclérose tubéreuse de cours des états de dénutrition, notamment le Kwashiorkor,
Bourneville, maladie génétique autosomique dominante, particulièrement apparent sur les fesses après guérison de la
est l'existence, en particulier sur le tronc, d'une ou plusieurs dermite du siège.
taches blanches d'aspect ovalaire, à disposition horizontale
dite en feuille de sorbier. La présence d'au moins 3 macules
hypochromiques de plus de 5 mm de diamètre constitue un Hyperpigmentations
argument diagnostique. D'autres signes cutanés se mani-
festent plus tardivement : angiofibromes, peau de chagrin, Taches café au lait
fibromes unguéaux. La gravité de l'affection est due en parti- Ce sont des macules de couleur marron homogène, bien
culier à la présence d'hamartomes du cerveau, des reins, du limitées. Elles sont en général acquises, leur nombre peut
cœur, des poumons, de l'œil. augmenter au fil des années. La présence d'une seule tache
Les plaques blanches scléreuses du lichen scléreux ont café au lait n'est pas rare et n'a pas de signification particu-
souvent une topographie génitale ou périanale, des petites lière. L'existence d'au moins 6 taches café au lait d'au moins
taches blanches peuvent être observées aussi sur les membres. 1 cm de diamètre fait suspecter une neurofibromatose de
Des taches claires peuvent être liées à une vasocons- type 1. Des petites taches multiples de même couleur et
triction : on les observe autour de lésions érythémateuses : de 1 à 2 mm de diamètre des zones axillaires (fig. 13.6) ou
psoriasis, certains angiomes plans. Le nævus anémique inguinales ont la même signification (signe de Crowe). Une
(fig. 13.5) est congénital, il reste stable au cours de la vie, neurofibromatose segmentaire peut se manifester par une
c'est une tache blanche à bords irréguliers, il ne rougit pas grande tache café au lait souvent parsemée de petites taches
à la friction ; il est la manifestation d'un tonus de vasocons- plus sombres.
triction permanente. Il se remarque en particulier lorsque Le syndrome de Légius, de transmission autosomique
la peau avoisinante est érythémateuse ou comporte un dominante, a des signes cutanés proches de ceux de la
angiome plan. neurofibromatose de type 1 avec des complications moins
Un certain nombre de dermatoses comportent des taches nombreuses.
claires associées à d'autres manifestations. On peut citer des Une tache café au lait de grande taille, systématisée
dermatoses : (fig. 13.7) peut être isolée, elle peut aussi être le marqueur
Chapitre 13. Dermatologie 293
Pigmentations secondaires
De nombreuses dermatoses inflammatoires peuvent laisser
une pigmentation plus ou moins marquée : éruption médi-
camenteuse (érythème pigmenté fixe), dermatite atopique,
eczéma de contact, phytodermatose, acné, pityriasis rosé,
prurigo, érythème polymorphe, érythème viral, morphée,
lichen plan, mastocytose.
Fig. 13.7 Tache café au lait étendue, systématisée. Rarement dans l'enfance, une hyperpigmentation est liée
à des prises médicamenteuses (minocycline) ou à des dépôts
de la maladie de McCune-Albright comportant une dyspla- d'autres substances comme du carotène (dans ce cas surtout
sie fibreuse des os, une ou plusieurs taches café au lait, une sur les zones hyperkératosiques).
puberté précoce, et parfois diverses autres anomalies endo-
criniennes comme une acromégalie. Taches rouges
Elles prennent l'aspect d'un angiome plan, mais elles
Pigmentations multiples de petite taille sont physiologiques principalement sur le front, les pau-
Des taches marron clair disposées sur les zones exposées au pières (taches saumonées qui le plus souvent disparaissent
soleil, augmentant en été sont des éphélides, la pigmentation spontanément) ou la région occipitale des nouveau-nés.
causée par la phéomélanine témoigne d'un phénotype roux
plus ou moins marqué. Chute de cheveux, alopécie
Des petites taches plus foncées souvent disposées sur le
visage autour de la bouche et sur les lèvres sont des lenti- et anomalies pilaires
gines constituées d'eumélanine pouvant être les marqueurs Stéphanie Mallet
de diverses affections de transmission héréditaire appelées
lentiginoses (maladie de Peutz-Jeghers-Touraine, syndrome
LEOPARD, etc.). Anamnèse et examen clinique
Lors de l'interrogatoire, il faut faire préciser :
Hyperpigmentations linéaires ou segmentaires ■ s'il s'agit d'une chute excessive et diffuse des cheveux
Des taches noires disposées selon les lignes de Blaschko, (= effluvium), « mon enfant perd beaucoup ses che-
survenant après une phase inflammatoire dans les pre- veux », ou s'il s'agit d'une disparition ou d'une raréfaction
miers jours de vie chez des filles correspondent à une mala- de la densité capillaire (= alopécie), « mon enfant a des
die génétique rare, dominante liée à l'X : l'incontinentia plaques sans cheveux » ;
294 Partie II. Spécialités
Alopécie
Psoriasis du siège
Le psoriasis du siège (« psoriasis des langes ») se carac-
térise par d'épaisses plaques érythématosquameuses qui
confluent et englobent toute la région périnéale, abdomi-
nale inférieure et la racine des cuisses, dépassant la zone
recouverte par la couche (fig. 13.14). Inconstamment, on
trouve d'autres lésions de psoriasis (plaques sur le corps, le Fig. 13.15 Acrodermatite entéropathique.
cuir chevelu, atteinte unguéale). Le traitement repose sur
les soins d'hygiène sus-cités et l'application de dermocorti-
coïdes par cures. Le psoriasis du siège persiste souvent plu- non traitées, d'autres manifestations surviennent (alopécie,
sieurs semaines, et peut se surinfecter à Candida. diarrhée, troubles neuropsychiatriques, etc.). La pseudo-
acrodermatite entéropathique constitue le même tableau
clinique, mais est liée à un défaut d'apport en zinc. Dans les
deux cas, le diagnostic de certitude est porté sur la baisse du
taux sérique de zinc. La supplémentation en zinc par voie
orale fait disparaître les lésions, en quelques jours, et doit
être prescrite dès qu'il y a une suspicion clinique.
Histiocytose langerhansienne
Une dermite du siège se présentant comme de petites
papules érythémateuses ou violacées sur fond érythéma-
teux, avec une topographie « en maillot » (pli interfessier,
périnée, plis inguinaux, plis axillaires) doit faire évoquer
l'histiocytose langerhansienne. Une atteinte des plis rétro-
auriculaires, du cuir chevelu et du tronc peut se voir. Une
Fig. 13.14 Psoriasis du siège. biopsie cutanée est nécessaire pour faire le diagnostic, mon-
trant un infiltrat dermique de cellules histiocytaires CD1 +
Eczéma (fig. 13.16). Des explorations complémentaires doivent être
L'eczéma du siège peut correspondre à un eczéma de faites en cas d'histiocytose langerhansienne confirmée, pour
contact ou à une dermatite atopique. L'eczéma de contact est en apprécier l'extension, et l'enfant doit être confié à un
dû à une sensibilisation du nourrisson à un agent exogène, centre compétent.
souvent un constituant des couches ; la localisation bien
délimitée de l'eczéma au départ (en regard de l'élastique de
la couche par exemple) permet d'orienter vers la cause. Le
traitement comprend le changement de couches (des patch-
tests peuvent être utiles pour trouver l'allergène en cause),
et l'application de dermocorticoïdes. L'eczéma du siège au
cours de la dermatite atopique s'associe à d'autres signes
d'atopie (atteinte des joues, du corps), et se traite par dermo-
corticoïdes et émollients.
Dermatite atopique
Sarah Ventéjou, Gérard Lorette
La dermatite atopique est une dermatose inflammatoire
évoluant par poussées et survenant sur un terrain particulier
d'hyper-réactivité immunologique vis-à-vis d'antigènes de
l'environnement avec production augmentée d'IgE. Elle est
fréquente, touchant 10 à 20 % des enfants, elle est plus répan-
due dans les pays les plus développés économiquement. Dans
une grande partie des cas, la dermatose va s'atténuer progres-
sivement et disparaître temporairement ou définitivement ;
dans les autres cas, elle va devenir chronique à l'adolescence
et à l'âge adulte et souvent s'accompagner d'autres manifesta-
tions atopiques : asthme et rhinite saisonnière.
Diagnostic différentiel
■ La gale, souvent eczématisée, est le principal diagnostic
différentiel quel que soit l'âge ; un diagnostic erroné, la
prescription de dermocorticoïdes sont responsables de
gales traînantes, transmises à l'entourage, voire de surve-
nue d'une gale croûteuse dite norvégienne, extrêmement
contagieuse.
■ La dermite séborrhéique bipolaire, le psoriasis, une
érythrodermie sont parfois difficiles à différencier. Un
aspect de dermatite atopique, souvent atypique, peut
être trouvé au cours des ichtyoses et de certains déficits
immunitaires congénitaux.
■ Une dermatite atopique résistant au traitement doit faire
discuter en priorité une erreur de diagnostic, une insuf-
fisance de traitement, une surinfection méconnue, un
eczéma de contact surajouté (y compris à un traitement
topique utilisé).
Fig. 13.21 Dermatite atopique : atteinte lichénifiée, chronique
des creux poplités chez un adolescent. Physiopathologie
Les enfants atopiques ont souvent des parents proches atteints
retentissement de la dermatose sur la vie de l'enfant et sur la de dermatite atopique ou ayant d'autres manifestations ato-
vie familiale. C'est l'occasion d'apprécier les connaissances piques, ils ont une peau particulière : sèche, squameuse,
vraies ou fausses de l'entourage sur la maladie, et l'existence prurigineuse. Ils ont en outre des manifestations cliniques
éventuelle d'une corticophobie. reconnaissables en dehors de l'eczéma : double repli infra-
orbital, pâleur cutanée, xérose, dartres (pityriasis alba),
kératose pilaire, hyperstriation des paumes et des plantes,
Évolution fissuration de l'attache du lobule des oreilles, chéilite sèche,
L'évolution se fait au début par poussées, très sensibles aux intolérance au contact avec la laine, etc. Un certain nombre a
dermocorticoïdes, une régression spontanée survient sou- une anomalie constitutive de la couche cornée qui entraîne un
vent avant l'âge de 4 ou 5 ans, avec une rechute possible à la trouble de la barrière cutanée (liée en particulier pour certains
puberté ou à l'âge adulte. à une mutation du gène de la filaggrine), ce qui rend la peau
Il existe des formes graves par l'étendue des lésions, leur répé- plus perméable aux allergènes communs de l'environnement
tition, ou la résistance aux traitements, elles sont parfois pré- et favorise la perte d'eau transépidermique. Les mécanismes
coces ; elles nécessitent une prise en charge spécialisée après avoir de ces troubles de la barrière cutanée ne sont pas encore tous
vérifié qu'il n'y a pas d'erreur diagnostique ou thérapeutique. connus. Les bactéries naturellement présentes sur la peau,
Une surinfection est fréquente sous forme d'impétigo ou constituant le microbiote cutané, ont un rôle protecteur déter-
sous un aspect de vésicules diffuses ou par une résistance minant, le microbiote digestif également. On connaît encore
au traitement. Une infection herpétique diffuse se mani- mal dans le détail les répercussions de la constitution du
feste aussi par des vésicules ou des érosions souvent peu microbiote, mais sa diversification est essentielle. La théorie
caractéristiques ; la diffusion cutanée d'une primo-infection hygiéniste considère qu'un environnement hygiénique trop
Chapitre 13. Dermatologie 301
Trois formes cliques prédominent chez l'enfant : psoriasis dans 50 % des cas en quelques mois. Il succède fréquem-
en plaques, des langes, et en gouttes. Les principaux diag ment à une infection à streptocoque surtout à type d'angine,
nostics différentiels sont détaillés dans le tableau 13.1, en mais aussi de vulvite ou d'anite qu'il faudra traiter.
fonction des formes cliniques.
Autres formes cliniques
Psoriasis en plaques Le psoriasis palmoplantaire en plaques ou pustuleux est observé
C'est la forme la plus fréquente. Seulement 50 % des pso- chez l'enfant d'âge moyen. Il a un retentissement important
riasis de l'enfant ont cet aspect contre 80 % chez l'adulte. pouvant entraîner des difficultés à l'écriture, l'apprentissage de
Sa fréquence augmente avec l'âge : rare chez le nourrisson, la marche, et au sport. Son traitement est difficile.
fréquent chez l'adolescent. Il touche de façon symétrique les Toutes les formes cliniques peuvent s'observer chez
zones bastions, mais peut être diffus (fig. 13.22). L'atteinte l'enfant : psoriasis annulaire, linéaire, érythrodermique ou
du cuir chevelu est très fréquente et est la principale forme pustuleux.
clinique en consultation de ville.
Atteinte extra-cutanée
Psoriasis des langes
Un tiers des enfants a une atteinte unguéale principale-
Il touche préférentiellement le nourrisson. Il débute dans les ment à type de ponctuations en dé à coudre, d'onycholyses
plis et peut diffuser sur toute la zone des couches. L'aspect distales et de taches saumonées. L'atteinte linguale touche
typique est celui d'un érythème fessier bien limité, vernissé, moins de 10 % des enfants, elle est principalement de type
peu squameux, prédominant sur les convexités. « langue géographique ». Enfin, le rhumatisme psoriasique
touche moins de 5 % des enfants.
Psoriasis en gouttes
Il est plus fréquent chez l'enfant que chez l'adulte. Ce serait
la première manifestation chez un tiers des enfants. C'est un
Devenir de l'enfant psoriasique
psoriasis éruptif qui peut secondairement se chroniciser. Il Les données quant au devenir de l'enfant sont rassurantes.
est constitué de petites lésions (< 1 cm) prédominant sur le Un enfant psoriasique aura toute sa vie une prédisposition à
tronc et la racine des membres. Il disparaît spontanément développer cette maladie mais il n'a pas plus de risque qu'en
cas de début tardif d'avoir un psoriasis sévère, un rhuma-
Tableau 13.1 Diagnostics différentiels des tisme psoriasique, des comorbidités cardio-métaboliques,
principales formes cliniques de psoriasis. ou un problème d'insertion sociale.
Éducation thérapeutique
La première phase de la prise en charge est « l'éducation thé-
rapeutique » : expliquer la maladie, son devenir, les moyens
thérapeutiques en essayant de personnaliser la prise en
charge en fonction des souffrances de l'enfant.
Thérapeutiques
Elles s'appuient sur les traitements locaux ou généraux.
Traitements locaux
Le traitement local est toujours indispensable. Il permet
souvent de contrôler les formes localisées et est un complé-
ment aux traitements généraux.
L'utilisation d'un émollient est, dans tous les cas, très
utile. Elle permet d'éliminer les squames et améliore l'aspect
cosmétique. Sur des lésions plus kératosiques, l'adjonction
d'urée (10 %) ou d'acide salicylique (3–10 % – contre-
Fig. 13.22 Psoriasis en plaques. indiqué avant 2 ans) permet de réduire l'hyperkératose.
Chapitre 13. Dermatologie 303
Les dermocorticoïdes sont le traitement de référence. Il alors que les malformations vasculaires sont faites de vais-
faudra débuter avec des corticoïdes forts ou très forts. Le seaux malformés présents dès la naissance, même s'ils ne
traitement « d'attaque » est à maintenir jusqu'à blanchiment sont pas toujours apparents à ce moment-là.
total des lésions avant de débuter une décroissance très pro-
gressive sur plusieurs mois.
Les dérivés de la vitamine D en association avec la béta-
Tumeurs vasculaires cutanées
méthasone (hors AMM) sont très utilisés, selon les mêmes Les tumeurs vasculaires cutanées incluent les tumeurs
modalités que la corticothérapie locale. bénignes, l'hémangiome infantile étant de loin la plus fré-
La galénique de ces produits doit être adaptée à la forme quente, les tumeurs de malignité intermédiaire, dites « bor-
clinique et à la localisation. Les plaques épaisses sont traitées derline », et les tumeurs malignes.
par des pommades, les moins squameuses ou les plis par des
crèmes ou gels ; un shampoing ou une lotion sont préférés Tumeurs vasculaires cutanées bénignes
pour le cuir chevelu. Hémangiomes infantiles
La prévalence des hémangiomes infantiles est estimée entre
Traitements systémiques 5 et 10 % des nourrissons, 20 % des prématurés. Il peut être
Leur utilisation doit être réservée aux formes sévères (reten- très superficiel, tubéreux et rouge vif (fig. 13.24), plus profond
tissent clinique ou sur la qualité de vie) ou résistantes aux (hypodermique), se présentant comme une tuméfaction vas-
traitements locaux. Aujourd'hui, nous possédons un arse- cularisée, assez ferme, sous une peau normale ou télangiec-
nal « riche » : photothérapies, acitrétine, méthotrexate (hors tasique (fig. 13.25) ou mixte. La distribution peut se faire sur
AMM), ciclosporine, et biothérapies (étanercept, adalimumab, tout le tégument. Sa physiopathologie est débattue, mais des
ustékinumab) qui nous permet d'être très optimistes quant au données incriminent un stress hypoxique anté ou périnatal.
contrôle de tous les psoriasis chez l'enfant. Ces traitements sont
réservés aux centres spécialités ayant l'habitude de les manier.
Conclusion
Le psoriasis est une maladie chronique à fort impact phy-
sique, psychologique et social. Savoir le reconnaître est
important ce d'autant que nous avons, aujourd'hui, un arse-
nal de traitements locaux et généraux qui permettent de
contrôler tous les psoriasis.
Angiomes
Annabel Maruani, Sophie Leducq
Les angiomes, ou anomalies vasculaires, constituent un
groupe hétérogène d'entités que l'on distingue en tumeurs
vasculaires d'une part, malformations vasculaires d'autre
part (fig. 13.23). D'un point de vue physiopathologique, les
tumeurs vasculaires résultent d'une hyperplasie cellulaire, Fig. 13.24 Hémangiome infantile superficiel.
→ capillaires → simples
Malformations → veineuses → combinées
vasculaires → lymphatiques → tronculaires
cutanées
→ artérioveineuses → associées à d'autres
anomalies
Fig. 13.23 Classification des anomalies vasculaires. HC : hémangiome congénital ; HI : hémangiome infantile ; HEK : hémangioendothéliome
kaposiforme.
304 Partie II. Spécialités
L'hémangiome infantile est caractérisé par sa cinétique Durant la phase proliférative, l'hémangiome infantile
stéréotypée (fig. 13.26). Il n'est pas présent à la naissance ou peut se compliquer d'ulcération (fig. 13.27), phénomène
de façon très discrète, puis prolifère pendant les 6 premiers douloureux qui constitue une potentielle porte d'entrée
jours de vie avant d'amorcer une longue phase de régression infectieuse. L'ulcération complique plus souvent les héman-
spontanée. Vers l'âge de 6 ans, la régression est complète ou giomes infantiles périorificiels, sujets à la macération (zone
partielle, laissant parfois une poche fibroadipeuse séquel- péribuccale, siège). La deuxième complication est l'obstruc-
laire ou une peau télangiectasique. tion (hémangiome palpébral empêchant l'ouverture de l'œil
pouvant alors être responsable d'amblyopie, hémangiomes
glottiques induisant une dyspnée inspiratoire). L'ulcération
et l'obstruction d'un hémangiome infantile imposent un
traitement rapide.
Volume de I'HI
Phase de prolifération
36 mois
Âge de l'enfant
Naissance
Non congénital
Fig. 13.26 Cinétique évolutive des hémangiomes infantiles (HI).
Chapitre 13. Dermatologie 305
du conduit auditif)
déiodinase). Les hémangiomes infantiles étendus et systémati- ■
Ulcération ou risque d'ulcération (localisations péribuccale,
sés de la face peuvent s'associer à des malformations cérébrales, glutéale)
oculaires ou cardiaques (syndrome PHACE). Les hémangiomes ■
Risque esthétique (localisations faciale, mammaire)
infantiles systématisés de la région lombosacrée peuvent être
associés à des malformations urogénitales, digestives ou médul-
laires (dysraphisme occulte), constituant le syndrome SACRAL Tumeurs vasculaires bénignes
ou PELVIS ou LUMBAR (3 acronymes pour une même entité). hors hémangiomes infantiles
Le diagnostic d'hémangiome infantile superficiel est clinique.
En cas de forme hypodermique, un échodoppler voire une IRM Les hémangiomes congénitaux sont des tumeurs rares et
sont nécessaires pour conforter le diagnostic. Ils montreront bénignes, qui diffèrent des hémangiomes infantiles du fait
une tumeur tissulaire hypervascularisée. Au moindre doute, qu'ils sont présents dès la naissance à leur taille maximale.
une biopsie cutanée doit être réalisée car elle seule permet le Il en existe 3 formes :
diagnostic de certitude, montrant une hyperplasie de cellules ■ le NICH (Non Involuting Congenital Hemangioma), qui
endothéliales exprimant le GLUT-1. L'immunomarquage anti- se présente comme une tumeur vasculaire superficielle,
GLUT-1 a un grand intérêt, car il est exprimé par les héman- chaude, parsemée de télangiectasies violacées, entourée
giomes infantiles à tous les stades évolutifs, alors qu'il n'est d'un halo de vasoconstriction périphérique (fig. 13.29),
exprimé par aucune autre tumeur ou malformation vasculaire. et qui reste stable dans le temps ;
Dans la majorité des cas, l'hémangiome infantile ne requiert ■ le RICH (Rapidly Involuting Congenital Hemangioma),
pas de traitement, du fait de son involution spontanée. En cas volumineuse tumeur hypervascularisée congénitale, qui
de complication ou de risque de complication lié à sa topogra- amorce une régression dans les premiers jours à premières
phie (obstruction, ulcération, impact esthétique négatif), un semaines de vie (fig. 13.30) ;
traitement par propranolol per os doit être prescrit, au mieux au ■ le PICH (Partially Involuting Congenital Hemangioma),
cours des 5 premiers mois de vie. Ce traitement est donné pour qui ressemble à un RICH mais n'involue que partielle-
une durée d'au moins 6 mois, à la dose de 2 ou 3 mg/kg/j, avec ment, laissant une lésion résiduelle évocatrice de NICH
une surveillance clinique régulière, notamment de la fréquence après l'âge de 2 ans.
cardiaque. Le propranolol, bêtabloquant non cardiosélectif, agit Ces volumineuses lésions hypervascularisées justifient une
vraisemblablement par ses effets de vasoconstriction périphé- consultation cardiologique du fait d'un hyperdébit potentiel.
rique, d'inhibition des facteurs angiogéniques et d'effet apopto- Le propranolol n'est pas efficace sur ces tumeurs.
tique sur les cellules endothéliales. La corticothérapie générale
n'est plus utilisée qu'en 2e intention dans les hémangiomes infan- Tumeurs vasculaires « borderline »
tiles. La chirurgie est surtout réservée aux poches fibroadipeuses Les hémangioendothéliomes kaposiformes sont classés
séquellaires, aux hémangiomes pédiculés ou aux rares héman- comme borderline car ce sont les seules tumeurs, avec
giomes infantiles résistants au propranolol. Le laser à colorant les angiomes en touffes, pouvant se compliquer de phé-
pulsé a une indication pour les télangiectasies résiduelles. nomène de Kasabach-Merritt. Ces lésions congénitales
A B
Fig. 13.30 RICH (Rapidly Involutive Congenital Hemangioma) à 3 jours de vie (A), spontanément régressif à 12 mois (B).
B
Fig. 13.35 Malformation artérioveineuse digitale (A) et aspect
artériographique (nidus) (B).
Fig. 13.34 Malformation veineuse superficielle. ou brutale. Le traitement est complexe et doit être discuté
en concertation pluridisciplinaire. Actuellement, les options
habituelles sont l'abstention, l'embolisation ou la chirurgie
complète, précédée ou non d'une embolisation.
congénitales mais peuvent n'être apparentes qu'après plu-
sieurs années de vie, y compris à l'âge adulte. Ces lésions
sont potentiellement agressives. Elles sont cliniquement
polymorphes, et doivent être suspectées face à toute Acné
lésion chronique rouge ou violacée, kératosique, chaude, Florent Amatore, Stéphanie Mallet
d'une extrémité (oreille, nez, doigt, etc.) (fig. 13.35) ou
face à tout angiome plan chaud et battant (« faux angiome L'acné est une dermatose inflammatoire du follicule pilosé-
plan »). bacé. Il s'agit d'un motif fréquent de consultation chez les
Le diagnostic de malformation artérioveineuse néces- adolescents où sa prévalence est supérieure à 80 %. Mais
site des explorations complémentaires : échodoppler, l'acné peut survenir à tous les âges de la vie sous des présen-
montrant une lésion vasculaire à flux rapide, angio-IRM tations cliniques différentes.
et parfois artériographie. Un examen cardiologique
doit être fait en cas de forme volumineuse, du fait de
l'hyperdébit. Sémiologie
L'évolution d'une malformation artérioveineuse se fait La physiopathologie de l'acné implique trois acteurs
vers la stabilisation ou l'aggravation, qui peut être progressive principaux :
Chapitre 13. Dermatologie 309
■ les glandes sébacées (nombreuses sur le visage, le décol- ■ Les véritables acnés associant lésions inflammatoires et
leté et le haut du dos) qui sécrètent le sébum ; rétentionnelles, qui seraient dues à l'action des andro-
■ les kératinocytes du follicule qui obstruent l'orifice gènes maternels, sont rarement observées. Elles affectent
pilosébacé ; le visage plutôt que le torse et le dos. Elles sont transi-
■ la flore bactérienne (notamment Propionibacterium toires et ne nécessitent ni explorations complémentaires
acnes) responsable de l'inflammation du follicule. ni traitement.
La présentation clinique associe donc :
■ l'hyperséborrhée caractérisée par un aspect brillant de la
peau, prédominant sur le front, le nez et les joues ; Acné du nourrisson
■ des lésions rétentionnelles comprenant des comé- La survenue d'une acné à cet âge n'est pas rare. Elle reflète
dons (« points noirs ») et des microkystes (papules l'élévation physiologique des taux d'androgènes chez les
blanches de 1 à 2 mm constituées de kératine et de nourrissons, en particulier les garçons. Les lésions sont sou-
sébum) ; vent limitées au visage. Les formes graves sont exception-
■ des lésions inflammatoires comprenant des papules nelles. Elle est transitoire et ne nécessite pas d'explorations
(rouges, fermes et parfois douloureuses) et des pustules hormonales.
(vésicules à contenu trouble sur une base rouge).
Il existe deux formes graves d'acné :
■ l'acné nodulaire (ou conglobata). Elle est faite de nodules Acné de l'enfant
multiples et de pseudo-kystes profonds, volumineux et Elle est rare et doit faire suspecter un trouble endocrinien
douloureux, qui peuvent évoluer vers la fistulisation. Elle sous-jacent si elle est sévère. Des signes d'hyperandrogénie,
laisse place à des comédons de grande taille et à des cica- dont l'accélération de la croissance et de l'âge osseux, sont
trices rétractiles ; des indicateurs, nécessitent la réalisation d'un bilan endocri-
■ l'acné fulminans. Ce tableau rare, d'évolution rapide, nien (testostérone, sulfate de DHEA, Δ4-androstènedione
associe des lésions inflammatoires douloureuses, souvent et 17OH-progestérone) à la recherche d'une hyperplasie
ulcéronécrotiques, et des signes généraux (hyperthermie, congénitale des surrénales ou d'une tumeur hormonale
myalgies et arthralgies). Il peut survenir spontanément sécrétante.
ou être déclenché par un traitement par isotrétinoïne
ayant été introduit à des doses élevées pour une acné
rétentionnelle. Acné prépubertaire
Elle est essentiellement faite de lésions rétentionnelles qui
commencent par le front puis atteignent les joues et le
Acné selon l'âge de survenue menton. Il est habituel que les premiers signes d'acné appa-
L'acné peut survenir à tous les âges de la vie (fig. 13.36). raissent à cet âge. En revanche, lorsqu'elle est sévère et asso-
ciée à une obésité, un hirsutisme et une spanioménorrhée,
elle doit faire pratiquer un dosage de la testostérone et une
Acné néonatale échographie pelvienne à la recherche d'un syndrome des
Le terme d'« acné néonatale » est souvent mal utilisé car ovaires polykystiques.
il regroupe 2 affections différentes : la papulo-pustulose
céphalique transitoire et la véritable acné néonatale.
■ La papulo-pustulose céphalique transitoire est fréquente Acné de l'adolescent
(environ 20 % des nouveau-nés, plus fréquente chez le Il s'agit le plus souvent d'une acné mixte, faite de lésions
garçon). Elle serait liée à une levure du genre Malasse- rétentionnelles avec des poussées inflammatoires répé-
zia. Les lésions sont des papulo-pustules monomorphes, tées. L'hyperséborrhée est parfois intense et les lésions
sans lésions rétentionnelles, touchant avec prédilection peuvent toucher non seulement le visage mais aussi
les zones séborrhéiques de la face. L'évolution est favo- le torse et le dos. Le retentissement psychologique est
rable, parfois accélérée par l'application de topiques important et la demande thérapeutique des patients est
antifongiques. forte.
0–6 sem 1–12 mois 1–7 ans 7–12 ans > 12 ans
Tableau 13.2 Synthèse des recommandations 2015 de la Société française de dermatologie pour la prise
en charge de l'acné.
Acné Traitement d'attaque Si échec à 3 mois Traitement d'entretien
Très légère (pratiquement pas de Rétinoïdes locaux ou PDB Association rétinoïdes locaux et PDB Rétinoïdes locaux ou PDB
lésions)
Légère (moins de la moitié du Association rétinoïdes locaux et Intensification du traitement de Rétinoïdes locaux seuls ou
visage atteinte) PDB 1re intention associés au PDB
Ou rétinoïdes locaux et
antibiothérapie locale
Ou cyclines par voie orale + rétinoïdes
locaux et PDB
Modérée (plus de la moitié du Association rétinoïdes locaux et Isotrétinoïne orale
visage atteinte) PDB
Ou cyclines par voie orale
+ rétinoïdes locaux et PDB
Sévère (tout le visage atteint, Cyclines par voie orale Isotrétinoïne orale (peut être débuté
rares nodules) + rétinoïdes locaux et PDB avant 3 mois en cas de risque
cicatriciel important ou en cas de
récidive rapide)
Très sévère (très inflammatoire Isotrétinoïne orale (avec précaution en cas de forte composante
recouvrant le visage avec des rétentionnelle)
nodules)
PDB : peroxyde de benzoyle.
Urticaire, angio-œdème,
mastocytose
Gérard Lorette
La libération dans la peau de médiateurs contenus dans les
mastocytes, en particulier d'histamine, sous une action
immunologique ou non, produit une réaction inflammatoire
prurigineuse si la libération est superficielle ou un œdème non
prurigineux ou angio-œdème si elle a lieu plus en profondeur.
Histologiquement, l'urticaire commune est caractérisée
par un œdème dermique et un infiltrat, à prédominance de
polynucléaires neutrophiles ou de lymphocytes, sans vascu-
larite leucocytoclasique, allant de dermique superficiel épars
à profond périvasculaire dense. Une mastocytose corres-
pond à un infiltrat localisé ou diffus de mastocytes.
Risque de mélanome
Ce risque n'est pas connu précisément : 1 % environ, 10 %
pour les NC géants.
Sur les NC de petite taille, les mélanomes sont rares,
post-pubertaires avec une présentation similaire à celle de
Fig. 13.41 Nævus congénital de contours irréguliers et de cou-
leur inhomogène.
l'adulte. Pour les NC de grande taille, les mélanomes peuvent
survenir dès les premières années de vie et leur pronostic est
sombre. Ce risque semble augmenté par la taille du nævus,
■ au cours du temps, ils peuvent foncer ou s'éclaircir, deve- le nombre de nævus et satellites ainsi que l'atteinte du sys-
nir pileux, de plusieurs couleurs (hétérochromes) et leur tème nerveux central. Ils peuvent survenir après exérèse
surface peut devenir verruqueuse. sous une zone greffée ou en dehors du NC.
Les NC de grande taille peuvent, eux, dès la période néona-
tale, être hétérochromes, pileux, verruqueux et s'associer à Prise en charge
des lésions satellites ou à distance (fig. 13.42).
La localisation d'un NC au niveau cuir chevelu s'accom- Dans le cas d'un NC de petite taille ou intermédiaire, se
pagne d'une mèche de cheveux plus foncée, plus longue discute une simple surveillance clinique versus une exé-
et de texture différente des autres cheveux tandis que la rèse de principe en fonction de la localisation, en termes
localisation unguéale se traduit par la présence de bandes d'impact social et du type de chirurgie nécessaire. Chez
pigmentées (mélanonychie) parallèles mais de taille et de ceux de grande taille, la chirurgie n'annulant pas le risque
pigmentation hétérogènes les unes par rapport aux autres. de transformation, il s'agit d'une décision collégiale impli-
quant un avis spécialisé dermatologique et de chirurgie
Classification plastique.
Les NC sont classés en fonction de leur plus grand diamètre
en taille adulte projetée :
■ < 1,5 cm à l'âge adulte : NC de petite taille ; Quand orienter ?
■ 1,5 à 20 cm à l'âge adulte : NC de taille intermédiaire ; ■
Toute apparition ou modification d'un nodule chez un patient
■ > 20 cm à l'âge adulte : NC de grande taille comprenant ayant un nævus congénital doit faire suspecter un mélanome
les NC géants de plus de 40 cm, souvent localisés au tronc et impose une biopsie et un avis spécialisé.
en tee-shirt ou en caleçon. ■
Les nævus congénitaux de grande taille (> 20 cm en taille
adulte projetée) ont un risque de transformation en méla-
Mélanocytose neurocutanée nome et relèvent d'une prise en charge spécialisée.
■
La présence de nævus communs est banale. Il n'y a pas lieu de
réaliser l'exérèse de nævus acquis non atypiques même en cas
de traumatisme répété.
■
La présence d'un nombre de nævus > 50, d'un syndrome du
nævus atypique ou d'une immunosuppression prolongée jus-
tifie d'un suivi spécialisé.
Nævus atypique
Habituellement, tous les nævus d'un même individu se
ressemblent et ont un patron harmonieux avec possibilité
de tracer un axe de symétrie au sein du nævus. Certains
patients ont des nævus tous très atypiques (fig. 13.43) justi-
fiant d'une surveillance spécialisée.
Mélanome
Le mélanome est exceptionnel chez l'enfant et ne ressemble
pas à un nævus.
Le mélanome sur NC a des caractéristiques spécifiques et
a été développé supra.
Le mélanome de l'adolescent a des caractéristiques sem-
blables à celui de l'adulte. Les facteurs de risque sont la sur-
venue de coups de soleil, la présence d'un grand nombre de
nævus ou d'un syndrome du nævus atypique, une immuno-
dépression congénitale ou acquise. Le diagnostic clinique se
fait selon les critères ABCDE (tableau 13.3).
Fig. 13.43 Syndrome des nævus atypiques avec de nombreux
nævus tous très atypiques.
Tableau 13.3 Signes cliniques évocateurs
de mélanome chez l'enfant et l'adolescent.
Nævus de Spitz et de Reed Enfant Adolescent (idem adulte)
■ Il s'agit d'une tumeur rose, bien limitée et arrondie, appa- Achromique Asymétrie
raissant de façon rapide sur le visage ou les membres
Bombant (bleeding : saignant) Bords irréguliers
inférieurs (fig. 13.44). Il est difficile de le différencier
cliniquement et histologiquement d'un mélanome Couleur uniforme Couleur inhomogène
spitzoïde, si bien que l'exérèse est souvent proposée à par- De novo, tout diamètre Diamètre > 6 mm
tir de l'âge péripubertaire. Évolutivité Évolutivité
■ Le nævus de Reed est une variété plane et pigmentée de
nævus de Spitz, plutôt située sur les extrémités et toujours
bénin. Manifestations cutanées
Nævus de Sutton
révélatrices de maladies
Il s'agit d'un phénomène fréquent et bénin chez l'enfant
systémiques
caractérisé par la survenue d'un halo dépigmenté autour du Gérard Lorette
nævus entraînant sa disparition partielle ou complète. Certaines affections touchent à la fois la peau et divers organes
ou grandes fonctions. Les atteintes cutanées et extra-cutanées
Nævus bleu peuvent être concomitantes ou se succéder dans le temps.
Fréquent chez l'enfant et l'adolescent, le caractère bleu est lié De très nombreuses maladies acquises ou héréditaires com-
à la profondeur du pigment dans le derme. portent des manifestations cutanées qui sont parfois le signe
316 Partie II. Spécialités
Sclérodermie
La sclérose est un état cutané où la peau devient indurée,
difficile à pincer, elle est présente dans différentes affections
cutanées ou systémiques. Il existe deux variétés principales
de sclérodermies juvéniles :
■ localisée : morphée ;
■ systémique.
Morphée
Elle correspond à une ou plusieurs plaques indurées de
surface, nombre, et caractère superficiel ou profond variés.
L'âge de début est souvent compris entre 5 et 12 ans, mais un
début plus précoce est possible. Les formes linéaires peuvent
être responsables de complications, en particulier ostéoar-
ticulaires ou neurologiques, mais sans évolution vers une
sclérodermie systémique. Fig. 13.46 Sclérodermie en « coup de sabre ».
Morphées linéaires
Une morphée du front (fig. 13.46) ou du cuir chevelu (fron-
topariétale) constitue la sclérodermie « en coup de sabre »,
déprimée, indurée. Elle peut s'accompagner de céphalées et
parfois de convulsions ; il peut y avoir aussi des difficultés
d'apprentissage ; il est recommandé de réaliser une IRM
cérébrale. Le diagnostic différentiel est le syndrome de
Parry-Romberg responsable d'une atrophie hémifaciale sans
sclérose superficielle.
À un membre, on constate une sclérodermie linéaire
monomélique (fig. 13.47), plus ou moins étendue, forme
survenant essentiellement chez des enfants. Il s'agit au
début d'une bande érythémateuse qui devient progressi-
vement scléreuse, elle est souvent responsable de troubles
trophiques (surtout s'il s'agit d'une forme profonde, pan- Fig. 13.47 Sclérodermie monomélique.
sclérotique), d'un raccourcissement du membre par rapport
au membre controlatéral, ou de contractures articulaires par Sclérodermie systémique juvénile
synovite fibreuse. Elle est très rare (début avant l'âge de 8 ans dans environ
3 % des cas) ; elle a globalement un pronostic meilleur
Morphée pansclérotique généralisée que les formes de l'adulte, mais il existe malgré tout des
Une forme particulière dans les premières années de vie est formes graves ou très graves. Les atteintes cutanées sont
l'apparition brutale d'une morphée pansclérotique géné- comparables à la forme de l'adulte, débutant souvent par
ralisée, profonde, avec possibilité d'une hyperéosinophilie un phénomène de Raynaud, une sclérodactylie, l'existence
sanguine, son évolution est rapidement sévère avec atteintes de mégacapillaires périunguéaux en capillaroscopie, puis
articulaires, séquelles trophiques importantes, les ulcères se complétant progressivement avec une extension pro-
peuvent se compliquer de carcinomes. gressive de la sclérose cutanée, en particulier aux doigts
318 Partie II. Spécialités
et au visage, des télangiectasies, des manifestations pul- L'évolution est difficilement prévisible ; contrairement à
monaires, rénales, cardiaques, etc. Les premières manifes- l'adulte, il n'y a pas d'affection maligne associée, ce qui ne
tations peuvent être insidieuses, retardant le diagnostic. signifie pas l'absence de gravité évolutive. Il y a souvent une
Une fois le diagnostic suspecté, un suivi évolutif régulier altération de l'état général, des infections, une atteinte car-
est indispensable. diaque ; une complication souvent sévère est la survenue de
calcifications multiples.
Dermatomyosite infantile
La dermatomyosite est une maladie inflammatoire chro- Infestations
nique rare. Chez l'enfant, elle survient le plus souvent entre
4 et 12 ans, avec une prédominance féminine. Stéphanie Mallet
Les manifestations cutanées sont souvent les premières à
survenir, rapidement ou plus insidieusement, elles peuvent
rester isolées, sans myosite clinique ou biologique avérée Gale
(dermatomyosite amyopathique) ou seulement précé- La gale est une parasitose cutanée fréquente, à connaître
der les signes d'atteinte musculaire. Un érythème violacé car très contagieuse et pouvant facilement se surinfecter.
(héliotrope), photo-aggravé, apparaît sur le visage, princi- Il faut y penser devant tout prurit récent, familial ou col-
palement les paupières supérieures qui sont souvent œdé- lectif, à recrudescence nocturne, pouvant être source de
matiées et les régions malaires, le cou, la partie supérieure troubles du sommeil. L'examen clinique doit rechercher
du tronc, le dessus des doigts avec une disposition en les sillons scabieux se terminant par des vésicules perlées,
bandes, les genoux, les coudes, les malléoles. Sur les arti- qui correspondent aux galeries du sarcopte creusées dans
culations des doigts, des papules peuvent être groupées, ce la couche cornée, principalement sur la face antérieure
sont les papules de Gottron (fig. 13.48), très évocatrices. À des poignets et les espaces interdigitaux. Des nodules
la racine des ongles, il existe un érythème, une desquama- scabieux, brun violacé, réaction immunoallergique ne
tion chronique (signe de la manucure) et des mégacapil- contenant pas de sarcopte, peuvent persister plusieurs
laires, visibles à l'œil nu. semaines. D'autres lésions non spécifiques, de grattage,
En dehors des signes cutanés, il peut exister une dimi- d'eczématisation ou d'impétiginisation peuvent se voir.
nution de la force musculaire, symétrique, principalement Chez le nourrisson, le diagnostic est plus difficile. Le
aux ceintures, des myalgies, une importante fatigabilité, prurit peut être absent ou se traduire par des tortillements
une dysphonie, des arthralgies, des chutes (pouvant entraî- lors du déshabillage, une irritabilité voir une cassure de la
ner des ecchymoses et des hématomes). D'autres fois, les courbe de poids. De plus l'atteinte peut s'étendre à l'extré-
signes cutanés semblent isolés ou sont accompagnés d'at- mité céphalique. Les lésions les plus caractéristiques sont les
teintes musculaires modérées. Il n'y a pas de parallélisme vésiculopustules palmoplantaires (fig. 13.49) et les nodules
évolutif entre les signes cutanés et les atteintes musculaires scabieux axillaires.
quand elles sont présentes. Il est donc important de réa- Le diagnostic est clinique. En cas de doute, un examen
liser une évaluation précise de l'état musculaire par un dermatoscopique par le dermatologue mettra rapidement
testing chiffré en évaluant la force des différents groupes en évidence le sarcopte. Un examen parasitologique au
musculaires, complété d'une IRM musculaire, d'un dosage microscope optique après grattage des lésions au scalpel
des enzymes musculaires et des anticorps spécifiques des peut également être demandé au laboratoire. Le traitement
myosites. D'autres examens sont discutés ; ceci doit per- d'épreuve est à éviter car en cas de persistance du prurit, le
mettre de préciser les modalités du traitement. doute diagnostique persiste.
Fig. 13.48 Dermatomyosite : papules de Gottron. Fig. 13.49 Gale : sillons et pustules plantaires du nourrisson.
Chapitre 13. Dermatologie 319
Si premier bilan négatif, penser aux pathologies rares ‡ biopsie cutanée + consultation dermatologie
• Signe de Darier et plaque/nodule chamois sous-jacent : mastocytome ou mastocytose (si plus d'une lésion)
• Lésions chroniques avec ou sans atteinte muqueuse, sans fièvre : penser aux dermatoses bulleuses auto-immunes
Fig. 13.50 Conduite à tenir devant des bulles et vésicules chez l'enfant ATCD : antécédent ; EB : épidermolyse bulleuse ; OGE : organes
génitaux externes ; PMB : pieds-mains-bouche ; SSSS : Staphylococcal Scaled Skin Syndrome.
Chapitre 13. Dermatologie 321
Fig. 13.51 Brûlure thermique par eau chaude. Noter le respect des plis.
Tableau 13.6 Caractéristiques des trois principales dermatoses bulleuses diffuses de l'enfant.
Épidermolyse bulleuse Staphylococcal scalded skin Toxidermie
héréditaire syndrome
Âge de début Le plus souvent congénital Non congénital Non congénital
Atteinte muqueuse Possible Absente Présente, parfois prédominante
Fièvre Non Fébricule Le plus souvent élevée
Autres lésions Bulles tendues, cicatrices Exanthème scarlatiniforme, atteinte Lésions en cocarde, nappes violacées
atrophiques, grains de milium, croûteuse visage périorificielle
aplasie cutanée congénitale
Contexte Contexte familial, Épidémie, infection familiale à Prise médicamenteuse, cas post-infectieux
consanguinité staphylocoque, chirurgie, varicelle pour les érythèmes polymorphes (EP)
Cause Génétique Staphylocoque doré (toxine) Médicament
Mycoplasma pneumoniae et herpes virus
pour certains EP
322 Partie II. Spécialités
■ biologiquement sur :
– la réalisation d'une biopsie cutanée pour examen en
microscopie optique (en bordure de bulle) et immuno
fluorescence directe ou IF (en peau péribulleuse),
– la recherche d'anticorps (Ac) anti-peau par IF indi-
recte, méthode ELISA et Western blot.
L'aspect clinique est parfois différent de celui de l'adulte avec
quelques particularités sémiologiques pédiatriques, le pro-
nostic est généralement meilleur avec un plus grand nombre
de formes induites par des infections et ou post vaccinales
et moins de formes induites par les médicaments. Sur le
plan épidémiologique, la répartition est différente de celle
de l'adulte avec en tête, la dermatose à IgA linéaires, la der-
matite herpétiforme et la pemphigoïde bulleuse (fig. 13.53).
Le traitement est parfois difficile. Il n'existe aucune étude
pédiatrique sur le traitement des DBAI. Les recommanda-
tions reposent donc sur celles de l'adulte, les avis d'experts et
quelques séries non comparatives. Des protocoles nationaux
de soins (PNDS) sont disponibles sur le site de l'HAS pour
la plupart des DBAI de l'adulte et de l'enfant. Les principales
caractéristiques des DBAI de l'enfant sont résumées dans le
tableau 13.7.
Les autres causes de bulles de l'enfant sont, par argu-
ment de fréquence, le prurigo strophulus, la mastocytose
et les dermatoses génétiques. Le prurigo strophulus se
présente sous la forme de bulles tendues survenant en Fig. 13.53 Pemphigoïde bulleuse du nourrisson avec atteinte
peau saine ou sur une papule érythémateuse des membres classique des extrémités.
(jambes et avant-bras) et parfois du pourtour du visage,
Tableau 13.8 Principales caractéristiques cliniques des génodermatoses avec bulles et/ou fragilité
cutanée à la naissance.
Incontinentia pigmenti Épidermolyse bulleuse Ichtyose Rapp-Hodgkin syndrome
épidermolytique
Lésion cutanée Vésiculobulleuse, Fragilité cutanée et bulles Vastes décollements Fragilité cutanée évoluant vers des
croûteuse et de taille et localisation superficiels en « bébé zones d'alopécie du cuir chevelu
Blaschko-linéaire variable ébouillanté »
Aplasie cutanée Hyperkératose
congénitale et/ou atteinte
unguéale possibles
Lésion muqueuse Non Oui parfois Non Non
Transmission Liée à l'X AD ou AR AD AD
Signes associés Évolution Rares : Non Dysmorphie, dysplasie ectodermique,
hyperkératosique – atrésie du pylore ankyloblépharon
Atteinte neurologique – dystrophie musculaire
et/ou ophtalmologique – atteinte rénale
Éosinophilie (liquide de
bulle ou sanguine)
AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive.
symétriques et surtout très prurigineuses. Il s'agirait d'une sur les lésions de mastocytose, le plus souvent après un
réaction d'hypersensibilité retardée aux piqûres d'insectes traumatisme. La biopsie cutanée permet le diagnostic. Les
pour la forme estivale ou d'acariens pour les formes per- principales pathologies génétiques à l'origine de bulles, le
annuelles. La mastocytose de l'enfant se caractérise par des plus souvent en période néonatale, sont résumées dans le
lésions maculopapuleuses le plus souvent rose chamois tableau 13.8.
du tronc, de la racine des membres et parfois du cuir che-
velu. Le diagnostic est suspecté devant un signe de Darier
positif (apparition d'une papule urticarienne après friction Recommandations
d'une lésion). Certains patients, en particulier pendant Société française de dermatologie. Prise en charge de l'acné. Recommanda-
les 2 premières années de vie, ont des poussées bulleuses tions de bonne pratique, juin 2015.
Chapitre
14
Endocrinologie
Coordonné par Régis Coutant
PLAN DU CHAPITRE
Croissance normale et anomalies Obésité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
de croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324 Cryptorchidie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351
Retard et avance pubertaires . . . . . . . . . . . . . . 327 Pathologie des surrénales . . . . . . . . . . . . . . . . . 353
Diabète de type 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334 Gynécologie pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 356
Diabète insipide : conduite à tenir . . . . . . . . . 338 Pathologie de la thyroïde . . . . . . . . . . . . . . . . . 361
Hypoglycémies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 Hypercalcémie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368
Les circonstances où une anomalie de croissance doit être Des anomalies de la ligne médiane (fente labiopalatine,
suspectée sont détaillées dans l'encadré 14.1. incisive médiane unique, colobome irien, anomalie ophtal-
mique) évoquent un hypopituitarisme congénital.
L'examen clinique permet de coter le stade de développe-
Encadré 14.1 Suspicion d'une anomalie ment pubertaire évalué avec le score de Tanner.
Si la taille de l'individu est inférieure à –2DS ou supérieure à
Principales causes (tableau 14.1)
■
Examens complémentaires (encadré 14.2) elle est souvent mieux vécue et inquiète moins. Les enfants
de grande taille qui consultent sont surtout les filles de taille
supérieure à + 3 ou + 4DS.
Encadré 14.2 Bilan effectué à la recherche Dans la majorité des cas (> 90 %), quel que soit le sexe, la
de l'étiologie d'un retard statural, en l'absence grande taille est d'origine constitutionnelle, et ne correspond
d'orientation clinique évidente pas à un processus pathologique. Les très grandes tailles
entraînent néanmoins une gêne psychologique et dans la vie
■
Numération formule sanguine, VS
quotidienne, conduisant certains patients, surtout les filles,
– Recherche d'une anémie, d'un syndrome inflammatoire.
à une demande thérapeutique pressante.
■
Ionogramme sanguin, créatinine sanguine, bandelette
La démarche médicale doit vérifier l'absence de proces-
urinaire (protéinurie, densité U)
sus pathologique (il faut s'inquiéter en cas d'accélération sta-
– Recherche d'une maladie rénale.
turale significative, conduisant à un changement de couloir
■
Dosage pondéral des IgA et anticorps IgA antitransglutaminase
de croissance), établir un pronostic de taille à l'âge adulte, et
– Recherche d'une maladie cœliaque
décider si nécessaire de l'indication et de la nature du trai-
■
IGF-1
tement freinateur, en tenant compte de la balance bénéfices/
– Une valeur < –1DS est compatible avec un déficit en
risques.
hormone de croissance (ou une carence nutritionnelle).
Attention à la mauvaise fiabilité des normes de laboratoire.
■
TSH, T4L Enquête
– À la recherche d'une hypothyroïdie centrale ou périphérique. La démarche diagnostique comprend le recueil d'éléments
■
FSH, LH, testostérone, inhibine B, PRL anamnestiques, auxologiques et cliniques simples, permet-
– En cas de retard statural et pubertaire. tant souvent une orientation étiologique précise.
■
Caryotype standard chez la fille Ce sont : les tailles parentales et celles de la fratrie, les
– À la recherche d'un syndrome de Turner. âges pubertaires dans la famille, des indications sur le déve-
■
Radiographies de squelette : rachis lombaire face et profil, loppement psychomoteur, la reconstitution de la courbe
avant-bras gauche face, genou gauche face, bassin face de croissance staturopondérale (notion d'accélération de la
– À la recherche d'une maladie squelettique. vitesse de croissance et de changement de couloir de crois-
■
En cas de prise de poids excessive : cortisol libre urinaire des sance, notion d'obésité) et du périmètre crânien (notion de
24 heures macrocrânie), l'existence d'éléments dysmorphiques ou le
– À la recherche d'un hypercorticisme caractère dysharmonieux de la grande taille, l'évaluation du
■
IRM cérébrale rapide si cassure staturale stade pubertaire, l'examen neurologique et musculocutané
■
Discutée : recherche d'une anomalie du gène SHOX (1–5 % et l'évaluation de la maturation osseuse par la réalisation
des petites tailles en apparence idiopathique) d'un âge osseux.
Le dosage de l'IGF-1, la réalisation d'une IRM crânienne,
DS : déviation standard ; FSH : Follicle Stimulating Hormone ; IgA : immunoglo- d'une échographie pelvienne, d'une échographie cardiaque
bulines A ; IGF-1 : Insulin-like Growth Factor 1 ; LH : Luteinizing Hormone ; PRL :
prolactine ; T4L : tétra-iodothyronine libre ; TSH : Thyroid Stimulating Hormone.
et d'un examen ophtalmologique peuvent parfois être
nécessaires.
Causes
Plusieurs de ces investigations complémentaires, spécia-
La démarche étiologique est indiquée dans la figure 14.1.
lisées, sont conduites par les spécialistes endocrinopé-
La grande taille constitutionnelle peut, avant 4 ans, être
diatres.
marquée par une accélération staturale, puis se stabiliser
Traitement dans un couloir de croissance au-delà de + 2DS entre 3 et
Il s'agit du traitement de la cause. 5 ans mais elle est, avant tout, un diagnostic d'élimination.
En France, les enfants avec déficit en hormone de C'est néanmoins le diagnostic le plus fréquent. L'interroga-
croissance, retard de croissance intra-utérin sans rattra- toire rapporte une grande taille de naissance et des grandes
page statural postnatal suffisant, syndrome de Turner, tailles familiales. L'âge osseux est concordant avec l'âge civil.
dyschondrostéose, insuffisance rénale chronique ou syn- Le bilan hormonal est normal (IGF-1 adapté à l'âge et au
drome de Prader-Willi peuvent être traités par hormone stade pubertaire).
de croissance.
Traitements
Croissance staturale excessive Le traitement des grandes tailles dépend de la cause.
Dans les grandes tailles constitutionnelles, si le pronostic
Définitions statural établi au tout début de la puberté (peu fiable avant)
La grande taille est définie par un niveau statural supérieur dépasse 200 cm chez le garçon ou 185 cm chez la fille, et si la
à + 2DS pour l'âge chronologique et le sexe. À l'âge adulte, tolérance psychologique de l'enfant est mauvaise (attention
il s'agit d'une taille supérieure à 190 cm chez l'homme, à à ne pas confondre avec l'inquiétude parentale), un traite-
177 cm chez la femme. ment freinateur de la croissance peut se discuter. Aucun
Alors qu'autant d'enfants grandissent au-delà de + 2DS traitement freinateur n'a cependant une AMM validée dans
qu'au-dessous de –2DS, l'avance staturale est un motif moins cette indication : les propositions thérapeutiques sont du
fréquent de consultation en endocrinologie pédiatrique, car domaine du spécialiste endocrinopédiatre.
Chapitre 14. Endocrinologie 327
Signes dysmorphiques
Retard psychomoteur
Macrocrânie
Histoire familiale pathologique
Non Oui
Causes génétiques
Causes endocriniennes
Grande taille constitutionnelle • Acromégalie
(GTC) • Hyperthyroïdie
• Obésité • Wiedemann-Beckwith • Klinefelter
• Avance constitutionnelle de
• GTC ou ACC < 4 ans • Simpson-Golabi-Behmel • Marfan et apparentés
croissance (ACC)
• Déficit/résistance aux E2 • Sotos • Homocystinurie
• Obésité
• Weaver • MEN 2B
• Acromégalie
• Bannayan-Riley-Ruvalcaba • Synthèse ou
• Déficit en glucocorticoïdes Signes de puberté
• X-fragile réceptivité aux E2
familial, ou résistance aux GC • Puberté précoce
• Nevo
• Pseudo-puberté précoce
• Puberté avancée
Fig. 14.1 Démarche étiologique devant une grande taille. DS : déviation standard ; E2 : œstradiol.
Seins Absents Sous l'aréole Dépassant l'aréole Saillie de l'aréole Sillon sous-mammaire
en verre de montre
Pilosité pubienne Absente Berges des grandes lèvres Racine du pubis Pubis Triangulaire
Fig. 14.3 Développement pubertaire de la fille.
doit rester de 8 ans, afin de ne pas méconnaître un proces- l'adolescent(e) à consulter. Les adolescents consultent plus
sus pathologique responsable du développement puber- fréquemment que les adolescentes pour ce motif (60 % de
taire. Si l'âge de S2 a diminué, l'âge moyen de la ménarche garçons, 40 % de filles), alors que les définitions de retard
est actuellement d'un peu plus de 13 ans : il s'est très peu de puberté, statistiques, entraînent une même proportion de
modifié, d'environ 3 à 4 mois en 15 ans. Ceci indique que garçons et de filles atteintes : la tolérance à ce retard n'est pas
la puberté débute en moyenne plus tôt, mais évolue plus la même selon le sexe. La plainte staturale souvent prédo-
lentement. Toute jeune fille dont l'âge pubertaire s'écarte minante au départ explique également qu'il existe un biais
de ces limites (âge plus précoce ou plus tardif) mérite une statural des enfants qui consultent (fig. 14.4) : ce sont ceux
attention médicale. On considère qu'il faut 4 ans au maxi- dont le potentiel de croissance génétique est inférieur à la
mum entre le début de la puberté et la ménarche. moyenne (parce que leurs parents ont une taille inférieure
à la moyenne) puisqu'alors, la faible vitesse de croissance
amène rapidement leur taille à une valeur inférieure à –2DS
Retard de puberté pour l'âge et le sexe (alors que les enfants constitutionnelle-
Le défaut de maturation des caractères sexuels et l'absence ment grands garderont une taille dans les normes malgré le
d'accélération de la vitesse de croissance normalement ralentissement, et ne consulteront que plus tard).
associée à la puberté entraînent la persistance d'un aspect Le médecin doit s'efforcer de distinguer les patient(e)s pré-
infantile. La mauvaise perception psychologique du retard sentant un retard pubertaire « simple » (extrême de la courbe
pubertaire, la petite taille et le sentiment d'infériorité qui de Gauss de l'âge pubertaire), se corrigeant spontanément mais
l'accompagne sont les raisons amenant le plus souvent avec retard (ces adolescent(e)s atteindront une m aturation
Chapitre 14. Endocrinologie 329
sexuelle complète, mais ce processus prendra plus de temps l'ensemble des garçons en retard pubertaire entre 14 et
que chez leurs pairs), des déficits gonadotropes et des insuffi- 18 ans, on identifie 60 % de retard simple, 20 % de déficit
sances gonadiques, permanents, qui nécessitent un traitement gonadotrope fonctionnel (une maladie chronique associée
pour aboutir au développement pubertaire complet. ou un défaut nutritionnel entraînent une carence énergé-
tique relative qui retarde la puberté), 10 % d'hypogonadisme
Étiologies hypogonadotrope organique, et 10 % d'insuffisance testicu-
■ Chez le garçon entre 14 et 15 ans, le retard pubertaire laire (fig. 14.5) : avec l'âge, la proportion du retard pubertaire
simple est en cause dans 90–95 % des cas : c'est l'extrême simple diminue (et devient minoritaire au-delà de 17 ans).
de la courbe de Gauss de l'âge pubertaire normal. Parmi ■ Chez les filles avec retard pubertaire, on identifie 30 % de
retard simple, 20 % de déficit gonadotrope fonctionnel,
20 % de déficit gonadotrope organique, et 25 % d'insuffi-
50 sance ovarienne (cf. fig. 14.5).
Démarche diagnostique
La démarche chez un adolescent avec retard pubertaire est
40 Ralentissement de la croissance d'abord de rassembler des arguments cliniques en faveur ou
Vitesse de croissance (cm/an)
Garçon Fille
10 % 25 %
10 % 30 %
15 %
65 % 25 % 20 %
Déficit gonadique
Fig. 14.5 Principales étiologies de retard pubertaire.
330 Partie II. Spécialités
identifier un éventuel déficit gonadotrope fonctionnel ou Recherche d'un déficit gonadotrope fonctionnel
organique, ou une insuffisance gonadique. Leur conclusion La malnutrition, l'anorexie mentale, la maladie cœliaque, les
peut être un retard pubertaire simple, mais des pathologies entéropathies inflammatoires, la mucoviscidose entraînent
nécessitant un traitement spécifique auront été identifiées un déficit fonctionnel en gonadotrophines, lié à la carence
par la démarche. énergétique, réversible, après correction de son étiologie. Les
maladies chroniques sévères, l'insuffisance rénale chronique,
les phénomènes infectieux et inflammatoires rencontrés dans
Encadré 14.3 Éléments en faveur du diagnostic la drépanocytose, l'infection par le VIH, les maladies cancé-
présomptif de retard pubertaire simple reuses, les entéropathies inflammatoires et la mucoviscidose
entraînent également fréquemment un retard pubertaire.
■
Présence d'antécédents familiaux identiques (60–80 % des cas) : Dans ces situations, les gonadotrophines sont basses (fig. 14.6)
l'âge moyen de la ménarche des mères de sujets ayant eu un mais le diagnostic étiologique est facile, car la maladie causale
retard pubertaire simple est significativement plus élevé que celui est souvent connue. Certaines d'entre elles, possiblement pauci-
des mères de sujets contrôles (14,3 ± 1,4 vs 12,7 ± 1,4 ans) ; symptomatiques (maladie cœliaque, maladie de Crohn, néphro-
croissance tardive chez les pères (les autres marqueurs de timing pathie), doivent être recherchées par des examens biologiques :
de puberté sont en général difficile à repérer). NFS, VS, IgA antitransglutaminase, ionogramme sanguin, créa-
■
Infléchissement statural modéré (< 1DS) : s'il est important, tininémie, bandelette urinaire (protéinurie, densité urinaire).
il faut se méfier d'une tumeur crânienne altérant l'axe
somatotrope et gonadotrope (même si les retards simples Recherche d'un déficit gonadotrope organique
peuvent parfois entraîner des infléchissements importants).
Dans les déficits gonadotropes organiques, les gonadotro-
Absence de cassure de la courbe de taille.
phines sont basses, comme dans le retard pubertaire simple.
■
FSH, LH basses
FSH, LH élevées Déficit gonadotrope ou retard pubertaire simple
Insuffisance gonadique
Histoire familiale de retard pubertaire simple Infléchissement statural marqué ± Histoire familiale d'anosmie ou d'infertilité
Pas d'ATCD familial d'anosmie ou d'infertilité ou déficit antéhypophysaire ± Histoire familiale d'insuffisance surrénale
Infléchissement statural modéré progressif ou déficit post-hypophysaire ± Cryptorchidie
Développement physique, taille et vitesse ou anomalies de la ligne médiane Âge osseux > 13 ans (G) ou > 11 ans (F)
de croissance accordés à l'âge osseux ou HTIC, troubles visuels Histoire syndromique
IRM cérébrale
Processus tumoral
Déficit fonctionnel Retard simple de Trauma crânien
en gonadotrophines croissance et de puberté Malformation
Absence de bulbes
ou de bandelettes Déficit gonadotrope
Turner : caryotype organique non Kallmann
Klinefelter (développement olfactives
Syndromes
incomplet plutôt qu'impubérisme) : – Prader-Willi
caryotype Syndrome de Kallmann – Bardet-Biedl
Autres insuffisances gonadiques
Fig. 14.6 Conduite à tenir devant un retard de puberté. AMH : Anti-Mullerian Hormone ; ATCD : antécédent ; FSH : Follicle Stimulating Hor-
mone ; HTIC : hypertension intracrânienne ; IgA : immunoglobuline A ; IGF-1 : Insulin-like Growth Factor 1 ; IRM : imagerie par résonance magnétique ;
LH-RH : Luteinizing Hormone – Releasing Hormone ; NFS : numération formule sanguine ; SDHEA : sulfate de déhydroépiandrostérone ; rhhCG :
recombinant human Chorionic Gonadotropin ; T4L : tétra-iodothyronine libre ; TSH : Thyroid Stimulating Hormone ; VS : vitesse de sédimentation.
Chapitre 14. Endocrinologie 331
Bien entendu, s'il existe une cassure staturale, un inflé- déficits gonadotropes pourrait être associée à une moindre
chissement important, des signes cliniques ou biologiques fertilité future (par comparaison aux gonadotrophines
évoquant d'autres atteintes hypophysaires, une IRM de la recombinantes).
région hypothalamo-hypophysaire doit être rapidement
effectuée.
La présence d'une anosmie permet de porter le diagnos-
Puberté précoce
tic de déficit gonadotrope isolé du syndrome de Kallmann. Les études épidémiologiques montrent une fréquence bien
En l'absence d'anosmie, il peut être difficile de distinguer plus grande des pubertés précoces chez les filles que chez
un déficit gonadotrope isolé d'un retard pubertaire simple. les garçons avec un sex ratio entre 1:6 et 1:10, alors que les
Les dosages, plus récemment disponibles de l'inhibine B et limites statistiques définissant la puberté laissent attendre
de l'hormone antimüllérienne (AMH) sériques, contribuent un même nombre de garçons et de filles atteints.
au diagnostic, en précisant la fonctionnalité des gonades. Ce déséquilibre est en partie expliqué par un diagnostic cli-
L'inhibine B est produite par les cellules de la granulosa nique plus facile du démarrage pubertaire chez la fille (poussée
ovarienne et les cellules de Sertoli, sous contrôle de la FSH. mammaire remarquée par l'enfant et son entourage) que chez
L'AMH est produite par les mêmes cellules, et régulée néga- le garçon (l'augmentation du volume testiculaire passe inaper-
tivement par la testostérone à la puberté (chez le garçon). çue, et ce sont les manifestations androgéniques qui alertent).
Chez la fille, l'AMH reflète la réserve ovarienne. Chez le gar- La tolérance (personnelle, mais aussi familiale) à la puberté
çon, lorsque les gonadotrophines plasmatiques sont basses, précoce de la fille pourrait être également moindre (crainte
une valeur très basse d'inhibine B à l'adolescence (< 35 pg/ d'une activité sexuelle plus précoce). Enfin, les enquêtes chez
mL) est très en faveur d'un déficit gonadotrope plutôt que les adolescents (16 à 20 ans) montrent que la puberté précoce
d'un retard simple (mais une valeur > 35 pg/mL n'élimine est associée à une fréquence plus importante d'insatisfaction
pas un déficit gonadotrope). avec l'image corporelle, de comportements à risque (tabac,
alcool, cannabis), de dépression et de tentative de suicide, et
Recherche d'un déficit gonadique de partenaires sexuels multiples. La puberté précoce majore le
risque ultérieur de syndrome des ovaires polykystiques.
Le contexte clinique peut orienter (cf. fig. 14.6).
Les gonadotrophines élevées associées à des taux d'œstra-
diol/testostérone, d'AMH et d'inhibine B circulantes faibles, Étiologies
témoignent des lésions ovariennes ou testiculaires. Dans la très grande majorité des cas (> 95 %), la puberté
Chez le garçon, si les testicules ne sont pas palpés dans précoce est d'origine centrale (activation précoce de l'axe
le scrotum, des taux indétectables d'AMH et d'inhibine B gonadotrope). Les formes périphériques ne représentent
sériques permettent d'affirmer l'absence de tissu testiculaire qu'une part infime (tableaux 14.2 à 14.5).
(anorchidie). Dans les séries rapportées de puberté précoce centrale
chez la fille, la prévalence de lésions organiques est comprise
entre 8 et 33 %, mais diminue à près de 2–7 % lorsque la
Traitement puberté précoce débute après l'âge de 6 ans. Chez le garçon,
À l'issue du diagnostic, on pourra proposer à l'adolescent un cette fréquence est de l'ordre de 40 % (parce que les formes
traitement adapté. idiopathiques ne viennent pas à l'attention du médecin). La
Pour un retard simple, si l'adolescent le souhaite, une cure pratique aujourd'hui consiste à effectuer systématiquement
courte de quelques semaines avec de la testostérone (G) ou une IRM crânienne devant toute puberté précoce centrale
des œstrogènes (F) peut être proposée. On le propose à par- (fig. 14.7), chez la fille et le garçon, et à l'effectuer dans les
tir de 14–15 ans chez le garçon, à raison d'une injection IM de pubertés avancées s'il existe des signes associés.
50–100 mg d'énanthate de testostérone (Androtardyl®) toutes Les formes idiopathiques représentent entre 65 et 98 %
les 3–4 semaines, pendant 3 à 6 mois. Ce traitement induit des pubertés précoces centrales chez la fille. Associées par
les manifestations physiques de puberté et accélère la vitesse définition à une IRM normale, elles correspondent soit à un
de croissance sans compromettre la taille finale. Si la puberté extrême de la normale, soit à l'action de facteurs pas toujours
ne se produit pas dans les 6 mois suivant l'arrêt du traitement, bien identifiés (nutrition, perturbateurs endocriniens, fac-
une seconde cure peut être proposée. L'absence de puberté teurs psychologiques, autres), soit enfin à l'influence combi-
spontanée après une seconde cure est en faveur d'un défi- née de ces facteurs sur un fond génétique de prédisposition.
cit gonadotrope. Chez la fille, de petites doses d'œstrogènes Ces approches explicatives sont actuellement du domaine
(17β-œstradiol, préparation de pharmacie à 0,2 mg, 1 cp/j) de la recherche. Dans ces situations, l'enjeu pour le clinicien
peuvent être proposées pendant 3 mois. La prescription est plus est de traiter de manière appropriée ces pubertés précoces
rare. et, surtout, d'éviter de traiter par excès des pubertés peu
S'il existe une insuffisance gonadique, un traitement actives, dont l'effet sur la croissance serait peu marqué, et
permanent par testostérone (G) ou œstrogènes (F) est qui n'entraîneraient pas de problème d'ordre psychologique.
nécessaire pour induire les manifestations physiques de
puberté. Enfin, s'il existe un déficit gonadotrope organique, Démarche d'investigation
une induction pubertaire complète par rhFSH et rhhCG Il est important de reconstituer la courbe de croissance
est discutée chez le garçon, avec l'objectif de préparer au pour évaluer la cinétique staturale : l'accélération staturale
mieux la fertilité future. Cette option peut être à discuter franche (> 8 cm/an, ou gain statural > 0,5DS) reflète le
d'emblée car la prescription initiale de testostérone dans les degré d'activité de la puberté.
332 Partie II. Spécialités
Diabète de type 1
Rachel Reynaud, Régis Coutant
L'accompagnement d'un enfant avec un diabète de type 1
(DT1) doit répondre à plusieurs enjeux :
■ un enjeu de diagnostic : en France, 44 % des diagnostics
sont faits au stade d'acidocétose, donc après plusieurs
semaines de polyurie passée inaperçue ou mal interprétée ;
■ un enjeu d'information : lors de la découverte d'un DT1,
ou peu après, les familles vont rechercher des informa-
tions sur l'origine du DT1, les causes, les risques, le deve-
nir à long terme, et peut-être exprimer leur inquiétude
vis-à-vis de tous ces éléments. Même si ces questions
sont en principe abordées par l'équipe hospitalière qui
a accueilli l'enfant, il est important que les explications
soient cohérentes entre professionnels de santé ;
Fig. 14.8 Tâches cutanées de couleur chamois à bords effrangés
■ un enjeu d'accompagnement : l'enfant avec DT1 aura,
du syndrome de McCune-Albright. comme tous les enfants, des évènements du quotidien qu'il
faut prendre en charge : fièvre, pathologies ORL, gastroen-
térite, etc. et une compréhension qui va aller croissant en
fonction de son âge et de ses compétences, nécessitant un
Pour la fille, l'échographie pelvienne est un examen de ajustement de l'éducation thérapeutique au fil du suivi.
1re intention très informatif et facile de réalisation, per-
mettant d'évaluer les signes de stimulation ovarienne et Diagnostic
d'imprégnation œstrogénique au niveau des organes géni-
taux internes. Sous stimulation œstrogénique, la longueur Diagnostiquer le plus vite possible
utérine augmente (> 35 mm) et une ligne endocavitaire Le diagnostic de DT1 chez l'enfant est le plus souvent fait
apparaît. L'échographie permet en outre de déceler un sur l'association de signes cliniques associés à une glycémie
éventuel kyste ovarien sécrétant ou un syndrome de masse supérieure ou égale à 200 mg/dL, à un âge moyen au diag
ovarienne. nostic de 8,2 ± 4,0 années (sex-ratio homme/femme : 1,1),
Le bilan hormonal de base comprend un dosage de tes- après 3 à 6 semaines de polyuropolydipsie en moyenne. En
tostérone chez le garçon (œstradiol souvent inutile, sauf en France, il est diagnostiqué devant un syndrome cardinal
cas de manifestations très franches de puberté chez la fille), dans 56 % des cas, une acidocétose dans 44 %. L'acidocétose
un dosage de FSH, LH, et inhibine B. L'axe gonadotrope se produit après plusieurs semaines de syndrome cardinal
est considéré comme activé lorsque la LH de base dépasse mal analysé ou passé inaperçu. La mesure d'une glycémie en
0,3 mUI/L. Une valeur plus basse n'exclut pas une puberté laboratoire peut retarder le diagnostic. Si la polyuropolydip-
précoce centrale, et un test de stimulation des gonadotro- sie est méconnue, il y aura une évolution vers l'acidocétose
phines (test à LH-RH, ou GnRH) est généralement néces- avec signes digestifs (douleurs abdominales, vomissements),
saire. Le seuil du pic de LH au test de stimulation est de signes respiratoires (tachypnée, polypnée de Kussmaul),
4 mUI/L : il s'agit d'un seuil spécifique (c'est-à-dire qu'en perte de poids, somnolence ou altération de la conscience,
l'absence de stimulation gonadotrope, le pic sera toujours voire décès (6 à 10 décès/an en France).
< 4 mUI/L) mais peu sensible (c'est-à-dire qu'une activation
gonadotrope authentique peut aboutir à un pic < 4 mUI/L).
Néanmoins, dans cette dernière situation, on considère Toute nycturie (≥ 2 fois/nuit), toute énurésie secondaire doit
que l'activation est faible (et donc le traitement freinateur faire évoquer un diabète, et pratiquer une mesure de la glycémie
questionnable). capillaire immédiatement. En cas d'hyperglycémie, il faut adres-
En cas de manifestations d'hyperandrogénie chez la fille, ser à l'hôpital sans délai.
ou sans augmentation du volume testiculaire chez le garçon,
il faut rechercher une cause surrénalienne (cf. tableaux 14.4 et
14.5). La mesure de la testostérone, de la 17-hydroxyprogestérone Adresser à l'hôpital sans délai
(hyperplasie des surrénales), du SDHEA (très élevé dans les Toute hyperglycémie doit faire adresser l'enfant aux
tumeurs de la surrénale) est nécessaire. urgences pédiatriques les plus proches, sans délai. La prise
L'IRM crânienne est systématique en cas de puberté pré- en charge éducative et technique est assez lourde et parta-
coce centrale. gée, à l'hôpital, entre le pédiatre diabétologue, l'infirmière,
la diététicienne et la psychologue. Enfin, l'éducation théra-
Traitement peutique, individuelle mais aussi collective, a une place de
Dans les pubertés précoces centrales actives, le traitement plus en plus importante dans le traitement. L'intervention
repose sur les analogues de la GnRH, en administration pluriprofessionnelle de l'accompagnement, la prévalence
sous-cutanée ou intramusculaire, tous les 28 jours à tous relativement faible du diabète en font une maladie à prise en
les 3 mois. charge essentiellement hospitalière.
Chapitre 14. Endocrinologie 335
■
Malformations congénitales de l'hypophyse (avec posthypo-
physe ectopique ou non vue) : très rarement responsables
Examen clinique de diabète insipide central, sauf dans le cadre des dysplasies
septo-optiques
Il repose sur le relevé des données auxologiques : poids, ■
Iatrogène (postchirurgical, etc.)
taille et courbe de croissance, ainsi que sur l'examen des ■
Idiopathique (fréquent, mais c'est un diagnostic d'élimina-
organes génitaux (recherche de micropénis, cryptorchidie), tion, après plusieurs années de suivi et des IRM crâniennes
et du statut pubertaire. Il importe également d'évaluer l'état répétées)
d'hydratation clinique (perte de poids, pression artérielle,
signes de déshydratation intracellulaire).
Test de restriction hydrique
Bilan biologique de base (en milieu hospitalier)
Il peut être prescrit avant d'adresser à l'endocrinopédiatre, Dans les situations intermédiaires, un test de restriction
sauf en cas de polyurie majeure et de déshydratation (dans hydrique peut être discuté en milieu spécialisé.
ce cas, adresser sans attendre) : ionogramme sanguin, calcé- Il peut être précédé d'un relevé des quantités de bois-
mie, osmolalité plasmatique, calciurie, créatininurie, osmo- sons et d'urines en milieu hospitalier. Lors de la restriction
larité urinaire et densité urinaire sur 1re miction du matin. hydrique, une évaluation clinique (poids, fréquence car-
Avec ce bilan, le patient doit être adressé en consul- diaque, pression artérielle) et biologique (natrémie, osmo-
tation d'endocrinopédiatrie. Il est important de préciser larité sanguine et urinaire) est réalisée, en début, en cours
aux parents de ne pas restreindre les apports hydriques à et en fin de test. Un test de quelques heures (7 heures ou
domicile, en raison du risque de déshydratation : prendre moins) est souvent suffisant.
Chapitre 14. Endocrinologie 339
Tableau 14.6 Principales erreurs du métabolisme Trouble du métabolisme des acides aminés
responsables d'hypoglycémie chez l'enfant.
Acidémie propionique Intervalle libre
Anomalie Caractéristiques cliniques Acidémie Acidose métabolique menaçante
métabolique et biologiques associées méthylmalonique Retard de croissance et retard de
Acidémie glutarique développement
Trouble du métabolisme des hydrates de carbone de type 1
Anomalie de la Hypoglycémie de jeûne avec cétose Tyrosinémie
glycogénolyse ± hépatomégalie Trouble du métabolisme de l'oxydation des acides gras
Déficit en glycogène- Pas d'hépatomégalie Déficit en Medium- Hypoglycémie et hypocétonémie lors
synthétase Hypoglycémie avec cétose préprandiale Chain Acyl-CoA d'un jeûne prolongé > 12 heures (p. ex.
(glycogénose type 0a) Hyperglycémie et hyperlactatémie Deshydrogénase à l'occasion d'un épisode infectieux
postprandiales (MCADD) responsable d'une anorexie ou de
Déficit en Hépatomégalie, retard de croissance, vomissements ne permettant pas d'apport
Déficit en Very-
glucose-6-phosphatase néphromégalie glucidique) ou lors d'une situation de
Long-Chain Acyl-CoA
(glycogénose type Ia Hypoglycémie de jeûne court ou entre les catabolisme
Deshydrogénase
ou Ib) repas Survenue à n'importe quel âge, précocité
(VLCADD)
Acidose lactique, cétose, hyperuricémie, des manifestations dépendant de la
hyperlipidémie, neutropénie (Ib) Déficit en sévérité du déficit enzymatique
transporteur de la Trouble de la conscience, hypotonie,
Déficit en enzyme Hépatomégalie, retard de croissance, carnitine hépatomégalie, cytolyse hépatique
débranchant faiblesse musculaire et musculaire, insuffisance cardiaque,
(glycogénose type III) Cétose, élévation des CPK et des rhabdomyolyse, œdème cérébral, risque
transaminases vital
Déficit en Hépatomégalie, retard de croissance CPK : créatine-phosphokinase.
phosphorylase Cétose, hyperlipidémie, élévation des
hépatique transaminases
(glycogénose type IV)
Déficit en Hépatomégalie, retard de croissance
phosphorylase b Cétose, hyperlipidémie
kinase hépatique Tableau 14.7 Causes d'hyperinsulinisme.
(glycogénose
type IXa1, IXb-d) Cause Caractéristiques cliniques
et biologiques associées
Anomalie de la glycosylation
Hyperinsulinisme Concentrations d'insuline et de peptide C
Déficit en phospho- Luette bifide, hépatomégalie, retard
endogène inappropriées (c'est-à-dire détectables) en
glucomutase 1 de croissance, intolérance à l'exercice,
situation d'hypoglycémie
cardiomyopathie
Hypoglycémie sans horaire fixe
Anomalies de la Hypoglycémie avec cétose + acidose Absence de cétonurie
néoglucogenèse lactique après un jeûne suffisant pour Réponse forte lors du test au glucagon
utiliser le stock de glycogène hépatique
Hyperinsulinisme Hypoglycémies récurrentes sans cétose
Déficit en fructose1,6- Retard de croissance, hépatomégalie congénital Chez le nouveau-né : besoin d'apports très
diphosphate modérée, faiblesse musculaire élevés en glucose
Biologie similaire à la glycogénose type Ia Formes syndromiques associées : syndrome
de Beckwith-Wiedmann, syndrome de Kabuki
Déficit en Retard sévère du développement,
pyruvate-carboxylase encéphalopathie subaiguë nécrotique Insulinome Situation rare chez l'enfant, association aux
Acidose métabolique élévation du lactate, néoplasies endocriniennes multiples de type 1
pyruvate et alanine
Prise d'agent Prise de sulfamides hypoglycémiants
Galactosémie Hypoglycémie, diarrhée et vomissements hypoglycémiant
à l'introduction du lactose ou du
Hyperinsulinisme Concentration en peptide C effondrée
galactose
exogène en situation d'hypoglycémie
À long terme : cataracte, retard mental,
Efficacité de la réponse lors d'injection
hépatosplénomégalie
de glucagon
Cytolyse hépatique
Diabète sucré Complication iatrogénique
Intolérance au Hypoglycémies récidivantes avec
sous insuline de l'insulinothérapie
fructose vomissements au moment du sevrage à
l'introduction du fructose ou du sucrose, Syndrome Injection cachée d'insuline par un adulte
hépatomégalie, ictère de Münchhausen de l'entourage ayant accès à de l'insuline
Acidose lactique par procuration sous-cutanée
342 Partie II. Spécialités
Bilan biologique
Déficit en GH (retard
Glycogénose Déficit de l'oxydation de croissance),
Hyperinsulinisme Déficit de cétolyse
(hépatomégalie) des acides gras insuffisance
surranélienne
Déficit en GH (retard de
croissance), insuffisance Hypoglycémie
surrénalienne fonctionelle avec
cétose
Fig. 14.9 Diagramme de synthèse des orientations diagnostiques. Les éléments d'orientation de 1re intention sont la survenue de l'hypogly-
cémie à l'état nourri, lors d'un jeûne court ou long, la présence d'une hépatomégalie, d'une cétonémie/cétonurie.
344 Partie II. Spécialités
■
À administrer en 2–3 mL/min
Pour mesurer le surpoids chez l'adulte, l'OMS recommande
Enfant et adolescent d'utiliser l'indice de masse corporelle ou IMC (exprimé en
■
Glucose 30 % IV poids divisé par la taille au carré, en kg/m2). Le surpoids
■
10 mL/20 kg (soit 0,15 g/kg de glucose) correspond à un IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2 et l'obé-
■
Relais par glucose 10 % : sité à un IMC supérieur ou égal à 30 kg/m2. Chez l'enfant,
– 3 mL/kg/h (5 mg/kg/min) l'obésité est plus complexe à définir en raison des variations
– objectif de glycémie capillaire : 70 et 120 mg/dL de poids et de taille en fonction de l'âge.
– contrôle toutes les 30 minutes En France, on utilise les courbes de référence françaises
Glucagon
établies par Rolland-Cachera en 1991, qui sont dans les car-
nets de santé des enfants depuis 1995. Elles sont établies en
■
Peut être administré lorsqu'un hyperinsulinisme est évoqué
centiles, permettant de définir les zones d'insuffisance pon-
■
0,5 mg si < 25 kg (< 6–8 ans)
dérale (< 3e percentile), de normalité (3e–97e percentiles) et
■
1 mg si > 25 kg (> 6–8 ans)
de surpoids (> 97e percentile) depuis la naissance jusqu'à
■
En injection sous-cutanée, IM ou IV
l'âge de 18 ans. En revanche, elles ne permettent pas de dis-
Enfant conscient tinguer, parmi les enfants en surpoids, ceux qui présentent
■
Bilan biologique (cf. supra) une obésité.
■
Correction per os : L'International Obesity Task Force (IOTF) a élaboré
– nouveau-né et nourrisson : glucose 10 %, 2 mL/kg (soit en 2000 une définition de surpoids et d'obésité chez
0,2 g/kg de glucose) l'enfant, en utilisant des courbes d'IMC établies à partir
– enfant et adolescent : sucre en morceau, 5 g de sucre/20 kg de données recueillies dans six pays disposant d'échan-
(soit 0,25 g/kg de glucose) tillons représentatifs. Reposant sur des données de mor-
– objectif de glycémie capillaire : 70 et 120 mg/dL, contrôle bimortalité à l'âge adulte, les courbes IOTF devraient
toutes les 30 minutes avoir une valeur prédictive ; elles sont utilisées pour les
5 g de glucose = 1 morceau de sucre n° 4 = 50 mL de Coca- études de prévalence. Disponibles de 2 à 18 ans, les seuils
Cola® = 50 mL de G10 %. du surpoids et d'obésité sont constitués par les courbes
de centiles atteignant respectivement les valeurs de 25
1 ampoule de 10 mL de G10 % = 1 g de glucose. et 30 kg/m 2 à 18 ans (fig. 14.10A). Les valeurs d'IMC
1 ampoule de 10 mL de G30 % = 3 g de glucose. au-dessus de l'IOTF-25 correspondent ainsi au surpoids
incluant l'obésité (la courbe IOTF-25 est proche de la
courbe du 97e percentile des références françaises), celles
entre IOTF-25 et IOTF-30 correspondent au surpoids,
Obésité1 obésité exclue, celles au-dessus de l'IOTF-30 définissent
l'obésité. De nouveaux modèles du carnet de santé de
Béatrice Jouret, Maïthé Tauber l'enfant sont entrés en vigueur à compter du 1er avril 2018
L'obésité chez l'enfant est un enjeu de santé publique. Elle (fig. 14.10B). Les courbes qui sont présentes permettent
persiste le plus souvent à l'âge adulte et peut entraîner des le repérage du surpoids et de l'obésité sur les courbes
conséquences sur la santé à plus ou moins long terme. C'est de corpulence de l'IOTF. Une nouvelle courbe apparaît,
une maladie chronique mais qui est encore considérée la celle de l'IOTF-35 qui définit l'obésité sévère. Ce nou-
plupart du temps comme une phase transitoire. Elle est veau modèle permet de suivre également la maigreur en
d'évolution lente tant au niveau des complications que des utilisant de la même façon la définition de l'âge adulte :
résultats de la prise en charge. de grade 3 (16 kg/m2 ; IOTF-16), de grade 2 (17 kg/m2 :
En France, même si la prévalence a tendance, depuis le IOTF-17) et de grade 1 (18,5 kg/m 2 ; IOTF-18,5). Alors
milieu des années 2000, à se stabiliser (un peu moins d'un que l'IOTF ne propose pas de courbes de corpulence
enfant sur cinq en surpoids avec 3 à 4 % en obésité), de avant 2 ans, le comité d'expertise a souhaité présenter
fortes inégalités sociales et territoriales demeurent. les données des courbes « AFPA-CRESS/Inserm – Com-
puGroup Medical 2018 » sur cette tranche d'âge afin de
permettre la visualisation du pic de corpulence autour
de 9 mois. Toutefois, avant 2 ans, le prolongement de la
Reprises partielles autorisées de l'article : Tauber M, Jouret B. Obésité
1 courbe IOTF-25 ne doit pas être considéré comme une
de l'enfant et de l'adulte. Partie Enfant. Rev Prat 2018 ; 68 : e233–40. définition du surpoids.
Chapitre 14. Endocrinologie 345
IOTF-30
Fig. 14.10 Courbes d'IMC (indice de masse corporelle) chez la fille. A. Courbe de l'INPES.
L'IMC est-il suffisant pour définir avec le tour de taille (en cm) mesuré à la médiane entre le
le surpoids et l'obésité ? rebord costal inférieur et l'épine iliaque antérieure. Il per-
L'IMC se calcule à partir du poids corporel (association met de mesurer la graisse abdominale qui est un facteur
de la masse grasse, musculaire et osseuse). Les enfants très de risque métabolique. Il doit être rapporté à la taille de
musclés ou trapus ont un IMC élevé qui n'est pas repré- l'enfant (Tour de taille/Taille : TT/T) et est normalement
sentatif de leur masse grasse. L'IMC doit donc être ajusté inférieur à 0,5 (valable entre 3 et 18 ans). Si un enfant
présente un TT/T inférieur à 0,5 et un IMC en zone de
346 Partie II. Spécialités
surpoids, on peut dire que l'IMC est surévalué et que l'en- cension trop précoce de la courbe (avant 5 ans) est appelée
fant a une corpulence normale. À l'inverse, un enfant avec rebond d'adiposité précoce et est un facteur de risque majeur
TT/T supérieur à 0,5 et IMC normal présente un risque d'obésité ultérieure. Le croisement des couloirs au-des-
métabolique accru, donc une obésité abdominale. sus du 50e percentile est également un signe d'alerte. Cette
courbe est un outil de prévention indispensable (fig. 14.11),
Description de la courbe d'IMC et la tracer permet d'éviter d'atteindre la zone de surpoids
Plus que le niveau de corpulence en lui-même, il est impor- et de rechercher avec la famille les raisons de cette montée
tant d'apprécier l'allure évolutive de la courbe : une réas- progressive.
Chapitre 14. Endocrinologie 347
métabolique. Cela a été montré chez des dizaines de mil- précoces de la vie fœtale aux premières années de vie qui
liers de jumeaux de tous âges. Ainsi, 70 % des variations de influencent la prise de poids ultérieure.
l'IMC sont d'origine génétique, même si l'impact des gènes Selon le rapport publié par l'HAS de 2011, les facteurs de
peut diminuer considérablement chez ceux qui s'astreignent risque associés au surpoids et à l'obésité des enfants et ado-
à une activité physique intense ou privilégient une alimen- lescents sont les suivants :
tation saine. » (Meyre D, Froguel P. L'obésité dans les ■ surpoids et obésité parentale, notamment de la mère au
gènes ? Pour la science 2012 ; 421) début de la grossesse ;
■ prise de poids excessive pendant la grossesse. Pour cela,
des recommandations en fonction de l'IMC de la mère
Facteurs de risque précoces avant la grossesse ont été émises ;
À la jonction de cette part génétique, épigénétique et envi- ■ grossesse : tabagisme maternel, diabète maternel quel que
ronnementale, on identifie un certain nombre de facteurs soit son type ; un déséquilibre de l'apport d'acides gras au
détriment des oméga-3 chez la mère et peut-être l'exposi-
Tableau 14.9 Recommandations d'activité tion à certains polluants ;
physique et sédentarité.
■ excès ou défaut de croissance fœtale (parfois conséquence
Âge Activité physique Sédentarité des facteurs précédents) ;
Jusqu'à 5 ans Au moins 3 heures/j Éviter les écrans avant 2 ans
■ gain pondéral accéléré dans les 2 premières années de
et entre 2 et 5 ans, les limiter vie ;
à 1 heure/j au maximum ■ difficultés socioéconomiques des parents et cadre de vie
6–17 ans Au moins 1 heure/j 2 heures/j au maximum
défavorable ;
(intensité modérée ■ manque d'activité physique et sédentarité : l'activité
à élevée) physique pratiquée régulièrement induit une dimi-
D'après ANSES. Actualisation des repères du PNNS – Révision des repères
nution de la masse grasse et réduit les complications
relatifs à l'activité physique et à la sédentarité. Février 2016. métaboliques. La sédentarité est la principale cause de
la baisse des dépenses énergétiques. C'est un facteur de
risque majeur d'obésité. Les écrans sont majoritaire-
Tableau 14.10 Recommandations de sommeil. ment responsables.
Âge Heures de sommeil
Des recommandations ont été émises (tableau 14.9) ;
quotidiennes recommandées ■ manque de sommeil : plusieurs études ont mis en évi-
dence un lien entre une réduction ou un excès de temps
0–3 mois 14–17
de sommeil en fonction de l'âge et l'IMC trop élevé.
4–11 mois 12–15 Trop ou pas assez de sommeil entraîne une pertur-
1–2 ans 11–14 bation des hormones de régulation de la faim et de la
3–5 ans 10–13
satiété. Des recommandations ont également été émises
(tableaux 14.10 et 4.11) ;
6–13 ans 9–11 ■ attitudes inadaptées de l'entourage par rapport à l'alimen-
14–17 ans 8–10 tation (restrictives ou trop permissives) ;
National Sleep Foundation, 2015. ■ facteurs psychopathologiques : dépression chez les filles,
hyperphagie boulimique ;
■
Que ressent-il ?
synthèse de protéines clés dans la régulation centrale de ■
Quel est son projet ?
la prise alimentaire et du poids. Elles sont associées à un ■
Quelle est sa demande ?
trouble du comportement alimentaire très précoce et le
plus souvent à des déficits hormonaux d'origine hypotha- Sont à explorer :
lamique (hypogonadisme, déficit en ACTH, etc.) ;
■
le contexte socio-économique dans lequel évolue l'enfant ou
l'adolescent ;
■ obésités syndromiques où le diagnostic est retenu devant ■
les conditions de vie de ce dernier au sein de sa famille et de
une obésité associée à un ou plusieurs signes tel qu'un son entourage ;
retard du développement, une hypotonie néonatale, des ■
les connaissances, représentations, ressentis de l'enfant ou de
déficits sensoriels, une dysmorphie faciale, des malfor- l'adolescent et de sa famille.
mations congénitales, un trouble précoce du comporte-
ment alimentaire, le plus souvent à type de difficultés de Cette approche doit inclure :
la reconnaissance du rôle des facteurs environnementaux (et
prises alimentaires, plus rarement « gloutonnerie » très
■
familiaux, et « Qu'est-ce qu'il fait ? » à l'alimentation, la pratique – hypertrichose chez la jeune fille, notamment dans les
sportive et la sédentarité, les temps d'écrans et de sommeil. zones androgénodépendantes → avis endocrinolo-
gique (SOPK ? autre cause d'hyperandrogénie ?) ;
– acanthosis nigricans → avis endocrinologique (à la
Examen clinique recherche d'une insulinorésistance et d'un DT2).
Il comprend : ■ Orthopédiques : épiphysiolyse de la tête fémorale, pieds
■ la mesure du poids et de la taille. Tracer la courbe de taille plats, genu valgum, syndrome fémoropatellaire, antétor-
est indispensable ; sion fémorale, rachialgies, troubles de la statique verté-
■ la courbe d'IMC. Tracer la courbe est indispensable et brale, épiphysite de croissance → avis orthopédique.
permet de situer le rebond d'adiposité. L'absence de ■ Cardiorespiratoires :
rebond ou un rebond très précoce (avant 5 ans) est en – HTA (schématiquement PA > 125/80 mmHg à l'ado-
faveur d'une obésité monogénique ou syndromique ; lescence) → Holter tensionnel si les valeurs de pres-
■ le périmètre crânien : une macro ou microcéphalie doit sion sont élevées ;
faire évoquer une obésité syndromique ; – asthme : souvent associé et pouvant être aggravé par
■ la recherche de signes dysmorphiques : anomalie du visage, l'obésité → avis spécialisé nécessaire si non contrôlé ;
acromicrie, brachymétacarpie, doigts allongés et fuselé, etc. ; – déconditionnement à l'effort → consultation spécia-
■ l'examen des téguments : acanthosis nigricans préférentiel- lisée et épreuve fonctionnelle respiratoire et/ou test
lement dans les zones du cou et axillaires qui témoignent d'aptitude à l'effort ;
d'une insulinorésistance. Recherche de mycose dans les – troubles respiratoires du sommeil (ronflements) → enre-
zones des plis, de vergetures. Évaluation de la pilosité chez gistrement polysomnographique après consultation
la fille pubère dans les zones androgéno-dépendantes ; ORL, et consultation spécialisée du sommeil si besoin.
■ la mesure du TT et calcul du rapport TT/T ; ■ Endocriniennes :
■ l'auscultation cardiaque et la mesure de pression artérielle ; – puberté avancée chez la fille : la puberté, si elle est
■ l'examen buccal afin d'évaluer le volume des amygdales ; présente de manière avancée, est souvent lentement
■ l'examen pubertaire : développement des organes géni- évolutive et, dans ce cas, ne nécessite pas de traitement
taux externes dans les deux sexes et, chez le garçon, de freination pubertaire mais il ne faut pas hésiter, si le
évaluation du volume testiculaire, de la position des pronostic de taille est en jeu (taille petite ou âge osseux
testicules et mesure de la verge qui est souvent enfouie avancé), à demander un avis endocrinologique. Enfin,
et donc sous-mesurée (à la recherche d'un hypogona- une puberté précoce nécessite un avis endocrinien ;
disme). Gynécomastie chez le garçon pubère et adipo- – SOPK dans un contexte métabolique (spanioménor-
mastie chez la fille prépubère (à différentier d'un début rhée, hypertrichose + acné) → avis endocrinologique ;
pubertaire) ; – retard pubertaire, verge de taille insuffisante : pou-
■ l'examen orthopédique : hanches, dos (la cyphose est sou- vant être en relation avec un hypogonadisme → avis
vent retrouvée dans les obésités sévères), genoux et pieds. endocrinologique ;
– gynécomastie : souvent très mal vécue chez le garçon
Faut-il faire un bilan étiologique en période pubertaire → présenter la possibilité d'une
et de retentissement ? chirurgie plastique en fin de puberté.
■ Métaboliques :
■ En cas de surpoids avec croissance staturale normale et – dyslipidémie :
sans comorbidité : pas de bilan. - hypertriglycéridémie → proposer des mesures diété-
■ En cas de surpoids avec comorbidités, ou obésité : bilan tiques, diminuer les sucres,
hépatique, glycémie à jeun (à partir de 10 ans si ATCD - hypercholestérolémie au profit du LDL cholestérol
familiaux de DT2 ou de diabète gestationnel, apparte- avec un HDL abaissé → augmenter l'activité phy-
nance à une minorité ethnique, petit poids de naissance sique et mesures diététiques ;
ou macrosomie, acanthosis nigricans, SOPK – syndrome – stéatose hépatique → à évaluer par échographie
des ovaires polykystiques, hypertension artérielle), bilan (échogénicité) ;
lipidique complet (dépistage universel). – insulinorésistance, intolérance au glucose, DT2 :
■ En cas de suspicion d'obésité syndromique ou secon- → avis endocrino-diabétologique.
daire : bilan dans un centre spécialisé en obésité (CSO).
C'est à ce niveau que peuvent intervenir les programmes par une concertation des différents professionnels autour de
d'Éducation thérapeutique du patient (ETP), les séjours l'enfant et de sa famille et requiert du temps, c'est une médecine
de Soins de suite et de réadaptation (SSR) permettant aux « lente » qui doit être transdisciplinaire et coordonnée entre la ville
enfants ± leurs parents d'acquérir les compétences man- et l'hôpital. C'est un défi sociétal pour l'organisation de la méde-
quantes. Enfin, il est indispensable de préparer la transi- cine des maladies chroniques de l'enfant et de l'adolescent et la
tion vers le secteur adulte et des consultations conjointes lutte contre les inégalités sociales et territoriales. Les parents sont
« pédiatre – médecin d'adulte » sont proposées. au cœur de la prise en charge. Ce sont eux qui conditionnent la
réussite par leur accompagnement éducatif permanent et par la
Différents recours valorisation des efforts même les plus modestes que met en place
L'organisation des soins repose sur différents recours en l'enfant. Les parents ont ainsi besoin d'être eux-mêmes soutenus.
fonction de l'état des lieux initial : Pour cela, ils doivent acquérir des connaissances, une autonomie,
■ le 1er recours correspond à une prise en charge de proxi- retrouver un sentiment d'auto-efficacité et de maîtrise pour pou-
mité de l'enfant en surpoids ou obésité sans complication voir accompagner et guider leur enfant sur le long terme.
et de sa famille par le médecin traitant. Il peut nécessiter
de ressources complémentaires de proximité (diététi- Cryptorchidie
cienne, etc.), l'importance étant l'interdisciplinarité, c'est-
Natacha Bouhours-Nouet
à-dire faire le lien entre les différents intervenants avec
une attitude cohérente de soin. Le Réseau de prévention
et de prise en charge de l'obésité pédiatrique (RéPPOP) Définition
est un appui du 1er recours lorsqu'il existe ; Le testicule cryptorchide entre dans une définition plus vaste
■ le 2e recours correspond à une prise en charge multidisci- qui est celle des testicules non descendus. Ils sont palpables dans
plinaire organisée à l'échelle d'un territoire, faisant appel 80 % des cas (en position scrotale haute, dans le canal inguinal,
à des professionnels spécialisés, pour des enfants présen- ou plus rarement plus haut) et non palpables dans 20 % des cas
tant une ascension rapide de l'IMC ± des comorbidités (intra-abdominaux ou absents). Dans environ 30 % des cas, il
± un contexte familial défavorable ± une problématique s'agit de testicules non descendus bilatéraux. Ils sont à différen-
psychologique et/ou sociale. Les programmes d'ETP ou cier des testicules rétractiles (oscillants, ascenseurs), que l'on
les SSR ont ici leur place ; peut descendre sans douleur ni tension jusqu'au fond du scro-
■ le 3e recours est organisé à une échelle régionale (CSO, 37 tum et doivent être surveillés : certains se fixeront trop haut au
en France) et correspond à une prise en charge coordonnée cours de la croissance et devront être abaissés secondairement.
par un médecin et une équipe spécialisée dans un CHU avec
une filière d'aval. Il existe 5 Centres intégrés obésité (CIO) Épidémiologie
en France pour lesquels le CSO s'appuie sur des structures
de recherche et de formation. Le centre de référence du syn- Les testicules non descendus concernent 1,6 à 3 % des nou-
drome de Prader-Willi et autres syndromes avec troubles du veau-nés masculins à terme (90 % de forme unilatérale,
comportement alimentaire s'occupe des maladies rares avec 10 % de forme bilatérale), mais 20 % des prématurés. Une
obésité et est intégré au CIO de Toulouse et de Paris centre. descente testiculaire spontanée est observée dans 50 % des
Ce 3e recours s'adresse à des enfants et adolescents présentant cas à 3 mois, dans la moitié à deux tiers des cas à 12 mois.
une obésité sévère avec de multiples échecs ± des comorbidités
dans un contexte psychosocial défavorable, avec ± des troubles Diagnostic clinique
du comportement alimentaire et le (pédo)psychiatre a un rôle L'enfant est examiné en décubitus dorsal (puis éventuelle-
primordial. Ces situations requièrent aussi le plus souvent de ment en tailleur). En l'absence de testicule intrascrotal, la
travailler avec le secteur social de proximité afin de proposer, en palpation recherche la présence des testicules depuis l'épine
fonction de la situation, une aide éducative ± une travailleuse iliaque antérieure, puis le long du canal inguinal, jusque dans
d'intervention sociale et familiale. Des séjours prolongés en la région scrotale haute. Si le testicule est finalement palpé,
SSR sur l'année scolaire peuvent être proposés d'autant plus si sa position, sa consistance, son volume, la possibilité d'abais-
l'enfant est déscolarisé. Des expérimentations d'hospitalisation à sement manuel, le caractère uni ou bilatéral sont appréciés.
domicile afin de travailler avec la famille les causes de(s) échec(s) On recherche des anomalies associées locorégionales
ont été proposées. Dans le cadre du 3e recours, une expérimen- (encadré 14.8) ou plus générales (encadré 14.9).
tation nationale OBEPEDIA (programme pour enfants et ado-
lescents en situation d'obèse complexes) en lien avec la DGOS Encadré 14.8 Recherche d'anomalies
et la CNAM dans le cadre du financement d'expérimentations locorégionales associées à la cryptorchidie
et d'innovation en santé commence en 2019 dans plusieurs
CSO/CIO. Dans les cas extrêmes, la chirurgie bariatrique peut ■
Anomalie de la verge :
être discutée et nécessite la mise en place d'une transition avec – micropénis, soit une verge < 2–2,5 cm de longueur à la
l'équipe adulte experte. La décision de chirurgie doit être prise naissance, < 4 cm entre 6 et 12 ans, et < 9 cm à la puberté
par un CSO pédiatrique en suivant les procédures détaillées de – hypospadias
la fiche de synthèse élaborée et diffusée par l'HAS. – coudure de la verge
■
Hernie inguinale
Conclusion ■
Anomalie scrotale : hypoplasie scrotale, hydrocèle
■
Anomalie périnéale : malformation anorectale, malformation
L'obésité est une pathologie complexe qui nécessite une prise en
spinale
charge sur le long terme. La réussite de la prise en charge passe
352 Partie II. Spécialités
Évoquer :
Déficit en 21-hydroxylase Évoquer : – Klinefelter (47XXY ou variants)
Chez une fille : urgence – Hypogonadisme hypogonadotrope – Mosaïque 45X/46XY
thérapeutique – Panhypopituitarisme – Autres dysgénésies gonadiques
– Klinefelter (47XXY ou variants) – Trouble de synthèse ou de réceptivité
– Mosaïque 45X/46XY aux androgènes
indétectables, jusque vers 15 jours, où elles seront à Pathologie des surrénales
nouveau détectables : cette sécrétion de gonadotro-
phines et de testostérone dure 2 à 3 mois, et est appelée Claire Bouvattier
mini-puberté. Une fois passée la période néonatale, la La synthèse des hormones surrénaliennes a lieu dans les
mini-puberté est une période propice à l'exploration glandes surrénales, composées de 3 zones (fasciculée, glo-
de l'axe gonadotrope (idéalement vers 3 semaines, puis mérulée, réticulée) qui assurent, à partir d'un précurseur
6 semaines). unique, le cholestérol, la synthèse :
■ des glucocorticoïdes, dont le métabolite actif final est le
cortisol, sous le contrôle de l'ACTH hypophysaire. Le
Physiopathologie – Étiologies cortisol a des effets multiples parmi lesquels : la stimu-
lation de la néoglucogenèse (effet hyperglycémiant), la
La descente intra-abdominale débute à 12 semaines de gros- stimulation du catabolisme protidique, la stimulation de
sesse et est dépendante de l'action de l'hormone INSL3, pro- la lipogenèse et de la lipolyse, l'inhibition de la sécrétion
duite par la cellule de Leydig, au niveau du gubernaculum d'hormone antidiurétique, une action stimulante sur le
testis. La phase inguinoscrotale est dépendante des gonado- système nerveux central, des effets anti-inflammatoires,
trophines et de la testostérone. une stimulation du tonus vasculaire et un effet minéralo-
Les différentes étiologies à évoquer devant une cryptor- corticoïde à forte dose ;
chidie bilatérale sont les suivantes : ■ des minéralocorticoïdes (sous le contrôle de la rénine et
■ hyperplasie congénitale des surrénales chez une fille de l'ACTH), dont le métabolite actif final est l'aldosté-
46,XX ; rone et dont les effets principaux sont la rétention sodée
■ anorchidie (AMH effondrée) ; et l'excrétion de potassium, sous le contrôle de la rénine ;
■ hypogonadisme hypogonadotrope congénital (± micro- ■ des androgènes surrénaliens dont les principaux sont le
pénis sans hypospadias) ; DHEA et la Δ4-androstènedione.
■ insuffisance testiculaire (syndrome de Klinefelter
47,XXY) ;
■ anomalie du développement génital (micropénis et
Insuffisances surrénaliennes
hypospadias) (les désordres de la différenciation génitale L'insuffisance surrénalienne (IS) est une pathologie
nécessitent une prise en charge spécialisée immédiate et très rare en pédiatrie. Elle entraîne une carence en cor-
ne sont pas développés dans l'ouvrage). tisol et/ou aldostérone. On parle d'IS primaire lorsque
La cryptorchidie est parfois un des éléments d'un syndrome l'atteinte est surrénalienne : l'ACTH est alors élevée. On
polymalformatif et de syndromes génétiques (Prader-Willi, appelle IS secondaire l'insuffisance corticotrope d'origine
Bardet-Biedl, trisomie 21, Noonan, etc.). hypothalamique ou hypophysaire : l'ACTH plasmatique
Par ordre de fréquence, les causes les plus fréquemment est normale ou basse, inappropriée au taux de cortisol.
retrouvées dans les cryptorchidies bilatérales sont les muta-
Diagnostic clinique
tions du gène du récepteur d'INSL3 (RXFP2, non recherché
en pratique courante), le syndrome de Klinefelter et les défi- En période néonatale et chez le nourrisson, la symptomato-
cits gonadotropes. On trouve une cause dans moins de 20 % logie de l'IS aiguë (ISA) est bruyante mais peu spécifique.
des cas. L'implication de perturbateurs endocriniens a été ■ Le déficit glucocorticoïde entraîne :
suspectée. – des hypoglycémies parfois responsables de convulsions ;
– un ictère persistant ;
– une hypotension.
■ Le déficit minéralocorticoïde (perte de sel) peut se révé-
Prise en charge thérapeutique ler par :
La prise en charge thérapeutique précoce des testicules – une mauvaise prise pondérale, la non-reprise du poids
non descendus persistant au-delà des 6 premiers mois se de naissance, des difficultés à téter ;
justifie par les risques d'infertilité et de dégénérescence – des vomissements, des diarrhées ;
maligne testiculaire post-pubertaire. Toute cryptorchidie – une déshydratation (avec hyponatrémie et hyperkaliémie) ;
nécessite ainsi un abaissement du testicule en position – un collapsus cardiovasculaire (par déshydratation) ;
intrascrotale. – une hypotonie, des convulsions.
Le traitement médical de la cryptorchidie n'est plus Chez le grand enfant et l'adolescent, l'ISA est inaugurale ou
recommandé, mais peut être discuté si un déficit gonado- liée à la décompensation d'une IS connue.
trope a été mis en évidence : l'administration de gonadotro- ■ Le déficit glucocorticoïde entraîne des hypoglycémies,
phines recombinantes, en reproduisant l'effet de la LH qui une hypotension.
a fait défaut dans le déficit gonadotrope, peut permettre la ■ Le déficit minéralocorticoïde peut se révéler par :
migration terminale du testicule. – des douleurs abdominales, des vomissements, la
La prise en charge de la cryptorchidie est chirurgicale diarrhée ;
avant tout : orchidopexie avant 12–18 mois. La première – une déshydratation (avec hyponatrémie et hyperkaliémie) ;
consultation avec le chirurgien doit avoir lieu idéalement – des troubles hémodynamiques.
dès l'âge de 6 mois. L'orchidopexie réduit mais n'annule Chez l'enfant et l'adolescent, l'IS chronique (ISC) est respon-
pas complètement le risque futur d'infertilité et de cancer sable d'une clinique très peu spécifique. La mélanodermie
testiculaire. (excès d'ACTH) signe l'origine surrénalienne.
354 Partie II. Spécialités
■ Le déficit glucocorticoïde chronique entraîne : Ce terme désigne les déficits enzymatiques de la stéroïdoge-
– une asthénie, des douleurs abdominales ; nèse, transmis sur le mode autosomique récessif.
– des hypoglycémies récurrentes au stress ; ■ Le déficit en 21-hydroxylase, dans sa forme classique, est
– une hypotension. le plus fréquent (> 95 % des HCS). Il touche un nouveau-
■ Le déficit minéralocorticoïde chronique peut se révéler né sur 15 000 et est dépisté en France par le dosage de la
par : 17OH-progestérone sur papier buvard à la maternité (le
– une asthénie ; résultat du dépistage est en général connu entre J6 et J10).
– des troubles digestifs : anorexie, douleurs abdomi- Il s'accompagne :
nales, vomissements ; – d'un déficit en cortisol et en aldostérone le plus sou-
– une perte de poids ; vent, avec un excès de production d'androgènes ;
– une hypotension orthostatique. – d'une IS néonatale (se manifestant le plus souvent
après 5 jours de vie) ;
– d'anomalies des organes génitaux externes chez les
Diagnostic biologique
filles (depuis une hypertrophie clitoridienne jusqu'à
Quand le diagnostic est évoqué, en urgence, on doit rechercher : un aspect masculin sans gonade palpée, selon la clas-
■ une hypoglycémie ; sification de Prader), pas chez les garçons (les organes
■ une hyponatrémie avec natriurèse normale (Na urinaire génitaux externes du garçon sont normaux).
> 20 mmol/L, donc inadaptée) ou augmentée ; Le dosage de la 17OH-progestérone, très élevée, confirme
■ une hyperkaliémie (responsable d'ondes T amples à le diagnostic.
l'ECG) ; ■ Les autres HCS responsables d'IS sont très rares.
■ une acidose métabolique. ■ L'hypoplasie congénitale des surrénales est très rare :
Chez le nouveau-né et jusqu'à 3 mois, en l'absence de rythme elle peut être due à une mutation du gène DAX (sur
circadien de la sécrétion de cortisol durant les premiers l'X), responsable d'une IS du garçon (et également d'un
mois de vie, il faut savoir répéter les dosages de cortisol de déficit gonadotrope), plus rarement à une mutation de
base et éventuellement instaurer un traitement en réalisant à SF1 (responsable également d'une dysgénésie gona-
distance une nouvelle évaluation par un test au Synacthène® dique chez un sujet 46,XY, avec anomalies des organes
(tétracosactide). génitaux).
En dehors de la période néonatale, la sécrétion du cortisol suit ■ L'hémorragie néonatale bilatérale des glandes surrénales
un rythme nycthéméral, maximale à 8 h et minimale à minuit. est très rarement responsable d'IS.
■ Le diagnostic positif d'IS primaire est posé sur (encadré 14.10) : ■ Le déficit corticotrope, très rare chez le nouveau-né, est
– un cortisol à 8 h bas, une ACTH élevée ; souvent associé à d'autres déficits antéhypophysaires
– une aldostérone basse, une rénine élevée. (tableau 14.12).
Le bilan biologique ne doit pas retarder le traitement
(prélever le bilan avant de traiter).
■ Le diagnostic positif d'IS secondaire est posé sur un cor- Tableau 14.12 Insuffisances surrénaliennes (IS)
tisol bas et une ACTH normale ou basse (inadaptée). primaires et secondaires : signes évocateurs
chez un nouveau-né ou un nourrisson.
Causes IS primaire Insuffisance
corticotrope
Chez le nouveau-né et le nourrisson IS secondaire
L'IS est congénitale et génétique, essentiellement représen- Circonstances Dépistage néonatal Anomalie ligne
tée par les hyperplasies congénitales des surrénales (HCS). possibles conduisant HCS médiane
au diagnostic
Signes cliniques Hypotonie ± convulsions (hypoglycémie)
Ictère cholestatique du nouveau-né
Encadré 14.10 Valeurs seuils Perte poids, Pas de perte de sel
de cortisolémie dans la suspicion déshydratation (car la production
diagnostique d'insuffisance surrénalienne (perte de sel) d'aldostérone est
préservée)
La disparité des mesures par les différents kits/méthodes
Signes cliniques Anomalie des Micropénis,
de dosage du cortisol interdit de définir des valeurs seuils
associés possibles organes génitaux cryptorchidie (par
universelles. On propose à titre indicatif qu'une cortisolémie externes (désordre déficit gonadotrope)
basale mesurée entre 7 et 8 h le matin : de la différenciation
■
> 18 μg/dL (500 nmol/L) rend le diagnostic d'IS improbable ; génitale)
■
< 5 μg/dL (138 nmol/L) rend le diagnostic d'IS très probable ; Biologie Hypoglycémie Hypoglycémie,
■
entre 5 et 18 μg/dL (138–500 nmol/L) rend nécessaire un test Hyponatrémie hyponatrémie (de
de stimulation au Synacthène® (tétracosactide). (par déplétion), dilution)
Si, sous Synacthène®, le cortisol reste 30 ou 60 minutes après hyperkaliémie
l'injection < 18 μg/dL (500 nmol/L), le diagnostic d'IS peut être ± acidose
retenu et il n'est pas nécessaire de réaliser d'autre test. HCS : hyperplasie congénitale des surrénales.
Chapitre 14. Endocrinologie 355
Fig. 14.13 Tumeur de la surrénale droite (scanner) chez une fille de 4 ans avec pilosité et hypertrophie clitoridienne.
Saignement prépubertaire
■
Saignement vulvaire : vulvite, lichen plan scléreux,
traumatisme (abus ?), prolapsus de l'urètre, angiome vulvaire
■
Saignement vaginal : corps étranger, tumeur cervicovaginale
(rhabdomyosarcome)
Saignement avec imprégnation hormonale
■
Puberté précoce centrale
■
Kyste ovarien
Fig. 14.15 Examen génital : traction douce en bas et en dehors ■
Tumeur de la granulosa
des grandes lèvres.
Chapitre 14. Endocrinologie 359
Jour de règles
1 point/
tampon ou bande
5 points/
tampon ou bande
20 points/
tampon ou bande
FSH : Follicle Stimulating Hormone ; β-hCG : human Chorionic Gonado- Bilan clinique et paraclinique
trophin ; LH : Luteinizing Hormone ; NFS : numération formule sanguine ; L'examen gynécologique n'est pas nécessaire. Il faut réa-
TCA : temps de céphaline activée ; TP : taux de prothrombine ; TS : temps
de saignement. liser un examen général complet avec une mesure de la
pression artérielle, une évaluation de l'indice de masse
corporelle, une palpation mammaire. Le bilan biologique
Étiologies peut se faire à l'initiation de la mise en place d'une COEP
Ménorragies fonctionnelles (90 %) ou dans les 3 à 6 mois de son utilisation. Il comporte : une
glycémie à jeun et le dosage des triglycérides et du choles-
Elles sont dues aux fluctuations des taux d'œstradiol et à l'in-
térol. Ce bilan, en l'absence d'anomalie, est à reprogram-
suffisance lutéale relative. Il s'agit d'un diagnostic d'exclusion.
mer tous les 5 ans.
Maladie modérée de l'hémostase (10 %) Choix de la méthode contraceptive
Il s'agit de la maladie de Willebrand le plus souvent, puis
La COEP est la méthode la plus prescrite à l'adolescence.
des anomalies des fonctions plaquettaires (thrombasthénie
Elle correspond généralement à une demande de la patiente
de Glanzmann, maladie de Bernard-Soulier). Les déficits en
et à des effets d'accompagnement favorables : diminution
facteurs de coagulation ainsi que les maladies acquises de
de la dysménorrhée, des signes d'hyperandrogénie, du flux
l'hémostase telles que les thrombopénies centrales ou péri-
menstruel. Le médecin doit s'assurer de l'absence de contre-
phériques peuvent être retrouvées.
indications à la prescription des COEP (encadré 14.14).
L'HAS recommande clairement la prescription d'une pilule
Traitement de 2e génération en 1re intention en rapport avec un risque
■ Éducation et réassurance sur cette situation classique à plus faible de thrombose veineuse profonde.
l'adolescence. ■ La méthode double doit être favorisée : COEP et utilisa-
■ Antifibrinolytiques (acide tranexamique) pendant les tion du préservatif, seule méthode préventive des IST.
périodes de règles : 2 à 4 g/j per os ou en cas d'hémorragie ■ L'implant (étonogestrel) peut être proposé devant un
active et/ou d'anémie sévère : 1 g/6–8 h IVL. défaut d'observance ou après interruption volontaire de
■ Traitement hormonal : grossesse. Il peut s'agir d'une demande de l'adolescente.
– en cas de forme sévère avec Hb < 8 g/dL et en l'ab- Il faut éliminer les contre-indications : accident throm-
sence de contre-indication à une contraception orale boembolique veineux évolutif, pathologie hépatique
œstroprogestative (COEP), une CO dosée à 30 μg grave, tumeur maligne hormonosensible, et s'assurer de
Chapitre 14. Endocrinologie 361
< 12 heures pour contraception orale œstroprogestative > 12 heures pour contraception orale œstroprogestative
< 3 heures pour microprogestatifs (sauf désogestrel) > 3 heures pour microprogestatifs (sauf désogestrel)
Étiologies
Encadré 14.15 Principaux signes
et symptômes de l'hypothyroïdie congénitale Dysgénésies thyroïdiennes
Les anomalies de développement de la thyroïde corres-
■
Difficultés à la succion, hypotonie, léthargie pondaient historiquement à 85 % des étiologies, mais
■
Constipation, ballonnement abdominal, hernie ombilicale actuellement leur proportion est de l'ordre de 50 % (en
■
Hypothermie nombre absolu, sans modification, mais augmentation du
■
Fontanelle antérieure très large, persistance de la fontanelle nombre des hypothyroïdies glande en place). On distingue
postérieure les athyréoses (30 % des cas de dysgénésies, avec loge cervi-
■
Ictère néonatal retardé et persistant, cale vide en échographie, absence de fixation thyroïdienne
■
Traits épais, macroglossie, voix rauque en scintigraphie et valeur effondrée de la thyroglobuline),
■
Bradycardie les ectopies (65 % des cas de dysgénésies, avec loge cervicale
■
Persistance du lanugo, exagération du livedo physiologique, vide en échographie, mais fixation thyroïdienne anormale-
xérose cutanée ment située en scintigraphie, base de langue le plus souvent,
et thyroglobuline détectable), les hypoplasies de la glande
thyroïde (qui font suspecter une mutation du récepteur de la
Historiquement, lorsque les nouveau-nés n'étaient pas TSH), et les autres malformations (hémithyroïde, etc.).
dépistés, et donc pas substitués, ils évoluaient vers un Les dysgénésies thyroïdiennes sont le plus souvent spora-
retard de croissance sévère et surtout un retard des acqui- diques mais il existe 2 % de formes familiales : ceci indique
sitions psychomotrices, puis un retard mental profond une origine génétique au moins dans certains cas, de trans-
irréversible. mission autosomique récessive ou dominante.
maintenir la TSH dans la moitié inférieure de la norme. L'agitation et l'insomnie peuvent orienter à tort vers une
La surveillance biologique du traitement repose sur un pathologie psychiatrique primitive. Enfin, la tachycardie et
dosage de la TSH tous les 6 mois jusqu'à la fin de la crois- l'essoufflement peuvent orienter à tort les investigations vers
sance, puis annuellement. La palpation régulière de la thy- des anomalies cardiaques ou rythmiques primitives.
roïde est indispensable à la recherche d'éventuels nodules Le délai diagnostique est souvent assez court, de l'ordre
thyroïdiens. de quelques semaines, parfois quelques mois.
Cliniquement, on note dans 50 % des cas un goitre
Hypothyroïdie centrale (homogène, vasculaire).
Le déficit thyréotrope est soit congénital, soit acquis. Les L'exophtalmie sévère est rare chez l'enfant. Si le diagnos-
formes acquises de déficit thyréotrope sont secondaires soit tic tarde, une accélération de la vitesse de croissance et une
à une lésion tumorale soit à une chirurgie de la région hypo- avance de maturation osseuse peuvent s'observer.
thalamo-hypophysaire, soit séquellaire d'une radiothérapie
cérébrale. Dans ces formes acquises, le déficit thyréotrope Confirmation diagnostique et bilan étiologique
n'est quasiment jamais isolé mais associé à un autre déficit La confirmation diagnostique repose sur un taux de TSH
antéhypophysaire et/ou un diabète insipide. Le déficit thyréo- indétectable et la présence d'anticorps antirécepteurs de la
trope congénital est d'origine génétique. Il est très rarement TSH. La mesure des hormones thyroïdiennes T3L et T4L
isolé (1/50 000 naissances). Le plus souvent, il est associé à permet d'évaluer la sévérité de l'hyperthyroïdie. Les anti-
d'autres déficits hypophysaires, à des anomalies malforma- TPO sont également positifs.
tives ou bien à des syndromes génétiques plus complexes L'échographie thyroïdienne permet de visualiser un
(1 naissance sur 10 000 à 40 000). Les déficits thyréotropes goitre. Le parenchyme thyroïdien est en général hypervas-
congénitaux ne peuvent être diagnostiqués au dépistage néo- cularisé et homogène. La scintigraphie n'est pas indiquée
natal (puisque la TSH est en général normale ou basse). dans ce contexte d'auto-immunité.
Sur le plan biologique, le déficit thyréotrope est évoqué
devant des taux d'hormones thyroïdiennes bas contrastant Étiologies
avec un taux normal ou bas de TSH. Maladie de Basedow
Le traitement repose sur l'administration de lévothy-
roxine, soit sous la forme de gouttes, soit le plus souvent en C'est elle qui a été détaillée ci-dessus. Des anticorps recon-
comprimés, en 1 prise le matin à jeun, à une posologie en naissant le site de liaison de la TSH sur la cellule thyroïdienne
général moindre que dans les hypothyroïdies primaires. Le et capables de l'activer sont présents : les anticorps antiré-
traitement est ajusté selon les dosages de la T4L obtenus 4 à cepteurs de la TSH. Les taux élevés d'anticorps résultent en
6 semaines après le démarrage du traitement ou toute adap- la production anormalement élevée de T3L et de T4L, et en
tation thérapeutique. L'objectif thérapeutique est de mainte- l'augmentation de volume de la thyroïde. Elle est plus fré-
nir la T4L dans la moitié supérieure de la norme. La mesure quente chez la fille, à l'adolescence. Les formes prépubères, ou
de la TSH sous traitement est inutile. survenant chez des sujets non caucasiens, sont plus sévères.
Nodule toxique
Hyperthyroïdie
L'hyperthyroïdie est en général peu ou pas symptomatique,
L'hyperthyroïdie est due à une augmentation de la sécrétion le diagnostic étant le plus souvent porté devant la palpation
des hormones thyroïdiennes. Dans la majorité des cas, il d'un nodule thyroïdien (cf. infra Nodule thyroïdien). Le
s'agit d'une maladie auto-immune, la maladie de Basedow bilan biologique montre une hyperthyroïdie : T3L et T4L
(incidence annuelle chez l'enfant en France : 5/100 000). augmentées, TSH abaissée. L'échographie thyroïdienne
C'est elle que nous détaillerons ci-dessous. montre un nodule thyroïdien unique. La scintigraphie thy-
roïdienne est ici indiquée : elle montre un foyer d'hyperfixa-
Signes cliniques tion correspondant au nodule palpé, tandis que le reste du
Les symptômes d'hyperthyroïdie sont détaillés dans parenchyme est hypofixant. Le traitement est chirurgical et
l'encadré 14.17. consiste en l'exérèse du nodule thyroïdien. Une mutation
somatique dans le nodule est en général retrouvée, soit dans
le gène TSHR, soit, moins souvent, dans le gène GNAS.
Encadré 14.17 Signes et symptômes
d'hyperthyroïdie Autres étiologies plus rares
Elles sont indiquées dans le tableau 14.13.
■
Amaigrissement, augmentation de l'appétit
■
Tachycardie (80 %), palpitations, intolérance à l'effort, Une situation particulière à connaître :
tremblements le nouveau-né de mère basedowienne
■
Nervosité, irritabilité, hyperactivité, difficultés de sommeil,
Une hyperthyroïdie peut survenir chez le nouveau-né dont
agitation psychomotrice
la mère a une maladie de Basedow (même si celle-ci est
■
Hypersudation, thermophobie
guérie ou a eu un traitement radical par thyroïdectomie ou
■
Baisse des résultats scolaires
irathérapie), par passage transplacentaire d'anticorps thy-
■
Goitre (50 %)
réostimulants d'origine maternelle (ils peuvent être présents
■
Rétraction de la paupière supérieure, éclat du regard (60 %)
après traitement radical de la mère).
Chapitre 14. Endocrinologie 365
Dans ces situations, il est important de rechercher des traitement est poursuivi à l'identique au moins 3 ans avant
anticorps anti-TSHR chez la mère et, en cas de positivité, de tenter de l'interrompre. Le risque de récidive de l'hyper-
chez l'enfant (avec bilan thyroïdien T4L, T3L, et TSH à J3). thyroïdie est de 50 % à l'arrêt du traitement. Il faut alors
L'hyperthyroïdie est transitoire, s'atténue progressivement reprendre le traitement médical selon les mêmes modalités
jusqu'à ce que les anticorps maternels disparaissent (cela avant d'envisager un traitement radical par thyroïdectomie
peut prendre 1 à 3 mois). totale ou iode 131. Il existe un risque faible d'agranulocy-
L'hyperthyroïdie peut être sévère, dominée par la gravité tose ou d'hépatite. La numération doit donc être contrô-
des signes cardiaques ou généraux, la perte de poids et un lée avant la mise sous traitement, et en urgence en cas de
risque ultérieur de craniosténose. Chez une mère recevant fièvre, angine, fatigue intense, et le bilan hépatique doit être
des antithyroïdiens de synthèse, l'hyperthyroïdie clinique contrôlé avant la mise sous traitement, puis en cas d'ictère et,
peut apparaître uniquement après l'élimination de ceux-ci si besoin, le traitement doit être interrompu. L'effet secon-
du sang du nouveau né, soit après J5 (attention à la fausse daire le plus fréquent est le rash cutané d'origine allergique.
réassurance d'une clinique et d'un bilan normaux à J3). Elle
peut se manifester dès la période fœtale par l'apparition d'un
goitre et d'une tachycardie fœtale, un retard de croissance
Goitre
intra-utérin. Nous évoquons ici la situation où le signe d'appel est uni-
En cas de signes cliniques d'hyperthyroïdie postnatale, quement un goitre. Le goitre correspond à une hypertrophie
un traitement par antithyroïdiens de synthèse est indiqué diffuse de la thyroïde. La thyroïde normale n'est pas facile-
pendant 1 à 3 mois. En l'absence d'hyperthyroïdie clinique ment palpable, sous le cartilage cricoïde : on considère que
mais en présence d'anticorps stimulants, une surveillance le volume d'un lobe thyroïdien correspond approximative-
clinique et biologique est indiquée jusqu'à négativation des ment à la dernière phalange du pouce de l'enfant. Augmen-
anticorps maternels. tée de volume, elle devient facilement palpable et mesurable.
Un goitre est retrouvé chez près de 3 % des adolescents
Traitement de la maladie de Basedow (étude de palpation systématique).
Le traitement de la maladie de Basedow repose sur les anti-
thyroïdiens de synthèse : carbimazole (Néomercazole ®) Évaluation clinique
à la posologie de 10 à 30 mg/j en 1 prise (0,5 mg/kg/j) ou La palpation cervicale doit s'attacher à évaluer la taille du
thiamazol (Thyrozol®) en 1 prise. Le propylthio-uracile est goitre, la consistance (souple, ferme, dure, élastique), la
contre-indiqué chez l'enfant. La dose d'attaque permet de sensibilité du goitre (indolore ou douloureux), le carac-
normaliser la T3L et la T4L le plus souvent en 4-6 semaines. tère homogène ou nodulaire du parenchyme thyroïdien, le
Puis la dose est réduite jusqu'à la dose minimale efficace. caractère soufflant ou non du goitre à l'auscultation (souffle
La TSH reste longtemps freinée (3 mois en moyenne). Le systolodiastolique). L'examen clinique recherche les signes
366 Partie II. Spécialités
Traitement Étiologies
Le traitement dépend de l'étiologie du goitre, de l'existence Elles sont résumées dans le tableau 14.14.
d'une dysthyroïdie. Dans une thyroïdite de Hashimoto et les Les facteurs de risque d'apparition de nodule thyroïdien
autres causes d'hypothyroïdie, la substitution en lévothy- sont l'irradiation cervicale dans le cadre du traitement d'une
roxine est débutée en cas d'hypothyroïdie biologique (TSH tumeur maligne extrathyroïdienne (bien plus que l'exposi-
> 8 mUI/L) ou bien lorsque le goitre est très volumineux. tion cervicale aux radiations ionisantes environnementales),
Dans les goitres colloïdes, aucun traitement n'est utile. les syndromes de prédisposition génétique aux tumeurs,
Les goitres multinodulaires nécessitent des investigations l'existence d'une auto-immunité thyroïdienne et les troubles
spécialisées. de l'hormonosynthèse thyroïdienne.
Chapitre 14. Endocrinologie 367
Tableau 14.14 Causes des nodules thyroïdiens. est prescrite à vie, l'objectif thérapeutique étant le plus
souvent d'obtenir une TSH inférieure à 0,5 mUI/L, voire à
Types de nodule Étiologies
0,1 mUI/L. La surveillance au long cours est dictée par le
Nodule isolé Adénome bénin stade TNM et la nature du cancer et repose sur la clinique,
Kyste le bilan thyroïdien, le dosage de la thyroglobuline ou de la
Cancer
calcitonine, l'échographie cervicale, le test au Thyrogen®
Nodule associé à une Nodule toxique (mutation GNAS ou TSHR) (thyrotropine alfa) sur thyroglobuline (TSH recombinante).
hyperthyroïdie Cancer (rare) Le pronostic est dans la majorité des cas excellent, encore
Maladie de Basedow
meilleur que chez l'adulte.
Nodule associé à une Thyroïdite de Hashimoto
hypothyroïdie Trouble de l'hormonosynthèse
Cancer Anomalies mineures de la fonction
Nodule au sein d'un Thyroïdite de Hashimoto thyroïdienne dans un contexte
goitre Séquelles de radiothérapie cervicale de surpoids ou d'obésité
Syndrome de prédisposition génétique
Cancer
Chez l'enfant comme chez l'adulte, en situation de surpoids
ou d'obésité, on observe très fréquemment des taux de TSH
supérieurs à la norme (mais en général toujours < 8 mUI/L)
Cas particulier des cancers thyroïdiens associés à des taux de T4L dans les normes et des taux de
T3L dans la norme supérieure ou discrètement augmentés.
Les cancers papillaires de la thyroïde représentent plus de
Ces modifications du bilan thyroïdien doivent être com-
90 % des cas de cancers thyroïdiens de l'enfant. Ils se carac-
prises comme des conséquences du surpoids plutôt qu'une
térisent par une fréquence élevée de dissémination à distance
cause ! Elles ne justifient d'aucun traitement hormonal
chez l'enfant (> 70 % des cas). Les cancers folliculaires sont
substitutif. Il n'est pas recommandé de contrôler le bilan
peu fréquents. Les cancers médullaires de la thyroïde, les can-
thyroïdien chez un enfant en surpoids ou obèse en l'absence
cers peu différenciés et les cancers anaplasiques sont rares.
de goitre ou de signe avéré d'hypothyroïdie (frilosité).
Le facteur de risque principal est l'antécédent d'irradia-
tion cervicale, les enfants les plus radiosensibles étant âgés
de moins de 5 ans (d'où la surveillance thyroïdienne systé- Explorations thyroïdiennes
matique en cas de tumeur crânienne avec irradiation cra- Bilan biologique
niospinale, type médulloblastome).
Des syndromes génétiques prédisposent à la survenue
Bilan thyroïdien
de cancers thyroïdiens : les formes familiales de carci- Il comporte le dosage de la TSH plasmatique par des tech-
nome médullaire de la thyroïde isolé, les néoplasies endo- niques ultrasensibles. Moins de 2 heures après la naissance
criniennes multiples de type 2, la polypose adénomateuse se produit un pic de sécrétion de TSH, décroissant rapide-
familiale, le complexe de Carney, le syndrome DICER1, le ment en 3 jours. Passé le 1er mois, les normes sont ensuite
syndrome de Cowden, le syndrome de Werner, etc. celles des adultes. La mesure de la TSH est utile en cas de
suspicion d'hypothyroïdie primaire, congénitale ou non,
Traitement lors de la surveillance d'une hypothyroïdie primaire traitée,
ou en cas de suspicion d'hyperthyroïdie.
Nodule thyroïdien Le bilan thyroïdien comporte également le dosage de la
Le traitement est adapté à l'étiologie du nodule. L'ablation thyroxine ou tétra-iodothyronine dans sa forme libre (T4L).
chirurgicale du nodule (isthmolobectomie le plus souvent) Il est utile en cas de suspicion d'hypothyroïdie primaire (lors
est indiquée en cas de nodule toxique, de nodule volumi- de la phase diagnostique, mais pas lors du suivi), d'hypothy-
neux (> 2 ou 4 cm) ou compressif, de nodule grossissant roïdie secondaire (lors de la phase diagnostique et durant
rapidement, de résultat indéterminé ou douteux à la cyto- le suivi), ou en cas de suspicion d'hyperthyroïdie (phase
ponction. Si la cytoponction est fortement suspecte de mali- diagnostique, et suivi jusqu'à normalisation de la TSH).
gnité, le traitement correspond à une thyroïdectomie totale. Le dosage de sa forme active libre, la tri-iodothyronine libre
Une surveillance clinique et échographique, éventuelle- (T3L), n'est réservé qu'aux situations d'hyperthyroïdie et de
ment associée à un contrôle de la cytoponction, est néces- résistance aux hormones thyroïdiennes.
saire si le résultat de la cytoponction était bénin (car la À la naissance, en parallèle du pic de TSH se produit
sensibilité de la cytoponction n'est pas de 100 % pour le un pic de T4, décroissant très rapidement en moins de
diagnostic de cancer). 72 heures. Les taux circulants normaux de T3 et de T4
restent plus élevés chez les enfants âgés de moins de 2 ans,
Cancer thyroïdien par comparaison aux enfants plus âgés et aux adultes. Les
Le traitement est forcément chirurgical. Il consiste le plus enfants de plus de 2 ans ayant des valeurs de T3L et de T4L
souvent en une thyroïdectomie totale associée à un curage comprises dans les normes adultes (tableau 14.15).
ganglionnaire central (en cas de forme papillaire). Les com-
plications sont dominées par l'hématome cervical, la para- Auto-immunité thyroïdienne
lysie récurrentielle et l'hypoparathyroïdie. Un traitement La mesure des anticorps anti-TPO (et parfois celui des anti-
complémentaire par iode 131 est discuté en fonction de la corps antithyroglobuline) est utile au diagnostic de thyroï-
classification TNM. Une substitution par lévothyroxine dite de Hashimoto.
368 Partie II. Spécialités
Âge TSH (mUI/L) T4L (pmol/L) La calcémie est tellement essentielle à la vie cellulaire que
la calcémie extracellulaire doit être maintenue dans une
1 semaine 0,6–5,6 12–52
fourchette très étroite (2,25 à 2,65 mmol/L) qui ne varie
1 mois 0,6–5,6 13–44 pas au cours de la vie extra-utérine. Sa concentration
6 mois 0,6–5,6 13–32 dépend de l'absorption intestinale du calcium (elle-même
1 an 0,6–5,5 14–28 en grande partie fonction de la concentration circulante en
1,25(OH)2D), de la sécrétion de parathormone (PTH), de la
2 ans 0,6–5,5 14–26
production et l'action de la vitamine D, des échanges entre
12 ans 0,5–5 12–23 le squelette et le secteur extracellulaire et du transport rénal
15 ans 0,5–5 12–23 de calcium. La croissance, associée à d'importants besoins
en calcium et en phosphore, impose des adaptations phy-
siologiques incluant l'augmentation de la production de la
Dans la population générale des adolescents, des anticorps 1,25(OH)2D sous l'influence des IGF (Insulin-like Growth
antithyroïdiens peuvent être retrouvés dans 5 % des cas, plus Factors), des stéroïdes sexuels, de la potentialisation de l'ab-
souvent chez les filles (sans hypothyroïdie en général). sorption intestinale et de la réabsorption rénale du calcium.
La mesure des anticorps antirécepteurs de la TSH
(TRAK) est utile en cas de suspicion de maladie de Basedow.
Tout savoir sur le prélèvement
Mesure de la thyroglobuline de la calcémie et les normes
Le dosage de la thyroglobuline, protéine produite par les cel- La calcémie totale peut être utilisée dans la majorité des
lules folliculaires de la thyroïde nécessaire à la synthèse des situations.
hormones thyroïdiennes, est indiqué lors du dépistage néo- Les formules pour corriger la calcémie ne sont pas adaptées,
natal de l'hypothyroïdie congénitale (principalement pour le et ne doivent pas être utilisées, lorsque l'albuminémie est
diagnostic d'athyréose, plus rarement celui de mutation du normale.
gène de la thyroglobuline) et après thyroïdectomie totale pour Dans les hypo-/hyperalbuminémies, il est possible d'utiliser
le suivi évolutif des cancers thyroïdiens (la thyroglobuline doit des formules pour corriger la calcémie totale mesurée (ajouter
rester indosable). Elle indique la présence de tissu thyroïdien. 0,25 mmol/L de calcium total pour 10 g/L de perte d'albumine) :
Hyperhydratation
Encadré 14.18 Critères de gravité Elle doit protéger la fonction rénale et favoriser l'élimination
d'une hypercalcémie rénale de calcium. Elle est faite avec du soluté salé isotonique.
■
Calcémie > 3,2 mmol/L ou Ca++>1,7 mmol/L Les diurétiques de l'anse ne sont utilisés que pour inciter la
■
Hypercalcémie mal tolérée cliniquement diurèse après la perfusion de gros volumes liquidiens.
■
Néphrocalcinose à l'échographie
■
Calciurie/créatininurie > 4 mmol/mmol Bisphosphates par voie intraveineuse
Le pamidronate à 1 mg/kg permet de bloquer la résorption
osseuse et la libération de calcium à partir du squelette ; l'effet
Hypercalcémie à PTH normale ou élevée est attendu dans les 24 heures, on peut le renouveler une fois.
(inadaptée à la calcémie)
Elle signe une atteinte primitive des glandes parathyroïdes, Suppression du calcium et de la vitamine D
en particulier, chez l'enfant et surtout l'adolescent, l'hyper- Lorsque l'alimentation est reprise, on peut utiliser chez le
parathyroïdie primaire. nouveau-né et le nourrisson un lait sans calcium et sans
vitamine D, le Locasol®, qui se prescrit sur ordonnance.
Traitement
Calcitonine
Traitement d'urgence Son effet est de courte durée (12 heures) ; elle est utilisée si
Les principes du traitement d'urgence, quelle que soit la les bisphosphonates sont non disponibles ou insuffisam-
cause de l'hypercalcémie, impliquent les éléments suivants. ment efficaces.
372 Partie II. Spécialités
Hypersensibilité à la vitamine D
Recommandations
La cause de l'hypersensibilité à la vitamine D est incon-
nue. Il s'agit d'un diagnostic d'élimination après avoir bien Bilezikian JP, Brandi ML, Eastell R, Silverberg SJ, Udelsman R, Marcocci C,
écarté toutes les autres causes d'hypercalcémie qui ont le et al. Guidelines for the management of asymptomatic primary hyper-
parathyroidism : summary statement from the Fourth International
même profil biologique : hypercalcémie avec hypercalciurie
Workshop. J Clin Endocrinol Metab 2014 ; 99 : 3561–9.
à PTH freinée, dont la 1,25(OH)2D est normale ou élevée, Couper JJ, Haller MJ, Greenbaum CJ, Ziegler AG, Wherrett DK, Knip M,
c'est-à-dire les hypercalcémies secondaires à une mutation et al. ISPAD Clinical Practice Consensus Guidelines 2018 : Stages of
CYP24A1 ou une mutation de SLC34A1, à une cytostétano- type 1 diabetes in children and adolescents. Pediatr Diabetes 2018 ; 19
nécrose, à une granulomatose ou à un syndrome de William (Suppl 27) : 20–7.
et Beuren. Une fois le diagnostic posé, la vitamine D est HAS. Définition des critères de réalisation des interventions de chirurgie
arrêtée, un contrôle de la calciurie/créatinurie est demandé bariatrique chez les moins de 18 ans. Fiche mémo, janvier 2016.
tous les 15 jours à 1 mois. Aucune recommandation n'existe HAS. Surpoids et obésité de l'enfant et de l'adolescent. Recommandations
sur le suivi de cette pathologie. La complication principale de bonne pratique, septembre 2011.
de l'hypersensibilité à la vitamine D est la néphrocalcinose, Khan AA, Hanley DA, Rizzoli R, Bollerslev J, Young JEM, Rejnmark L,
et al. Primary hyperparathyroidism : review and recommendations on
sans que l'on connaisse l'évolution et le retentissement sur la
evaluation, diagnosis, and management. A Canadian and international
fonction rénale à l'âge adulte. L'observation empirique des consensus. Osteoporos Int 2017 ; 28 : 1–19.
patients atteints de l'hypersensibilité à la vitamine D semble Lietman SA, Germain-Lee EL, Levine MA. Hypercalcemia in children and
être la guérison pour la majorité, les délais de normalisation adolescents. Curr Opin Pediatr 2010 ; 22 : 508–15.
de la calcémie et de la calciurie ne sont pas connus. À ce Roizen JD, Shah V, Levine MA, Carlow DC. Determination of reference
jour, la démarche étiologique et thérapeutique doit être celle intervals for serum total calcium in the vitamin D-replete pediatric
des hypercalcémies à PTH basse et 1,25(OH)2D élevée. population. J Clin Endocrinol Metab 2013 ; 98 : E1946–50.
Chapitre
15
Gastroentérologie –
Hépatologie
Coordonné par Thierry Lamireau
PLAN DU CHAPITRE
Douleur abdominale chronique . . . . . . . . . . . . 374 Sang dans les selles chez un nourrisson . . . . . 395
Vomissements chroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . 376 Maladies inflammatoires chroniques
Reflux gastro-œsophagien . . . . . . . . . . . . . . . . 379 de l'intestin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 396
Diarrhée chronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383 Ingestion de corps étranger . . . . . . . . . . . . . . . 398
Constipation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387 Augmentation des transaminases . . . . . . . . . . 400
Maladie cœliaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391 Ictère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 404
Côlon irritable de l'enfant
et de l'adolescent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393
Critères d'organicité ?
Isolées
Non
Oui
Troubles fonctionnels intestinaux
Causes psychologiques
pyrosis RGO
Selles rares Reflux vésico-urétéral
Constipation
et dures Uropathie malformative
Épigastralgies Ulcère GD Lithiase urinaire
rythmée par repas Gastrite Tumeur ou kyste de l'ovaire
à H. pylori Voyage
Parasitose Pathologie rachidienne
Vers dans les selles
intestinale Migraine abdominale
Douleurs Hyperéosinophilie
Pancréatite Épilepsie abdominale
épigastriques
chronique Diarrhée Maladie périodique
transfixiantes Intolérance
Rythmée par la prise Drépanocytose
Douleurs au lactose Saturnisme
de lait
de l'hypocondre Lithiase Dysménorrhée, etc.
droit biliaire Retard de croissance
Ictère Diarrhée, rectorragie
Anémie, inflammation, MICI
etc.
Retard de
croissance Maladie
Diarrhée, anémie cœliaque
Sans inflammation
Fig. 15.1 Orientation diagnostique devant des douleurs abdominales chroniques chez l'enfant. GD : gastroduodénal ; MICI : maladie
inflammatoire chronique de l'intestin ; RGO : reflux gastro-œsophagien.
376 Partie II. Spécialités
Par ailleurs, des nausées ou des vomissements (volon- Des douleurs précédant ou concomitantes de céphalées,
tiers matinaux) peuvent traduire une gastrite à Helicobacter de nausées/vomissements et/ou de phono/photophobie
pylori ou un ulcère gastro-duodénal et faire discuter une doivent faire évoquer le diagnostic de migraine abdominale,
endoscopie. notamment s'il y a des antécédents personnels ou familiaux
En cas de douleurs intenses, épigastriques ou dans l'hy- de migraine. Des accès douloureux associés à des mouve-
pocondre droit, irradiant parfois dans le dos, le dosage des ments anormaux et des troubles de la conscience orientent
enzymes hépatiques et de la lipasémie et une échographie plutôt vers une épilepsie abdominale.
abdominale peuvent confirmer une poussée de pancréatite, Une maladie périodique doit être évoquée en cas de
ou une pathologie biliaire. crises douloureuses abdominales fébriles, parfois pseudo-
chirurgicales, surtout en cas d'antécédents familiaux et selon
Douleurs abdominales chroniques l'origine géographique de la famille.
avec symptômes intestinaux Dans un contexte connu ou évocateur de drépanocytose,
Les symptômes intestinaux regroupent un trouble du des crises douloureuses intenses abdominales ou osseuses
transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux), sont évocatrices de crises vaso-occlusives.
avec des douleurs abdominales souvent spasmodiques et Enfin, des douleurs abdominales associées à une pâleur,
de siège variable. Des douleurs à la défécation, un syn- un retard de développement psychomoteur, des troubles
drome rectal ou des rectorragies peuvent parfois complé- du comportement et/ou des nausées et vomissements sur-
ter le tableau. venant dans un contexte de logement insalubre peuvent
La constipation fonctionnelle est très fréquente chez faire évoquer un saturnisme, confirmé par le dosage de la
l'enfant après la 1re année et peut s'accompagner de douleurs plombémie.
en fosse iliaque gauche ou lors de la défécation. La notion de
selles dures est un élément important à rechercher à l'inter- Douleurs abdominales chroniques
rogatoire et l'alternance avec des selles plus liquides (fausse diffuses et isolées
diarrhée du constipé) ne doit pas écarter ce diagnostic. Contrairement aux idées reçues, les douleurs abdominales
L'examen peut montrer la présence de masses papables tra- fonctionnelles sont fréquentes chez l'enfant. Elles sont plutôt
duisant la stase de matières. La croissance staturo-pondérale périombilicales, d'intensité variable, brèves et répétées dans
est conservée. La disparition des symptômes avec un traite- la journée, mais ne réveillent pas pendant la nuit. L'examen
ment laxatif bien conduit conforte le diagnostic. clinique est strictement normal.
Une diarrhée persistante et un infléchissement pondéral Lorsque ces douleurs sont associées à une altération du
(voire staturo-pondéral) doivent faire rechercher une cause transit ou à une sensation de ballonnement, il faut évoquer
organique. L'examen parasitologique des selles peut retrou- un syndrome de l'intestin irritable.
ver la présence de Giardia intestinalis qu'il faudra traiter. Après avoir éliminé toutes les autres causes, une cause
En cas d'anémie inflammatoire, un dosage de calprotectine psychologique ou du moins un retentissement de facteurs
fécale élevée et une échographie abdominale montrant un psychosociaux peuvent être évoqués, souvent favorisés par
épaississement pariétal intestinal sont utiles pour orienter un contexte d'anxiété familiale vis-à-vis des symptômes.
vers une maladie de Crohn (parfois confortée par des lésions D'autres plaintes peuvent alors être associées comme une
périnéales ou des atteintes cutanées ou articulaires) ou une tristesse, une insomnie ou des cauchemars, un infléchisse
rectocolite hémorragique (associée le plus souvent à des rec- ment scolaire. Parfois c'est le caractère de l'enfant, émotif
torragies). En cas d'anémie sans syndrome inflammatoire, ou anxieux, souvent perfectionniste, qui est au premier
la positivité des IgA anti-transglutaminases oriente vers une plan. Il faut rechercher des difficultés dans la famille ou à
maladie cœliaque, qui sera alors confirmée par la présence l'école, voire des sévices ou une maltraitance. Le retentisse-
d'une atrophie villositaire totale sur les biopsies intestinales. ment sur la qualité de vie peut être important, allant jusqu'à
Par ailleurs, la notion de douleurs et de selles liquides une déscolarisation, et peut justifier une prise en charge
explosives survenant systématiquement après la consomma- psychologique.
tion de lait oriente vers une intolérance au lactose chez un
enfant âgé de plus de 2 à 3 ans.
Conclusion
Douleurs abdominales chroniques Les douleurs abdominales chroniques sont fréquentes chez
l'enfant et souvent d'origine fonctionnelle. Un interrogatoire
avec signes extradigestifs
et un examen clinique rigoureux sont toutefois nécessaires
Des douleurs des flancs associées à des brûlures miction- pour dépister une des nombreuses maladies organiques qui
nelles ou une dysurie orientent vers une uropathie qui sera sont parfois en cause.
précisée par l'échographie abdominale.
Devant des douleurs pelviennes chez la jeune fille, l'écho-
graphie recherche une pathologie annexielle comme un Vomissements chroniques
kyste ovarien.
Plus rarement, des douleurs déclenchées ou aggravées Raphaël Enaud, Thierry Lamireau
par la toux, avec une irradiation en ceinture, ou associées à Les vomissements sont définis comme une extériorisation
une scoliose raide et douloureuse, peuvent faire découvrir par la bouche du contenu digestif, avec efforts et contrac-
des lésions intrarachidiennes dont le type sera précisé par tions des muscles abdominaux. Il est important de les dif-
l'IRM médullaire. férencier d'une régurgitation, phénomène passif, sans effort
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 377
■ des acides gras et des corps cétoniques : Chez l'enfant plus grand, les vomissements peuvent être
– troubles de la bêtaoxydation des acides gras : accès de le témoin d'une souffrance psychologique ou de phénomène
vomissements avec troubles neurologiques, signes car- de conversion. Les vomissements sont fréquents dans l'ano-
diaques et musculaires, acidose lactique, rexie mentale de l'adolescente.
– déficits de la cétogenèse ou de la cétolyse.
risque de pneumopathie et de gastroentérite par défaut de régurgitant pas ou très peu n'est pas suspect d'anomalie pré-
diminution de la charge bactérienne du bol alimentaire, des disposant au reflux, cette notion peut être recherchée chez
allergies par défaut de dégradation des protéines. l'enfant plus grand chez qui un reflux pathologique serait
L'alginate est un traitement symptomatique du reflux, évoqué.
cette substance en milieu acide formerait un agrégat flot- L'œsophagite peptique est rare. Il s'agit d'un diagnostic
tant au-dessus du contenu gastrique et limitant le reflux. endoscopique mais trop souvent porté sur la clinique, alors
Curieusement, si l'on prend en compte le mécanisme allé- que le seul signe spécifique chez le nourrisson est l'héma-
gué, la monographie indique une prise postprandiale, c'est- témèse (qui peut bien sûr être due à d'autres causes dont
à-dire en milieu non acide. Certains auteurs conseillent la sténose du pylore avec syndrome de Mallory-Weiss). Le
donc une prise avant les repas. syndrome de Sandifer est rare, et associe chez le nourrisson
Enfin le siméthicone fait fréquemment l'objet de pres- une œsophagite et des tics d'extension du cou. Chez l'enfant
criptions dans l'indication du reflux, qui n'est pas la sienne plus âgé, les signes sont : blocages alimentaires, dysphagie,
(gastralgies, météorisme). odynophagie, pyrosis. Devant ces symptômes, une endosco-
Ce texte propose une démarche logique face au reflux pie est indispensable pour le diagnostic positif et différen-
gastro-œsophagien, reposant sur les recommandations en tiel : œsophagite peptique mais aussi caustique, infectieuse
cours : Rome IV, les recommandations européennes et fran- ou allergique. Certaines populations sont particulièrement
çaises, dont certaines doivent être tempérées par la littéra- exposées à l'œsophagite peptique ou au reflux patholo-
ture récente. gique : polyhandicap, antécédents d'atrésie de l'œsophage ou
Le point majeur est de discuter de ce que l'on entend par de hernie diaphragmatique, mucoviscidose.
« symptômes de reflux ». Le pyrosis est la principale manifestation du reflux chez
l'adulte. L'expérience montre que l'enfant n'est pas capable
de décrire ce symptôme avant 5–6 ans, voire 10 ans. Il existe
Définitions donc un hiatus entre la fin des régurgitations et le début du
Reflux gastro-œsophagien pyrosis, pendant lequel le diagnostic clinique est difficile. La
Ce n'est pas un diagnostic mais un phénomène qui se pro- perception d'un pyrosis peut être due à la composition du
duit plusieurs fois par jour chez tout individu, le plus sou- liquide qui reflue : acide, pepsine, voire composés de la bile
vent sans conséquences perceptibles. Pour donner un ordre et du suc pancréatique en cas de reflux duodéno-gastrique.
de grandeur, une pH-métrie est considérée comme patholo- Il peut également être ressenti quelle que soit la composi-
gique au-delà de 50 reflux acides par 24 heures. S'y ajoutent tion, du fait d'une hypersensibilité de la muqueuse (œso-
des reflux non acides, non perçus par la pH-métrie et surve- phage hypersensible).
nant le plus souvent en période postprandiale avant acidifi-
cation du contenu gastrique (chez l'adulte, il est cependant Reflux atypique
décrit une « poche acide » en partie supérieure de l'estomac Il rassemble toutes les manifestations, le plus souvent extra-
en postprandial). Lorsque le reflux est extériorisé, il se digestives, qui ont pu être attribuées au RGO à un moment
manifeste par des régurgitations, apanage du nourrisson ou un autre de l'évolution des connaissances scientifiques ou
(des régurgitations du plus grand n'évoquent pas un RGO des idées du corps médical. Ce domaine se rétrécit progres-
mais d'autres diagnostics : mérycisme, achalasie, œsopha- sivement, au fur et à mesure que la littérature apporte des
gite à éosinophiles). preuves de l'absence de responsabilité du reflux ou de l'inef-
D'emblée, il faut insister sur la méfiance à avoir vis-à-vis ficacité des traitements antireflux par rapport au placebo. Il
des conséquences d'un « diagnostic » de RGO qui risque de s'agit pourtant de la situation où la majorité des traitements
suivre l'enfant en étant parfois confirmé avec le temps par
sont encore prescrits. Les recommandations européennes
l'interprétation abusive de l'effet de traitements ou la suc- de 2018 ont encore du mal à se détacher de cet historique
cession d'événements de santé historiquement associés au actuellement battu en brèche par la littérature :
reflux (otites, laryngites, asthme, etc.). ■ apnées, bradycardies, désaturations, pleurs, tortillements
du prématuré ;
Reflux typique ■ pleurs, refus du biberon, tortillements, troubles du som-
Conséquence digestive directe du reflux, il inclut les régur- meil, malaises du nourrisson ;
gitations du nourrisson, l'œsophagite peptique et le pyrosis ■ otites, rhinites, laryngites, stridor, voix rauque, érythème
du grand enfant. pharyngé ;
Le nourrisson est particulièrement exposé au reflux, du ■ érosions dentaires, mauvaise haleine ;
fait d'une immaturité supposée du système antireflux, mais ■ bronchites, toux chronique, asthme, etc.
surtout par la situation dans laquelle il se trouve : il ingère de Dans ces cas, des explorations sont préconisées pour prou-
l'ordre de 130 à 150 mL/kg de lait (l'équivalent de 9 L pour ver le caractère pathologique du reflux, sauf en cas de reflux
un adulte de 70 kg) auxquels s'ajoute probablement autant typique associé (asthme et pyrosis par exemple). Le grand
d'air. Il est par ailleurs la plupart du temps en décubitus. Ceci souci est d'être en situation de prouver que le reflux est
explique que les régurgitations soient presque la règle à cet bien responsable de la pathologie ou de son aggravation,
âge (40 à 65 % d'entre eux). Ce reflux, physiologique mais ce qui peut se faire soit par la coïncidence entre un épisode
plus ou moins important d'un nourrisson à l'autre, va dimi- de reflux et un évènement (malaise, toux, etc.), ce qui est
nuer progressivement, avec deux étapes que sont la diversi- rarement le cas, soit par le caractère pathologique de la pH-
fication, puis l'acquisition de la marche. Un nourrisson ne métrie ou de la pH-impédancemétrie qui ne donne qu'une
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 381
suspicion et non une preuve de responsabilité. Au-delà, que savantes recommandent de prouver un reflux pathologique
des examens aient été ou non réalisés, les études IPP contre avant de traiter. Comme on le verra, le message n'est pas
placebo peuvent apporter des arguments pour ou contre la de multiplier les explorations, mais de ne pas évoquer trop
responsabilité du reflux acide. facilement un reflux devant des manifestations extradiges-
tives, et aussi de ne pas conclure trop hâtivement devant un
Reflux physiologique examen complémentaire positif.
Il ne fait pas l'unanimité dans sa définition. La mention
« sans conséquences sur la santé et la qualité de vie » pourrait pH-métrie
rendre compte de façon très simple de cette situation, si l'on C'est l'examen de référence du reflux acide. Elle ne donne
évite de lui attribuer un certain nombre de complications pas d'information sur les reflux neutres, et peu sur les reflux
dans lesquelles son imputabilité est douteuse. On trouve ici alcalins. Elle nécessite un protocole strict (la position inadé-
les régurgitations simples du nourrisson, le pyrosis ou reflux quate de la sonde pouvant fausser totalement les résultats).
épisodique rare du plus grand, et les reflux non extériorisés Elle est utilisée pour corréler un évènement avec un reflux
non ressentis qui représentent la plus grande part. acide, clarifier le rôle du reflux acide dans une pathologie,
vérifier l'efficacité d'un traitement antiacide. Trois situations
Reflux pathologique peuvent se produire :
Il est défini de façon discordante dans les consensus récents. ■ une coïncidence entre un reflux et un évènement, quel
Les critères de Rome IV par exemple considèrent que des que soit le score, qui suggère la responsabilité du reflux,
régurgitations paraissant gêner le nourrisson restent phy- en veillant à la chronologie (toux et malaise peuvent
siologiques. Les recommandations européennes parlent déclencher un reflux qui suit alors l'évènement) ;
dans ce cas de reflux pathologique, tout en ajoutant de ■ un score normal, qui n'exclut pas la responsabilité du
nombreuses réserves : les symptômes ne sont pas spéci- reflux dans le symptôme (la survenue d'un malaise ou
fiques, il existe une inquiétude des parents, aucun examen d'une toux n'est pas liée au nombre, à la durée des reflux
complémentaire n'est susceptible de différencier les deux ou au temps passé sous le pH 4, critères habituels des
situations (les complications d'un reflux ne sont par exemple scores de pH-métrie) ;
pas corrélées au score de pH-métrie). Les recommandations ■ un score pathologique, qui n'implique pas la responsabi-
européennes citent tous les symptômes extradigestifs histo- lité du reflux (les pathologies respiratoires aggravent un
riquement attribués au reflux comme « possiblement » liés reflux latent, alors que le reflux à une responsabilité dis-
à un reflux pathologique, tout en concluant que les mani- cutée dans la survenue de ces pathologies).
festations extradigestives ont une relation douteuse avec le
reflux, même si elles lui sont associées, et ne justifient pas pH-impédancemétrie
de test thérapeutique sans preuve de reflux pathologique. C'est un examen d'introduction plus récente, qui a l'avan-
L'œsophagite et le pyrosis invalidant font en revanche l'una- tage de montrer les mouvements d'air et de liquide, quel que
nimité pour leur classement en reflux pathologique. soit son pH. Cet examen a montré que de nombreux reflux
ne sont pas acides, mais non sans conséquences. Le maté-
Diagnostic riel n'est pas diffusé largement en pédiatrie, et l'interpréta-
tion est difficile ; il n'est pas utilisé en routine. Son intérêt
Il est avant tout clinique, devant des régurgitations du nour- est de corréler des symptômes avec des reflux acides ou non
risson, un pyrosis ou la remontée de liquide dans la bouche acides, de clarifier le rôle des reflux dans certaines patho-
chez le plus grand. logies, de contrôler l'efficacité d'un traitement antiacide.
Le diagnostic différentiel se fait avec les vomissements Lorsqu'une endoscopie est normale, il permet de poser un
(émis avec effort), les autres causes de dysphagie ou diagnostic de reflux pathologique non érosif, d'œsophage
d'œsophagite. hypersensible (œsophage normal, reflux de fréquence non
Une cassure de courbe de poids chez un régurgi- pathologique, responsable de pyrosis) ou de pyrosis fonc-
teur éloigne du diagnostic de reflux gastro-œsophagien tionnel (pyrosis non corrélé à des reflux). Cet examen et
physiologique. son interprétation sont du domaine du spécialiste.
Des signes d'œsophagite imposent une fibroscopie avant
traitement. Elle permet une étude macroscopique et micro
scopique de la muqueuse, et d'apprécier l'anatomie de la Autres examens
jonction œsogastrique. ■ Scintigraphie de reflux et échographie ne sont pas recom-
Un reflux typique à type de pyrosis ou de régurgitations mandées pour le diagnostic de reflux (l'échographie
du nourrisson ne justifie pas d'exploration avant un éven- peut montrer des anomalies anatomiques). La manomé-
tuel traitement. trie n'est pas recommandée sauf en cas de suspicion de
Dans certains cas, lorsque la coïncidence entre un reflux troubles moteurs de l'œsophage.
et un symptôme est recherchée, une pH-métrie ou pH- ■ Le transit baryté (TOGD) n'est pas un examen suffi-
impédancemétrie peut se justifier, même en cas de reflux samment sensible et spécifique pour le diagnostic de
clinique typique (malaise du nourrisson). reflux. Il est utilisé dans les reflux rebelles, pour aider
Dans les situations où l'on pourrait évoquer un reflux aty- à une éventuelle décision de chirurgie antireflux,
pique, la clinique ne suffit pas à incriminer un reflux (toux, en explorant l'anatomie et la fonction de la jonction
laryngites, pleurs sans signes de reflux typique). Les sociétés œsogastrique.
382 Partie II. Spécialités
Prise en charge
Reflux typique (fig. 15.2)
Non amélioré
Envisager 2–4 semaines
de régime sans PLV Amélioré Suivi, prévoir
chez l'enfant ou la réintroduction PLV
mère allaitante
Non amélioré
Référer
gastropédiatre
Revoir diagnostics
différentiels
Envisager explorations
et/ou traitement d'épreuve
court par IPP
Fig. 15.2 Conduite à tenir devant un reflux typique. *Encadré 15.2. IPP : inhibiteurs de la pompe à protons ; PLV : protéines du lait de vache.
D'après Rosen R, Vandenplas Y, Singendonk M, et al. Pediatric gastroesophageal reflux clinical practice guidelines : Joint Recommendations of
the North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition and the European Society for Pediatric Gastroenterology,
Hepatology, and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2018 ; 66 : 516–54.
Les régurgitations du nourrisson relèvent de mesures bérositaire, de risque de complications graves (polyhandi-
hygiénodiététiques ; capé, mucoviscidose), la chirurgie est un dernier recours.
■ si la position de sommeil en relevant la tête du lit n'a pas Les nouvelles recommandations évoquent la possibilité de
prouvé son efficacité, la position proclive ventrale post- prescrire au préalable le baclofène (hors AMM) avant d'en
prandiale est la plus favorable pour le rot afin d'éviter venir à la chirurgie, en consultation spécialisée. Aucun autre
les grosses régurgitations qui peuvent l'accompagner. La prokinétique n'est recommandé.
position de sommeil doit être le décubitus dorsal chez
le régurgiteur comme chez l'enfant normal, du fait du Reflux atypique (fig. 15.3)
risque augmenté de mort subite dans les autres positions ;
La responsabilité du reflux dans les manifestations cardio-
■ rectifier le régime en cas d'erreurs, et utiliser un lait
respiratoires du prématuré, avec et sans reflux prouvé, est
épaissi à l'amidon ou à la caroube sont deux mesures effi-
très discutée. La littérature montre une association très rare
caces. Devant un reflux sévère associé à d'autres troubles
entre ces évènements et des épisodes de reflux acide ou non
digestifs, un retard de croissance et/ou des antécédents
acide, et l'absence d'effet des IPP dans ces indications, malgré
d'allergie, un hydrolysat poussé de protéines peut être
l'amélioration de la pH-métrie. Par ailleurs les anti-H2, les
tenté pendant 2 semaines à titre de test thérapeutique.
IPP, les épaississants sont susceptibles de provoquer des effets
Fractionner les biberons est un conseil classique, une fois
secondaires graves : entérocolite, sepsis, ischémie cérébrale.
corrigées d'éventuelles erreurs diététiques ;
Dans les symptômes attribués au reflux chez le nourris-
■ la réassurance des parents est importante devant un examen
son (dont les régurgitations), aucune étude n'a pu mettre
normal et une croissance normale, il faut absolument éviter
en évidence un avantage des IPP sur le placebo. L'arbre
de parler d'un diagnostic de reflux comme une pathologie ;
décisionnel des nouvelles recommandations évoque les
■ une suspension à base d'alginate a montré un effet favo-
diagnostics différentiels, l'hygiène de vie, la réassurance,
rable sur le reflux typique du prématuré. Il est utilisé de
puis un traitement d'épreuve de l'allergie aux protéines
façon symptomatique dans le pyrosis. Un traitement pro-
du lait de vache avant de proposer le recours au gastropé-
longé continu est déconseillé quel que soit l'âge ;
diatre et, seulement en cas d'impossibilité, un traitement
■ massages, prébiotiques, probiotiques ne sont pas indiqués.
d'épreuve de 4 à 8 semaines par IPP. Il faut souligner l'im-
L'œsophagite érosive, prouvée par endoscopie, relève d'un
portance de l'effet placebo des IPP dans ces situations où
traitement par IPP, y compris chez le moins de 1 an, donc hors
un reflux acide délétère est proposé comme explication, et
AMM (encadré 15.3), avec les conséquences obligatoires d'une
un traitement reconnu très puissant comme solution. Ceci
telle prescription (information des parents, justification dans le
complique les tentatives de sevrage, comme la possibilité
dossier, mention « hors AMM » sur l'ordonnance). Un suivi est
d'un effet rebond de la sécrétion acide, qui a été décrit.
indispensable par un gastropédiatre. Les anti-H2 sont moins
Dans les pathologies ORL, il n'y a de même aucun argu-
efficaces et moins bien tolérés. Ils sont un recours possible.
ment clinique ou endoscopique (érythème pharyngé) pour
Le pyrosis altérant la qualité de vie du grand enfant jus-
incriminer de façon fiable le reflux et pas de preuve d'effi-
tifie un traitement par IPP sans examens complémentaires
cacité des IPP. Les érosions dentaires sont rarement attri-
pendant 4 à 8 semaines après échec de mesures d'hygiène de
buables à un reflux acide, la mauvaise haleine (à différentier
vie (dont la surélévation des pieds du lit et le décubitus laté-
des éructations) n'oriente pas vers un reflux mais vers une
ral gauche durant le sommeil, mesure difficile à a ppliquer en
cause stomatologique ou ORL.
pratique, une éventuelle réduction pondérale en cas d 'obésité)
Les pathologies respiratoires sont un des grands domaines
et des alginates. Une réévaluation et un avis de gastropédiatre
de prescription des IPP (toux chronique, asthme). La littéra-
sont conseillés en cas d'échec ou de dépendance au traite-
ture ne montre cependant aucun bénéfice respiratoire par
ment. L'intérêt du traitement doit être régulièrement réévalué.
rapport au placebo, y compris pour les patients sélectionnés
Dans de rares cas de reflux invalidant rebelle ou dépen-
par une pH-métrie pathologique, comme le conseillent les
dant du traitement médical, d'œsophagite peptique résistant
recommandations actuelles. Il s'agit d'une situation singu-
au traitement, de reflux sévère sur malposition cardiotu-
lière, où les sociétés savantes peuvent autoriser le traitement
(symptômes respiratoires, exploration avec preuve de reflux
Encadré 15.3 Médicaments du reflux et AMM pathologique), mais où les études ne montrent pas de béné-
fice. L'interprétation est que les pathologies respiratoires
■
Ésoméprazole, oméprazole : œsophagite érosive du plus de 1 an aggravent un reflux latent, mais que la relation de cause à
■
Ésoméprazole : traitement symptomatique du reflux du plus effet entre reflux acide et asthme (mais aussi toux, bron-
de 1 an (pyrosis) chiolites, etc.) n'est pas établie, au moins par l'utilisation de
■
Pantoprazole, oméprazole, ésoméprazole : symptômes de la pH-métrie comme filtre et des IPP comme traitement.
reflux ou œsophagite du plus de 12 ans Lorsque l'asthme est associé à un reflux typique (pyrosis),
■
Lansoprazole : pas d'AMM pédiatrique le traitement est bien sûr indiqué mais la littérature ne laisse
■
Cimétidine : œsophagite par reflux, dès la naissance pas espérer un effet sur les symptômes respiratoires.
■
Ranitidine per os : œsophagite peptique, symptômes de
reflux chez le plus de 3 ans
■
Alginate : traitement symptomatique du RGO, dès la naissance Diarrhée chronique
Les IPP sont recommandés en 1re intention quel que soit l'âge Thierry Lamireau, Raphaël Enaud
en cas de reflux acide pathologique, et à défaut les anti-H2.
La diarrhée chronique, motif fréquent de consultation en
Source : monographies 2018. pédiatrie, pose au praticien le problème de sa cause. Dans la
384 Partie II. Spécialités
Oui
Signes d'alerte ? Référer
Non
Non amélioré
Non amélioré
Endoscopie normale
Œsophagite : traitement adéquat Envisager endoscopie et IPP efficaces : poursuite
et tentatives périodiques de sevrage
Endoscopie normale
Œsophage hypersensible, pyrosis
et IPP inefficaces : discuter
fonctionnel, reflux sans érosions
pH-métrie/pH-impédancemétrie
Fig. 15.3 Conduite à tenir devant un reflux atypique. IPP : inhibiteurs de la pompe à protons. D'après Rosen R, Vandenplas Y, Singendonk M et al.
Pediatric gastroesophageal reflux clinical practice guidelines : Joint Recommendations of the North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepa-
tology, and Nutrition and the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2018 ; 66 : 516–54.
plupart des cas, l'interrogatoire, l'examen clinique, au besoin Chez le grand enfant, il est important d'éliminer une fausse
complétés par quelques examens biologiques simples, per- diarrhée de l'enfant constipé qui se manifeste par des selles
mettent une orientation étiologique. liquides mais peu volumineuses, parfois émises dans la culotte,
et la présence d'un fécalome à la palpation abdominale.
Démarche diagnostique
Confirmer la réalité de la diarrhée chronique Évaluer son retentissement
Le plus souvent, la diarrhée est rapportée par les parents Essentielle pour orienter ensuite vers une étiologie fonctionnelle
comme un changement d'aspect des selles (volumineuses, ou vers une cause organique, cette étape repose sur un examen
trop molles ou liquides, parfois graisseuses) et/ou une aug- clinique attentif et l'établissement des courbes de croissance :
mentation de leur fréquence. Le caractère chronique de la ■ retentissement nutritionnel : stagnation ou perte pondé-
diarrhée est authentifié lorsque celle-ci dure depuis plus de rale, signes de dénutrition (perte du pannicule adipeux,
3 à 4 semaines ou en cas d'épisodes récidivants. amyotrophie) ou signes carentiels chroniques (anomalies
Chez le jeune nourrisson, il faut tenir compte de l'aspect des phanères, œdèmes, pâleur, etc.), baisse des indices
normal qui varie selon le type d'alimentation : anthropométriques (rapport périmètre brachial sur péri-
■ 6 à 8 selles par jour (une par tétée) grumeleuses ou liquides, mètre crânien < 0,3 ; indice de masse corporelle [Poids/
jaune d'or et peu abondantes chez l'enfant allaité au sein, Taille2] inférieur au 3e percentile, rapport poids sur poids
mais pouvant devenir plus rares après 15 jours de vie ; idéal pour la taille < 80 %) ;
■ 1 à 4 selles par jour, molles ou pâteuses, de couleur jaune, ■ retentissement sur le développement psychomoteur et
verte ou marron chez l'enfant au biberon ; le comportement : hypotonie ou retard des acquisitions
■ selles souvent molles, de coloration verte ou grisâtre, par- qui peuvent être liés au déficit nutritionnel chez le nour-
fois malodorantes, chez l'enfant alimenté avec une prépa- risson, modifications du comportement à type d'apathie,
ration partiellement ou extensivement hydrolysée ; tristesse orientant vers certaines pathologies comme la
■ 1 à 2 selles par jour chez l'enfant diversifié. maladie cœliaque ;
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 385
■ retentissement sur la croissance : infléchissement pro- sistant au repos digestif), colites (selles peu volumineuses
gressif ou cassure franche de la courbe de poids, un inflé- mais fréquentes, hétérogènes, parfois afécales, contenant
chissement secondaire de la courbe de taille indiquant en des glaires et du sang) ;
général des troubles anciens ; ■ les signes associés : fièvre, vomissements, toux chronique,
■ retentissement sur le développement pubertaire : retard signes cutanés, œdèmes, etc. ;
pubertaire en l'absence de premiers signes pubertaires après ■ les antécédents : chirurgie néonatale, déficit immunitaire,
13 ans chez la fille (augmentation du volume mammaire) et voyage récent, etc.
14 ans chez le garçon (augmentation du volume testiculaire).
Principales étiologies
Rechercher son étiologie Au terme de ce bilan, on peut schématiquement distinguer
Les éléments essentiels d'orientation étiologique sont : plusieurs situations :
■ l'âge de l'enfant ; ■ la diarrhée concerne un enfant sans aucun retentisse-
■ l'histoire diététique chez le nourrisson : type d'alimen- ment nutritionnel : aucun examen complémentaire n'est
tation lactée (allaitement au sein ou artificiel), date de a priori nécessaire et le diagnostic de diarrhée fonction-
début et modalités de la diversification alimentaire, âge nelle est le plus probable ;
d'introduction de certains aliments (protéines du lait ■ la diarrhée s'accompagne d'une cassure de la courbe de
de vache, gluten), effet d'éventuels régimes d'exclusion poids : un bilan complémentaire est indispensable pour
entrepris (fig. 15.4) ; préciser le retentissement nutritionnel et rechercher
■ le type de diarrhée (fig. 15.5) : maldigestion globale une cause organique ; celui-ci est orienté en fonction du
(selles volumineuses, pâteuses ou molles, décolorées, contexte ou du type de diarrhée.
d'aspect graisseux, souvent nauséabondes), malabsorp-
tion intestinale (selles molles ou semi-liquides d'aspect Diarrhée fonctionnelle
« bouse de vache »), fermentation (selles liquides et La diarrhée fonctionnelle est définie par l'émission de plus de
acides), sécrétoires (selles très abondantes et liquides per- 3 selles molles ou liquides par jour, uniquement la journée, ne
Signes infectieux ?
Non Oui
Fig. 15.4 Principales orientations diagnostiques devant une diarrhée persistante chez le nourrisson. APLV : allergie aux protéines du lait
de vache ; DCNS : diarrhée chronique non spécifique.
386 Partie II. Spécialités
Diarrhée chronique
Fig. 15.5 Orientation diagnostique devant une diarrhée chronique chez l'enfant. APLV : allergie aux protéines du lait de vache ; MICI : maladie
inflammatoire chronique intestinale ; RCH : rectocolite hémorragique ; tTG : transglutaminase tissulaire.
retentissant pas sur la croissance. On distingue, en fonction de d'aliments riches en protéines, d'aliments fermentescibles,
l'âge, la diarrhée chronique non spécifique du nourrisson et le de crudités, etc.), une infection ORL, une éruption den-
syndrome de l'intestin irritable de l'enfant au-delà de 4 ans. taire, un traitement antibiotique, etc. L'élément caractéris-
Ces 2 entités partagent une physiopathologie commune : tique est le contraste entre l'anxiété familiale relatant une
hyperactivité de la motricité intestinale avec accélération du diarrhée importante et le parfait état général de l'enfant qui
transit intestinal, déséquilibres alimentaires (alimentation reste tonique et actif avec une croissance normale.
pauvre en graisses, excès de glucides à chaîne courte et de Devant ce tableau de diarrhée bénigne, aucun examen
protéines), dysbiose favorisée par des déséquilibres alimen- complémentaire n'est nécessaire et le diagnostic de colopa-
taires ou des traitements médicamenteux (antibiotiques, inhi- thie fonctionnelle est évoqué. Il faut alors rassurer la famille,
biteurs de la pompe à protons, etc.), hypersensibilité viscérale et entreprendre une prise en charge essentiellement diété-
et facteurs psychologiques ou émotionnels. tique visant un retour à une alimentation normale pour l'âge
en évitant les régimes restrictifs : limitation des sucres rapides
(boissons sucrées) et des apports protéiques excessifs (viande,
Diarrhée chronique non spécifique jambon, etc.), augmentation des apports en lipides (changer
(DCNS) du nourrisson le lait demi-écrémé pour du lait entier ou, mieux, du lait de
C'est la cause la plus fréquente de diarrhée chronique chez croissance, graisses végétales), parfois diminution du lactose
le nourrisson, débutant après l'âge de 6 mois, souvent dans (remplacement du lait par des yaourts ou du fromage) et/ou
la 2e année de la vie, touchant plus souvent les garçons. Elle diminution des apports excessifs en fibres (crudités, aliments
se manifeste par des selles molles ou liquides, hétérogènes, fermentescibles). En cas de persistance des troubles malgré
généralement abondantes, remplissant la couche, pouvant les mesures diététiques, un traitement médicamenteux peut
contenir des glaires et surtout des débris alimentaires être proposé : pansements digestifs (diosmectite), probio-
témoins de l'accélération du transit. Les selles sont souvent tiques (Saccharomyces boulardii, hors AMM).
déclenchées par les repas, mais ne surviennent pas la nuit. L'évolution est habituellement favorable avec disparition
La diarrhée peut être isolée ou s'associer à des douleurs des troubles vers l'âge de 3 à 4 ans. Certains enfants peuvent
abdominales, et évolue volontiers par poussées déclenchées garder des manifestations qui prendront progressivement la
par des erreurs alimentaires (excès de boissons sucrées, forme du syndrome de l'intestin irritable.
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 387
Syndrome de l'intestin irritable selles), maladie de Crohn du grêle chez l'enfant plus grand
Cf. plus loin dans ce chapitre, Côlon irritable de l'enfant et (retard de croissance, dénutrition, parfois lésions péri-
de l'adolescent. néales, syndrome inflammatoire, anémie ferriprive, épais-
sissement pariétal digestif à l'échographie, élévation de la
Étiologies orientées par le contexte calprotectine fécale, coloscopie), infection à Yersinia ente-
rocolitica mimant une maladie de Crohn (coproculture,
■ En cas de diarrhée à début aigu et fébrile, correspondant à un sérologie). D'autres étiologies plus rares seront précisées
épisode de gastroentérite aiguë : la diarrhée peut être due par- lors d'un bilan en milieu spécialisé : déficit immunitaire,
fois à la persistance d'une bactérie pathogène (coproculture), gastroentérite à éosinophiles, lymphangiectasies intes-
ou au développement d'une entéropathie post-infectieuse, tinales, α-bêtalipoprotéinémie ou maladie d'Anderson,
d'une intolérance secondaire au lactose, ou e xceptionnellement entéropathie auto-immune, maladie des chaînes lourdes.
d'une allergie aux protéines du lait de vache. ■ Diarrhées de fermentation : intolérance congénitale au sac-
■ Au retour d'un pays étranger, une étiologie infectieuse est charose (début après la diversification alimentaire), intolé-
le plus souvent en cause : bactéries habituelles comme des rance au lactose transitoire après gastroentérite à rotavirus
salmonelles ou des shigelles (diarrhée souvent prolongée et chez le nourrisson ou plus fréquemment liée à la baisse
particulièrement sévère, entretenue par la malabsorption, la physiologique de l'activité lactasique après l'âge de 3 à 5 ans.
dénutrition et l'infection), plus rarement infection spécifique ■ Diarrhées sécrétoires, exceptionnelles : tumeurs neuroen-
(amibiase, exceptionnellement tuberculose intestinale). docrines, mastocytoses systémiques.
■ En cas de diarrhée sévère débutant dès la période néona- ■ Diarrhées des colites inflammatoires : parfois allergie aux
tale, le risque de déshydratation, de dénutrition ou d'in- protéines du lait de vache responsable de colite hémor-
fection systémique impose une hospitalisation en milieu ragique chez le nourrisson ou infection persistante à
spécialisé : une infection postnatale voire materno-fœtale Yersinia enterocolitica, Entamoeba histolytica, Clostridium
ou une allergie aux protéines du lait de vache sont pos- difficile (coproculture et parasitologie des selles), surtout
sibles, mais une entéropathie congénitale est à craindre, se maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, de
manifestant par une diarrhée sévère, rebelle, nécessitant plus en plus fréquentes (douleurs abdominales, asthénie,
souvent une mise à jeun et une nutrition parentérale. Le amaigrissement, cassure staturo-pondérale, syndrome
diagnostic étiologique nécessite des examens spécialisés inflammatoire, anémie). La coloscopie montre des lésions
(biopsies intestinales, études génétiques, etc.). caractéristiques de rectocolite hémorragique, plus ou
■ En cas d'antécédents d'intervention sur le tube digestif, la sur- moins étendues sur le côlon sans intervalle de muqueuse
venue d'une diarrhée chronique peut être liée à différents saine, avec de nombreuses ulcérations irrégulières au sein
mécanismes : insuffisance intestinale en cas de résection d'une muqueuse inflammatoire ou un aspect évocateur
étendue (syndrome du grêle court), malabsorption des sels de maladie de Crohn avec des ulcérations coliques sépa-
biliaires en cas de résection iléale, diarrhée motrice post- rées par des intervalles de muqueuse saine, comportant
prandiale en cas de chirurgie gastrique (dumping syndrome), des granulomes sur les biopsies (cf. plus loin dans ce cha-
pullulation digestive intestinale en cas d'intervention laissant pitre, Maladies inflammatoires chroniques de l'intestin).
une anse borgne ou en cas de sténose d'une anastomose.
■ En cas de traitements particuliers : diarrhée post-
antibiotique, voire colite pseudo-membraneuse (recherche
Conclusion
de toxines de Clostridium difficile dans les selles), cer- La diarrhée fonctionnelle, cause la plus fréquente de diarrhée
taines chimiothérapies (méthotrexate) ou radiothérapie chronique, est évoquée en premier s'il n'y a pas de reten-
abdominale chez un enfant atteint de cancer. tissement nutritionnel. En cas d'altération de la croissance,
■ En cas de déficit immunitaire, congénital ou acquis, la d'autres symptômes associés ou de contexte orientant, une
diarrhée est un symptôme fréquent : infection récidivante, cause organique doit être recherchée par des examens com-
persistante ou à germe opportuniste, réaction de greffon plémentaires guidés par les données cliniques. Certaines
contre l'hôte digestive, entéropathie chronique non spéci- étiologies nécessitent un avis et des examens spécialisés.
fique ou similaire à celle de la maladie de Crohn.
Constipation
Étiologies orientées par le type de diarrhée
Thierry Lamireau, Raphaël Enaud
■ Diarrhée par maldigestion d'origine pancréatique, confir-
mée par l'effondrement du taux d'élastase-1 fécale : La constipation est un symptôme très fréquent en pédia-
mucoviscidose (troubles respiratoires chroniques, reten- trie, représentant environ 5 % des enfants en consultation
tissement important sur la croissance, parfois prolapsus de médecine libérale et jusqu'à 25 % dans les consultations
rectal récidivant), autres causes plus exceptionnelles spécialisées en gastroentérologie pédiatrique. La grande
d'insuffisance pancréatique externe ou de maldigestion. majorité de ces enfants présentent une constipation fonc-
■ Diarrhées par malabsorption : essentiellement mala- tionnelle, qui apparaît en général entre les âges de 2 et 4 ans
die cœliaque après l'âge de 6 mois (météorisme et peut toucher jusqu'à un tiers des enfants d'âge scolaire.
abdominal, signes de dénutrition, présence d'IgA anti- Non prise en charge précocement, elle peut se compliquer
transglutaminases, atrophie villositaire totale à la biopsie d'encoprésie, symptôme socialement invalidant. Dans les
intestinale), allergie aux protéines du lait de vache chez le premiers mois de vie ou dans des contextes particuliers, il
jeune nourrisson (terrain atopique familial, eczéma, test faut savoir évoquer une des nombreuses pathologies, diges-
d'exclusion – réintroduction), lambliase (parasitologie des tives ou générales, responsables de constipation secondaire.
388 Partie II. Spécialités
Météorisme abdominal ?
Signes associés ?
Oui Oui
Avis spécialisé
Au biberon Au sein
Cette démarche étiologique est clinique : en cas de suspi- une activité physique régulière, d'éviter les activités sédentaires,
cion de cause organique, un avis spécialisé est nécessaire qui de se présenter aux toilettes tous les jours en privilégiant un
permet de décider des explorations pertinentes. moment de la journée où l'enfant a le temps. Il faut insister
Les éléments d'orientation vers une pathologie organique auprès de l'enfant d'éviter la rétention des selles et aller aux toi-
sont : lettes dès qu'il en a envie (interrompre les activités, notamment
■ à l'interrogatoire : de jeux, voir avec l'école pour une sortie possible de classe).
– un retard d'émission du premier méconium à la nais-
sance : pathologique au-delà de 48 heures, Médicaments
– un début précoce, néonatal, de la constipation, Ils sont indispensables pour ramollir les selles et supprimer le
– l'aspect des selles : des selles rubanées évoquent un cercle vicieux « selles dures – douleur – rétention ». Ils doivent
rétrécissement anal, une alternance de débâcles de être prescrits avec une posologie et une durée suffisantes pour
selles liquides fétides et de rétention évoque une mala- permettre à l'appareil recto-sphinctérien de récupérer un fonc-
die de Hirschsprung, tionnement normal. On distingue plusieurs types de laxatifs :
– les signes fonctionnels associés : des vomissements, ■ les lubrifiants de type huile de paraffine peuvent aider en
une perte d'appétit, des urines abondantes, cas de constipation peu sévère. Leur utilisation est contre-
– les courbes de croissance : une mauvaise croissance oriente indiquée avant 2 ans ou chez les sujets ayant des difficul-
vers une maladie de Hirschsprung, une maladie cœliaque ; tés de déglutition en raison de risques d'inhalation, et ne
■ à l'examen clinique : doit pas être prolongée en raison du risque de carences
– des signes de dénutrition, en vitamines liposolubles. À forte dose, ils entraînent des
– un météorisme abdominal chez le nourrisson, qui fuites parfois gênantes ;
oriente vers une maladie de Hirschsprung, une maladie ■ les laxatifs osmotiques comme le lactulose (Duphalac®) ou
cœliaque (chez le grand enfant, il témoigne plus souvent le lactitol (Importal®) permettent de ramollir les selles et de
d'une constipation fonctionnelle avec rétention stercorale stimuler le péristaltisme intestinal. La tolérance est générale
rectosigmoïdienne et distension aérique sus-jacente), ment bonne, mais ils peuvent entraîner des ballonnements
– des anomalies de la région sacrée : fossette sacrée, et flatulences abdominales. Ils ont l'AMM dès la naissance ;
touffe de poils, déviation du pli fessier, ■ le polyéthylène glycol associé à des électrolytes (PEG :
– des anomalies à l'examen neurologique : béance anale ou Movicol® , Forlax® ) permet d'hydrater et ramollir les
contractilité sphinctérienne anormale, absence de réflexe selles, facilitant leur évacuation. Traitement à privilégier
crémastérien, troubles de la sensibilité périnéale, déficit après 6 mois (AMM) car le plus efficace, il permet l'éva-
moteur des membres inférieurs, réflexes rotuliens vifs ou cuation quotidienne, sans douleurs, de selles non dures.
abolis orientant vers une pathologie vertébro-médullaire, Le traitement doit être prolongé plusieurs mois, puis
– un retard du développement psychomoteur, un retard diminué progressivement avec un sevrage progressif en
mental : la constipation peut être associée à de nom- vérifiant que l'enfant, ayant rectifié éventuellement ses
breuses pathologies neurologiques ou génétiques. habitudes alimentaires et une hygiène de vie, continue
d'aller aux toilettes quotidiennement et facilement.
Traitement de la constipation fonctionnelle En cas d'impaction fécale, voire de fécalome, il faut dans
un premier temps l'évacuer en utilisant du PEG sous forme
Il doit être personnalisé et adapté à l'âge, l'ancienneté et la liquide (Fortrans®, Colopeg®, Transipeg®) ou sachets (Movi-
sévérité des symptômes, leur retentissement sur la vie quoti- col® à fortes doses, AMM à partir de 2 ans) pendant 1 à
dienne de l'enfant. L'explication des mécanismes physiopa- 2 semaines. Des lavements ou suppositoires (Microlax®, Nor-
thologiques aboutissant à la constipation est utile pour faire macol®) peuvent être associés dans ces situations aiguës. Le
comprendre aux parents et à l'enfant (s'il est assez grand) la traitement par PEG est ensuite poursuivi en sachets à dose
nécessité d'obtenir une vacuité rectale, et l'importance d'un suffisante pour éviter la reconstitution de la stase stercorale.
traitement suffisamment prolongé.
Surveillance
Mesures diététiques
La surveillance vérifie que le traitement permet d'évacuer la
Elles peuvent être utiles, mais se résument généralement à rétention stercorale et restaure un transit régulier. L'éventuelle
reprendre de bonnes habitudes alimentaires : corriger les encoprésie disparaît, l'appétit s'améliore, l'activité scolaire,
erreurs alimentaires, notamment le manque d'eau et de fibres sportive, sociale de l'enfant reprend, des troubles urinaires
(fruits, légumes), et rétablir un régime équilibré. Les eaux for- éventuels peuvent s'améliorer après évacuation des fécalomes.
tement minéralisées n'ont pas fait la preuve de leur efficacité et Un soutien psychologique peut parfois être utile en cas d'en-
présentent des dangers de surcharge en électrolytes et minéraux. coprésie et/ou de retentissement scolaire ou familial majeur.
Chez le petit nourrisson, les conseils diététiques sont utiles : L'enfant et sa famille doivent maintenir des exonérations
vérifier la reconstitution correcte des biberons, préférer un lait quotidiennes, et rester vigilants pour éviter la réapparition
sucré exclusivement au lactose, contenant de la caroube (ou progressive, à bas bruit, de la constipation.
ajouter du Gumilk®), éviter les farines, commencer précoce-
ment la diversification, en proposant des légumes (courgettes,
haricots verts, épinards, etc.) et des fruits (pruneaux, pêche, etc.) Complications
qui favorisent le transit. Le rétablissement d'un rythme de vie Des complications peuvent survenir en cas de traitement
régulier est important. Il est conseillé de maintenir ou reprendre insuffisant, aggravant la rétention stercorale, ou parfois être
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 391
révélatrices d'une constipation méconnue. Généralement intestinale au gluten (gliadine du blé, de l'orge et du seigle).
bénignes, elles peuvent toutefois retentir de façon importante Le développement de marqueurs sérologiques a révélé l'inci-
sur la qualité de vie. Un traitement bien conduit et suffisam- dence élevée des formes atypiques.
ment prolongé de la constipation doit éviter que cette maladie
bénigne devienne invalidante au quotidien. Qui est susceptible de développer
■ Les douleurs abdominales récidivantes, diffuses ou
localisées dans la fosse iliaque gauche, soulagées par une maladie cœliaque ?
l'émission de selles, peuvent être révélatrices de la La maladie cœliaque est une maladie dysimmunitaire
constipation. systémique, déclenchée par le gluten, survenant chez des
■ La fissure anale est révélée par des pleurs à la défécation sujets génétiquement prédisposés (groupe HLA DQ2 :
et/ou des rectorragies chez le petit enfant. Elle peut être 90 %, ou DQ8 : 5 à 10 % des sujets cœliaques), et carac-
difficile à visualiser, parfois recouverte d'un capuchon térisée par la combinaison variable de manifestations
muqueux. La douleur entraîne une rétention de la part cliniques diverses, d'anticorps spécifiques et d'une enté-
de l'enfant, qui aggrave la stase de matières et les dif- ropathie. Des facteurs non génétiques interviennent :
ficultés d'exonération (cercle vicieux). Son traitement exposition à la gliadine in utero ou via le lait de mère,
repose sur l'application de pommades cicatrisantes facteurs immunomodulateurs du lait maternel, quantité
(Titanoréine ® , etc.) mais doit être impérativement et âge d'introduction du gluten, infections intestinales
associé à un traitement laxatif pour ramollir les selles. précoces (adénovirus, rotavirus).
■ Le prolapsus rectal, récidivant à chaque exonération, peut sur- Chez certains sujets HLA DQ2 ou DQ8 positifs (30 %
venir chez un enfant constipé qui pousse de façon importante de la population générale) survient une progression
et prolongée. Adapter le diamètre et la hauteur des toilettes, plus ou moins rapide au cours du temps de la maladie
ramollir les selles, éviter les séjours prolongés aux toilettes latente (absence de symptômes, absence d'atrophie vil-
permettent le plus souvent une disparition du symptôme. lositaire mais présence de signes d'activation immuno-
■ Si l'occlusion intestinale est redoutée par la famille, ce logique dans la muqueuse intestinale et d'autoanticorps
sont en fait des épisodes subocclusifs qui peuvent sur- spécifiques), vers la forme silencieuse (absence de
venir avec anorexie, nausées, météorisme abdominal symptômes, présence d'une d'atrophie villositaire et
douloureux dans un contexte d'absence de selles depuis d'autoanticorps spécifiques), puis la forme active (pré-
plusieurs jours. La radiographie d'ASP montre une réten- sence de symptômes intestinaux ou extradigestifs, d'une
tion stercorale majeure avec impaction fécale, et disten- atrophie villositaire et d'autoanticorps circulants). Le
sion aérique sus-jacente. Le traitement doit associer des régime sans gluten strict entraîne une régression de
lavements pour évacuer le rectosigmoïde, et des laxatifs la forme active de la maladie vers la forme latente. En
de type PEG à forte dose. Ce tableau doit rendre vigi- l'absence de régime, le processus pathologique persiste,
lant sur une pathologie organique sous-jacente de type et expose à l'âge adulte à un surrisque de maladie auto-
Hirschsprung court méconnu. immune, de cancer du tube digestif (lymphomes) et à
■ L'encoprésie est la fuite de matières plus ou moins une augmentation globale de la mortalité. Ce surrisque
liquides dans les sous-vêtements, entraînant géné- est discuté en cas de maladie silencieuse.
ralement un retentissement intrafamilial et scolaire La prévalence se situe entre 1/3 000 et 1/2 500 pour les
important. Secondaire à la présence d'un fécalome rec- formes symptomatiques classiques, mais les formes aty-
tal, elle est involontaire, et survient généralement chez piques sont plus fréquentes et souvent méconnues. Elle
des grands enfants, plus souvent des garçons, dont la se situe entre 0,7 et 2 % dans la population générale, plus
constipation est ancienne mais souvent méconnue ou élevée chez les diabétiques de type 1 (3 à 6 %), les sujets
négligée, et s'associe à une perte de la sensation d'en- présentant une anémie ferriprive (3 à 15 %) ou une ostéo-
vie d'exonérer traduisant l'existence d'un mégarectum porose (1 à 3 %) et les apparentés du 1er degré d'un sujet
constamment rempli de matières. Après évacuation cœliaque (10 à 20 %).
du fécalome, le traitement par PEG doit être prolongé
à posologie suffisante, afin de permettre la récupéra- Quand évoquer une maladie cœliaque ?
tion d'un fonctionnement recto-sphinctérien normal
et la sensation d'envie. Au-delà de 8 ans, une réédu- Dans sa forme classique, la maladie cœliaque débute chez
cation par biofeedback peut aider dans les cas rebelles. un nourrisson âgé de plus de 6 mois, quelques semaines
Une prise en charge psychologique est souvent utile. après l'introduction du gluten dans l'alimentation. Elle se
■ Le développement d'un mégacôlon accompagne la péren- manifeste par une diarrhée chronique avec des selles abon-
nisation de la constipation à l'âge adulte, parfois sur un dantes en « bouse de vache », accompagnée d'une anorexie,
mode familial et vécu alors comme une fatalité. parfois de vomissements, d'une apathie, voire de troubles du
comportement. L'examen clinique montre un météorisme
abdominal et des signes de dénutrition avec une fonte des
Maladie cœliaque masses musculaires et du tissu adipeux. Le retentissement
Thierry Lamireau, Raphaël Enaud
nutritionnel est confirmé par la cassure de la courbe de
poids, parfois associée à un ralentissement secondaire de la
La maladie cœliaque était classiquement définie comme une vitesse de croissance staturale. Plus rarement, une entéro-
entéropathie chronique avec atrophie villositaire secondaire pathie exsudative, avec hypoalbuminémie et œdèmes mas-
à une réponse immunitaire inappropriée de la muqueuse quant la perte de poids, peut être au premier plan.
392 Partie II. Spécialités
Les formes atypiques, faites de symptômes extradigestifs ou Le diagnostic repose en premier sur la positivité dans le
digestifs mais non spécifiques (encadré 15.4), sont les plus fré- sérum des anticorps IgA anti-transglutaminase tissulaire
quentes. Elles doivent être connues des médecins traitants et (anti-TG2), complété dans les cas douteux par les IgA anti-
recherchées par la sérologie. De nombreuses pathologies peuvent endomysium (anti-EMA). Il est indispensable d'y associer
être associées à la maladie cœliaque (encadré 15.5), d'emblée ou un dosage des IgA totales car un déficit (IgA < 0,2 g/L), pré-
au cours de son suivi. sent chez environ 2 % des sujets cœliaques, est une cause
Un interrogatoire minutieux révèle cependant souvent de faux négatif des tests sérologiques. Le diagnostic est
des signes digestifs frustes ou un déficit de taille dans les confirmé par la biopsie intestinale qui montre une atrophie
formes paucisymptomatiques qui peuvent s'accompagner villositaire totale ou subtotale, associée à une hyperplasie
de déficits nutritionnels en oligoéléments, minéraux, ou des cryptes et une augmentation des lymphocytes intra-
d'une ostéoporose. épithéliaux (> 40 %). Le diagnostic peut être difficile (taux
Le dépistage de la maladie cœliaque dans la population d'anticorps douteux ou discordants, lésions histologiques
générale n'est pas recommandé. Sont en revanche conseil- non caractéristiques) en cas de régime sans gluten instauré
lés un diagnostic précoce reposant sur la connaissance des de façon intempestive : il est donc important d'adresser au
formes atypiques ou peu symptomatiques par les médecins spécialiste tout enfant suspect de maladie cœliaque avant de
traitants, et le dépistage ciblé dans les populations à risque : commencer le régime, la certitude diagnostique étant indis-
famille proche d'un cas index, maladies auto-immunes et pensable en raison de son coût et ses contraintes.
pathologies associées (cf. encadré 15.5). La grande fiabilité des autoanticorps permet chez certains
enfants qui présentent un tableau clinique caractéristique de
ne pas réaliser de biopsie intestinale avant la mise au régime
Comment confirmer le diagnostic ? sans gluten. Cette démarche doit être expliquée à la famille
Le bilan biologique peut parfois montrer un syndrome de par un spécialiste, après avoir conforté le diagnostic par la
malabsorption (anémie par carence en fer et/ou en folates, positivité des anticorps anti-EMA et la présence du HLA
hypoprotidémie avec hypoalbuminémie, hypocholesté- DQ2 ou DQ8. L'histologie intestinale reste en revanche un
rolémie, baisse du taux de prothrombine et des facteurs élément diagnostique incontournable pour les formes avec
vitamine K-dépendants). symptomatologies frustres ou atypiques, associées à un défi-
cit en IgA, et les cas douteux.
La disparition des signes cliniques et la négativation des
Encadré 15.4 Symptômes frustes anticorps après 12 mois de régime sans gluten confirment
ou atypiques pouvant révéler une maladie le diagnostic de maladie cœliaque. L'épreuve de réintro-
cœliaque duction du gluten n'est pas nécessaire, sauf chez les sujets
HLA DQ2 ou DQ8 ayant été mis au régime sans gluten sans
Selles irrégulières
certitude diagnostique : reprise progressive du gluten dans
■
Constipation chronique
l'alimentation, puis biopsie intestinale en cas de réappa-
■
Appétit diminué
rition des symptômes et/ou des anticorps anti-TG2, sinon
■
Retard de croissance
un spécialiste, est déconseillée avant l'âge de 5 ans et pen-
■
Fatigue chronique
La figure 15.7 résume la stratégie diagnostique à adopter
■
■
Douleurs osseuses, fractures sur ostéopénie
■
Syndrome hémorragique
■
Aphtose buccale récidivante Quelle prise en charge ?
■
Hypoplasie de l'émail dentaire Actuellement, le traitement demeure exclusivement diété-
■
Éruption herpétiforme tique : le régime sans gluten strict, qui nécessite d'exclure
■
Augmentation des transaminases de l'alimentation tous les aliments naturels ou industriels,
contenant des produits dérivés du blé, du seigle, de l'orge.
Le riz, le maïs et l'avoine sont permis. L'alimentation peut
être normale par ailleurs, hormis une exclusion du lactose
Encadré 15.5 Situations à risque augmenté parfois nécessaire pendant quelques semaines en cas de
de maladie cœliaque diarrhée très sévère. L'aide d'une diététicienne est indis-
pensable à la mise en route du régime. L'Association fran-
■
Diabète de type 1
çaise des intolérants au gluten (www.afdiag.fr) fournit des
■
Déficit en IgA
informations très utiles pour aider les familles dans le suivi
■
Trisomie 21
du régime. Les enfants doivent pouvoir suivre leur régime
■
Syndrome de Turner
à la cantine, généralement après élaboration d'un projet
■
Syndrome de Williams
d'accueil individualisé (PAI), parfois grâce à la confection
■
Hépatite et cholangiopathies auto-immunes
de repas spéciaux par la cuisine de l'école ou le plus sou-
■
Thyroïdite auto-immune
vent en emportant des paniers repas confectionnés par les
■
Apparentés du 1er degré
parents.
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 393
Anti-TG2
lgA totales
+ –
Avis spécialisé
MC écartée1
Anti-EMA/HLA DQ2/DQ8
Marsh 0–1 Marsh 2–3
MC MC écartée3
Figure 15.7 Stratégie diagnostique devant des symptômes compatibles avec une maladie cœliaque (MC). EMA : endomysium ; TG2 :
transglutaminase tissulaire. 1. Ne pas écarter le diagnostic de maladie cœliaque en cas de déficit en IgA (< 0,2 g/L), d'âge > 2 ans, de faible
consommation de gluten, de traitement immunosuppresseur, de symptômes sévères ou de pathologie associée. 2. Envisager un faux positif des
anticorps anti-TG2 ou un faux négatif de la biopsie : surveillance clinique, réévaluer les anticorps, HLA DQ2/DQ8, biopsie. 3. Envisager un faux
positif des anticorps anti-TG2.
L'effet du régime sans gluten est le plus souvent specta- cas de grossesse. En cas de forme latente (anticorps positifs,
culaire, notamment chez le petit enfant : en quelques jours, absence d'atrophie villositaire), il est proposé une simple
disparition des troubles du comportement, meilleur appétit, surveillance clinique et biologique.
puis normalisation des selles et reprise de poids. La sur-
veillance doit vérifier le bon état nutritionnel, la régularité
de croissance staturo-pondérale, le bon déroulement de la Côlon irritable de l'enfant
puberté, et la négativité des anticorps. et de l'adolescent
La poursuite du régime à vie est conseillée même en
l'absence de symptômes patents en raison de son effet Emmanuel Mas
préventif sur la survenue des principales complications à
l'âge adulte, notamment l'ostéoporose, les maladies auto-
immunes et les cancers. Malgré une réalisation plus facile Définition
en pratique grâce à la disponibilité de nombreux produits Les troubles fonctionnels intestinaux sont définis par des
sans gluten, le régime retentit sur la vie quotidienne, critères cliniques. Il s'agit des critères de Rome IV qui ont
peut être source de frustration, est encore souvent vécu été réactualisés en 2016 pour les enfants et les adultes.
comme « désocialisant », et mal suivi par 10 à 40 % des Le côlon irritable, appelé aussi colopathie fonction-
adolescents. nelle, est mieux reconnu par le terme « syndrome de
L'indication du régime sans gluten est indiscutable dans l'intestin irritable » ou Irritable Bowel Syndrome (IBS) des
la maladie symptomatique, typique ou atypique. Dans les Anglo-Saxons.
formes silencieuses, la décision de ne pas instituer de régime, Par définition, il doit inclure tous les critères suivants :
notamment en raison du poids psychologique et social, peut ■ présence d'une douleur abdominale au moins 4 jours/
être envisagée mais nécessite alors une surveillance clinique mois depuis plus de 2 mois associée avec au moins un des
et biologique régulière. Le régime est en revanche nécessaire critères suivants :
en cas d'anomalies biologiques (anémie, carence en fer, en – liée à défécation,
folates ou en vitamine D) ou osseuses (baisse de la minérali- – changement de fréquence des selles,
sation osseuse), et reste conseillé après l'âge de 25 ans ou en – changement de forme (apparence) des selles ;
394 Partie II. Spécialités
■ chez des enfants constipés, la douleur ne disparaît pas Mais le principal diagnostic différentiel est très certaine-
avec la résolution de la constipation (= constipation ment la maladie de Crohn. Ce diagnostic est souvent fait
fonctionnelle) ; quelques mois après les premiers symptômes. Des signes évo-
■ après examen adéquat, les symptômes ne peuvent être cateurs seront un ralentissement staturo-pondéral, voire une
expliqués par une autre pathologie médicale. diarrhée avec des rectorragies. À noter que chez les patients
Chez l'enfant et l'adolescent, il faudrait séparer, comme chez ayant une maladie de Crohn en rémission, on retrouve un
l'adulte, le syndrome de l'intestin irritable en fonction de la risque augmenté de douleurs abdominales fonctionnelles.
consistance des selles en :
■ IBS-C (constipation) ; Physiopathologie
■ IBS-D (diarrhée) ; La physiopathologie de l'IBS est liée à un dysfonctionne-
■ IBS-A (alternant diarrhée et constipation). ment de l'axe intestin – cerveau. On retrouve notamment :
■ des anomalies du microbiote intestinal ;
Prévalence ■ une perméabilité intestinale augmentée ;
■ une inflammation intestinale ;
La prévalence de l'IBS est moins élevée chez l'enfant que
■ une hypersensibilité viscérale.
chez l'adulte, de l'ordre de 5 vs 20 % respectivement. Toute-
fois, il faut être prudent dans l'interprétation de ces chiffres Anomalies du microbiote intestinal
en raison d'une variabilité importante liée aux critères diag
nostiques utilisés. On évalue à 1/3 le nombre d'enfants en Cette dysbiose pourrait différer entre IBS-D et IBS-C. Même si
école primaire qui se plaignent de douleurs abdominales. les données ne sont pas consensuelles, il y aurait une diminu-
tion de Bifidobacterium et Lactobacilli et une augmentation de
Veillonella, Haemophilus parainfluenzae, Prevotella. Le micro-
Diagnostics différentiels biote des patients IBS, serait plus instable et plus variable.
Les autres troubles fonctionnels douloureux abdominaux Il est encore difficile de savoir si cette dysbiose est la cause
peuvent être suspectés : ou la conséquence de l'IBS. Ainsi, l'IBS apparaît dans un
■ dyspepsie fonctionnelle ; certain nombre de cas après un épisode infectieux digestif
■ migraine abdominale ; et d'autre part, les probiotiques font partie des traitements
■ douleurs abdominales fonctionnelles non classées utilisés dans l'IBS.
ailleurs.
La prévalence de ces autres troubles fonctionnels doulou- Perméabilité intestinale augmentée
reux abdominaux est estimée respectivement à 0,2–10, 1–23 L'épithélium intestinal est un des acteurs de la barrière
et 2–4,4 %. intestinale entre le corps et le milieu extérieur. Ce rôle est
■ La dyspepsie fonctionnelle inclut au moins un des joué par les jonctions serrées localisées au pôle apical des
signes suivants : plénitude postprandiale et/ou satiété entérocytes et la sécrétion de mucus.
précoce et/ou douleur ou brûlure épigastrique non liée à Dans l'IBS, on retrouve une perméabilité intestinale aug-
la défécation. Ils sont présents au moins 4 jours/mois. mentée, ce qui permet l'interaction du contenu luminal avec
■ Les migraines abdominales incluent tous les critères sui- le système nerveux entérique et le système immunitaire. Ceci
vants à au moins 2 reprises : permet le passage d'agents infectieux ou d'antigènes micro-
– épisodes de douleurs abdominales paroxystiques, biens ou alimentaires. En conséquence, il y a activation de
intenses, aiguës, périombilicales, médianes ou diffuses ; voies nerveuses afférentes ou du système immunitaire.
– épisodes séparés de plusieurs semaines ou mois ;
– douleur invalidante qui interfère avec les activités Inflammation intestinale
habituelles ; Il existe une inflammation intestinale chronique appelée
– caractère stéréotypé ; inflammation de bas grade. En pratique, on retrouve une
– douleur associée à ≥ 2 signes : anorexie, nausée, augmentation faible de la calprotectine fécale. Alors que les
vomissement, céphalées, photophobie, pâleur. valeurs normales sont inférieures à 50 μg/g de selles, dans
■ Les douleurs abdominales fonctionnelles non clas- l'IBS on peut retrouver des valeurs de l'ordre de 150–200 μg/g
sées ailleurs incluent tous les critères suivants au moins de selles. Mais dans les maladies inflammatoires chroniques
4 jours/mois : intestinales en poussée, les valeurs sont nettement plus élevées.
– douleurs abdominales ponctuelles ou continues qui ne
surviennent pas uniquement lors d'évènements phy- Hypersensibilité viscérale
siologiques (règles, alimentation) ;
– données insuffisantes pour retenir le diagnostic Chez les patients IBS, le seuil de sensibilité viscérale est
d'intestin irritable, de dyspepsie fonctionnelle ou de altéré. La douleur est perçue pour des stimuli plus faibles
migraine abdominale. que chez des témoins.
Par définition, les autres étiologies organiques à suspecter
sont des douleurs abdominales chroniques : Facteurs psychologiques et hormonaux
■ maladies inflammatoires chroniques intestinales ; Au niveau cérébral, des études utilisant l'imagerie fonction-
■ gastrite, voire ulcère duodénal à Helicobacter pylori ; nelle ont montré un nombre de connexions cérébrales plus
■ pathologies bilio-pancréatiques ; important et une modulation sérotoninergique altérée dans
■ atteinte génito-urinaire. l'IBS par rapport aux témoins.
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 395
Les voies efférentes du système nerveux autonome sont ■ type d'allaitement : maternel ou lait infantile ;
influencées par des facteurs émotionnels et des hormones ■ pathologie associée médicale ou chirurgicale ;
liées au stress de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. ■ antécédents familiaux ;
Elles ont un effet sur la motricité digestive, la perméabilité ■ retentissement général : état de choc, stagnation pondé-
intestinale et l'immunité intestinale. rale, fièvre ;
Au niveau psychologique, il est habituel de retrouver dans ■ signes digestifs associés (diarrhée, vomissement, etc.) ;
les études une prévalence plus élevée d'anxiété et dépression ■ aspect des selles (dures, glaireuses, etc.) ;
chez les personnes ayant un IBS. Le chevauchement entre IBS ■ caractéristiques du saignement : traces de sang mêlé aux
et dépression est de l'ordre de 30 % et de 30–50 % pour l'anxiété. selles, sang entourant des selles dures.
Il est important de noter qu'il a été retrouvé un renforce-
ment positif maternel. Ainsi, le degré d'inquiétude mater-
nelle est associé positivement à la sévérité des douleurs mais
Examen clinique
également à un absentéisme scolaire. Après avoir recherché des éléments de gravité (état général,
palpation abdominale), l'examen doit être complet avec une
attention particulière à l'examen périnéal à la recherche
Traitement d'une fissure anale.
Diététique
L'approche est une réduction alimentaire des oligosaccha- Étiologie
rides, disaccharides, monosaccharides et polyols (FODMAP).
La réduction de ces sucres fermentables permet de limiter Proctocolite allergique aux protéines alimentaires
la distension intestinale qui est un des stimuli douloureux. Il s'agit de l'une des causes les plus fréquentes de rectorragies.
Afin d'éviter des erreurs diététiques à l'origine de carence, ce Elle survient au cours du 1er mois de vie, en général entre
régime peut être réalisé avec l'aide d'une diététicienne. 1 et 4 semaines, mais sa survenue peut être retardée chez un
nourrisson allaité par sa mère. Elle est rare après 6 mois.
Médicaments Il s'agit d'une colite allergique non IgE-médiée induite
Probiotiques par les protéines alimentaires, essentiellement les protéines
du lait de vache. Le soja est plus rarement en cause. D'autres
Il existe quelques études chez l'enfant qui suggèrent allergènes sont parfois en cause chez les enfants allaités. Les
l'utilisation : prick-tests et le dosage des IgE spécifiques sont négatifs. La
■ plutôt de Lactobacillus GG et VSL ♯ 3 ; courbe de poids est habituellement normale.
■ voire de L. reuteri DSM 17938. Les rectorragies sont plutôt de petite abondance à type de
L'efficacité d'un mélange de Bifidobacterium infantis M-63, piquetés de sang dans les selles.
breve M-16V et longum BB536 a récemment été montrée.
Colites infectieuses
Antidépresseurs
Il s'agit de rectorragies survenant dans un contexte évocateur
L'amitriptyline et l'imipramine ont montré une efficacité avec diarrhée glairosanglante, parfois fébrile. Une analyse bacté-
dans les formes sévères d'IBS. Ces antidépresseurs sérotoni- riologique et virologique des selles recherche le germe en cause.
nergiques sont encore peu utilisés dans cette indication chez Chez les nourrissons âgés de moins d'un an, les germes
l'enfant en France. les plus fréquemment retrouvés dans les diarrhées aiguës
sont les virus (Rotavirus, Norovirus et adénovirus), puis les
Approches non médicamenteuses infections à salmonelles.
■ Psychologie. Chez le jeune nourrisson, il peut aussi s'agir de colites à
■ Sophrologie. CMV ou à Campylobacter, Shigella.
■ Hypnose.
Fissure anale
Sang dans les selles Comme pour des enfants plus âgés, il faut rechercher une
chez un nourrisson fissure anale chez un nourrisson ayant des rectorragies au
cours d'une exonération difficile et douloureuse et des selles
Emmanuel Mas dures. Ces fissures sont de localisation classique antérieure
Chez un nourrisson, il s'agit essentiellement de rectorragies. et/ou postérieure.
Ces saignements sont rarement abondants mais souvent
Autres étiologies
surévalués et vécus comme un danger par l'entourage.
Les étiologies suivantes sont moins fréquentes. Face à des
rectorragies abondantes ou mal tolérées, il faut évoquer :
Interrogatoire ■ une entérocolite ulcéronécrosante chez le prématuré ;
Il faut rechercher les éléments suivants qui orientent vers ■ un diverticule de Meckel ;
l'étiologie : ■ un volvulus du grêle.
■ âge de survenue ; Une invagination intestinale aiguë idiopathique peut être
■ anamnèse néonatale : prématurité, date d'émission du suspectée chez un nourrisson de plus de 6 mois ayant des
méconium ; douleurs paroxystiques accompagnées de pâleur.
396 Partie II. Spécialités
Une colite peut compliquer une maladie de Hirschsprung. mentation est nécessaire. Il s'agit d'une éviction des produits
Il est rare de diagnostiquer un polype juvénile à cet âge-là. laitiers de l'alimentation maternelle chez un nourrisson
Mais des saignements d'une certaine abondance, indolores allaité (penser à la supplémentation calcique de la mère
et survenant parfois à distance des selles sont évocateurs allaitante) ou d'un relais avec un hydrolysat extensif de pro-
d'un polype. Une coloscopie permet de le confirmer et de téines du lait de vache chez un nourrisson alimenté avec
vérifier s'il est isolé ou s'il s'agit d'une polypose familiale. une formule infantile. Il est plus rare d'avoir recours à un
Des rectorragies de faible abondance parfois un peu pro- mélange d'acides aminés.
longées peuvent faire évoquer une hyperplasie nodulaire L'amélioration en 3–4 jours sous régime d'exclusion per-
lymphoïde. Il s'agit d'une réaction post-infectieuse. met de faire le diagnostic. En cas de doute, une rectoscopie
Enfin, des maladies inflammatoires chroniques intesti- doit être réalisée. Elle retrouve un aspect érythémateux loca-
nales à début très précoce peuvent débuter dans la 1re année lisé avec une hyperplasie nodulaire lymphoïde.
de vie. La symptomatologie est similaire à celle des enfants L'évolution est favorable. Une résolution spontanée est
plus grands. Il s'agit souvent de maladies monogéniques, de rapportée chez des enfants allaités. La réintroduction des
prise en charge particulière. protéines en cause se fait précocement après 6 mois.
Le traitement d'une colite infectieuse dépend du germe
Méléna en cause (Shigella) ou des critères liés à l'enfant (patho-
Les mélénas sont rares chez le nourrisson. Comme pour logie associée, âge < 3 mois) ou de la gravité (syndrome
tout méléna, une hémorragie digestive localisée en amont de toxi-infectieux, diarrhées glairosanglantes > 7 jours, hémo-
l'angle de Treitz doit être évoquée : cultures positives). Les principaux antibiotiques utilisés sont
■ ulcère gastroduodénal ; l'azithromycine et la ceftriaxone. Ce dernier est utilisé dans
■ rupture de varice œsophagienne. les formes sévères mais il expose à un risque de syndrome
La présentation clinique est plutôt une hématémèse. On hémolytique et urémique par libération de toxine lors de la
recherche une prise d'anti-inflammatoire non stéroïdien lyse bactérienne.
pour un ulcère et des éléments en faveur d'une hypertension
portale (splénomégalie ± atteinte hépatique). Conclusion
La présence de sang dans les selles d'un nourrisson cor-
Prise en charge respond le plus souvent à des rectorragies. Deux étiologies
dominent : la colite allergique et les colites infectieuses.
Évaluation initiale
Il est rare d'avoir besoin de réaliser des examens complémen-
taires. Lors d'un saignement abondant, il faut rechercher une Maladies inflammatoires
déglobulisation avec NFS-plaquettes. Un bilan d'hémostase
permet d'éliminer un trouble de l'hémostase qui pourrait chroniques de l'intestin
majorer des saignements de plus faible abondance. Thierry Lamireau, Raphaël Enaud
Physiopathologie d'emblée celui d'une colite aiguë grave (avec plus de 6 selles
Elle fait intervenir de nombreux facteurs : sanglantes quotidiennes), avec risque d'hémorragies, de
■ génétiques : perforation ou de choc septique, imposant l'hospitalisation
– fréquence des formes familiales, concordance pour la en urgence. Elle peut au contraire ne s'exprimer que par des
MC chez les jumeaux monozygotes, rectorragies peu importantes, accompagnées de douleurs à
– variants de NOD2, principal gène de susceptibilité, l'exonération, sans aucun retentissement général, notamment
présents chez la moitié de malades atteints de MC du dans les formes peu étendues, rectales ou rectosigmoïdiennes.
grêle ;
■ microbiologiques : Explorations initiales, explorations
– déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose), pré- plus spécialisées
dictif de rechute dans la MC,
En cas de suspicion de MICI, le bilan biologique initial
– surrisque de développer une MC en cas d'exposition
recherche un syndrome inflammatoire (hyperleucocytose à
aux antibiotiques dans l'enfance ;
polynucléaires, CRP et VS élevées), une anémie (inflamma-
■ environnementaux :
toire et/ou par carence en fer ou en folates) et des stigmates
– effet protecteur du tabac vis-à-vis de la RCH mais
de dénutrition (hypoalbuminémie). Le dosage de la calpro-
aggravant la MC,
tectine fécale est utile pour différentier MICI et troubles
– diminution du risque de RCH après appendicectomie,
fonctionnels intestinaux, avec une excellente sensibilité
– incidence élevée des MICI dans les pays à haut niveau
(98 %) mais une spécificité plus modeste (70 %) en raison
d'hygiène (pauvreté du microbiote, faible portage de
de son élévation dans d'autres types d'inflammation intes-
parasites),
tinale (infection, allergie). L'échographie abdominale peut
– possible rôle des régimes alimentaires pauvres en
montrer un épaississement des parois digestives.
fibres, riches en sucres raffinés, en protéines et graisses
L'apparition d'un tableau évoquant une MICI chez un
animales,
enfant nécessite un avis spécialisé. Celui-ci permet d'entre-
– probable diminution du risque de MICI en cas d'allai-
prendre rapidement les examens complémentaires, notam-
tement maternel.
ment endoscopiques, qui précisent le type, l'étendue et la
sévérité de la maladie.
Présentations cliniques L'examen clé est la coloscopie totale avec iléoscopie
Maladie de Crohn qui montre des lésions à type d'ulcérations plus ou moins
profondes, parfois des pseudo-polypes, au sein d'une
Elle se manifeste le plus souvent par des douleurs abdominales muqueuse inflammatoire. Dans la MC, les lésions sont seg-
diffuses ou localisées à la fosse iliaque droite, permanentes mentaires et focales, souvent iléocoliques droites, parfois
ou paroxystiques, accompagnées de besoins impérieux, de pancoliques. Dans la RCH, les lésions débutent au niveau du
ténesme ou de ballonnement abdominal. La diarrhée est rectum et remontent plus ou moins haut sur le côlon, sans
variable, liquide ou glairosanglante. Une fièvre traînante, intervalle de muqueuse saine. Elles peuvent être limitées
une altération de l'état général avec asthénie et anorexie, un au rectosigmoïde, sont souvent plus étendues voire pan-
amaigrissement ou une aphtose récidivante sont évocateurs coliques mais épargnent alors l'iléon. Les biopsies étagées
de MC. Parfois, la MC se révèle par des signes extradigestifs montrent un infiltrat inflammatoire avec, dans la MC, des
au premier plan, articulaires (arthralgies, polyarthrite tou- ulcérations profondes et surtout des granulomes épithélio-
chant les grosses articulations), cutanés (érythème noueux, gigantocellulaires, pathognomoniques mais inconstants.
pyoderma gangrenosum, hippocratisme digital), oculaires Dans la RCH, les lésions sont plus superficielles, à type
(uvéite, épisclérite, iridocyclite), plus rarement hépatiques d'ulcérations muqueuses et d'abcès des cryptes glandulaires.
(hépatite auto-immune, cholangite sclérosante) ou des pous- Une fibroscopie digestive haute est effectuée systémati-
sées de pancréatite. Le tableau peut être plus insidieux, avec quement à la recherche de lésions ulcérées œsophagiennes
une diarrhée chronique non sanglante, des douleurs abdomi- ou gastroduodénales qui orienteraient vers une MC, surtout
nales plus sourdes, une perte de poids progressive, un retard si les biopsies y retrouvent des granulomes.
de croissance et parfois pubertaire chez un grand enfant. Les Les examens d'imagerie abdominale précisent l'étendue
symptômes peuvent alors évoluer à bas bruit pendant des mois des lésions notamment du grêle et leur caractère sténosant
avant que le diagnostic ne soit porté. L'examen périnéal (fis- (entéro-IRM), recherchent des fistules ou des abcès intrapel-
sures, orifices de fistule) et l'étude des courbes de croissance viens (IRM pelvienne) en cas de lésions périnéales sévères.
(infléchissement du poids et souvent de la taille) peuvent alors Un examen par vidéocapsule endoscopique peut être utile
apporter des arguments importants pour une MC. pour préciser des lésions suspendues du grêle.
Rectocolite hémorragique L'examen ophtalmologique peut mettre en évidence une
atteinte inflammatoire oculaire. L'ostéodensitométrie est utile
Elle s'exprime souvent de façon plus bruyante par des dou- pour apprécier le degré d'ostéopénie liée initialement à la
leurs abdominales intenses, paroxystiques, avec ténesme et malabsorption dans la MC, ou secondaire à la corticothérapie.
épreintes, une diarrhée avec émission de nombreuses petites
selles faites de mucus ou de pus et de sang, et une altération
plus ou moins importante de l'état général avec asthénie, Évolution
anorexie, amaigrissement et pâleur. Des signes extradigestifs L'évolution des MICI est chronique mais peut être très
peuvent être au premier plan. Parfois, le tableau initial est variable selon le type de MICI, la sévérité initiale, et les
398 Partie II. Spécialités
individus. Elle est suivie cliniquement par les scores d'acti- ■ Les formes pancoliques de faible intensité peuvent être
vité, PCDAI (Pediatric Crohn's Disease Activity Index) en traitées par 5-ASA par voie orale, mais nécessitent une
cas de MC ou PUCAI (Paediatric Ulcerative Colitis Activity corticothérapie systémique courte, relayée par un immu-
Index) en cas de RCH. nosuppresseur (azathioprine ou méthotrexate) dans les
Des poussées plus ou moins sévères peuvent surve- formes plus sévères.
nir, justifiant un ajustement thérapeutique. L'absence de ■ Les formes chroniques sévères justifient l'utilisation de
réponse rapide à un traitement médical doit conduire à biothérapies de type anticorps anti-TNF-α, voire d'une
la colectomie en urgence dans cette situation de poussée colectomie dans les formes réfractaires.
grave de RCH. En cas de colite aiguë grave, la non-réponse rapide à la
Les lésions intestinales chroniques de la MC peuvent se corticothérapie intraveineuse nécessite des perfusions rap-
compliquer de sténoses avec tableau de subocclusion, de fis- prochées d'anticorps anti-TNF-α et peut conduire à une
tules anopérinéales ou intra-abdominales, d'abcès à type de colectomie en urgence en l'absence d'amélioration.
plastron ou se développant dans la région périrectale.
Suivi ambulatoire
Traitement La surveillance est clinique (régression des symptômes diges-
Principes tifs, reprise pondérale, meilleur état général et nutritionnel)
Le traitement fait appel à une prise en charge nutrition- et biologique (régression du syndrome inflammatoire et de
nelle (régime d'épargne colique, alimentation entérale voire l'anémie, absence de toxicité des médicaments, éventuelle-
parentérale), des médicaments (5-aminosalicylés [5-ASA], ment dosages médicamenteux). Un régime pauvre en fibres
corticoïdes, azathioprine ou méthotrexate, biothérapies) et et en lactose peut être utile lors des poussées, mais n'a pas
parfois la chirurgie. d'effet au long cours sur la prévention des poussées. Le
La prise en charge a pour but d'induire et de maintenir médecin doit être attentif à l'apparition d'effets secondaires :
la rémission, d'éviter les rechutes et les complications, de ■ manifestations immunoallergiques avec les 5-ASA,
repousser l'échéance de la chirurgie, et d'assurer une qualité l'infliximab ;
de vie satisfaisante. La stratégie thérapeutique doit intégrer ■ leuconeutropénie avec l'azathioprine, le méthotrexate, les
le type (MC ou RCH) et l'ancienneté de la maladie, sa loca- anti-TNF-α ;
lisation, la sévérité et la fréquence des poussées, les atteintes ■ infections avec les anti-TNF-α ;
extradigestives associées, l'état nutritionnel, mais également ■ toxicité hépatique ou pancréatique avec l'azathioprine, le
de l'âge et l'évolution de la courbe staturale. La discussion méthotrexate, les anti-TNF-α ;
au sein de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) ■ lésions cutanées psoriasiformes avec les anti-TNF-α.
est indispensable pour poser au mieux les indications théra- En phase de rémission, il faut s'assurer d'apports alimen-
peutiques dans les cas difficiles. taires équilibrés et suffisants sur le plan calorique, d'une
croissance staturale correcte, d'une qualité de vie satisfai-
Stratégie thérapeutique dans la MC sante, notamment sur le plan des activités scolaires et spor-
tives. Un bilan annuel dermatologique, et gynécologique
■ Les formes iléales ou iléocoliques droites d'intensité pour les adolescentes, est recommandé en cas de traite-
faible peuvent être traitées par des corticoïdes topiques ment immunosuppresseur. L'éducation thérapeutique est
(budésonide) ou nutrition entérale exclusive (produit essentielle dans ces maladies chroniques sévères pour aider
d'alimentation orale enrichi en TGF-β). l'enfant à connaître sa maladie et son évolution, prendre
■ Les formes pancoliques d'intensité moyenne justifient régulièrement ses traitements, accepter une nutrition enté-
d'une corticothérapie systémique courte, relayée par un rale, faire les soins d'une stomie, etc.
immunosuppresseur (azathioprine ou méthotrexate). Un soutien psychologique par le médecin traitant est impor-
■ Les formes sévères, réfractaires aux immunosuppresseurs tant, éventuellement aidé par une prise en charge spécifique.
ou associées à une atteinte périnéale, nécessitent l'utili- L'adhésion à une association de malades permet à l'enfant et
sation de biothérapies de type anticorps a nti-TNF-α : ses parents de trouver un soutien, de partager des expériences.
infliximab (perfusions toutes les 8 semaines en moyenne),
adalimumab (injection sous-cutanée tous les 15 jours).
Un immunosuppresseur peut être associé dans les formes Ingestion de corps étranger
graves.
■ Les complications (fistules périnéales et abcès pelviens, Emmanuel Mas
sténose iléocolique symptomatique, abcès et fistules L'ingestion de corps étranger (CE) est un accident fréquent
intra-abdominaux) nécessitent souvent une intervention qui concerne le plus souvent de jeunes enfants avec une pré-
chirurgicale qui doit être la plus économe possible en cas dominance de garçons. L'ingestion passe généralement ina-
de résection intestinale, encadrée d'un support nutrition- perçue au moment où les enfants mettent de nombreux objets
nel parentéral. à la bouche quand ils découvrent le monde qui les entoure.
Cet accident est bénin dans la majorité des cas mais il
Stratégie thérapeutique dans la RCH peut requérir une extraction endoscopique, voire chirurgi-
■ Les formes distales modérées peuvent être traitées locale- cale ou, exceptionnellement, être à l'origine de décès. Il est
ment par suppositoires ou lavements de 5-ASA ou corti- essentiel de connaître la conduite à tenir en fonction du type
coïdes, ou par 5-ASA per os en cas d'échec. de CE et de sa localisation.
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 399
Localisation
Les CE radiovisibles sont ainsi séparés en fonction de leur
localisation en :
■ CE œsophagien : tiers supérieur, moyen et inférieur ;
■ CE gastrique ;
■ CE intestinal.
Les CE restent plus facilement bloqués au niveau du tiers
supérieur et du tiers moyen de l'œsophage, plus rarement Fig. 15.8 Pièce de monnaie.
400 Partie II. Spécialités
Pathologies associées
Œsophagite à éosinophiles
L'impaction d'un CE alimentaire doit faire évoquer une
œsophagite à éosinophiles. Un terrain atopique et des
épisodes similaires sont souvent retrouvés à l'interroga-
toire. Il s'agit d'un trouble de la motricité de l'œsophage
Fig. 15.9 Pile : noter le halo clair.
secondaire à une inflammation. Des biopsies étagées
sont à réaliser après extraction du CE pour confirmer le
diagnostic.
Surveillance Il faut se méfier aussi d'une sténose de l'œsophage
Il est possible de proposer de boire quelques gorgées appelée anneau de Schatzki que l'on peut retrouver dans
d'eau à un enfant asymptomatique ayant un CE mousse cette pathologie. Il existe des aspects endoscopiques
localisé au niveau du tiers inférieur de l'œsophage, en caractéristiques.
surveillance hospitalière afin de confirmer son passage,
fréquent, vers l'estomac. Une extraction endoscopique est Atrésie de l'œsophage
justifiée si le CE persiste localisé dans l'œsophage au-delà L'impaction de CE dans l'œsophage est favorisée par l'exis-
de 12 heures. tence d'une sténose anastomotique ou des troubles de la
Les CE gastriques de petite taille, non traumatisants, non motricité.
toxiques et non caustiques (exemple : pièce ou bille), ne
nécessitent pas d'extraction mais une surveillance à domi- Infirmité motrice d'origine cérébrale
cile pendant au moins 4 semaines. Il est recommandé aux L'ingestion d'un CE est plus fréquente chez ces enfants qui
parents de consulter si une symptomatologie digestive appa- portent facilement des objets à la bouche et de diagnos-
raît (vomissements, douleurs abdominales). En l'absence de tic plus difficile en raison des symptômes liés au reflux
visualisation du CE dans les selles, une radiographie peut gastro-œsophagien fréquent dans cette population. Des
être réalisée après 4 semaines. vomissements ou une dysphagie inhabituels peuvent être
suspects.
Délai d'extraction
Les CE nécessitant une extraction très urgente sont :
■ la pile bouton œsophagienne car les lésions peuvent Augmentation des transaminases
survenir en quelques minutes au niveau de l'œsophage.
Dominique Debray, Muriel Girard
Ce risque augmente au-delà de 2 heures lorsque la pile
est impactée dans l'œsophage, pour des piles ≥ 20 mm et L'activité des transaminases augmente au cours de la plupart
chez de jeunes enfants âgés de moins de 4 ans. L'impac- des maladies hépatiques mais également dans les maladies
tion risque d'entraîner des perforations et des fistules musculaires ou cardiaques.
œsotrachéales ou œso-aortiques avec une hémorragie Le dosage des transaminases n'est pas recommandé
massive lors du retrait. Si les piles boutons sont locali- au cours d'une infection virale en l'absence de signe cli-
sées dans l'estomac, il est possible de surveiller l'enfant nique d'hépatopathie (hépatomégalie, douleur hépatique,
pendant 24 heures afin de s'assurer de leur évacua- ictère, ascite, splénomégalie, etc.) car leur taux est souvent
tion gastrique ou, sinon, de réaliser une extraction élevé de façon modérée mais sans intérêt diagnostique ou
endoscopique ; pronostique.
■ les aimants multiples qui doivent être extraits Dans les maladies du foie, l'augmentation importante
en urgence avant qu'ils aient franchi le pylore. En des transaminases signe habituellement la nécrose hépato-
effet, lorsque des aimants sont localisés dans diffé- cytaire, mais une augmentation modérée des transaminases
rentes anses digestives, leur attraction conduit à une est habituelle en cas de cholestase.
nécrose de la paroi compliquée de perforation et/ou C'est le plus souvent à l'occasion de l'apparition d'un
de fistule. ictère ou de la découverte d'une hépatomégalie qu'un dosage
Les CE œsophagiens doivent être extraits rapidement par des transaminases est demandé. Leur augmentation cor-
endoscopie, a fortiori s'il s'agit de CE traumatisants ou si respond le plus souvent chez l'enfant à une hépatite virale
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 401
aiguë, mais peut révéler une maladie chronique du foie. Il étant la cause la plus fréquente d'hépatite aiguë chez
est donc important d'en identifier la cause rapidement et l'enfant.
de rechercher des signes de gravité (insuffisance hépatique – Le risque chez un enfant ictérique est la survenue
aiguë) nécessitant le transfert rapide de l'enfant dans un d'une insuffisance hépatique aiguë (0,2 à 0,4 % des
centre spécialisé. hépatites A symptomatiques) pouvant conduire
L'interrogatoire et l'analyse des antécédents peuvent par- rapidement à la décision d'une transplantation hépa-
fois orienter rapidement vers une étiologie : tique en urgence. Une telle complication, quoique
■ notion de contage ou d'un voyage récent en pays rare, justifie de contrôler systématiquement le temps
de forte endémie pour le virus de l'hépatite A ou de de Quick et le facteur V et d'adresser l'enfant dans un
l'hépatite E ; centre de greffe hépatique si le FV est inférieur à 50 %
■ prise médicamenteuse (paracétamol ++, sulfamides, de la normale.
anticonvulsivants, antituberculeux, etc.) ou de toxiques – En cas d'ictère prolongé au-delà de 15 jours, il est
(ingestion de champignons) ; prudent de prescrire une supplémentation en vita-
■ maladies auto-immunes dans la famille : hypothyroïdie, mine K1 (20 mg de la solution injectable par voie
diabète, vitiligo, etc. orale ou 10 mg par voie intramusculaire tous les
15 jours).
Examen clinique – Il est recommandé de vacciner les frères et sœurs de
■ Il s'assure de l'absence de signes de gravité (troubles de la l'enfant contaminé dès le diagnostic, voire élargir à
conscience, syndrome hémorragique). l'entourage proche.
■ Il recherche des signes en faveur d'une maladie chro- – L'infection par le virus de l'hépatite A nécessite une
nique du foie (hépatomégalie ferme, angiomes stel- éviction de 10 jours après début de l'ictère.
laires, circulation veineuse collatérale, érythrose 5. Si les IgM anti-VHA sont négatives, il est nécessaire de
palmaire, splénomégalie, ascite) ou d'une atteinte extra- rechercher une autre cause d'hépatite virale aiguë (nette-
hépatique (atteinte musculaire, neurologique, digestive, ment moins fréquente) :
hématologique). – hépatite B (rare chez l'enfant) : le diagnostic d'infec-
tion est fait par l'étude des marqueurs de l'hépa-
tite B : antigène HBs, anticorps anti-HBc de type
Attitude pratique IgM, Ag HBe. Chez un enfant porteur chronique de
La conduite à tenir devant la découverte d'une aug- l'antigène HBs, une surinfection par l'agent Delta
mentation des transaminases est résumée dans la peut se traduire par une hépatite aiguë, et il faut
figure 15.10. penser à rechercher les anticorps (IgM) antivirus
1. Une augmentation isolée des transaminases, prédo- Delta.
minant sur les ASAT, peut être d'origine musculaire. - En cas d'hépatite aiguë B, il existe un risque d'in-
Une certaine fatigabilité à l'effort et une hypertrophie suffisance hépatique aiguë, qui justifie de contrô-
des mollets peuvent orienter vers cette hypothèse dès ler systématiquement le temps de Quick et le
l'examen clinique. Dans ce cas, l'activité sérique de facteur V.
la créatine-phosphokinase (CPK) est également très - En cas de transmission verticale du virus B, le
augmentée. Chez un garçon, on peut évoquer une risque d'hépatite chronique est particulièrement
myopathie de Duchenne ou de Becker. Une augmen- important (90 %) ; il est donc impératif de recontrô-
tation des transaminases d'origine musculaire peut ler la sérologie 6 mois après une hépatite aiguë afin
également être observée au décours d'une interven- de s'assurer de la guérison confirmée par l'appa-
tion chirurgicale sur l'abdomen, d'injections par voie rition des anticorps anti-HBs et la disparition de
intramusculaire, ou au décours d'un entraînement l'antigène HBs.
sportif intense. - Il est important de réaliser un dépistage du virus B
2. Exceptionnellement, l'augmentation des transami- dans l'entourage familial, de vacciner les sujets non
nases n'intéresse que les ASAT alors que les ALAT protégés et d'assurer le suivi des porteurs chroniques
restent régulièrement normales : l'hypothèse d'une identifiés ;
macro-transaminasémie (ASAT présente dans le – autres virus : cytomégalovirus, virus d'Epstein-Barr,
sérum sous forme de complexes avec les immuno- virus du groupe herpès (HSV, HHV6), entérovirus
globulines G) peut être évoquée. Des examens bio- et éventuellement une hépatite C par la recherche de
chimiques spécifiques permettent d'en apporter la l'ARN viral par PCR (hépatite aiguë symptomatique
preuve. exceptionnelle).
3. Une cause toxique/médicamenteuse doit être évoquée 6. Si aucune cause virale n'est identifiée avec certitude, il
de principe et tout traitement doit être interrompu. est indispensable de poursuivre les investigations à la
En cas de prise de paracétamol, le dosage sanguin est recherche d'une hépatite auto-immune ou d'une maladie
impératif. de Wilson (chez un enfant de plus de 3 ans).
4. En l'absence d'orientation diagnostique, le premier exa- – Des antécédents familiaux d'auto-immunité,
men biologique à demander est le dosage des anticorps des signes de maladie chronique du foie (hépa-
antivirus de l'hépatite A (VHA) de type IgM, l'hépatite A tomégalie ferme, splénomégalie, ascite), une
402 Partie II. Spécialités
Augmentation des transaminases chez l'enfant
Toxique
En apparence aiguë Persistante
(paracétamol, champignon)
Normale Échographie
Normale Échographie
Virus
Hépatite A aiguë
Dilatation Oui (VHB, VHC) Non Hépatopathie
Oui voies biliaires chronique
(IgM+) Hépatopathie
chronique Dilatation
Surveillance
voies biliaires
Surveillance Non Hépatite auto-immune
Lithiase de la VBP Oui Maladie de Wilson
Hépatite auto-immune
Traitement Non
Oui Maladie de Wilson
spécifique
Fig. 15.10 Cholestase néonatale : démarche diagnostique. A1AT : α1-antitrypsine ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : Epstein-Barr Virus ; HHV6 : Human Herpes Virus-6 ; HSV : herpès simplex virus ;
LAL : leucémie aiguë lymphoïde ; SAM : syndrome d'activation macrophagique ; SOS : syndrome d'obstruction sinusoïdale ; VBP : voie biliaire principale ; VHB : virus de l'hépatite B ; VHC : virus de
l'hépatite C.
Chapitre 15. Gastroentérologie – Hépatologie 403
autre cause, notamment une hépatite auto-immune ou une rare (incidence 1/1 000 000 naissances vivantes).
maladie de Wilson afin de commencer précocement le traite- Le risque de l'hyperbilirubinémie libre, surtout lorsqu'elle
ment spécifique. est associée à des cofacteurs de morbidité, est sa toxicité neu-
■
L'enfant doit être transféré dans un centre spécialisé en cas rologique dont la forme la plus sévère est l'ictère nucléaire.
de signes de gravité (troubles de la conscience, insuffisance
Ce risque neurologique justifie les efforts de dépistage et de
hépatique) ou en cas de négativité de l'enquête étiologique,
pour envisager la réalisation d'une biopsie hépatique. prévention, fondés sur la mesure transcutanée systématique
■
Un avis spécialisé doit toujours être pris si une maladie chro- de la BNC dès J1 (avec dosage sanguin si la BNC transcuta-
nique du foie (maladie de Wilson, hépatite auto-immune, etc.) née est élevée), la prise en compte des facteurs de risque et
est reconnue ou si l'enquête étiologique reste négative, d'au- le traitement précoce par photothérapie. Des recommanda-
tant plus qu'une biopsie hépatique s'avère souvent nécessaire. tions ont été émises quant à l'indication de la photothérapie
tenant compte du terme, des facteurs de risques associés et
de la valeur de la BNC.
Syndrome de Dubin-Johnson
Syndrome de Rotor
Cholestase
Hémolyse Anomalie de la conjugaison Autre
Échographie abdominale
Oui Selles décolorées ?
Incompatibilité (ABO, Rh) Physiologique Résorption à jeun normale ?
Hémoglobinopathies Prématurité d'hématome
Déficit G6PD/PK Syndrome de Gilbert Oui Non
Non
Non
Lithiase du cholédoque Cause non identifiée
Atrésie des voies biliaires
Dilatation congénitale VBP
Cholangiographie :
voies biliaires perméables ?
Biopsie hépatique ?
Non
Cholangite sclérosante néonatale
Oui
Cholestase transitoire
Autre cause
Surveillance
Fig. 15.11 Ictère du nouveau-né : démarche diagnostique. A1AT : α1-antitrypsine ; BC : bilirubine conjuguée ; BNC : bilirubine non conjuguée ; G6PD : glucose-6-phosphate-déshydrogénase ;
α-GT : gamma-glutamlyltransférase ; PK : pyruvate-kinase ; VBP : voie biliaire principale.
406 Partie II. Spécialités
Tableau 15.2 Principales causes de cholestase de début néonatal, éléments d'orientation et examens initiaux.
Causes Éléments d'orientation Examens initiaux1
Extra-hépatiques
Lithiase de la VBP Intervalle libre par rapport à la naissance Échographie hépatique (dilatation des
Dilatation congénitale de la VBP voies biliaires) ± cholangiographie
Perforation des voies biliaires
Intra-hépatiques
Syndrome d'Alagille RCIU, faciès particulier, cri aigu, cardiopathie Lampe à fente (embryotoxon postérieur),
(notamment sténose de l'artère pulmonaire ou rachis dorso-lombaire (vertèbres en aile
de ses branches), hypercholestérolémie de papillon), échographie cardiaque
Déficit en α1-antitrypsine Absence de pic d'α1-globulines sur Dosage sérique de l'α1-antitrypsine
l'électrophorèse des protéines et génotype ZZ
Mucoviscidose Dépistage néonatal (TIR) Chlore sudoral, mutations du gène
Cholestases intrahépatiques familiales (PFIC) γ-GT normale (PFIC1-2 ou autres) ou élevée (PFIC- Mutations des gènes
3), acides biliaires sériques élevés
Défaut de synthèse des acides biliaires γ-GT normale, acides biliaires sériques bas Chromatographie des acides biliaires
primaires urinaires
Cytopathie mitochondriale RCIU, atteinte neurologique, hypoglycémie, Points redox, spectro-IRM cérébrale,
insuffisance hépatocellulaire, cirrhose micronodulaire étude moléculaire des gènes nucléaires
Déficit en cortisol ou insuffisance Hypoglycémie, micropénis, hyperpigmentation Cortisol, ACTH plasmatique,
antéhypophysaire (paumes) bilan hormonal complet
Maladie peroxysomale Faciès particulier, atteinte neurologique Chromatographie des acides gras à très
longue chaîne
Maladies de surcharge Splénomégalie importante – Niemann-Pick type C : lymphocytes
vacuolés, myélogramme ;
– Gaucher : dosage de la β-glucosidase
leucocytaire ;
Fœtopathies (TORCH) RCIU, splénomégalie Sérologies, virurie CMV2, radiographie
de squelette, FO, LAF
Causes diverses3
Cholestase néonatale bénigne Prématurité, souffrance fœtale aiguë Diagnostic d'élimination
Extra et intrahépatiques
Atrésie des voies biliaires Syndrome de polysplénie ou hétérotaxie (< 10 % Cholangiographie
des cas), absence de visibilité
de la vésicule biliaire, kyste au hile du foie
Cholangite sclérosante néonatale Ichtyose cutanée Cholangiographie
ACTH : Adrenocorticotrophic Hormone ; CMV : cytomégalovirus ; FO : fond d'œil ; γ-GT : gammaglutamyl-transférase ; LAF : lampe à fente ; PFIC : Progressive
Familial Intrahepatic Cholestasis ; RCIU : retard de croissance intra-utérin ; TIR : trypsine immunoréactive ; TORCH : Toxoplasmose, Other (syphilis, varicelle-zona,
parvovirus B19), Rubella, Cytomegalovirus, Herpes.
1. Une biopsie hépatique peut s'avérer secondairement nécessaire pour conforter ou confirmer le diagnostic.
2. La positivité de la virurie CMV au-delà de la 1re semaine de vie n'a aucune valeur diagnostique.
3. Infection urinaire à E. coli (la persistance de l'ictère sous antibiotiques doit conduire à réviser le diagnostic), nutrition parentérale exclusive, déficit en citrine,
syndrome ARC (Arthrogryposis, Renal tubular dysfunction, Cholestasis), déficit de synthèse du cholestérol, post-hémolyse, post-ischémie, angiome du foie.
Ictère de l'enfant
Syndrome de Dubin-Johnson
Cholestase Syndrome de Rotor
Hémolyse Anomalie de la conjugaison
Lithiase du cholédoque
Syndrome de Gilbert Dilatation des voies biliaires Dilatation congénitale VBP
Drépanocytose
(échographie)
Oui
Thalassémies Maladies de Criggler-Najar Cholangite sclérosante
Déficit G6PD/PK Hypothyroïdie Compression extrinsèque
Minkowski-Chauffard Toxique
Auto-immunité Non
Hépatopathie (Wilson, HAI)
Autres
Nutrition parentérale
GVH Hépatite auto-immune
Angiocholite
Pauciténon syndromique
Fig. 15.12 Ictère du grand enfant : démarche diagnostique. BC : bilirubine conjuguée ; BNC : bilirubine non conjuguée ; G6PD : glucose-
6-phosphate-déshydrogénase ; GVH : réaction du greffon contre l'hôte ; HAI : hépatite auto-immune ; PK : pyruvate-kinase ; SAM : syndrome
d'activation macrophagique ; SOS : syndrome d'obstruction sinusoïdale ; VBP : voie biliaire principale.
408 Partie II. Spécialités
Maladie cholestatique chronique recommendations of the North American Society for Pediatric
Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition and the European Society
■ L'existence d'une hépatomégalie ferme ou dure, de signes for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition. J Pediatr
d'hypertension portale (splénomégalie, circulation vei- Gastroenterol Nutr. 2017 ; 64 : 154–68.
neuse collatérale abdominale, ascite) oriente vers une Francavilla R, Cristofori F, Indrio F. Indications and recommendations by
cause d'hépatopathie chronique et de cirrhose. La cause Societies and Institutions for the use of probiotics and prebiotics in
peut être une cholestase néonatale passée inaperçue paediatric functional intestinal disorders. J Pediatr Gastroenterol Nutr.
(cf. tableau 15.1). Une cholangite sclérosante (CS) est à 2016 ; 63 : S36–7.
rechercher par une cholangiographie-IRM même en Husby S, Koletzko S, Korponay-Szabo IR, Mearin ML, Phillips A, Shamir R,
l'absence de dilatation des voies biliaires à l'échographie. et al. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology,
and Nutrition guidelines for the diagnosis of coeliac disease. J Pediatr
La CS est souvent d'origine auto-immune chez l'enfant,
Gastroenterol Nutr. 2012 ; 54 : 136–60.
associée à une hépatite auto-immune de type 1 (et parfois Michaud L, Bellaiche M, Olives JP, et al. Ingestion de corps étrangers chez
à une maladie inflammatoire du tube digestif). l’enfant. Recommandations du Groupe francophone d’hépatologie,
■ D'autres causes sont évoquées en fonction du contexte : gastroentérologie et nutrition pédiatriques. Arch Pediatr. 2009 ; 16 :
nutrition parentérale exclusive, GVH, paucité ductu- 54–61.
laire d'origine toxique ou médicamenteuse, angiocholite Mieli-Vergani G, Vergani D, Baumann U, Czubkowski P, Debray D, Dez-
bactérienne (en cas d'anomalies des voies biliaires), ou sofi A, et al. Diagnosis and management of pediatric autoimmune
cholestase récurrente bénigne, très rare, qui se manifeste liver disease : ESPGHAN Hepatology Committee position statement.
par des épisodes récurrents d'ictère avec prurit et activité J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2018 ; 66 : 345–60.
γ-GT normale. Les gènes impliqués sont les mêmes que Mouterde O, Chouraqui JP. Ruemmele Frank et le GFHGNP. Cessons de
prescrire des inhibiteurs de pompe à proton pour suspicion de reflux
ceux des cholestases fibrogènes familiales de type 1 et 2.
gastro-œsophagien, en dehors des indications justifiées ! Arch Pédiatr.
Autres causes 2014 ; 21 : 686–9.
Moyer V, Freese DK, Whitington PF, Olson AD, Brewer F, Colletti RB, et al.
L'ictère à BC est exceptionnellement lié à une anomalie du Guideline for the evaluation of cholestatic jaundice in infants : recom-
transport canaliculaire spécifique de la bilirubine, sans alté- mendations of the North American Society for Pediatric Gastroente-
ration du flux biliaire, donc sans cholestase (syndrome de rology, Hepatology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2004 ;
Dubin-Johnson et syndrome de Rotor). L'examen clinique, 39 : 115–28.
les transaminases et l'activité γ-GT sont normaux, l'hyper- Romano C, Oliva S, Martellossi S, et al. Pediatric gastrointestinal bleeding :
bilirubinémie est mixte. Le pronostic est bon sans évolution Perspectives from the Italian Society of Pediatric Gastroenterology.
vers la fibrose ou l'insuffisance hépatique. World J Gastroenterol. 2017 ; 23 : 1328–37.
Rosen R, Vandenplas Y, Singendonk M, et al. Pediatric gastroesophageal
reflux clinical practice guidelines : Joint Recommendations of the
North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology,
and Nutrition and the European Society for Pediatric Gastroenterology,
Recommandations Hepatology, and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2018 ; 66 :
■
Toute hépatite aiguë non liée au virus A doit faire rechercher 516–54.
une hépatite auto-immune dont le traitement est urgent Socha P, Janczyk W, Dhawan A, Baumann U, D'Antiga L, Tanner S, et al.
(parfois compliquée d'emblée par une insuffisance hépatique Wilson's disease in children : a position paper by the Hepatology
aiguë). Committee of the European Society for Paediatric Gastroenterology,
■
Certaines situations nécessitent un transfert de l'enfant en Hepatology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 66 : 2018 ;
urgence dans un centre spécialisé : 334–44.
– insuffisance hépatique (diminution du taux de prothrom- Tabbers MM, DiLorenzo C, Berger MY, et al. Evaluation and treatment of
bine < 50%) ; functional constipation in infants and children : evidence-based recom-
– suspicion d'angiocholite (fièvre – douleur – ictère) ; mendations from ESPGHAN and NASPGHAN. J Pediatr Gastroenterol
– signes de cirrhose et insuffisance hépatique ; Nutr. 58 : 2014 ; 258–74.
– intoxication médicamenteuse. Thomson M, Tringali A, Dumonceau JM, et al. Paediatric gastrointes-
tinal endoscopy : European Society for Paediatric Gastroenterology
Hepatology and Nutrition and European Society of Gastrointesti-
nal Endoscopy Guidelines. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2017 ; 64 :
Recommandations 133–53.
Zeevenhooven J, Ilan JN, Koppen JN, Benninga MA. The New Rome IV
American Academy of Pediatrics Subcommittee on Hyperbilirubinemia.
Criteria for functional gastrointestinal disorders in infants and toddlers.
Management of hyperbilirubinemia in the newborn infant 35 or more
Pediatr Gastroenterol Hepatol Nutr. 2017 ; 20 : 1–13.
weeks of gestation. Pediatrics. 2004 ; 114 : 297–316.
Fawaz R, Baumann U, Ekong U, Fischler B, Hadzic N, Mack CL, et al.
Guideline for the evaluation of cholestatic jaundice in infants : Joint
Chapitre
16
Hématologie
Coordonné par Gérard Michel
PLAN DU CHAPITRE
Anémie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 Purpura. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423
Neutropénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416 Purpura thrombopénique immunologique . . . 424
Hémostase : indications du bilan et principales Drépanocytose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427
anomalies, principales pathologies . . . . . . . . . 418
Production insuffisante
(cause centrale : anémie arégénérative)
Défaut Dysmyélopoïèse
Érythroblastopénie Insuffisance médullaire Défaut
de la synthèse (avortement intramédullaire
globale de l'hémoglobinosynthèse
de l'ADN des précurseurs)
Symptômes et principales complications notamment chez la jeune fille. Le fer est en effet un consti-
tuant important de plusieurs coenzymes impliqués dans le
Signes directement liés à l'anémie métabolisme cérébral. Ceci doit conduire à traiter par le fer
Les deux principaux signes cliniques de l'anémie sont l'as- toute carence même lorsque ses conséquences sur l'érythro-
thénie et la pâleur de la peau et des conjonctives. En des- poïèse ne sont pas encore décelables.
sous d'un certain seuil, apparaissent la dyspnée d'effort, la Toutes les hémolyses chroniques et la plupart des
tachycardie, les vertiges et éblouissements à l'effort ou aux dysérythropoïèses s'accompagnent d'une expansion de
changements de position. À un stade très avancé, la dyspnée l'érythropoïèse médullaire, liée à une hypersécrétion
est permanente, s'accompagne d'une tachycardie marquée, chronique d'érythropoïétine réactionnelle à l'anémie.
puis d'un galop cardiaque, de signes d'insuffisance car- Cette érythropoïèse très stimulée a des conséquences
diaque, de trouble de la conscience à type d'endormisse- osseuses. L'anomalie la plus classique est l'aspect en poils
ment. Il y a alors menace vitale évidente. de brosse des os de la voûte du crâne : l'épaisseur des os
plats de la voûte est augmentée et les travées osseuses se
Signes liés à l'hémolyse disposent dans un sens perpendiculaire au plan de l'os.
Hémolyse extravasculaire Dans certains cas particulièrement graves comme les
Dans le contexte des anémies avec hémolyse extravascu- β-thalassémies homozygotes, l'expansion érythroblas-
laire, la diminution de la durée de vie des hématies aboutit tique est si importante qu'elle fragilise les os avec risque
à leur dégradation excessive dans les cellules du système de fracture, retentissement sur la croissance de l'enfant et
réticulo-histiocytaire. La rate est très souvent un siège par- apparition de déformations osseuses. Au niveau de la face,
ticulièrement actif de l'hémolyse, d'où la fréquence de la ces déformations créent le classique faciès des thalassé-
splénomégalie au cours des hémolyses. La dégradation de miques mal transfusés.
l'hème produit la bilirubine qui sera glucuronoconjuguée
dans l'hépatocyte et excrétée dans la bile. Lorsque la pro- Anémies microcytaires et hypochromes
duction de bilirubine libre (ou indirecte, ou non conjuguée) Au cours de ce type d'anémie, le primum movens est une
est accrue, son taux augmente dans le sang. Ainsi s'explique insuffisance de synthèse de l'hémoglobine dans les érythro-
l'ictère observé au cours des anémies hémolytiques. Si le phé- blastes. Il en résulte une diminution de la quantité d'hémo-
nomène persiste de manière chronique, il y a risque de pré- globine contenue dans chaque hématie (hypochromie).
cipitation dans la vésicule biliaire. La lithiase est particulière Ce phénomène s'accompagne de manière constante d'une
car les calculs sont formés de bilirubine, mais toutes les com- diminution de la taille des hématies ou microcytose, la
plications habituelles de la lithiase biliaire peuvent s'observer. membrane du globule rouge s'adaptant en quelque sorte à
un contenu plus faible que la normale.
Hémolyse intravasculaire aiguë Le défaut de l'hémoglobinosynthèse peut être lié à une
Cliniquement, le début est brutal, en quelques heures avec anomalie du fer. Si le fer est en quantité insuffisante dans
malaise, fièvre souvent accompagnée de frissons, douleurs l'organisme, on dit qu'il y a carence martiale. Il peut aussi
lombaires, pâleur et urines rouges, voire noires (urines clas- être en quantité globalement suffisante mais détourné de
siquement « porto » ou « Coca-cola »). Cette coloration parti- l'érythropoïèse vers les réserves martiales, comme c'est le
culière des urines est liée à une hémoglobinurie, elle-même cas au cours des anémies inflammatoires.
conséquence d'une hémolyse intense intravasculaire avec Dans d'autres cas, l'insuffisance de synthèse d'hémo-
hémoglobinémie qui sature les possibilités du système réti- globine est en rapport avec un défaut des gènes qui
culo-histiocytaire et du système de l'haptoglobine. Si elle est codent la synthèse des chaînes de la globine. Par défini-
prolongée et si la diurèse n'est pas maintenue importante par tion, il s'agit d'une thalassémie β ou α, selon que le déficit
une hydratation correcte, la précipitation de l'hémoglobine quantitatif de production porte sur les chaînes β ou α de
dans les tubules rénaux conduit le patient à l'anurie. L'ictère la globine :
et la splénomégalie sont inconstants au début. Biologique- ■ la thalassémie β peut être hétérozygote ou homozygote
ment, l'anémie est souvent profonde avec réticulocytose éle- selon qu'un seul ou les deux gènes de la chaîne β sont
vée et haptoglobine effondrée (ce dernier examen est un bon touchés ;
marqueur du caractère intravasculaire de l'hémolyse). ■ pour les thalassémies α, la situation est plus complexe car
du fait d'une duplication du gène α sur chacun des deux
chromosomes 6, notre génome comporte 4 gènes codant
Autres symptômes pour les chaînes α (fig. 16.3).
La carence alimentaire en fer s'accompagne souvent d'une Carence martiale, syndrome inflammatoire et thalassémie
pulsion alimentaire très étrange qui pousse les enfants à sont les principales étiologies des anémies hypochromes et
absorber diverses substances non nutritives (pica), notam- microcytaires. Parmi les causes plus rares, citons :
ment la terre (géophagie). Ce symptôme disparaît quelques ■ le saturnisme (ou intoxication par le plomb) car le plomb
jours après l'institution du traitement martial. Beaucoup interfère avec la synthèse de l'hémoglobine ;
plus gravement, on sait maintenant que la carence en fer ■ les anémies dites sidéroblastiques, constitutionnelles ou
a des conséquences sur le développement intellectuel des acquises, dont le substratum physiopathologique est un
enfants et que cet effet peut être durable. Son importance défaut d'incorporation du fer dans l'hémoglobine, que
dépend de la profondeur de l'anémie mais il existe même l'on met en évidence par la coloration de Perls sur les éry-
en cas de carence en fer débutante sans anémie véritable, throblastes de la moelle osseuse.
412 Partie II. Spécialités
5' e Gγ Aγ d b 3'
Gènes b
(chromosome 11)
Gènes a
(chromosome 6)
5' x a a 3'
Fig. 16.3 Les gènes de l'hémoglobine et leurs produits.
Carence martiale
Tableau 16.2 Profil biologique des principales
La carence d'apport reste fréquente chez le nourrisson et le causes de microcytose/hypochromie.
petit enfant malgré la supplémentation en fer des laits mater-
nisés disponibles en France. La fragilité de l'espèce humaine à Anémie microcytaire/ Profil biologique
hypochrome
la carence en fer peut étonner en première analyse car le fer est
un des métaux les plus abondants de l'écorce terrestre. C'est Carence martiale – Ferritine basse
qu'en fait il n'est réellement absorbable par le tube digestif – Sidérémie basse, augmentation de
la capacité totale de fixation de la
humain que sous forme héminique : ainsi s'explique le fait que
transferrine
les régimes pauvres en viandes soient grands pourvoyeurs de – VS et PCR normales
carence en fer. Cette carence d'apport est beaucoup plus fré-
quente chez l'enfant que les défauts d'absorption, qui peuvent Maladies – Ferritine normale ou élevée
inflammatoires – Sidérémie basse, capacité totale
cependant exister dans certaines maladies intestinales comme de fixation de la transferrine
la maladie cœliaque et la maladie de Crohn. normale ou basse
À la naissance, le stock de fer constitué pendant la vie – VS et CRP élevées
fœtale est suffisant pour assurer l'extraordinaire expansion Thalassémie β Élévation du pourcentage d'Hb A2
de l'érythropoïèse de la 1re année. Les besoins sont considé- hétérozygote
rables car un nouveau-né de poids normal va devoir mul- (pseudo-polyglobulie
tiplier par 3 sa masse sanguine. Si le poids de naissance est hypochrome)
faible, les réserves sont diminuées d'autant et l'expansion de Thalassémie β Élévation du pourcentage
l'érythropoïèse sera impossible. Ainsi s'explique le fait que homozygote d'Hb F (fœtale)
les enfants prématurés et/ou de petit poids de naissance Hb : hémoglobine ; CRP : C-réactive protéine ; VS : vitesse de sédimentation.
(< 2 500 g) soient prédisposés à la carence martiale et néces-
sitent un traitement substitutif préventif.
Les pertes sanguines peuvent être d'origine gynécolo- La carence en fer doit conduire, en plus du traitement
gique. Les adolescentes ont fréquemment des règles trop de sa cause, à un traitement substitutif prolongé sur au
abondantes ou trop fréquentes avec déperdition martiale et moins 3 mois, voire plus longtemps, jusqu'à normalisa-
anémie hypochrome secondaire : c'est la chlorose de la jeune tion de l'hémogramme et de la ferritinémie. L'anémie par
fille. Les déperditions sanguines chroniques peuvent égale- carence en fer, même profonde, est généralement très bien
ment être d'origine digestive et de nombreuses causes sont tolérée et ceci explique les difficultés d'adhésion au traite-
possibles. Notons que les déperditions sanguines, quelle que ment de certaines familles, alors même que l'enjeu sur le
soit leur origine, sont plus fréquentes chez les sujets por- développement psycho-intellectuel est important. Dans ce
teurs d'une anomalie de l'hémostase. contexte, l'accompagnement du traitement et l'amélioration
Quelle que soit la cause, la démonstration de la carence en des conduites alimentaires ont un rôle essentiel.
fer repose sur une ferritinémie basse, voire effondrée. L'hypo-
sidérémie isolée n'a aucune signification car elle est constatée Anémies inflammatoires
également dès qu'un phénomène inflammatoire aigu ou chro- L'inflammation, aiguë ou chronique, détourne le fer de l'éry-
nique est en cours. Pour lui donner un pouvoir discriminant, thropoïèse, en le dirigeant vers les réserves. Ainsi s'explique le
il faudrait coupler la sidérémie à l'étude de la capacité totale de profil biologique particulier : sidérémie basse avec ferritine nor-
fixation de la transferrine (ou sidérophiline), qui est élevée dans male, voire élevée car la ferritinémie, à l'inverse de la sidérémie,
les carences martiales et plutôt basse dans les syndromes inflam- est un marqueur biologique des réserves en fer. Les inflamma-
matoires. C'est la raison pour laquelle la ferritinémie (et non la tions chroniques peuvent être en rapport avec une infection
sidérémie) est l'examen clé pour le diagnostic (tableau 16.2). chronique, une maladie maligne ou une maladie systémique.
Chapitre 16. Hématologie 413
Anémie normochrome,
normocytaire régénérative
Dysmyélopoïèse Anémie
Insuffisance médullaire globale Érythroblastopénie Insuffisance rénale
non mégaloblastique mégaloblastique
– Acquise – Leucémie
– Héréditaire – Neuroblastome
(maladie de Fanconi) – Fibrose
a régénérative habituellement associée à une neutropénie et d'un cancer (notamment neuroblastome). Parfois, l'étouffe-
à une thrombocytopénie car l'atteinte porte sur l'ensemble ment médullaire est en rapport avec une fibrose médullaire
du tissu hématopoïétique. Les aplasies médullaires peuvent ou une ostéopétrose par défaut des ostéoclastes.
être constitutionnelles (maladie de Fanconi) ou acquises.
Dans ce dernier cas, la forme dite idiopathique correspond Dysmyélopoïèses non mégaloblastiques
généralement à une agression dysimmunitaire contre la Les myélodysplasies préleucémiques sont assez rares chez
moelle osseuse. Certaines aplasies médullaires acquises l'enfant et souvent associées à une monosomie acquise du
s'accompagnent d'une élévation des transaminases. On parle chromosome 7.
alors d'aplasie post-hépatitique mais on sait maintenant que On décrit des exceptionnelles dysérythropoïèses
l'hépatite n'est secondaire à aucun des virus connus. Du fait congénitales.
de leur gravité, les aplasies médullaires idiopathiques justi-
fient une greffe de cellules-souches hématopoïétiques en cas
Anémies mégaloblastiques
de donneur HLA identique dans la fratrie. En l'absence de
donneur intrafamilial, un traitement immunosuppresseur La mégaloblastose médullaire est sous-tendue par un
par ciclosporine et sérum antilymphocytaire est tenté mais défaut de la synthèse de l'ADN pendant la phase S du
les réponses sont tardives, inconstantes et parfois partielles. cycle cellulaire, lui-même en rapport avec une anomalie
En cas d'échec, une greffe non apparentée est indiquée. Dans de la vitamine B12, de l'acide folique ou des deux vita-
les aplasies constitutionnelles, la greffe est souvent indispen- mines. La perturbation du cycle cellulaire qui en résulte
sable mais nécessite des techniques dédiées du fait de la fra- donne un asynchronisme de la maturation nucléocy-
gilité chromosomique souvent associée à ces maladies. toplasmique des érythroblastes. Le noyau qui évolue
lentement garde l'aspect morphologique qu'il a dans
Érythroblastopénie les érythroblastes jeunes, alors que le cytoplasme déjà
hémoglobinisé ressemble à celui des érythroblastes plus
L'atteinte centrale porte alors exclusivement sur la lignée mûrs. Les érythroblastes sont plus volumineux que les
rouge. Le parvovirus B19 infecte les érythroblastes et donne érythroblastes normaux, un grand nombre d'entre eux
chez l'individu immunocompétent une érythroblastopénie avortent dans la moelle tandis que d'autres forment des
de durée brève (environ 10 jours). L'érythroblastopénie n'est hématies très macrocytaires. La mégaloblastose concerne
symptomatique que lorsqu'elle survient dans le contexte également les autres lignées médullaires : granulopoïèse
d'une hémolyse chronique préalable car la durée de vie des et mégacaryocytopoïèse.
hématies est courte ou lorsque l'hôte est immunodéficient Les anémies mégaloblastiques sont rares en pédiatrie
car dans ce cas, la durée de l'érythroblastopénie est pro- dans les pays industrialisés mais nécessitent une prise en
longée. D'autres érythroblastopénies sont d'origine dysim- charge rapide car le pronostic neurologique est réservé
munitaire, parfois dans le contexte d'un thymome. Enfin, en cas d'atteinte prolongée. La mégaloblastose est obser-
l'insuffisance rénale comporte une anémie arégénérative par vée chez les nouveau-nés de mère végétalienne, dont l'ali-
déficit de production d'érythropoïétine mais le contexte de
mentation est dépourvue non seulement de viande mais
pathologie rénale est alors généralement déjà connu. de tout produit d'origine animale, lait, fromage et œufs
compris, et chez le nouveau-né de mère atteinte de maladie
Anémies « centrales » par étouffement de Biermer. Les causes constitutionnelles sont plus rares :
L'anémie centrale peut être due à une maladie maligne, leu- défaut d'absorption, de transport et du métabolisme de la
cémie, infiltration lymphomateuse, métastase médullaire vitamine B12.
416 Partie II. Spécialités
Fig. 16.6 Enquête étiologique devant la découverte d'une neutropénie. ATCD : antécédent ; HTA : hypertension artérielle ; WHIM : Warts,
Hypogammaglobulinemia, Infections and Myelokathexis.
Chapitre 16. Hématologie 417
l'examen clinique peuvent rapidement orienter sur une étio- Principes de prise en charge
logie particulière, comme une infection virale intercurrente, La prise en charge de ces enfants vise à limiter les complica-
une hémopathie maligne, une cause iatrogène, un déficit tions infectieuses. On distingue la prise en charge des épisodes
immunitaire, qui seront confirmés par des examens adaptés. infectieux aigus et la prévention au long cours de ces épisodes :
En dehors d'un contexte d'urgence, il est souhaitable de déter-
miner le caractère permanent, intermittent, voire régressif
de la neutropénie sur une période d'observation de quelques
Prise en charge d'un épisode infectieux aigu
semaines. On doit prendre soin de noter, durant cette période, Elle impose d'en apprécier rapidement la gravité :
le nombre d'infections, l'évolution de l'atteinte buccale, élé- ■ devant une neutropénie modérée, compliquée d'une
ments importants pour poser une indication thérapeutique. infection aux conséquences limitées, il est possible de se
Le myélogramme est un examen décisif dans le bilan contenter d'une antibiothérapie par voie orale et d'une
d'une neutropénie, mais n'est pas obligatoire dans le sens surveillance ambulatoire attentive ;
où de nombreuses causes de neutropénies sont transitoires, ■ en revanche, devant une neutropénie sévère, voire un état
bénignes. Il permet d'éliminer une hémopathie maligne si septique, la prise en charge en urgence nécessite une hos-
le contexte clinique suggère une telle possibilité, de séparer pitalisation. Après un bilan bactériologique complet, une
les moelles riches « normales » ou présentant un blocage tar- antibiothérapie par voie parentérale s'impose dans un bref
dif de maturation, des moelles hypoplasiques ou présentant délai. En l'absence d'amélioration clinique rapide, la possibi-
un blocage précoce de maturation. Devant une neutropénie lité d'un traitement antimycotique et l'utilisation de facteurs
chronique et isolée, diagnostiquée typiquement entre 3 mois de croissance hématopoïétiques doivent être discutées.
de vie et 1 an, la recherche d'autoanticorps antigranuleux
(anticorps anti-NA1 ou NA2, différents des anticorps anticy- Prévention au long cours des épisodes infectieux
toplasmiques des neutrophiles ou ANCA) est indispensable. Elle repose avant tout sur une analyse de la situation
Les bases moléculaires de plusieurs neutropénies constitu- individuelle du patient. L'antibiothérapie prophylactique
tionnelles (n = 28 en 2019) sont aujourd'hui connues et un constitue une première approche. Le triméthoprime-sul-
génotypage est indispensable si l'on suspecte une origine faméthoxazole (Bactrim®), à la dose de 50 mg/kg/j, quo-
génétique, pour préciser le diagnostic (tableau 16.4), anti- tidien, est le plus usuellement utilisé, en dépit même de
ciper certaines complications liées à des mutations spéci- la neutropénie. Ce n'est que devant l'échec de cette pro-
fiques, autoriser un choix parental en vue d'un diagnostic cédure que l'utilisation au long cours d'une cytokine est
anténatal. envisagée, en particulier le G-CSF. La décision d'un tel
Multigéniques Ethnique Neutropénie ethnique État clinique « normal » mais neutropénie modérée
Pathologies Déficit immunitaire Déficits immunitaires combinés sévères Sous-populations lymphocytaires, TTL PHA et antigènes,
monogéniques cellulaire et/ou mixte dosage Ig G A M
non usuellement
Déficits humoraux Maladie de Bruton Dosage des Ig, voire des sous-classes d'Ig
classées comme
Déficit en ligand du CD40
neutropénies
Déficit immunitaire commun variable
génétiques
Syndrome Maladie de Chediak-Higashi Cytologie (granulation)
avec activation
Maladie de Griscelli Aspect des cheveux en microscopie optique
macrophagique
Lymphohistiocytose familiale Syndrome d'activation macrophagique sévère
(Suite)
418 Partie II. Spécialités
WASP
ADN : acide désoxyribonucléique ; Ig : immunoglobuline ; PNN : polynucléaire neutrophile ; WHIM : Warts, Hypogammaglobulinemia, Infections and Myelokathexis.
traitement au long cours doit être prise en collaboration la fluidité du sang à l'état basal, permet, après activation,
avec une équipe d'hématologie infantile. Ces rares enfants la formation du caillot, avec mise en œuvre de 3 étapes
font l'objet d'un suivi prospectif dans le cadre d'un registre. essentielles que sont l'hémostase primaire, la coagulation
Le traitement au long cours s'organise schématiquement et la fibrinolyse. La première étape fait intervenir comme
autour de deux phases : partenaires principaux les plaquettes, le facteur Willebrand
■ durant la première phase, on cherche à acquérir une connais- (vWF) et les protéines du sous-endothélium vasculaire. Le
sance du profil individuel de la réponse au G-CSF (élévation système de coagulation est régulé par un nombre important
du chiffre de polynucléaires et amélioration clinique) ; de glycoprotéines, aux propriétés procoagulantes (facteurs
■ par la suite, dans une phase d'entretien, il importe de de coagulation) ou anticoagulantes (inhibiteurs de la coa-
trouver la dose minimale à laquelle répond l'enfant. Une gulation) dont l'activité plasmatique peut être dosée. Beau-
surveillance hématologique est alors nécessaire, en parti- coup d'entre elles ont une synthèse hépatique exclusive et
culier de la cytogénétique médullaire. certaines sont sous la dépendance du métabolisme de la
Les rares patients répondant à fortes doses de G-CSF (> 15 μg/ vitamine K.
kg/j) sont exposés à un risque important de leucémie et cette Pour la majorité de ces paramètres, il existe des diffé-
situation doit faire discuter une transplantation médullaire. rences physiologiques marquées entre la concentration
Dans la vie quotidienne de ces enfants, il n'existe pas de plasmatique rapportée chez l'enfant, tout particulièrement
contre-indication médicale pour la fréquentation des col- en période néonatale, et les normes décrites à l'âge adulte.
lectivités, ni pour les vaccinations. Au contraire, les vaccins L'immaturité des fonctions hépatiques, a fortiori en cas
antigrippal, antipneumococcique et antiméningococcique de prématurité, explique les taux bas de nombreux fac-
apparaissent utiles. teurs en période néonatale. À la naissance, l'immaturité
des fonctions plaquettaires associées aux taux physiolo-
giquement bas des facteurs vitamine K-dépendants (FII,
Hémostase : indications du bilan FVII, FIX, FX) et aussi du facteur XI parmi les facteurs de
et principales anomalies, la phase contact peut entraîner une certaine fragilité du
principales pathologies caillot. Cependant, l'équilibre de l'hémostase est globale-
ment maintenu grâce aux taux élevés et à l'activité accrue
Hervé Chambost, Paul Saultier
du vWF, au taux par conséquent majoré de facteur VIII et
aux faibles niveaux d'inhibiteurs de la coagulation (anti-
thrombine, protéine C, protéine S) qui contrebalancent
Physiologie : particularités de l'hémostase l'immaturité de l'hémostase dans sa fonction coagu-
du nouveau-né et de l'enfant lante. L'interprétation du bilan d'hémostase chez l'enfant
L'hémostase est un processus dynamique qui commence implique de se référer à des normes adaptées à l'âge,
in utero et qui évolue avec l'âge. Ce processus, qui assure prenant aussi en compte le terme de naissance et l'âge
Chapitre 16. Hématologie 419
corrigé pour les nouveau-nés prématurés. Selon les fac- Bilan d'hémostase : place des tests
teurs de coagulation, l'écart entre les taux physiologiques globaux et analytiques selon l'indication
et les normes de l'adulte, mais aussi l'âge d'acquisition des
normes adultes sont éminemment variables (tableau 16.5). L'exploration de l'hémostase visant le diagnostic d'un
La fragilité de l'équilibre hémostatique chez le trouble hémorragique chez l'enfant s'inscrit dans 3 types de
nouveau-né sain explique sa grande vulnérabilité et la pré- circonstances qui en elles-mêmes justifient la prescription
disposition aux complications hémorragiques ou throm- d'examens différents avec analyse de paramètres plus ou
botiques en situation de prématurité ou de pathologie moins détaillés selon la situation :
néonatale. Il faut avoir à l'esprit le risque de bascule de cet ■ dépistage orienté par une histoire familiale de maladie
équilibre instable, notamment dans le sens prothrombo- hémorragique constitutionnelle (MHC) ;
tique, à l'occasion de tout traitement substitutif en concen- ■ exploration d'un syndrome hémorragique ;
tré de facteur de coagulation (FC). À l'opposé, la majoration ■ recherche systématique d'un risque hémorragique (bilan
importante des écarts physiologiques observés par rapport préopératoire par exemple).
aux normes décrites chez le grand enfant et l'adulte en cas
de carence en vitamine K peut exposer au risque de mala- Tests d'exploration de l'hémostase
die hémorragique du nouveau-né. Il convient d'assurer une et particularités pédiatriques
prévention systématique de cette carence selon les recom- L'exploration de manifestations hémorragiques ou le dépis-
mandations officielles en la renforçant dans les situations à tage du risque hémorragique par un bilan d'hémostase dit
risque (prématurité, alimentation parentérale, antibiothé- standard comporte l'analyse des paramètres suivants :
rapie, sepsis, troubles digestifs, etc.). ■ numération plaquettaire ;
■ dosage du fibrinogène ;
Tableau 16.5 Facteurs de variation et d'interprétation des paramètres de l'hémostase chez le nouveau-né
et le jeune enfant.
Paramètre Particularités Écarts physiologiques enfant/adulte1 Âge d'acquisition de taux adulte2
Numération Possible thrombopénie modérée Normes indépendantes de l'âge NA
plaquettaire transitoire du nouveau-né prématuré
et/ou hypotrophe
Possible hyperplaquettose les
premières semaines de vie
Fonctions Immaturité les premiers jours de vie Pas de variation selon l'âge NA
plaquettaires (transitoire)
Facteur Willebrand Variation individuelle multifactorielle Taux plus élevé à la naissance Possible surestimation du taux
(vWF) des taux (majoration par inflammation basal avant 3 mois
et imprégnation œstrogénique)
Fibrinogène Pas d'écart Dès la naissance
Facteurs II, VII et X Vitamine K-dépendants Taux plus bas à la naissance (30–60 %) À 6 mois
Facteur V Pas d'écart Dès la naissance
Facteur VIII Lié au vWF, surestimation possible du Pas d'écart Dès la naissance
taux basal à la naissance
Facteur IX Vitamine K-dépendant Taux plus bas à la naissance (30–60 %) Entre 6 et 12 mois
Facteur XI Taux plus bas à la naissance (20–50 %) À 6 mois
Autres facteurs Taux plus bas à la naissance (20–50 %) À 6 mois
contacts3
Facteur XIII Pas d'écart Dès la naissance
Antithrombine Taux plus bas à la naissance (30–60 %) Entre 1 et 2 mois
Protéine C Vitamine K-dépendante Taux plus bas à la naissance Entre 10 et 16 ans
Protéine S Vitamine K-dépendante Taux plus bas à la naissance À 3 mois
NA : non applicable.
1. Les valeurs données à titre indicatif correspondent aux normes pour le nouveau-né sain à terme. L'évolution des taux selon le terme et l'âge au cours des
premiers mois de vie doit être interprétée selon les références publiées.
2. Âge d'acquisition des taux adulte fourni pour un nouveau-né à terme, à rapporter à l'âge corrigé pour un nouveau-né prématuré.
3. Facteur XII et autres protéines nécessaires à l'initiation de la coagulation in vitro (prékallicréine, kininogènes de hauts poids moléculaire) appelée phase contact.
Le taux abaissé de ces facteurs participe à l'allongement physiologique du TCA (temps de céphaline avec activateur) néonatal. Les déficits constitutionnels, y
compris profonds, de ces facteurs n'induisent aucune manifestation pathologique, ni hémorragique, ni thrombotique. Ceci différencie ces protéines du facteur XI,
qui participe aussi à la phase contact et intervient dans le TCA, mais dont le déficit est associé à des manifestations hémorragiques.
420 Partie II. Spécialités
Les dosages analytiques ciblés de FC doivent être réalisés Les sociétés savantes d'anesthésiologie ne recommandent
chez ces enfants, les tests globaux (TCA notamment) pou- pas la réalisation d'un bilan d'hémostase préopératoire de
vant manquer de sensibilité pour les déficits les plus atté- dépistage systématique au-delà de l'acquisition de la marche
nués. On recommande de réaliser le bilan entre l'âge de 1 et en l'absence d'anamnèse évocatrice d'une diathèse hémor-
3 mois, en alertant sur la nécessité d'anticiper en cas d'indi- ragique. L'indication large du bilan standard d'hémostase à
cation de geste invasif ou de situation traumatique sérieuse. l'occasion d'une intervention à haut risque hémorragique,
telle qu'une amygdalectomie, semble toutefois raisonnable si
Exploration d'un syndrome hémorragique l'on considère l'existence de cas non exceptionnels de diag
(hors diagnostic de thrombopénie acquise nostic tardif, notamment d'hémophilie atténuée à l'adoles-
traitée plus loin dans ce chapitre) cence à l'occasion d'une extraction des dents de sagesse.
Parmi les anomalies dépistées par le bilan standard
L'interrogatoire et l'examen clinique minutieux permettent
d'hémostase, la découverte d'un TCA allongé isolé est une
généralement d'orienter le diagnostic en prenant en compte
situation relativement fréquente qui implique une démarche
le sexe, l'existence d'antécédents familiaux, l'âge et les cir-
diagnostique à laquelle le pédiatre doit être sensibilisé
constances de survenue des signes hémorragiques, les carac-
(fig. 16.7).
téristiques du saignement :
Parmi les anomalies à l'origine d'un TCA allongé isolé,
■ trouble de l'hémostase acquis ou constitutionnel ;
seuls les déficits en FVIII, FIX et FXI exposent à un risque
■ anomalie de l'hémostase primaire ou de la coagulation.
hémorragique. Classiquement, la correction du déficit en
facteur par l'ajout de plasma témoin (test de mélange) carac-
Découverte fortuite d'une anomalie de l'hémostase térise les déficits congénitaux, correspondant respective-
La réalisation d'un bilan standard d'hémostase non orienté ment à une hémophilie A, une hémophilie B et un déficit
(bilan préopératoire, bilan aux urgences, etc.) peut révéler congénital en FXI. La sévérité du phénotype hémorragique
une anomalie en dehors de toute manifestation hémorra- est corrélée au taux du facteur déficitaire.
gique. Il est alors important de rechercher par l'anamnèse Dans les formes acquises d'hémophilie par dévelop-
des signes évocateurs d'une MHC personnelle ou familiale, pement d'un anticorps inhibiteur de l'activité d'un FC (le
en sachant que l'interrogatoire est d'autant moins sensible plus souvent FVIII), l'épreuve de mélange n'apporte pas la
que l'enfant est jeune, a peu d'activités à risque et n'a pas correction attendue du déficit. Il s'agit de pathologies auto-
encore rencontré d'expérience chirurgicale. immunes exceptionnelles chez l'enfant.
422 Partie II. Spécialités
Déficit FVIII :
– hémophilie A *
– maladie de Wiffebrand *
ACC lupique ACC spécifique
= « post-viral » inhibiteur
– Anti-FVIII * Déficit FIX :
– Anti-FIX * hémophilie B *
– Anti-FXI
– Anti-FXII
Déficit FXI *
Fig. 16.7 Exploration d'un TCA allongé isolé. ACC : anticoagulant circulant ; PM : poids moléculaire ; TCA : temps de céphaline avec activateur ;
TQ : temps de Quick.
2. un purpura nécrotique extensif de type purpura fulmi- Purpura avec signes de gravité
nans peut se manifester dès la naissance en dehors de Le purpura de l'enfant gravement malade doit être pris
tout sepsis dans les formes exceptionnelles de déficit en charge par une évaluation clinicobiologique rapide
sévère en PC. Cette affection autosomique récessive en parallèle de la mise en œuvre des premières mesures
est d'évolution fatale en l'absence de diagnostic et de thérapeutiques. Deux situations cliniques principales
substitution spécifique par les concentrés de PC. La peuvent être rencontrées : un tableau infectieux sévère et
diminution de l'ensemble des FC en lien avec les phé- un tableau d'hémorragie grave. L'association d'un purpura
nomènes de coagulation intravasculaire peut gêner associé une fièvre ou à la présence d'éléments nécrotiques
l'interprétation des dosages de PC, déjà délicate du fait ou ecchymotiques de plus de 3 mm doit faire suspecter
de la valeur basse des normes néonatales. Cependant, un purpura fulminans et conduire à la réalisation d'une
le diagnostic est possible par la mise en évidence chez antibiothérapie parentérale sans délai. Le diagnostic et la
l'enfant d'un dosage effondré au regard des dosages prise en charge du purpura fulminans sont décrits dans
des autres FC et aussi de dosages diminués chez cha- le chapitre 28. Le purpura peut également s'intégrer dans
cun des parents, habituellement porteurs d'un déficit un tableau hémorragique sévère. Il peut s'associer à des
hétérozygote ; hémorragies extériorisées menaçantes (hématurie, saigne-
3. la survenue d'une thrombose profonde, notamment ment digestif, épistaxis) ou à un saignement intracrânien.
thrombose sinusienne cérébrale chez un enfant ou Le syndrome hémorragique peut être dû à une thrombo-
un adolescent en contexte infectieux et/ou inflamma- pénie isolée ou à l'existence d'une coagulation intravascu-
toire, doit faire rechercher une anomalie thrombogène laire disséminée. Dans ces situations cliniques graves, une
acquise(autoanticoprs anti-PS dans la varicelle, syn- prise en charge des défaillances hémodynamiques, respi-
drome des antiphospholipides) ratoires et neurologiques doit être menée en parallèle du
traitement étiologique en fonction des résultats des inves-
tigations (antibiothérapie, transfusion de globules rouges,
Purpura plaquettes ou plasma).
Paul Saultier
Le purpura est une lésion hémorragique de couleur pourpre Purpura vasculaire
de la peau ou des muqueuses. Il est dû à une extravasa-
tion de globules rouges hors des vaisseaux sanguins et Un purpura vasculaire de l'enfant doit faire évoquer un
est facilement différenciable de l'érythème et des lésions purpura rhumatoïde par argument de fréquence. Cette
vasculaires de la peau par son absence de disparition à la pathologie est classiquement à l'origine d'une triade
vitropression. Le purpura comprend les pétéchies dont la associant un purpura vasculaire, des manifestations
taille est inférieure à 2 mm et des ecchymoses qui sont des articulaires (arthrite des genoux et des chevilles) et des
lésions confluentes plus larges. Il s'agit d'un signe clinique douleurs abdominales. Le purpura rhumatoïde peut se
de grande valeur sémiologique et il est essentiel de réaliser compliquer sur le plan digestif, parfois de manière inau-
un diagnostic étiologique du fait de la gravité de certaines gurale, d'un hématome de paroi ou d'une invagination
des pathologies sous-jacentes. De plus, il peut constituer un intestinale aiguë. Cette maladie peut également être asso-
signe avant-coureur d'un syndrome hémorragique sévère. ciée à des complications rénales à type de néphropathie
Deux grandes catégories de purpuras peuvent être indivi- glomérulaire, responsable du pronostic à long terme. Le
dualisées : le purpura thrombopénique dû à un défaut de purpura rhumatoïde et ses diagnostics différentiels sont
« contenu » (avec thrombopénie ou plus rarement anomalie décrits dans le chapitre 27.
de la fonction plaquettaire) et le purpura vasculaire dû à un
défaut de « contenant » (fragilité vasculaire).
L'interrogatoire doit s'attacher à rechercher des épisodes Purpura thrombopénique
antérieurs de saignements (notamment lors des situations à Une thrombopénie peut être à l'origine d'un purpura.
risque hémorragique : chirurgie, accouchement, soins den- Les étiologies chez l'enfant sont multiples (fig. 16.8) :
taires). La topographie du purpura est importante à déter- infectieuses, immunologiques, néoplasiques, toxiques,
miner. L'existence d'une atteinte muqueuse, en particulier de consommation, iatrogènes. La stratégie diagnostique
la présence de bulles hémorragiques intrabuccales, oriente est décrite ci-après dans ce chapitre. Il est essentiel d'éli-
fortement vers un purpura d'origine thrombopénique qui miner une étiologie centrale à la thrombopénie, par un
sera confirmée par la numération plaquettaire. Un purpura examen clinique et un bilan biologique de 1 re intention.
infiltré de topographie déclive oriente au contraire vers un Ce dernier doit être, dans certains cas, complété par un
purpura vasculaire. Il est également important de noter myélogramme. Une transfusion de plaquettes peut s'avé-
qu'un des diagnostics étiologiques potentiels est la maltrai- rer nécessaire, principalement dans les thrombopénies
tance. Elle est à évoquer en cas d'anamnèse évocatrice, d'ec- centrales profondes (< 10–20 G/L) ou associées à un syn-
chymoses diffuses ou atypiques, dans leurs formes ou leur drome hémorragique. Elles ne sont habituellement pas
topographie, éventuellement associées à des hématomes recommandées dans les thrombopénies périphériques
ou à d'autres lésions cutanées. Le bilan biologique est alors hors syndrome hémorragique menaçant. La prise en
normal. Les causes de purpura de l'enfant sont indiquées en charge de la pathologie sous-jacente est primordiale dans
figure 2.3. tous les cas.
424 Partie II. Spécialités
Déficit immunitaire
■
Destruction de plaquettes par des autoanticorps
■
Défaut de fabrication des plaquettes dans la moelle osseuse
SHU
Pathologie plaquettaire
constitutionnelle
■
Diagnostic d'élimination : check-list clinicobiologique
indispensable
La thrombopénie peut parfois être découverte fortuite-
■
Maladie souvent bénigne et d'évolution spontanément ment chez un patient n'ayant pas de phénotype hémorra-
favorable gique. Cela explique que le terme « thrombopénie immune »
■
Deux complications à redouter : hémorragie intracrânienne soit progressivement préféré à celui de « purpura thrombo-
et chronicisation pénique immunologique » dans la littérature internationale
afin de permettre d'intégrer cette situation.
Chapitre 16. Hématologie 425
Sur le plan de son évolution, le PTI recouvre deux situa- Tableau 16.9 Diagnostics différentiels
tions cliniques très différentes : le PTI aigu (plaquettes principaux du PTI.
< 100 G/L pendant une durée < 3 mois) et le PTI chronique
(plaquettes < 100 G/L pendant plus de 1 an). Le PTI est Fausse thrombopénie à l'EDTA en cas de découverte fortuite
qualifié de persistant lorsque la durée de la thrombopénie (contrôle sur tube citraté)
est comprise entre 3 mois et 1 an. Le PTI aigu est un orage Causes centrales Syndromes myélodysplasiques
auto-immun qui régresse en quelques semaines ou mois, Leucémies aiguës
même si aucun traitement n'est effectué. Les rémissions Aplasie médullaire idiopathique
Aplasies médullaires constitutionnelles (dont
sont loin d'être exceptionnelles dans le PTI persistant mais
maladie de Fanconi)
peu probables dans le PTI chronique. La forme évolutive
aiguë survient dans 80 % des cas chez le jeune enfant. À Thrombopénies Syndrome de Bernard-Soulier
constitutionnelles Syndrome de Wiskott-Aldrich
l'adolescence, les formes chroniques sont plus fréquentes.
Autres thrombopénies constitutionnelles
Deux paramètres au diagnostic sont significativement asso- (Maladie de Willebrand de type 2B)
ciés à une chronicisation de la maladie : un âge supérieur
à 10 ans et une durée du syndrome hémorragique supé- Maladies Lupus systémique
auto-immunes Syndrome des antiphospholipides
rieure à 2 semaines avant le diagnostic. Cependant, aucun
argument clinique ou biologique ne permet, au moment Déficits Syndrome de Wiskott-Aldrich
du diagnostic, de prédire avec certitude qu'il s'agira d'une immunitaires Syndrome lymphoprolifératif avec
constitutionnels auto-immunité
forme aiguë ou chronique. Déficit immunitaire commun variable
Autres déficits immunitaires constitutionnels
Démarche diagnostique initiale Infections Aiguës : EBV, CMV, rubéole, parvovirus B19
La démarche diagnostique permettant de différencier un virales aiguës Chroniques : VHB, VHC, VIH
ou chroniques
purpura vasculaire d'un purpura thrombopénique est décrite
précédemment. Au sein des purpuras thrombopéniques, le Séquestration Hypersplénisme
PTI est un diagnostic d'élimination. En effet, aucun critère des plaquettes Syndrome de Kasabach-Merritt
clinique ou biologique pris isolément ne permet d'en faire Consommation Coagulation intravasculaire disséminée
le diagnostic positif. En particulier, la recherche d'anticorps des plaquettes Syndrome hémolytique et urémique
antiplaquettes n'est ni nécessaire, ni suffisante pour affir- Causes Héparine (risque thrombotique)
mer le diagnostic de PTI. Il convient d'être rigoureux dans médicamenteuses Antibiotiques
l'exploration clinicobiologique de ces patients du fait de Anti-inflammatoires non stéroïdiens
la gravité et de l'urgence diagnostique et thérapeutique de Inhibiteurs de la pompe à protons
plusieurs diagnostics différentiels (notamment le purpura CMV : cytomégalovirus ; EBV : Epstein-Barr Virus ; EDTA : acide éthylène-
fulminans, les hémopathies malignes ou le syndrome hémo- diamino-tétra-acétique ; VHB : virus de l'hépatite B ; VHC : virus de
lytique et urémique). La liste des diagnostics différentiels l'hépatite C ; VIH : virus de l'immunodéficience humaine.
principaux du PTI est donnée dans le tableau 16.9.
Le tableau clinique du PTI consiste en un syndrome
hémorragique isolé (pouvant parfois manquer) (enca- tomégalie, splénomégalie, adénopathies), à l'exception des
dré 16.2). L'association d'une fièvre et d'un purpura ecchymo- formes secondaires à une virose telle que la primo-infection
tique ou nécrotique est un purpura fulminans jusqu'à preuve EBV (mononucléose infectieuse). La présence d'un syndrome
du contraire et doit être traitée sans délai (cf. chapitre 28). tumoral ou de douleurs osseuses doit faire rechercher une
L'examen ne doit pas comporter de syndrome tumoral (hépa- hémopathie maligne (leucémie aiguë ou myélodysplasie).
426 Partie II. Spécialités
en cas d'hématurie) ou d'hémorragie intracrânienne. Il est envisageable chez ces patients sous réserve d'un syndrome
également nécessaire de traiter systématiquement les enfants hémorragique peu sévère (Buchanan 0-2), d'un taux de
dont le taux de plaquette est inférieur à 10 G/L. plaquette supérieur à 10 G/L et d'une absence de reten-
Pour les enfants qui présentent un syndrome hémorra- tissement sur la qualité de vie. Les traitements de 1re ligne
gique peu sévère (score de Buchanan de 0 à 2) et dont le (corticoïdes en cure courte et IgIV) peuvent également
taux de plaquettes est supérieur à 10 G/L, aucun traitement être utilisés au long cours chez ces patients, à la demande
n'est généralement nécessaire. Il est alors important d'in- ou de manière programmée. La corticothérapie systémique
former sur la nécessité de consulter en cas d'aggravation prolongée n'a aucune place dans la prise en charge du PTI.
du syndrome hémorragique. Les exceptions à cette pos- Dans les formes sévères, des traitements de 2e ligne peuvent
sibilité d'abstention thérapeutique sont un âge inférieur être utilisés (hydroxychloroquine, immunosuppresseurs,
à 12 mois, l'existence d'un traumatisme crânien récent, la agonistes du récepteur de la thrombopoïétine). La stratégie
présence d'une lésion susceptible de saigner ou des condi- d'utilisation de ces traitements n'est pas clairement établie et
tions géographiques ou socio-économiques d'accès aux nécessitera de discuter en RCP les traitements hors AMM
soins difficiles. et d'inclure les patients dans une cohorte observationnelle
(OBS'CEREVANCE). En dernier recours, chez l'enfant de
Comment traiter ? plus de 5 ans et après échec de plusieurs lignes de traitement,
Les traitements du PTI aigu sont résumés dans la figure 16.9. la splénectomie peut être proposée. Elle est efficace dans
En l'absence de saignement menaçant, différentes options environ 70 % des cas, bien qu'associée à un risque infectieux
thérapeutiques sont possibles. Il est possible d'utiliser une non négligeable.
corticothérapie par prednisone (4 mg/kg/j pendant 4 jours
en 2 prises/j ou 2 mg/kg/j pendant une semaine avec un Drépanocytose
arrêt sur 2 semaines) ou par dexaméthasone per os à la dose
de 10 mg/m2/j pendant 4 jours. Il est aussi possible d'utiliser Gérard Michel
les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) à une dose de La drépanocytose est une maladie héréditaire de l'hémoglo-
0,8 à 1 g/kg à J1 ± J3 selon l'évolution. bine très répandue dans le monde, notamment en Afrique
En cas de saignement menaçant, les traitements précé- subsaharienne, aux Antilles, aux États-Unis et en Amérique
demment cités (corticoïdes et IgIV) doivent être utilisés du Sud (Brésil). Elle est liée à une mutation du 6e codon
en combinaison, associés aux transfusions plaquettaires. du gène de la chaîne β de la globine. À l'état hétérozygote,
Ces dernières trouvent ici leur seule indication dans le PTI la maladie n'est pas symptomatique. À l'état homozygote,
de l'enfant. Les transfusions doivent être répétées toutes l'hémoglobine anormale (hémoglobine S) a des propriétés
les 8 heures jusqu'à l'obtention d'une stabilisation de l'état physico-chimiques anormales qui conduisent à un défaut
clinique du patient et l'obtention d'un taux de plaquettes de solubilité dans l'hématie. La drépanocytose homozygote
considéré comme protecteur (100 G/L en cas d'hémorragie est une maladie grave qui associe trois grandes catégories de
intracrânienne non stabilisée par exemple). D'autres traite- manifestations cliniques :
ments d'urgence sont à discuter avec le médecin spécialiste ■ une anémie hémolytique chronique avec des épisodes
(agonistes du récepteur de la thrombopoïétine, facteur VIIa d'aggravation aiguë ;
recombinant…). ■ des phénomènes vaso-occlusifs ;
■ une susceptibilité aux infections bactériennes.
PTI chronique Sous le vocable de syndrome drépanocytaire majeur, on
La prise en charge du PTI persistant et chronique est com- regroupe outre la drépanocytose homozygote (dite SS), le
plexe et doit être conduite en collaboration avec le méde- double hétérozygotisme drépanocytose/β-thalassémie et le
cin spécialiste. Une abstention thérapeutique est toujours double hétérozygotisme SC.
Hospitalisation urgente
Ambulatoire ou hospitalisation
Transfusion plaquettes/8 h
Prise en charge ambulatoire possible Prednisone 4 mg/kg/j pendant 4 jours
Méthylprednisolone 15 mg/kg
Abstention thérapeutique ou 2 mg/kg/j pendant 1 semaine, puis arrêt sur 2 semaines
IgIV 1 g/kg
(sauf situation à risque hémorragique) ou dexaméthasone 10 mg/m2/j pendant 4 jours
Autres (avis spécialisé) :
ou IgIV 0,8–1g/kg J1 ± J3
agonistes récepteur TPO,
rFVIIa
Fig. 16.9 Traitement du PTI aigu. IgIV : immunoglobulines intraveineuses ; NFS : numération formule sanguine ; TPO : thrombopoïétine. Adapté
d'après HAS. Purpura thrombopénique immunologique de l'enfant et de l'adulte. Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), mai 2017.
428 Partie II. Spécialités
Les syndromes drépanocytaires majeurs sont l'objet d'un Érythroblastopénie aiguë liée au parvovirus B19
dépistage néonatal, dans le but d'organiser une prise en Le parvovirus B19, agent du mégalérythème épidémique,
charge très précoce. Les enfants dépistés doivent être suivis induit de manière quasiment systématique une érythro-
par un réseau de médecins associant des médecins de proxi- blastopénie spontanément résolutive qui dure environ
mité et un centre de référence. La finalité de ce texte est de 8 jours. Chez l'individu normal, cet arrêt de l'érythro-
fournir aux médecins de proximité, qu'ils s'agissent de méde- poïèse de durée brève n'entraîne pas d'anémie marquée.
cins généralistes, de pédiatres hospitaliers ou libéraux, de En revanche, dans le cas des syndromes drépanocytaires
médecins de PMI ou de médecins scolaires, les outils d'une majeurs, la durée de vie des hématies est fortement dimi-
prise en charge de qualité. La Haute autorité de santé (HAS) nuée et cette réduction de durée de vie des hématies est
a édité en 2010 un guide national de diagnostic et de soins compensée par une forte augmentation de l'érythropoïèse.
pour les syndromes drépanocytaires majeurs de l'enfant et de Ainsi, en cas d'arrêt même bref de l'érythropoïèse, l'ané-
l'adolescent, consultable sur internet (actualisé en 2014). Les mie devient très sévère. Le diagnostic est porté sur une
patients doivent bénéficier d'une prise en charge au titre de aggravation de l'anémie avec réticulocytes très bas, voire
l'affection de longue durée, selon l'ALD10, hémoglobinopa- absents. Une ou deux transfusions sont généralement
thie invalidante. Une carte de soins et d'urgence éditée par le nécessaires.
ministère chargé de la Santé leur est remise, de même qu'un
petit document d'informations et conseils pour les familles. Séquestration aiguë splénique
Elle survient chez le petit enfant drépanocytaire. Sur le
plan physiopathologique, les anomalies de la circulation
Principales complications des syndromes sanguine liées à la falciformation dans la rate induisent un
drépanocytaires majeurs phénomène de séquestration aiguë brutal. L'enfant devient
Aggravation de l'anémie chronique brutalement très pâle, la rate augmente considérablement de
■
Érythroblastopénie par primo-infection au parvovirus B19 volume. Il s'agit d'une urgence vitale qui nécessite une trans-
■
Séquestration aiguë splénique fusion sanguine. Le diagnostic différentiel de l'aggravation
■
Aggravation simple de l'hémolyse chronique liée au parvovirus B19 repose cliniquement sur l'augmen-
Phénomènes vaso-occlusifs tation du volume de la rate et biologiquement sur la persis-
■
Crise douloureuse drépanocytaire tance d'une réticulocytose élevée.
■
Syndrome thoracique aigu
■
Vasculopathie cérébrale Hyperhémolyse
Ostéonécrose
Parfois, l'aggravation de l'anémie est simplement liée à une
■
■
Ulcère de jambe
■
Dégénérescence d'organe
aggravation de l'hémolyse chronique, par exemple dans le
contexte d'une crise douloureuse drépanocytaire.
Susceptibilité aux infections (hyposplénie)
■
Choc septique lié à des germes encapsulés (pneumocoque) Complications de l'hémolyse chronique
L'anémie chronique est responsable d'une asthénie chro-
nique qui risque de retentir sur le développement psycho-
Anémie hémolytique chronique et épisodes intellectuel, la scolarité, les activités sportives et ludiques
d'aggravation aiguë de cette anémie de l'enfant. L'hyperbilirubinémie chronique se solde très
Hémolyse chronique fréquemment après quelques années par une lithiase par
précipitation de la bilirubine dans la vésicule biliaire.
L'hémoglobine anormale fragilise l'hématie et raccourcit
sa durée de vie. Le tableau clinicobiologique correspond à Crise douloureuse drépanocytaire
une hémolyse chronique avec anémie normochrome, nor-
mocytaire, très régénérative. La bilirubine libre est élevée, À l'état désoxygéné, l'hémoglobine drépanocytaire est rela-
de même que les LDH. Cliniquement, cette hémolyse chro- tivement peu soluble dans l'hématie. Cette hémoglobine a
nique se caractérise par une pâleur avec asthénie et ictère. alors tendance à se polymériser et à former un long filament
La splénomégalie est généralement présente au cours des qui déforme l'hématie et lui donne son aspect classique-
premières années de la vie, puis à tendance à régresser du ment en faucille (le terme hémoglobine « S » fait d'ailleurs
fait de phénomènes vaso-occlusifs ischémiques dans la rate. référence au mot sickle qui signifie faucille, tandis que
L'hémolyse chronique est variable selon les patients mais « drépanocytose » fait référence au mot grec drepanos, qui a
ne nécessite pas de programme transfusionnel systéma- la même signification). Ceci modifie les propriétés rhéolo-
tique comme dans la β-thalassémie homozygote. Le taux giques de l'hématie : les hématies falciformes sont capables
d'hémoglobine est généralement situé entre 70 et 90 g/L. d'obstruer les vaisseaux, créant ainsi une hypoxie/ischémie
en aval. Cliniquement, ceci se traduit par des crises dou-
loureuses extrêmement invalidantes. Leur fréquence est
Épisodes d'aggravation aiguë très variable selon les patients et selon les époques pour un
Sur ce fond d'hémolyse chronique, vont apparaître des épi- même patient, mais elles peuvent survenir plusieurs fois par
sodes d'aggravation aiguë qui peuvent être liés à trois méca- mois. Les douleurs sont généralement très intenses et durent
nismes : érythroblastopénie aiguë due au parvovirus B19, plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Le plus souvent, il
séquestration aiguë splénique et hyperhémolyse. s'agit de douleurs osseuses ou abdominales.
Chapitre 16. Hématologie 429
PLAN DU CHAPITRE
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 431 Quelle prise en charge diagnostique
Circonstances de diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . 432 et thérapeutique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 435
autosomique dominante, de pénétrance élevée et expressivité Signes d'appel les plus fréquents
variable ; l'examen clinique régulier recherchera, outre les Les signes les plus fréquemment révélateurs d'un cancer
taches café-au-lait et dysplasies squelettiques, une tumeur sont indiqués dans le tableau 17.2. Leur analyse vigilante et
abdominothoracique (névrome plexiforme ou neuroblas- adéquate revêt un enjeu considérable :
tome) parfois accompagnée de compression spinale, un ■ identifier les symptômes pouvant témoigner de cancer (et
gliome cérébral (surtout des voies optiques). Les syndromes ainsi préserver au mieux le pronostic vital et fonctionnel) ;
de Gorlin et de Wiedmann-Beckwitt sont des syndromes ■ ou, au contraire, rassurer à bon droit un enfant et sa famille
caractérisés par des troubles de la croissance. Le syndrome (en leur évitant un traumatisme psychologique inutile).
de Wiedmann-Beckwitt associe macrosomie et viscéromé-
galie, macroglossie, hémihypertrophie, anomalies de ferme-
ture de la paroi abdominale, anomalies de l'oreille externe et Signes exceptionnellement en rapport
hypoglycémie néonatale. Il existe dans ce syndrome un excès avec une affection tumorale
de néphroblastomes, d'hépatoblastomes, de neuroblastomes
et de rhabdomyosarcomes, tandis que le syndrome de Gorlin ■
Enfant « tout le temps malade » (rhinopharyngites et viroses à
est associé au risque de médulloblastome. répétition)
Le rôle des expositions aux radiations ionisantes (radio-
■
Croissance, appétit et prise de poids médiocres, de façon
isolée
thérapies, explosions nucléaires) et aux chimiothérapies ■
Fatigue isolée
mutagènes (alkylants surtouts) dans l'émergence de cancers ■
Anémie ferriprive
est documenté ; celui de facteurs environnementaux poten- ■
Ganglions cervicaux symétriques, de diamètre < 1 cm,
tiels (produits chimiques, champs électromagnétiques, infec- souples, sensibles, inflammatoires en contexte infectieux
tions – ou absence d'infections –, médicaments, mode de vie ■
« Inversion de formule leucocytaire » isolée
des parents, etc.) n'est pas démontré. Le stress psychologique ■
Manifestation symptomatique multirécidivante
n'est pas un facteur de risque de cancers de l'enfant. En l'ab-
sence de cause connue, il n'existe pas de moyen de prévention.
Encadré 17.1 Données cliniques permettant
Circonstances de diagnostic d'évaluer les fonctions vitales en cas de
La rapidité évolutive des cancers de l'enfant ne permet pas d'envi-
pathologie tumorale
sager de dépistage systématique. En pratique clinique, le diagnos- ■
Fréquence respiratoire
tic s'avère souvent surprenant, imprévu, voire difficile à imaginer. ■
Conscience
■
Hémodynamique (pouls, pression artérielle, temps de
Urgences médicales vraies recoloration capillaire)
■
Coloration cutanée et muqueuse (cyanose, pâleur, purpura,
Le diagnostic peut se faire dans le contexte d'une urgence
etc.)
médicale authentique. L'insuffisance respiratoire aiguë par
Chapitre 17. Cancers et leucémies 433
Cette analyse vigilante nécessite une grande expertise cli- D'allure banale, d'apparition récente, compatibles avec
nique, en particulier : un état général le plus souvent parfaitement conservé, ces
■ neutralité et rigueur du recueil des données signes d'appel ne doivent pas faire porter prématurément
d'interrogatoire ; un diagnostic d'exclusion (rhume de hanche, douleur de
■ vérification de l'évolution dans le temps, permettant de croissance, constipation fonctionnelle, fièvre infectieuse,
valider ou non un « pari diagnostique raisonnable » ; ganglion réactionnel, prurigo, etc.). Plus généralement,
■ objectivité de l'examen clinique systématique. toute symptomatologie doit être colligée et analysée de
434 Partie II. Spécialités
Tableau 17.3 Neutralité et rigueur dans le recueil façon rigoureuse plutôt que prématurément interprétée
des données de l'interrogatoire. comme « inquiétante » ou « rassurante » (tableau 17.3). Les
Recueil Recueil Diagnostic possible céphalées, les douleurs des membres, les douleurs abdomi-
anamnestique anamnestique nales font d'autant plus évoquer une étiologie organique et
interprétatif ou hâtif rigoureux tumorale qu'elles sont nocturnes.
(ce qu'il ne faut pas (ce qu'il faut dire) L'authentification de la guérison est le seul argument
dire)
définitif permettant rétrospectivement de parler de symp-
Il (elle) réveille ses Il (elle) dort peu ou Douleur nocturne tomatologie banale (douleur, impotence, modification de
parents mal ; pourquoi ? (tumeur cérébrale, comportement, etc.) ; la consultation de suivi doit ainsi
osseuse, leucémie,
etc.)
être de pratique systématique. Au contraire, tout symp-
tôme persistant et fixe pendant quelques jours ou quelques
Il (elle) ne veut pas Il (elle) ne marche – Douleur osseuse semaines doit faire rechercher une étiologie organique,
marcher pas ; pourquoi ? – Paralysie
voire cancéreuse (tableau 17.4). Dans ces situations où
(compression
médullaire ou l'épreuve du temps est indispensable, la prescription de
radiculaire) corticoïdes est contre-indiquée de façon absolue ; elle
serait susceptible de laisser évoluer à bas bruit un can-
Il (elle) a mal au Il (elle) a mal – Tumeur
ventre car il (elle) est au ventre et est abdominale cer corticosensible (leucémie, lymphome de Hodgkin ou
constipé(e) constipé(e) de façon (neuroblastome non hodgkinien, etc.) ou d'en précipiter une complication
récente ou durable ; surtout) grave (syndrome de lyse).
pourquoi ? – Tumeur vertébrale L'examen somatique systématique et complet, dont il
(douleur en y a tant d'opportunités chez l'enfant (visites obligatoires,
hémiceinture)
vaccinations, licence sportive, etc.) nécessite vigilance et
Il (elle) a de l'eczéma Il (elle) a un prurit et Lymphome de objectivité. Ainsi le néphroblastome est-il le plus souvent
qui le (la) gratte des lésions cutanées ; Hodgkin (rechercher diagnostiqué en découvrant une masse abdominale lors de
pourquoi ? des adénopathies) l'examen systématique d'un jeune enfant (6 mois – 4 ans) ;
Il (elle) a une crise Il (elle) est – Anémie la découverte à la palpation (par le médecin ou l'enfant lui-
d'asthme essoufflé(e) ; il (insuffisance même) d'une masse ganglionnaire cervicale indolore est
faut déterminer médullaire, le mode de diagnostic habituel d'une maladie de Hodgkin
les caractéristiques leucémie)
sémiologiques de – Syndrome
(cf. tableau 17.4). Outre la palpation abdominolombaire et
cette dyspnée cave supérieur des aires ganglionnaires à la recherche d'une masse dure
(lymphome, et fixée, les données majeures de l'examen somatique sont
leucémie) la percussion et l'auscultation pulmonaire, la mesure du
Il (elle) ne veut pas Il (elle) une baisse Tumeurs cérébrales périmètre crânien, l'examen neurologique, la palpation et
travailler de son rendement la mobilisation des pièces osseuses, la recherche de signes
scolaire ; pourquoi ? d'insuffisance médullaire (angine ulcéronécrotique ou
Tableau 17.4 Rôle du suivi évolutif comme argument de diagnostic en faveur d'une pathologie
organique voire cancéreuse.
Signe clinique Durée Diagnostic ne pouvant être Maladie cancéreuse pouvant être évoquée
retenu a priori
Douleur, boiterie 1 semaine Rhume de hanche – Leucémie
– Neuroblastome métastatique, etc.
Angine avec aphtes Quelques jours Angine infectieuse – Leucémie (neutropénie)
– Neuroblastome métastatique (neutropénie)
Fièvre 1 semaine Fièvre d'origine infectieuse – Lymphome de Hodgkin
– Tumeur d'Ewing
– Tout cancer
Tuméfaction ganglionnaire 2 semaines Ganglion réactionnel – Lymphome de Hodgkin
(antibiothérapie – Lymphome
d'épreuve) – Tout cancer
Lombalgie/douleur de 2 à 3 semaines Douleur post-traumatique – Ostéosarcome
membre après traumatisme ou – Tumeur d'Ewing
microtraumatisme – Histiocytose
– Leucémie
Tuméfaction des parties molles 2 à 3 semaines Abcès/infection Sarcome (face, tronc, etc.)
Chapitre 17. Cancers et leucémies 435
aphtes buccaux, pâleur des muqueuses, purpura cutané), de de l'équilibre ou une hypertension intracrânienne débutante ;
tuméfaction des parties molles, d'œdèmes ou de circulation il est fondamental de rechercher un nystagmus, un strabisme,
collatérale. des troubles de l'oculomotricité (paralysie du III, du VI, syn-
drome de Parinaud) ou portant sur les autres paires crâniennes
(vision binoculaire) et de mesurer le périmètre crânien (avant
Adénopathies l'âge de 2 ans). Les céphalées ne peuvent être considérées
La découverte d'une adénopathie peut conduire au diagnos- comme banales lorsqu'elles surviennent la nuit ou le matin.
tic d'une leucémie, d'un lymphome ou d'un autre cancer Les crises épileptiques peuvent conduire au diagnostic de
(neuroblastome, sarcome), bien qu'il existe évidemment tumeur cérébrale, notamment dans le cas de crises partielles.
de nombreuses autres causes plus fréquentes, en particu- Les troubles alimentaires (parfois associés à des vomisse-
lier infectieuses. La localisation et la taille sont des facteurs ments), syndromes dépressifs, fléchissements du rendement
majeurs à prendre en compte (tableau 17.5) en sachant que : scolaire ou des performances psychomotrices nécessitent un
■ des ganglions cervicaux et axillaires sont souvent norma- abord pluridisciplinaire ; les pistes étiologiques organiques
lement palpables chez l'enfant ; (tumeur diencéphalique, thalamique, frontale, hypertension
■ des ganglions cervicaux et axillaires > 1 cm sont considé- intracrânienne), psycho-comportementales, sociofamiliales
rés comme pathologiques ; doivent être explorées rapidement.
■ des ganglions sus-claviculaires sont toujours anormaux ; Les signes neurologiques déficitaires, associés ou non à
■ les adénopathies disséminées ou généralisées traduisent une hypertension intracrânienne, en particulier un déficit
l'atteinte de plus de deux territoires non contigus et visuel sensoriel ou oculomoteur, une paralysie des autres
peuvent être dues à de nombreuses pathologies ; paires crâniennes, un nystagmus, une ataxie doivent immé-
■ les adénopathies localisées relèvent uniquement de deux diatement conduire à l'imagerie cérébrale. Cependant, la
types de causes : soit infectieuses, soit tumorales. décision de pratiquer rapidement une exploration neuro-
radiologique est délicate car cette dernière requiert souvent
Tableau 17.5 Caractéristiques cliniques des une sédation voire une anesthésie générale chez l'enfant
adénopathies et orientation diagnostique. avant 5 ans ; son organisation, néanmoins indispensable à
une prise en charge optimale, bénéficie d'une filière de soins
Caractéristique En faveur En faveur
d'une pathologie d'une pathologie
hospitalière.
tumorale infectieuse
(lymphome
de Hodgkin) Quelle prise en charge
Nombre Unique Unique diagnostique et thérapeutique ?
Ou multiples et Ou multiples et
asymétriques symétriques Examens paracliniques contributifs
Topographie Sus et sous- Sous-maxillaire, Lorsqu'une maladie tumorale est évoquée, des examens
claviculaire, inguinale, axillaire paracliniques simples permettent souvent d'avancer dans
toute localisation la démarche diagnostique : numération-formule sanguine,
inhabituelle ++
radiographie pulmonaire de face, radiographies osseuses
Plaie ou lésion Non Oui (voire scintigraphie) et échographie abdominale. Cette der-
d'inoculation dans nière est particulièrement bien adaptée à l'exploration de la
le territoire de cavité abdominale, du pelvis et du rétropéritoine chez l'en-
drainage
fant, sous réserve d'être pratiquée par un opérateur entraîné
Taille ≥ 2 cm ++ < 2 cm à l'échographie pédiatrique. Dans le cas particulier des
Inflammation locale Non (sauf exception) Oui tumeurs cérébrales, l'échographie transfontanellaire peut
et périadénite ++ être pratiquée tant que le bregma est encore largement per-
Consistance Dure +++ Molle, élastique méable (habituellement avant l'âge de 12 mois) ; elle permet
d'apprécier la taille des ventricules latéraux mais n'explore
Adhérence aux tissus Oui +++ Non
de voisinage Plan profond +++
pas la fosse postérieure.
La stratégie d'exploration paraclinique ultérieure doit être
Évolution Sans effet Régression organisée dans un centre spécialisé en cancérologie pédia-
(2 semaines) sous
antibiothérapie
trique, dès les heures ou les jours qui suivent la suspicion
d'épreuve diagnostique. En fonction de la localisation tumorale, de
l'âge, de la présentation clinique initiale ainsi que des résultats
du bilan de 1re intention, divers examens peuvent être prati-
qués (IRM, TDM, TEP-TDM, scintigraphie à la MIBG, au
Cas particulier des tumeurs cérébrales 99
Tc, etc.). L'ensemble du programme d'identification tumo-
Le diagnostic précoce des tumeurs cérébrales est particuliè- rale y est conduit, de façon coordonnée et cohérente avec les
rement difficile, notamment chez les enfants les plus petits. différents temps de l'annonce et les premiers traitements.
Ces tumeurs, les plus fréquentes chez l'enfant après les leu- La stratégie diagnostique vise à :
cémies, siègent le plus souvent non pas au niveau du télencé- ■ obtenir une certitude quant à la nature de la tumeur ;
phale, comme chez l'adulte, mais de la fosse postérieure. Leur cette certitude est habituellement fournie par un examen
symptomatologie est fruste, volontiers réduite à des troubles cytologique (cytoponction échoguidée, myélogramme)
436 Partie II. Spécialités
ou anatomopathologique (biopsie percutanée ou chirur- pratiquer d'exploration invasive que dans un centre spécia-
gicale), parfois par mise en évidence d'un « marqueur lisé de cancérologie pédiatrique.
tumoral » (tableau 17.6) ;
■ caractériser la tumeur : la biologie et la génétique molé-
culaire ont transformé cette étape en identifiant des
Traitement
sous-catégories différentes de cancer dont le pronostic est Pour chaque enfant, un plan de traitement est établi et
différent ; adapté à l'évolution. Il associe ainsi de façon variable :
■ établir le bilan d'extension locorégionale et générale (pré- ■ une chimiothérapie conventionnelle qui occupe la place
sence ou absence de métastase). majeure dans le traitement des cancers de l'enfant ; seul
L'exemple de la stratégie diagnostique devant une tumeur traitement possible des maladies métastatiques ou éten-
abdominale est indiqué sur la figure 17.1 ; nous soulignons dues, elle peut, en réduisant la taille d'une tumeur, rendre
devant une tuméfaction abdominale la multiplicité des étio- possible son ablation chirurgicale et vise à éradiquer
logies possibles, malignes ou bénignes (notamment chez la maladie résiduelle microscopique inapparente. Son
le nouveau-né et nourrisson) et l'impérieuse nécessité à ne intensité est particulièrement importante en oncologie
pédiatrique, nécessitant des soins de support haute-
Tableau 17.6 Marqueurs tumoraux contribuant ment spécialisés (cathéters, antibiotiques, transfusions,
au diagnostic des cancers de l'enfant. antiémétiques, prise en charge de la douleur, nutrition,
accompagnement psychosocial, etc.) et l'organisation du
Marqueur Dosage Variété tissulaire réseau de soins ;
de cancer ■ une chimiothérapie massive avec greffe de cellules-
VMA (Vanylmandelic Urines Neuroblastome souches hématopoïétiques autologues (il s'agit alors du
Acid), HVA Phéochromocytome support hématopoïétique qui permet d'administrer des
(Homovanylic Acid) (rare) doses plus importantes de chimiothérapie que celles
et catécholamines
habituellement utilisées pour la chimiothérapie dite
Alphafœtoprotéine Sang LCR Tumeur germinale « conventionnelle ») ou allogéniques (utilisant les pro-
maligne du sac priétés immunocompétentes de ce greffon puisqu'outre
vitellin (ovaire,
testicule, épiphyse,
le remplacement de l'hématopoïèse défectueuse, le gref-
hypophyse, etc.) fon apporte un nouveau système immunitaire susceptible
Sang Hépatoblastome d'interagir avec l'organisme du patient greffé) ; il s'agit de
Marqueurs de Non contributifs au diagnostic de cancer de
thérapeutiques d'exception ;
carcinome l'enfant ■ la chirurgie qui constitue souvent le meilleur traitement
des cancers localisés, le plus souvent après réduction du
LCR : liquide céphalorachidien.
volume de la tumeur par chimiothérapie. L'intervention
Tumeur rétropéritonéale
Tumeur
Tumeur pelvienne
intrapéritonéale Rétropéritonéale
Intrarénale Surrénalienne
médiane
comprend un temps d'exploration chirurgicale pour faire ■ la prise de confiance de l'enfant et de sa famille tient aux
le bilan d'extension et se doit de décrire aussi précisément conditions de ces entretiens (lieu, temps, disponibilité,
que possible les différentes étapes de la résection et les tonalité et vocabulaire utilisés, etc.), à la cohérence entre
difficultés rencontrées. Dans la perspective d'une radio- les différents membres de l'équipe pluridisciplinaire et à
thérapie, il peut être utile de repérer les limites d'exérèse la prise en compte du bouleversement de la vie (famille,
par des clips en titane ; amis, salaires, éloignement, scolarité, activités, projets
■ une radiothérapie parfois indispensable pour les tumeurs d'avenir, etc.) ;
non opérables ou avec forte agressivité locorégionale ; ses ■ un cheminement dans le temps s'avère indispensable,
effets secondaires à long terme conduisent à en limiter le nécessitant la répétition ou la remise en perspective des
plus possible l'indication. En effet, la toxicité est d'autant informations (parfois par des acteurs de santé différents)
plus à craindre que l'âge au moment de l'irradiation est pour permettre la maîtrise du traumatisme ;
jeune, en particulier pour les tumeurs secondaires, les ■ l'empathie, la transparence et la bienveillance ne sont
séquelles de croissance et les séquelles neurocognitives. pas seulement des principes philosophiques de pratique
Les réactions tardives sont principalement dues à la médicale ; il s'agit aussi des meilleures armes de commu-
fibrose et à une perte d'élasticité du tissu. Elles sont habi- nication pour un partenariat mature et une confiance
tuellement irréversibles. réciproque.
Les centres spécialisés de cancérologie pédiatrique assurent
ainsi les fonctions suivantes :
■ offrir les possibilités optimales de guérison à chaque Guérison
enfant ; Aujourd'hui, le taux de survie à 5 ans des enfants et ado-
■ animer un réseau de soins maillant le territoire, favori- lescents traités pour cancer dans les pays industrialisés est
sant ainsi les soins de proximité ; estimé à 75 %. Ces progrès considérables ont été obtenus
■ s'intégrer aux organisations territoriales (interrégionales grâce :
et nationales) qui permettent d'offrir à chaque enfant un ■ à l'utilisation rationnelle, et scientifiquement évaluée par
égal accès aux soins de haut niveau ; des essais thérapeutiques multicentriques, des moyens
■ participer à la démarche de recherche clinique (essais thérapeutiques existants (chimiothérapie, chirurgie,
thérapeutiques observationnels et interventionnels natio- radiothérapie) ;
naux ou internationaux) et contribuer ainsi à l'améliora- ■ au développement des soins de support ;
tion graduelle du taux et de la qualité de la guérison. ■ à l'amélioration des méthodes de diagnostic (imagerie,
caractérisation moléculaire, etc.).
Ce taux de guérison global (75 %) recouvre une extrême
Dialogue avec l'enfant et sa famille, hétérogénéité (tableau 17.7) ; pour chaque enfant, le pro-
annonce et information médicale jet thérapeutique et son évolution personnelle s'avèrent
Le dialogue avec l'enfant et sa famille conditionne l'adhé- uniques.
sion durable au projet thérapeutique et fait appel à « la Si dans un grand nombre de cas, la guérison est obtenue
raison ». C'est pourtant l'émotion (« le cœur ») qui sous- sans effet secondaire durable, différents traitements peuvent
tend les lignes de force des entretiens d'annonce ; la charge favoriser des séquelles (tableau 17.8), en particulier chez les
émotionnelle de ces instants a un double impact, recrutant enfants ayant présenté une tumeur cérébrale, une tumeur
toutes les énergies familiales et personnelles mais sidé- osseuse, une pathologie ayant nécessité une chimiothérapie
rant aussi les capacités de compréhension. Ce processus massive avec greffe de moelle ou en cas de rechute nécessi-
nécessaire de communication s'intéresse moins à « ce qui tant des lignes successives de traitement. C'est une des rai-
est dit » qu'à « ce qui est entendu ». Il repose sur quelques sons d'assurer un suivi à long ou très long terme (plusieurs
principes : dizaines d'années). De nombreux protocoles de recherche
■ l'enfant est « philosophiquement » le sujet central ; dans clinique ont permis d'évaluer ces séquelles, d'identifier leurs
tous les cas, son intérêt supérieur prime sur toute autre causes et de proposer une désescalade ou une alternative
considération ; une information lui est due, adaptée à son thérapeutique :
âge, à sa maturité et sa compréhension ; ■ les indications d'amputation chirurgicale sont devenues
■ les parents ont l'autorité légale, mais plus encore sont exceptionnelles ;
les garants de l'adhésion au projet de soins ; leur impli- ■ les indications de radiothérapie ont été réduites, notam-
cation dans ce projet est indispensable, propre à chaque ment chez les enfants les plus jeunes et ses conditions
structuration et typologie familiale ; leur connaissance de techniques améliorées (réduction des champs et doses
la maladie de leur enfant devient souvent considérable, d'irradiation, précision balistique) ;
alimentée par une motivation hors du commun ; ■ les doses de chimiothérapie sont limitées lorsque cela est
■ les entretiens d'annonce apportent une information possible en dessous de leur « seuil toxique ».
précise (nom de la maladie, absence habituelle de Tout projet thérapeutique évalue ainsi le ratio risque/
causalité, etc.), compréhensible, loyale (notamment bénéfice et se donne un double objectif : guérir plus
l'incertitude individuelle de l'évolution), tournée vers le (maintenir ou améliorer le taux de guérison) et guérir
projet thérapeutique (et son objectif ultime : guérison, mieux (préserver la qualité de la guérison et l'absence de
confort, etc.) ; séquelles).
Tableau 17.7 Approche thérapeutique et résultats du traitement des principaux cancers de l'enfant.
PLAN DU CHAPITRE
Données générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441 Principales étiologies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 478
Épidémiologie des infections pédiatriques. . . . . 441 Bilan étiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482
Examens complementaires Enfant voyageur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483
en pathologie infectieuse pédiatrique. . . . . . 442 Infections ostéoarticulaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . 483
Thérapeutiques curatives antibactériennes Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484
en pédiatrie : antibiotiques. . . . . . . . . . . . . . . . 444 Bactéries retrouvées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484
Surveillance d'un traitement antibiotique. . . . . . 446 Diagnostic. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485
Analyse des échecs thérapeutiques . . . . . . . . . 446 Prise en charge thérapeutique urgente. . . . . . 487
Fièvre aiguë du nourrisson. . . . . . . . . . . . . . . . . . 446 Infections bactériennes spécifiques. . . . . . . . . . . 488
Définition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446 Coqueluche. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 488
Modalités de mesure de la température . . . . . 446 Maladie de Lyme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 490
Évaluation d'un nourrisson fébrile. . . . . . . . . . 447 Infections virales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 492
Complications liées à la fièvre. . . . . . . . . . . . . . 447 Grippe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 492
Convulsions fébriles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 448 Rougeole. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 493
Traitement de l'enfant fébrile. . . . . . . . . . . . . . 448 Rubéole. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449 Infection à Herpès simplex virus
Infections ORL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449 (HSV-1 et HSV-2). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 495
Oreille. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449 Varicelle-zona. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 496
Oropharynx. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451 Infections à cytomégalovirus (CMV). . . . . . . . . 498
Nez – sinus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453 Mégalérythème épidémique. . . . . . . . . . . . . . . 498
Cou.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455 Que faire devant des infections sévères
Infections ORL récidivantes du nourrisson ou inhabituelles ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 499
et du petit enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 456 Signes d'alerte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 499
Infections pulmonaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 457 Examens de 1re intention. . . . . . . . . . . . . . . . . . 499
Étiologies actuelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 457 Examens de 2e intention . . . . . . . . . . . . . . . . . . 500
Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 458 Diagnostic génétique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502
Diagnostic positif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 458 Conclusions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502
Prise en charge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460 Vaccinations : rationnel immunologique,
Stratégie de prévention. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463 reponses aux questions des parents . . . . . . . . . . 502
Infections cutanées bactériennes. . . . . . . . . . . . . 463 Bases immunologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502
Bactéries retrouvées dans les infections Protection vaccinale et efficacité . . . . . . . . . . . 503
cutanées de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463 Contre-indications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
Infections cutanées superficielles . . . . . . . . . . . 463 Schémas vaccinaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505
Infections cutaneés profondes . . . . . . . . . . . . . 465 Rattrapage vaccinal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505
Infections méningées du nourrisson Technique vaccinale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 507
et de l'enfant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466 Adénopathies infectieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509
Méningites bactériennes. . . . . . . . . . . . . . . . . . 467 Adénopathies superficielles multiples
Méningites virales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472 ou disséminées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509
Encéphalites aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473 Adénopathies profondes : 2 localisations
Méningoencéphalites infectieuses . . . . . . . . . . 473 principales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510
Infection urinaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474 Adénopathies localisées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510
Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474 Fièvres prolongées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512
Pyélonéphrite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512
Cystite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 Diagnostic. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512
Diarrhées aiguës infectieuses. . . . . . . . . . . . . . . . 477 Fièvres prolongées d'origine infectieuse . . . . . 513
Définition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 Fièvres prolongées d'origine inflammatoire :
Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 maladie de Kawasaki. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513
Physiopathologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477
Hospitalisation USC/USI,
Signes de gravité ? Oui
Hémoculture, ATB, remplissage
RR 3,5 IC 95 % (2,3−5,4)
PEC selon foyer identifié (GEA,
Non Fièvre isolée ? Non
varicelle, cellulite, pneumonie, etc.)
RR 7,6 IC 95 % (2,9–19,8)
CRP > 20 mg/L
Non Oui Hémoc + ECBU chez garçons + C3G
ou PN > 10 000/mm3 ?
RR 4,8 IC 95 % (1,3–17,7)
Faible risque IBI, surveillance ambulatoire avec conseils aux parents, ou UHCD
Non
si fièvre < 6 h. Revoir à 48 h, pas d'ATB
C3G = céfotaxime 100 mg/kg/j en 3 injections ILV (posologie doublée en cas d'infection méningée). L'utilisation de la ceftriaxone doit être limitée aux
prises en charge ambulatoires de l'enfant agé de plus d'un mois (50 mg/kg/j en 1 IVD) car plus de perturbation du microbiote et sélection de bactéries
ATB-résistantes
Fig. 18.1 Conduite à tenir devant un enfant âgé de moins de 3 mois consultant aux urgences pour une fièvre aiguë. ATB : antibiothéra-
pie ; BU : bandelette urinaire ; C3G : céphalosporine de 3e génération ; CRP : C-réactive protéine ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ;
GEA : gastroentérite aiguë ; Hémoc : hémoculture ; IBI : infection bactérienne invasive (isolement d'une bactérie pathogène dans le sang ou le
liquide céphalorachidien [LCR]) ; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; IVD : intraveineux direct ; NFS : numération plaquette formule sanguine ;
PEC : prise en charge ; PCT : procalcitonine ; PL : ponction lombaire ; PN : polynucléaires neutrophiles ; RR : risque relatif ; Rx : radiographie ; UHCD :
unité d'hospitalisation de courte durée ; USC : unité de soins continus ; USI : unité de soins intensifs. Gras-Le Guen C, Hubert G, Feildel C, Danjou L,
Dupont M, Launay E. Fièvre avant 3 mois. Pas à pas 2017. Arch Pédiatr. 2017 ; 24 (hors-série 2) : 6-7.
( impétigo, érysipèle, anite, etc.) ou parfois très sévères ou de ne pas prescrire un antibiotique obligent très souvent
(fasciites nécrosantes, choc toxique streptococcique, sep- à une approche étiologique finalement probabiliste, elle-
ticémies, etc.). La sévérité de ces tableaux est en rapports même souvent mise en défaut. Les performances des scores
avec des facteurs de virulence particuliers (toxines notam- prédictifs cliniques sont souvent insuffisantes. Il en est ainsi
ment) et justifie la stratégie antibiotique actuelle condui- dans l'approche étiologique infectieuse clinique d'une angine
sant dès la suspicion du diagnostic d'infection sévère à (score de Mac Isaac) ou d'une otite moyenne aiguë (examen
un streptocoque A à la prescription de l'association d'une otoscopique) ou d'une pneumonie (radiographie thoracique).
bêtalactamine à la clindamycine (antibiotique à action
antitoxinique). On observe depuis quelques années une
diminution de la résistance du streptocoque A aux macro- Intérêt des tests diagnostiques
lides passant de 20 % en 2007 à 7 % en 2011 ; Le clinicien est donc conduit, dans différentes circonstances,
■ le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) commu- à demander d'autres examens complémentaires (tests
nautaire est plus souvent résistant à la méticilline (de diagnostiques) dont les performances doivent être évaluées
l'ordre de 10 %) et est susceptible de sécréter une toxine dans le cadre d'algorithmes.
particulièrement redoutable (leucocidine de Panton- Certains sont réalisables par le praticien lui-même « au
Valentine) et d'être responsable notamment de pneumo- lit du malade » et leurs résultats sont obtenus en quelques
nies nécrosantes sévères. minutes : il s'agit des tests de diagnostic rapide (TDR). Cer-
tains TDR sont actuels (streptocoque du groupe A, ban-
Examens complementaires en delettes urinaires, CRP en microméthode, TDR grippe),
d'autres sont programmés dans l'avenir. Ces TDR sont
pathologie infectieuse pédiatrique attractifs pour de multiples raisons car :
Il est souvent difficile de départager de façon probabiliste, sur ■ ils sont susceptibles d'améliorer les performances du
les seules données cliniques, les infections virales des infec- diagnostic clinique ;
tions bactériennes. Par ailleurs, les contraintes d'obtention ■ ils peuvent être déterminants dans la décision de pres-
d'un diagnostic microbiologique à la fois facilement accessible crire ou non des antibiotiques, de demander ou non
et suffisamment rapide pour autoriser la décision de prescrire d'autres examens complémentaires ;
Chapitre 18. Infectiologie 443
■ ils permettent la prescription de traitements précoces et négativité des leucocytes et des nitrites. Ainsi, la négativité
adaptés ; de la BU sur les leucocytes et les nitrites paraît suffisante
■ ils font gagner du temps d'attente et de séjour aux pour rendre très improbable le diagnostic d'infection uri-
urgences ou dans les cabinets médicaux : ce temps gagné naire et éviter la pratique d'un examen cytobactériologique
sert non seulement à améliorer le confort des patients des urines.
mais aussi réduit le risque de contracter une infection
nosocomiale ; Hémogramme
■ ils peuvent induire enfin des économies de santé.
Les données hématologiques apportées par l'hémogramme
Quel que soit leur type, biologie classique ou TDR, la
sont peu contributives pour l'orientation diagnostique d'une
demande de tests diagnostiques ne doit se concevoir que dans
infection bactérienne en période néonatale.
le cadre d'une stratégie établie dont la base reste une analyse
clinique pertinente. En effet, l'anamnèse et l'examen clinique
doivent conduire à évoquer des diagnostics cliniques précis Protéine C réactive (CRP)
et à permettre alors seulement d'établir une probabilité de L'augmentation de la CRP est sensiblement plus importante
base (probabilité prétest). Les tests diagnostiques permettent au cours des infections bactériennes qu'au cours des infec-
parfois un diagnostic de certitude mais, plus souvent, ils ne tions virales. La CRP a cependant des écueils importants
permettent que d'augmenter ou de diminuer la probabilité qu'il faut connaître :
diagnostique finale (probabilité post-test). ■ certaines pathologies non bactériennes sont susceptibles
d'augmenter la CRP, notamment virales (infection à adé-
novirus, virus d'Epstein-Barr, etc.) ;
Évaluation des tests diagnostiques ■ l'élévation de la CRP nécessite un délai de 12 à 24 heures
Pour évaluer la performance d'un test diagnostique, il est après le début de l'infection et apporte ainsi des résultats
nécessaire de le comparer à une méthode de référence afin peu sensibles au cours des premières 24 heures ;
de déterminer ses performances : sensibilité, spécificité, ■ certaines bactéries telles que les mycobactéries ou Kin-
valeurs prédictives positive et négative. gella kingae, les staphylocoques et les infections « super-
Un test est rarement performant à 100 % car des faux ficielles » n'entraînent que rarement une élévation de la
positifs ou négatifs peuvent être observés. CRP ;
En pratique clinique, ce sont les valeurs prédictives posi- ■ enfin, la probabilité d'infection virale ou bactérienne
tives (VPP) et négatives (VPN) qui sont essentielles au clini- varie considérablement en fonction des seuils retenus.
cien pour porter un diagnostic probabiliste. Ainsi, le taux de CRP doit toujours être interprété en fonc-
Les VPP et VPN indiquent au clinicien la probabilité tion du tableau clinique (durée d'évolution de la fièvre, diag
avec laquelle il peut affirmer ou infirmer la maladie qu'il nostic clinique, bactérie suspectée).
recherche. Cet examen a aussi un intérêt évolutif pour l'évaluation
Elles dépendent bien entendu de la sensibilité, de la spé- de l'efficacité d'un traitement antibiotique. En effet, la demi-
cificité des « tests », mais plus encore de la prévalence (fré- vie de la CRP est constante, de l'ordre de 19 heures, et un
quence) de la maladie dans la population étudiée. traitement antibactérien efficace conduit à une chute de la
Ainsi, une mesure intéressante pour exprimer l'uti- CRP de moitié toutes les 24 heures.
lité d'un test est le « rapport de vraisemblance positif » (de Le regain d'intérêt actuel de la CRP est toutefois lié à la
l'anglais Positive Likelihood Ratio, LR +). Il s'agit du facteur mise au point de techniques de diagnostic rapide utilisant
par lequel il faut multiplier la probabilité initiale prétest une goutte de sang et dont les résultats sont obtenus en
pour obtenir la probabilité finale post-test d'être infecté par moins de 5 minutes, permettant de raccourcir la prise en
l'agent infectieux pour les patients dont le test est positif. Il charge des patients tant aux urgences hospitalières qu'en
est spécifique au test diagnostique qui est utilisé et ne change cabinet libéral.
pas significativement d'un contexte clinique à l'autre.
De la même manière, il est possible de calculer un rapport Procalcitonine (PCT)
de vraisemblance négatif (de l'anglais Negative Likelihood C'est un examen moins répandu que la CRP car son dosage
Ratio, LR–) à appliquer pour obtenir la probabilité post- est plus difficile, plus long et plus coûteux. Cependant, le
test de ne pas être atteint par un agent infectieux lorsque le dosage de la PCT est plus sensible pour le diagnostic d'infec-
résultat de l'examen est négatif. tion bactérienne à son stade précoce (dès 4 heures après le
début de l'infection), et plus spécifique que les autres mar-
queurs biologiques utilisés en routine (NFS, CRP). Son taux
Tests diagnostiques disponibles augmente plus rarement au cours des infections virales.
en pédiatrie De plus en plus de services d'urgences pédiatriques uti-
Bandelette urinaire lisent le dosage quantitatif de ce marqueur en temps réel
Les bandelettes urinaires (BU) comportant la recherche 24 heures/24.
de leucocytes et de nitrites sont un examen de dépistage
des infections urinaires qui doit très facilement être réa- TDR streptococcique
lisé devant toute fièvre isolée chez l'enfant, en particulier Le test de diagnostic rapide du streptocoque A a une spé-
le nourrisson âgé de plus de 3 mois. Elles ont une valeur cificité supérieure à 95 % et une sensibilité de l'ordre de
prédictive négative de 97 % si l'on considère à la fois la 90 %. Il est essentiellement réalisé pour porter le diagnostic
444 Partie II. Spécialités
Tableau 18.1 Antibiotiques utilisés en pédiatrie classés selon leur mécanisme d'action (liste non
exhaustive).
Mode d'action Famille Molécules (nom commercial) Principales indications pédiatriques
Inhibiteurs de Pénicillines Pénicilline A : Amoxicilline (Clamoxyl et
®
Angines, otites, pneumonies
la synthèse génériques)
de la paroi
Pénicilline A + inhibiteur de pénicillinase : Infections ORL en échec ou sévères, infections
bactérienne
amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin® et cutanées
génériques)
Pénicilline M : oxacilline et cloxacilline Infections cutanées sévères et ostéoarticulaires
(Bristopen®, Orbénine® et génériques) (uniquement par voie intraveineuse)
Céphalosporines Céphalosporine de 1re génération (C1G) : céfaclor Indication exceptionnelle
(Alfatil®)
Céphalosporine de 2e génération (C2G) : Otites (en 2e intention)
céfuroxime (Zinnat® et génériques)
Céphalosporines de 3e génération (C3G) orales : Otites (en 2e intention)
cefpodoxime-proxétil (Orelox®)
Céphalosporines de 3e génération (C3G) orales : Relais du traitement par C3G injectables des
céfixime (Oroken®) infections urinaires hautes, infections urinaires
basses
Céphalosporines de 3e génération (C3G) Méningites purulentes du nourrisson et
injectables : ceftriaxone (Rocéphine®) et pyélonéphrites aiguës sévères du jeune
céfotaxime (Claforan®) nourrisson
Glycopeptides Vancomycine : Vancocine® Infections sévères à staphylocoque résistant à la
méticilline
Inhibiteurs de Macrolides C14 : clarithromycine (Zeclar® et génériques) Coqueluche, infections à mycoplasmes
la synthèse C15 : azithromycine (Zithromax® et génériques)
protéique
Lincosamides Clindamycine : Dalacine® Infections sévères toxiniques à staphylocoque et
streptocoque A
Aminosides (IV) Gentamicine : (Gentalline® et génériques) et Pyélonéphrites et association aux C3G si infection
amikacine : (Amiklin® et génériques) sévère
Inhibiteurs de Folates Sulfamides-triméthoprime (Bactrim®) Infections urinaires basses
la synthèse
Inhibiteurs de la Rifamycine (Rifadine®) Contage d'infections invasives à méningocoque
des acides
transcription de
nucléiques
l'ADN
Inhibiteurs de Quinolones de 2e et 3e générations (IV et orales) Réservés à certaines infections sévères après avis
l'ADN-gyrase infectiologue
Chapitre 18. Infectiologie 445
■ la pharmacologie particulière liée au développement ■ réduire de façon massive les prescriptions d'antibiotiques
compliquant la variabilité interindividuelle ; en les limitant aux situations où ils ont fait la preuve de
■ une toxicité et une tolérance spécifiques selon les leur efficacité (l'immense majorité des infections ORL est
antibiotiques ; d'origine virale : rhinopharyngite, otite congestive, bron-
■ un mode d'administration et une durée de traitement chiolite, etc.) ;
parfois différents ; ■ réduire au maximum l'incertitude diagnostique en ren-
■ l'incidence du rôle de l'écosystème bactérien intestinal forçant l'exigence de rigueur dans l'analyse clinique (qua-
dans la survenue de septicémie d'origine endogène par lité de l'examen otoscopique par exemple) et en s'aidant
translocation. notamment des tests de diagnostic rapide (angines par
Tous ces facteurs expliquent la rigueur indispensable dans la exemple).
conduite thérapeutique des infections chez l'enfant, nécessi-
tant une antibiothérapie adaptée d'emblée au germe respon- Définition de la cible bactérienne
sable de l'infection et une bactéricidie rapide dans le sang et Dans chaque situation clinique, la cible n'est en réalité
au niveau du site infectieux. représentée que par une espèce (parfois deux, mais rarement
Confronté au développement de nouvelles molécules plus). Cette information permet de :
antibiotiques, le praticien doit avoir une parfaite connais- ■ choisir les antibiotiques les plus adaptés au germe cible
sance des critères de choix d'un traitement antibiotique de (sensibilité et meilleurs paramètres PK-PD) ;
façon à sélectionner celui qui lui paraît le mieux adapté au ■ prescrire de principe les antibiotiques les moins sélec-
traitement des infections en cause. tionnants pour la flore digestive et respiratoire.
Deux types de raisonnement permettent de guider le
choix thérapeutique : Paramètres prédictifs d'efficacité des antibiotiques
■ la thérapeutique orientée par la bactériologie ; L'optimisation du traitement antibiotique est corrélée à
■ la thérapeutique probabiliste. l'intégration des données pharmacocinétiques et pharmaco-
dynamiques (critères PK/PD).
Thérapeutique orientée par la bactériologie Les bêtalactamines sont des molécules temps-dépen-
Elle s'appuie sur les résultats de l'antibiogramme lorsqu'un dantes, c'est-à-dire que le temps pendant lequel les concen-
prélèvement a permis d'isoler le germe responsable. C'est trations sériques sont supérieures à la CMI (T > CMI24 h)
typiquement le cas pour les infections sévères hospitalières est le paramètre prédictif de l'activité in vivo. Pour ces anti-
avec prélèvement à partir d'un site normalement stérile biotiques, la répartition en plusieurs doses sur les 24 heures
(méningites, septicémies, pleuropneumopathies, etc.). Les garantit une efficacité optimale alors que l'augmentation des
prélèvements provenant d'autres sites (ORL, respiratoires, doses n'ajoute que peu à l'efficacité.
cutanés) sont en permanence souillés par des germes com- À l'opposé, les aminosides sont des molécules dose-
mensaux et ne permettent pas de conclure sur la bactérie dépendantes. La hauteur du pic sérique atteint (relatif à la
réellement en cause dans l'infection. On revient alors à la concentration minimale inhibitrice, exprimée par le quo-
nécessité d'un choix probabiliste. tient inhibiteur : ratio pic sérique/CMI) est le facteur prédic-
tif d'efficacité et justifie son usage à forte dose en une seule
administration par 24 heures.
Thérapeutique probabiliste
Celle-ci se décide donc en l'absence de certitude bactério- Choix des antibiotiques les moins sélectionnants pour la flore
logique, ce qui ne signifie pas que le traitement antibio- Les résistances aux antibiotiques aujourd'hui concernent
tique soit choisi de façon aveugle. Le choix impose de tenir essentiellement les bactéries à Gram négatif du tube diges-
compte de différents paramètres : tif, notamment les entérobactéries. Ces bactéries sont res-
■ définition stricte de la situation clinique ; ponsables d'infections digestives mais surtout d'infections
■ épidémiologie bactérienne actualisée ; urinaires et, dans certains contextes, de septicémies. Cette
■ sensibilité des principaux germes responsables aux évolution est la conséquence de la persistance d'une pres-
antibiotiques ; cription massive et non justifiée d'antibiotiques dans les
■ données de pharmacocinétique et pharmacodynamie des infections respiratoires hautes et basses qui représentent
antibiotiques présumés actifs (paramètres PK-PD) ; actuellement plus des ⅔ des prescriptions. C'est pour cette
■ tolérance ; raison que les antibiotiques les plus générateurs de résistance
■ possibilités d'administration ; comme les céphalosporines de 3e génération (C3G) orales et
■ expérience clinique et coût. les quinolones doivent être, sauf nécessité impérieuse, évi-
tées, en particulier dans les infections respiratoires hautes et
Définition stricte de la situation clinique basses au profit de l'amoxicilline, la cible privilégiée étant le
C'est l'étape préliminaire essentielle. En effet, de très nom- pneumocoque.
breuses situations infectieuses pédiatriques ne justifient
pas d'une antibiothérapie et l'augmentation croissante de Recherche d'une éventuelle allergie
la résistance des bactéries aux antibiotiques est devenue Cette éventualité est souvent suspectée devant une érup-
un problème de santé publique majeur en France et dans le tion survenant en cours de traitement, en particulier avec
monde qui impose de traiter moins souvent mais mieux. Il l'amoxicilline fréquemment prescrite en pédiatrie, mais
est donc devenu impératif de : sa réalité est rare. Les allergies vraies à l'amoxicilline sont
446 Partie II. Spécialités
exceptionnelles en pédiatrie et doivent être systématique- ■ effet inoculum (augmentation significative de la CMI en
ment confirmées par un allergologue. En effet, les manifes- relation avec une augmentation de l'inoculum bactérien) ;
tations cutanées suspectes d'allergie correspondent le plus ■ obstacle sur les voies aériennes biliaires ou urinaires, ou
souvent à des prescriptions d'antibiotiques inappropriées au présence d'un corps étranger, compromettant le drainage
cours d'épisodes de fièvre éruptive virale (roséole, mono- du foyer ;
nucléose infectieuse, infection à parvovirus B19, etc.). En ■ développement sous traitement d'une collection (abcès)
cas d'allergie vraie ou fortement suspectée à l'amoxicilline, nécessitant un drainage chirurgical ;
les C3G orales (cefpodoxime) ou parentérales (céfotaxime, ■ présence au sein du foyer infectieux d'une flore poly-
ceftriaxone) ainsi que les céphalosporines de 2e génération morphe associée, pouvant produire une bêtalactamase
(céfuroxime) représentent l'alternative la plus fréquente hydrolysant l'amoxicilline, et être responsable d'un échec
dans l'attente de l'expertise allergologique. En effet, les réac- thérapeutique (angines et anites récidivantes) ;
tions croisées entre les pénicillines et les céphalosporines ■ déficit immunitaire chez le patient.
sont exceptionnelles, du fait de leurs structures moléculaires.
t hermomètres à infrarouge ont l'avantage d'une prise rapide En outre, la présence d'un terrain à risque, comme une
et facile, à visée frontale ou à partir de l'âge de 2 ans par voie immunodépression ou une pathologie viscérale chronique
auriculaire. Les thermomètres électroniques par voie buccale (dont la drépanocytose), doit alerter sur la possibilité d'une
ou axillaire nécessitent des temps de prise plus longs et ont infection sévère.
l'inconvénient d'une sous-estimation fréquente. Les thermo- La présence de ces critères de gravité doit conduire à
mètres frontaux à cristaux liquides sont trop imprécis. une évaluation systématique hospitalière aux urgences
pédiatriques avec réalisation d'examens complémentaires
et prescription d'une antibiothérapie selon les résultats de
Évaluation d'un nourrisson fébrile l'évaluation.
L'enjeu de l'évaluation clinique ± paraclinique des nour- Les principales infections bactériennes à redouter sont
rissons fébriles est de différencier les infections bénignes, des infections pulmonaires, urinaires ou digestives, les
le plus souvent virales, ne nécessitant qu'un traitement méningites purulentes ou le purpura fulminans, qui peuvent
symptomatique et ambulatoire, des infections sévères, sou- se compliquer d'un choc septique.
vent bactériennes, requérant une antibiothérapie, voire une
hospitalisation. Examens complémentaires
L'examen clinique, systématique et complet, est indispen-
sable et suffit le plus souvent pour apprécier l'état de l'enfant Les examens complémentaires ont pour but d'aider à dis-
et identifier la cause de la fièvre. La hauteur de la fièvre ne criminer une infection bactérienne d'une infection virale,
témoigne pas à elle seule de la gravité ni de la cause de la et de mettre en évidence un foyer infectieux bactérien
fièvre (cependant les recommandations anglaises NICE (cf. fig. 1.1).
considèrent qu'une fièvre ≥ 39 °C chez les nourrissons âgés En présence de signes d'alerte, les examens complémen-
de 3 à 6 mois est un critère de gravité). taires indispensables sont :
■ NFS, plaquettes ;
■ CRP et selon le contexte et les possibilités : procalcitonine ;
Évaluation du comportement de l'enfant ■ hémoculture ;
et recherche de signes de gravité ■ bandelette urinaire (si âge > 1 mois) et ECBU selon résul-
Évaluation du confort de l'enfant tats (avant 1 mois : ECBU systématique) ;
■ selon l'analyse clinique : échographie pulmonaire ou
Au cours d'une maladie fébrile, le comportement de l'enfant radiographie de thorax en cas de signes respiratoires,
peut changer : il joue moins, se déplace moins, mange moins, ponction lombaire en cas de signes neurologiques (systé-
sourit moins, est plus fatigué, accroche moins le regard de matique si < 4-6 semaines).
ses parents, a moins d'intérêt pour son environnement, est À noter que la procalcitonine s'élève plus tôt que la CRP
moins réactif aux sollicitations. Ces réactions sont habi- en cas d'infection, et qu'elle serait plus spécifique d'infec-
tuelles et ne justifient pas de traitement médicamenteux. tion bactérienne. Cependant, à ce jour aucun biomarqueur
D'autres modifications de comportement peuvent quali- (leucocytes, polynucléaires neutrophiles, CRP et procalci-
fier l'enfant comme étant « inconfortable » et cette distinc- tonine) n'est suffisamment sensible et spécifique pour dis-
tion est fondamentale pour le traitement qui est alors utile : criminer avec certitude une infection virale d'une infection
le cri est plus faible, geignard, l'enfant est plus irritable, se bactérienne.
met facilement en colère, recherche des câlins, du réconfort.
Les traits de son visage sont plus dégradés.
L'existence de ces modifications et leurs importances Complications liées à la fièvre
sont indépendantes du niveau de la fièvre. Elles sont dépen- La fièvre est le reflet de l'activation des défenses naturelles de
dantes d'une voie métabolique différente de celle de la fièvre l'organisme contre des agents infectieux. Certaines études
et plusieurs études montrent un rapport avec la production expérimentales et cliniques suggèrent qu'elle pourrait avoir
des cytokines. un rôle bénéfique dans la lutte contre les infections. Ainsi, la
fièvre et le niveau de la fièvre ne sont pas dangereux en soi,
Recherche de signes de gravité mais la gravité et les complications sont liées à sa cause.
Les recommandations anglaises (NICE 2013) concer- Cependant deux risques peuvent être développés :
nant l'évaluation et la prise en charge des enfants fébriles ■ le risque de déshydratation : chez les jeunes nourris-
ont identifié des critères anamnestiques et cliniques qui sons dont la thermolyse peut être entravée (température
permettent d'identifier des risques d'infection sévère extérieure élevée, excès de vêtements) ou déshydratation
(tableau 18.2). En plus de certains signes cliniques d'orien- intracellulaire par perte d'eau (soif, langue sèche). Elle est
tation diagnostique, trois axes d'évaluation clinique du prévenue par la proposition systématique de suppléments
risque de sévérité de la maladie (comportement, respiration hydriques ;
et circulation) permettent de classer les enfants fébriles en ■ le risque d'hyperthermie majeure. Devenu exception-
bas risque (« vert »), risque intermédiaire (« orange ») et haut nel, il concerne surtout les nourrissons, la température
risque (« rouge ») (tableau 18.2). Un enfant doit compléter est toujours supérieure à 40,5 °C, il associe un collapsus
tous les critères « verts » pour être considéré comme à bas et une atteinte pluriviscérale (notamment cérébrale).
risque, alors que la présence d'un seul critère « orange » ou L'évolution est sévère, conduisant au décès ou à de
« rouge » suffit à le classer comme risque intermédiaire ou lourdes séquelles neurologiques. D'étiologie imprécise,
élevé, respectivement. la disparition de ce syndrome est sans doute liée au
448 Partie II. Spécialités
Tableau 18.2 Système des feux tricolores (traffic light system) permettant
de prédire le risque d'infection sévère : recommandations anglaises NICE 2019
.
Vert – bas risque Orange – risque Rouge – haut
intermédiaire risque
Coloration – Normale – Pâleur signalée par le – Pâleur, marbrures,
(peau, lèvres, parent/responsable cyanose, cendrée (grise)
langue)
Activité – Réponse normale – Réponse anormale à la – Pas de réponse à la
– Sourit stimulation stimulation
– Éveillé ou se – Pas de sourire – Semble malade à
réveille vite – Réveil après stimulation un professionnel
– Cri vigoureux, pas intense de santé
de pleurs – Diminution de l'activité – Ne se réveille pas ou,
si réveillé, ne reste pas
éveillé
– Cri faible ou continu
Respiration – Battement des ailes du nez – Geignement
– Tachypnée (6−12 mois : – Tachypnée > 60/min
> 50/min ; > 12 mois : > 40/min) – Signes de lutte
– SaO2 ≤ 95 % en air ambiant modérés ou sévères
– Crépitants
Circulation et – Peau et yeux – Tachycardie (<12 mois : – Pli cutané
hydratation normaux 160/min ; 12−24 mois :
– Muqueuses > 150/min ; 2−5 ans :
humides > 140/min)
– TRC ≥ 3 secondes
– Muqueuses sèches
– Diminution de l'alimentation
chez le nourrisson
– Diminution de la diurèse
Autres – Aucun des signes – Âge 3−6 mois : température – Âge < 3 mois :
et symptômes orange ≥ 39 °C température ≥ 38 °C*
ou rouges – Fièvre ≥ 5 jours – Purpura
– Frissons – Fontanelle bombante
– Œdème d'un membre ou – Raideur de nuque
épanchement articulaire – État de mal convulsif
– Impotence fonctionnelle d'un – Signes neurologiques
membre focaux
– Crise convulsive
focale
* Il a été constaté que certaines vaccinations provoquaient de la fièvre chez les enfants de moins de 3 mois.
t raitement adapté par les moyens physiques actuellement sition familiale. Les convulsions fébriles son dites « simples »
utilisés (enfants fébriles non surcouverts +++ et sans tête si elles sont : courtes (< 5 minutes), tonicocloniques, géné-
couverte). ralisées d'emblée, sans déficit postcritique, chez des enfants
ayant un développement psychomoteur normal. Leur
pronostic est alors excellent, comparable à celui des autres
Convulsions fébriles enfants. En l'absence de l'un de ces critères, les crises seront
Elles ont longtemps été associées à la fièvre. La concomi- dites « complexes », et il faut alors rechercher une étiologie.
tance des évènements ne vaut pas causalité. La fièvre seule
n'est pas un facteur déclenchant. Les antipyrétiques n'ont Traitement de l'enfant fébrile
pas d'action préventive. Des convulsions peuvent être obser-
vées lors d'accès de fièvre, chez 2 à 5 % des enfants, jusqu'à La fièvre est souvent vectrice de crainte pour les parents qui
l'âge de 5 ans, avec une incidence maximale entre 18 et cherchent la normalisation de la température, ce qui conduit
24 mois ; ces enfants présentent généralement une prédispo- souvent à une utilisation abusive de médicaments.
Chapitre 18. Infectiologie 449
Traitements symptomatiques
■
Il n'est pas recommandé de prescrire un AINS en cas de vari-
L'objectif du traitement de l'enfant fébrile est de lutter celle et de gastroentérite.
contre l'inconfort de celui-ci et non de faire baisser la fièvre. ■
En cas de maladie fébrile particulièrement douloureuse ou
Ce traitement symptomatique utilise des moyens physiques d'un inconfort persistant malgré une monothérapie bien
et médicamenteux. conduite pendant au moins 24 heures, une réévaluation
médicale pourrait juger du bien-fondé de l'adjonction éven-
Mesures physiques tuelle d'un médicament.
Oreille
Otite moyenne aiguë
L'otite moyenne aiguë est une infection de l'oreille moyenne
(tableau 18.3). Le pic d'incidence est entre 6 mois et 3 ans.
Le diagnostic est posé sur l'association de signes géné-
raux d'infection aiguë, en particulier la fièvre et l'otalgie, et
des signes otoscopiques d'infection aiguë.
Otites congestives
Le tympan est rosé, mais reste translucide, il n'y a pas
d'épanchement rétrotympanique.
Fig. 18.2 Type d'ordonnance pour un nourrisson âgé de 1 an Ces otites sont virales, en général contemporaines d'une
(10 kg) atteint d'une infection fébrile virale rhinopharyngite.
.
450 Partie II. Spécialités
.
Oreille externe Oreille moyenne
Tympan fermé Tympan perforé
Sans épanchement Avec épanchement
rétrotympanique rétrotympanique
Aiguë Otite externe Otite congestive OMA suppurée collectée OMA perforée
Otorrhée sur ATT
Chronique Myringite chronique Otite séreuse Otite chronique non cholestéatomateuse
Cholestéatome
ATT : aérateur transtympanique ; OMA : otite moyenne aiguë.
Choix de l'antibiotique
L'antibiotique préconisé de 1re intention est l'amoxicilline à la
dose de 80–90 mg/kg/j répartie en 2 à 3 prises/24 h, pour une
durée de 8–10 jours si l'enfant a moins de 2 ans, et de 5 jours
s'il a plus de 2 ans. Il n'y a pas de consultation de contrôle à
prévoir, qu'il y ait ou non prescription d'antibiotique.
Cas particuliers
■
OMA + conjonctivite purulente = Haemophilus influenzae
dans 75 % des cas, dont 10 à 20 % sont sécréteurs de bêtalac-
tamase : amoxicilline-acide clavulanique (le produit reconsti-
Fig. 18.4 Mastoïdite aiguë tué doit être conservé au réfrigérateur).
Suspicion forte d'allergie aux pénicillines (en réalité très
.
■
Le revêtement du CAE est œdématié, parfois recouvert de – d'OMA perforée : si échec de 2 traitements antibiotiques ;
pus. La membrane tympanique est normale. Il peut y avoir – d'otorrhée sur aérateur transtympanique : si récidives
une adénopathie satellite parotidienne ou prétragienne. fréquentes ;
Les germes impliqués sont des germes présents dans le – d'otorrhée sur une large perforation tympanique.
CAE : Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa.
Le traitement comporte des antalgiques et des gouttes
auriculaires à appliquer 2 fois/j pendant 5 à 10 jours conte- Oropharynx
nant des antibiotiques (± corticoïde et analgésique). Pharyngites
Elles se manifestent par de la fièvre et des douleurs pha-
Otorrhée sur aérateur transtympanique ryngées. La paroi postérieure de l'oropharynx et les piliers
(ATT) des amygdales sont rouges. Les amygdales palatines sont
C'est un incident fréquent chez les enfants porteurs d'ATT absentes (après amygdalectomie) ou non augmentées de
(fig. 18.5). Il n'y a ni fièvre, ni otalgie. volume et sans modification de couleur.
Les germes impliqués sont des germes présents dans le La différence avec une rhinopharyngite est floue.
CAE : Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa. Le traitement est symptomatique.
Angines
Angines érythémateuses
et érythémato-pultacées
Elles se manifestent par de la fièvre, des douleurs pharyn-
gées et une modification de l'aspect des amygdales qui sont
augmentées de volume et soit très rouges (angine érythé-
mateuse), soit ponctuées de points blancs (angine érythé-
mato-pultacée). Il y a des adénopathies cervicales satellites,
sensibles.
Il faut vérifier l'absence de complication : éruption cuta-
née, torticolis, trismus, hématurie.
Seules les angines à streptocoque du groupe A peuvent
donner des complications à distance et justifient un trai-
tement antibiotique. La recherche de streptocoque du
groupe A est impérative avant traitement antibiotique et se
réalise simplement en consultation par le test de diagnostic
rapide (streptotest) sur écouvillon frotté sur la face interne
Fig. 18.5 Otorrhée sur aérateur transtympanique des amygdales :
.
452 Partie II. Spécialités
■ s'il est négatif : l'angine est probablement virale, on n'ins- pas de blastes), MNI test (après 3 ans) et, si celui-ci est
taure pas de traitement antibiotique ; négatif ou avant 3 ans, sérologie EBV (IgM anti-VCA). Le
■ s'il est positif, le traitement antibiotique comporte : traitement est symptomatique. Les corticoïdes peuvent
– amoxicilline per os 50 mg/kg/j en 2 prises pendant être proposés en cas de MNI sévère confirmée sérolo-
6 jours, giquement avec NFS éliminant une hémopathie. L'anti-
– en cas de forte suspicion d'allergie (rare) aux pénicil- biothérapie est inutile (la MNI est d'origine virale due à
lines : cefpodoxime-proxétil1 5 jours ou céfuroxime- l'EBV) sauf en cas de complication : suppuration impor-
axétil1 4 jours, tante du cavum, sinusite purulente sévère (amoxicilline-
– en cas de forte suspicion d'allergie (exceptionnelle) acide clavulanique). L'amoxicilline serait responsable
à l'ensemble des bêtalactamines (pénicillines et d'une augmentation de fréquence du rash cutané qui peut
céphalosporines)1 : azithromycine 3 jours ou clarithro- accompagner la MNI.
mycine 5 jours ou josamycine 5 jours. Mais certaines angines à fausses membranes sont dues à
des bactéries banales et justifient alors un traitement anti-
Angines à fausses membranes biotique (cf. supra).
Elles sont fréquemment associées à une altération de l'état
général, une dysphagie marquée, parfois une dyspnée et des Angines ulcéreuses et ulcéronécrotiques
adénopathies satellites volumineuses. Les amygdales sont Elles sont exceptionnelles chez l'enfant.
recouvertes d'enduits blanchâtres, cohérents, très épais et La dysphagie est telle qu'il faut hospitaliser pour réhydra-
étendus (fig. 18.6). tation et antibiothérapie IV, et faire une NFS pour éliminer
Il faut éliminer une diphtérie : altération importante de une hémopathie.
l'état général, dysphagie marquée, dyspnée, adénopathies
satellites volumineuses, fausses membranes extensives Angines vésiculeuses
au-delà des amygdales (pharynx, voile du palais, piliers Elles sont d'origine virale : varicelle, Coxsackievirus (her-
antérieurs, etc.). Il faut ensuite vérifier le carnet de vacci- pangine, surtout < 5 ans), Herpesvirus (plutôt > 5 ans). La
nation et, au moindre doute, faire un prélèvement de gorge dysphagie est souvent importante.
en précisant au laboratoire que l'on redoute une diphtérie Le traitement est symptomatique.
(recherche de Corynebacterium diphteriae ou bacille de
Klebs-Löffler) : hospitalisation, isolement, sérum antidiph-
térique, antibiotiques, et vaccination à distance. Suppurations péripharyngées
Il s'agit le plus souvent d'une mononucléose infec- Il s'agit de collections purulentes dans les espaces délimités
tieuse requérant NFS (grandes cellules hyperbasophiles, par les aponévroses cervicales profondes du cou.
Ces abcès sont souvent plurimicrobiens avec des bacté-
ries aérobies (Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus)
et anaérobies (Fusobacterium, Prevotella, Peptostreptococ-
cus), souvent sécrétrices de bêtalactamases.
L'état général est altéré, la fièvre élevée, la dysphagie sou-
vent importante et parfois associée à une dyspnée. La prise
en charge est urgente et hospitalière.
Phlegmon périamygdalien
Le signe le plus évident est le trismus, c'est-à-dire d'une
ouverture buccale inférieure à 3 travers des doigts du patient.
Tout trismus fébrile impose une consultation en urgence.
Il pourrait s'agir d'un accident de la dent de sagesse (avis
stomatologique) ou d'un phlegmon périamygdalien (avis
ORL).
Le diagnostic de phlegmon périamygdalien est posé
lorsque l'on voit une voussure du pilier antérieur de l'amyg-
dale d'un côté, avec une amygdale déplacée en dedans vers la
ligne médiane, surtout s'il y a un œdème de la luette.
et qu'il ait un scanner : s'il y a un abcès, c'est un abcès rétro- Les rhinites infectieuses ou coryza se distinguent des rhi-
pharyngé (fig. 18.7), s'il y a seulement une augmentation de nites allergiques par le contexte (saison froide, alors que les
volume de ganglions rétropharyngés, c'est un syndrome de rhinites allergiques prédominent au printemps pour les pol-
Grisel. linoses, et sont chroniques pour les rhinites perannuelles,
pas d'antécédent d'allergie) et l'absence de prurit nasal et
oculaire.
Aucun examen complémentaire n'est utile.
Le traitement est symptomatique : surélévation de la tête
du lit, mouchage ou lavage de nez au sérum physiologique.
Rhinopharyngites aiguës
Aux signes précédents s'ajoutent :
■ une fièvre de degré variable ;
■ une toux à prédominance nocturne, due à l'irritation
du pharynx et à la rhinorrhée postérieure. Celle-ci pro-
voque chez certains enfants vomissements et douleurs
Fig. 18.7 Tomodensitométrie d'un abcès rétropharyngé. A. Coupe abdominales ;
coronale. B. Coupe sagittale.
■ à l'examen, un oropharynx rouge (plus rouge que la face
interne des joues).
Autres suppurations péripharyngées Il importe de vérifier l'absence de complication :
En cas d'abcès pré ou rétrostylien, il y a une voussure du ■ examen des tympans (recherche d'une otite moyenne
pilier postérieur de l'amygdale, celle-ci étant déplacée en aiguë) ;
avant (abcès rétrostylien) ou en dedans (abcès préstylien). Il ■ auscultation pulmonaire (bronchiolite, pneumopathie).
faut vérifier s'il n'y a pas un syndrome de Claude Bernard- Aucun examen complémentaire n'est utile.
Horner (ptosis, myosis, énophtalmie) qui témoignerait de Le traitement est symptomatique : mouchage ou lavages
l'atteinte du sympathique cervical le long de la carotide. de nez répétés au sérum physiologique, boissons suffisam-
ment abondantes, antipyrétique (paracétamol ou ibupro-
Conduite à tenir, traitement fène) si la fièvre est mal tolérée.
Toutes ces situations requièrent une consultation en urgence
à l'hôpital où sera effectué un scanner avec injection de pro- Rhinosinusites
duit de contraste pour vérifier le diagnostic, rechercher une Les sinus ethmoïdaux existent dès la naissance. Les sinus
complication locale et juger de l'opportunité du drainage maxillaires se développent au fur et à mesure de l'éruption
chirurgical de l'abcès sous anesthésie générale (avis ORL). des dents du maxillaire, ils n'ont un volume suffisant pour
Traitement chirurgical ou pas, l'enfant doit recevoir une une rhinosinusite maxillaire qu'après l'âge de 3 ans. Les
antibiothérapie IV à forte dose par l'association amoxicil- sinus sphénoïdaux se forment par pneumatisation du corps
line-acide clavulanique avec un relais per os à domicile dès du sphénoïde à partir de 5 ans. Les sinus frontaux ne se
qu'il n'y a plus de fièvre et que les symptômes spécifiques développent guère avant l'adolescence.
(trismus, torticolis, etc.) ont disparu.
Rhinosinusite aiguë maxillaire simple
L'épaississement de la muqueuse des sinus maxillaire et la
Nez – Sinus rétention de mucus sont banals lors d'une rhinite ou d'une
Rhinites et rhinopharyngites virales rhinopharyngite. On ne parle de rhinosinusite et on n'en-
visage un traitement autre que symptomatique que si les
Les infections virales du nez et du pharynx sont les plus signes (fièvre, obstruction nasale, rhinorrhée antérieure,
bénignes et les plus fréquentes des infections des voies respira- toux) perdurent au-delà de 10 jours.
toires supérieures du nourrisson et du jeune enfant. On parle Le diagnostic est clinique.
même de maladie d'adaptation ! Elles s'espacent puis dispa- Aucun examen complémentaire n'est utile. Si par hasard
raissent avec l'âge, mais peuvent encore survenir à l'âge adulte. un scanner a été fait, les 3 signes radiologiques compatibles
avec le diagnostic de rhinosinusite sont : un épaississement
Rhinite infectieuse virale de la muqueuse sinusienne bilatéral (pour éliminer le phé-
Elle est plus fréquente pendant la saison froide. Elle se mani- nomène de cycle nasal qui est un épaississement alternant
feste par une obstruction nasale qui peut chez le jeune nourris- le côté droit et le côté gauche toutes les 2 heures environ) de
son gêner la respiration et l'alimentation. L'écoulement nasal plus de 4 mm, une opacité complète du sinus maxillaire ou
antérieur est initialement clair, il s'épaissit, devient opaque et un niveau liquide (pour rappel, les scanners se font en décu-
se colore, non par surinfection bactérienne, mais par afflux de bitus dorsal [fig. 18.8], à la différence des ex-radiographies
cellules polynucléaires ou autres. Il n'y a pas de fièvre. standards qui se faisaient en position debout). Attention,
De nombreux virus peuvent être en cause : parainfluenza- il ne faut pas prendre une agénésie des sinus maxillaires
virus, virus respiratoire syncytial, rhinovirus, adénovirus, etc. (fig. 18.9) pour une sinusite !
454 Partie II. Spécialités
Fig. 18.8 Tomodensitométrie des sinus maxillaires en coupe Ethmoïdite aiguë extériorisée
axiale : niveaux liquides dans les sinus maxillaires Elle survient en général chez les jeunes enfants. Il n'y a pas
.
de saison préférentielle.
Elle met en jeu le pronostic vital et le pronostic visuel.
Le diagnostic doit être évoqué devant un œdème palpé-
bral débutant à l'angle interne de l'œil et s'étendant progres-
sivement à la paupière supérieure puis la paupière inférieure,
chez un enfant fébrile.
Il faut éliminer les autres causes d'œdème palpébral fébrile :
■ rhinopharyngite aiguë + piqûre d'insecte : trace de piqûre
sur la paupière ± autres piqûres ;
■ rhinopharyngite aiguë ou OMA + conjonctivite aiguë :
en général bilatérale, sans fièvre, œil rouge mais ouvert,
pus au niveau des points lacrymaux ;
■ dacryocystite aiguë : œdème douloureux commençant à
la paupière inférieure, pus à l'angle interne de l'œil ;
■ cellulite dentaire : carie d'une dent sur le maxillaire,
œdème de la joue.
d'une opacité plus ou moins complète d'un sphénoïde, et ■ le traitement chirurgical sous anesthésie générale d'un
recherche des complications : thrombophlébite du sinus abcès intraorbitaire (avis ORL) ou intracrânien (avis
caverneux homolatéral, abcès cérébral, prise de contraste neurochirurgical).
méningée. La prise en charge est urgente et hospitalière.
A B
C D
Fig. 18.10 Adénites et adénophlegmons. Masse cervicale (A), hypoéchogène sur l'échographie (B). Vaisseaux dans la masse à l'échodoppler
(C) = adénophlegmon. Absence de vaisseau dans la masse (D) = kyste infecté.
456 Partie II. Spécialités
faite par l'échographie (fig. 18.10B) : en cas de kyste, il n'y Infections ORL récidivantes
a pas de vaisseau sanguin dans la masse, mais seulement en
périphérie (fig. 18.10D).
du nourrisson et du petit enfant
Les adénites simples peuvent être traitées en ambula- C'est un motif fréquent de consultation. Elles révèlent rare-
toire par antibiothérapie orale (association amoxicilline- ment à elles seules un déficit immunitaire.
acide clavulanique, sauf en cas d'allergie). Les adénites
suppurées et les adénophlegmons nécessitent un traite-
ment antibiotique parentéral initial (association amoxi-
Démarche diagnostique
cilline-acide clavulanique) et les enfants doivent être Il faut d'abord s'assurer qu'il s'agit bien de récidives anorma-
hospitalisés. lement fréquentes : 6 OMA dans l'année (4 pour un enfant
Si la masse est fluctuante, on peut recueillir, par ponction de moins d'un an), 5 angines/an 2 ans de suite ou 7 angines
après application de crème anesthésiante et sous MEOPA, dans l'année, 2 rhinosinusites dans l'année.
un peu de pus dont la culture permettra d'adapter l'antibio- Il faut éliminer ce qui n'est pas véritablement infectieux :
thérapie. Si sur l'échographie, l'abcès fait plus de 2 cm de rhinite prolongée car en fait d'origine allergique, otite
diamètre, un avis ORL est demandé sur l'opportunité d'un séreuse.
drainage chirurgical sous anesthésie générale (qui laissera
une cicatrice cutanée). À noter que le scanner est moins Facteurs favorisants
intéressant que l'échographie car il ne fait pas la différence
entre nécrose débutante et collection purulente et conduit à Le sexe masculin, les antécédents familiaux, la mise précoce
des indications chirurgicales en excès. en collectivité d'enfants, le tabagisme passif, une météo
défavorable sont des facteurs favorisants sur lesquels on ne
peut malheureusement pas (ou peu) agir.
Un reflux gastro-œsophagien, même sans régurgitations ou
Cellulites cervicales douleurs rétrosternales peut favoriser les infections ORL récidi-
Les cellulites cervicales extensives peuvent rapidement vantes. Il faut alors le prouver par pH-métrie avant de le traiter.
mettre en jeu le pronostic vital. La fièvre est très élevée, l'état Les végétations adénoïdes par leur volume (que l'on peut
général très altéré. Il y a une inflammation cutanée rouge, suspecter sur une obstruction nasale postérieure chronique
chaude, rigide qui s'étend rapidement d'heure en heure (il et faire apprécier par nasofibroscopie par un ORL), mais
est conseillé d'entourer au feutre la lésion pour comparai- aussi par la formation de biofilms à leur surface, favorisent
sons ultérieures) (fig. 18.11). À la palpation, on sent une le réensemencement de l'oreille moyenne et donc les OMA.
crépitation neigeuse. Une allergie en particulier respiratoire peut favoriser les
L'enfant doit être envoyé rapidement aux urgences, il sera infections répétées. L'anamnèse et les prick-tests précisent le
souvent pris en charge directement en réanimation. Après ou les allergènes en cause.
réalisation d'une imagerie, les ORL décideront quand ils Les déficits immunitaires innés sont exceptionnels. Un
feront un débridement et s'il doit être uni ou bilatéral. déficit immunitaire doit cependant être évoqué et recherché
chez tout enfant qui, en plus des infections ORL répétées, a
eu des infections sévères (méningite à S. pneumoniae), ou
inhabituelles (infection par un germe opportuniste, can-
didose buccale ou cutanée récidivante), ainsi que chez les
enfants qui ont une diarrhée chronique et une cassure de la
courbe staturo-pondérale.
Le bilan de dépistage de 1re intention comporte alors :
■ NFS, à la recherche d'une anémie, d'une neutropénie,
d'une lymphopénie (attention, la lymphocytose est à
interpréter en fonction de l'âge) ;
■ dosage pondéral des immunoglobulines sériques, après
4 mois, à interpréter en fonction de l'âge pour les IgA et
les IgM ;
■ sérologies post-vaccinales (anticorps antitétaniques,
pneumocoque).
En cas d'anomalies de ce premier bilan, des investigations
complémentaires en consultation spécialisée permettent de
confirmer le déficit immunitaire et de préciser son type.
Traitement
Un avis ORL doit être sollicité pour juger de l'opportunité
d'un traitement chirurgical :
■ adénoïdectomie en cas d'obstruction nasale chronique
avec gêne respiratoire nocturne, d'OMA répétées, d'otite
Fig. 18.11 Cellulite cervicale extensive. séreuse persistante ;
Chapitre 18. Infectiologie 457
■ pose d'ATT en cas d'OMA répétées sur fond d'otite gènes viraux prédominent. Une méta-analyse de 23 études
séreuse ; cas-témoins jusqu'en 2014 sur l'étiologie virale des PAC
■ amygdalectomie en cas d'angines récidivantes. (confirmée à la radiographie thoracique) chez l'enfant a tout
d'abord montré l'implication causale du virus respiratoire
syncytial (VRS), puis de la grippe ainsi que des métapneu-
movirus et, enfin, des parainfluenzavirus. Cependant, il est
Infections pulmonaires moins évident que le rhinovirus, l'adénovirus, le bocavirus
Fouad Madhi et le coronavirus soient responsables de PAC chez l'enfant.
Les virus respiratoires sont donc fréquents, en particulier
La pneumonie aiguë communautaire (PAC) représente la pre- chez les nourrissons et représentent 30 à 67 % des cas de
mière cause de décès chez l'enfant de moins de 5 ans depuis patients hospitalisés. Le VRS représente 30 % de l'étiologie
plusieurs décennies. Bien qu'il existe une diminution impor- virale. Des études plus récentes issues des données épidé-
tante de la mortalité infantile globale et de celle spécifique liée miologiques suggèrent un profil pathogène différent, avec
à la pneumonie, cette dernière demeure néanmoins une cause une identification croissante dans les PAC de l'enfant de
majeure de décès chez l'enfant dans le monde (hors période plusieurs micro-organismes de façon simultanée (en grande
néonatale) responsable de près de 900 000 décès parmi les partie liée à l'implémentation de nouvelles techniques de
6,3 millions de décès recensés en 2013. La morbidité globale biologie moléculaire). De plus, les formes sévères de PAC
liée aux PAC a aussi diminué de façon importante durant les sont souvent causées par de multiples agents pathogènes.
dernières décennies malgré une augmentation de la popula- L'étiologie bactérienne est quant à elle difficile à prouver
tion infantile globale. Beaucoup de progrès ont été réalisés en cas de PAC chez l'enfant car il est souvent impossible
entraînant une diminution du nombre de décès causés par les de distinguer une infection d'une simple colonisation par
PAC. En effet, l'amélioration du niveau socio-économique et prélèvement nasopharyngé, les hémocultures n'étant que
surtout l'impact des vaccinations, principalement les vaccins rarement positives avec un rendement très faible (< 10 %).
conjugués contre Haemophilus influenzae b (Hib) et Strep- Les données récentes issues de l'observatoire pneumonie
tococcus pneumoniae (PCV 7-valent, puis 13-valent), ont du GPIP-ACTIV montrent une hémoculture positive dans
conduit à des réductions importantes de l'incidence et de la 10,9 % des pleuropneumopathies et dans 2,8 % des pneu-
gravité de la PAC chez l'enfant. Lors de ces dernières années, monies sans épanchement pleural. Les bactéries les plus
des avancées majeures ont eu lieu dans la compréhension des fréquemment isolées restent Streptococcus pneumoniae (SP),
facteurs de risque, le diagnostic, l'étiologie des pneumonies, le Streptococcus pyogenes (SGA) et Staphylococcus aureus (SA).
développement de définitions standards, la prévention vacci- Le tableau 18.4 résume les principaux micro-organismes
nale, ainsi que dans la prise en charge thérapeutique. Ce texte responsables de PAC en fonction de l'âge de l'enfant.
traite essentiellement ces avancées en proposant une prise en S. pneumoniae (SP) est le germe le plus fréquemment
charge pratique des PAC chez l'enfant (en excluant les bron- retrouvé à tous les âges, représentant 30 à 40 % des cas.
chites et les bronchiolites). D'autres germes sont habituellement retrouvés comme
le SGA et le streptocoque du groupe B chez le très jeune
nourrisson. SA est habituellement associé à une pneumo-
Étiologies actuelles nie nécrosante à la radiographie du thorax. La pneumonie
à Mycoplasma pneumoniae (MP) représente jusqu'à un tiers
Pneumonies aiguës communautaires des cas et est une cause fréquente de pneumonie atypique.
Avec une couverture vaccinale excellente anti-Hib et depuis Des agents pathogènes rares peuvent être identifiés
l'ère des vaccins PCV-7 puis PCV-13, les agents patho- et sont souvent liés à une pathologie sous-jacente, par
exemple les champignons chez un enfant immunodéprimé. Particularités des empyèmes pleuraux
Burkhodheria cepacia, Aspergillus fumigatus et Pseudomonas à SGA
aeruginosa sont associés à une immunodéficience primaire
et/ou une mucoviscidose. La gravité des infections respiratoires basses à streptocoque
du groupe A impose généralement une prise en charge en
unité de soins intensifs, avec parfois la nécessité d'un drai-
Épanchements parapneumoniques nage pleural. Les complications à court terme sont plus
fréquentes.
ou empyèmes pleuraux On suspecte habituellement la responsabilité du SGA
Avant l'implémentation du PCV-13, il existait une très nette dans les pleurésies purulentes devant le mode de présenta-
prédominance de SP dans les prélèvements positifs (> 80 % tion clinique initial : signes de choc circulatoire avec rashs
des cas lorsque des techniques de biologie moléculaire étaient cutanés témoignant d'un syndrome toxinique associé à la
employées), suivi par les streptocoques β-hémolytiques : détresse respiratoire.
essentiellement SGA (< 10 %) et SA (< 10 %).
Les données françaises récentes (postérieures à l'intro-
duction du PCV-13 en 2010), issues de l'observatoire des Facteurs de risque
pneumonies du GPIP-ACTIV (de juin 2009 à mai 2017), La PAC de l'enfant est une maladie potentiellement grave
montrent un changement profond de l'épidémiologie des résultant d'une interaction complexe entre les facteurs de
épanchements parapneumoniques ou empyèmes pleuraux l'hôte et ceux de l'environnement. Plusieurs facteurs ont été
(EPP/EP) en France chez l'enfant avec une baisse impor- décrits dans la littérature comme favorisant cette infection.
tante globale et significative due à la quasi-éradication des Un premier facteur est l'absence de vaccination ou une vac-
sérotypes vaccinaux du pneumocoque. Chez l'enfant correc- cination incomplète (PCV-13 et Hib). La survenue d'une
tement vacciné par PCV-13 (le taux de couverture vaccinale PAC ou d'une EPP/EP à pneumocoque chez un enfant cor-
dépassant 90 % en France), parmi les EPP/EP, on observe rectement vacciné par le PCV-13 pour l'âge est ainsi géné-
une nette diminution des infections à SP (sans prédomi- ralement liée à un sérotype non inclus dans le PCV-13 ou
nance d'un sérotype particulier). Les infections à SGA ont d'un sérotype dont les échecs vaccinaux sont plus fréquents,
augmenté de façon significative. Les infections à SA restent notamment le sérotype 3. Par ailleurs, d'autres facteurs de
stables pendant la même période. L'antibiothérapie empi- risque sont identifiés comme le faible poids à la naissance,
rique actuelle des EPP/EP chez l'enfant doit ainsi prendre en l'absence d'allaitement maternel durant les 6 premiers mois
compte ce changement d'épidémiologie microbienne récent de vie, les marqueurs de dénutrition (insuffisance staturo-
en visant les 3 germes les plus fréquemment responsables de pondérale pour l'âge ou perte de poids récente), la promis-
ces infections (SP, SGA et SA). cuité, la pollution domestique et enfin, l'infection par le
VIH. D'autres facteurs ont été incriminés comme la prise
d'anti-inflammatoires non stéroïdiens qui semble associée
Particularités des pneumonies à SA au développement de complications de type empyème lors
S. aureus représente une cause rare de PAC chez l'enfant. La d'une pneumonie aiguë communautaire chez l'enfant.
prévalence des souches de SA productrices de la leucocidine
de Panton et Valentine (LPV) est en constante augmentation
dans le monde entier. Cette toxine est impliquée dans la sur- Diagnostic positif
venue d'une entité clinique appelée pneumonie nécrosante Le diagnostic d'une PAC repose sur l'association de signes
staphylococcique, au pronostic particulièrement sombre, cliniques et radiologiques.
pouvant toucher des enfants sains et immunocompétents.
Souvent précédée d'une infection virale rhino-pharyngée,
cette pneumonie est caractérisée par l'association d'une Clinique
fièvre élevée, d'hémoptysie, d'infiltrats alvéolaires multilo- Une PAC est suspectée chez l'enfant devant l'association
baires et d'une leucopénie. L'évolution, souvent défavorable, d'une fièvre très élevée, d'une tachypnée, de signes de lutte,
se fait le plus souvent vers un choc ou une hypoxémie réfrac- d'une toux et d'anomalies auscultatoires le plus souvent
taire. Même si l'incidence des SA résistants à la méticilline localisées : baisse du murmure vésiculaire, râles crépitants
(SARM) communautaires LPV + reste faible en France, ou présence d'un souffle tubaire. La tachypnée a une excel-
en cas de forte suspicion, l'antibiothérapie empirique doit lente valeur prédictive négative ; ainsi, son absence est un
couvrir le SARM. Le choix thérapeutique doit prendre en excellent critère permettant d'écarter a priori le diagnostic
compte les caractéristiques pharmacocinétiques et pharma- de PAC chez l'enfant. La figure 18.12 résume la conduite à
codynamiques (PK/PD) des molécules, et favoriser celles tenir en cas diagnostic positif clinicoradiologique (ou clini-
ayant une bonne diffusion tissulaire au niveau pulmonaire. coéchographique) d'une PAC chez l'enfant en proposant une
Certaines études suggèrent l'intérêt des molécules ayant la évaluation clinique initiale (recherche de signes cliniques de
capacité à bloquer la synthèse de la toxique LPV (comme sévérité, facteurs de risque et signes évocateurs d'une pneu-
la clindamycine). Enfin, l'administration précoce d'immu- monie compliquée) et la prise en charge thérapeutique.
noglobulines intraveineuses pourrait être proposée comme ■ La première étape consiste à évaluer les signes de
traitement adjuvant aux formes sévères après avis d'experts sévérité d'une PAC en mesurant la température, la fré-
en maladies infectieuses en collaboration avec les centres quence respiratoire (FR), la fréquence cardiaque (FC),
nationaux de référence. l'intensité de la toux, le degré de détresse respiratoire
Chapitre 18. Infectiologie 459
Prise en charge
ambulatoire
Évaluation aux urgences pédiatriques pour une éventuelle hospitalisation
Fig. 18.12 Conduite à tenir devant un diagnostic positif clinicoradiologique d'une pneumonie aiguë communautaire chez l'enfant.
* Tachypnée et tachycardie définies par des valeurs de références en fonction de l'âge.
(notamment les signes de rétraction de la paroi thora- On évoque volontiers une pneumonie d'origine bactérienne
cique ou signes de lutte), la SaO2 sous air ambiant et chez un enfant de moins de 3 ans présentant une fièvre élevée
la recherche de difficultés alimentaires (tableau 18.5). à début brutal au cours des 24 à 48 heures avec une altéra-
Deux paramètres permettent de prédire les besoins en tion de l'état général, des signes de rétraction thoracique et/ou
oxygène : la FR et la dyspnée. L'augmentation du tra- une tachypnée, une douleur thoracique, souvent abdominale,
vail respiratoire est souvent associée aux modifications associées à des signes auscultatoires en foyer. La fièvre et la
radiologiques. Il faut toutefois garder à l'esprit qu'il est tachypnée sont les premières caractéristiques d'une éventuelle
très difficile voire impossible de distinguer clinique- pneumonie à pneumocoque. La toux n'est pas toujours pré-
ment les étiologies bactériennes des étiologies virales sente ou même requise pour le diagnostic, et peut être absente
d'une PAC chez l'enfant, ce d'autant que les co-infec- dans les premiers stades de la maladie. L'étiologie bactérienne
tions sont fréquentes. peut bien entendu être évoquée à tout âge.
■ La deuxième étape consiste à chercher les facteurs de La pneumonie à MP a un début plus progressif, se mani-
risque et les comorbidités qui justifieraient une éva- feste fréquemment par des douleurs lors des accès de toux,
luation aux urgences pédiatriques pour une éventuelle des douleurs thoraciques et est souvent associée à une res-
hospitalisation. Ainsi, l'apparition de signes clinicoradio- piration sifflante, à un malaise général, des arthralgies, des
logiques (ou clinicoéchographiques) d'une pneumonie signes digestifs, des signes cutanés et des céphalées chez un
compliquée nécessite aussi une évaluation aux urgences enfant de plus de 3 ans. Chlamydia pneumoniae est beau-
pédiatriques (cf. infra). En effet, la persistance de la fièvre coup plus rare chez l'enfant.
à 48 heures d'antibiothérapie bien conduite, l'apparition
secondaire de signes de sévérité et la survenue d'un épan-
chement pleural ou d'une pneumonie nécrosante (à la Radiographie thoracique
radiographie thoracique ou à l'échographie) requièrent Elle permet de confirmer le diagnostic de pneumonie.
une prise en charge en milieu hospitalier. Elle n'est pas systématique pour les patients traités en
460 Partie II. Spécialités
a mbulatoire lorsque le diagnostic est aisé et que l'état tuellement un aspect de pneumonies sévères excavées et
clinique de l'enfant ne permet pas de suspecter une com- nécrosantes. Le contrôle à distance de la radiographie
plication éventuelle. Elle doit être réalisée de face, debout thoracique n'est plus préconisé de façon systématique
si possible et en inspiration chez tous les enfants hospita- dans les recommandations récentes.
lisés ou ayant une forme sévère (à défaut d'une échogra-
phie thoracique). La radiographie thoracique permet de Échographie thoracique
localiser le siège de la pneumonie, l'extension des lésions
et permet la recherche de complications. Le diagnostic Cette technique d'imagerie présente une sensibilité élevée,
de PAC repose sur la présence d'une opacité parenchy- supérieure à 90 %, et une spécificité à 98 % pour le diagnos-
mateuse alvéolaire. Une opacité systématisée localisée tic d'une consolidation, permet d'identifier aisément un
lobaire ou segmentaire avec un bronchogramme aérique épanchement pleural et de guider la ponction pleurale en
est en faveur d'une étiologie à pneumocoque (fig. 18.13). cas de pneumonie compliquée.
La présence d'un infiltrat interstitiel irrégulier hétéro-
gène périhilaire est en faveur d'une pneumonie à MP (à
germe atypique) (fig. 18.14). Les pneumonies virales se Prise en charge
présentent souvent sous la forme d'opacités alvéolaires Modalités
diffuses, irrégulières, hétérogènes, volontiers bilatérales
Une PAC chez l'enfant sans critères de sévérité (ayant des
et mal systématisées. Les PAC liées à SA prennent habi-
symptômes légers ou modérés) peut être prise en charge en
ambulatoire avec une évaluation à 48 heures du début de
l'antibiothérapie en expliquant aux parents les consignes pour
reconsulter en urgence (cf. tableau 18.5). Les enfants présentant
des symptômes sévères doivent être orientés vers les urgences
pédiatriques pour une éventuelle h ospitalisation. Les enfants
détresse respiratoire sévère et épuisement, quelle que soit la ■ amoxicilline IV 150 à 200 mg/kg/j en 3 injections
valeur de la PCO2 pour une pleuro-pneumopathie à S. pneumoniae ou
■
Insuffisance respiratoire nécessitant une ventilation non à SGA (le streptocoque A est constamment sensible à
invasive ou une ventilation assistée l'amoxicilline) ;
■
Apnées récidivantes ou respiration irrégulière lente ■ cloxacilline IV 200 mg/kg/j en 4 injections pour une pleuro-
■
Pneumonie compliquée d'une septicémie et/ou signes de pneumopathie à SA sensible à la méticilline (méti-S).
choc En cas d'EPP/EP sévère avec signes de gravité sans orienta-
tion étiologique, l'antibiothérapie de 1re intention doit être
le PCV-13. L'amoxicilline est la molécule de choix à la plus large incluant : amoxicilline-acide clavulanique + van-
dose de 80 mg/kg/j en 3 prises. La durée du traitement comycine à la posologie de 60 mg/kg/j en 4 injections et
est raccourcie entre 5 et 7 jours au total. La résistance à clindamycine à 40 mg/kg/j en 3 injections.
la pénicilline du pneumocoque est devenue très rare (les Un tableau de EPP/EP sévère à SGA avec syndrome toxi-
données récentes issues du centre national de référence nique impose d'associer la clindamycine à l'amoxicilline
du pneumocoque concernant les pneumonies et les pleu- (activité antitoxique).
ropneumopathies déclarées comme infections invasives à En cas d'EPP/EP sévère à SA PVL +, le choix thérapeutique
pneumocoques montrent que la totalité des souches iso- dépend du phénotype de résistance de SA :
lées étaient sensibles ou intermédiaires à la pénicilline G, ■ si SA est méti-S, une biantibiothérapie associant cloxacil-
sensibles à l'amoxicilline et sensibles ou intermédiaires au line et clindamycine est justifiée ;
céfotaxime. Aucune résistance retrouvée de 2011 à 2017 à ■ en cas de SA méti-R (SARM), une association vancomy-
ces trois molécules) ; cine et clindamycine est l'antibiothérapie de choix.
■ après l'âge de 3 ans, les pneumonies virales sont moins Par ailleurs, la prise en charge de ce genre d'infections
fréquentes. Les deux bactéries les plus fréquemment rares nécessite une demande d'avis à un expert en maladies
en cause restent SP et MP. L'antibiothérapie empirique infectieuses avec une collaboration avec les centres natio-
dépend donc de l'orientation clinique. Si l'on évoque une naux de référence.
pneumonie à germe atypique, un macrolide comme la
clarithromycine à la dose de 15 mg/kg/j en 2 prises/j est Traitement des pneumonies compliquées
la molécule de choix pour une durée totale de 10 jours. Le traitement médical conservateur (antibiothérapie à
D'autres macrolides peuvent être prescrits dans cette large spectre, puis ciblée au germe suspecté ou retrouvé)
indication ; représente le traitement de choix des pleurésies purulentes
■ quel que soit l'âge, et ce, depuis la généralisation de la de l'enfant. Les traitements associés type antalgie adaptée
vaccination spécifique, les Haemophilus influenzae b et, (jusqu'au support morphinique si besoin), une hydratation
indépendamment de celle-ci, les Haemophilus influenzae (correction des troubles hydroélectrolytiques notamment de
non typables, Moraxella catarrhalis et Chlamydia pneu- type SIADH), une nutrition suffisante (nutrition entérale) et
moniae ne sont qu'exceptionnellement en cause. l'oxygénothérapie sont souvent nécessaires pour accompa-
Une réévaluation à H48 de traitement doit être systématique gner le traitement antibiotique.
pour dépister un éventuel échec thérapeutique ou l'évolu- Les ponctions itératives peuvent être utiles pour éviter
tion vers une pneumonie compliquée. L'absence d'améliora- le recours à un drainage chirurgical. Celui-ci a été remis en
tion clinique avec persistance de la fièvre doit faire évoquer question ces dernières années devant l'évolution souvent
une infection virale ou à germe atypique (importance à ce satisfaisante des pleurésies purulentes chez l'enfant. Il peut
stade du dosage de la CRP qui est alors basse ou négative). être utilisé dans certaines situations comme dans le cadre
L'aggravation clinique (a fortiori avec élévation importante d'une détresse respiratoire sévère avec déviation médiasti-
de la CRP) nécessite une évaluation aux urgences pour une nale à la radiographie du thorax ou en cas de purulence du
éventuelle hospitalisation. liquide pleural avec présence de germes à l'examen direct du
Les choix thérapeutiques proposés ici respectent les liquide pleural. En cas d'indication de drainage chirurgical
recommandations du GPIP publiées en décembre 2017 dans avec un épanchement cloisonné, l'instillation de fibrino-
le guide de prescription d'antibiotiques en pédiatrie. lytiques peut améliorer le drainage de la plèvre. Certaines
équipes entraînées utilisent la vidéothoracoscopie pour
Dans les épanchements parapneumoniques traiter les pleurésies purulentes. Cette technique requiert
et les empyèmes un recours précoce dans les premières phases de la maladie.
Au vu des changements épidémiologiques récents concer- Certains abcès du poumon peuvent nécessiter un drainage
nant la microbiologie des EPP/EP chez l'enfant, le traite- chirurgical associé au traitement antibiotique adapté. La
ment probabiliste avant l'identification bactérienne doit corticothérapie systémique (une fois l'infection contrôlée)
cibler les 3 germes, à savoir SP, SGA et SA. L'antibiothérapie peut avoir un intérêt dans le traitement de la pachypleurite
empirique de choix est désormais l'association amoxicilline- créée par la pleurésie purulente.
Chapitre 18. Infectiologie 463
.
Folliculite Furoncle (SA) Impétigo (SA et SGA)
Mesures d'hygiène (lavage à l'eau et au savon et changement de linge tous les jours)
Désinfection des lésions Interdiction de manipuler le furoncle Antibiothérapie locale si ≤ 5 lésions et absence
à la chlorhexidine Incision de l'extrémité pour évacuer le bourbillon d'extension rapide
alcoolique – chlorure Protection de la lésion avec un pansement Mupirocine (Mupiderm®) : 2 à 3 applications/j (5 jours)
de benzalkonium Pas d'antibiothérapie locale ni générale Pas d'antiseptiques locaux
(Biseptine®) ou à
Antibiothérapie orale (5 jours)
l'hypochlorite de
– Si impétigo grave (> 6 lésions, extension rapide, ecthyma, surface corporelle atteinte > 2 %)
sodium (Dakin®) 2 à
– Si furoncle compliqué (multiple, fièvre, etc.) ou à risque de complications (âge < 1 an, face, siège, main)
3 applications/j
Amoxicilline-acide clavulanique : 80 mg/kg/j en Amoxicilline-acide clavulanique 80 mg/kg/j en 3 prises/j
3 prises/j (suspension buvable : dose poids × 3/j ; (suspension buvable : dose poids × 3/j ; maximum
maximum 6 000 mg/j) 6 000 mg/j) ou céfadroxil 100 mg/kg/j en 3 prises/j
Si allergie à la pénicilline ou SARM : (suspension buvable, maximum 3 000 mg/j)
– chez l'enfant < 6 ans : sulfaméthoxazole- Si allergie à la pénicilline : josamycine suspension
triméthoprime (exprimé en sulfaméthoxazole) : buvable : une dose poids × 2/j (suspension buvable ou
30 mg/kg/j en 2 prises/j (suspension buvable ; 50 mg/kg/j en 2 prises/j ; maximum 2 000 mg/j)
maximum 2 400 mg × 2/j)
– chez l'enfant > 6–8 ans : clindamycine 30–40 mg/kg/j
en 3 prises/j (gélules ; maximum 2 400 mg/j)
En cas de furonculose – Soins locaux pour décoller les croûtes : vaseline
– Si poussée de furonculose : antibiothérapie orale 2 fois/j (si pas de mupirocine crème car choix d'une
antistaphylococcique préalable à la décontamination antibiothérapie générale)
des gîtes pendant 7 jours – Éviction de collectivité conseillée pendant les
– Dans tous les cas : 72 premières heures de traitement si les lésions sont
• prélèvement bactériologique d'un furoncle avant étendues et ne peuvent pas être protégées
traitement – Traitement de la dermatose sous-jacente (eczéma, gale,
• hygiène corporelle et protection des lésions pédiculose du cuir chevelu, prurigo)
• hygiène environnement (linge, salle de bains, siège
des toilettes)
• décolonisation des gîtes bactériens de SA du patient
et de l'entourage familial (7 jours) : mupirocine
nasale : × 2/j
• douche avec solution moussante de chlorhexidine
(corps et cheveux) : × 1/j
• bain de bouche à la chlorhexidine (enfant > 6 ans) :
1 à × 2/j
SA : Staphylococcus aureus ; SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline ; SGA : streptocoque du groupe A.
Fig. 18.15 Folliculite
.
■ dépistage des gîtes de SA (nez, gorge, anus, périnée) à
réaliser seulement après un échec d'une première décolo-
nisation des gîtes bactériens.
Il n'est pas nécessaire de rechercher si ce SA est producteur
de LPV, ce qui est très souvent le cas dans le furoncle isolé et
la furonculose. Fig. 18.16 Furoncles.
Chapitre 18. Infectiologie 465
Impétigo (SA et/ou SGA) paume de main de l'enfant), constitué de plus de 6 lésions,
(fig. 18.17 et 18.18) avec extension rapide ou présence d'un ecthyma (impétigo
creusant qui se traduit par une ulcération plus ou moins
Il s'agit d'une pustulose intradermique évoluant en plu- croûteuse).
sieurs phases : vésicule sous cornée, pustule (ou bulle) fra-
gile flasque fugace, puis érosion recouverte d'une croûte
mélicérique. Infections cutaneés profondes
Les lésions sont souvent multiples près des orifices natu-
rels ou sur le scalp. Leur prise en charge est résumée dans le tableau 18.7.
On retrouve parfois une adénite de voisinage mais pas de
fièvre. Dermohypodermites bactériennes
La transmission est directe par voie manuportée condui- non compliquées (fig. 18.19)
sant à l'extension de l'infection chez un même patient (auto-
inoculation) ou à la contagion d'autres enfants. Ce sont des infections aiguës de la peau et du tissu sous-
L'impétiginisation est l'impétigo secondaire à la surin- cutané habituellement caractérisées par un œdème, une
fection d'une dermatose primitive souvent prurigineuse chaleur, un érythème et une tension douloureuse de la peau,
(piqûres d'insecte, plaies post-traumatiques, eczéma, gale, et accompagnées ou précédées de fièvre ou de frissons.
pédiculose). Elles sont rarement multifocales ou bilatérales. L'examen
L'antibiothérapie de l'impétigo cible le SA et le SGA. Elle clinique recherche une porte d'entrée cutanée (varicelle,
est le plus souvent seulement locale (crème), la voie orale plaie cutanée, intertrigo, brûlure, etc.), une lymphangite et
n'étant indiquée que dans les formes sévères (cf. tableau 18.6). une adénopathie régionale qui peuvent être associées. Ces
Les formes sévères d'impétigo sont définies par un impé- infections sont principalement dues à SA et à SGA. Chez le
tigo atteignant une surface cutanée supérieure à 2 % de la nouveau-né, ces infections peuvent également être dues au
surface corporelle (1 % correspondant à la surface de la streptocoque du groupe B. Haemophilus influenzae capsuléb,
.
Dermohypodermite bactérienne non compliquée
Durée de l'antibiothérapie = 7 jours
Pas de facteur de risque Risque d'évolution vers
Pas de gravité une forme compliquée
(âge < 1 an, mauvaise
observance thérapeutique,
immunodépression, fièvre
élevée, extension rapide)
Antibiothérapie orale Antibiothérapie IV (3 ou 4 jours
⁎
Amoxicilline-acide clavulanique minimum)
80 mg/kg/j en 3 prises Amoxicilline-acide clavulanique
Ou céfadroxil 100 mg/kg/j en 100 mg/kg/j (3 injections/j)
3 prises Ou céfazoline 100 mg/kg/j
En cas d'allergie à la pénicilline (3 injections/j)
– Enfant < 6 ans : Relais per os
sulfaméthoxazole- Amoxicilline-acide clavulanique
triméthoprime 30 mg/kg/j 80 mg/kg/j en 3 prises
Fig. 18.17 Impétigo (exprimé en sulfaméthoxazole) Ou céfadroxil 100 mg/kg/j en
.
en 3 prises 3 prises
– Enfant > 6 ans : clindamycine En cas d'allergie à la pénicilline
40 mg/kg/j en 3 prises (Dalacine® Antibiothérapie IV
gélules 150 et 300 mg pour ≥ 6 Clindamycine : 40 mg/kg/j en
ans ; maximum 2 400 mg/j) 3 injections
Relais per os
– Enfant < 6 ans :
sulfaméthoxazole-
triméthoprime 30 mg/kg/j
(exprimé en sulfaméthoxazole)
en 3 prises
– Enfant > 6 ans : clindamycine
40 mg/kg/j en 3 prises (Dalacine®
gélules 150 et 300 mg pour ≥ 6
ans ; maximum 2 400 mg/j)
⁎
Privilégier les formes 500mg–50mg et 2g–200mg d'amoxicilline-acide
clavulanique dont la proportion d'acide clavulanique est de 1/10 au lieu de
1/5 pour la forme 1g/200mg : la posologie maximale d'acide clavulanique est
5 mg/kg/prise et 20 mg/kg/j
Fig. 18.18 Impétigo bulleux chez un nouveau-né
.
466 Partie II. Spécialités
■ à des infections bactériennes (méningite bactérienne mocoque, une réduction des infections invasives a été
décapitée par un traitement antibiotique) ; observée. Elle a été spectaculaire et durable pour Hib, les
■ à une réaction inflammatoire méningée contiguë d'une cas résiduels aujourd'hui correspondant essentiellement
infection des sinus de la face ou du parenchyme cérébral à des enfants non vaccinés. L'impact a été plus modéré
(abcès) ; et progressif pour le pneumocoque avec une réduction
■ à des méningites à germe ne poussant pas sur milieu importante des cas dus aux sérotypes les plus invasifs
ordinaire : méningite tuberculeuse, leptospirose ménin- depuis le passage au vaccin 13-valent grâce à une haute
gée, méningites fongiques et parasitaires ; couverture vaccinale. La mise en place en France en
■ à des étiologies inflammatoires non infectieuses (néopla- 2010 de la vaccination contre le méningocoque C chez
sique, chimique ou immunologique). le nourrisson de plus de 1 an, l'enfant et le jeune adulte
jusqu'à 24 ans a été un échec faute d'application de cette
stratégie par les professionnels de santé. En l'absence de
Méningites bactériennes couverture vaccinale suffisante et notamment chez l'ado-
Les méningites bactériennes (MB) résultent de l'envahisse- lescent et l'adulte jeune, aucune immunité de groupe n'a
ment par voie hématogène (bactériémie ou septicémie) du été obtenue en France et l'agent infectieux a continué de
LCS par une bactérie invasive ayant la capacité de contour- circuler, notamment chez le nourrisson de moins de 1 an.
ner l'immunité innée naturelle en l'absence d'immunité Depuis 2017, la vaccination individuelle et précoce à
adaptative vaccinale. Les MB mettent en jeu le pronostic 5 mois du nourrisson a été ajoutée au calendrier vaccinal
vital et fonctionnel du patient. Les séquelles sont principale- et a montré dès 2018 un impact significatif.
ment neurologiques et mises sur le compte des phénomènes ■ Au-delà de 2 ans, et jusqu'à 17 ans, c'est le méningocoque
inflammatoires qui accompagnent le processus infectieux qui prédomine (50 %) suivi du pneumocoque (37 %).
cérébroméningé. La mortalité des méningites bactériennes de l'enfant tous
L'enjeu est celui du diagnostic, de la rapidité de mise en âges confondus est de 6,6 %. Elle est plus lourde chez le
place d'un traitement antibiotique et du contrôle de l'hémo- jeune nourrisson (11,6 % avant 2 mois). Elle varie selon les
dynamique et de la perfusion cérébrale du patient. germes, étant la plus élevée avec le streptocoque du groupe B
(9,6 %), puis le pneumocoque (9,3 %), et Escherichia coli
Épidémiologie (8,9 %). Elle est plus réduite avec Hib (4 %) et avec le ménin-
gocoque tous sérogroupes confondus (2,7 %).
Dans le monde, le nombre annuel de cas est estimé à plus Des séquelles sont observées dans 30 % des cas avec le
d'un million. Les MB sont à l'origine d'une mortalité élevée pneumocoque et 10 % des cas avec le méningocoque. Il s'agit
dans les pays en voie de développement. En France, leur inci- avant tout de troubles sensoriels (surdité essentiellement,
dence globale est de 2,2/100 000 tous âges confondus. Elle cécité), moteurs, épilepsie, déficits des acquisitions, etc.
est cependant très élevée chez le nourrisson (44/100 000),
puis décroît progressivement (6,9/100 000 entre 1 et 4 ans, Diagnostic
< 1/100 000 chez l'adulte).
L'étiologie bactérienne dépend essentiellement de Le diagnostic d'une MB repose sur l'examen du LCS obtenu
l'âge. On distingue ainsi la période néonatale, le nourris- par ponction lombaire (PL). Les recommandations fran-
son, l'enfant puis l'adulte et notamment le sujet âgé. Les çaises issues de la conférence de consensus de la Société de
méningites bactériennes de l'enfant font l'objet d'une sur- pathologie infectieuse de langue française (SPILF) de 2008
veillance nationale prospective établie par le Groupe de ont été récemment actualisées. Elles précisent chez l'adulte,
pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) de la Société comme chez l'enfant, les modalités du diagnostic et du
française de pédiatrie et le groupe de recherche ACTIV traitement.
depuis plus de 10 ans. Les dernières données cumulées de
cet observatoire rapportent pour la période 2010 à 2014 Tableau clinique
un nombre total de 1 356 cas de méningite bactérienne Chez le grand enfant, le diagnostic est facilement évoqué
survenus chez des sujets de moins de 17 ans. devant un tableau, souvent complet associant typiquement :
■ Dans le premier groupe des jeunes nourrissons de moins ■ un syndrome infectieux (fièvre) ;
de 2 mois, les deux agents infectieux dominants sont ■ un syndrome méningé avec, classiquement, céphalées,
le streptocoque du groupe B (57 %) et Escherichia coli vomissements, photophobie et contracture méningée :
(17 %). attitude en chien de fusil, raideur de la nuque.
■ Entre 2 et 11 mois, le streptocoque du groupe B a nette- Chez le jeune nourrisson, le diagnostic est plus difficile car
ment réduit sa fréquence (11 %) et prédominent désor- les symptômes méningés sont plus discrets, voire absents,
mais le pneumocoque (44 %) et le méningocoque (32 %). et les signes digestifs aspécifiques sont fréquents. Ainsi,
Il s'agit principalement du méningocoque du groupe B devant une fièvre aiguë avant 3 mois, les éléments suivants
(86 % des cas). font évoquer le diagnostic de MB et discuter la ponction
■ Entre 12 et 23 mois, c'est le méningocoque qui prévaut lombaire :
désormais (52,4 %), ici encore le groupe B prédomine ■ trouble du comportement : cri plaintif, enfant geignard,
(76 % des cas). Le second germe est le pneumocoque inconsolabilité, hyporéactivité, irritabilité, enfant doulou-
(33 %) puis vient Haemophilus influenzae de sérotype b reux, hyperesthésie cutanée, mauvaise prise du biberon ;
(Hib : 9,5 %). Depuis la mise en place des stratégies vacci- ■ troubles hémodynamiques : tachycardie, temps de reco-
nales en France, d'abord contre Hib puis contre le pneu- loration cutanée > 3 secondes, cyanose ;
468 Partie II. Spécialités
■ troubles neurologiques : convulsions, fontanelle bombée, ■ bacille gram-négatif : Escherichia coli, salmonelles, etc. ;
hypotonie de la nuque, hypotonie globale, la raideur de ■ bacille gram-positif : Listeria monocytogenes.
nuque étant le plus souvent absente ; L'examen biochimique du LCS met typiquement en évi-
■ et, bien sûr, purpura. dence, en cas de méningite bactérienne, une protéinorachie
Les convulsions sont observées dans 20 à 30 % des cas chez élevée (> 0,5 g/L) et un rapport glucose LCS/sang abaissé,
le nourrisson, elles sont partielles ou généralisées. Devant inférieur à 0,40.
une convulsion en climat fébrile chez le nourrisson, la PL La culture doit être systématique. Elle permet la confir-
doit être systématique avant l'âge de 6 mois et discutée entre mation de l'identification du germe, la réalisation de l'an-
6 et 11 mois. tibiogramme et, en cas de pneumocoque, la mesure des
concentrations minimales inhibitrices (CMI) vis-à-vis de
Examen du LCS l'amoxicilline et des céphalosporines de 3e génération.
La confirmation du diagnostic repose exclusivement sur Des techniques de diagnostic rapide ont été élaborées ces
l'examen du LCS. dernières années qui permettent un diagnostic microbiolo-
Cependant, aux urgences l'antibiothérapie doit être admi- gique plus précoce, en quelques heures :
nistrée avant la PL dans les quelques situations particulières ■ actuellement, le test immunochromatographique
qui la contre-indiquent : (BinaxNOW™) recherchant la présence de polysaccha-
■ instabilité hémodynamique ou respiratoire non contrô- ride-C de paroi commun à tous les sérotypes de pneumo-
lée, a fortiori purpura fulminans (purpura avec choc coques est recommandé ;
infectieux sévère) ; ■ la technique de polymérisation en chaîne (PCR) a été
■ anomalie de l'hémostase connue, traitement anticoagu- également développée pour la quasi-totalité des bactéries
lant ou saignement actif évoquant une CIVD ; responsables de méningite bactérienne et une amélio-
■ suspicion clinique de processus intracrânien : ration notable a été obtenue avec le développement des
– déficit moteur : paralysie faciale centrale, paralysie techniques de RT-PCR (PCR en temps réel) qui réduisent
oculomotrice, déficit du membre supérieur et/ou du le délai de rendu du résultat à quelques heures (2 à 4)
membre inférieur, seulement. Ces techniques ne sont malheureusement pas
– déficit sensitif d'un hémicorps, hémianopsie latérale disponibles dans tous les établissements français ;
homonyme, syndrome cérébelleux, aphasie, ■ récemment, des techniques automatisées de PCR dite
– crises épileptiques récentes et focales ; multiplex ont été mises sur le marché. Elles permettent,
■ présence de signes d'engagement cérébral : à partir d'un simple échantillon de LCS déposé sur un
– trouble de la vigilance, appareil, d'obtenir un diagnostic microbiologique par
– et au moins un des symptômes suivants : anomalies RT-PCR sur un panel très élargi d'agents infectieux
pupillaires (mydriase fixée uni ou bilatérale), dysau- viraux et bactériens responsables d'infection du système
tonomie (hypertension artérielle et bradycardie, nerveux central (méningites et encéphalites). Cette nou-
anomalies du rythme ventilatoire), crises toniques velle technique se déploie actuellement, mais nécessite
postérieures, aréactivité aux stimulations, réactions de toutefois d'être évaluée en termes de sensibilité et spéci-
décortication ou de décérébration. ficité par rapport aux techniques plus classiques. Elle est
prometteuse car elle permet d'envisager un diagnostic
microbiologique quasiment immédiat, dès l'arrivée du
patient aux urgences.
La ponction lombaire n'est donc envisageable que chez un
patient stabilisé sur le plan hémodynamique, respiratoire et
neurologique.
Autres examens biologiques
Ils sont utiles mais ils ne permettent que d'orienter vers une
infection bactérienne :
Le nombre de cellules est anormal s'il est supérieur au ■ numération formule sanguine : hyperleucocytose à
nombre attendu pour l'âge : polynucléaires ;
■ > 10 éléments/mm3 chez le nouveau-né ; ■ élévation de la C-réactive protéine (CRP) sérique ;
■ > 5 éléments/mm3 chez le nourrisson et l'enfant, comme ■ élévation de la procalcitonine (PCT) sérique.
chez l'adulte. Peuvent être utiles ultérieurement pour rechercher des
En cas de piqûre vasculaire (LCS hémorragique si complications :
> 1 000 globules rouges/mm3), 1 000 GR correspondent ■ bilan d'hémostase (coagulation intravasculaire dissémi-
grossièrement à 1 élément dans le LCS. Les autres para- née : CIVD) ;
mètres ne sont pas affectés en cas de piqûre vasculaire ■ hyponatrémie (SIADH) et hypoglycémie (sepsis).
minime : hypoglycorachie et coloration de Gram. L'hémoculture est prélevée avant toute antibiothérapie,
L'examen direct (coloration de Gram sur culot de cen- elle est positive dans près de ¾ des cas au cours des MB du
trifugation) permet souvent le diagnostic probabiliste du nourrisson.
germe responsable avant même les résultats de la culture :
■ cocci gram-positif : pneumocoque et streptocoques ; Place de l'imagerie
■ diplocoque gram-négatif : méningocoque ; À l'accueil des urgences
■ coccobacille gram-négatif polymorphe : Haemophilus La réalisation d'une imagerie cérébrale (TDM ou IRM),
influenzae (b) ; avant la ponction lombaire en cas de suspicion de m
éningite,
Chapitre 18. Infectiologie 469
Fig. 18.20 Diagnostic étiologique aux urgences : méningite virale ou bactérienne ? CRP : C-réactive protéine ; LCS : liquide cérébrospinal ;
PCT : procalcitonine ; PL : ponction lombaire.
470 Partie II. Spécialités
mâles font des infections symptomatiques plus fréquentes et résiduel chez l'enfant est généralement peu sévère, sans
plus sévères que les filles. Les méningites à entérovirus sur- signes de gravité, et amélioré par le paracétamol. Plus rare-
viennent de façon sporadique ou par épidémies estivales. Les ment, un syndrome post-PL peut apparaître au décours
virus les plus fréquemment en cause sont les coxsackievirus de la PL, et ce, d'autant plus fréquemment que le LCS était
B2 et B5 et les échovirus 4, 6, 9, 11, 16 et 30. Il semble exister prélevé au début de la maladie et peu pathologique. Ce syn-
une spécificité de type puisque certains sérotypes entraînent drome se manifeste par l'apparition secondaire de violentes
plus fréquemment une méningite, comme les coxsackie B et céphalées avec douleurs rachidiennes et parfois des jambes,
échovirus 11 et 30 alors que les coxsackievirus du groupe A qui évoluent spontanément vers la guérison en une semaine.
ne sont responsables que de 5 % des cas.
Les épidémies varient en intensité selon les années mais Encéphalites aiguës
sont plus importantes dans les zones urbaines surpeuplées
où elles entraînent un coût bon négligeable en termes de Elles sont la conséquence d'un processus inflammatoire
soins. Les nourrissons et les enfants sont les plus touchés atteignant les méninges et le parenchyme cérébral. Leurs
mais lorsque l'épidémie est massive, on peut également étiologies sont infectieuses primitives (par réplication virale
observer des cas chez l'adulte. ou bactérienne) ou de nature immunologique (souvent post-
infectieuse) ou démyélinisante au niveau de la substance
blanche (encéphalomyélite aiguë disséminée ou ADEM).
Diagnostic Les principales étiologies infectieuses sont :
Deux tableaux sont généralement observés selon l'âge : ■ virales : avant tout HSV-1 et 2, puis EBV, VZV, entéro-
■ chez l'enfant, l'adolescent et l'adulte, la maladie débute virus, HHV-6 et 7, virus ourlien, adénovirus, plus rare-
par une infection banale, fébrile, du pharynx avec parfois ment, rage, arbovirus, encéphalite à tiques, etc. ;
une éruption et le syndrome méningé apparaît au bout ■ bactériennes : mycoplasme, tuberculose, Listeria mono-
de quelques jours avec persistance de la fièvre, céphalées, cytogenes, rickettsioses, spirochétoses (dont la maladie de
vomissements, raideur de la nuque. Les convulsions et les Lyme), etc. ;
troubles de la conscience sont rares sauf en cas d'encé- ■ rarement fongiques ou parasitaires (paludisme).
phalite associée ; Les étiologies inflammatoires sont principalement post-
■ chez le petit nourrisson, le syndrome méningé n'est en infectieuses et dues aux agents suivants : rougeole, rubéole,
règle pas décelable cliniquement au profit d'un tableau de oreillons, varicelle, mycoplasme. Elles peuvent également
fièvre élevée mal tolérée faisant parfois craindre un état être secondaires à un syndrome d'activation macropha-
septique d'origine bactérienne. gique, notamment dans le cadre de collagénoses.
Les infections méningées à entérovirus peuvent également Le tableau d'encéphalite associe des troubles de la
s'accompagner de manifestations très variées, cutanées conscience, de la fièvre, des céphalées et des troubles neu-
(syndrome pied-main-bouche), pharyngées (pharyngite, rologiques à type de convulsions (en particulier à début
herpangine, stomatite), oculaires (conjonctivite), respi- focal puis secondairement généralisées), ainsi que des défi-
ratoires (pleurodynie), digestives (douleurs abdominales, cits moteurs focaux. Toutefois, la présentation clinique est
diarrhée), cardiaques (péricardite, myocardite), neurolo- variable selon les cas, explosive et d'emblée sévère, ou bien
giques autres (atteintes de la corne antérieure, polyradicu- plus frustre. Elle peut également être trompeuse, notam-
lonévrite, myélite). ment chez le jeune nourrisson avec, au premier plan, des
La confirmation du diagnostic passe par la ponction lom- signes digestifs, des pleurs et des gémissements.
baire qui retrouve typiquement une pléiocytose de quelques Les principaux diagnostics différentiels des encéphalites
centaines d'éléments/mm3 avec souvent une formule pana- aiguës sont :
chée comportant des polynucléaires non altérés et des lym- ■ les méningites bactériennes sévères avec troubles de la
phocytes lorsque l'examen est effectué tôt au début de la conscience ;
maladie. Sinon, on observe une réaction essentiellement lym- ■ la méningite tuberculeuse ;
phocytaire avec parfois quelques monocytes. Une pléiocytose ■ les thrombophlébites cérébrales ;
plus importante est parfois notée sans caractère péjoratif. La ■ les abcès et empyèmes cérébraux ;
glycorachie est normale ou légèrement abaissée mais avec un ■ certaines maladies métaboliques ;
ratio LCS/sang supérieur ou égal à 0,4. La protéinorachie est ■ les vascularites cérébrales ;
variable, elle peut être normale ou nettement augmentée. Les ■ les méningites carcinomateuses et localisations ménin-
antigènes solubles dans le sang et le LCS sont négatifs et le gées des leucémies ;
dosage de la CRP est normal, confirmant ainsi l'origine virale ■ certaines intoxications (médicamenteuses, HbCO, etc.) ;
de l'infection. La culture est bien entendu stérile. ■ les saignements intracérébraux (bébé secoué, rupture
La PCR entérovirus est sensible et spécifique et peut être vasculaire malformative, etc.) ;
utile lorsqu'elle est disponible dans un délai rapide. Elle per- ■ etc.
met alors d'éviter ou écourter la durée de l'antibiothérapie
éventuelle et la durée d'hospitalisation, en particulier chez
le jeune nourrisson. Elle est incluse dans les kits de RT-PCR
Méningoencéphalites infectieuses
multiplex qui se développent actuellement. Dans ce type d'infection du système nerveux central, l'at-
L'évolution de la maladie est souvent rapide et on observe teinte du parenchyme cérébral prédomine généralement sur
fréquemment une amélioration clinique spectaculaire l'atteinte méningée sur le plan clinique et il est préférable de
immédiatement après la ponction lombaire. L'inconfort parler ici d'encéphalite aiguë avec ou sans atteinte méningée.
474 Partie II. Spécialités
Le diagnostic étiologique des encéphalites aiguës est sou- récurrences d'infection génitale par le virus herpès simplex,
vent difficile et n'est affirmé que dans environ 30 % des cas. principalement de type 2. Son évolution est spontanément
Les virus sont actuellement les principaux agents infectieux favorable, et donc bénigne. Toutefois, des traitements par
retrouvés, et les entérovirus sont les premiers virus retrouvés. antiviral de type aciclovir ont été essayés avec une certaine
De nombreux sérotypes ont été isolés au cours d'encéphalite efficacité clinique dans quelques cas mais sans aucune effi-
aiguë à entérovirus avec en particulier les coxsackievirus B5, cacité démontrée actuellement vis-à-vis de la prévention des
les entérovirus 4, 6, 9, 11 et 30 et le coxsackievirus A9. récurrences. Or ce sont ces récurrences qui sont invalidantes
et qui peuvent survenir jusque dans 15 % des cas après un
Encéphalites aiguës à entérovirus premier épisode de méningite lymphocytaire bénigne à her-
pès simplex de type 2.
Les encéphalites aiguës à entérovirus sont rares chez le Enfin, devant une méningite aiguë de type viral, la pré-
nourrisson et l'enfant, et en règle d'évolution spontanément sence de lésions herpétiques récurrentes n'a aucune valeur
favorable. Toutefois, avant 1 an, le pronostic est plus réservé d'orientation vers une étiologie herpétique de cette ménin-
et des séquelles neurologiques sont possibles (8 %) au cours gite, hormis chez le nouveau-né.
des formes les plus graves qui s'accompagnent d'emblée de Les examens complémentaires utiles en cas de suspicion
signes neurologiques déficitaires et d'un coma. Elles néces- d'encéphalite herpétique sont les suivants :
sitent dans tous les cas une hospitalisation. ■ ponction lombaire. Le LCS peut être normal ou montrer
Du fait de la multiplicité des diagnostics différentiels qui une méningite associée : cellularité modérée (< 100/mL),
se posent devant de tels tableaux (encéphalite herpétique, à souvent hémorragique, protéinorachie augmentée mais
mycoplasme, à Listeria, etc.), de multiples examens complé- < 1 g/L, glycorachie normale ;
mentaires sont effectués et des traitements antibactériens et ■ dosage de l'interféron dans le sang et le LCS ;
antiviraux sont généralement administrés dès l'arrivée du ■ PCR HSV dans le sang et le LCS ;
patient à l'hôpital. ■ EEG montrant typiquement un tracé lent sans rythme
L'intérêt d'un diagnostic rapide par RT-PCR de l'infection physiologique, avec des complexes lents périodiques, et
à entérovirus est évident dans cette situation pour réduire de multiples foyers indépendants. La sensibilité de cet
le nombre d'examens complémentaires et les traitements. examen n'est que de 60–70 % et il est non spécifique ;
De plus, dans l'hypothèse où des traitements spécifiques ■ scanner : il peut être normal les premiers jours, et n'éli-
de l'infection à entérovirus seraient validés, une prise en mine pas le diagnostic, ou bien il peut montrer des
charge thérapeutique adaptée pourrait être effectuée pour lésions hypodenses hétérogènes de nécrose de siège varié
les formes graves de mauvais pronostic. souvent en frontotemporal ;
Le pronostic est généralement bon mais des séquelles ■ IRM (coupes coronales T1 + gadolinium et T2), de meil-
neurologiques, voire des décès sont possibles, chez le sujet leure sensibilité, même dans les premières 24–48 heures,
sain et plus souvent encore chez le sujet immunodéprimé. en montrant des hypersignaux en zone temporale, de
façon bilatérale et asymétrique.
Encéphalite herpétique Le pronostic est lié à la précocité du traitement mais reste
très réservé chez le nourrisson. La mortalité est faible (sauf
L'infection herpétique cérébroméningée est rare chez l'enfant, chez le nouveau-né) mais les séquelles sont fréquentes :
l'incidence étant évaluée à 1 à 2 pour 1 million d'habitants et motrices, cognitives, hypsarythmie. Les rechutes sont
par an. La distribution selon l'âge est bimodale avec une pré- possibles.
pondérance chez le nouveau-né et chez le sujet âgé. Toutefois, Le traitement doit être débuté en urgence dès la suspicion
des formes pédiatriques peuvent être observées, avec une fré- clinique du diagnostic, et sans attendre la confirmation par
quence qui varie selon les études entre 6 et 30 % des cas. PCR. Il comporte :
Le tableau associe des troubles de la conscience, une fièvre, ■ l'aciclovir IV pour une durée de 2 semaines minimum
des céphalées et des convulsions (en particulier à début focal (en règle 3 semaines) :
brachiofaciales, puis secondairement généralisées), ainsi que – 500 mg/m2/8 h chez le nourrisson,
des déficits moteurs focaux. Chez l'enfant et l'adulte, on peut – 20 mg/kg/8 h chez l'enfant de 2 à 12 ans,
également retrouver des modifications de la personnalité, – 10 mg/kg/8 h chez le grand enfant (> 12 ans) ;
des troubles de la mémoire des faits récents, des hallucina- ■ le traitement des convulsions, de l'HTIC éventuelle.
tions visuelles ou auditives. L'évolution est progressive.
Ce tableau n'a rien à voir avec le tableau habituel des
méningites aiguës lymphocytaires bénignes de type viral. Ce
n'est donc que devant un tableau d'encéphalite, avec ou sans
méningite aiguë associée, que l'on doit évoquer le diagnostic
Infection urinaire
d'infection herpétique parmi les autres infections respon- Élise Launay, Gwenaelle Roussey
sables d'encéphalite (oreillons, rougeole, rubéole, varicelle,
infections à entérovirus, à adénovirus).
La méningite aiguë herpétique sans encéphalite n'est Épidémiologie
pas un tableau habituellement rencontré en pédiatrie. La
seule méningite aiguë herpétique décrite est la méningite Prévalence en pédiatrie
lymphocytaire récurrente bénigne, encore appelée ménin- L'infection urinaire est fréquente en pédiatrie. Environ
gite de Mollaret. Décrite chez l'adulte, elle survient lors de 8 % des filles et 2 % des garçons auront au moins un
Chapitre 18. Infectiologie 475
place, il faut alors refaire une collecte via une autre méthode.
permet le diagnostic d'infection urinaire est donc guidée par
le contexte et les facteurs de risques de l'enfant. Un recueil
urinaire doit être réalisé chez tout enfant fébrile de moins
de 3 mois (sauf en présence d'une fièvre peu élevée avec un
autre point d'appel clinique, bronchiolite par exemple) et Traitement (fig. 18.21)
chez un jeune enfant ou nourrisson avec des signes de sep-
sis ou des antécédents d'uropathie obstructive ou de PNA. Pour les enfants de moins de 3 mois,
Chez les jeunes enfants de plus de 3 mois sans antécédent les enfants avec signes de sepsis
d'uropathie et ayant une fièvre isolée sans signe de sepsis, ou porteurs d'uropathie obstructive
le recueil d'urine peut n'être fait qu'au bout de 48 heures de Les signes de sepsis (tachycardie, insuffisance circulatoire
fièvre. La réalisation d'un recueil d'urines n'a pas d'intérêt périphérique, polypnée, geignement, modification du
en cas de foyer infectieux autre identifié. comportement) doivent être systématiquement recherchés
476 Partie II. Spécialités
Cotrimoxazole R Cotrimxazole R
Cotrimoxazole S Cotrimoxazole R
Céfixime R Céfixime R
Amoxicilline S Céfixime S
Acide nalidixique S Acide nalidixique R
Cotrimoxazole
15 mg/kg/12 h de Avis infectiologue
sulfaméthoxazole Avis infectiologue (faire tester
Céfixime
et 3 mg/kg/12 h (ciprofloxacine association céfixime
4 mg/kg/12 h
de triméthoprime 15 mg/kg/12 h) + amoxicilline/acide
Ou amoxicilline clavulanique)
50 mg/kg/8 h
Fig. 18.21 Schéma de prise en charge antibiotique devant une infection urinaire fébrile : traitement initial et relais oral. Les posologies
sont indiquées en mg/kg mais les posologies adultes ne doivent pas être dépassées. PO : Per Os ; R : résistant ; S : sensible.
avec au minimum la prise des constantes vitales. Le risque 48–72 heures) malgré un traitement bien conduit et adapté
de bactériémie associée justifie un traitement initial intra- au germe en cause à la recherche d'une complication (abcé-
hospitalier et intraveineux. La ceftriaxone doit être évitée chez dation) et pour surveiller une uropathie connue (majoration
l'enfant de moins de 1 mois né prématurément ou ictérique. de la dilatation par exemple).
minés crus ou peu cuits (viande, volaille, œuf, lait dont groupés, d'une symptomatologie similaire, en général digestive, dont
les laits infantiles) ; on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire.
480 Partie II. Spécialités
Tableau 18.9 Principales complications ■ S. flexneri : espèce endémique dans les pays en voie de
des entéropathogènes développement (PVD) ;
.
■ S. sonnei : espèce prévalente dans les pays industrialisés et
Complications Agents infectieux Facteurs de risque
Aspects cliniques émergents, tendant à supplanter S. flexneri dans les PVD
(dissémination internationale de souches multirésistantes) ;
Déshydratation Tout pathogène
■ S. boydii : relativement rare.
entérique
L'homme étant le seul hôte, la transmission est inter
Bactériémie Salmonelle Nourrisson < 3 mois humaine par contact direct orofécal, plus rarement par
Drépanocytaire
le biais d'aliments ou d'eau contaminée. La contagiosité
Immunodéprimé
Corticothérapie
est ici élevée, expliquant la survenue de d'épidémies dans
MICI les collectivités d'enfants. La période de contagiosité dure
tant que la bactérie est présente dans les selles (jusqu'à
Rarement : Shigella,
Campylobacter
4 semaines suivant le début de la maladie). Mais cette
excrétion peut persister plus longuement chez l'enfant
Localisations Salmonelle Nourrisson < 3 mois
immunosupprimé.
extradigestives Méningite, abcès Drépanocytaire
cérébraux Immunodéprimé
L'incubation est 2 à 4 jours en moyenne (jusqu'à 7 jours).
Ostéomyélite Sur le plan clinique, les infections causées par S. son-
nei, espèce prévalente en France, donnent le plus sou-
Manifestations Tout pathogène Convulsion
neurologiques entérique peut être Troubles de
vent une diarrhée aqueuse qui guérit spontanément en
responsable de : conscience quelques jours. Parfois à cette diarrhée aqueuse, succède
– troubles un syndrome dysentérique caractérisé par l'émission
électrolytiques quasi continue de selles afécales, mucosanglantes, associé
– déshydratation à une fièvre élevée (39–40 °C), des douleurs abdominales
– convulsions fébriles à type de crampes, un ténesme et des épreintes (atteinte
Shigella (flexneri) Convulsion, du rectum).
E. coli encéphalopathie Les complications potentielles sont (tableau 18.9) :
entérohémorragique SHU ■ la déshydratation et les désordres hydroélectrolytiques ;
Salmonelle Méningite, abcès
■ d'autres complications rares, survenant surtout avec les
Rotavirus cérébraux
Convulsions, espèces autres que S. sonnei :
encéphalite – septicémie, bactériémie : plus rares qu'avec Salmonella
non typhique, observées surtout chez l'enfant dénutri
Syndrome E. coli
hémolytique et entérohématogène ou immunodéprimé,
urémique Shigella dysenteriae 1 – hypoglycémie,
Shigella soneii : rare – infections focales : méningites, ostéomyélite, abcès
Complications Shigella sp,
splénique, infections urinaires,
locales Salmonella sp – complications neurologiques : convulsions, encé-
Occlusion, Campylobacter, phalopathie (S. flexnerii),
perforation Yersinia, Entamoeba – SHU : lors des infections à S. dysenteriae. Les autres
intestinale histolytica espèces peuvent acquérir également le gène de la shi-
Complications post-infectieuses gatoxine de S. dysenteria,
Syndrome de Campylobacter jejuni
– complications intestinales : rares mais pouvant être
Guillain-Barré sévères, à type de prolapsus rectal, d'occlusion intes-
Syndrome de Miller tinale, de mégacôlon toxique, de perforation. Elles
Fischer s'observent plus fréquemment avec S. dysenteriae.
Arthrite Campylobacter, Le traitement comporte :
réactionnelle Salmonella sp., ■ la prévention et la prise en charge de la déshydratation ;
Uvéite Yersinia sp., Shigella ■ l'antibiothérapie (tableau 18.10), indiquée de façon sys-
flexneri tématique dans les toutes les formes d'infections à Shi-
Syndrome du côlon Shigelle, Salmonella, Rare chez l'enfant gella sp. Elle réduit la durée des symptômes, l'excrétion
irritable Campylobacter de la bactérie, donc le risque de transmission et le risque
Giardiase de complications. La culture de selles est normalement
MICI : maladie inflammatoire chronique de l'intestin ; SHU : syndrome négative 72 heures après le début de l'antibiothérapie.
hémolytique et urémique. L'éviction de la collectivité est impérative, le retour dans
la collectivité n'étant accepté que sur présentation d'un
certificat médical attestant de 2 coprocultures négatives à
Shigelles au moins 24 heures d'intervalle, au moins 48 heures après
Il existe 4 espèces de shigelles : l'arrêt du traitement.
■ S. dysenteriae sérotype 1 : espèce la plus virulente, res- La maladie n'est pas à déclaration obligatoire.
ponsable d'épidémies brutales parmi les populations vic- La prévention repose sur l'observation des règles d'hy-
times de catastrophes (guerre, séisme, etc.) ; giène alimentaires et d'hygiène des mains.
Chapitre 18. Infectiologie 481
.
Situations cliniques Indications thérapeutiques Molécule recommandée Alternative en cas d'allergie
Pathogènes
Diarrhée glairosanglante Pas de traitement Ceftriaxone 50 mg/kg/j IVL Ciprofloxacine 10 mg/kg × 2/j IV ou
fébrile non biologiquement antibiotique systématique Maximum 2 000 mg/j 15 mg/kg × 2/j PO
documentée Antibiotique si : × 3–5 jours en l'absence de Maximum 1 500 mg/j
Cibles principales : – sepsis, bactériémie localisation extradigestive × 3–5 jours en l'absence de localisation
– Shigella sp. – facteurs de risque: extradigestive
– Salmonella sp. • nourrisson < 3 mois
Autres entéropathogènes • immunodépression
possibles • drépanocytose
– Campylobacter sp. À débuter après la réalisation
– C. difficile de coproculture et
– E. coli entéropathogène hémoculture
– Yersinia ± PL si âge < 3 mois
Salmonella sp. Pas d'antibiothérapie Ceftriaxone : 50 mg/kg/j IVL Ciprofloxacine 10 mg/kg × 2/j IV ou
systématique Maximum 2 000 mg/j 15 mg/kg × 2/j PO
Antibiotique indiqué si : × 3–5 jours en l'absence de Maximum 1 500 mg/j
– S. typhi et paratyphi localisation extradigestive × 3–5 jours en l'absence de localisation
– sepsis, bactériémie Salmonellose récidivante chez extradigestive
– localisation extradigestive l'immunodéprimé : avis spécialisé
– enfants à risque :
• nourrisson < 3 mois
• drépanocytose
• immunodépression dont
corticothérapie
• MICI
Shigella sp. Indication formelle d'un Azithromycine 20 mg/kg/j PO × 3 jours Ceftriaxone dans les formes sévères ou
traitement antibiotique Maximum 500 mg en cas d'intolérance digestive : 50 mg/
même en cas de forme kg/j IVL × 3–5 jours
peu sévère ou de portage Maximum 2 000 mg/j
asymptomatique Ciprofloxacine 10 mg/kg × 2/j IV ou
15 mg/kg × 2/j PO × 3–5 jours
Maximum 1 500 mg/j
Campylobacter sp. Traitement indiqué unique- Azithromycine 20 mg/kg/j PO × 3 jours Ciprofloxacine 10 à 15 mg/kg × 2/j PO
ment chez les patients symp- Maximum 500 mg × 3 jours
tomatiques au moment du Infections récidivantes et infections Maximum 1 500 mg/j
résultat de la coproculture systémiques : avis spécialisé
Clostridium difficile Traitement indiqué en cas Diarrhée modérée à sévère : arrêt du Vancomycine PO 40 mg/kg/j en
de mise en évidence de la traitement antibiotique si possible 4 prises/j
toxine, chez l'enfant > 3 ans, Métronidazole (Flagyl®) PO : 30 mg/
en fonction de la clinique kg/j en 3 prises × 10 jours
Maximum 1 500 mg/j
Infections récidivantes, infection chez
l'immunodéprimé ou chez un patient
présentant une MICI : avis spécialisé
Yersinia sp. Formes sévères Cotrimoxazole PO 30 mg/kg/j Âge > 8 ans : doxycycline 4 mg/kg en
de sulfaméthoxazole en 2 prises 2 prises, maximum 200 mg/j
Ou ceftriaxone IV 50 mg/kg Âge < 8 ans : ciprofloxacine 10 à 15 mg/
Maximum 2 000 mg/j kg × 2/j PO, maximum 1 500 mg/j
Entamoeba histolytica Métronidazole (Flagyl®) PO 30–40 mg/ Tinidazole (Fasigyne®) 50 mg/kg × 5 jours
kg/j en 2 ou 3 prises × 7–10 jours Ou ornidazole (Tibéral®) 30 mg/kg
Maximum 1,5 g/j × 5 jours
Giardia intestinalis Métronidazole (Flagyl®) PO 30–40 mg/ Tinidazole (Fasigyne®) 50 à 70 mg/kg
kg/j en 2 ou 3 prises × 3–5 jours en prise unique (traitement minute)
Répéter éventuellement traitement Ou ornidazole (Tibéral®) 30 mg/kg
10 à 15 jours après × 5 jours
Ou albendazole (Zentel®) 400 mg/j en
prise unique × 3–5 jours
Cryptosporidium sp. Patients immunodéprimés Nitazoxanide
Avis spécialisé
IVL : intraveineuse lente ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l'intestin ; PL : ponction lombaire ; PO : Per Os.
482 Partie II. Spécialités
Terrain à risque
• Âge < 3 mois Diarrhée aqueuse Diarrhée sanglante Diarrhée sanglante
• Immunodéprimés fébrile ou non peu ou pas fébrile fébrile
• Drépanocytaires
• Maladies inflammatoires
du tube digestif
• Traitement symptomatique :
Contexte épidémiologique prévention et correction
de la déshydratation
• Épidémie en collectivité Traitement symptomatique Traitement symptomatique
• Contage avec sujet ayant • Coproculture : attendre les
Prévention et correction Prévention et correction
une shigellose avérée résultats
de la déshydratation de la déshydratation
• ± ATB : selon les résultats
de la coproculture
Retours de voyage
Fig. 18.22 Conduite à tenir en cas de diarrhée aiguë d'allure infectieuse sans signes de gravité. ATB : antibiothérapie.
Chapitre 18. Infectiologie 483
Les examens sérologiques n'ont pas de place dans l'ex- La durée d'incubation est élément d'orientation
ploration d'une diarrhée infectieuse aiguë. Leur intérêt étiologique :
réside éventuellement dans l'exploration des complications ■ virale : 1 à 3 jours ;
post-infectieuses (sérologie Campylobacter et syndrome de ■ bactérienne : 2 à 8 jours ;
Guillain-Barré). ■ parasitaire : 1 à 3 semaines.
La conduite à tenir devant une diarrhée du retour est détail-
lée dans la figure 18.23.
Enfant voyageur
La diarrhée est l'un des principaux motifs de consultation au
retour d'un pays tropical.
Dans une majorité de cas, il s'agit d'une diarrhée modérée
spontanément résolutive en moins d'une semaine dont la
Infections
principale complication est la déshydratation. ostéoarticulaires
Les agents le plus souvent incriminés sont les norovirus,
E. coli entérotoxinogène (turista), Campylobacter jejuni. Mattie Lorrot, Hubert Ducou Le Pointe,
Brice Illharreborde, Manon Bachy, Raphaël Vialle
Plus rarement, il peut s'agir de diarrhée à Shigella sp. ou à
Salmonella sp. La réalisation d'une coproculture avec anti- Les infections ostéoarticulaires (IOA) de l'enfant (ostéo-
biogramme est indispensable avant tout traitement antibio- myélite, arthrite septique, spondylosdiscite) sont des
tique compte tenu de l'évolution des résistances infections communautaires touchant le plus souvent
Chez l'enfant sans pathologie sous-jacente, les diarrhées para- l'enfant sans pathologie sous-jacente. Selon des données
sitaires (Giardia, Entamaoba histolytica, plus rarement encore PMSI récentes, leur incidence est évaluée à 22 cas pour
cryptosporidie) ou fongique (microsporidie) sont très rares. 100 000 enfants (80 pour 100 000 avant l'âge de 1 an) et
Les helminthes ne sont généralement pas responsables de chaque année, environ 3 000 enfants sont hospitalisés
diarrhées chez l'enfant immunocompétent. pour une IOA en France.
Diarrhée liquidienne fécale, modérée Diarrhée glairo-sanglante et/ou Diarrhée aqueuse afécale profuse
fièvre élevée ETEC (cyptosporidie, V. cholerae)
Persistance à J15
Refaire coproculture et EPS
Avis spécialisé
Fig. 18.23 Conduite à tenir devant une diarrhée de retour. ATB : antibiothérapie ; C3G : céphalosporine de 3e génération ; EPS : examen
parasitologique des selles ; ETEC : Escherichia coli entérotoxinogène ; PL : ponction lombaire. * Facteurs de risque : âge < 3 mois, immunodéprimé,
drépanocytaire.
484 Partie II. Spécialités
La gravité de ces infections est en rapport avec la viru- tion de la corticale osseuse par les artères périostées.
lence de certaines bactéries comme Staphylococcus aureus Dans les formes évoluées, l'os avasculaire devient
ou le streptocoque du groupe A, et la vulnérabilité de nécrotique avec la formation d'un séquestre (os nécro-
certains terrains sous-jacents (nouveau-nés, drépanocy- tique et avasculaire) responsable de la chronicisation
taires). Ces infections constituent des urgences médico- de l'infection.
chirurgicales et leur traitement est toujours débuté lors L'ostéomyélite est dite aiguë si les symptômes durent depuis
d'une hospitalisation initiale. Le pronostic des IOA moins de 15 jours. Le développement de l'infection peut
dépend de la rapidité et de la qualité de la prise en charge endommager le cartilage de croissance (ou cartilage de
initiale. Les risques sont, à la phase initiale de l'infection, conjugaison) des os longs, localisé à la jonction métaphyso-
le sepsis sévère et, à distance de l'infection, les séquelles épiphysaire, et entraîner des troubles définitifs de croissance
orthopédiques parfois définitives. de l'os atteint. Si l'infection initiale n'est pas traitée ou si elle
est mal traitée, l'ostéomyélite peut évoluer après plusieurs
semaines vers une ostéomyélite chronique caractérisée
Physiopathologie par des collections intra-osseuses souvent associées à des
séquestres osseux et à des fistules.
L'infection se fait par voie hématogène entraînant une ostéo-
myélite (infection de l'os), une arthrite septique (infection
de la synoviale articulaire) ou une spondylodiscite (infec- Arthrites aiguës
tion du disque intervertébral). Primitive
L'infection de la synoviale par voie hématogène entraîne
Ostéomyélite aiguë l'apparition d'un épanchement intra-articulaire. L'accumu-
Le site de l'infection est, le plus souvent, les métaphyses lation de pus dans la cavité articulaire génère une hyperpres-
les plus vascularisées des os longs (loin du coude et près sion néfaste à la vascularisation de l'épiphyse, notamment
du genou) à proximité du cartilage de croissance. Le au niveau de la hanche. Les substances libérées par les
ralentissement du flux vasculaire à la jonction métaphyso- polynucléaires neutrophiles sont toxiques pour le cartilage
épiphysaire favorise la fixation des bactéries et la rareté articulaire.
des macrophages dans la métaphyse favorise l'infection
(fig. 18.24). Secondaire à une ostéomyélite : ostéoarthrite
■ Le stade initial de l'ostéomyélite est caractérisé par un L'arthrite peut également être secondaire à la diffusion
œdème intra-osseux du tissu spongieux. Si l'infection d'une ostéomyélite :
progresse, elle diffuse à travers les canaux vasculaires ■ directement si la métaphyse est intra-articulaire (hanche,
de Havers et Volkmann vers la partie distale de la épaule, cheville) ;
diaphyse (risque de diaphysite et d'abcès intramédul- ■ en traversant le cartilage de croissance par les réseaux
laire), la corticale externe et le périoste (risque d'abcès vasculaires entre la métaphyse et l'épiphyse encore pré-
sous-périosté et d'extension de l'infection aux parties sents chez l'enfant de moins de 18 mois (chez l'enfant
molles). plus grand, ces réseaux sont séparés et le cartilage de
■ À la phase tardive, le périoste réagit en s'épaississant et croissance est avasculaire).
un abcès sous-périosté se constitue. L'augmentation de
la pression intra-osseuse peut diminuer la vascularisa-
Bactéries retrouvées (tableau 18.11)
Les connaissances sur l'épidémiologie des IOA ont beau-
coup évolué ces dernières années. Avec les techniques bacté-
riologiques classiques de mise en culture, le germe n'est isolé
Cavité
articulaire
ÉPIPHYSE
Tableau 18.11 Germes habituellement retrouvés
dans les infections ostéoarticulaires de l'enfant.
Cartilage
de croissance Infection Âge Germes
métaphysaire
< 3 mois Staphylocoque doré
Streptocoque du groupe B
Escherichia coli
MÉTAPHYSE
Haemophilus influenzae b (si non vacciné)
> 6 mois et Kingella kingae
< 5 ans Staphylocoque doré
Pneumocoque
DIAPHYSE Abcès sous-
Streptocoque du groupe A
périosté
> 5 ans Staphylocoque doré
Fig. 18.24 Physiopathologie de l'infection osseuse Streptocoque du groupe A
.
Chapitre 18. Infectiologie 485
que dans 50 % des ostéomyélites aiguës et que dans 30 % ■ Mobilisation douce des articulations possible.
des arthrites septiques. Les techniques de biologie molécu- Une douleur intense, un gonflement ou une rougeur, loca-
laire (PCR universelle 16S ou PCR spécifique d'une bacté- lisés ou diffus, d'un membre sont des signes de gravité
rie) permettent l'identification d'un ADN bactérien dans d'une IOA. Ces signes doivent faire rechercher en urgence
un prélèvement biologique profond (pus d'abcès, liquide une complication de l'ostéomyélite (arthrite septique
articulaire). Ces techniques ont l'avantage de pouvoir rendre associée, abcès sous-périosté, thrombophlébite septique),
un résultat positif malgré une antibiothérapie préalable ou demander un avis auprès d'un orthopédiste pédiatrique
de bactéries difficiles à cultiver comme Kingella kingae. En et débuter rapidement une antibiothérapie intraveineuse
aucun cas la biologie moléculaire ne dispense de faire des probabiliste.
cultures bactériologiques qui restent le « gold standard »
dans le diagnostic bactériologique de ces infections et per- Imagerie
mettent d'avoir un antibiogramme de la bactérie isolée utile En urgence
pour adapter l'antibiothérapie.
■ S. aureus a longtemps été le germe largement prédomi- ■ Les radiographies osseuses initiales sont normales ou
nant des IOA de l'enfant après la disparition des IOA à montrent un simple épaississement des parties molles.
Haemophilus influenzae capsulé b depuis la vaccination ■ Une échographie est réalisée en cas de suspicion clinique
systématique des jeunes nourrissons. S. aureus est res- d'abcès sous-périosté ou d'arthrite associée (avec doppler
ponsable d'IOA à tout âge et reste la bactérie la plus fré- en cas de suspicion de thrombophlébite).
quente après 5 ans. Il faut rechercher une porte d'entrée ■ L'IRM est parfois utile en urgence à la recherche de com-
cutanée (plaie, furoncles, varicelle). plications non vues par l'échographie et nécessitant un
■ K. kingae apparaît actuellement comme le premier traitement urgent.
pathogène responsable d'IOA de l'enfant entre 6 mois
et 4 ans avec une sévérité moindre que S. aureus. K. kin- Dans les premiers jours de prise en charge
gae est une bactérie commensale de l'oropharynx du Le diagnostic d'ostéomyélite est confirmé par :
jeune enfant, l'IOA est souvent favorisée par une infec- ■ les examens radiologiques :
tion virale ORL dans les jours précédents. La culture – scintigraphie osseuse au technétium montrant un
de cette bactérie est difficile et les prélèvements articu- foyer d'hyperfixation osseux métaphysaire (fig. 18.25),
laires reviennent souvent négatifs. La PCR universelle – IRM montrant des zones d'hyposignal T1 de la méta-
16S ou la PCR spécifique K. kingae réalisée dans le physe, hypersignal en T2 (fig. 18.26) et, éventuelle-
liquide articulaire ou dans un pus d'abcès améliore le ment, les complications ;
diagnostic bactériologique. ■ la bactériologie : hémoculture ou culture de pus d'abcès
■ Les IOA à pneumocoque sont peu fréquentes et positive (S. aureus +++).
devraient encore diminuer de fréquence suite à l'impact
de la vaccination pneumococcique conjuguée du nour- Arthrite septique
risson. Le streptocoque A, retrouvé dans 10 % des IOA,
est favorisé par la varicelle et entraîne des IOA graves Tableau de suspicion clinique
avec sepsis. Le streptocoque B et E. coli concernent ■ Douleur articulaire à la mobilisation.
les enfants âgés de moins de 3 mois et les salmo- ■ Limitation de la mobilisation articulaire du fait de la dou-
nelles mineures presque exclusivement les patients leur et de l'épanchement articulaire (flessum du genou,
drépanocytaires. abduction de hanche).
Diagnostic
Le diagnostic d'IOA être suspecté devant toute impotence
fonctionnelle fébrile d'apparition récente chez l'enfant et,
dès la suspicion d'IOA, tous les moyens sont mis en œuvre
pour débuter le traitement rapidement.
Les tableaux cliniques de ces infections sont variés, avec
des IOA de survenue brutale parfois accompagnées d'un
sepsis et des IOA subaiguës, parfois peu fébriles.
Ostéomyélite aiguë
Tableau de suspicion clinique
■ Douleur d'un membre entraînant une impotence fonc-
tionnelle partielle ou totale de ce membre.
■ Localisation préférentielle : extrémité inférieure du fémur
ou supérieure du tibia : Fig. 18.25 Scintigraphie osseuse chez un enfant de 12 ans pré-
– douleur spontanée localisée ; sentant une ostéomyélite aiguë de la métaphyse inférieure du
– palpation métaphysaire douloureuse. fémur gauche.
486 Partie II. Spécialités
Spondylodiscite aiguë
Les bactéries infectent le disque intervertébral, puis les pla-
teaux vertébraux sus et sous-jacents.
La localisation la plus fréquente est le rachis lombaire.
Imagerie en urgence
■ Les radiographies du rachis face et profil centrées sur
Fig. 18.26 IRM osseuse chez un enfant de 10 ans présentant une la zone douloureuse sont peu initialement peu par-
ostéoarthrite de hanche. Hypersignal en T2 épiphysaire du col fémo-
lantes. Elles montrent des anomalies de la statique
ral et métaphyso-diaphysaire de l'extrémité supérieure du fémur.
rachidienne (raideur, inclinaison), mais ne révèlent
pas d'anomalies du disque ni des corps vertébraux
dans les 2 premières semaines. On observe ensuite un
■ Gonflement et parfois rougeur de l'articulation. effacement du plateau vertébral, un pincement discal
■ Épanchement intra-articulaire (choc rotulien au genou). et, plus tardivement, une ostéolyse vertébrale de part
L'examen clinique des articulations profondes (hanche, et d'autre du disque.
épaule) est difficile et, au moindre doute, une imagerie ■ L'IRM est l'examen de référence pour le diagnostic
sera nécessaire (échographie). de la spondylodiscite et de ses complications, elle est
■ Palpation des métaphyses adjacentes indolore (à la le plus souvent à effectuer sans urgence dans les pre-
recherche d'une ostéomyélite). miers jours d'hospitalisation. L'IRM montre un hyper-
■ Localisation préférentielle : genou (45 % des cas). signal osseux de 2 vertèbres contiguës, la disparition
du signal aqueux du disque. Elle permet également
Imagerie en urgence la recherche des complications (abcès paravertébral,
■ Les radiographies osseuses initiales ne montrent pas compression médullaire, compression d'une racine
d'atteinte osseuse mais parfois des signes indirects nerveuse).
d'é panchement intra-articulaire : épaississement ■ La scintigraphie osseuse au technétium 99m, si elle
des parties molles, refoulement des liserés graisseux est réalisée, retrouve une hyperfixation de 2 vertèbres
périarticulaires, flou articulaire, élargissement de contiguës.
l'interligne.
■ L'échographie articulaire comparative (hanche +++)
objective un épanchement intra-articulaire. Diagnostic bactériologique
■ L'IRM permet la visualisation de l'atteinte des articu- Il repose sur l'isolement d'une bactérie par l'hémoculture.
lations profondes (sacro-iliaques, sternoclaviculaires, La ponction discovertébrale, recommandée chez
épaule), difficiles à évaluer à examen clinique et à l'adulte, est rarement effectuée chez l'enfant. Les spon-
l'échographie. dylodiscites du jeune enfant (avant 5 ans) sont rarement
■ La scintigraphie osseuse au technétium 99m n'est pas documentées et évoluent favorablement sous traitement
un examen à réaliser en urgence pour le diagnostic d'ar- antibiotique probabiliste. La ponction discovertébrale
thrite. Elle permet de localiser une IOA profonde mais est réalisée au mieux sous repérage scanner, elle peut
ne permet pas la visualisation précise des complications avoir certaines indications chez l'enfant plus grand
suppuratives (arthrite et abcès profonds) utile pour gui- afin de documenter l'infection et d'adapter au mieux
der un geste chirurgical. l'antibiothérapie.
néonatologie. À cet âge, le diagnostic d'IOA peut être très (nourrissons de moins de 3 mois, drépanocytaire, immu-
difficile avec un risque de retard de prise en charge exposant nodéprimés, etc.), les IOA graves d'emblée avec sepsis
ces jeunes nourrissons à des séquelles orthopédiques parfois ou avec des complications suppuratives au diagnostic.
définitives (atteinte du cartilage de croissance et du cartilage Ces IOA justifient de prendre un avis rapidement auprès
articulaire, nécrose de la tête fémorale). La hanche est la d'un centre référent dans la prise en charge des IOA
localisation la plus fréquente. Au moindre doute, il faut réa- de l'enfant.
liser une échographie de hanche qui, si elle est positive, doit
conduire à une ponction articulaire exploratrice et à l'ins-
tauration d'une antibiothérapie intraveineuse en urgence. Bilan avant de commencer
les antibiotiques
Tableau clinique Bilan inflammatoire
■ Fièvre absente (dans 50 % des cas) ou modérée. La polynucléose fait souvent défaut ; elle peut être élevée
■ Limitation douloureuse de la mobilisation (pleurs inex- dans les IOA à pneumocoque ou à streptocoque A. La CRP
pliqués lors des mobilisations, de l'habillage, du change- est supérieure à 20 mg/dL dans la plupart des IOA mais sa
ment des couches). normalité n'écarte pas totalement le diagnostic d'IOA.
■ Aspect pseudo-paralytique du membre avec position
anormale de l'articulation qui reste immobile.
■ Douleur et pleurs à la mobilisation articulaire.
Prélèvements bactériologiques (encadré 18.5)
Les prélèvements bactériologiques doivent toujours être
Imagerie effectués si possible avant de débuter l'antibiothérapie.
L'isolement d'une bactérie peut être réalisé par l'hémocul-
■ Les radiographies osseuses initiales sont caractérisées ture (une systématique et 2 rapprochées en cas de sepsis),
par : la ponction articulaire (systématique en cas d'arthrite) ou la
– une absence d'atteinte osseuse ; ponction osseuse (réalisée par certaines équipes). Les pré-
– un œdème précoce des parties molles ; lèvements profonds (ponction articulaire, ponction d'un
– des signes d'épanchement intra-articulaire : épaissis- abcès collecté, ponction osseuse métaphysaire) nécessitent
sement des parties molles, flou articulaire, élargisse- toujours une anesthésie générale chez l'enfant.
ment de l'interligne.
■ L'échographie montre un épanchement intra-articulaire.
Traitement antibiotique intraveineux de fracture. Son intérêt est très limité dans les ostéomyélites
initial aiguës d'évolution favorable. Elle peut avoir un intérêt à la
phase initiale de traitement d'une arthrite septique car elle
L'antibiothérapie intraveineuse probabiliste est secondaire- a un rôle antalgique et de lutte contre les attitudes vicieuses
ment adaptée à la bactérie isolée et à son antibiogramme. (flessum au niveau du genou). Les antalgiques majeurs
peuvent être utiles à la phase initiale.
Chez l'enfant de moins de 3 mois
L'antibiothérapie intraveineuse probabiliste efficace sur Sta-
phylococcus aureus, streptocoque B, Escherichia coli repose Suivi ultérieur
sur le céfotaxime 200 mg/kg/j en 4 injections/j associé à la La guérison est attestée par l'absence de récidive de la fièvre
gentamycine 6 mg/kg/j en 1 injection/j de 30 minutes. et des douleurs, et la normalisation du bilan inflammatoire.
Les rechutes et le passage à la chronicité sont exceptionnels
Chez l'enfant de plus de 3 mois si le diagnostic est précoce et la prise en charge adaptée. Le
suivi orthopédique est nécessaire pendant au moins un an
L'antibiothérapie intraveineuse probabiliste efficace sur Sta- pour surveiller la bonne croissance du membre atteint et la
phylocoque aureus, Kingella kingae, streptocoque A, pneumo- mobilité articulaire.
coque comporte céfazoline ou amoxicilline-acide clavulanique
150 mg/kg/j en 4 injections/j. La gentamicine 6 mg/kg/j pen-
dant 48 heures est ajoutée en cas de sepsis clinique.
taux augmente jusqu'à 500 par 100 000 lorsqu'un facteur de Elle dure environ une semaine, débute derrière les oreilles
risque supplémentaire est identifié. Entre 5 et 14 ans, seule et s'étend de la tête vers les pieds en 3 à 4 jours. La fièvre
la population à risque de grippe a un taux d'admission supé- décroît lorsque l'éruption s'est généralisée ; sa réapparition
rieur à la moyenne, estimé à 200 pour 100 000. La gravité doit faire craindre une surinfection bactérienne.
de la grippe chez l'enfant tient également à son expression
clinique, avec une fréquence importante des formes non Complications
respiratoires, en particulier digestives et neurologiques, à
l'origine d'un nombre important d'admissions. Complications respiratoires
Les enfants de moins de 6 mois sont protégés par les anti- ■ Elles sont avant tout virales : laryngites aiguës précoces,
corps transmis par la mère, à la condition que celle-ci ait été bronchites et pneumopathies, généralement d'évolution
vaccinée pendant la grossesse, conformément aux recom- simple mais parfois graves liées à une atteinte alvéolaire
mandations actuelles françaises. diffuse (SDRA).
■ Il peut s'agir également de surinfections bactériennes : cer-
taines sont fréquentes (otites purulentes) ; d'autres sont plus
Rougeole rares sous nos climats mais hautement redoutables chez
La rougeole est une maladie infectieuse éruptive de l'arbre certains enfants notamment dénutris : infections pleuropul-
respiratoire d'origine virale (Paramyxovirus). monaires à Haemophilus, pneumocoque ou staphylocoque.
Infection strictement humaine, elle est théoriquement
éradicable par la vaccination, à la condition que des taux éle- Complications neurologiques
vés de couverture vaccinale soient obtenus (> 95 %) compte ■ L'encéphalite aiguë rougeoleuse survient avec une fré-
tenu de l'extrême contagiosité de la maladie. quence de 1 pour 1 000 cas de rougeole :
L'insuffisance des taux de couverture obtenus depuis - il s'agit d'une leuco-encéphalite périveineuse avec
30 ans en Europe et notamment en France explique les flam- démyélinisation ;
bées épidémiques régulières qui sont encore observées. - elle survient en période aiguë éruptive, vers le 2e ou
Ses complications, principalement respiratoires et neu- 7e jour après le début de l'exanthème ;
rologiques, font la gravité de la maladie car elles peuvent - aux troubles de la conscience s'ajoutent divers signes
conduire à des séquelles ou des décès. Si elles sont rares dans neurologiques non spécifiques ;
les pays à haut niveau socio-économique, elles sont encore - le décès peut survenir dans 15 à 20 % des cas et les
fréquentes dans le Tiers-Monde où elles demeurent un fac- séquelles (intellectuelles, neuro-déficitaires) peuvent
teur majeur de mortalité et de morbidité infantile. être observées dans un tiers des cas.
La rougeole est plus sévère chez le nourrisson (avant 1 an) ■ La panencéphalite sclérosante subaiguë (de Van Bogaert)
mais les enfants de moins de 6 mois peuvent être protégés est une complication très retardée de la rougeole (5 à
par les anticorps transmis par la mère, à la condition que 10 ans après la rougeole maladie). Elle est évoquée devant
celle-ci soit immune, après maladie ou vaccination. Elle est la survenue de troubles du comportement qui précèdent
également plus sévère chez l'adulte, en particulier la femme l'apparition de mouvements anormaux (hyperkinésie
enceinte et les sujets immunodéprimés. périodique des membres supérieurs et de la tête). L'évo-
lution est fatale en 1 à 2 ans dans un tableau d'hypertonie
Transmission généralisée.
La transmission se fait principalement par voie aérienne
(microgouttelettes de salive provenant des sujets infectés Diagnostic biologique de confirmation
qui toussent) pendant la période de contagiosité du malade,
comprise entre les 5 jours qui précèdent et les 5 jours qui
suivent le début de l'éruption.
La gravité de la maladie et son extrême contagiosité justifient
L'immunité obtenue après maladie ou vaccination est que sa confirmation biologique soit systématiquement exigée en
solide et définitive. cas de suspicion clinique de rougeole suivie de sa déclaration
obligatoire à l'ARS.
Clinique
Après exposition, l'incubation est de 7 à 18 jours. La maladie
débute alors par une phase dite d'invasion 2 à 4 jours avec Les méthodes diagnostiques directes reposent sur la
fièvre élevée, catarrhe diffus : détection du virus par amplification de l'ARN viral par RT-
■ oculaire (conjonctivite, œdème palpébral, yeux bouffis) ; PCR à partir des sécrétions salivaires, buccales ou respira-
■ nasal (rhinorrhée) ; toires (écouvillonnage ou aspiration) prélevées pendant une
■ trachéobronchique (toux) ; période comprise entre 3 jours avant le début de l'éruption
■ digestif (diarrhée, douleurs abdominales). jusqu'à 1 semaine après le début de l'éruption. L'identifica-
L'énanthème buccal (inconstant) ou signe de Koplick sur- tion virale est également possible à partir du sang (virémie).
vient 24 ou 48 heures après le début du catarrhe, et disparaît Le diagnostic indirect par sérologie (détection des IgM
24 à 48 heures après le début de l'éruption. rougeole) dans le sang du sujet est la technique de référence.
L'éruption est maculopapuleuse, non prurigineuse, Elle se pratique sur un seul prélèvement en phase aiguë et se
avec des zones confluentes et des intervalles de peau saine. positive à partir de 3 jours après le début de l'éruption.
494 Partie II. Spécialités
peau (douches au savon à l'eau tiède, séchage doux en tam- ■ Seule une vaccination ciblée (cf. infra Vaccinations :
ponnant avec une serviette individuelle propre), application rationnel immunologique, réponses aux questions des
locale d'antiseptiques et colorants, antihistaminiques oraux parents) est actuellement recommandée en France.
en cas de prurit, paracétamol oral (l'ibuprofène et l'aspirine
sont contre-indiqués) pour le confort en cas de fièvre, anti- Zona
biothérapie rapide (amoxicilline-acide clavulanique) en cas Le zona ne se rencontre que chez les sujets ayant déjà fait la
de surinfection cutanée suspecte ou patente. Sont formel- varicelle, sauf dans les exceptionnels cas de varicelle in utero
lement proscrits tous les produits poudrés (à base de talc) où le zona peut être la première manifestation observée
réputés calmer le prurit ou contenant des antiseptiques car chez l'enfant. On retrouve parfois un facteur déclenchant à
ils ont été associés à la survenue de surinfections cutanées l'apparition cette réactivation : maladie infectieuse (grippe,
sévères. pneumonie, tuberculose, etc.), stress, fatigue, intoxication,
L'usage curatif des antiviraux (aciclovir IV en urgence traumatisme, maladie maligne (hémopathie, métastase
milieu hospitalier) n'est indiqué que dans les situations rachidienne, etc.). Bien souvent, aucune cause déclenchante
suivantes : n'est retrouvée.
■ sujet immunodéprimé, quel que soit son type d'immuno- Les lésions du zona sont moins contagieuses que celles
suppression, congénitale ou acquise ; de la varicelle car la quantité de virus excrétée à leur niveau
■ nouveau-né dont la mère débute sa varicelle dans une est plus faible. Cependant, ces lésions sont réellement conta-
période courte allant de 2 jours avant l'accouchement à gieuses, au moins à leur début, et sont susceptibles d'entraî-
5 jours après la naissance (risque de varicelle néonatale ner une varicelle chez un sujet non immun (n'ayant pas fait
sévère) ; la varicelle). En revanche, elles n'entraînent pas de zona car
■ formes sévères ou compliquées. la réactivation virale est un phénomène intrinsèque à l'indi-
L'aciclovir oral n'a pas d'indication dans la varicelle non vidu porteur du virus à l'état de latence et ne provient donc
compliquée de l'enfant. Toutefois, certains experts le recom- pas d'une contamination externe.
mandent pour les sujets par ailleurs sains, mais à risque de
varicelle modérée à sévère tels que : Clinique
■ adolescents > 12 ans ; Zona intercostal
■ pathologies cutanées ou pulmonaires chroniques ;
■ traitements courts ou intermittents par aérosol de Dans sa forme typique, il réalise une éruption ayant une
corticoïdes ; topographie précise, le plus souvent unilatérale.
■ cas secondaires intrafamiliaux pour lesquels la maladie ■ L'invasion (24–48 heures) est marquée par un syndrome
est d'habitude plus sévère que dans le cas principal. infectieux discret (fièvre, malaise, céphalées), une dou-
Les posologies pédiatriques de l'aciclovir dans la varicelle leur localisée au territoire de la future éruption, une adé-
sont : nopathie satellite (ici axillaire homolatérale) sensible.
■ pour la forme IV : ■ L'éruption qui suit est caractéristique par sa topographie :
– chez le nouveau-né : 20 mg/kg/8 h pendant 14 jours unilatérale, répartie en trois bouquets d'apparition suc-
(formes cutanées) ou 21 jours (formes systémiques ou cessive, latérovertébral, axillaire moyen et parasternal,
neuroméningées), de topographie hémicirculaire, radiculaire, horizontale,
– entre 3 mois et 12 ans : 250 mg/m2/8 h (environ 10 mg/ coupant la ligne des côtes, discontinue. Des éléments
kg/8 h), aberrants peuvent s'observer sur d'autres territoires.
– sauf encéphalite à VZV : 500 mg/m2/8 h ; ■ Les signes associés sont :
■ pour la forme orale : 80 mg/kg/j à répartir en 4 prises – neurologiques, portant sur le territoire de l'éruption :
pendant 5 jours. hypoesthésie, anesthésie douloureuse, hyperesthésie
périphérique, troubles dits sympathiques : vasomo-
teurs (rougeur ou pâleur), sécrétoires (sudation dimi-
Traitement préventif nuée ou exagérée), thermiques (augmentation de la
■ Il n'y a aucune AMM ni recommandation officielle pour chaleur locale) ;
l'utilisation des antiviraux en prophylaxie. – un syndrome méningé, uniquement biologique le plus
■ L'immunoprophylaxie passive, traitement préventif par souvent et sans conséquence clinique.
immunoglobulines spécifiques anti-VZV (Varitect®, 5 à
25 UI/kg voie IV dans les 96 heures suivant le contage), Autres localisations
est indiquée en urgence en milieu hospitalier (sous ATU Elles sont également unilatérales et souvent réparties en
nominative) dans certaines situations : 3 bouquets plus ou moins jointifs.
– enfants et adultes immunodéprimés ; Selon leurs topographies, on distingue les zonas :
– nouveau-nés dont la mère a eu la varicelle dans les ■ abdominaux :
5 jours avant ou les 2 jours après l'accouchement ; – lombo-inguinal (région inguinale et organes génitaux
– prématurés (hors contage maternel) qui doivent rester externes),
longtemps à l'hôpital ; – lombofémoral (face supéroexterne de la cuisse) ;
– prématurés d'âge gestationnel < 28 semaines ou poids ■ sacrés :
de naissance < 1 000 g quel que soit le statut maternel ; – sacro-ischiatique (fesse, sacrum et périnée),
– femmes enceintes (recommandation de l'académie – périnéo-génital (périnée, marge anale, organes géni-
américaine de pédiatrie). taux externes, urètre) ;
498 Partie II. Spécialités
épidémique n'a pas de traduction hématologique clinique. Infections récidivantes et/ou inhabituelles
Chez les sujets dont la demi-vie des globules rouges est rac- Certaines infections doivent interpeller le clinicien en fonc-
courcie (drépanocytose homozygote SS et SC, maladie de tion de leur fréquence anormalement élevée, de leur gravité
Minkowski-Chauffart, thalassémie, etc.) survient une crise ou évolution inhabituelle, et du germe mis en évidence.
aiguë transitoire érythroblastopénique se traduisant par une Les principaux cas rencontrés sont détaillés ci-dessous de
anémie aiguë sévère arégénérative dont l'unique traitement manière non exhaustive :
est la transfusion en urgence. Chez les sujets immunodépri- ■ infections récurrentes des voies aériennes supérieures
més, l'infection est chronique (anémie chronique arégénéra- et inférieures, suivant les critères suivants :
tive). Chez le fœtus, la primo-infection maternelle à PVB19 – plus de 8 otites/an chez un enfant de moins de 4 ans3,
provoque pendant la grossesse des avortements spontanés – plus de 4 otites/an chez un enfant de plus de 4 ans3,
précoces (1er trimestre) ou des anémies fœtales tardives avec – persistance des otites après l'âge de 5 ans,
anasarque fœtoplacentaire et mort in utero. – plus de 2 pneumonies ou 2 sinusites/an ;
Le diagnostic n'est justifié qu'en cas de complication et ■ un seul épisode d'infection invasive à germes encapsulés
repose sur la sérologie spécifique IgM et IgG. (Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis, Hae-
mophilus influenzae b) ;
■ infections bactériennes ou fongiques récidivantes ;
■ infections inhabituelles et/ou d'évolution inhabituelle :
Que faire devant germes opportunistes, diarrhée infectieuse incoercible,
des infections sévères candidose cutanéomuqueuse chronique, réaction anor-
male à la vaccination par le BCG (BCGite même d'évolu-
ou inhabituelles ? tion spontanément favorable), infection à EBV sévère ou
chronique.
Mathieu Fusaro, Jérémie Rosain, Capucine Picard
Les déficits immunitaires héréditaires (DIH) ont une fré- Autres signes à rechercher
quence cumulée de 1/4 000 naissances. Il s'agit d'un groupe D'autres signes cliniques sont à rechercher lors de l'examen
de maladies monogéniques hétérogènes sur les plans géné- clinique, leur présence doit faire évoquer un DIH :
tique, clinique et pronostique. Ils peuvent exposer à une ■ retard ou cassure de la courbe staturo-pondérale ;
susceptibilité accrue aux maladies infectieuses avec un ■ anomalies des phanères : eczéma, cicatrices d'infections
spectre infectieux pouvant être large ou limité à un seul ou de vaccination par le BCG, verrues profuses, can-
groupe, voire à une seule espèce de micro-organisme didose chronique, télangiectasies, état buccodentaire,
(p. ex. méningocoque, pneumocoque, ou mycobactérie). aspect des cheveux ;
Ils sont à évoquer systématiquement devant un tableau ■ signes d'auto-immunité : hématologique, systémique ou
d'infections sévères ou inhabituelles. Les DIH peuvent spécifique d'organe ;
également se manifester par d'autres atteintes telles que de ■ syndrome lymphoprolifératif : adénopathies, splénomé-
l'auto-immunité, de l'auto-inflammation, des granulomes, galie, hépatomégalie ;
des allergies sévères, des néoplasies ou de l'hémophagocy- ■ retard de chute du cordon ombilical (> 4 semaines) ;
tose. Les infections et autres complications peuvent engager ■ syndrome dysmorphique ou malformatif ;
le pronostic vital ou conduire à des atteintes irréversibles ■ complications sinusiennes et/ou pulmonaires.
d'organes et justifient donc la nécessité d'un diagnostic et
d'une prise en charge précoces. Il convient de connaître
les signes d'alertes ainsi que le bilan de 1re intention à effec- Examens de 1re intention
tuer pour orienter le diagnostic. Par la suite, le recours à un
immunologiste spécialisé est recommandé. Bien qu'étant Ils correspondent à des examens simples mais très infor-
une cause d'infections à répétition, les déficits immunitaires matifs pouvant être facilement mis en œuvre même en
acquis (infection par le VIH, traitements immunosuppres- consultation non spécialisée. L'examen attentif de leur résul-
seurs) ne sont pas abordés ici. Il est nécessaire de les exclure tat permet d'orienter la démarche diagnostique. Ils peuvent
avant de mettre en œuvre des investigations plus poussées. être complétés en fonction du contexte clinique par d'autres
examens plus spécialisés.
lymphopénie, une anémie, une thrombopénie, une mono- ■ radiographie du thorax à la recherche d'une ombre thy-
cytopénie, une hyperéosinophilie. mique : absence d'ombre thymique en cas de syndrome
La présence d'une lymphopénie doit être contrôlée de Di George complet ou de déficit immunitaire combiné
quelques jours plus tard. sévère (DICS) ;
■ échographie abdominale à la recherche d'une asplénie.
Des anomalies dans ces tests complémentaires orientent Exploration des fonctions phagocytaires
vers un déficit immunitaire combiné (DIC) pour lesquels
les explorations supplémentaires dépendent du phénotype
Infections tissulaires : étude de l'explosion
clinique (infections à germes opportunistes, infection oxydative
sévère à EBV, malformations cardiaques et hypocalcémie, L'étude de l'explosion oxydative (production d'espèces
anomalies de l'émail dentaire, signes de dysplasie ectoder- réactives de l'oxygène) après activation des polynucléaires
male, etc.) et des résultats des explorations biologiques neutrophiles (PNN) permet le dépistage de la granuloma-
(lymphopénie T CD4, lymphopénie T CD8, syndrome tose septique chronique (CGD). Le test par réduction de
d'hyper-IgM, etc.). la dihydrorhodamine (DHR) effectué en cytométrie de
flux remplace progressivement le test historique au nitro-
bleu de tétrazolium (NBT test). Un diagnostic de CGD est
Absence de lymphocytes B à évoquer devant des infections tissulaires bactériennes
Une absence complète de lymphocytes B associée à une ou fongiques, notamment si les germes appartenant aux
diminution profonde des Ig oriente vers un diagnostic genres suivants sont impliqués : Staphylococcus, Aspergil-
d'agammaglobulinémie qui se caractérise par un défaut de lus, Burkholderia, Serratia, Nocardia, etc. Par ailleurs, une
production d'anticorps affectant tous les isotypes. Le déficit BCGite est souvent le premier signe clinique identifiable
en BTK ou agammaglobulinémie de Bruton, de transmis- chez l'enfant en bas âge ; un test DHR est recommandé
sion récessive liée à l'X, en est la forme la plus fréquente. devant ce type de réaction au BCG même d'évolution
Des mutations dans d'autres gènes de transmission autoso- favorable.
mique récessive peuvent être à l'origine du même tableau
clinicobiologique. Déficit d'adhésion leucocytaire
Le déficit d'adhésion leucocytaire affecte la capacité des
Lymphopénie B et/ou NK granulocytes à migrer dans les tissus. Il se manifeste par un
Une lymphopénie B isolée peut orienter vers un défaut de retard de chute du cordon ombilical (> 4 semaines)4, des
l'immunité humorale. Une lymphopénie B et NK peut révé- infections bactériennes et fongiques et, biologiquement, par
ler un déficit en GATA2 (une monocytopénie est fréquem- une hyperleucocytose par polynucléose neutrophile pou-
ment associée). vant être massive en cas d'infection. L'étude de l'expression
membranaire des molécules d'adhésion leucocytaire (CD11,
CD18) par cytométrie de flux permet d'en faire le diagnostic.
Lymphopénie B mémoire : déficit immunitaire
commun variable (DICV) Infection à germes encapsulés :
Le DICV est un groupe hétérogène de pathologies caractéri- exploration du complément
sées par une hypogammaglobulinémie portant sur les IgG et
Un seul épisode de méningite ou septicémie à germe
les IgA et/ou les IgM avec la présence de lymphocytes B cir-
encapsulé doit faire réaliser un bilan immunitaire incluant
culants, mais une production d'anticorps spécifiques faible
une exploration du complément. Le défaut génétique peut
ou absente après une immunisation. Le diagnostic est posé
toucher la voie classique, la voie alterne ou le complexe
le plus souvent entre 20 et 40 ans. Cette pathologie est très
d'attaque membranaire. Il est donc important de prescrire
hétérogène car il y a actuellement plus de 30 gènes respon-
un CH50 (étudiant la fonctionnalité de la voie classique et
sables de DICV, mais seuls 2 à 10 % des patients ont une
de la voie terminale) et, en cas d'infection à méningocoque
cause génétique identifiée. Les patients atteints de DICV
ou à pneumocoque, l'AP50 qui explore la fonctionnalité
peuvent présenter les manifestations cliniques suivantes :
de la voie alterne. En cas d'infection à germe encapsulé,
■ infections répétées, surtout ORL et pulmonaires ;
il est également nécessaire d'éliminer une asplénie et un
■ auto-immunité : cytopénies auto-immunes (anémie,
déficit immunitaire humoral (hypogammaglobulinémie)
neutropénie, thrombopénie) mais également maladie de
(encadré 18.6).
Biermer, thyroïdite ou connectivite ;
■ syndrome lymphoprolifératif (adénopathies généralisées
et/ou splénomégalie) ; Syndrome d'hyper-IgE autosomique
■ diarrhées chroniques : infections par des parasites (Giar- dominant
dia) ou des bactéries (Campylobacter, Salmonella) ; une Des infections cutanéomuqueuses (candidose, abcès froids
hyperplasie nodulaire lymphoïde peut être retrouvée ; bactériens) et/ou des pneumopathies doivent faire évoquer
■ granulomatose pouvant compliquer le diagnostic. En le diagnostic de syndrome d'hyper-IgE autosomique domi-
effet, la présence de granulomes oriente habituellement nant (ou syndrome de Job-Buckley) par déficit en STAT3.
vers la sarcoïdose, beaucoup plus fréquente, mais asso- Ces infections récurrentes sont associées à une dysmorphie
ciée à une hypergammaglobulinémie. faciale, une dermatite, une hyperlaxité, une rétention des
Les patients atteints de DICV ont des déficits immu- dents de lait et une ostéopénie. Sur le plan biologique, les IgE
nologiques affectant majoritairement les lymphocytes
B (B > 1 % avec une hypo-IgG associée soit à une hypo-IgA,
soit à une hypo-IgM). L'immunophénotypage des lympho- Il existe d'autres causes de retard de chute de cordon, notamment
4
cytes B retrouve un défaut partiel des B mémoires commu- la persistance du canal de l'ouraque qui peut être recherchée par
tés (CD27 + IgD-). échographie.
502 Partie II. Spécialités
Bases immunologiques
Syndrome d'Evans Les vaccins à usage humain sont des préparations conte-
■
Association d'une anémie hémolytique auto-immune et d'un nant des substances antigéniques destinées à induire chez le
purpura thrombopénique idiopathique sujet auquel elles sont administrées une immunité spécifique
■
Diagnostic d'exclusion contre un agent infectieux donné, qu'il soit bactérien, viral,
■
Peut être associé à une hypogammaglobulinémie, des anoma- voire parasitaire, ou bien contre des substances sécrétées par
lies du phénotypage lymphocytaire ou une organomégalie
■
Risque de cytopénie auto-immune 120 fois plus élevé chez les
l'agent infectieux (toxines par exemple).
patients ayant un DIH
■
Peut être révélateur d'un syndrome lymphoprolifératif auto- Nature des vaccins
immun (défaut d'apoptose) ou d'autres DIH associés à de
l'auto-immunité
Les préparations vaccinales ont des compositions variables
selon le type de vaccin. Il peut s'agir (tableau 18.12) :
■ de l'agent infectieux en entier (virus ou bactéries) vivant
mais dont la virulence a été réduite après mutations (vac-
Diagnostic génétique cins atténués) ;
■ de l'agent infectieux entier (virus ou bactéries) mais tué
Le diagnostic génétique de DIH permet d'établir le diag et donc inapte à la multiplication du fait d'un traitement
nostic de certitude. Il présente également un intérêt pro- physique ou chimique préalable (vaccins inactivés) ;
nostique et thérapeutique et peut permettre la mise en place ■ d'un ou plusieurs antigènes, spécifiques de l'agent infec-
d'un traitement (allogreffe de cellules-souches hématopoïé- tieux, obtenus après extraction et modification ou fabri-
tique, thérapie génique ou autre thérapie ciblée) ou d'une cation de novo (vaccins sous-unitaires).
Chapitre 18. Infectiologie 503
Tableau 18.12 Les différents types de vaccins. Les contacts ultérieurs génèrent, par la mise en jeu de ces
cellules mémoires, une réponse dite secondaire, plus rapide,
Nom : valence ou maladie Nature du vaccin
plus intense et plus spécifique, faite immédiatement d'IgG
D = diphtérie (d = adulte) Sous-unitaire (anatoxine) et d'IgA.
T = tétanos Sous-unitaire (anatoxine) Le rôle des anticorps vaccinaux est de reconnaître et de
s'assembler aux épitopes de l'agent infectieux pour le neutrali-
Ca = Coqueluche acellulaire Sous-unitaires
(ca = adulte) ser, faciliter sa phagocytose (opsonisation) ou sa lyse cellulaire.
La réponse cellulaire fait intervenir les cellules T (CD4 +
P = polio IPV Inactivé
et CD8 +) par des actions spécifiques : cytotoxicité cellu-
Polio OPV Atténué
laire, activation des cytokines (en particulier interféron
Hib = Haemophilus influenzae b Sous-unitaire gamma) et également par une coopération entre ces mêmes
HB = hépatite B Sous-unitaire cellules (activation réciproque) contribuant à renforcer la
VPC13 = pneumocoque Sous-unitaires réponse immunitaire.
conjugué 13-valent La purification de plus en plus poussée des vaccins (vac-
cins sous-unitaires) a permis d'en améliorer la tolérance et la
Vaccin pneumocoque Sous-unitaires
non conjugué 23-valent
sécurité mais a eu pour corollaire une baisse générale de leur
immunogénicité rendant indispensable l'adjonction de subs-
MenCc = méningocoque Sous-unitaires
tances dites adjuvantes (hydroxyde ou phosphate d'aluminium
C conjugué
le plus souvent). L'adjuvant agit en stimulant l'immunité innée
ROR (R = rougeole ; Atténués (notamment en permettant l'afflux de cellules immunologi-
O = oreillons ; R = rubéole) quement compétentes) en préalable à la mise en place d'une
HPV = papillomavirus humains Sous-unitaires réponse immune adaptative qui devient plus forte et spéci-
Men ACWY = méningocoque Sous-unitaires fique. La cellule clé dans ce processus est la cellule dendritique.
ACWY conjugué
Men B Sous-unitaires Nature de l'immunité
BCG = tuberculose Atténué La nature de l'immunité active spécifique induite par le vac-
cin varie en fonction du type du vaccin utilisé et du type
Rotavirus Atténué
d'antigène vaccinal.
Varicelle Atténué
Zona Atténué/sous-unitaire Vaccins atténués ou vivants
Grippe saisonnière – nasal Atténué Ils réalisent une infection a minima et induisent une immu-
Grippe saisonnière – injectable Sous-unités nité de même nature que celle conférée par la maladie.
Celle-ci est le plus souvent mixte, humorale et cellulaire.
Hépatite A Inactivé
Typhoïde Sous-unitaire Vaccins inactivés et vaccins sous-unitaires
Rage Inactivé Ils induisent une réponse essentiellement humorale. Une
Fièvre jaune Atténué réponse cellulaire a pu également être mise en évidence
pour certains vaccins (Haemophilus influenzae sérotype b,
Leptospirose Inactivé
hépatite B et coqueluche). L'immunité cellulaire engendrée
Encéphalite japonaise Inactivé par le vaccin hépatite B est durable (> 10 ans).
Encéphalite à tique Inactivé ■ Les antigènes protéiques sont thymodépendants (p. ex.
anatoxines) et donnent lieu à une réponse primaire faible
(IgM) puis secondaire forte (IgG) qui se renforce après
Réponse immune les injections ultérieures (effet rappel).
■ Les antigènes capsulaires polyosidiques (ou polysaccha-
La réponse immune post-vaccinale a pour effet d'éviter ou ridiques) sont thymo-indépendants et donnent lieu à une
parfois simplement d'atténuer la maladie naturelle ou ses réponse faible, lente, uniquement primaire et sans effet
conséquences délétères lors d'un contact éventuel ultérieur rappel. Leur conjugaison avec des antigènes protéiques
avec l'agent infectieux. Elle est plus ou moins proche de celle thymodépendants augmente leur immunogénicité en
induite par l'agent infectieux lui-même et peut mettre en jeu réponse primaire et leur confère un effet mémoire ampli-
par étapes successives l'immunité cellulaire et humorale. fiant de façon durable la qualité et l'intensité de la réponse
L'antigène vaccinal est d'abord capté par la cellule pré- secondaire du rappel (vaccin Haemophilus influenzae b,
sentatrice d'antigène (cellule dendritique) qui le dégrade vaccins pneumococcique et méningococcique conjugué).
en peptides pouvant se lier spécifiquement aux antigènes
du complexe majeur d'histocompatibilité avant d'activer les
lymphocytes (CD4 + et CD8 +). Protection vaccinale et efficacité
Le premier contact avec l'antigène produit une réponse
anticorps dite primaire qui met en jeu la synthèse rapide Protection vaccinale
d'IgM puis, par commutation isotypique, une synthèse plus Les vaccins viraux atténués n'exigent le plus souvent qu'une ou
lente d'IgG et d'IgA et la production de cellules B mémoires. deux doses pour conférer une protection optimale et durable.
504 Partie II. Spécialités
Évaluation de l'efficacité
Celle-ci s'effectue par : Contre-indications
■ le dosage des anticorps post-vaccinaux ;
■ la mesure du taux de protection (études cliniques cas- Toute vaccination est un acte médical qui doit être expliqué
contrôle et prospectives et comparatives avec placebo ou par le médecin et compris par la famille au terme d'un entre-
autres vaccins). tien adapté ; l'acte vaccinal doit être consigné sur les pages
« vaccinations » du carnet de santé qui tient lieu de certificat.
Les contre-indications vaccinales doivent être recher-
Efficacité et âge de la vaccination
chées lors de l'entretien. Elles sont en réalité très limitées.
■ Avant l'âge de 2 ans, la réponse immune aux antigènes ■ contre-indications générales :
thymo-indépendants comme les antigènes polyosidiques – les vaccins sont contre-indiqués en cas de survenue
non conjugués (antigènes capsulaires des pneumocoques, lors d'une vaccination antérieure de signes évoquant
Haemophilus influenzae b et méningocoques) est imma- une hypersensibilité à l'un de ses composants,
ture et donc inefficace. Ce type d'antigène peut être pré- – les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués
cocement et durablement efficace s'il est conjugué avec en cas de déficit immunitaire congénital ou acquis,
un antigène protéique thymodépendant (p. ex. polyoside immunosuppression thérapeutique, infection néopla-
capsulaire PRP d'Haemophilus influenzae b couplé avec sique en cours de traitement, infection à VIH,
une anatoxine tétanique). – enfin, le calendrier vaccinal 2019 précise : « L'existence
■ Elle dépend aussi, chez le nourrisson, de la présence d'an- d'une maladie fébrile ou d'une infection aiguë modérée
ticorps maternels neutralisants : à sévère ne contre-indique pas la vaccination mais peut
– certains anticorps maternels transmis ont un effet pro- conduire à la différer de quelques jours. La présence d'une
tecteur vis-à-vis de la maladie et du vaccin entraînant infection mineure et/ou d'une fièvre de faible intensité ne
un échec vaccinal lorsqu'ils sont à un taux élevé dans doit pas entraîner le report de la vaccination. » Le risque
le sérum (p. ex. anticorps rougeoleux maternels pro- ici n'est pas une mauvaise tolérance ou une inefficacité
tégeant le nourrisson au cours des 6 premiers mois et du vaccin mais simplement d'attribuer à tort au vaccin
rendant inefficace la vaccination avant cet âge) ; des symptômes liés à la maladie en évolution ;
– à l'inverse, cette protection est nulle pour la coqueluche ■ contre-indications spécifiques :
en l'absence de vaccination maternelle pendant la gros- – les vaccins anatoxiniques et polyosidiques n'ont pas de
sesse et limitée à 2 mois pour le tétanos et la diphtérie. contre-indication spécifique,
– tous les vaccins coquelucheux acellulaires (com-
Protection individuelle et collective binaisons vaccinales avec D, T, P, Hib, et HB), ont
La protection induite par la vaccination peut être : comme contre-indication chez le nourrisson l'anté-
■ directe et individuelle : immunité post-vaccinale ; cédent d'encéphalopathie d'étiologie inconnue dans
■ indirecte et collective : réduction de la transmission les 7 jours suivant une vaccination antérieure avec
interhumaine au sein d'une collectivité par une immunité un vaccin contenant la valence coquelucheuse. Cer-
dite de groupe. Exemples : taines de ces combinaisons (les plus récentes) ajoutent
– le vaccin pneumococcique, également l'existence de troubles neurologiques non
– l'obtention d'une immunité collective au prix de rap- contrôlés et/ou la notion d'épilepsie non contrôlée,
pels tardifs chez l'adolescent et l'adulte permettant – en revanche, les néphropathies, l'insuffisance
de protéger les jeunes nourrissons les plus fragiles cardiaque ou respiratoire, les maladies dermato-
d'une contamination par leur entourage (stratégie du logiques (y compris l'eczéma) ne sont pas des contre-
« cocooning ») (p. ex. coqueluche, grippe). indications (éviter cependant de vacciner lors d'une
Chapitre 18. Infectiologie 505
période de poussée de la maladie, afin de ne pas ris- immune primaire initiale ait eu le temps de s'effectuer
quer d'attribuer à tort au vaccin des événements liés à (immunité mémoire). Le minimum toléré et validé est de
la maladie…), 4 mois pour obtenir un effet rappel de qualité ;
– les contre-indications spécifiques de chaque vaccin ■ la France a fait le choix en 2013 de réduire son schéma
sont régulièrement remises à jour au niveau du texte de primovaccination à 2 doses espacées de 2 mois mais
de l'AMM (cf. dictionnaire Vidal ou site de l'ANSM) ; en le débutant le plus tôt possible, dès l'âge de 2 mois afin
■ fausses contre-indications ou « mesures de précaution ». de protéger le plus rapidement contre la coqueluche. La
Des effets indésirables allégués se sont révélés non fondés conséquence a été d'avancer l'âge du rappel passant de
après enquêtes et avis des agences sanitaires : 16 mois (délai suffisant après le schéma antérieur 2, 3,
– vaccination coquelucheuse et mort inexpliquée du 4 mois) à 11 mois ;
nourrisson (l'explication retrouvée est la position de ■ enfin, l'intervalle à respecter entre deux vaccins viraux
couchage en décubitus ventral), atténués (identiques ou différents) qui n'auraient pas été
– vaccination hépatite B ou HPV et maladie démyélini- administrés le même jour est de 4 semaines ;
sante (sclérose en plaques), ■ aucun intervalle n'est nécessaire entre le vaccin BCG et
– vaccin ROR et autisme (Royaume-Uni), tout autre vaccin.
– myofasciite à macrophages et hydroxyde d'aluminium.
Rattrapage vaccinal
Schémas vaccinaux La découverte d'un retard vaccinal chez un enfant à l'occa-
sion d'une consultation est une éventualité malheureuse-
Les schémas vaccinaux recommandés précisent le nombre ment encore fréquente malgré les efforts déployés par les
d'injections et les intervalles entre les injections itéra- différents acteurs de santé en France.
tives pour obtenir une protection individuelle optimale et Il peut y avoir de multiples explications :
durable. ■ la négligence des parents mais aussi des médecins, la
D'une façon générale, les combinaisons vaccinales de crainte et la réticence croissante des familles vis-à-vis de
vaccins sous-unitaires nécessitent de suivre une séquence la vaccination ;
primo-vaccination – rappel alors que les vaccins vivants ■ la répétition des infections intercurrentes qui, rappe-
atténués ne nécessitent pas de rappel. lons-le, ne devraient pas constituer une réelle contre-
Les règles de base concernant les intervalles entre 2 injec- indication vaccinale mais, au pire, un report temporaire
tions sont les suivantes : de quelques jours ;
■ lors d'un schéma de primovaccination avec des vaccins ■ l'existence temporaire de véritables contre-indications
inactivés ou sous-unitaires identiques, l'intervalle de (déficits immunitaires, maladies auto-inflammatoires,
temps entre 2 doses de vaccins inactivés ou sous-unitaires auto-immunité) qui nécessitent une évaluation du risque
identiques est classiquement de 4 à 8 semaines (le mini- par l'équipe « référente » qui suit l'enfant ;
mum toléré est de 3 semaines). Augmenter l'intervalle ■ enfin, l'adoption à l'étranger et l'arrivée d'un enfant
au-delà n'expose qu'à un seul risque, celui de différer la migrant sur le territoire.
protection de l'enfant ; Dans toutes ces situations, un rattrapage vaccinal doit être
■ l'immunogénicité de la primovaccination est augmentée proposé pour l'enfant.
si :
– le nombre de doses est élevé (3 doses > 2 doses),
– la vaccination est débutée plus tard (3 mois > 2 mois), Quelques règles de base
– l'intervalle entre les doses est grand (2 mois > 1 mois). de vaccinologie pratique
Ainsi, pour la vaccination DTCaPHibHB, plusieurs Elles peuvent aider le clinicien dans ses choix qui pour-
types de schémas ont été validés pour leur immunogé- raient lui sembler difficiles si le retard vaccinal est
nicité et leur protection chez le nourrisson. Tous com- important, imposant en cela d'envisager un rattrapage
portent une primovaccination mais avec un nombre comportant plusieurs types de vaccins et de nombreuses
de doses et des intervalles variables : doses vaccinales.
– schémas de primovaccination classiques à 3 doses : ■ Chaque dose déjà donnée compte, quel que soit le vaccin.
2, 4, 6 mois et 2, 3, 4 mois, On ne reprend plus, comme cela a été fait dans un passé
– schémas de primovaccination réduits à 2 doses : lointain, la vaccination à son début. Il faut donc simple-
3, 5 mois et 2, 4 mois ; ment compléter (ou mettre à jour) le calendrier.
■ ces choix sont stratégiques et font la balance entre l'effica- ■ Tous les vaccins inactivés et sous-unités peuvent être
cité vaccinale (meilleure si la vaccination est plus tardive) administrés simultanément (le même jour) mais dans des
et la nécessité de protéger l'enfant le plus tôt possible sites différents. Il n'y a pas d'intervalle à respecter entre
(susceptibilité aux formes graves des maladies comme la deux vaccins inactivés ou sous-unités différents. On peut
coqueluche et les infections invasives à Hib) ; ainsi vacciner avec quelques jours d'intervalle dans cette
■ tous ces schémas nécessitent un rappel à distance. Pour situation.
être considérée comme un rappel, l'injection doit être ■ Deux vaccins viraux atténués différents peuvent être
administrée au moins 5 à 6 mois après la dernière dose administrés simultanément (le même jour) ou avec un
de primovaccination afin que la maturation de la réponse intervalle de 4 semaines (p. ex. fièvre jaune et ROR).
506 Partie II. Spécialités
– Ac anti-HBs < 10 mUI/mL : refaire une injection tout Le lieu recommandé pour ce type d'injection est :
de suite et contrôler les Ac anti-HBs 4 à 6 semaines ■ la face antérolatérale de la cuisse avant l'âge de 12 mois
après. (fig. 18.28) ;
■ Suivant les résultats du contrôle : ■ la face postérieure du bras au-delà de cet âge (fig. 18.29).
– anti-HBs > 100 mUI/mL : réponse anamnestique,
avait été vacciné → s'en tenir là ; Voie intramusculaire (IM) : à privilégier
– anti-HBs entre 10 et 100 mUI/mL : avait été vacciné, il pour tous les vaccins sauf le BCG
est protégé mais il n'est pas certain qu'il le soit à long L'injection est réalisée en respectant un angle de 90° avec la
terme (peu de données disponibles). Il semble raison- peau. Les lieux recommandés pour les injections en IM ont
nable de proposer un rappel 6 mois plus tard ; été sélectionnés afin de réduire au maximum le risque de
– anti-HBs < 10 mUI/mL : probablement jamais vacciné lésion neurologique ou vasculaire. Ainsi, l'injection dans la
→ poursuivre le schéma jusqu'à ce qu'il soit complet. fesse est contre-indiquée chez le nourrisson du fait du risque
élevé d'injection en intragraisseux et de lésion du nerf scia-
tique. Deux voies sont recommandées :
Technique vaccinale ■ la face antérolatérale de la cuisse avant l'âge de 2 ans
Le geste technique vaccinal doit être connu et maîtrisé afin (nourrisson) (cf. fig. 18.28) ;
d'optimiser la réaction immune, mais également afin de ■ le deltoïde (bras) au-delà de 2 ans (fig. 18.30).
réduire le risque d'effet indésirable local et la douleur. Le choix des aiguilles les plus longues réduit le risque de
rougeur ou de gonflement car elles permettent de réaliser
l'injection plus en profondeur dans le muscle. La longueur
de l'aiguille doit toutefois être adaptée à l'âge et à la masse
Voie d'administration corporelle de l'enfant (tableau 18.13).
Elle varie selon le type de vaccin.
Voie intradermique stricte La vaccination IM est moins douloureuse dans le deltoïde que
dans la cuisse. Elle est possible dès que la masse musculaire est
Elle est réservée au BCG qui ne doit être fait que par cette suffisante (dès 1 an et au-delà de 10 kg) et doit être privilégiée
voie (fig. 18.27). dès que l'un des 3 critères suivants est présent :
■
âge > 1 an ;
■
marche acquise ;
Voie sous-cutanée profonde (SC) ■
poids > 10 kg.
Elle est employée surtout pour les vaccins vivants atténués
(qui peuvent être aussi faits en IM) et les troubles de l'hé-
mostase. Pour les vaccins non vivants, conjugués, cette voie
est plus réactogène et moins immunogène que l'IM. Associations vaccinales
L'injection est effectuée en plissant doucement la peau Certains vaccins peuvent être mélangés dans une même
afin de faire saillir légèrement la masse cutanéograisseuse et seringue et administrés en une seule injection (vaccins
l'aiguille est dirigée en profondeur sous le tissu graisseux et combinés) :
au-dessus du tissu musculaire en respectant un angle de 45° ■ les combinaisons tétravalentes (diphtérie – tétanos –
avec la peau. Une longueur d'aiguille de 16 mm est optimale. polio – coqueluche), pentavalentes (diphtérie – tétanos –
15°
Peau
Tissu sous-
cutané
Muscle
.
Tableau 18.13 Longueur recommandée de l'aiguille
selon l'âge, la corpulence et le lieu d'injection en
intramusculaire
.
Âge Longueur Lieu d'injection
de
l'aiguille
(mm)
Nouveau-né 16 Face antérolatérale de la cuisse
Petit 25 Face antérolatérale de la cuisse
nourrisson
(1–12 mois)
Grand 16–25 Deltoïde (épaule)
nourrisson ⁎
25–32 Face antérolatérale de la cuisse
(13–24 mois)
Enfant 16–25 Deltoïde (épaule)
(3–10 ans) ⁎
25–32 Face antérolatérale de la cuisse
Fig. 18.29 Vaccination par voie sous-cutanée profonde sur la
face postérieure du bras à partir de l'âge de 12 mois Enfant 16–25 Deltoïde (épaule)
(11–18 ans) ⁎
.
25–38 Face antérolatérale de la cuisse
⁎
Lieu à éviter de principe, sauf nécessité, du fait de son caractère nettement
polio – coqueluche et Haemophilus b) et hexavalentes plus douloureux par rapport au deltoïde.
(diphtérie – tétanos – polio – coqueluche, Haemophilus b et
hépatite B) ;
■ la combinaison vaccinale trivalente rougeole-oreillons-
rubéole ; Comment réduire la douleur
■ la combinaison vaccinale pneumococcique conjuguée lors du geste vaccinal ?
contenant 13 valences. Réduire au maximum le caractère douloureux du geste vac-
Les autres vaccins exigent d'être injectés en des sites séparés cinal est un élément essentiel à prendre en considération.
d'au moins 2,5 cm s'il s'agit du même membre ou sinon, sur Cela permet d'améliorer de façon importante les conditions
deux membres différents (vaccination simultanée). futures d'administration des gestes douloureux chez l'enfant
et le comportement parental.
Même s'il se calme rapidement après l'injection, le nour-
risson garde une mémoire inconsciente de la douleur.
Attention Pour cela, de multiples méthodes sont à la disposition du
Ne jamais faire de mélanges « sauvages » non prévus par le médecin. Elles tiennent à la fois du geste vaccinal lui-même
fabriquant et l'AMM ! mais également de l'environnement de l'enfant pendant la
séance et l'utilisation de quelques techniques d'analgésie.
Chapitre 18. Infectiologie 509
On peut résumer dans le tableau 18.14 les différents ■ Elle est équivalente en IM et en SC pour les vaccins inac-
éléments susceptibles de réduire de façon parfois totale la tivés, non adsorbés, tels les vaccins polysaccharidiques
sensation douloureuse chez l'enfant et une réaction violente non conjugués (pneumocoque, méningocoque, etc.).
nociceptive. Tous ces éléments sont synergiques. ■ Elle est meilleure en SC mais la voie IM est satisfaisante
pour les vaccins viraux vivants atténués (ROR, varicelle,
Comment réduire le risque d'effet fièvre jaune).
■ Le BCG doit impérativement être fait en intradermique.
secondaire local lors du geste vaccinal ?
■ Choisir correctement le lieu (deltoïde si possible) et la En pratique
voie d'administration (IM vs SC).
■ Utiliser les aiguilles les plus longues selon l'âge et la cor- Sauf en cas de trouble sévère de l'hémostase et sauf pour le BCG
pulence de l'enfant (afin d'injecter en profondeur dans le (contre-indication absolue des voies IM et SC), la voie IM peut
être systématiquement utilisée, pour une immunogénicité et
muscle et non en sous cutané).
une tolérance optimales.
■ Ne pas purger l'air de la seringue jusqu'à l'orifice de l'ai-
guille (cela évite le dépôt de liquide vaccinal dans la peau
lors de la pénétration de l'aiguille).
■ Prendre soin d'injecter bien en profondeur dans le muscle
Adénopathies
avant de retirer l'aiguille.
En cas de trouble de l'hémostase, la voie SC est préférable,
infectieuses
suivie d'une période de compression de 5 minutes. Béatrice Quinet
L'origine infectieuse est de loin la première étiologie des adé-
Comment optimiser la réponse nopathies de l'enfant. Le plus souvent, il s'agit d'une ou de
immune lors du geste vaccinal ? plusieurs adénopathies superficielles repérées par les parents
ou l'enfant, plus rarement d'une adénopathie profonde
En choisissant la voie préférentielle recommandée selon les découverte lors d'un examen échographique (abdominal)
vaccins. ou radiologique (médiastinal). Elles sont la conséquence
■ La réponse immune est optimale en IM pour les vaccins régionale d'une infection locale, ou générale d'une infection
inactivés adsorbés, contenant des adjuvants (combinai- par un agent pathogène à tropisme lymphoïde.
sons DTCaPHib ± HB). La démarche diagnostique repose sur :
■ la quantification : adénopathie unique, paquets ganglion-
naires dans le même territoire ou non. Une polyadéno-
Tableau 18.14 Gestes techniques et méthodes pathie généralisée requiert la palpation de toutes les aires
susceptibles de réduire significativement plus la rate, en notant les mesures et les localisations ;
la perception douloureuse lors du geste ■ la durée d'évolution : aiguë, subaiguë, chronique au-delà
vaccinal en intramusculaire. de 15–21 jours ;
Objectif Méthodes
■ la connaissance des sites de drainage et la recherche d'une
infection locorégionale (ORL, bucco-dentaire, cutanée)
Respecter Veiller à n'injecter que lorsqu'un relâchement ou d'un point d'inoculation, plaie, piqûre, morsure ;
les éléments musculaire a été obtenu
suivants lors du Insérer rapidement l'aiguille dans le muscle,
■ les signes d'accompagnement : fièvre, éruption,
geste technique profondément et à 90° splénomégalie ;
d'injection Ne pas aspirer avant d'injecter ■ les informations utiles : voyages récents, animaux de
Injecter rapidement le liquide sans exercer compagnie, contage, vaccinations.
de contre-pression sur le muscle avec la main Un caractère inflammatoire (douleur, rougeur, chaleur)
Retirer rapidement l'aiguille ± fluctuation (abcédation) et/ou début de fistulisation est
S'assurer d'un Installer l'enfant assis sur les genoux ou porté synonyme d'infection.
environnement dans les bras (éviter la position couchée sur la
favorable table d'examen…)
Favoriser le contact peau à peau avec le parent Adénopathies superficielles
Proposer le contact avec le doudou éventuel
Veiller si possible à obtenir une attitude multiples ou disséminées
parentale rassurante pour l'enfant
Consoler rapidement si l'enfant se met à pleurer
Dans un contexte aigu fébrile, on peut évoquer pratique-
ment toutes les maladies éruptives et/ou infectieuses :
Utiliser une Au mieux : mise au sein du nourrisson ■ CMV, EBV : syndrome mononucléosique sur la NFS et
méthode À défaut, proposer une solution sucrée,
d'analgésie 2 minutes avant et pendant l'injection
sérologie ;
Utiliser une méthode de distraction au moment ■ toxoplasmose : prédominance en cervical postérieur,
du geste (nourrisson et enfant) sérologie ;
Patch EMLA® : peut aider mais à la marge car ■ varicelle même en l'absence de surinfection ;
son effet analgésique est limité à l'effraction ■ rubéole et rougeole chez le non-vacciné, toutes deux à
cutanée (0,5 cm) ; peut être rassurant pour les déclaration obligatoire auprès de l'ARS. Des adénopa-
parents et pour l'adolescent qui a tendance aux
thies peuvent aussi apparaître dans les 8-10 jours après la
malaises vagaux
vaccination ;
510 Partie II. Spécialités
piqûre de tique.
rogatoire précis et fouillé et un examen clinique complet et
soigneux.
Interrogatoire
À retenir Il précise notamment
1. Une corticothérapie orale ne doit jamais être entreprise à
■ l'ethnie, les antécédents médico-chirurgicaux, l'état des
l'aveugle en traitement d'épreuve. vaccinations, la notion d'un voyage plus au moins récent,
2. Dans tous les cas, l'enfant doit être revu jusqu'à la confirma- un éventuel contage infectieux ;
tion du diagnostic ou disparition de la masse. ■ les caractéristiques de la fièvre :
3. Les adénopathies mettent bien plus de temps à disparaître – date de début,
qu'à apparaître et beaucoup disparaissent sans diagnostic – circonstances d'apparition,
précis. – degré,
4. Les suppurations péripharyngées sont des urgences infec- – aspect de la courbe thermique : en plateau, oscillante,
tieuses à orienter rapidement en service spécialisé. pics thermiques ;
5. Le syndrome de Kawasaki est un diagnostic étiologique diffé-
■ les signes d'accompagnement, en particulier ceux qui
rentiel urgent.
existaient dès le début de la maladie ;
■ les traitements éventuellement entrepris et leurs effets sur
la fièvre.
Fièvres prolongées
Joël Gaudelus, Emmanuel Grimprel Examen clinique
Les fièvres prolongées de l'enfant posent avant tout le pro- Il doit être absolument complet à la recherche de la moindre
blème de leur cause. anomalie (l'examen tympanique est, à ce titre, essentiel chez
Elles imposent une enquête méthodique dans laquelle le jeune nourrisson). S'il ne permet pas de conclure dès le
l'étape clinique est essentielle, irremplaçable et doit être premier examen, il doit être répété dans le temps, certains
répétée. signes pouvant n'apparaître qu'en cours d'évolution. Si pos-
La fièvre est définie par une température centrale sible, l'examen doit être fait lors d'une poussée fébrile.
supérieure à 38 °C. Elle est considérée comme prolongée Au terme de cette étape purement clinique, il peut exister
lorsqu'elle dépasse 5 jours sans interruption chez le nourris- une orientation qui guidera les examens complémentaires
son et une semaine chez l'enfant plus grand. susceptibles de confirmer ou d'infirmer le diagnostic pres-
La fièvre prolongée doit être différenciée des fièvres à senti (cf. chapitres correspondants).
répétition, où les épisodes successifs sont séparés par des
intervalles d'apyrexie de plusieurs jours ou semaines, et des Examens complémentaires
fièvres récurrentes ou périodiques, au cours desquelles la En l'absence d'orientation, même si l'état de l'enfant n'ins-
fièvre survient avec une certaine périodicité. pire aucune inquiétude : fièvre parfaitement tolérée, enfant
Ainsi définies, le seul diagnostic différentiel des fièvres ou nourrisson continuant à manger, à boire, dormir et jouer
prolongées est la thermopathomimie ou « fièvre simulée ». normalement, des examens complémentaires de base (ou
Elle se discute chez le grand enfant ou adolescent devant de débrouillage) sont nécessaires. À ce stade, sont indispen-
une fièvre totalement isolée sur le plan clinique. La tempéra- sables : une numération formule sanguine (NFS) avec pla-
ture est normale lorsqu'elle est prise sous surveillance, ther- quettes et étude du frottis sanguin, le dosage de la C-réactive
momètre tenu par une autre personne que l'enfant. protéine sérique, la vitesse de sédimentation (le dosage de
la procalcitonine sérique si possible), un examen des urines
à la bandelette et un ECBU en cas de positivité, un iono-
Étiologie gramme sanguin, des transaminases, une radiographie de
Trois grands groupes de causes se partagent les fièvres pro- thorax, une échographie abdominopelvienne.
longées de l'enfant : les maladies infectieuses (cf. infra) sont Lorsque l'on évoque une tuberculose dès ce stade, une
les causes les plus fréquentes, viennent ensuite les maladies intradermo-réaction à la tuberculine et/ou un dosage san-
inflammatoires (en particulier le syndrome de Kawasaki et guin du Quantiferon (enfant de plus de 5 ans) doivent être
l'arthrite juvénile idiopathique dans sa forme systémique ou effectués.
Chapitre 18. Infectiologie 513
Tableau 18.16 Principales causes infectieuses des fièvres prolongées du nourrisson et de l'enfant
.
Étiologies le plus souvent accessibles en consultation au terme d'une analyse clinique ± un bilan de 1re ligne
ORL Nourrisson
– Otite, mastoïdite, ethmoïdite
– Adénoïdite chronique
– Infection à adénovirus (angine)
Enfant
– Sinusite (maxillaire après 3 ans, frontale après 10 ans)
– Adénite cervicale
– Amygdalite chronique
Urinaire Pyélonéphrite aiguë
Pulmonaire – Infection à mycoplasme, virale (adénovirus)
– Corps étranger suppuratif
Digestive – Adénovirose
– Yersiniose
Généralisée – Maladie des griffes du chat
– Tuberculose
– Infections virales à EBV et à CMV
Étiologies plus rares ou plus sévères et nécessitant le plus souvent une orientation hospitalière pour le diagnostic et la prise en charge
ORL – Mastoïdite extériorisée
– Abcès cervical : parapharyngé, rétro-amygdalien, adénophlegmon cervical
Urinaire – Pyélonéphrite aiguë
– Abcès rénal
– Collection périnéphrétique
Ostéoarticulaire – Ostéomyélite aiguë,
– Spondylodiscite
Neurologique – Méningite décapitée
– Méningite tuberculeuse
– Abcès cérébral
– Empyème
(Suite)
514 Partie II. Spécialités
.
Étiologies plus rares ou plus sévères et nécessitant le plus souvent une orientation hospitalière pour le diagnostic et la prise en charge
Abcès occultes Localisations : foie, rate, poumon, sous phrénique, périappendiculaire, pelvien, etc.
profonds
Généralisée Les plus fréquentes
– Paludisme (de principe, rechercher un voyage en zone d'exposition)
– Adénovirose
– Fièvre typhoïde et paratyphoïde
– Tuberculose
– Brucellose
– Arboviroses (chikungunya, dengue, Zika, fièvre jaune)
– Rickettsioses (fièvre boutonneuse méditerranéenne, fièvre Q)
Plus rarement
– Leishmaniose viscérale (kala-azar)
– Tularémie
– Endocardite lente d'Osler
– Infection à VIH, hépatite B, maladie de Lyme
– Candidose, aspergillose (immunodépression)
– Histoplasmose (disséminée), blastomycose
CMV : cytomégalovirus ; EBV ; Epstein-Barr Virus ; VIH : virus de l'immunodéficience humaine.
c oronaires avec un risque de survenue de séquelles sous la ■ une atteinte neurologique qui peut se manifester par
forme d'anévrismes). Le diagnostic précoce et l'instauration une méningite aseptique, voire un tableau d'encéphalite
d'un traitement par immunoglobulines intraveineuses permet aiguë ;
de faire diminuer le risque de lésions coronaires de 25 à 4 %. ■ une atteinte pulmonaire qui, bien que plus rare, peut se
Ainsi, l'enjeu est celui de la reconnaissance précoce de manifester par une condensation pulmonaire, voire un
la maladie, qui malheureusement peut être parfois difficile épanchement pleural ;
tant la présentation clinique est protéiforme. ■ une atteinte articulaire qui est plus classique avec une
oligo ou une polyarthrite touchant notamment les articu-
Forme complète de la maladie lations des doigts des mains et des pieds ;
■ enfin une atteinte oculaire qui, si elle est recherchée,
de Kawasaki pourra révéler une uvéite ou une rétinite.
Dans cette situation, le diagnostic est porté lorsqu'au moins
cinq éléments cliniques sont réunis parmi les six critères
majeurs suivants :
Intérêt de certains examens
1. fièvre prolongée évoluant depuis plus de 5 jours ; complémentaires simples
2. conjonctivite bulbaire bilatérale non purulente ; Si aucun examen complémentaire ne permet d'établir avec
3. atteinte de la cavité buccale (chéilite, érythème pharyngé, certitude le diagnostic (sauf peut-être l'échographie car-
langue framboisée) ; diaque en cas de complication coronarienne), certains
4. atteinte des extrémités des membres (œdème induré et dou- peuvent renforcer la conviction du clinicien. Sur le plan
loureux des mains et des pieds, érythème des paumes et des biologique, il existe en effet de façon quasi constante un
plantes, desquamation secondaire et tardive des doigts) ; important syndrome inflammatoire avec en particulier une
5. éruption touchant principalement le tronc et d'aspect élévation franche de la C-réactive protéine sérique ainsi
varié, érythémateux ou maculopapuleux ; qu'une une leucocyturie aseptique à l'ECBU.
6. adénopathies cervicales unilatérales de diamètre Les autres signes biologiques témoignent de l'importance
> 1,5 cm. du syndrome inflammatoire dans les formes sévères :
■ anémie précoce ;
Autres symptômes cliniques pouvant ■ leucocytes sanguins > 15 000/mm3 ;
■ thrombocytose tardive (plaquettes > 450 000/mm3) ;
parfois faire errer le diagnostic ■ albumine sérique < 30 g/L ;
Si le diagnostic est relativement aisé dans les formes com- ■ élévation des transaminases (ALAT).
plètes, il peut être rendu difficile dans les formes incom-
plètes ou par la présence de symptômes témoignant de
l'atteinte d'autres organes. Ces autres symptômes sont :
Orientation clinique initiale
■ une irritabilité qui est quasiment constante dans la mala- parfois difficile
die de Kawasaki et qui est souvent bien reconnue par les Cette grande variété d'expression clinique et biologique peut
parents ; parfois faire errer le diagnostic selon que l'on attache une
■ une atteinte digestive avec des douleurs abdominales, une importance prioritaire à tel ou tel symptôme en occultant les
diarrhée, voire un syndrome péritonéal ; autres. Il arrive ainsi fréquemment que l'on se trouve devant
■ une atteinte hépatobiliaire avec notamment une hépatite, une association syndromique qui ne peut être expliquée par
un hydrocholécyste ; une seule étiologie, mais par deux, voire trois différentes.
Chapitre 18. Infectiologie 515
Dans ces situations, un ou plusieurs symptômes ne trouvent épaissies, voire déjà dilatées et pousser à débuter le traite-
pas leur place au sein de l'hypothèse diagnostique initiale ou ment alors que le tableau clinique n'est pas complet.
bien certains symptômes attendus sont absents. La difficulté Elle est enfin utile à un stade hélas tardif pour poser
à ce stade consiste à savoir remettre en question son ou ses rétrospectivement le diagnostic devant une fièvre prolon-
diagnostics initiaux et la solution réside alors dans la reprise gée qui a évolué vers une desquamation des doigts et une
de l'interrogatoire avec les parents et l'identification avec thrombocytose importante.
eux du maître symptôme (le symptôme qui les préoccupe
le plus) ou bien du premier symptôme apparu au cours de
la maladie. On retombe alors dans la majorité des cas sur la Prise en charge
notion d'une fièvre particulière qui est prolongée puisqu'elle Elle est urgente et hospitalière. Le traitement curatif com-
dépasse 5 jours chez l'enfant et le diagnostic de maladie de porte l'administration en urgence de gammaglobulines
Kawasaki doit alors être systématiquement évoqué. intraveineuses polyvalentes (2 g/kg en une perfusion sur
C'est alors que l'on peut reprendre l'ensemble des 12 à 24 heures). La plupart des équipes associent un trai-
symptômes présentés par cet enfant et peut-être voir la tement anti-inflammatoire par acide acétylsalicylique à la
conjonctivite qui était passée inaperçue ou bien l'œdème phase aiguë inflammatoire.
ou l'érythème des extrémités ou l'énanthème buccal, et réu-
nir alors les critères cliniques qui permettront de conforter
l'hypothèse de maladie de Kawasaki.
Recommandations
Diagnostic différentiel parfois subtil ®
Académie américaine de pédiatrie. Red Book , 29th ed. Report of the Com-
mittee on Infectious Diseases, 2012.
Cette très grande variété d'expressions cliniques expose à Corrard F, Copin C, Wollner A, Elbez A, Derkx V, Bechet S, et al. Sickness
évoquer de nombreux diagnostics différentiels. Lorsque behavior in feverish children is independent of the severity of fever. An
l'éruption est mise en avant, les principaux diagnostics évo- observational, multicenter study. PLoS One 2017 ; 12 (3) : e0171670.
qués sont la rougeole (mais l'enfant ne tousse pas), la scar- Deutsche Gesellschaft für Neurologie. Neuroborreliose ; 2018.
latine (mais pourquoi a-t-il les yeux rouges ?), l'infection GPIP. Guide de prescription d'antibiotique en pédiatrie. Recommandations
à EBV (sans véritable angine), les urticaires fébriles (mais SFP. Arch Pédiatr. 2016 ; 23 (hors-série 2) : S1–55.
l'éruption est bien fixe) et les toxidermies médicamenteuses. HAS. Prise en charge de la fièvre chez l'enfant. Fiche mémo, octobre 2016.
L'adénophlegmon cervical est également parfois évoqué Infovac-France : rattrapage des vaccinations chez l'enfant et l'adulte.
Jeziorski E. Pas à pas : enfant trop souvent fébrile. Pas à pas en pédiatrie.
lorsque l'atteinte ganglionnaire cervicale unilatérale appa-
2019.
raît au premier plan mais l'absence de réponse au traitement Ministère de la Santé et des Solidarités. Calendrier des vaccinations et
antibiotique doit faire rapidement reconsidérer cette hypo- recommandations vaccinales 2019.
thèse et réexaminer l'enfant. NICE. Fever in under 5s : assessment and initial management. Clinical gui-
Enfin, certains résultats biologiques feront discuter les diag deline, november 2019.
nostics de pyélonéphrite, de méningite, d'hépatite mais aucun Picard C, Bobby Gaspar H, Al-Herz W, Bousfiha A, Casanova JL, Chatila T,
de ces diagnostics ne permet de rendre compte de l'existence et al. International Union of Immunological Societies : 2017 Primary
des autres symptômes, en particulier le tableau éruptif. immunodeficiency diseases committee report on inborn errors of
immunity. J Clin Immunol 2018 ; 38 : 96–128.
Santé publique France. Borréliose de Lyme et autres maladies transmises
Place de l'échographie cardiaque par les tiques. BEH 2018 ; 19-20 : 379–427.
Elle est bien entendu essentielle pour établir en urgence SPILF. Borréliose de Lyme : démarches préventives, diagnostiques, thé-
l'existence d'une complication précoce éventuelle (myocar- rapeutiques. 16e Conférence de consensus en thérapeutique anti-
infectieuse, 13 décembre 2006.
dite, péricardite, dilatation coronarienne) et suivre l'évolu-
SPILF. Prise en charge des méningites bactériennes aiguës communautaires
tion du patient sous traitement. (à l'exclusion du nouveau-né). Actualisation 2017 de la conférence de
Mais elle peut également, dans certaines situations de consensus 2008. Med Mal Infect 2019 ; 49 (6) : 367–404.
doute clinique devant une fièvre prolongée inexpliquée avec Wormser GP, Dattwyler RJ, Shapiro ED, et al. The clinical assessment,
syndrome inflammatoire chez l'enfant, redresser le diagnos- treatment, and prevention of Lyme disease, human granulocytic ana-
tic en révélant précocement un petit épanchement péricar- plasmosis, and babesiosis : clinical practice guidelines by the Infectious
dique et surtout des artères coronaires trop bien visibles, Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2006 ; 43 : 1089–134.
Chapitre
19
Médecine tropicale
et du voyage
Coordonné par Albert Faye
PLAN DU CHAPITRE
Pathologies et fièvre de retour Parasitoses digestives (hors bilharzioses
d'un pays tropical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 516 et cestodoses) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528
Paludisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519 Bilharzioses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519 Cestodoses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 530
Clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519 Syndrome de larva migrans cutanée (LMC) . . . 532
Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 520 Conseils et vaccinations
Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 521 pour l'enfant voyageur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532
Prophylaxie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523 Mesures d'hygiène et de prévention sanitaire . 532
Principales parasitoses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525 Pharmacie de l'enfant voyageur . . . . . . . . . . . . 534
Leishmanioses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525
Pathologies et fièvre dans la famille restée au pays peut aggraver le risque d'expo-
sition à des maladies infectieuses.
de retour d'un pays Une étude internationale a montré que les principales
causes de pathologie du retour chez l'enfant variaient en
tropical fonction du pays visité. Ces causes étaient les diarrhées
aiguës (28 %), les affections dermatologiques (25 %),
Albert Faye les fièvres (23 %) et les maladies respiratoires (11 %). On
Les voyages internationaux sont en constante augmentation retrouvait un surrisque par rapport à l'adulte de diarrhée
depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Ceci résulte prin- aiguë, d'affection dermatologique, en particulier de mor-
cipalement de la démocratisation du transport aérien. En sure, de larva migrans et d'affections respiratoires. Parmi les
France, plus de 20 millions de voyages à l'étranger sont réa- fièvres, 35 % étaient liées au paludisme (64 % en Afrique),
lisés chaque année dont 3 millions sur le continent africain 28 % aux infections virales, 11 % à d'autres infections et
ou asiatique (source : Direction générale des entreprises 6 % à la typhoïde et à la dengue respectivement. Dans une
2017). Les enfants représentent environ 13 % des voyageurs. autre étude descriptive française, les causes de fièvre dans
La plupart des enfants voyageurs quittant la France pour un les 3 mois suivant le retour d'un pays étranger chez plus
pays tropical ou subtropical sont des enfants de migrants qui de 500 enfants étaient pour l'Afrique du Nord la diarrhée
rendent visite à leur famille restée dans leur pays d'origine. (38 %), les infections respiratoires basses (34 %) et, pour
Par rapport à l'adulte, les enfants voyageurs, en particu- l'Afrique subsaharienne, le paludisme (26,6 %), les infec-
lier en zone tropicale ou subtropicale, ont un risque plus tions respiratoires basses (23 %) et la diarrhée (18 %). Aucun
important de contracter une pathologie liée au voyage : signe clinique n'avait une valeur prédictive positive signifi-
■ exposition plus importante au péril orofécal et aux cative d'un diagnostic spécifique mais l'ictère et l'hépatomé-
animaux ; galie avaient une bonne valeur prédictive négative d'hépatite
■ immaturité du système immunitaire du nourrisson ; virale. Un certain nombre de pathologies infectieuses ont
■ non-spécificité des signes chez le petit enfant et le nour- probablement été sous-diagnostiquées en l'absence de réa-
risson conduisant à des délais diagnostiques allongés ; lisation systématique d'examens adaptés (coproculture pour
■ prophylaxies avec des formes galéniques mal adaptées à les diarrhées bactériennes des enfants provenant de zones
la pédiatrie. tropicales, sérologie dengue pour les enfants revenant des
Enfin, contrairement aux voyages pour tourisme, le manque Antilles). Enfin, les pathologies cosmopolites représentaient
d'adhésion aux mesures préventives au moment du séjour la majorité des diagnostics.
Éliminer un
choc septique
Zone
Oui d'endémie Non
palustre ?
+ – –
Non Oui
Fig. 19.1 Arbre diagnostique d'une fièvre dans les 3 mois suivant le retour d'un voyage international chez l'enfant. ALAT : alanine-
aminotransférase ; ASAT : aspartate-aminotransférase ; Eo : éosinophiles ; GB : globules blancs ; Hb : hémoglobine ; Ly : lymphocytes ; MO : Moyen
Orient ; N : normal(e)s ; Ne : neutrophiles ; NFS : numération formule sanguine ; Pl : plaquettes ; PN : polynucléaires. D'après Naudin J, Blondé R,
Imbert P, Faye A. Fièvre au retour de voyage à l'étranger chez l'enfant. Médecine thérapeutique/Pédiatrie. 2014 ; 17 (2) : 116-23.
518 Partie II. Spécialités
Paludisme grave fréquente (40 à 70 % des cas) chez l'enfant comme chez
Les formes graves sont quasi exclusivement dues à P. falciparum. l'adulte.
En France, le paludisme grave de l'enfant est rare (environ 20 cas La preuve diagnostique est apportée par la mise en évi-
chaque année) et sa létalité est faible (moins d'un décès par an). dence de l'hématozoaire. Le prélèvement sanguin se fait sur
Les critères de gravité chez l'enfant, actualisés par l'OMS tube éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA) ou, si l'abord
en 2015, sont résumés dans le tableau 19.2. Chez l'enfant, veineux est impossible, au bout du doigt.
les manifestations cliniques les plus fréquentes sont les Il faut associer une technique de détection sensible
troubles de la conscience, d'apparition p rogressive ou b
rutale (goutte épaisse [GE] ou Polymerase Chain Reaction [PCR]
(somnolence, confusion, prostration, coma), les convulsions de type LAMP [technique de biologie moléculaire à réponse
(souvent inaugurales), la détresse respiratoire (témoin d'une rapide]) et un frottis sanguin mince, pour évaluer la para-
acidose métabolique ou plus rarement d'un œdème pul- sitémie et identifier l'espèce. Si la LAMP-PCR et la GE ne
monaire) et l'anémie grave. L'hypoglycémie est fréquente et sont pas disponibles, une alternative est d'associer un test de
doit être systématiquement recherchée. Une déshydratation diagnostic rapide (TDR) et un frottis mince. Le TDR doit
est souvent associée, responsable d'une hypovolémie, de impérativement détecter l'antigène HRP2 (protéine riche
troubles ioniques et d'une insuffisance rénale fonctionnelle. en histidine 2) qui est spécifique de P. falciparum. La sen-
sibilité des TDR est voisine de celle de la goutte épaisse
Diagnostic pour P. falciparum, mais médiocre pour les autres espèces.
Certaines souches de P. falciparum ont perdu l'HRP2, et ne
La clinique du paludisme simple est peu contributive. sont donc pas détectées par le TDR. Leur prévalence est
C'est pourquoi toute fièvre chez un enfant au retour d'une faible, mais cette éventualité doit être connue du clinicien.
zone d'endémie et ce, quels que soient les signes asso- En cas de forte suspicion de paludisme et de résul-
ciés, doit faire évoquer un paludisme jusqu'à preuve du tat négatif ou douteux, il faut répéter les recherches 12 à
contraire, et faire procéder immédiatement aux examens 24 heures plus tard, surtout s'il existe une thrombopénie,
diagnostiques. et éventuellement recourir à une PCR. Cette technique est
L'hémogramme est évocateur en cas d'anémie hémo- très utile en cas de faible parasitémie, situation rencontrée
lytique, en général modérée, et surtout de thrombopénie, chez les sujets sous chimioprophylaxie suboptimale et dans
le paludisme viscéral évolutif. Avant le traitement d'un nimol-pipéraquine. En effet, ces traitements sont les plus
accès à P. falciparum, il faut faire un prélèvement sanguin rapidement efficaces, tout en ayant une bonne tolérance.
pour l'étude des résistances in vitro aux antipaludiques. La méfloquine et l'atovaquone-proguanil sont à utiliser en
2e intention et la quinine orale en 3e intention. Avant l'âge de
6 ans, les comprimés doivent être écrasés.
Traitement Les modalités du traitement sont indiquées dans le
tableau 19.3.
Tout enfant atteint de paludisme doit être hospitalisé pour L'arténimol-pipéraquine doit être pris à distance d'une
confirmer le diagnostic, rechercher d'éventuels critères de prise alimentaire, contrairement aux autres traitements. Un
gravité et instaurer le traitement antipaludique adapté à ECG doit être fait avant de donner un ACT pour dépister
l'espèce plasmodiale et au tableau clinique. un QTc long qui contre-indiquerait le traitement. S'il existe
des facteurs de risque d'arythmie (médicaments concomi-
Paludisme non compliqué tants connus pour allonger le QTc, cardiopathie, troubles
ioniques), l'ECG doit être refait avant et 4 à 6 heures après
Paludisme à P. falciparum
la 3e dose. Un QTc supérieur à 500 ms avant la 3e dose
Traitement initial contre-indique la poursuite de l'ACT et nécessite un trai-
Le traitement de 1re intention repose sur les deux ACT tement de 2e intention. En cas d'allongement du QTc supé-
disponibles en France : l'artéméther-luméfantrine et l'arté- rieur à 500 ms, il faut surveiller l'ECG jusqu'à son retour à la
Tableau 19.3 Traitements oraux du paludisme d'importation non compliqué à P. falciparum chez l'enfant
.
Antipaludique Posologie Avantages Inconvénients Précautions d'emploi
1re ligne
Artéméther 6 prises orales à H0, H8-12, H24, Clairance parasitaire Allongement du QT sans Faire un ECG avant le traitement
⁎
+ luméfantrine H36, H48, H60 rapide traduction clinique pour éliminer un QT long
Cp à 120 mg/20 g 5–< 15 kg : 1 cp/prise Tolérance générale Pas de galénique Administrer avec une prise
15–< 25 kg : 2 cp/prise adaptée au petit enfant alimentaire ou une boisson avec
25–< 35 kg : 3 cp/prise et au nourrisson corps gras
≥ 35 kg : 4 cp/prise Durée de traitement Redonner la dose si vomissement
dans l'heure
Arténimol 7–< 13 kg : ½ cp/j Clairance parasitaire Allongement du QT sans Faire un ECG avant le traitement
⁎
+ pipéraquine 13–< 24 kg : 1 cp/j rapide traduction clinique pour éliminer un QT long
Cp à 24–< 36 kg : 2 cp/j Tolérance générale Pas de galénique Administrer à jeun (estomac vide,
320 mg/40 mg 36–75 kg : 3 cp/j Prise à jeun adaptée au petit enfant prise 3 heures après et 3 heures
Durée de traitement : 3 jours et au nourrisson avant un repas)
Redonner la dose entière si
vomissement dans les 30 min, ou
une ½-dose si vomissement entre
30 et 60 min après la prise (ne
redonner qu'une seule fois après
un vomissement)
2e ligne
Atovaquone 20/8 mg/kg/j pendant 3 jours Tolérance cardiaque Pas de galénique Administrer avec un repas ou une
+ proguanil (prise unique quotidienne) adaptée au petit enfant collation lactée
Cp adultes à 5–8 kg : 2 cp enfants/j et au nourrisson Redonner la dose si vomissement
250 mg/100 mg 9–< 11 kg : 3 cp enfants/j Durée de traitement dans l'heure
Cp enfants à 11–20 kg : 1 cp adulte/j Intolérance digestive
62,5 mg/25 mg 21–30 kg : 2 cp adultes/j
31–40 kg : 3 cp adultes/j
> 40 kg : 4 cp adultes/j
Méfloquine 25 mg/kg Une cure en un jour Pas de galénique Mixer avec un aliment sucré
Cp à 250 mg 15 mg/kg à H0 et 10 mg/kg à H12 Tolérance cardiaque adaptée au petit enfant Redonner la dose si vomissement
Ou 8 mg/kg à H0, H6-8, H12-16 et au nourrisson dans l'heure
Intolérance digestive
3e ligne
Quinine 8 mg/kg 3 fois/j pendant 7 jours Recul d'utilisation Cinchonisme Nécessité d'une observance
Cp à 125, 250 et Risque d'intoxication parfaite
500 mg Durée de traitement
prolongée
Hypoglycémie
ECG : électrocardiogramme.
⁎
Avant et après le traitement.
522 Partie II. Spécialités
SNG (SRO + A/L ou DHA-PQ) Oui Vomissements ? Non 1re(s) prise(s) : A/L ou DHA-PQ
Si échec : quinine IV
alternatives :
Dès amélioration – P. falciparum : méfloquine ou AQ-PG
– Autres espèces : chloroquine ou AQ-PG
Fig. 19.2 Algorithme de la prise en charge d'un paludisme d'importation à P. falciparum de l'enfant. A/L : artéméther-luméfantrine ;
AQ-PG : atovaquone-proguanil ; DHA-PQ : dihydroartémisine-pipéraquine ; IV : intraveineux ; SNG : sonde nasogastrique ; SRO : soluté de réhydra-
tation orale ; USC : unité de surveillance continue.
Chapitre 19. Médecine tropicale et du voyage 523
chez 10 % des sujets à peau noire, rarement chez l'enfant. d'où une hémolyse accélérée. Chez l'enfant, il semble rare,
Quelques souches de P. vivax résistantes à la chloroquine en mais son éventualité doit faire pratiquer un hémogramme
Asie du Sud-Est et en Amazonie nécessitent le recours à un hebdomadaire pendant un mois.
ACT.
Dès le premier accès à P. vivax ou P. ovale, un dosage de Quinine intraveineuse
la G6PD doit être demandé. En effet, le traitement curatif Ce traitement n'est indiqué qu'en cas de contre-indication
doit être suivi, en l'absence de contre-indication (âge ou d'indisponibilité de l'artésunate.
< 6 mois, déficit en G6PD), d'une éradication des hypno- Deux présentations sont disponibles en France :
zoïtes par une cure de primaquine (0,5 mg/kg/j sans dépas- ■ dichlorhydrate de quinine (1 ampoule = 10 mL = 300 mg
ser 30 mg/j, pendant 14 jours). Il faut rappeler en effet que de dichlorhydrate de quinine = 245 mg de quinine base) ;
même si c'est rare, ces espèces plasmodiales peuvent aussi ■ alcaloïde base de quinine :
donner des formes graves et se compliquer d'une rup- – ampoules de 125 mg/1 mL réservées à l'enfant de 16 à
ture pathologique de rate, surtout P. vivax. Le traitement 30 kg,
par primaquine doit être surveillé par un hémogramme – ampoules de 250 mg/2 mL chez l'enfant de plus de
hebdomadaire pour dépister une éventuelle anémie par 30 kg,
méthémoglobinémie. – ampoules de 500 mg/4 mL réservées à l'adulte, expri-
mées en alcaloïdes-base.
Cas particuliers La posologie est de 24 mg/kg/24 h de quinine-base ou d'alca-
Paludisme viscéral évolutif loïdes-base, soit en pratique une perfusion de 8 mg/kg toutes
Son traitement est celui d'une forme non compliquée. Sous les 8 heures, en discontinu sur 4 heures minimum, dans du
traitement, l'amélioration de l'état général est rapide, la dis- sérum glucosé à 5 ou 10 %, à la seringue électrique, en réani-
parition de l'anémie et de la splénomégalie nécessite en règle mation. La dose de charge est proscrite chez l'enfant.
plusieurs semaines. Un traitement par quinine IV impose une surveillance
stricte : glycémie toutes les 3 heures, ECG continu. Dès que
Paludisme congénital possible, mais avant le 2e jour, un relais est pris avec l'arté-
sunate IV.
Le traitement d'une parasitémie a ou paucisymptomatique Si le traitement par quinine se prolonge, un contrôle
est un ACT, à la dose-poids d'un enfant de 5 kg. Celui d'une de la quininémie plasmatique doit être effectué à par-
forme clinique sévère repose sur l'artésunate IV. tir de la 24e heure (taux thérapeutique = 10–12 mg/L, ou
30–36 mmol/L). En cas d'insuffisance rénale, la posologie
Paludisme grave est réduite d'environ un tiers, après 48 heures, avec adapta-
Il est pris en charge en étroite collaboration avec un réani- tion de la dose selon la quininémie quotidienne. La durée
mateur pédiatre, soit en unité de surveillance continue, soit totale d'un traitement par quinine seule est de 7 jours. Mais
en réanimation pédiatrique (cf. fig. 19.2). lorsque l'état de l'enfant permet un relais per os, il faut privi-
légier la cure complète d'ACT.
Artésunate intraveineux
Traitement des complications
L'artésunate IV est la référence, quelle que soit l'espèce plas-
modiale en cause, y compris pour les hyperparasitémies La réanimation des formes graves fait appel à l'intubation
supérieures à 10 % sans autre complication. Sa prescription avec ventilation assistée en cas de coma avec Glasgow infé-
relève d'un protocole temporaire d'utilisation. rieur à 8, à la correction de l'anémie (seuil transfusionnel :
■ Chez l'enfant de plus de 20 kg, sa posologie est de 2,4 mg/kg 70 g/L), de l'hypoglycémie et de l'acidose (traitement de
à H0, H12, H24 puis toutes les 24 heures pendant 7 jours la cause : hypoglycémie, anémie, déshydratation, collap-
maximum (9 doses). sus, sepsis sévère). En cas d'hypovolémie, le remplissage
■ Chez l'enfant de moins de 20 kg, la dose unitaire est de vasculaire doit être prudent en raison du risque d'œdème
3 mg/kg/injection. pulmonaire lésionnel et/ou de majoration d'une hyperten-
Il faut respecter scrupuleusement les modalités de prépara- sion intracrânienne. Une antibiothérapie probabiliste à large
tion et d'administration, bien décrites dans la mise à jour spectre – adaptée aux résultats des prélèvements bactériolo-
2017 des recommandations françaises. Le traitement IV est giques – doit être prescrite si l'on soupçonne une co-infec-
à poursuivre au minimum pendant 24 heures (3 doses), ou tion bactérienne.
jusqu'à amendement du/des critère(s) de gravité. Un relais
per os est pris par une cure complète d'ACT, débutée 8 à Prophylaxie
12 heures après la fin du traitement IV.
La seule contre-indication de l'artésunate est une aller- En France, la très grande majorité des enfants présentant
gie à l'un de ses composants. Les effets indésirables (neu- un paludisme d'importation sont des enfants de migrants.
tropénie, réticulocytopénie, cytolyse hépatique, allergie) Plusieurs facteurs y concourent, parmi lesquels un accès
sont rares. L'anémie hémolytique retardée post-artésunate limité aux consultations du voyageur et un défaut d'obser-
est liée à l'épépinage des hématies parasitées par la rate. Ce vance des recommandations, notamment pour des raisons
phénomène, favorisé par l'artésunate, fragilise les hématies, pécuniaires.
524 Partie II. Spécialités
La prévention repose avant tout sur la protection contre À l'extérieur ou dans une pièce aérée, des serpentins
les piqûres de moustique, sur la chimioprophylaxie si néces- fumigènes peuvent être utilisés. Leur emploi est déconseillé
saire, et sur l'information du risque de paludisme pendant le en cas d'asthme, chez les jeunes nourrissons et en utilisation
séjour et après le retour. prolongée tel qu'une expatriation.
D'une façon générale, il ne faut emmener un jeune enfant La climatisation diminue l'agressivité des moustiques
en zone impaludée qu'en cas de nécessité absolue. mais ne supprime pas le risque d'être piqué. Elle ne constitue
qu'une mesure d'appoint, au même titre que la ventilation.
Protection personnelle antivectorielle
La femelle anophèle, vecteur du paludisme, pique du cré- Chimioprophylaxie antipaludique
puscule au lever du soleil, d'où les mesures suivantes. La prescription d'une chimioprophylaxie doit être per-
sonnalisée et tenir compte des antécédents, de la région
Moustiquaire imprégnée visitée (risque élevé en Afrique subsaharienne, surtout
La moustiquaire imprégnée de pyréthrinoïdes constitue en saison des pluies et pour des séjours > 1 mois avec
la meilleure protection. Elle est utilisée la nuit quel que nuitées en zone rurale), des conditions du voyage et
soit l'âge. Elle est efficace 6 mois et peut être réimprégnée. d'accès aux soins, et du niveau socio-économique de
Il existe aussi des moustiquaires efficaces 3 ou 4 ans, non la famille. Elle requiert d'évaluer la balance bénéfice/
réimprégnables. risque du traitement par rapport au paludisme. La
cible est P. falciparum, du fait de sa fréquence, de sa
Protection vestimentaire gravité et du délai bref (< 2 mois) de sa survenue après
le retour.
Le port de vêtements longs, dès la tombée du jour, a un effet bar- La prophylaxie suivie par la mère ne protège pas le
rière qui peut être renforcé par l'imprégnation par la perméthrine, n ouveau-né ou le nourrisson nourri au sein. En cas
quel que soit l'âge. La durée d'efficacité est fonction du mode d'im- d'allaitement maternel, la mère ne doit pas prendre de
prégnation (2 lavages avec le spray, 5 avec la formule trempage). produit contre-indiqué (chloroquine, doxycycline et
atovaquone-proguanil si l'enfant pèse moins de 5 kg). Le
Répulsifs cutanés proguanil, la méfloquine et l'atovaquone-proguanil (pour
Les répulsifs cutanés sont un complément important de les enfants > 5 kg) sont compatibles avec l'allaitement
la protection personnelle antivectorielle. Actuellement, (tableau 19.5).
4 produits sont utilisables : DEET, picaridine, IR 3535 et En cas de long séjour de l'enfant ou d'expatriation, on
citriodiol (PMDRBO) (tableau 19.4). Leur efficacité est recommande aux parents de poursuivre la chimioprophy-
d'environ 6 heures. Vis-à-vis du paludisme, une applica- laxie 6 mois au minimum, puis de prendre contact locale-
tion à la tombée de la nuit est généralement suffisante pour ment avec un médecin référent pour évaluer la pertinence
la soirée. Il faut pour chacun en respecter les modalités d'une prophylaxie prolongée (en zone sahélienne, privilégier
d'application, rappelées tous les ans dans les recommanda- une chimioprophylaxie saisonnière couvrant la saison des
tions sanitaires aux voyageurs. Chez le jeune enfant, il faut pluies).
prévenir le risque d'ingestion et d'exposition des yeux (ne
pas le laisser faire l'application lui-même, éviter d'appli-
quer le répulsif sur les mains, ne pas appliquer de spray sur Traitement de réserve
le visage). Avant de placer l'enfant sous la moustiquaire, il Il est indiqué en situation d'isolement mettant le voya-
faut le laver pour enlever toute trace de répulsif. Enfin, il geur à plus de 12 heures d'une structure de soins. La
faut limiter l'application aux seules zones découvertes. place du traitement de réserve est très limitée chez
l'enfant, en l'absence d'évaluation. De plus, l'éventuelle
Autres mesures méconnaissance d'une autre cause de fièvre requiert
Le soir, à l'intérieur des maisons, des insecticides peuvent une consultation rapide. En cas de nécessité, le meilleur
être utilisés sous forme de diffuseurs électriques avec choix est un ACT (faire un ECG avant la prescription
tablettes ou flacons de liquide. d'arténimol-pipéraquine).
.
Médicament Posologie Durée Contre-indications et précautions
d'emploi1
Atovaquone + proguanil 5–7 kg : ½ cp enfant/j (hors AMM) Début le jour du départ, puis Contre-indications :
Cp à 250/100 mg (adulte) 8–10 kg : ¾ cp enfant/j (hors AMM) tous les jours pendant le séjour – allergie (très rare)
et à 62,5/25 mg (enfant) 11–20 kg : 1 cp enfant/j et 7 jours après le retour – insuffisance rénale sévère
21–30 kg : 2 cp enfant/j Précautions :
31–40 kg : 3 cp enfant/j – possible si allaitement d'un enfant ≥ 5 kg
≥ 40 kg : 1 cp adulte/j – prise au cours du repas ou avec produit
lacté
Chloroquine 1,7 mg/kg/j Début le jour du départ, puis Précautions : attention aux intoxications
Sirop à 25 mg = 5 mL < 10 kg : 25 mg/j 1 jour/2 tous les jours pendant le séjour accidentelles (tenir hors de portée des
Cp sécable à 100 mg ≥ 10–16 kg : 25 mg/j et 4 semaines après le retour jeunes enfants)
≥ 16–33 kg : 50 mg/j
≥ 33–45 kg : 75 mg/j
> 45 kg : 100 mg/j
Doxycycline Âge ≥ 8 ans et poids < 40 kg : Début le jour du départ, puis Contre-indications :
Cp à 50 et 100 mg 50 mg/j tous les jours pendant le séjour – femme allaitante
(sécables) Poids ≥ 40 kg : 100 mg/j et 4 semaines après le retour – âge < 8 ans
– association aux rétinoïdes (risque d'HTIC)
Précautions :
– photosensibilisation
– potentialisation des AVK
Méfloquine Prise unique à jour fixe de 5 mg/ 1re prise 10 jours avant le Contre-indications :
Cp quadriséquables à kg/semaine départ (tester la tolérance), – enfants < 15 kg (< 5 kg en utilisation hors
250 mg 5–< 15 kg : ⅛ cp/semaine (hors puis toute la durée du séjour AMM)
AMM) et 3 prises (4 semaines) après – antécédents psychiatriques ou de
15–19 kg : ¼ cp/semaine le retour convulsions (même fébriles)
20–30 kg : ½ cp/semaine – insuffisance hépatique sévère
31–45 kg : ¾ cp/semaine Précautions :
≥ 45 kg : 1 cp/semaine – prudence en cas d'alpinisme ou de plongée
– ↑ possible du QTc avec kétoconazole,
bêtabloquants, antihistaminiques, etc.
Proguanil2 1–12 ans : 3 mg/kg/j Début le jour du départ, puis Précautions :
Cp sécables à 100 mg 9–16,5 kg : ½ cp/j tous les jours pendant le séjour – uniquement en association avec la
17–33 kg : 1 cp/j et 4 semaines après le retour chloroquine
33,5–45 kg : 1 cp ¾/j – potentialisation des AVK
> 12 ans : 200 mg/j
AMM : autorisation de mise sur le marché ; AVK : antivitamines K ; HTIC : hypertension intracrânienne.
1. Avant l'âge de 6 ans, les comprimés doivent être écrasés.
2. L'association fixe chloroquine-proguanil (Savarine®) est donnée à partir de 15 ans.
Les leishmanioses sont les zoonoses causées par des para- Diagnostic clinique et biologique
sites du genre Leishmania transmis par la piqûre de petits La LV méditerranéenne de l'enfant se manifeste comme une leu-
moucherons, les phlébotomes. On distingue les formes cémie aiguë. Le début est le plus souvent progressif avec asthénie,
viscérales (LV) des formes cutanées (LC) et cutanéomu- fièvre, pâleur. Une volumineuse splénomégalie s'installe progres-
queuses (LCM). sivement. Une hépatomégalie, des adénopathies peuvent être
associées. Le bilan montre une anémie qui s'associe souvent à
une leucopénie et/ou à une thrombopénie. On note une éléva-
Leishmaniose viscérale tion de la vitesse de sédimentation et de la C-réactive protéine.
Épidémiologie (fig. 19.3)
L'incidence mondiale de la LV est de 50 000 à 90 000 cas/an. Diagnostic parasitologique
Sept pays recensaient 90 % des cas en 2015. La sérologie (immunofluorescence, ELISA) est presque
Dans le sous-continent indien et en Afrique de l'est (Éthiopie, toujours positive. L'immunoempreinte (western blot) est
Kenya, Somalie, Soudan et Soudan du sud), la maladie, causée d'interprétation difficile car elle dépiste aussi les porteurs
par L. donovani est à transmission interhumaine. asymptomatiques de leishmanies.
526 Partie II. Spécialités
0 Non applicable
Le myélogramme permet de voir des formes amastigotes ■ La LC localisée se manifeste le plus souvent par une
à l'examen direct et de pratiquer une biologie moléculaire lésion ulcérée ou ulcéro-croûteuse. Dans l'Ancien Monde
(PCR spécifique). (Europe, Asie, Afrique), L. major est responsable de la
LC zoonotique, qui évolue spontanément vers la gué-
Traitement rison, mais peut être étendue (fig. 19.5A). L. tropica,
Le traitement repose sur l'amphotéricine B liposomale. espèce fréquente au Proche et Moyen-Orient, a un réser-
Le schéma posologique est de 3–5 mg/kg/j de J1 à J5, puis voir strictement humain. En Amérique du Sud, l'infec-
3–5 mg/kg à J10. Une dose de 10 mg/kg/j pendant 2 jours tion est causée par différentes espèces, L. peruviana,
a aussi été utilisée. En cas de co-infection VIH – Leishma- L. guyanensis, L. mexicana ou L. braziliensis. En Guyane,
nia, très rare en pédiatrie, le traitement doit être plus long et les enfants voyageurs peuvent être atteints, même lors de
associer amphotéricine B liposomale, antimoine, pentami- courts séjours (fig. 19.5B).
dine et/ou miltéfosine. ■ La LC diffuse est associée à L. aethiopica en Afrique
et à L. amazonensis en Amérique. Cependant,
Leishmanioses cutanées l'immunod épression d'un patient peut expliquer une
LC diffuse.
Six cent mille à 1 million de nouveaux cas de LC/LCM sur- ■ La LCM est causée par L. braziliensis (qui peut aussi don-
viennent chaque année dans 12 pays pour 90 % d'entre eux ner des formes localisées) et, dans une moindre mesure,
(fig. 19.4). par L. panamensis.
En France métropolitaine, les enfants ayant une LC ont
Formes cliniques été le plus souvent infectés lors d'un séjour au Maghreb
La présentation clinique des LC est très polymorphe. L'ex- ou en Guyane française. Des LC autochtones sont
pression clinique d'une LC est dépendante de l'espèce en r apportés chez des enfants n'ayant jamais quitté le ter-
cause et de la réponse immune du sujet infecté. ritoire (fig. 19.5C).
A B
C
Fig. 19.5 Leishmaniose cutanée. A. À L. major, acquise lors d'un séjour en Algérie. B. À L. guyanensis, acquise lors d'un séjour en Guyane
française. C. À L. infantum, chez un enfant n'ayant jamais voyagé hors de Marseille (Bouches-du-Rhône).
528 Partie II. Spécialités
Diagnostic Bilharzioses
Une biopsie cutanée permet d'effectuer un examen direct et Claire Leblanc
une PCR. La sérologie est souvent négative.
La bilharziose, ou schistosomose, fait partie de la liste des
Traitement maladies négligées de l'OMS. Deuxième parasitose après le
paludisme en termes de morbimortalité, elle affecte environ
À 3 mois d'évolution, 40–70 % des LC à L. major guérissent 280 millions de personnes dans le monde. Les deux schisto-
et presque 100 % à un an ! C'est un peu plus long pour somoses les plus répandues sont Schistosoma haematobium et
L. tropica : 1 % à 3 mois, 68 % à 1 an, 100 % à 3 ans. Lorsqu'on S. mansoni. Le patient se contamine lors d'un contact avec de
propose un traitement, il faut tenir compte du taux spontané l'eau douce infestée. Sa transmission est avérée dans 78 pays, la
de guérison, des possibles effets indésirables, et surtout de majorité se trouve sur le continent africain. Un foyer de bilhar-
l'absence de preuve sur ce sujet. ziose urinaire à S. haematobium existe en Corse depuis 2014.
Les traitements proposés par voie locale sont : Les manifestations cliniques varient selon la phase de la
■ les injections intralésionnelles d'antimoine ; maladie : aiguë, d'état, puis chronique compliquée.
■ les applications de paromomycine (15 %) + chlorure de
méthyl-benzothénium (12 %) (ou + urée 10 %) (non dis-
ponible en France) ; Phase aiguë
■ la cryothérapie ; Elle est causée par la migration des schistosomules avec une
■ le laser CO2 ; toxicité de l'hyperéosinophilie et apparaît entre 1 à 12 semaines
■ l'application locale itérative de chaleur par un appareil après le contact. Elle peut être marquée par : asthénie, fièvre,
spécifique ; anorexie (fièvre des safaris), accompagnées de prurit, poussée
■ la thérapie photodynamique. d'urticaire. La numération formule sanguine peut montrer
Leur efficacité vis-à-vis de L. tropica et L. major semble une hyperéosinophilie majeure. Le diagnostic repose sur les
dépasser 80 % sauf pour la cryothérapie. Les effets indé- sérologies combinées (ELISA + hémagglutination indirecte
sirables rapportés sont une rougeur au niveau du site confirmées par western blot). Le temps moyen de séroconver-
d'application, des douleurs lors des séances, un prurit sion est de 46 jours, rendant le diagnostic difficile. Le prazi-
ou une sensation de brûlure, un œdème local, l'appa- quantel à cette phase de l'infection n'est pas recommandé car
rition de vésicules, une hypo ou hyperpigmentation inutile sur les schistosomules. Une corticothérapie peut être
séquellaire. prescrite en cas de formes sévères (myocardite, vascularite).
Par voie orale, on propose :
■ des antifongiques comme le fluconazole, l'itraconazole
ou le kétoconazole ;
Phase d'état
■ des antibiotiques comme la dapsone, l'azithromycine ou Une hématurie (S. haematobium) ou des selles glairosan-
la rifampicine ; glantes (S. mansoni) se manifestent et signent le franchis-
■ d'autres médicaments comme la miltéfosine, le sulfate de sement de la muqueuse vésicale ou intestinale par les œufs
zinc, l'allopurinol, etc. excrétés par la forme adulte. Le diagnostic repose sur l'exa-
La voie injectable est fréquemment requise en cas de LC du men parasitologique des selles (EPS) sur plusieurs jours ou
Nouveau Monde, d'atteinte muqueuse ou de résistance à un des urines (EPU) sur un recueil de 24 heures ou une mic-
traitement local. L'antimoine peut être utilisé. La pentami- tion complète à la recherche des œufs de bilharzies associés
dine intraveineuse est le traitement de la LC à L. guyanensis. aux sérologies combinées. L'EPS et l'EPU sont difficilement
L'amphotéricine B liposomale peut être proposée pour les réalisables en pratique courante et les résultats sont déce-
LCM à L. braziliensis. vants, étant donné la fluctuation parasitaire importante,
mais essentiels au diagnostic quand positives. Les sérolo-
gies combinées (hémagglutination indirecte et ELISA avec
un western blot de confirmation) ont une bien meilleure
Parasitoses digestives sensibilité mais ne permettent pas de distinguer les espèces.
(hors bilharzioses et cestodoses) La bandelette urinaire permet une orientation diagnostique
Ananda Banerjee
à la recherche d'hématurie microscopique. L'échographie
des voies urinaires et/ou digestive doit également être faite
Les principales parasitoses digestives de l'enfant sont dues à en cas de sérologie et/ou EPU/EPS positifs pour compléter
deux groupes de parasites : le bilan lésionnel. Le traitement efficace est le praziquan-
■ les helminthes (vers), organismes pluricellulaires, eux- tel à 40 à 60 mg/kg en prise unique, à renouveler au bout
mêmes distingués en vers ronds (nématodes) et en vers de 3 à 6 semaines en cas de charge parasitaire élevée ou
plats (plathelminthes) ; persistante.
■ les protozoaires, organismes unicellulaires.
Seuls sont traités ici les nématodes et les protozoaires, les
plathelminthes (trématodes, responsables de schistoso- Bilharziose chronique compliquée
mose ou bilharziose, et cestodes, tels que le Taenia) étant Elle s'explique par des granulomes pouvant évoluer vers une
abordés plus loin. Les caractéristiques pédiatriques de ces fibrose hépatique, un cancer du côlon ou de la vessie. Le
parasitoses digestives sont résumées dans le tableau 19.6. Le traitement à ce stade est également le praziquantel associé
tableau 19.7 en résume les aspects thérapeutiques. aux traitements des complications.
.
Tableau 19.6 Caractéristiques des principales parasitoses digestives (hors bilharzioses et cestodoses)
Famille Parasite Répartition Mode de Principaux signes cliniques chez Biologie Diagnostic parasitologique
géographique contamination l'enfant
Nématodes Oxyure Cosmopolite Ingestions d'œufs Prurit anal (± vulvaire chez la fille) le soir, Éosinophilie peu Vers observés dans les selles
(Enterobius vermicularis) Zones tempérées > zones (aliments souillés) au coucher contributive NB : plus de scotch-test anal
tropicales Parfois : insomnie, irritabilité, cauchemars
Toute suspicion clinique conduit à traiter
l'enfant
Ascaris Zones tropicales (mauvaise Ingestion d'œufs Signes digestifs non spécifiques : Hyperéosinophilie Ver adulte dans les selles
(Ascaris lumbricoides) hygiène ++) (aliments crus ou eau diarrhée, douleurs abdominales, anorexie, (début vers J7, maximale EPS
contaminée) nausées ou vomissements (où présence de à J20)
vers possible)
Ankylostome Afrique tropicale ; Inde, Pénétration Anémie : Anémie (hypochrome, EPS (larves)
(Necator Chine ; Amérique du Sud ; transcutanée – bien tolérée, asymptomatique microcytaire, peu
americanus/Ancylostoma Méditerranée (marche dans la boue, – sévère : pâleur cutanéomuqueuse régénérative)
duodenale) baignade) marquée, dyspnée, tachycardie, souffle Hyperéosinophilie
cardiaque Hyposidérémie
Toute anémie ferriprive chez un enfant issu
d'une zone d'endémie doit faire rechercher
ce diagnostic
Trichocéphale Fréquente en zones Ingestion d'œufs Asymptomatique le plus souvent Éosinophilie sanguine EPS (œufs)
(Trichuri trichiura) tropicales ++ peu élevée
Trichine Rare en Europe Ingestion de larves dans Diarrhée intense, précédant fièvre en Hyperéosinophilie Sérologie
(Trichinella) Évolue par épidémies la viande de porc ou plateau, myalgies et œdème de la face massive (> 1 G/L) NB : EPS peu contributif
collectives (TIAC) sanglier (paupières) CPK élevée
Protozoaires Amibe Régions chaudes et Ingestions de kystes Amibiase intestinale ou « dysenterie NFS non contributive EPS (formes hématophages
(Entamoeba histolytica) pauvres du globe (eau souillée, légumes amibienne », avec diarrhée + glaires, dans la forme intestinale d'E. histolytica)
10 % population mondiale ou crudités mal lavés) sang, pus, douleurs abdominales ++, Sérodiagnostic PCR
infectée dont > 20 % de déshydratation seulement dans formes
formes sévères (100 000 Rare chez l'enfant : amibiase viscérale (ex : compliquées
décès/an) hépatique)
Traiter toute diarrhée où formes végétatives
ou kystes d'amibes retrouvés
Giardia 25 % enfants touchés en Ingestion de kystes Syndrome de malabsorption par atrophie Biologie de EPS sur selles fraîches 3 jours
(Giardia intestinalis ou zone tropicale dans aliments crus villositaire : cassure courbe de poids ++ malabsorption digestive de suite
lamblia) 7 % dans les pays Baignades TDR, PCR
industrialisés (crèches ++)
CPK : créatine-phosphokinase ; EPS : examen parasitologique des selles ; PCR : Polymerase Chain Reaction ; TDR : test de diagnostic rapide ; TIAC : toxi-infection alimentaire collective.
Chapitre 19. Médecine tropicale et du voyage 529
530 Partie II. Spécialités
Clinique
Hydatidose
Les manifestations cliniques dépendent de la localisation des
kystes. Elles sont résumées dans le tableau 19.8 et sont domi- L'hydatidose est due au développement accidentel chez
nées par les atteintes du SNC (système nerveux central). l'homme de la forme larvaire d'un Taenia de petite taille :
Echinococcus granulosus.
Examens complémentaires
Le diagnostic de cysticercose se fait souvent sur un faisceau d'argu- Épidémiologie
ments épidémiologiques, clinique, biologique et immunologique. L'hydatidose est une maladie surtout répandue dans les régions
■ Une hyperéosinophilie peut être présente. d'élevage de moutons nécessitant des chiens de garde. Les 2 grands
■ En cas d'atteinte cérébrale, la TDM et l'IRM cérébrales foyers endémiques sont le Maghreb et le Kenya, mais on en trouve
sont des examens de choix pour préciser l'atteinte du également en Amérique du Sud (Argentine) et en Océanie.
SNC et le caractère vivant des larves.
■ Le LCR peut être normal ou présenter une pléiocytose. Contamination – Cycle parasitaire –
■ Le bilan d'extension doit comporter un examen ophtal- Physiopathologie
mologique (fond d'œil, échographie des orbites) et des Le chien est l'hôte définitif et s'infeste en absorbant les
clichés standards des membres (calcifications des parties viscères hydatifères du mouton, hôte intermédiaire qui
molles). se contamine en broutant l'herbe souillée de déjections
■ En cas de nodule sous-cutané, une biopsie pourra facile- canines, riches en embryophores.
ment apporter le diagnostic de certitude avec la visualisa- Dans ce cycle, l'homme est une impasse. L'enfant se
tion du cysticerque. contamine en ingérant des embryophores (contact direct
■ Sur le plan immunologique, la recherche d'anticorps peut d'un chien parasité ou ingestion d'eau ou aliments souillés
se faire dans le sérum et dans le LCR. Elle peut être néga- par les déjections canines).
tive chez l'enfant en cas de lésion unique. Une fois ingérés dans le tube digestif, les œufs embryon-
nés gagnent le foie par le système porte. D'autres localisa-
Traitement tions sont possibles (poumon, rate, péritoine, cerveau, rein,
En cas de neurocysticercose, le traitement peut associer un os, œil). Dans les organes, l'embryon se transforme en hyda-
traitement antiépileptique et une courte corticothérapie, tide avec une membrane interne proligère.
surtout en cas de convulsions ou de réaction inflammatoire
à l'imagerie cérébrale. Clinique
Le traitement antiparasitaire dépend de la viabilité du Kyste hydatique du foie
kyste et du nombre de lésions : Il s'agit de la principale localisation de l'hydatidose (60 %). Elle
■ en cas de lésion cérébrale unique : monothérapie par est le plus souvent asymptomatique et de découverte fortuite sur
albendazole 15 mg/kg/j (maximum 800 mg/j) en 2 prises une échographie abdominale. On peut la diagnostiquer à l'occa-
pendant 7 à 15 jours ; sion de complications (rupture du kyste, compression des voies
biliaires ou des veines sus-hépatiques, surinfection du kyste).
Tableau 19.8 Localisations et manifestations
cliniques de la cysticercose. Kyste hydatique du poumon
Atteinte Localisations Manifestations cliniques
Il s'agit d'une des localisations les plus fréquentes chez
l'enfant (25 %). Elle est souvent asymptomatique et de
SNC Parenchyme Asymptomatique
découverte fortuite sur une radiographie de thorax avec
cérébralv++ Crises convulsives
Ventricule cérébral + Céphalées
une opacité ronde, parenchymateuse, unique ou multiple,
(surtout 4e ventricule) Méningoencéphalite opaque ou hydroaérique. Elle peut se révéler également
Localisation Hydrocéphalie lors de complications (fissuration ou rupture du kyste).
sous-arachnoïdienne Hypertension
Localisation intracrânienne Autres localisations
médullaire
Elles sont rares et concernent le cerveau, l'œil, la rate et l'os.
Oculaire Chambre postérieure Asymptomatique
Corps vitré Décollement rétine
Rétine Hypertonie oculaire Examens complémentaires
Cataracte secondaire
■ Une hyperéosinophilie modérée peut être présente.
Musculaire et Muscles Asymptomatique ■ Un scanner permet de préciser le nombre de kystes (volume,
sous-cutanée Tissu sous-cutané Myalgies fissuration) et de faire le bilan d'extension à la recherche
(thorax, dos) Nodules sous-cutanés
d'autres localisations (cérébrales, oculaires, osseuses).
532 Partie II. Spécialités
Une prudence particulière est requise avec les prises et les Pharmacie de l'enfant voyageur
fils électriques, les escaliers, les balcons, les fenêtres et les
piscines.
(encadré 19.1)
■ Les accidents de la voie publique sont la principale cause ■ Son contenu doit être personnalisé et adapté :
de mortalité des voyageurs. Leur prévention doit être – à l'enfant : suivant son âge, son poids et sa famille ;
d'autant plus importante que l'on ne peut souvent pas – à la destination : pays développés ou non, altitude,
compter sur un service d'aide médicale urgente fiable et froid ou chaleur extrême ;
de qualité dans de nombreux pays. Vérifier l'état des véhi- – aux conditions de voyage : familial, en groupe, sportif ;
cules loués (ceintures de sécurité, etc.). Les sièges-enfants – à la durée du voyage : brève ou prolongée.
de voiture ne sont souvent pas disponibles sur place et il ■ Le contenant doit être pratique (trousse ou boîte hermétique).
peut être utile d'en emporter un. ■ Les médicaments doivent être emportés dans leur condi-
■ Garder les médicaments dans une pharmacie de voyage tionnement d'origine avec les ordonnances de prescrip-
hors de portée des enfants. tion en DCI et les notices pharmacologiques.
Pharmacie indispensable ■
Sérum physiologique en unidoses
■
Collyre en unidoses
Matériel ■
± Chimioprophylaxie antipaludique si nécessaire selon la
■
Thermomètre incassable destination (cf. Paludisme)
■
Ciseaux, pince à épiler, pince à tique (à placer en soute dans l'avion)
■
Compresses stériles Pharmacie utile
■
Sparadrap microporeux
■
Pansements hydrocolloïdes de différentes tailles Matériel
■
Antiseptique cutané (chlorhexidine) ou compresses imprégnées ■
Solution hydroalcoolique
(chlorhexidine ou povidone – Bétadine®) ■
Filet de contention, bande autocollante
■
Crème solaire (FPS ≥ 50 ou ≥ 30) ■
Lait maternisé en poudre
■
Bandelettes de sutures adhésives ■
Petits pots
■
Protection personnelle antivectorielle : ■
Couches jetables
– moustiquaire imprégnée d'insecticide pour lit ou berceau
– perméthrine pour imprégner les vêtements avant le départ
Médicaments
et éventuellement en voyage
■
Crème apaisante en cas de brûlure
– insectifuge cutané (répulsif) : cf. Paludisme
■
Crème antiseptique en cas de surinfection cutanée
Médicaments ■
Crème antiprurigineuse
■
Antipyrétiques : paracétamol par voie orale ; pas de suppositoires ■
Antibiotiques
■
Sachets de réhydratation orale (1 sachet pour 200 mL d'eau ■
En cas de consultation médicale impossible dans les 24 heures,
potable) prescrire éventuellement azithromycine en cas de diarrhée
■
Antidiarrhéique : antisécrétoire – racécatodril nourrisson invasive (glairosanglante fébrile)
sachet = 10 mg, enfant > 13 kg : sachet = 30 mg × 3/j ■
Anti-mal des transports, etc.
PLAN DU CHAPITRE
Évaluation de la fonction rénale Syndrome hémolytique et urémique . . . . . . . . 552
et normes chez l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535 Hypertension artérielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554
Hématurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 538 Situations à risque de maladie
Protéinurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 542 rénale chronique (MRC) et grands
Syndrome néphrotique idiopathique . . . . . . . 544 principes de néphroprotection . . . . . . . . . . . . 561
Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse . . . . . 550 Troubles mictionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565
Évaluation de la fonction rénale d'un patient quelle que soit sa pathologie et se fait le plus
souvent à l'aide d'examens simples. Les spécificités propres à
et normes chez l'enfant l'enfant sont cependant à prendre en compte, en particulier
Laurence Dubourg l'évolution des normes avec l'âge.
L'évaluation de la fonction rénale (filtration et fonctions
tubulaires) est nécessaire quelle que soit la pathologie de Évaluation de la filtration glomérulaire
l'enfant. Évolution du débit de filtration glomérulaire
En simplifiant, on peut considérer que les reins ont trois
fonctions principales : Le DFG évolue au cours de la vie. Ainsi le nouveau-né présente
■ une fonction d'épuration (par un phénomène de filtra- une immaturité rénale, majorée s'il est prématuré, et carac-
tion du plasma) ; térisée par un DFG très bas qui va augmenter rapidement au
■ le maintien de l'équilibre hydroélectrolytique (fonctions cours des premiers mois de la vie. De fait, le DFG rapporté à
tubulaires) ; 1,73 m2, proche de 20 mL/min/1,73 m2 à la naissance pour un
■ la régulation de la pression artérielle. nouveau-né à terme, augmente rapidement pour atteindre une
L'évaluation du débit de filtration glomérulaire (DFG, ou valeur comparable à celle de l'adulte (> 90 mL/min/1,73 m2) dès
volume de plasma filtré par unité de temps) permet de 1 à 2 ans (tableau 20.1). L'évaluation de la fonction rénale avant
connaître la fonction d'épuration globale des reins ; le DFG est l'âge de 2 ans est donc difficile en pratique.
le principal élément d'appréciation de la fonction rénale, ce qui
permet de définir l'insuffisance rénale et ses stades. Le tubule Évaluation pratique du débit de filtration
permet, par l'association de phénomènes de réabsorption et glomérulaire
de sécrétion, d'ajuster de façon très précise la composition de Idéalement, le DFG devrait être mesuré par la clairance d'un mar-
l'urine pour maintenir l'équilibre hydroélectrolytique. queur glomérulaire exogène. Cependant, ces mesures ne sont pas
L'évaluation de la fonction rénale (fonctions glomérulaire réalisées en routine et en pratique, le médecin doit utiliser d'autres
et tubulaire) est une étape indispensable à la prise en charge moyens d'évaluation du DFG.
Bandelette urinaire
NÉGATIVE
Diagnostics différentiels
Colorants alimentaires,
médicaments, pigments,
POSITIVE saignement vaginal ou digestif
BU positive leucocytes/nitrites
Autres causes (exceptionnelles)
INFECTION URINAIRE
– ECBU
– Échographie rénale et des
voies urinaires vessie pleine Coagulopathies
– Antibiothérapie
Cause urologique Cause néphrologique Münchhausen par procuration
Urines rouges, caillots Urines marron, pas de caillots Pigments
Fig. 20.1 Orientation étiologique d'une hématurie macroscopique. ACAN : anticorps antinucléaires ; ANCA : anticorps anticytoplasme
des polynucléaires neutrophiles ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ; GNA : glomérulonéphrite aiguë ; HTA : hypertension artérielle ;
IgA : immunoglobulines A ; NFP : numération formule plaquettes.
Les autres examens d'imagerie (cystographie rétrograde, virales (adénovirus, BK virus) ou parasitaires (bilharziose)
uroscanner, IRM) sont en règle inutiles en 1re intention sauf en peuvent également être observées.
cas de traumatisme rénal récent nécessitant alors un scanner Classiquement considérées comme exceptionnelles, il
injecté en urgence après contrôle de la fonction rénale ; leur semble y avoir eu récemment une recrudescence de cas de
prescription doit être réalisée le cas échéant après avis spécialisé. bilharzioses en pédiatrie en France, avec l'arrivée d'enfants
Devant une hématurie d'origine urologique sans cause migrants. Dans ce cas, l'examen parasitologique des urines
retrouvée malgré un bilan non invasif exhaustif, la réali- sur premières urines du matin doit être sensibilisé par
sation d'une urétrocystoscopie doit être discutée avec le l'exercice physique avant analyse d'urine (montée/descente
chirurgien pédiatre. des escaliers par exemple), avec plusieurs recueils pour
infirmer le diagnostic. La sérologie anti-schistosome est
Hématurie macroscopique d'origine conseillée par l'HAS (2017) chez toute personne migrante
urologique originaire de zone endémique, devant une symptomatologie
non spécifique mais évocatrice d'une parasitose (et notam-
Cystites et urétrites hémorragiques ment dysurie, pollakiurie, hématurie). Il peut exister des
En dehors des « classiques » cystites bactériennes calcifications vésicales ou urétérales ; si une cystoscopie est
(cf. chapitre 18), des cystites mycobactériennes (tuberculose), réalisée, elle peut retrouver des aspects caractéristiques (en
540 Partie II. Spécialités
« grains de sucre » et plus tardivement en « grains d'acné » ou bilan phosphocalcique (parathormone, 25-OH-vitamine D,
en « tumeur framboisée »). En cas de bilharziose confirmée, 1-25-di-hydroxy-vitamine D) permet de chercher des
un traitement par praziquantel hors AMM en une prise signes de tubulopathie proximale mais également d'anoma-
est mis en place (40 mg/kg per os, maximum 2 400 mg, à lies du métabolisme phosphocalcique. Au niveau urinaire,
commencer au moins 3 mois après le dernier bain à risque), idéalement le calcul est analysé (morphologie, analyse en
avec un contrôle urinaire et de la sérologie 3, 6 et 12 mois spectromorphométrie infrarouge) : dans ce cas, le bilan
plus tard. Après une phase d'élévation des taux d'anticorps urinaire peut être adapté en fonction des résultats. Dans le
après traitement (du fait de la décharge antigénique consé- cas contraire, sur miction du matin, fraîchement émise, le
cutive à la lyse des schistosomes), la sérologie doit en effet se même jour que le bilan sanguin, seront dosés la créatinine,
négativer en 10 à 12 mois. La persistance d'une hématurie, le calcium, le phosphore, le sodium, la cystine, l'oxalate, le
la remontée de l'éosinophilie et la positivité des examens citrate, l'acide urique, avec le calcul du rapport composé
parasitologiques au-delà de 3 mois nécessitent la reprise du étudié/créatininurie. Chez les enfants pouvant recueillir
traitement. À noter qu'en cas d'infection à Schistosoma hae- de manière fiable leurs urines de 24 heures, cet examen est
matobium, l'ensemble de l'arbre urinaire peut être atteint, intéressant pour avoir idée du volume total, de la consom-
avec un risque d'insuffisance rénale et d'hypofertilité sur mation sodée journalière, et bien sûr de la concentration
le long terme. Après traitement et en l'absence de nouvelle et de l'excrétion des composés lithogènes. Le tableau 20.4
exposition, un suivi annuel de la fonction rénale (créatini- reprend les valeurs de référence en pédiatrie de ces princi-
némie et pression artérielle) est conseillé, avec un contrôle paux composés.
échographique annuel pendant 2 à 3 ans du fait du risque de Un examen cytobactériologique des urines (ECBU), une
séquelles (sténose urétérale notamment). bandelette urinaire (densité, pH, protéines, sang) et une cris-
Par ailleurs, les cystites d'origine toxique peuvent aussi tallurie complètent le bilan urinaire. L'analyse spectromor-
être observées, mais le contexte général est évocateur (cyclo- phométrique des calculs est très importante pour orienter
phosphamide). En cas d'hématurie initiale, une échographie le diagnostic étiologique, mais elle nécessite un biologiste
vésicoprostatique doit également être demandée chez le gar- expérimenté : des calculs de struvite ou phospho-ammoniaco-
çon, avec une urétroscopie si le bilan initial est négatif et si la magnésiens orientent vers une cause infectieuse, alors que
symptomatologie persiste. des cristaux de phosphate de calcium ou d'oxalate de calcium
dihydraté (wheddellite) orientent vers une hypercalciurie, des
Lithiase calculs de cystine vers une cystinurie, des calculs d'urate vers
La présence d'une crise de colique néphrétique n'est pas une anomalie des purines, des calculs de xanthine vers une
obligatoire, et certains enfants présentent une hématurie
macroscopique avec des douleurs abdominales mal systé-
matisées en cas de migration lithiasique. La normalité de Tableau 20.4 Valeurs de référence pour le bilan
l'échographie n'élimine pas le diagnostic, et il faut savoir de lithiase urinaire en pédiatrie.
penser à réaliser un bilan de lithiase minimum en cas de
bilan étiologique initial négatif, a fortiori si les épisodes se Bilan sur urines Calcium < 4 mg/kg/j ou
répètent. de 24 heures < 0,12–0,15 mmol/kg/j
Les calculs urinaires sont en effet de plus en plus fré- Oxalate < 40–45 mg/1,73 m2/j
quents, même en pédiatrie : 15 % de la population souf- Acide urique < 815 mg/1,73 m2/j
frira d'une lithiase au cours de la vie ! Les lithiases urinaires
Cystine < 75 mg/1,73 m2/j
peuvent être d'origine infectieuse (et notamment germes
uréasiques tels que Proteus ou moins fréquemment Kleb- Bilan sur « spot » Calcium 3,8 mmol/L = seuil de
siella), malformatives, héréditaires ou « environnementales » cristallisation
liées à de mauvaises habitudes alimentaires (et notamment Calcium/créatinine < 2,0 avant 1 an
à un excès de sel et de protéines). La survenue d'une lithiase (mmol/mmol) < 1,5 chez les 1–3 ans
est la conséquence d'un déséquilibre entre promoteurs (cal- < 1,0 chez les 3–5 ans
< 0,8 chez les 5–10 ans
cium, oxalate, acide urique, cystine, bactéries, etc.) et inhibi-
< 0,6 après 10 ans
teurs (citrate, magnésium, phosphate, uromoduline, etc.) de
la cristallisation, le tout dans un environnement dépendant Oxalate/créatinine 15–260 avant 1 an
(μmol/mmol) 11–120 chez les
du volume urinaire (seuil de cristallisation) et du pH (litho-
1–5 ans
genèse majorée des lithiases cystiniques en milieu acide ou 60–150 chez les
a contrario des lithiases infectieuses à germes uréasiques en 5–12 ans
milieu alcalin par exemple). 2–80 après 12 ans
Le diagnostic étiologique est « policier », reposant sur Acide urique/ 0,7–1,5 mmol/mmol
un interrogatoire détaillé, un bilan biologique et parfois créatinine avant 1 an
la génétique. Le bilan biologique permet de chercher des (mmol/mmol) 0,4–1,4 chez les
signes de gravité (fonction rénale) d'une part, et d'avancer 1–5 ans
dans le diagnostic étiologique d'autre part. Au niveau san- 0,26–0,56 chez les
guin, un ionogramme complet avec électrolytes (sodium, 6–11 ans
0,20–0,40 après 11 ans
potassium, bicarbonates, calcium, phosphore, magnésium,
urée, créatinine, acide urique, protidémie) ainsi qu'un Citrate/créatinine 0,3–0,7 mmol/mmol
Chapitre 20. Néphrologie 541
xanthinurie, des calculs de 2,8-dihydroxyadénine vers un le syndrome d'Alport. L'interrogatoire peut parfois rendre
déficit en adénosine-phosphoribosyltransférase (APRT), et difficile la distinction entre ces entités : même si typique-
des calculs médicamenteux vers une cause iatrogène. ment dans le premier cas, la survenue de l'épisode infec-
La prise en charge de toute lithiase repose sur l'hyperhy- tieux cutané ou ORL précède de 1 à 3 semaines l'hématurie
dratation ; des traitements spécifiques peuvent être rajoutés alors que dans les deux derniers, elle est concomitante de
en fonction de l'étiologie (alcalinisation, diurétiques thiazi- l'épisode infectieux ; le dosage du complément, avec un C3
diques, pyridoxine, dérivés sulfhydryles, etc.). abaissé en cas de GNA, peut être utile. À noter cependant
que cette baisse est transitoire, et qu'il convient donc de réa-
Traumatisme rénal et des voies urinaires liser ce dosage précocement.
Tout contexte de traumatisme abdominal doit faire recher- Le syndrome d'Alport est une maladie rénale héréditaire,
cher la présence d'une hématurie micro ou macroscopique lié à l'X dans 80 % des cas et touchant donc principalement les
et la réalisation d'une échographie doppler rénale et vésicale garçons. Il correspond à une anomalie du collagène de type IV,
à la recherche d'une contusion rénale et d'un urinome. composant principal des membranes basales. Une histoire
familiale (recherche d'hématurie chez la maman), une surdité,
des anomalies œsophagiennes et ophtalmologiques (lenticone,
Tumeurs urologiques
maculopathie) sont autant d'arguments pour cette patho-
Contrairement aux populations adultes chez qui les tumeurs logie. En cas de suspicion, une biopsie cutanée avec examen
urologiques représentent la première cause d'hématurie immunohistochimique des chaînes de collagène au niveau
macroscopique, les tumeurs urologiques sont exception- de la membrane basale dermoépidermique peut être réalisée,
nelles en pédiatrie et sont principalement représentées par le tout comme une analyse génétique. La négativité de la biopsie
néphroblastome et le rhabdomyosarcome de vessie. Du fait cutanée n'exclut cependant pas le diagnostic et, en l'absence
de leur gravité potentielle (rhabdomyosarcome de vessie par d'analyse génétique disponible, une biopsie rénale peut se
exemple), une imagerie doit être rapidement demandée, en discuter. D'autres pathologies des membranes basales glomé-
indiquant sur la demande de bien analyser la paroi vésicale. rulaires (« basalopathies ») peuvent expliquer des hématuries
familiales ; elles sont en règle considérées comme bénignes.
Urétrite juvénile Des hématuries d'origine tubulaire peuvent également
C'est une cause fréquente d'urétrorragie de l'adolescent en s'observer, notamment dans le cas des néphrites tubulo-
début de puberté, correspondant aux « règles du garçon ». interstitielles immunoallergiques. Un interrogatoire ciblé
D'un point de vue physiopathologique, il a été proposé que sur les prises médicamenteuses récentes est fondamental,
les sécrétions prostatiques acides en début de puberté lèsent et souvent l'hématurie est associée à une insuffisance rénale
l'endothélium urétral, provoquant une hématurie terminale aiguë. Des infarctus rénaux ou des nécroses papillaires sont
associée à des signes fonctionnels urinaires. Le bilan est sou- également possibles, le plus souvent chez des patients avec
vent négatif, la débitmétrie peut montrer une dyssynergie drépanocytose.
vésicosphinctérienne. Le diagnostic est confirmé à la cys-
toscopie. Il est important de surveiller ces patients au long Hématurie de la période néonatale
cours, devant le risque de sténose urétrale dans 20 % des cas.
En période néonatale, des cristaux de couleur orange dans
Uropathies obstructives la couche doivent faire évoquer des cristaux d'urate, bénins.
En revanche, toute hématurie de type glomérulaire doit faire
À l'heure du diagnostic prénatal, il est devenu exception- suspecter une thrombose des veines rénales, et ce d'autant
nel de faire des diagnostics d'uropathie obstructive devant plus qu'il existe des facteurs de risque (souffrance fœtale
une hématurie macroscopique. Cependant, c'était le mode aiguë). À l'heure du diagnostic prénatal, il est devenu excep-
de révélation classique de certaines formes de valves par- tionnel de faire des diagnostics d'uropathie sévère ou de
tielles de l'urètre postérieur et de syndrome de la jonction pathologies kystiques devant une hématurie macroscopique
pyélo-urétérale. en période néonatale.
En cas d'hématurie microscopique isolée, un suivi majorité par l'albumine. On considère que l'albuminurie
simple peut être proposé, avec un contrôle clinique et uri- est significative à partir de 30 mg/24 h. L'autre moitié des
naire 1 fois/semaine pendant 2 à 4 semaines. Si l'hématurie protéines urinaires est constituée par la protéine de Tamm-
s'amende, il n'est pas nécessaire de poursuivre les investi- Horsfall, produite au niveau du tubule distal et dont la fonc-
gations. Bien évidemment, en cas de purpura rhumatoïde tion n'est pas connue.
(cf. chapitre 27), la surveillance doit être prolongée pendant
un an après la dernière poussée cutanée, avec un espace- Détection
ment progressif du contrôle des bandelettes urinaires et une La bandelette urinaire (BU) est une bandelette réactive qui
éducation des parents à être réactif en cas d'apparition d'une permet le dépistage de la protéinurie. La réaction chimique
protéinurie. impliquée repère avant tout l'albumine, et est moins sen-
En cas d'hématurie microscopique isolée persistante, la sible pour la détection des autres protéines. Une héma-
cytologie urinaire permet de distinguer les hématuries rénales turie macroscopique, la présence d'urines concentrées, le
des hématuries urologiques. Une échographie rénale et des contact avec un antiseptique ou un pH urinaire supérieur
voies urinaires, vessie pleine, est réalisée dans tous les cas, à 8 peuvent rendre la BU faussement positive. À l'inverse,
de même qu'un rapport calcium/créatinine sur miction. Une la BU peut être faussement négative, lorsque les urines sont
bandelette urinaire est également demandée chez les parents, diluées. La BU est une méthode de dosage semi-quantitative,
pour apporter des arguments pour une hématurie familiale dont les résultats peuvent être interprétés ainsi :
bénigne ou un syndrome d'Alport ; des examens auditifs et ■ « – » = absence de protéinurie ;
ophtalmologiques peuvent être proposés, de même qu'une ■ « traces » < 0,3 g/L ;
biopsie cutanée. Un suivi trimestriel clinique (pression arté- ■ « + » < 1 g/L ;
rielle) et urinaire (notamment rapport protéine/créatinine) ■ « ++ » < 3 g/L ;
est proposé ; devant l'apparition d'anomalies, un bilan plus ■ « +++ » < 10 g/L ;
exhaustif est réalisé en fonction des points d'appel, après avis ■ « ++++ » > 10 g/L.
spécialisé. La BU ne constitue qu'un examen de dépistage : toute pro-
En cas d'hématurie microscopique associée à une pro- téinurie significative (≥ 1 croix) doit faire l'objet d'un dosage
téinurie et/ou une insuffisance rénale, la cause de cette de la protéinurie au laboratoire. L'examen de référence est
hématurie d'origine glomérulaire doit être activement et le dosage de la protéinurie des 24 heures. Cependant, en
rapidement recherchée. Une ponction-biopsie rénale est pédiatrie, il n'est pas toujours aisé de recueillir les urines
indiquée en cas d'insuffisance rénale et/ou de protéinurie de 24 heures, notamment chez les enfants non propres. Il
persistante ou néphrotique et/ou d'hypertension artérielle convient alors de réaliser le dosage de la protéinurie sur un
non expliquée persistante. échantillon urinaire, avec évaluation du rapport protéinu-
En cas d'hématurie microscopique d'origine urolo- rie/créatininurie et/ou albuminurie/créatininurie, idéale-
gique, le raisonnement est le même qu'en cas d'hématurie ment sur premières urines du matin pour s'affranchir de
macroscopique. l'orthostatisme.
cutanés (purpura), digestifs et articulaires, et peut toucher, Guigonis V, Vrillon I. Aspects cliniques du syndrome néphrotique
plus rarement, d'autres organes (système nerveux central, idiopathique de l'enfant. Arch Péd. 2017 ; 24 (12) : 1338-43.
Chapitre 20. Néphrologie 545
rend compte d'une anomalie de la perméabilité glomérulaire La physiopathologie des œdèmes est complexe et fait
qui peut être primitive ou secondaire à des infections par- intervenir une rétention sodée par défaut intrinsèque
fois congénitales, au VIH, au diabète, au lupus érythémateux d'excrétion du sodium par le rein (natriurèse en règle
systémique, aux néoplasies, à certains médicaments et à des < 5 mmol/L), une rétention hydrique et une baisse du gra-
anomalies génétiques, entre autres. Nous n'abordons ici que dient de pression oncotique transcapillaire avec expansion
les aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique du secteur extra-cellulaire aux dépens du secteur interstitiel.
(SNI) de l'enfant, ou « néphrose lipoïdique », c'est-à-dire sans
étiologie, ni dépôt d'immunoglobulines ou de complément
en immunofluorescence (IF). Modes de découverte
Le SNI représente plus de 85 % des syndromes Présentation classique
néphrotiques de l'enfant. Son incidence annuelle est de ■ Syndrome œdémateux d'installation rapide.
1–4/100 000 enfants. Elle varie avec le sexe, l'âge, l'origine ■ Facteur déclenchant : épisode infectieux (1/2 des cas),
ethnique et le lieu d'habitation. Elle est plus élevée chez les en particulier des voies aériennes supérieures, réaction
garçons avec un ratio de 1-3:1, les enfants d'origine asiatique allergique (1/3 des cas) et plus rarement piqûre d'insecte,
suggérant un déterminisme génétique, et les centres urbains vaccination, traitement ou stress psychologique.
comparés aux zones rurales suggérant le rôle de facteurs ■ Œdèmes déclives, blancs, mous, indolores, symétriques
environnementaux. Le SNI peut survenir à tout âge, mais et prenant le godet (fig. 20.2), initialement localisés au
débute le plus souvent entre 2 et 7 ans. La corticothérapie visage au réveil et aux chevilles en fin de journée puis dif-
constitue le traitement de 1re intention du SNI de l'enfant. fus avec prise de poids, jusqu'à parfois anasarque (ascite,
Deux catégories sont définies en fonction de la réponse hydrocèle et/ou épanchement pleural et/ou hernie ombi-
initiale au traitement et déterminent le pronostic : les syn- licale ou inguinale).
dromes néphrotiques corticosensibles et corticorésistants. ■ Syndrome néphrotique pur, c'est-à-dire sans hématu-
Tant que les patients répondent bien aux traitements immu- rie macroscopique, ni insuffisance rénale organique, ni
nosuppresseurs, le risque d'insuffisance rénale terminale est hypertension artérielle sévère.
faible. À l'inverse, 30–40 % des enfants avec un SNI résistant
aux corticoïdes et aux autres immunosuppresseurs évoluent
Présentations plus trompeuses
vers l'insuffisance rénale terminale après 10 ans.
■ Œdèmes palpébraux parfois asymétriques.
■ Hydrocèle parfois isolée.
Physiopathologie ■ Hypertension artérielle modérée associée (20–30 % des
La physiopathologie du SNI est encore mal comprise, cas).
mais il résulterait d'un désordre immunologique avec pro- ■ Hématurie microscopique associée (20 % des cas envi-
duction d'un facteur circulant augmentant la perméabi- ron). Une hématurie macroscopique est exceptionnelle et
lité glomérulaire, dont la nature, l'origine exacte (cellules doit faire rechercher une thrombose des veines rénales.
immunitaires ?), le mécanisme d'action et les propriétés ■ Complication inaugurale (cf. infra) : douleurs abdominales
physico-chimiques restent énigmatiques. liées à une péritonite, hypovolémie sévère, pneumopathie
Fig. 20.2 Œdèmes du syndrome néphrotique. Ils sont déclives, blancs, mous, indolores, symétriques et prennent le godet ; initialement localisés
aux chevilles en fin de journée, et au visage le matin puis diffus avec ascite, hydrocèle et/ou épanchement pleural. Boyer O, et al. Aspects cliniques
du syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant. Arch Péd. 2017 ; 24 (12) : 1338–43.
546 Partie II. Spécialités
basale ou ascite constitution rapide, dyspnée liée à un – hémostase : hypercoagulabilité fréquente (augmenta-
épanchement pleural, une volumineuse ascite, ou plus rare- tion du fibrinogène et des D-dimères, diminution de
ment une pneumopathie ou une embolie pulmonaire. l'antithrombine III).
■ Signes non spécifiques souvent présents pouvant être Il n'est pas utile de doser la cholestérolémie, ni de faire
le motif de consultation : fatigue, sensation de malaise, une électrophorèse des protéines plasmatiques : ces résul-
céphalées. tats ne sont indispensables ni au diagnostic ni aux choix
■ Découverte fortuite : d'une protéinurie ou exceptionnel- thérapeutiques.
lement d'une hypercholestérolémie.
Anatomopathologie
Diagnostics différentiels La biopsie rénale n'est indiquée qu'en cas de corticorésis-
■ Autres causes de bouffissure des paupières : allergie, tance ou de corticodépendance avant l'instauration de trai-
piqûres de moustiques. Attention de ne pas retarder le tements potentiellement néphrotoxiques.
diagnostic de SNI, d'autant plus que les corticoïdes par- ■ En microscopie électronique, la lésion constante des
fois prescrits dans ce contexte peuvent diminuer transi- podocytes est un effacement diffus des pédicelles avec
toirement les symptômes. disparition des diaphragmes de fente.
■ Causes extrarénales d'œdèmes : ■ En microscopie optique, trois types de lésions peuvent
– hépatiques (insuffisance hépatocellulaire, cirrhose, être observés :
syndrome de Budd-Chiari) ; – les lésions glomérulaires minimes : glomérules nor-
– digestives (entéropathie exsudative, lymphangiecta- maux, absence de dépôts ± dépôts mésangiaux d'IgM
sies, malnutrition), cardiaques, œdème angioneuro- non spécifiques en IF,
tique héréditaire, etc. – la prolifération mésangiale : augmentation de la
■ Autres causes de syndrome néphrotique : matrice et hypercellularité mésangiales, absence de
– infectieuses (VIH, VHB, VHC, CMV, toxoplasmose, dépôts ± dépôts mésangiaux d'IgM non spécifiques en
parvovirus B19) ; IF,
– immunitaires (lupus, vascularites à ANCA, maladie de – la hyalinose segmentaire et focale : lésion non spécifique
Berger, Goodpasture, glomérulonéphrite aiguë post- qui touche une surface limitée du glomérule (segmen-
infectieuse, glomérulonéphrite extra-membraneuse, taire), dans seulement certains glomérules (focale),
membranoproliférative, microangiopathie thrombo- caractérisée par une oblitération des anses capillaires
tique) ; par des dépôts hyalins fixant les sérums anti-IgM et
– toxiques (AINS, sels d'or). C3 et par l'hypertrophie de la matrice mésangiale,
évoluant vers la sclérose, et l'apparition d'une synéchie
Diagnostic positif floculo-capsulaire. Elle s'accompagne d'une fibrose
Le diagnostic repose sur la confirmation d'une hypoal- interstitielle et d'une atrophie tubulaire proportion-
buminémie et d'une protéinurie glomérulaire. Au cabinet nelles à la sévérité des lésions glomérulaires.
médical, il suffit de réaliser une bandelette urinaire type
Albustix® qui révèle une albuminurie supérieure à 3 croix à
confirmer par des dosages au laboratoire : Quand adresser l'enfant au pédiatre
■ albuminémie < 25–30 g/L ; néphrologue ?
■ rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon d'urines
> 0,2 g de protéines/mmol de créatinine (ou 2 g de Un enfant atteint d'une première poussée de SNI non compli-
quée peut être pris en charge dans un service de pédiatrie non
protéines/g de créatinine, ou 200 mg/mmol). Le recueil
spécialisée. Le recours au néphrologue est indispensable lorsque
des urines de 24 heures retarde le diagnostic et n'est pas la situation est inhabituelle :
indispensable (la protéinurie serait > 50 mg/kg/24 h). ■
âge < 1 an ou > 12 ans ;
Les autres examens complémentaires ont pour objet : ■
arguments en faveur d'un diagnostic différentiel : hématu-
■ d'éliminer une autre étiologie du syndrome néphro- rie macroscopique, début progressif, hypertension artérielle
tique : sévère, signes extrarénaux, hypocomplémentémie, insuffi-
– urée et créatininémie : normaux dans le SNI non com- sance rénale, sérologie hépatite positive.
pliqué. Une insuffisance rénale fonctionnelle est toute- Une biopsie rénale est alors indiquée. Dans les autres cas, la cor-
fois possible en cas d'hypovolémie sévère, ticothérapie initiale fait office de test diagnostique.
– recherche d'une hématurie : 20–30 % des SNI ont une
hématurie microscopique, en règle < 100 000/mL,
– complément (CH50, C3, C4) : normal dans le SNI, Complications
– sérologies VHB, VHC ou VIH selon le contexte, qui Des complications surviennent au cours de 1–4 % des pous-
peuvent être associés à des glomérulonéphrites extra- sées de SNI et peuvent engager le pronostic vital. Le risque
membraneuses, membranoprolifératives, ou à la persiste à chaque poussée, lorsque l'albuminémie passe en
néphropathie associée au VIH, respectivement ; dessous de 20–25 g/L.
■ de dépister une complication : ■ Épanchement des séreuses (péritonéal, pleural, péricar-
– ionogramme sanguin : possibles fausse hyponatré- dique) : possible retentissement sur les fonctions vitales.
mie par hyperlipémie ou hyponatrémie de dilution si ■ Hypovolémie : difficile à diagnostiquer cliniquement,
< 135 mmol/L, elle doit être suspectée devant des douleurs abdominales,
Chapitre 20. Néphrologie 547
Corticothérapie
alternée Corticothérapie alternée
décroissante + CsA/FK 6 mois
MMF
Lévamisole
ou MMF
Corticothérapie courte CsA/FK
à chaque rechute
ou alternée 12–18 mois
Rituximab
Fig. 20.3 Traitement du syndrome néphrotique idiopathique. ARA2 : antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 ; CsA : ciclosporine ;
FK : tacrolimus ; IEC : inhibiteurs de l'enzyme de conversion ; MMF : mycophénolate mofétil.
■ Vaccins sous-unitaires (DTpolio) risquant d'être « asso- ■ Traitements symptomatiques et adjuvants (cf. supra).
ciés » à une rechute du SNI, à effectuer dans une période ■ Triamcinolone (Kenacort retard®) intramusculaire (hors
« calme » de la maladie, à distance d'une rechute récente AMM) en cas de mauvaise observance à la prednisone.
ou pendant une rechute. Les effets indésirables des corticoïdes dans le SNI sont
La prévention des complications repose principalement sur ceux classiquement décrits avec ces traitements : syndrome
la détection précoce des rechutes et donc sur la surveillance cushingoïde avec vergetures pourpres, acné, surcharge pon-
régulière des BU par les parents au domicile dont les résul- dérale et obésité, trouble de l'humeur et modification du
tats sont consignés dans un carnet. Les parents doivent pré- comportement, ralentissement de la vitesse de croissance,
venir le médecin rapidement en cas de rechute. Les autres dyslipidémie, HTA, diabète, ostéoporose, toxicité gastrique,
mesures portent sur l'éviction des facteurs allergènes, la cataracte, glaucome, ostéonécrose aseptique de la tête du
pratique d'une activité physique régulière et l'éviction des fémur et hypertension intracrânienne. Les retards de crois-
foyers infectieux chroniques, un soutien psychologique en sance s'observent principalement avec des doses supérieures
cas de besoin, une demande de prise en charge à 100 % et la à 0,5 mg/kg/j. Le traitement à dose alternée pourrait dimi-
mise en place d'un PAI. nuer le retard statural. La prévention des complications
cortico-induites repose sur la limitation des doses et durées
de traitement par corticoïdes soit en visant une dose mini-
Évolution male efficace, soit en utilisant les traitements d'épargne
À l'issue de la corticothérapie initiale, 3 situations sont cortisonique.
possibles : En cas de rechutes fréquentes ou de corticodépendance,
■ une rémission complète (SNI corticosensible, 85 %) : des traitements d'épargne cortisonique doivent être utilisés :
protéinurie/créatininurie < 0,02 g/mmol (ou 0,2 g/g) lévamisole, mycophénolate mofétil, ciclosporine ou tacro-
ou protéinurie < 5 mg/kg/j, qui survient dans un délai limus (inhibiteurs de la calcineurine), cyclophosphamide
médian de 11 jours. Vingt à trente pour cent des enfants (agent alkylant) ou rituximab. Cependant, il n'existe pas de
n'auront aucune rechute, 70–80 % rechuteront : de façon consensus international sur la place de chaque médicament.
espacée (10–20 % des SNI) ou fréquente (2 rechutes en Un néphrologue pédiatre doit être sollicité lors de la pres-
6 mois ou 4 en 1 an). On parle de SNI corticodépendant : cription des traitements adjuvants afin de définir la straté-
– lorsque la rechute survient lors de la décroissance de gie d'épargne cortisonique et d'évaluer les bénéfices et les
la corticothérapie ou moins de 3 mois après son arrêt risques de chacune de ces prescriptions.
selon la définition française,
– après deux rechutes sous corticothérapie ou dans
les 15 jours suivant l'arrêt selon la définition
internationale.
Prise en charge des SNI corticorésistants
Le plus souvent, les rechutes sont fréquentes au début de ou en rémission partielle
la maladie puis diminuent au fil des années et la maladie ■ Biopsie rénale pour éliminer un diagnostic différentiel.
finit par s'éteindre. Néanmoins, chez certains patients ■ Étude génétique : > 30 % des SNI corticorésistants ont
dont la maladie a été particulièrement précoce et active, une cause génétique et ne répondent pas aux immuno-
le risque de rechute persiste à l'âge adulte (15 à 45 % selon suppresseurs (mutations du gène NPHS2 codant la podo-
les études). De façon exceptionnelle, une corticorésis- cine et > 40 autres gènes connus). En cas de résistance à
tance peut apparaître secondairement ; l'ensemble des traitements, l'évolution vers l'insuffisance
■ une rémission partielle : diminution franche du débit de rénale terminale devient inéluctable.
protéinurie par rapport au niveau initial avec une albu- ■ Inhibiteurs de la calcineurine en association à la corti-
minémie > 30 g/L ; cothérapie alternée : ciclosporine (Néoral®) 5 mg/kg/j
■ une absence de rémission : SNI corticorésistant avec (150 mg/m2/j) en 2 prises, ou tacrolimus 0,1 mg/kg/j
rapport protéinurie/créatininurie > 0,2 g/mmol (ou en 2 prises, pendant au moins 6 mois, et plus en cas de
2 g/g) ou protéinurie > 50 mg/kg/j, associée à une albu- rémission au moins partielle.
minémie < 30 g/L (8 jours après la corticothérapie orale Le principal effet indésirable est la néphrotoxicité des traite-
et les perfusions de Solumédrol® – méthylprednisolone). ments utilisés dans ces situations, qui est corrélée à la durée
Le pronostic est de 50 % d'IRT à 10 ans d'évolution avec du traitement et à la dose. Les autres effets indésirables sont
30 % de récidive du SNI sur le greffon. l'HTA, les dyslipidémies, la neurotoxicité, l'hypertrichose,
l'hyperplasie gingivale pour la ciclosporine et l'alopécie et
le diabète pour le tacrolimus. La surveillance comprend le
Traitement des rechutes suivi régulier de la pression artérielle, de la fonction hépa-
et des SNI corticodépendants tique, de l'hémogramme, de la fonction rénale et de la kalié-
■ Rechutes survenant > 3 mois après l'arrêt de la cortico- mie du taux résiduel ou du taux à 2 heures (ciclosporine)
thérapie : prednisone orale à 60 mg/m2/j jusqu'à 3-7 jours après administration. Les familles doivent être prévenues de
après négativation de la protéinurie, puis décroissance l'interférence possible avec le pamplemousse, l'orange san-
progressive en corticothérapie alternée et arrêt en 1 mois. guine, la grenade ou certains médicaments, notamment les
■ Rechutes survenant sous traitement ou < 3 mois après macrolides ou certains anticonvulsivants.
l'arrêt : prednisone à la dose minimale efficace, puis ■ En cas de ciclo/tacro-résistance, une intensification
décroissance jusqu'à la dose seuil de corticodépendance thérapeutique et/ou un traitement symptomatique par
à poursuivre pendant 12 à 18 mois sans rechute, avant de bloqueurs du système rénine – angiotensine sont discutés
tenter une diminution puis un arrêt des corticoïdes. avec le spécialiste.
550 Partie II. Spécialités
■ Les traitements symptomatiques à discuter incluent du streptocoque dans la gorge, sur la peau et l'étude des
diurétiques, hypolipémiants (hors AMM) et hormones anticorps antistreptococciques. L'élévation des anticorps
thyroïdiennes, perfusion d'immunoglobulines, antibio- antistreptococciques n'est pas constante et constitue plus
prophylaxie par pénicilline orale. une preuve de contact avec un streptocoque que de la rela-
tion entre le streptocoque et la GNA.
Conclusion
Le syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant n'est Physiopathologie
pas exceptionnel et doit être évoqué devant des œdèmes Sur le plan physiopathologique, au moment de l'infection
uni- ou bilatéraux déclives. Les complications, fréquentes et streptococcique, un ou plusieurs antigènes streptococ-
variées, peuvent engager le pronostic vital à chaque rechute. ciques ayant une affinité pour les structures glomérulaires
La plupart des enfants répondent aux corticoïdes et gardent se déposent dans les glomérules pendant la phase précoce
une fonction rénale normale. La moitié deviennent cortico- de l'infection. On parle d'antigènes plantés. Dix à 14 jours
dépendants ou rechuteurs fréquents, ce qui les expose aux après, lorsque l'hôte développe ses anticorps contre les anti-
effets secondaires des corticoïdes et autres immunosup- gènes bactériens, ces anticorps se lient aux antigènes plan-
presseurs. Les enfants qui ne répondent à aucun traitement tés. Au même moment, des complexes immuns circulants
immunosuppresseur évoluent vers l'insuffisance rénale viennent se déposer dans les glomérules et participer aux
terminale, avec un risque de récidive de la maladie sur le lésions inflammatoires.
greffon de 30–40 % (faible en cas de cause génétique, jusqu'à Ainsi, la lésion inflammatoire responsable de la gloméru-
98 % dans les SNI secondairement corticorésistants). Le lonéphrite aiguë est secondaire à la mise en jeu de l'immu-
suivi se fait en étroite collaboration entre le médecin de ville nité humorale avec production d'anticorps et de dépôts de
et le néphrologue pédiatre. complexes antigènes – anticorps solubles sur la paroi capil-
laire des glomérules et activation du complément.
Glomérulonéphrite aiguë
post-infectieuse Présentation clinique
Justine Perrin, Caroline Rousset-Rouvière, Les manifestations cliniques sont stéréotypées. Il s'agit le
Michel Tsimaratos plus souvent d'un garçon d'âge scolaire, qui se présente pour
une altération brutale de son état de santé. Une fébricule,
La glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (GNA) est un
une fatigue inhabituelle et des lombalgies sourdes apparues
orage dans un ciel calme. Il s'agit de la forme la plus classique
brutalement s'accompagnent d'urines « bouillon sale », en
du syndrome néphritique. Elle se caractérise par la survenue
raison d'une hématurie le plus souvent macroscopique. En
brutale d'une hématurie souvent macroscopique, d'une pro-
quelques jours, le volume d'urine diminue jusqu'à l'oligurie,
téinurie et d'une rétention hydrosodée qui se manifeste par
entraînant une hypertension et des œdèmes du visage et
une hypertension artérielle (HTA). Il existe parfois un véri-
des membres inférieurs. La rétention hydrosodée se traduit
table syndrome œdémateux, et une altération de la fonction
rapidement par une prise de poids et une HTA qui peut être
rénale. L'anamnèse retrouve un épisode infectieux qui précède
sévère. Une protéinurie glomérulaire est presque toujours
le début de la GNA. Il s'agit le plus souvent d'une infection
retrouvée. Parfois, elle peut s'accompagner d'un véritable
streptococcique. Les manifestations cliniques et biologiques
syndrome néphrotique.
sont secondaires à une inflammation aiguë, non suppurative,
Mais au moins 50 % des enfants sont asymptomatiques
diffuse et généralisée des glomérules des deux reins.
et présentent seulement des anomalies détectées par un exa-
men des urines. D'autres ont des manifestations plus sévères,
Épidémiologie comme un épanchement des séreuses, une insuffisance car-
L'incidence de la GNA est inconnue. Elle est sous-estimée diaque congestive, voire un œdème aigu pulmonaire, avec
dans les statistiques, en raison d'un grand nombre d'enfants peu ou pas d'anomalies significatives des urines. Le tableau
légèrement affectés qui échappent au diagnostic. Elle est clinique est variable, mais les formes les plus dramatiques
plus fréquente dans les pays en voie de développement. comportent un risque vital immédiat.
Le risque global du développement d'une GNA après une
infection par un streptocoque « néphritogène » est d'environ
15 %. Le plus souvent, la GNA se manifeste 1 à 3 semaines Biologie
après un épisode infectieux streptococcique ORL (angine, Les premiers examens biologiques confirment l'hématurie et
otite, sinusite) ou 3 à 6 semaines après une infection cutanée quantifient la protéinurie. Ils peuvent révéler une insuffisance
(impétigo, pyodermite). L'agent infectieux le plus souvent rénale par l'élévation de l'urée et de la créatinine sanguines. Il
responsable est un streptocoque β-hémolytique du groupe A n'y a pas d'infection urinaire, mais on note fréquemment la
mais d'autres agents peuvent être en cause : bactériens (sta- présence de cylindres hématiques dans les urines, traduisant
phylocoque, méningocoque, pneumocoque, Haemophilus), l'origine glomérulaire de l'hématurie. L'étude du complé-
viraux (rougeole, varicelle, Epstein-Barr Virus, Coxsackie, ment retrouve un effondrement du CH50 et de la fraction
cytomégalovirus), et parasitaires ou fongiques. C3, qui doit se normaliser dans les 8 semaines après la mani-
La démonstration de l'origine post-streptococcique de la festation initiale. La baisse de la fraction C4 peut également
GNA n'est pas indispensable. Elle repose sur la recherche se voir mais elle est plus précoce et transitoire.
Chapitre 20. Néphrologie 551
Le meilleur élément du pronostic à long terme semble fécal). Après une phase asymptomatique d'une durée de
être la sévérité de l'atteinte histologique initiale. La pratique 3 à 7 jours apparaissent des troubles digestifs à type de diar-
des biopsies rénales a clairement montré que plus la prolifé- rhées, de vomissements et de douleurs abdominales. Ces
ration extracapillaire est importante, plus le tableau clinique manifestations sont liées à la toxicité de la shigatoxine sur
initial est sévère, et plus le risque de séquelles est grand. Si les l'entérocyte. La toxine peut ensuite passer dans la circulation
évolutions défavorables ne s'observent que dans les cas où il générale et déclencher un SHU, ce qui est le cas chez 10 % des
existe des « croissants » d'emblée, en revanche, la présence de patients pédiatriques, 3 à 5 jours après les signes digestifs. La
croissants ne signifie pas toujours un pronostic défavorable. shigatoxine pénètre les cellules endothéliales des organes cibles.
L'évolution reste favorable dans la grande majorité des cas Elle induit une réaction inflammatoire locale avec un afflux de
et l'insuffisance rénale chronique est rare, même si la protéi- polynucléaires neutrophiles et macrophages, ainsi qu'une acti-
nurie et l'hématurie peuvent persister plusieurs semaines. vation locale du complément entraînant des troubles circula-
L'évolution à long terme fait l'objet de controverses. Le taux toires à l'origine de lésions de microangiopathie thrombotique.
de séquelles varie de 0 à 60 % suivant les séries et plusieurs
facteurs, parmi lesquels l'HTA et la protéinurie, peuvent expli- Clinique
quer ces différences. La plupart des études concernent les GNA Les signes cliniques sont aspécifiques. L'interrogatoire
post-streptococciques, et il est possible que les GNA en rapport retrouve la notion de symptômes digestifs préalables : diar-
avec d'autres agents infectieux aient un pronostic différent. rhée pouvant être glairosanglante dans 50 % des cas, dou-
leurs abdominales et vomissements. Ces signes digestifs
Conclusion peuvent s'être amendés au moment du diagnostic de SHU.
La GNA post-infectieuse est la cause la plus fréquente de La présence d'une surcharge volémique chez un patient pré-
syndrome néphritique de l'enfant. Si les formes les plus fré- sentant un tableau de gastro-entérite doit faire évoquer le
quentes sont de bon pronostic et ne justifient qu'un traite- diagnostic de SHU. L'enfant présente fréquemment un syn-
ment symptomatique, il ne faut pas négliger les formes plus drome anémique avec une pâleur, une tachycardie, un ictère
sévères, qui portent le risque de séquelles et imposent une secondaire à l'hémolyse. Une surcharge hydrosodée peut
surveillance à long terme. être présente avec des œdèmes modérés.
Prise en charge thérapeutique sensibiliser les patients sur la nécessité d'un suivi à vie avec
Il s'agit d'une urgence pouvant engager le pronostic vital. une surveillance annuelle de la pression artérielle associée
La prise en charge d'un SHU est hospitalière et doit systé- à un dépistage de protéinurie, ainsi que sur les mesures
matiquement se faire en association avec un néphrologue de néphroprotection élémentaire à respecter (cf. infra
pédiatre. Elle reste à ce jour principalement symptomatique. Situations à risque de maladie rénale chronique et grands
La prise en charge consiste à : principes de néphroprotection dans ce chapitre). Un bilan
■ rétablir une volémie correcte. En cas de déshydratation biologique avec une évaluation du débit de filtration glomé-
sévère, une correction de la volémie est nécessaire sous rulaire sera réalisé tous les 2 à 3 ans en l'absence d'anomalie.
monitoring cardiovasculaire en structure adaptée (réani-
mation ou unité de soins continus). Des études récentes SHU secondaires
ont montré qu'un remplissage adéquat du patient per- Ils ne représentent qu'une petite partie des SHU pédia-
mettait de réduire drastiquement la survenue de formes triques (entre 1 et 2 %). Les étiologies sont décrites dans
sévères, et le risque de séquelles rénales à 1 an. Les solu- l'encadré 20.3. Il est nécessaire de traiter l'étiologie, notam-
tés de perfusion doivent être adaptés aux résultats de ment d'arrêter les traitements pouvant être à l'origine d'un
l'ionogramme sanguin ; l'utilisation de solutés standards SHU (anticalcineurines, antipaludéens) ou, au contraire,
doit être proscrite en raison du risque d'hyperkaliémie ; d'instaurer un traitement immunosuppresseur dans le cadre
■ relancer la diurèse en cas d'anurie, en utilisant du furosémide. d'un SHU lié à un lupus.
L'utilisation d'antihypertenseur (inhibiteurs calciques et furo-
sémide) peut être nécessaire. En cas de surcharge hydrosodée, SHU à pneumocoque
de troubles ioniques sévères et d'insuffisance rénale anurique, Il s'agit d'une complication rare d'une infection à pneu-
une épuration extrarénale doit être mise en place ; mocoque. Les SHU à pneumocoque représentent 5 %
■ corriger l'anémie par transfusion de culots globulaires en des SHU pédiatriques. Sur le plan physiopathologique,
cas d'anémie mal tolérée cliniquement. Il n'y a pas lieu de certains types de pneumocoques sécrètent une neura-
transfuser des plaquettes quel que soit le degré de throm- minidase coupant l'acide sialique des glycoprotéines des
bopénie en l'absence de syndrome hémorragique ou de globules rouges, des plaquettes et des cellules endothé-
geste invasif. liales. Ceci a comme conséquence la mise en évidence de
L'utilisation d'antibiotiques bactéricides est classiquement l'antigène T cryptique de Thomsen-Friedenreich contre
déconseillée en raison du risque d'aggravation du SHU (acti- lequel va réagir un anticorps de type IgM anti-T entraî-
vation de production de shigatoxine et relargage massif lors nant une cascade d'activation aboutissant à une microan-
de la lyse bactérienne). Certains travaux amènent cependant giopathie thrombotique. La prise en charge consiste en
à considérer l'utilisation de l'azithromycine pour son effet une antibiothérapie antipneumococcique adaptée et aux
bactériostatique et antitoxinique. Le SHU à Shigella néces- mesures générales décrites précédemment. Dans le cas
site quant à lui une antibiothérapie systématique en raison d'un SHU à pneumocoque, tous les produits sanguins
de la gravité du tableau digestif et du risque de transmission
de l'infection. La réalisation d'échanges plasmatiques peut
être discutée en cas de forme avec atteinte neurologique,
néanmoins leur efficacité n'a pas été clairement démontrée. Encadré 20.3 Étiologies des syndromes
L'utilisation d'inhibiteur de la fraction C5 du complément est hémolytiques et urémiques secondaires
également réservée aux formes sévères (atteinte neurologique
et cardiaque). Son efficacité n'a pas été clairement démontrée. ■
Origine médicamenteuse : anticalcineurines, évérolimus,
gemcitabine, mitomycine
■
HTA maligne
Suivi et devenir des patients ■
SHU à pneumocoque
■
Infections virales : VIH, grippe H1N1, (CMV, HHV6, parvovirus
Le taux de mortalité d'un SHU post-diarrhée est de l'ordre de
B19)
1 à 2 %. Ce taux passe à 10 % en cas d'atteinte neurologique. ■
Pathologie auto-immune : lupus systémique, syndrome des
Concernant le devenir à long terme, les SHU dans leur
anticorps antiphospholipides, dermatomyosite
ensemble représentent entre 3 et 5 % des insuffisances ■
Néphropathies préexistantes : glomérulonéphrites à dépôts
rénales terminales pédiatriques. Entre 20 et 40 % des
de C3, glomérulonéphrites membranoprolifératives (ANCA,
patients présentent des séquelles rénales à 1 an de suivi
à anticorps antimembrane basale glomérulaire)
(insuffisance rénale, protéinurie et/ou hypertension arté- ■
Grossesse (HELLP syndrome)
rielle). Il est important de noter que les lésions rénales du ■
Greffe de cellules-souches hématopoïétiques
SHU peuvent être sous-évaluées sur les bilans de suivi. En ■
Tumeurs solides et lymphomes
effet, malgré une réduction néphronique conséquente, les ■
Post-transplantation organes solides (rein, poumon, cœur et
bilans cliniques et biologiques peuvent être normaux dans
intestin)
les premières années de suivi. Une étude sur le suivi à long
terme des SHU post-diarrhée a mis en évidence que plus ANCA : Antineutrophil Cytoplasmic Antibodies ; CMV : cytomégalovirus ;
de 2/3 des patients présentaient des signes d'atteinte rénale HELLP : Hemolysis, Elevated Liver enzymes and Low Platelet count ; HHV6 :
(HTA, protéinurie et/ou insuffisance rénale) à 20 ans de Human Herpes Virus 6 ; HTA : hypertension artérielle ; SHU : syndrome hémo-
lytique et urémique ; VIH : virus de l'immunodéficience humaine.
l'épisode initial. Il est donc particulièrement important de
554 Partie II. Spécialités
doivent être déplasmatisés (risque d'aggravation en cas dépendant du type de mutation mis en évidence, particuliè-
de transfusion de plasma) tant que le test T est positif. Les rement important en cas de mutation du FH.
échanges plasmatiques sont contre-indiqués. Il a été noté
une activation de la voie alterne du complément ; l'utili- Prise en charge thérapeutique
sation d'un inhibiteur de C5 peut être discutée dans les En complément du traitement symptomatique, l'utilisation
formes sévères. d'un inhibiteur de la fraction C5 du complément (éculizu-
mab) constitue le traitement de 1re intention des SHU aty-
SHU par déficit en CblC (anomalie piques en pédiatrie. Les échanges plasmatiques, bien que
du métabolisme de la vitamine B12) leur efficacité n'ait jamais été formellement démontrée,
La cobalamine (vitamine B12) est une coenzyme de la restent recommandés chez les adultes. La seule indication
méthionine-synthase et de la méthylmalonyl-CoA-mutase, pédiatrique des échanges plasmatiques en 1re intention reste
respectivement impliquées dans la production de méthio- les SHU atypiques avec présence d'anticorps anti-FH. Les
nine à partir de l'homocystéine, et de succinyl-CoA à partir échanges sont couplés à des traitements immunosuppres-
du méthylmalonyl-CoA. Des anomalies en cobalamine C seurs (corticothérapie, mycophénolate mofétil ou cyclo-
sont responsables d'une dysfonction enzymatique amenant phosphamide et rituximab dans les formes sévères).
à une acidémie méthylmalonique avec hyperhomocystinu- L'inactivation du complément induite par l'éculizumab
rie. Vingt-cinq pour cent de ces patients peuvent présenter augmente le risque d'infection invasive à germes encapsulés
un SHU et ce, dès la période néonatale. Le traitement spé- (méningocoques et gonocoques). Une vaccination antiménin-
cifique consiste en une supplémentation en vitamine B12, gococcique élargie (vaccination méningococcique protéique B
L-carnitine, acide folique et bétaïne à débuter d'urgence. [Bexsero®] et polyosidique conjuguée tétravalente ACWY)
doit être réalisée avant la mise en place du traitement et une
SHU atypiques antibioprophylaxie par phénoxyméthylpénicilline (Oracilline®)
instaurée. Les données actuelles ne permettent pas de montrer
Dans la classification des SHU revue en 2016, seuls les l'efficacité de l'éculizumab dans les SHU avec mutation DGKE.
SHU avec une anomalie de régulation de la voie alterne du
complément et les SHU par mutation DGKE sont consi- Évolution et suivi
dérés comme atypiques. Ils représentent 5 % des SHU
pédiatriques (prévalence de l'ordre de 0,1/1 000 000 enfants L'utilisation de l'éculizumab a permis de profondément
< 16 ans). Leur pronostic est plus sombre. L'étude de la modifier le pronostic des SHU atypiques. Avant l'ère de
cohorte nationale de SHU atypiques a mis en évidence un l'éculizumab, 30 % des patients avec un SHU atypique pré-
taux de mortalité à 6 % et un risque d'évolution vers l'insuf- sentaient une insuffisance rénale terminale 1 an après la pre-
fisance rénale terminale estimé à 16 %. Contrairement au mière poussée contre 9 % des patients traités désormais par
SHU post-diarrhée, les SHU atypiques présentent un risque éculizumab.
élevé de récurrence. Le traitement par éculizumab peut être arrêté dans cer-
tains cas (âge > 3 ans, récupération ad integrum sur le plan
Physiopathologie rénal, type de mutation mise en évidence) avec cependant un
risque de nouvelle poussée. Les patients avec une mutation
La voie alterne du complément est régulée au moyen de du FH ont le plus fort taux de rechute (60 % à 2 ans). L'édu-
protéines activatrices (facteur B, C3-convertase) ou inhibi- cation de l'enfant et de ses parents est absolument nécessaire
trices (facteur H, facteur I, CD46 membranaire ou MCP). pour dépister précocement une poussée et permettre la prise
La mutation d'un gène codant pour une de ces protéines en charge thérapeutique en urgence. Le délai entre le diag
ou l'acquisition d'anticorps dirigés contre l'un de ces fac- nostic et la mise en place du traitement par éculizumab est
teurs (par exemple anticorps anti-FH) entraîne une activa- en effet inversement corrélé au degré de récupération de la
tion pathologique de la voie alterne du complément avec, fonction rénale. En cas d'évolution vers l'insuffisance rénale
comme conséquence, des lésions endothéliales à l'origine de terminale, la réalisation d'une greffe rénale sous couvert
la microangiopathie thrombotique. DGKE est une kinase d'éculizumab est recommandée en 1re intention du fait du
présente dans les cellules endothéliales. La perte de fonc- risque de SHU sur le greffon (> 90 % en cas de mutation du
tion de DGKE entraîne une activation de certaines voies FH, du C3 ou du FB).
de signalisation induisant un état pro-inflammatoire et
prothrombotique de la cellule endothéliale responsable de la
microangiopathie thrombotique et ceci, indépendamment Hypertension artérielle
de l'activation du complément.
Corentin Tanné, Bruno Ranchin
Clinique L'hypertension artérielle (HTA) est une entité mal connue
Tout SHU avant l'âge de 6 mois doit être considéré comme et peu fréquente en pédiatrie. Il est important de dépister
un SHU atypique ou secondaire à un déficit en cobala- l'HTA chez tous les enfants, la mesure de pression artérielle
mine, le SHU post-diarrhée étant rarissime avant cet âge (PA) devant être un élément indispensable de l'examen
(40 cas décrits sur les 15 dernières années en France). Il est pédiatrique. La découverte d'une HTA doit conduire à la
à noter que l'ensemble des patients rapportés avec un SHU réalisation d'un bilan à la recherche d'une cause secondaire
DGKE ont fait leur première poussée avant l'âge de 1 an. car l'HTA essentielle est bien plus rare en pédiatrie que chez
La singularité des SHU atypiques est le risque de récidive l'adulte et il s'agit d'un diagnostic d'élimination.
Chapitre 20. Néphrologie 555
Chez les adolescents, une HTA même modérée peut être ■ antécédents familiaux de maladie rénale ;
la première manifestation d'une HTA essentielle de l'adulte ■ transplantation d'organe ou de tissus ;
et peut favoriser l'apparition de lésions d'athérosclérose ou ■ néoplasie ;
d'une hypertrophie ventriculaire gauche. ■ toute maladie de système ;
■ hypertension intracrânienne ;
Définition ■ prise de médicaments connus pour élever la PA.
La méthode de mesure de la pression artérielle est essen-
En pédiatrie, les valeurs normales ont été établies sur des tielle. Elle se fait au niveau du bras, chez un enfant au repos
populations différentes permettant d'établir des courbes depuis au moins 5 minutes et en position assise ou couchée.
en fonction du sexe, de l'âge et de la taille de l'enfant mais La méthode de référence reste la mesure au brassard auscul-
doivent être adaptées aux populations étudiées ; elles ont été tatoire (sphygmomanomètre) mais le stéthoscope doit être
mises à jour récemment en Europe, et aux États-Unis. en regard de l'artère humérale et ne pas être comprimé par le
Les recommandations européennes de 2016 définissent brassard. La méthode oscillométrique automatisée est de plus
chez l'enfant de moins de 16 ans une normotension si en plus fréquemment utilisée. Le brassard doit être adapté à
les chiffres de PA systolique et diastolique sont inférieurs la taille de l'enfant pour encercler au moins 80 % de la circon-
au 90e percentile et une pré-hypertension entre les 90e et férence du bras et recouvrir les 2/3 de la longueur épaule –
95e percentiles pour la taille et le sexe. Chez l'enfant âgé de coude (acromion – olécrâne). Il est important de prendre au
plus de 16 ans, les normes sont celles de l'adulte : normale infé- moins 3 mesures et de ne garder que la mesure la plus basse.
rieure à 130/85 mmHg, pré-hypertension entre 130 et 139 et En l'absence d'accès aux courbes de référence, certains sites
85 et 89 mmHg et hypertension au-dessus de 139/89 mmHg. proposent le calcul direct des percentiles de PA systolique et
L'HTA en pédiatrie est définie par des chiffres supérieurs au diastolique en utilisant les courbes de référence américaines, et
95e percentile pour la taille, à au moins 3 reprises. notamment le site du Baylor College of Medicine (https://www.
Une hypertension est dite : bcm.edu/bodycomplab/Flashapps/BPVAgeChartpage.html).
■ de stade 1 si la PA systolique et/ou diastolique est entre La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA,
les 95e et 99e percentiles + 5 mmHg ; holter tensionnel) peut être proposée à partir de l'âge de
■ de stade 2 si la PA est supérieure au 99 e percentile 5–6 ans et doit être interprétée selon des valeurs normales
+ 5 mmHg. de PA ambulatoire. Cette technique permet de mesurer la
PA toutes les 20 minutes la journée et toutes les 30 minutes
Épidémiologie la nuit. Le holter tensionnel est utilisé pour confirmer une
HTA limite, dépister « l'effet blouse blanche » (PA anormale
La prévalence de l'HTA en pédiatrie est difficile à définir. En
en consultation, normale à domicile) ou une HTA masquée
effet, 3 à 5 % des enfants sont « statistiquement » hypertendus
(PA normale en consultation, anormale à domicile) et véri-
si l'on considère l'HTA comme définie par une PA au-dessus
fier l'efficacité d'un traitement antihypertenseur.
du 95e percentile. Cette définition est sûrement éloignée de
la réalité car cela correspondrait à plus de 650 000 enfants
hypertendus en France (sur la base de 13,5 millions de Évaluation
mineurs sur le territoire). La répétition des mesures permet Une HTA chronique ou sévère peut avoir des répercussions
de mettre en évidence l'effet « blouse blanche » et d'obtenir dramatiques et engager le pronostic vital. Une évaluation
des PA normales lors du contrôle. L'HTA confirmée (après clinique, biologique et radiologique est indispensable au
plusieurs consultations) est évaluée à 0,3 % des enfants moment de la découverte d'une HTA.
consultant en ville, ce qui correspond plus à la réalité cli- Malgré tout, l'HTA est souvent asymptomatique et de
nique en néphrologie pédiatrie. Ainsi, Daley et al. ont éva- découverte fortuite lors d'une prise de PA systématique ou
lué la prévalence de l'HTA à 1,4 % après la 3e consultation dans le cadre de la surveillance d'un enfant à risque.
alors qu'elle était de 8,4 % après la 1re consultation, ce qui
confirme l'intérêt de répéter les mesures et les consultations. Retentissement clinique
Aux États-Unis, la prévalence de l'HTA a significative-
ment augmenté depuis les années 1980, du fait notamment Une HTA chronique non traitée peut engendrer un retard de
de l'augmentation de la prévalence de l'obésité chez l'enfant croissance staturo-pondérale et la réalisation d'une courbe
qui a doublé entre les années 1960 et 1990. Il apparaît donc de croissance staturo-pondérale est indispensable. Clinique-
qu'une harmonisation de la définition de l'HTA est nécessaire, ment, l'HTA peut se manifester par des céphalées, des épis-
d'autant plus que le risque d'HTA augmente chez les patients en taxis, des bourdonnements d'oreilles, des malaises lors de
surpoids/obèses. l'effort physique. L'HTA sévère peut entraîner des douleurs
abdominales, des vomissements, une anorexie, une cassure
de la courbe staturo-pondérale, une polyuropolydipsie, une
Modalités de mesure paralysie faciale récidivante.
La mesure de la PA fait partie de l'examen clinique de l'en- Enfin, elle peut être révélée par une complication : défail-
fant dès l'âge de 3 ans ou avant 3 ans lors du suivi dans des lance cardiaque avec œdème aigu pulmonaire, baisse de
situations particulières : l'acuité visuelle, convulsions, coma et éventuellement signes
■ antécédents de prématurité ou de RCIU, soins intensifs déficitaires par œdème et/ou hémorragie cérébral(e). Chez
en période néonatale ; le nouveau-né et le nourrisson, l'HTA peut se manifester par
■ toute malformation urinaire ; des troubles vasomoteurs, des malaises, mais elle est le plus
■ tout signe urinaire ; souvent révélée par une défaillance cardiaque.
556 Partie II. Spécialités
Causes endocriniennes Il faut faire préciser dans les antécédents personnels les
L'adénome de Conn (hyperaldostéronisme primaire) est à données néonatales (termes, poids de naissance, oligohy-
l'origine d'un excès de minéralocorticoïdes avec une hypo- dramnios, anoxie périnatale, cathéter ombilical, throm-
kaliémie, une rénine basse, un taux anormalement élevé bose veine/artère rénale) et les antécédents néphrologiques
d'aldostérone plasmatique ainsi qu'une inversion du rapport (traumatisme, infections urinaires, soif, polyurie, nycturie,
Na/K urinaire. hématurie).
Enfin, l'interrogatoire doit s'arrêter sur les traitements :
Causes médicamenteuses et intoxications corticothérapie, inhibiteurs de la calcineurine, contracep-
tion hormonale, etc. et la prise de réglisse.
L'interrogatoire doit rechercher toute prise de médicaments
(notamment corticostéroïdes, anticalcineurine, contracep-
Examen physique
tion œstroprogestative, décongestionnants nasaux, etc.) ou
une intoxication par de la réglisse ou de la vitamine D. Un L'examen physique doit être complet et exhaustif à la
saturnisme est exceptionnel mais peut être secondaire à recherche d'une cause secondaire. La mesure de la taille et
l'intoxication par des vapeurs de mercure. du poids, le calcul de l'IMC et la réalisation de la courbe
de croissance staturo-pondérale sont indispensables. Il est
important de faire un examen détaillé de l'appareil cardio-
Démarche diagnostique vasculaire mais aussi neurologique, cutané, abdominal et
Première étape génital (tableau 20.6).
Interrogatoire
Il est crucial de reprendre les antécédents familiaux notam- Examens complémentaires
ment d'HTA, néphropathie héréditaire (polykystose, Alport), Le bilan biologique de débrouillage comporte ionogramme
maladie systémique, diabète, dyslipidémie mais aussi patho- sanguin, urée, créatinine, calcémie, protidémie, kaliémie et
logie endocrinienne héréditaire ou neurofibromatose. recherche de protéinurie/microalbuminurie. La présence
d'une protéinurie ou d'une microalbuminurie excessive peut
être la conséquence de l'HTA ou liée à une néphropathie glo-
Il est essentiel de retenir que le diagnostic d'HTA essentielle ne
mérulaire, cause de l'HTA. L'existence d'une hypokaliémie
doit être retenu chez l'enfant qu'après un interrogatoire bien et d'une alcalose oriente soit vers une cause rénale/rénovas-
conduit, un examen physique soigneux et un bilan paraclinique culaire avec activation du système rénine – angiotensine et
exhaustif. La répétition des bilans et une surveillance rappro- hyperaldostéronisme secondaire, soit vers une HTA d'origine
chée sont essentielles pour ne pas omettre une cause curable et endocrinienne à rénine basse. Chez les adolescents chez qui
prévenir l'athérosclérose. l'on soupçonne une HTA essentielle, il est justifié de contrô-
ler la glycémie, l'HbA1c, l'acide urique et le bilan lipidique.
(Suite)
560 Partie II. Spécialités
■ Les diurétiques (furosémide, bumétanide hydrochlo- en cas d'IRC protéinurique ou au 75e percentile en cas d'IRC
rothiazide) sont utiles en cas de surcharge volémique. non protéinurique.
Ils sont particulièrement efficaces en cas d'HTA liée à Afin d'obtenir une bonne adhésion au traitement, il faut
l'obésité. L'administration à petite dose permet de ne pas privilégier une monothérapie avec un minimum de prises
imposer un régime strictement limité en sodium, mal quotidiennes, aux horaires adaptés à la vie familiale. Le choix
accepté chez l'enfant et l'adolescent. de la molécule initiale est guidé par l'étiologie et initié à la
■ Les alphabloquants (prazosine, clonidine) doivent être posologie la plus faible, puis augmenté progressivement pour
maniés avec précaution chez l'enfant du fait du risque atteindre la PA cible. Si la PA n'est pas équilibrée à la dose
d'hypotension orthostatique, de fatigabilité, de difficultés maximale du traitement, une 2e molécule est introduite. Après
d'attention. instauration du traitement, la PA doit être contrôlée toutes les
Les recommandations américaines proposent d'augmen- 2 à 4 semaines jusqu'à équilibration, puis tous les 3 à 4 mois.
ter la posologie des traitements toutes les 2 à 4 semaines Chaque consultation doit être l'occasion d'une réévaluation de
en ayant comme objectif une PA contrôlée inférieure au l'adhésion au traitement et aux mesures hygiénodiététiques.
90e percentile, en respectant la posologie maximale ou l'ap- L'échocardiographie et la mesure de la PA ambulatoire
parition d'effets indésirables. Les objectifs des recommanda- sont indiquées 1 fois/an. Le contrôle de l'échocardiographie
tions européennes sont une PA inférieure au 50e percentile doit être semestriel en cas de persistance de l'HTA malgré
Chapitre 20. Néphrologie 561
Blanc : risque faible, gris clair : risque modéré, gris foncé : risque important, noir : risque très important.
Pietrement C, et al. ; Groupe maladie rénale chronique de la Société de néphrologie pédiatrique, membre de la filière de
santé ORKID. Diagnostic et prise en charge de la maladie rénale chronique de l'enfant : recommandations de la Société de
néphrologie pédiatrique (SNP). Arch Pediatr. 2016 ; 23 (11) : 1191-200.
562 Partie II. Spécialités
Progression de la maladie rénale sont éliminés par voie rénale et qui peuvent être toxiques,
chronique par exemple pour l'appareil auditif ou le rein lui-même.
Des études récentes confirment que toute pathologie
Toutes les situations congénitales ou acquises qui rénale, même si elle semble mineure et anodine à l'âge
conduisent à une réduction du nombre de néphrons pédiatrique, car au stade 1 de la MRC (ex : petites dila-
fonctionnels sont à risque d'évolution vers la MRC. En tations rénales découvertes fréquemment lors des écho-
effet, la présence d'un nombre réduit de néphrons a pour graphies anténatales), est susceptible d'évoluer vers des
conséquence la mise en place d'une hyperfiltration au stades plus sévères de MRC à l'âge adulte. Ainsi, le risque
niveau des néphrons restants qui s'accompagne de phé- de MRC stade 5 à 30 ans d'évolution est multiplié par 4,19
nomènes inflammatoires suivis par une synthèse et une en cas d'antécédent de MRC stade 1 à l'âge pédiatrique.
accumulation de la matrice extracellulaire aboutissant au De fait, même la MRC stade 1 à l'âge pédiatrique doit
développement d'une fibrose rénale qui réduit à son tour être prise en charge afin d'éduquer les parents et plus
progressivement le nombre de néphrons fonctionnels. À tard l'enfant lui-même à des mesures d'hygiène de vie,
court terme, la glomérulosclérose a pour conséquence de néphroprotection et à une surveillance rénale à long
l'apparition d'une protéinurie et d'une hypertension terme.
artérielle, à plus long terme elle conduit à une réduction
inexorable du DFG, avec le risque de progression vers des
stades plus sévères de MRC. Ainsi, une fois le nombre
des néphrons amputé par un processus pathologique Situations pédiatriques à risque potentiel
quel qu'il soit, l'évolution se fait inexorablement vers de MRC
l'aggravation. En cas de pathologie rénale familiale héréditaire connue, les
enfants comme les autres membres de la famille sont poten-
tiellement à risque de MRC.
Pathologies conduisant à la maladie En dehors des pathologies rénales et ou uronéphrolo-
rénale chronique giques proprement dites, d'autres situations congénitales ou
MRC stade 5 (IRT) à l'âge pédiatrique acquises peuvent conduire à une réduction du nombre de
Les étiologies qui conduisent au stade 5 de la MRC, néphrons et sont donc à risque d'évolution vers une MRC à
c'est-à-dire au stade d'IRT, nécessitant un traitement de long terme.
suppléance par dialyse ou transplantation rénale, à l'âge
pédiatrique, sont connues précisément en France grâce
Réduction du capital néphronique
au REIN (Réseau épidémiologique et information en
au début de la vie
néphrologie).
Il s'agit des néphropathies congénitales qui comportent En dehors des malformations rénales évidentes telles
les uropathies et/ou hypodysplasies rénales (ou CAKUT que les hypodysplasies et les agénésies rénales, un
pour Congenital Anomalies of Kidney and Urinary tract) poids de naissance inférieur à 2 500 g s'accompagne
pour 26 %, et les néphropathies d'origine génétique pour d'un risque de MRC en raison d'un faible nombre de
25 %, des glomérulopathies acquises pour 16 % dominées néphrons présents à la naissance. Barker a été le pre-
par les hyalinoses segmentaires et focales associées aux syn- mier à montrer que des adultes avec un poids de
dromes néphrotiques idiopathiques de l'enfant, des mala- naissance inférieur à 2 500 g étaient à risque de mala-
dies vasculaires pour 11 %, et des néphrites interstitielles die cardiovasculaire, ensuite Brenner a montré que la
acquises pour 9 %. réduction du nombre de néphrons, qui peut contribuer
au développement d'une hypertension artérielle par la
limitation de l'excrétion sodée, augmente le risque de
MRC stade 1–4 à l'âge pédiatrique MRC par la réduction des capacités d'adaptation rénale
Aux stades plus précoces de la MRC à l'âge pédiatrique des néphrons restants.
(stades 1 à 4), les anomalies congénitales du rein et des voies La majorité des néphrons est formée au cours du
urinaires (correspondant principalement aux CAKUT) pré- 3 e trimestre de la grossesse. En conséquence, toute
dominent, représentant 50 à 60 % des causes de MRC de agression rénale qui survient pendant cette période a
l'enfant. Dans de plus rares cas, c'est une pathologie acquise un impact sur la formation des néphrons. Ainsi certains
qui peut conduire à amputer le volume rénal (ex : néphrec- médicaments administrés pendant la grossesse peuvent
tomie totale ou partielle pour tumeur, ou consécutive à un conduire à une réduction du nombre de néphrons tels
problème vasculaire). Ces pathologies rénales doivent faire que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les inhi-
l'objet d'une grande attention afin de ralentir leur progres- biteurs du récepteur de type 2 de l'angiotensine, certains
sion et de traiter les complications liées à la baisse du DFG antiépileptiques, la dexaméthasone, la ciclosporine, le
dès leur apparition chez l'enfant. mycophénolate mofétil ou les aminosides. Des facteurs
Une attention particulière doit être donnée à la prescrip- maternels interviennent également tels que ceux qui
tion de tout médicament en cas de réduction significative du conduisent au retard de croissance intra-utérin, ou le
DFG du fait du risque d'accumulation des traitements qui diabète gestationnel.
Chapitre 20. Néphrologie 563
à risque ne s'accompagnent pas d'une progression de la nence de l'enfant fondée sur la description clinique : inconti-
MRC à l'âge pédiatrique, le rôle du pédiatre/médecin trai- nence continue versus intermittente, nocturne pure (appelée
tant est de mettre en place des habitudes de surveillance et énurésie) versus diurne, ou mixte. Il est également intéressant
d'hygiène de vie, de les expliquer aux parents et à l'enfant de classer ces troubles en fonction du risque pour le haut appa-
pour qu'elles puissent se poursuivre à l'âge adulte reil urinaire (pyélonéphrites à répétition, insuffisance rénale).
La figure 20.4 présente l'orientation diagnostique, le risque de
complications et propose les indications d'avis spécialisé.
Troubles mictionnels
Julien Hogan Hyperactivité vésicale
L'hyperactivité vésicale (anciennement appelée « vessie
immature » ou « instable ») est le trouble mictionnel le plus
Épidémiologie fréquent chez l'enfant touchant plus de 50 % des enfants de
Les troubles mictionnels de l'enfant sont une cause fré- 5 à 7 ans. Elle se manifeste cliniquement par des épisodes
quente de consultation en pédiatrie et l'incontinence répétés d'urgences mictionnelles avec impériosité, des
urinaire en est le principal motif. Un cycle mictionnel com- enfants courant aux toilettes ou prenant des positions ren-
plet mature comprend une phase de remplissage nécessitant forçant le sphincter (jambes croisées, accroupissement).
la contraction du sphincter vésico-urétral et l'inhibition des Les fuites sont généralement de petite quantité et sur-
contractions vésicales suivie, lorsque la vessie est pleine, viennent si l'enfant ne parvient pas aux toilettes à temps.
d'une relaxation volontaire des sphincters et d'une contrac- Des causes d'irritation vésicale sont fréquemment asso-
tion coordonnée du muscle vésical. L'âge moyen d'acquisi- ciées telles que constipation, infection urinaire, lithiase ou
tion du contrôle mictionnel diurne se situe entre 2 et 3 ans hypercalciurie et doivent être recherchées et traitées. Un
mais peut varier de 1 à 5 ans et la continence nocturne est reflux vésico-urétéral (RVU) est associé chez 20 à 50 % des
généralement acquise avant l'âge de 5 ans. patients et la prise en charge de l'hyperactivité vésicale doit
être la première étape du traitement du RVU.
Oui Non
Pollakiurie – Dysurie – Post-
Au rire
Urgenturie À l'effort miction
Débitmétrie
Fig. 20.4 Orientation diagnostique, risque de complications et indications d'avis spécialisé devant des troubles mictionnels de
l'enfant. BU : bandelette urinaire ; ECBU : examen cytobactériologique des urines.
566 Partie II. Spécialités
secondaires évocateurs d'obstacle sous-vésical pouvant au potentiel d'amélioration spontanée, au risque de compli-
révéler un rhabdomyosarcome prostatique (ou un neuro- cations pour le haut appareil urinaire (pyélonéphrite aiguë,
blastome médian/pelvien). cicatrices rénales), ainsi qu'au retentissement social et fami-
lial de ces troubles (tableau 20.10).
Imagerie
La réalisation d'imagerie ne doit pas être systématique en cas Règles d'hygiène mictionnelle
de troubles mictionnels. En dehors des cas d'énurésie primaire La prise en charge inclut systématiquement l'éducation à
isolée, une échographie rénale et des voies urinaires est fré- des mictions régulières (5–7/j), pieds en appui sur le sol ou
quemment réalisée, permettant de rechercher des anomalies sur un marchepied, avec réducteur de siège pour les jeunes
vésicales, la présence d'une dilatation urétéro-pyélocalicielle enfants, jambes écartées, sous-vêtements totalement baissés
et un résidu post-mictionnel. En cas d'infections urinaires sans poussées abdominales.
fébriles à répétition, une scintigraphie rénale au DMSA peut
être réalisée pour rechercher des cicatrices corticales. Dans ce Hydratation et prise en charge
cas et/ou en présence d'une dilatation urétéro-pyélocalicielle,
une cystographie peut être proposée, permettant de mettre en
des troubles du transit
évidence des obstacles urétraux (comme des valves de l'urètre Lors des consultations, il est important de rappe-
postérieur) sur les clichés permictionnels et de confirmer le ler la nécessité d'une hydratation adéquate (~ 50 mL/
diagnostic de RVU. La réalisation d'une IRM médullaire n'est kg/j) et de traiter une éventuelle constipation en cor-
justifiée qu'en cas de suspicion de vessie neurologique. rigeant d'éventuelles erreurs diététiques, en augmen-
tant la quantité de fibres dans la ration alimentaire :
Quantité recommandée (g/j) = Âge (années) + 5 ; maximum
Examen urodynamique
20 g/j, et en ajoutant si besoin un traitement laxatif.
■ La débitmétrie permet de mesurer de façon non inva-
sive le débit et le volume total uriné, et se présente sous
Biofeedback
la forme de courbe volume/temps. Elle est généralement
couplée à une échographie permettant d'évaluer le résidu Les techniques de biofeedback reposent sur la combinaison
post-mictionnel. Elle est indiquée chez les patients pour d'exercices de renforcement du plancher pelvien avec une
lesquels le trouble mictionnel n'est pas caractérisé avec étude urodynamique et un renforcement positif. Le biofeed-
l'anamnèse et l'examen de base ou si les troubles per- back a été utilisé avec succès pour traiter des enfants présen-
sistent ou récidivent après traitement. tant des troubles mictionnels ou de l'élimination fécale, des
■ La cystomanométrie est plus invasive car elle nécessite la infections urinaires récidivantes et des RVU, en particulier
mise en place d'une sonde urétrale. Les indications sont lorsque l'anomalie sous-jacente au cours de la miction est un
posées par l'urologue pédiatre et sont principalement défaut de relaxation du plancher pelvien.
le bilan initial et le suivi des vessies neurologiques, des En général, après une évaluation urodynamique complète,
valves de l'urètre postérieur, des uropathies majeures et l'activité musculaire périnéale de l'enfant est enregistrée durant
de certains troubles mictionnels complexes. le remplissage vésical et la miction ; la contraction du plancher
pelvien est présentée sous la forme de signaux visuels ou audi-
tifs que l'enfant peut contrôler. Le but est de lui apprendre à
Traitement relaxer complètement ses sphincters pendant la miction. Ces
Dans tous les cas, la prise en charge thérapeutique doit être techniques doivent être pratiquées par des masseurs kinésithé-
adaptée au type de troubles mictionnels, à l'âge de l'enfant, rapeutes formés aux troubles mictionnels de l'enfant.
Thérapies de conditionnement par alarme Aubert D, Berard E, Blanc JP, Lenoir G, Liard F, Lottmann H. Isolated pri-
mary nocturnal enuresis : international evidence based management.
Elles sont indiquées dans l'énurésie primaire isolée à capa- Consensus recommendations by French expert group. Prog Urol 2010 ;
cité vésicale réduite. Les premières gouttes d'urines de l'épi- 20 : 343–9.
sode énurétique ferment un circuit électrique et déclenchent Daley MF, Sinaiko AR, Reifler LM, Tavel HM, Glanz JM, Margolis KL, et al.
l'alarme entraînant le réveil. Un des parents doit accompa- Patterns of care and persistence after incident elevated blood pressure.
gner l'enfant aux toilettes, ce qui nécessite une motivation Pediatrics 2013 ; 132(2) : e349–55.
importante de la part du patient et de ses parents. L'effica- Flynn JT, Kaelber DC, Baker-Smith CM, et al. Subcommittee on scree-
cité de ce système rapportée dans la littérature est de 60 à ning and management of high blood pressure in children. Clinical
80 % après en moyenne 3 mois d'utilisation. practice guideline for screening and management of high blood
pressure in children and adolescents. Pediatrics 2017 ; 140(3). pii :
e20171904.
Principaux traitements médicamenteux Gillion Boyer O, Niaudet P, Drutz JE. Evaluation of proteinuria in children.
Anticholinergiques (oxybutynine – Ditropan®) Juin 2017.
HAS. Maladie rénale chronique de l'enfant. PNDS, décembre 2018.
Les médicaments anticholinergiques inhibent ou réduisent HAS. Syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant. PNDS, avril 2016.
l'hyperactivité vésicale. Ils augmentent le potentiel de HCSP. Vaccination des personnes immunodéprimées ou aspléniques.
contraction involontaire des cellules musculaires lisses, Recommandations actualisées, 2e édition, décembre 2014.
ce qui se traduit par un plus grand volume d'urines requis Hogg RJ, Portman RJ, Milliner D, et al. Evaluation and management of
avant la contraction de la vessie. Leurs effets secondaires proteinuria and nephrotic syndrome in children : recommendations
comprennent sécheresse buccale, constipation et troubles from a pediatric nephrology panel established at the National Kidney
neurologiques. Foundation conference on proteinuria, albuminuria, risk, assess-
ment, detection, and elimination (PARADE). Pediatrics 2000 ; 105 :
1242–9.
Desmopressine (DDAVP – Minirin®) KDIGO. 2012 Clinical practice guideline for glomerulonephritis. Kidney
La desmopressine est un analogue synthétique de l'HAD et Inter Suppl 2012 ; 2 : 1–143.
KDIGO 2012 Clinical practice guideline for the evaluation and mana-
permet l'amélioration de la concentration urinaire durant
gement of chronic kidney disease. Kidney Inter Suppl 2013 ; 3 :
le sommeil, réduisant ainsi le volume urinaire. C'est le trai- 1–150.
tement de choix de l'énurésie primaire, en particulier en Lo JC, Sinaiko A, Chandra M, Daley MF, Greenspan LC, Parker ED, et al.
cas de forme polyurique. Elle s'administre sous la forme Prehypertension and hypertension in community-based pediatric prac-
de lyophilisat oral à la posologie initiale de 120 μg/j le soir tice. Pediatrics 2013 ; 131(2) : e415–24.
avec une titration par paliers de 60 μg/j tous les 8 jours Neveus T, Eggert P, Evans J, Macedo A, Rittig S, Tekgül S, et al. Evaluation
jusqu'à 240 μg/j. La réponse à 8 semaines est définie par of and treatment for monosymptomatic enuresis : a standardization
une d iminution de 50 % du nombre de nuits mouillées. document from the International Children's Continence Society. J Urol
Le taux de réponse à la desmopressine est de 60 à 75 %. Le 2010 ; 183 : 441–7.
taux de rechute à l'arrêt est élevé, avec seulement 30 % de Schwartz GJ, Munoz A, Schneider MF, Mak RH, et al. New equations to
estimate GFR in children with CKD. J Am Soc Nephrol 2009 ; 20 :
réponse prolongée à 1 an, et dépendant de la capacité vési-
629–37.
cale maximale. Schwartz GJ, Schneider MF, Maier PS, et al. Improved equations estima-
ting GFR in children with chronic kidney disease using an immu-
Recommandations nonephelometric determination of cystatin C. Kidney Int 2012 ; 82 :
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Agence de la biomédecine. Registre français des traitements de suppléance Sharma AK, Metzger DL, Rodd CJ. Prevalence and Severity of High Blood
de l'insuffisance rénale chronique. Enfants et adolescents. Réseau épidé- Pressure Among Children Based on the 2017 American Academy of
miologie et information en néphrologie (REIN), rapport annuel, 2016. Pediatrics Guidelines. JAMA Pediatr 2018 ; 172(6) : 557–65.
Chapitre
21
Neurologie – Maladies
métaboliques
Coordonné par Brigitte Chabrol
PLAN DU CHAPITRE
Troubles du neurodéveloppement . . . . . . . . . . 569 Maladies métaboliques : ce que le médecin
Trouble déficit d'attention – hyperactivité. . . . . 573 traitant doit savoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590
Convulsions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575 Prise en charge de l'enfant polyhandicapé
Épilepsie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 578 en médecine libérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593
Céphalées et migraines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581 Tics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 596
Troubles aigus de la marche : comment Troubles spécifiques du langage
reconnaître une urgence neurologique . . . . . 585 et des apprentissages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 598
Anomalies de la croissance du crâne . . . . . . . . 587
Causes centrales 70 %
Anomalies chromosomiques
Malformations cérébrales
Maladies métaboliques
Prématurité
Souffrance périnatale Cerveau (coupe)
Causes postnatales
Atteinte médullaire
Causes périphériques 30 %
Neurone moteur
ou motoneurone
Unité motrice
Axone
Fibres musculaires
Neuropathies
Jonction neuromusculaire :
myasténie Muscle : myopathies
Dystrophie musculaire progressive
Tendon Myopathie congénitale
Os Myopathie métabolique
Dystrophie musculaire congénitale
Articulation
Myotonie de Steinert
Fig. 21.1 Orientation diagnostique étiologique. Extrait de : Bourrillon A, Benoist G, Delacourt C, Collège national des pédiatres universitaires,
CNHUCP. Pédiatrie 7e édition, p. 35. Copyright © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 571
cognitives préservées. Le début peut être anténatal (par Les causes sont nombreuses (tableau 21.1). Schématique
exemple avec diminution des mouvements du fœtus), ment, elles peuvent être regroupées en trois groupes princi
néonatal (détresse respiratoire et hypotonie) ou postnatal paux : les causes postnatales, périnatales ou anténatales.
(retard des acquisitions motrices).
Il s'agit de maladies neuromusculaires, avec une héré Tableau 21.1 Causes des déficiences intellectuelles.
dité récessive autosomique le plus souvent, ou liée à l'X, ou
dominante. Elles sont définies par l'atteinte primitive de l'un Complications de la prématurité 5 %
des composants de l'unité motrice (cf. fig. 21.1) : et origine périnatale
■ atteinte de la corne antérieure : amyotrophie spinale Causes environnementales 13 %
infantile ; (alcool, médicaments,
■ atteinte du nerf périphérique : neuropathies sensitivomo infections, etc.)
trices héréditaires ; Anomalies chromosomiques 15 %
■ atteinte de la fibre musculaire : dystrophie musculaire Déficiences intellectuelles liées 10 %
progressive (type maladie de Duchenne, liée à l'X), dys au chromosome X
trophie congénitale, myopathies congénitales, dystrophie Autres maladies monogéniques 10 %
myotonique de Steinert, etc. connues (syndromes de
Dans tous les cas, la connaissance d'un diagnostic précis est Prader-Willi, d'Angelman, etc.)
indispensable et permet au mieux à l'enfant et à sa famille de
Causes non retrouvées 35–40 %
trouver au sein de l'équipe pluridisciplinaire une écoute, un
accompagnement et une prise en charge adaptée. D'après Inserm. Déficiences intellectuelles. Expertise collective, synthèse et
recommandations, 2016.
Atteintes centrales
Elles représentent 70 % des cas des troubles du développe
Atteinte cérébrale postnatale
ment psychomoteur. Le terme de troubles du neurodévelop Les anomalies de développement peuvent se voir par
pement est retenu actuellement. Le diagnostic repose sur exemple après une méningite bactérienne (pneumocoque
l'interrogatoire et l'examen clinique. principalement), un traumatisme accidentel ou dans le cadre
■ Lorsqu'il existe une anomalie de type déficience intellectuelle de sévices à enfant (syndrome de l'enfant secoué), d'une
avec ou sans signes dysmorphiques évidents, et sans anoma anoxie cérébrale (noyade, malaise grave du nourrisson).
lies neurologiques franches, une consultation de neuropédia Le diagnostic est généralement facile en reprenant l'his
trie et/ou de génétique doit être demandée en 1re intention. toire médicale de l'enfant.
■ Lorsqu'il existe une anomalie neurologique et/ou une
épilepsie, etc.. au premier plan, une consultation de neu Atteinte d'origine périnatale et prématurité
rologie pédiatrique avec réalisation d'une IRM cérébrale Elles sont actuellement regroupées sous le terme de para
doit être demandée en 1re intention. lysie cérébrale (le terme d'infirmité cérébrale était autrefois
utilisé). On y retrouve :
Déficience intellectuelle (DI) ■ la diplégie spastique (encore appelée syndrome de Little),
avec un déficit intellectuel absent ou modéré le plus
La prévalence de la DI est de 2 à 3 % dans la population
souvent, et à l'IRM des lésions à type de leucomalacie
générale.
périventriculaire ;
Les principaux signes d'appel sont un retard de langage
■ la tétraparésie spastique, parfois associée à une choréo
isolé, un retard global du développement, des difficultés
athétose, avec un déficit intellectuel sévère le plus sou
d'apprentissage (notamment compréhension de textes et
vent, et à l'IRM des lésions à type d'encéphalomalacie et
difficultés pour le raisonnement mathématique) et des
d'atteinte des noyaux gris ;
troubles du comportement.
■ l'hémiplégie congénitale, atteinte la plus fréquente actuel
Elle est définie par un déficit à la fois au niveau du fonc
lement et le plus souvent isolée sans déficit intellectuel,
tionnement intellectuel (évalué par test standardisé passé
avec à l'IRM un aspect de porencéphalie ;
individuellement) et du fonctionnement adaptatif (s'expri
■ les troubles des apprentissages, praxies, déficit attention
mant dans différents environnements comme maison, école,
nel particulièrement fréquents chez les prématurés, entraî
travail, communauté, évalué également à l'aide d'échelles
nant des difficultés scolaires plus ou moins importantes.
standardisées comme celle de Vineland).
Le déficit des fonctions intellectuelles concerne plusieurs
domaines comme le raisonnement, la résolution de pro Atteintes anténatales
blème, la planification, la pensée abstraite, le jugement. Causes environnementales
L'évaluation du fonctionnement intellectuel fait appel le ■ Origine infectieuse : avec une microcéphalie, des calcifi
plus souvent aux échelles de Wechsler. On parle de déficit si cations cérébrales (infections à cytomégalovirus, rubéole,
le score du quotient intellectuel (QI) est inférieur à 70 (± 5). toxoplasmose, virus herpès, Zika, etc.).
Le QI n'est évaluable chez l'enfant qu'à partir de l'âge de 3 à ■ Origine toxique :
4 ans mais n'est vraiment stable qu'à partir de 7 à 8 ans. La – alcool, réalisant un syndrome d'alcoolisation fœtale
sévérité de la DI repose plus sur les capacités d'adaptation de (SAF : faciès particulier, retard de croissance intra-
l'enfant que sur les chiffres du QI. utérin, déficience intellectuelle variable, troubles du
572 Partie II. Spécialités
comportement de type hyperactivité) ou un tableau – stéréotypies, écholalie, activité de rotation des objets,
moins évident d'emblée appelé « troubles causés par – intolérance au changement, rituels,
l'alcoolisation fœtale » (TCAF) se traduisant par des – attachement à des objets insolites, intérêts persé
grandes difficultés d'adaptation sociale ; vérants,
– mais aussi héroïne, cocaïne, médicaments tels que cer – hypo ou hyperréactivité aux stimulations sensorielles,
tains antiépileptiques (valproate). ou intérêt inhabituel pour certains aspects sensoriels
■ Origine maternelle : mère diabétique, phénylcétonurique. (lumières, flairage, etc.) ;
■ dès les étapes précoces du développement ;
Causes génétiques ■ avec un retentissement significatif.
■ Liées à des anomalies du nombre de chromosomes
comme dans la trisomie 21.
■ Liées à des anomalies de structures de chromosomes
comme dans les syndromes microdélétionnels : syn Tout praticien doit savoir repérer les signes d'alerte d'autisme,
et cela dès les premières phases du développement et dès que
dromes de Prader-Willi, d'Angelman, de Williams, etc. les parents expriment une inquiétude autour du développement
■ Liées à l'X telles que le syndrome de l'X fragile. de leur enfant, et orienter vers un Centre ressources autisme
■ Liées à des mutations ponctuelles, comprenant : (CRA).
– les malformations cérébrales d'origine génétique (lis
sencéphalie, holoprosencéphalie, etc.) ;
– les syndromes neurocutanés comme :
- la sclérose tubéreuse de Bourneville (transmission Encéphalopathies neurodégénératives
autosomique dominante, taches achromiques cuta
nées, épilepsie et DI dans environ 50 % des cas ; Elles sont plus rares et représentent moins de 30 % des cas
l'IRM cérébrale permet de mettre en évidence des d'anomalies neurodéveloppementales.
tubers caractéristiques), Après un développement normal, est constatée une
- la neurofibromatose de type 1 (transmission auto régression des acquisitions plus ou moins tôt. La démarche
somique dominante, taches café au lait au niveau étiologique repose là encore sur l'interrogatoire et l'examen
cutané et troubles de l'apprentissage mais rarement clinique qui permettent de guider au mieux les explorations
DI : dans 6 à 8 % des cas ; l'IRM cérébrale retrouve complémentaires. L'IRM, les explorations neurophysiolo
des hypersignaux caractéristiques). giques (EEG, etc.), permettent d'orienter le bilan.
Dès la suspicion d'une pathologie neurodégénérative,
une orientation en centre de référence spécialisée neuro
Troubles du spectre autistique (TSA) pédiatrique s'impose pour diagnostic et prise en charge
L'autisme au sens générique du terme est considéré spécifique :
aujourd'hui comme un trouble d'origine neurodéveloppe ■ encéphalopathies neurométaboliques :
mentale dont les signes psychopathologiques principaux – maladies métaboliques s'exprimant par des symp
se manifestent par des perturbations dans l'interaction et la tômes permanents, progressifs, indépendants des
communication sociale, accompagnées également de com événements extérieurs : il s'agit principalement des
portements répétitifs et stéréotypés (DSM-5). maladies lysosomales (avec le groupe des mucopo
Le diagnostic de TSA comprend actuellement celui décrit lysaccharidoses et des neurolipidoses), des maladies
auparavant sous le terme de trouble envahissant du dévelop peroxysomales, etc.,
pement (autisme, syndrome d'Asperger, autisme atypique et – maladies métaboliques s'exprimant par des signes
trouble envahissant du développement non spécifié). évoquant une intoxication aiguë (début néonatal le
La prévalence en population générale serait de 1 %. Chez plus souvent) ou progressive : il s'agit des pathologies
la moitié des enfants avec un TSA est associée une déficience du métabolisme intermédiaire (aminoacidopathies,
intellectuelle de causes variées. acidémies organiques),
Le trouble du langage chez les enfants autistes est – déficits énergétiques qui évoluent le plus souvent par
constant dans sa dimension pragmatique (usage que l'on fait poussées, représentés principalement par les maladies
du langage pour interagir) mais inconstant dans sa dimen mitochondriales ;
sion structurelle (certains enfants autistes ont des difficultés ■ leucoencéphalopathies génétiques avec atteinte primitive
pour la phonologie, la syntaxe et le lexique mais cela n'est (hypomyélinisation) ou secondaire de la myéline ;
pas systématique). ■ encéphalopathies avec surcharge en fer des noyaux gris ;
Les critères diagnostiques sont : ■ et beaucoup d'autres encéphalopathies diverses et rares.
■ l'existence de déficits persistants de la communication Le diagnostic de certitude de ces affections repose sur des
et des interactions sociales observés dans des contextes explorations biochimiques, enzymatiques et de génétique
variés : moléculaire complexes. En effet, un diagnostic certain peut
– déficit de réciprocité sociale ou émotionnelle, permettre de fixer un pronostic. Dans quelques cas, il existe
– anomalies du contact, déficit de communication non un traitement spécifique d'autant plus efficace qu'instauré
verbale, précocement.
– difficulté d'ajustement social, voire retrait total ; La plupart de ces affections se transmettent sur un
■ le caractère restreint et répétitif des comportements, des mode d'hérédité autosomique récessive, quelques-unes
intérêts ou des activités : sur un mode récessif lié au sexe ou selon une hérédité
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 573
■ la forme à prédominance hyperactive – impulsive : environ Le diagnostic repose sur une analyse sémiologique pré
10 % desquels l'hyperactivité et l'impulsivité sont au premier cisant notamment le caractère transitoire ou permanent,
plan et repérées très précocement dès la petite enfance ; l'existence de situations ou de facteurs déclenchants, mais
■ la forme à prédominance inattentive : probablement également l'importance des retentissements sur la vie fami
sous-estimée chez laquelle l'hyperactivité – impulsivité liale, les relations interpersonnelles (amis, école), les rela
est modérée et la labilité attentionnelle au premier plan et tions scolaires, les apprentissages.
dont le diagnostic est souvent plus tardif. L'hyperactivité peut également être la conséquence d'un
déficit sensoriel auditif ou visuel, ou d'un trouble sévère du
langage oral. La constatation d'anomalies à l'examen neu
Place des bilans neuropsychologiques rologique (syndrome pyramidal ou cérébelleux, troubles de
Aucun examen complémentaire n'est nécessaire pour le la motricité ou du tonus, etc.) doit faire évoquer une patho
diagnostic de TDAH qui est uniquement clinique. Dans logie neurologique sous-jacente. La constatation d'une dys
certains cas, quand le diagnostic est compliqué, notamment morphie faciale, de malformations associées ou d'anomalies
dans les formes inattentives, une évaluation des fonctions cutanées (par exemple dans la neurofibromatose de type 1)
attentionnelles et exécutives peut être utile et requiert alors doit faire évoquer un syndrome génétique.
un bilan neuropsychologique. La difficulté du diagnostic tient au fait que ces différents
Ce bilan doit toujours être resitué dans la démarche troubles peuvent être des diagnostics différentiels mais
clinique. Il n'est ni nécessaire ni suffisant. Le bilan neuro également des troubles associés.
psychologique ne permet jamais à lui seul d'affirmer un Chez un enfant qui consulte pour des difficultés atten
diagnostic de TDAH. tionnelles, il faut savoir évoquer la possibilité d'absences épi
leptiques qui entraînent des ruptures attentionnelles répétées
dans la journée. Ces ruptures attentionnelles sont brèves (de
Comorbidité quelques secondes à quelques dizaines de secondes) et ont
Dans environ 80 % des cas, les enfants présentant un TDAH un caractère paroxystique, l'attention de l'enfant étant tout à
ont également des troubles associés. Il peut s'agir d'autres fait normale entre ces épisodes. Dans le doute, un EEG peut
troubles du comportement tels qu'un trouble opposition être réalisé.
nel avec provocation, un trouble anxieux ou un trouble des Certains enfants peuvent paraître inattentifs ou distraits
conduites ; il peut s'agir de tics moteurs, vocaux, voire d'un alors que leurs fonctions attentionnelles sont normales,
véritable syndrome de Gilles de la Tourette. Il peut s'y asso notamment quand ils sont fatigués. Il est important de
cier aussi d'autres troubles spécifiques des apprentissages s'enquérir l'heure à laquelle l'enfant se couche et de la durée
comme une dyslexie-dysorthographie, un trouble d'acqui totale de sommeil.
sition de la coordination. Des troubles du sommeil sont Enfin, un trouble anxieux ou dépressif peut également
également très souvent présents à raison d'une agitation entraîner une véritable inhibition psychique ; l'enfant ne
vespérale, de difficultés et de retard à l'endormissement, une parvient pas à utiliser ses ressources attentionnelles alors
étude chronobiologique en polysomnographie ayant mis en que les fonctions attentionnelles sont normales.
évidence une augmentation des latences d'endormissement
et une résistance au sommeil qui est par ailleurs agité, une
hyperactivité et des réveils nocturnes fréquents. Causes
Le diagnostic est clinique et repose sur l'interrogatoire Le TDAH « idiopathique » est manifestement d'origine
et l'observation. Des questionnaires sont cependant utiles multifactorielle.
d'une part pour balayer les différents troubles comporte Des facteurs génétiques sont indéniables : l'incidence
mentaux et les troubles des fonctions attentionnelles, d'autre familiale est élevée avec un risque multiplié par 5 pour
part pour vérifier le caractère constant des troubles. Il est les apparentés du 1er degré ; l'héritabilité est de 70 %. Des
habituel de faire remplir un questionnaire par les parents gènes ont été identifiés, il s'agit de gènes codant pour des
et par le ou les enseignant(s) afin d'assurer que les troubles récepteurs ou des transporteurs de la dopamine et de la
sont présents aussi bien à la maison qu'à l'école. Plusieurs sérotonine. Il ne s'agit pas d'une maladie génétique de trans
questionnaires ont été développés, les plus fréquemment mission mendélienne mais plutôt de facteurs de susceptibi
utilisés étant les questionnaires de Conners et l'ADHD lité, de prédisposition.
Rating-Scale qui ont été traduits et validés en français. Ils Des facteurs environnementaux épigénétiques ont égale
doivent toujours être interprétés en fonction de la clinique. ment été identifiés : des toxiques (le plomb, l'alcoolisation
fœtale, des pesticides), ainsi que des facteurs mettant en jeu
les interrelations précoces.
Diagnostics différentiels De nombreuses études d'imagerie cérébrale ont mis en
L'hyperactivité est un symptôme fréquent dont les causes évidence des anomalies morphométriques et fonctionnelles
sont multiples. Elle peut être d'origine éducative, réaction au niveau d'un réseau striato-préfrontal et d'une boucle
nelle et psychogène, ou associée à une pathologie neuro cérébello-thalamique qui sous-tendent les fonctions atten
développementale (notamment un syndrome génétique tionnelles et exécutives, mais aussi le réseau du circuit de la
ou une encéphalopathie). C'est également un symptôme récompense (mésolimbique et orbitofrontal).
que l'on retrouve chez les enfants présentant un trouble du Il existe aussi des formes associées à une pathologie
spectre autistique. Les diagnostics sont donc à considérer neurologique ou neurodéveloppementale : la prévalence de
avant d'évoquer un TDAH. TDAH y est plus fréquente que dans la population générale.
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 575
En cas de récidive de convulsion chez un enfant ayant une ■ mouvements anormaux : effets secondaires possibles de
épilepsie, il faut savoir s'il s'agit des crises habituelles ou non, certains médicaments ;
rechercher des facteurs favorisants (mauvaise observance ■ malaises autres : épisode brusque de changement de teint
du traitement, modification du traitement en cours, manque (cyanose, pâleur, etc..) avec rupture de contact et hypo
de sommeil, etc.), sans oublier d'éliminer par l'interrogatoire tonie, sans mouvement anormal.
et l'examen clinique qu'il ne s'agit pas d'une crise occasion
nelle révélatrice d'une cause aiguë surajoutée.
Savoir éliminer une urgence vitale
Cette étape a lieu en même temps que la démarche
Reconnaître la crise d'épilepsie diagnostique, grâce à l'interrogatoire et l'examen clinique, à
Les convulsions, la crise ont le plus souvent cédé lors de la la recherche des signes suivants :
1re évaluation médicale. ■ signes neurologiques :
Le diagnostic repose sur l'interrogatoire de l'enfant et des – signes neurologiques focaux durables ou s'aggravant
personnes ayant été témoins de l'épisode. Aucun examen évoquant une lésion cérébrale,
complémentaire ne permet de confirmer ou d'infirmer le – troubles de conscience prolongés, troubles du comporte
diagnostic de convulsions a posteriori. ment ou syndrome méningé évoquant une encéphalite ;
L'interrogatoire doit recueillir le plus précisément pos ■ signes respiratoires :
sible la description des phénomènes observés et leur dérou – bradypnées, irrégularités respiratoires, apnées,
lement dans le temps (signes avant-coureurs, signes au – cyanose, encombrement bronchique majeur ;
début de l'épisode, et leur évolution, modalités de fin de ■ signes hémodynamiques :
l'épisode avec signes post-critiques, durée, etc.). – tachycardie, temps de recoloration cutanée allongé,
Quelques éléments sont importants à vérifier dans la – marbrures, extrémités froides, pouls périphériques
démarche de diagnostic positif : mal perçus ;
■ le caractère brutal (paroxystique) du début ; ■ contexte infectieux :
■ la récupération lente, avec une phase de confusion en cas – sepsis sévère, purpura fébrile,
de perte de connaissance ; – signes de choc ;
■ l'absence de facteur déclenchant comme les pleurs, une ■ autres contextes sévères :
douleur qui évoquent une origine vagale ou des spasmes – pâleur, hématomes multiples (maltraitance ?),
du sanglot chez le nourrisson. – coma, possibilité d'intoxication médicamenteuse.
La sémiologie peut être très variée mais certaines crises sont
plus spécifiques :
■ crises généralisées tonicocloniques : rares avant l'âge de Avoir en tête les causes nécessitant
1 an, elles se traduisent par une phase tonique de contrac une prise en charge spécifique
tion musculaire soutenue avec blocage respiratoire, sui pour les éliminer rapidement
vie d'une phase clonique de secousses rythmiques des ■ Après l'âge de 1 an, l'interrogatoire et l'examen clinique
membres ; en post-critique, la respiration est bruyante, il suffisent pour écarter les causes nécessitant une prise en
existe une hypotonie et une confusion ; charge urgente.
■ crises cloniques : elles débutent d'emblée par des ■ Avant 1 an, les causes urgentes sont à la fois plus fré
secousses rythmiques, avec ou sans perte de conscience ; quentes et plus difficiles à écarter, c'est pourquoi des exa
■ crises toniques : elles sont caractérisées par une contrac mens complémentaires sont prescrits.
tion tonique des membres et de l'axe, avec révulsion ocu
laire et trismus ; Contexte fébrile
■ crises atoniques : elles correspondent à une résolution
complète du tonus avec chute si l'enfant est assis ou Avant de poser le diagnostic de crise fébrile, il est important
debout. d'écarter une infection neuroméningée, un neuropaludisme,
Il faut distinguer une convulsion des diagnostics différen un abcès cérébral, une thrombophlébite suppurée et un syn
tiels suivants : drome hémolytique et urémique (SHU) par l'interrogatoire
■ frissons : à l'ascension thermique ou en cas de décharge et l'examen clinique :
bactérienne ; généralement, les secousses sont moins ■ notion de voyage récent en zone d'endémie palustre ;
amples et plus rapides ; ■ syndrome méningé, syndrome encéphalique (trouble du
■ trémulations : tremblements fins des extrémités dispa comportement, trouble de la conscience) ;
raissant à l'immobilisation forcée ; ■ anomalie persistante de l'examen neuromoteur ;
■ myoclonies du sommeil : survenant à l'endormissement ■ convulsions survenant dans un contexte subaigu d'altéra
et exclusivement dans le sommeil ; tion fébrile de l'état général.
■ spasmes du sanglot : séquence pleurs/apnée/cyanose
en cas de frustration, de colère ou peur survenant Contexte d'apyrexie
généralement entre 6 mois et 3 ans, plus rarement Cinq grands cadres nosologiques doivent être explorés par
après 5 ans ; l'interrogatoire et l'examen clinique :
■ syncopes vagales convulsivantes : perte de connaissance ■ causes traumatiques : accidentelle ou infligé (syndrome
puis secousses des 4 membres survenant au décours d'un du bébé secoué) ;
traumatisme ou en cas de contrariété ; ■ causes vasculaires (HTA, AVC) ;
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 577
Ce sont les crises convulsives occasionnelles les plus fré moins 1 facteur de risque de récidive
quentes. Elles concernent 2 à 5 % des enfants, avec une fré ■
Âge de la première crise < 1 an
quence majorée en cas d'antécédent familial. N.B. Grande stabilité de la durée des CF lors de la récidive
Une crise fébrile est définie comme : lorsque la première a eu lieu avant 1 an.
■ une crise convulsive occasionnelle fébrile ;
■ survenant chez un nourrisson ou un enfant :
– âgé de 3 mois à 5 ans, le plus souvent de 1 à 3 ans,
– dont le développement psychomoteur est normal, Facteurs de risque de débuter
– en dehors de toute atteinte (infectieuse ou non) du une épilepsie après une convulsion
SNC. en contexte fébrile : quand adresser
Toute pathologie fébrile peut en être à l'origine, en parti au neuropédiatre ?
culier les infections virales du petit enfant (par exemple
l'exanthème subit). La cause de la fièvre doit être recherchée
■
Trouble du neurodéveloppement (moteur, communication,
global)
comme devant toute fièvre de l'enfant, avec une attention ■
Examen neurologique antérieurement anormal : déficit focal
particulière sur les signes d'infections cérébroméningées. (hémiparésie)
La crainte d'une méningite purulente ou d'une encéphalite ■
CF complexe (focale, prolongée sans cause occasionnelle
révélée par une convulsion fébrile conduit à recomman retrouvée)
der, quel que soit le tableau clinique associé, de pratiquer
systématiquement une ponction lombaire chez un nour
risson âgé de moins de 6 mois ou en cas de CF prolongée
(> 15 minutes) focale ou avec un déficit focal post-critique. Urgence écartée et apyrexie : crise
En l'absence de signe clinique de méningite (syndrome occasionnelle ou épilepsie débutante ?
méningé, fontanelle bombée, trouble du tonus, fièvre mal Il est souvent difficile de trancher entre ces 2 possibilités
tolérée) ou d'encéphalite (trouble du comportement, de la devant une première crise chez un enfant bien portant.
conscience) associé à la convulsion fébrile, la PL est toujours Dans ce cadre, un EEG est utile car il peut permettre,
normale lorsque la CF est simple. en association avec la description de la crise et l'étude du
On distingue les CF simples et complexes (tableau 21.2). terrain, de poser un diagnostic de syndrome épileptique
La présence d'un seul critère des CF complexes permet de dès la première crise ou d'orienter vers une cause. En effet,
définir la crise fébrile comme complexe. contrairement à une idée largement répandue, il est possible
Ces critères sont utiles pour répondre aux 3 questions de poser le diagnostic d'épilepsie débutante dès la première
pratiques que posent les convulsions fébriles : crise, dans certaines circonstances :
1. Sont-elles révélatrices d'une infection cérébroméningée ? ■ première crise d'épilepsie dont la phénoménologie et
2. Quel est le risque de récidive ? le bilan évoquent un syndrome épileptique connu, par
3. Quel est le risque d'épilepsie ultérieure ? exemple épilepsie à pointes centro-temporales ;
578 Partie II. Spécialités
■ première crise d'épilepsie dont le bilan fait évoquer un Crises épileptiques généralisées
risque de récidive majeur, par exemple crise d'épilepsie Crises généralisées tonicocloniques
révélant une malformation cérébrale.
En l'absence de diagnostic de syndrome épileptique ou Elles débutent de manière brutale, avec une perte de
d'anomalie EEG faisant compléter le bilan par une imagerie, connaissance et une chute si l'enfant est en position verticale
le diagnostic est celui de première crise d'épilepsie, sans par sans qu'il ne puisse les prévenir ou se protéger. Se succèdent :
ler d'épilepsie maladie. ■ une phase tonique (contraction soutenue des 4 membres
La moitié des premières crises d'épilepsie sans fièvre avec arrêt respiratoire) de 10 à 20 secondes ;
resteront un événement isolé, ce d'autant plus que l'enfant ■ une phase clonique (secousses rythmiques et synchrones
est jeune (< 5 ans), qu'il n'a pas d'antécédent familial d'épi des 4 membres) de 30 secondes à 2 minutes (avec parfois
lepsie, que son développement est normal et que l'EEG est morsure de langue) ;
strictement normal. ■ une phase de relâchement musculaire (avec perte d'urine
fréquente) ;
■ une phase post-critique de quelques minutes à 2–3 heures,
Épilepsie avec amnésie complète de la crise.
Mathieu Milh Absences
Elles surviennent de manière pluriquotidienne, avec un
Définition début et une fin brusques. Elles sont marquées par une
suspension brève de la conscience (2 à 20 secondes), avec
L'épilepsie est une maladie neurologique chronique. Le interruption des activités en cours. Le regard de l'enfant est
diagnostic d'épilepsie peut être posé dans 3 situations : fixe, avec parfois des myoclonies de faible intensité des pau
1. la survenue de plusieurs crises épileptiques spontanées pières et des globes oculaires. L'enfant reprend ensuite son
(≥ 2 séparées de 24 heures) ; activité où il l'avait arrêtée. Elles peuvent être déclenchées
2. la survenue d'une crise spontanée dont le bilan étio par l'hyperpnée.
logique permet de prédire que le risque de récidive est
élevé ; Myoclonies
3. la survenue de crise(s) d'épilepsie dont le bilan permet de
poser le diagnostic d'un syndrome épileptique donné. Elles entraînent un sursaut brutal et une chute secondaire à
On distingue deux types de crises : une contraction brève de la musculature axiale, sans rupture
■ les crises épileptiques généralisées, qui impliquent rapi de contact, avec récupération rapide. Un enregistrement
dement les deux hémisphères avec des signes moteurs EEG est nécessaire pour confirmer la nature épileptique.
et/ou des troubles de la conscience. Les principaux types
de crises généralisées sont les crises tonicocloniques, les Crises épileptiques focales (ou partielles)
absences et les myoclonies ; Elles se caractérisent par des signes focaux (moteurs, sensitifs,
■ les crises épileptiques focales (ou partielles), définies sensoriels, etc.) stéréotypés, suivis d'un déficit post-critique,
par la localisation du lobe cérébral de départ des crises en rapport avec la région cérébrale en cause. Par exemple,
(frontal, temporal, pariétal, occipital) ; ces crises peuvent une crise partielle occipitale se traduit par des hallucinations
secondairement devenir généralisées. visuelles. Elles peuvent être secondairement généralisées.
Épilepsies focales non idiopathiques cialisés, est la seule technique curative dans le cadre d'une
Les épilepsies focales se révèlent à tout âge y compris chez épilepsie focale pharmacorésistante.
le nouveau-né et le nourrisson par des crises stéréotypées à Des alternatives telles que la stimulation du nerf vague ou
début focal, avec une sémiologie dépend de la localisation le régime cétogène peuvent être discutées ; il s'agit de tech
de la zone épileptogène. Elles nécessitent une IRM cérébrale. niques palliatives.
Elles peuvent être pharmacorésistantes (30 % des cas),
justifiant de débuter rapidement une démarche chirurgicale, Exemples d'indications
qui commence par l'enregistrement EEG vidéo des crises. En cas d'épilepsie généralisée idiopathique, il faut utili
ser les médicaments à large spectre : lamotrigine, lévé
tiracétam, valproate de sodium pour les épilepsies avec
Prise en charge au long cours crises généralisées tonicocloniques, éthosuximide pour les
Traitement médicamenteux épilepsies-absences.
Stratégie thérapeutique S'il s'agit d'une jeune femme en âge de procréer ou d'une
jeune adolescente, le valproate ne doit être utilisé unique
Le traitement ne doit être introduit que si le diagnostic ment en l'absence d'autre possibilité thérapeutique, après
d'épilepsie est confirmé. La molécule est choisie en fonction échec d'autres options thérapeutiques. Toute prescription de
du syndrome épileptique et/ou de l'étiologie. Il ne faut pas valproate chez une fille doit faire l'objet d'une information
utiliser de traitement d'épreuve en cas de doute diagnos des parents et de l'enfant et d'un accord de soin signé. Le
tique sur la nature épileptique des phénomènes. suivi doit alors être effectué par un médecin spécialiste de
Le diagnostic syndromique permet d'identifier des syn l'épilepsie (neuropédiatre ou neurologue).
dromes dans lesquels le traitement n'est pas obligatoire En cas d'épilepsie focale non idiopathique, la carbamazé
(comme dans l'EPCT : les crises sont rares) et surtout ceux pine ou l'oxcarbazépine sont préférées.
qui peuvent être aggravés par certains traitements (comme Les benzodiazépines sont les traitements de l'urgence :
la carbamazépine dans les épilepsies-absences). diazépam, clonazépam, midazolam. Elles doivent être uti
Il est important aussi de tenir compte du profil du patient lisées en cas de crise épileptique se prolongeant plus de
et des contre-indications et effets secondaires potentiels des 5 minutes.
traitements.
Il faut commencer par une monothérapie et chercher la Chirurgie de l'épilepsie focale
dose minimale efficace en introduisant progressivement le
traitement. En cas d'échec de 2 stratégies thérapeutiques bien menées,
L'enfant doit être revu 1 à 2 mois après l'introduction l'enfant doit être orienté vers un centre de chirurgie de l'épi
pour vérifier l'efficacité sur les crises et les effets indési lepsie de l'enfant pour un éventuel traitement chirurgical,
rables, puis tous les 6 mois. Le bilan initial et le suivi com quel que soit son âge.
prennent systématiquement l'évaluation du retentissement La chirurgie de l'épilepsie focale repose sur une tech
cognitif, point majeur dans les épilepsies de l'enfant. Les nique neurochirurgicale complexe qui vise à retirer la zone
critères d'efficacité sont la disparition des crises, l'absence épileptogène. Le plus souvent, cette zone ne correspond pas
d'effets secondaires, et une vie familiale et scolaire normale. exactement à une éventuelle lésion visible, ou elle n'est pas
Dans près de 75 % des cas, le traitement permet un contrôle associée à une malformation/tumeur.
complet de l'épilepsie. Les dosages médicamenteux ne sont La définition de la zone épileptogène fait appel à diffé
pas de pratique courante. Ils peuvent être utiles en cas de rentes approches :
persistance ou réapparition des crises sous traitement ou de ■ enregistrement de crises en vidéo-EEG 24 heures/24 au
doute sur l'observance. Les EEG de surveillance sont réalisés cours d'hospitalisation dans des unités d'épileptologie ;
en fonction du syndrome et de l'évolution. ■ IRM morphologique
Si le traitement est efficace et bien supporté, le médica ■ imagerie fonctionnelle (IRMf, TEP-scan au FDG, MEG,
ment peut parfois être arrêté après une période de 2 ans sans etc.).
crise si l'EEG de sommeil est normal et s'il n'y a pas de lésion Au terme de ce bilan, il est parfois utile de mettre en place
structurelle causale, de façon très progressive. Mais cer des électrodes intracérébrales et d'enregistrer des crises avec
taines formes bien qu'aisément contrôlées par le traitement, ces électrodes en place quelques jours.
sont pharmacodépendantes et nécessitent un traitement à Ce type de bilan peut être pratiqué quel que soit l'âge de
vie (40 % des épilepsies débutant dans l'enfance). l'enfant. En cas d'épilepsie pharmacorésistante, il est démon
En l'absence de contrôle des crises malgré un traitement tré que plus le traitement chirurgical est précoce, meilleur
bien conduit, il faut faire un dosage sanguin de l'antiépilep est le pronostic cognitif des enfants.
tique en cas de doute sur l'observance, contrôler l'EEG et
vérifier que le diagnostic positif et syndromique est correct, Éducation thérapeutique et mesures sociales
modifier le traitement antiépileptique pour une monothéra L'éducation thérapeutique de l'enfant et de ses parents est
pie de substitution. indispensable.
En cas d'épilepsie pharmacorésistante définie par l'échec On retient comme principaux objectifs : la compréhen
de deux traitements bien conduits, un avis spécialisé en sion de la maladie, la connaissance des règles d'hygiène de
épileptologie pédiatrique doit être absolument demandé. vie (sommeil régulier, absence de prise d'alcool), la recon
La chirurgie de l'épilepsie, pratiquée dans des centres spé naissance des crises, l'apprentissage de la conduite à tenir
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 581
par les parents en cas de crise et en cas de crise prolongée Tableau clinique et évaluation
(> 5 minutes), la compréhension et la bonne observance des céphalées
(prise régulière à horaires fixes sans oubli) du traitement
avec informations sur les effets secondaires, l'écoute de leurs L'interrogatoire et l'examen physique de l'enfant sont les
inquiétudes. étapes essentielles pour le diagnostic étiologique des cépha
Un projet d'accueil individualisé est proposé pour per lées. Il convient de faire préciser :
mettre une gestion optimale d'une crise épileptique à l'école. ■ l'histoire de la céphalée : sa vitesse d'installation (brutale,
Tous les sports sont autorisés, à l'exception de l'escalade en intensité maximale en moins d'une minute faisant évo
solitaire, de la plongée sous-marine, des sports automobiles. quer en urgence une hémorragie méningée, en quelques
Dans les épilepsies graves, du fait du retentissement minutes et sévère, évoquant une migraine), sa récurrence.
cognitif, psychoaffectif, familial et éducatif, scolaire pour Chez l'enfant plus jeune, les parents peuvent rapporter
l'enfant, de crises fréquentes ou sévères, d'effets indésirables une modification du comportement ;
importants, un projet éducatif est à mettre en place, ainsi ■ les caractéristiques de la céphalée : son intensité (forte,
qu'une demande de prise en charge en affection longue modérée, faible), sa fréquence (continue, paroxystique), sa
durée (ALD n° 9). nature (pulsatile, en casque, à type de serrement), sa locali
L'épilepsie est une maladie chronique avec un vécu sou sation (uni ou bilatérale), sa durée (brève, plusieurs heures,
vent difficile pour l'enfant et pour la famille. Un soutien plusieurs jours). Par ailleurs, il faut rechercher des facteurs
psychologique peut être utile pour l'enfant épileptique et ses aggravants ou calmants (alimentation, activité, sommeil) ;
parents. ■ le contexte/les facteurs favorisants : fièvre, autres symp
Il convient d'établir le plus rapidement possible le pro tômes associés (nausées, vomissements, douleur abdo
nostic afin de rassurer l'enfant et ses parents s'il s'agit d'une minale, phono/photophobie), prodromes, menstruation
épilepsie bénigne et transitoire (majorité des cas). chez l'adolescente, stress, fatigue scolaire, jeûne, etc.
L'épilepsie peut parfois s'accompagner d'un trouble du sont à rechercher systématiquement à l'anamnèse. Enfin
neurodéveloppement et/ou de signes neurologiques avec les antécédents familiaux de céphalées, notamment les
nécessité de prise en charge spécialisée. migraines chez les apparentés du 1er degré sont un élé
ment primordial dans le diagnostic.
L'examen physique doit être complet avec notamment la
Céphalées et migraines prise de pression artérielle au repos (l'hypertension arté
rielle peut être source de céphalée en elle-même ou révéler
Chloé Di Meglio une hypertension intracrânienne – HTIC), un examen de la
La céphalée (définie comme une douleur supraorbitaire) est sphère ORL, une mesure de périmètre crânien chez les plus
un symptôme fréquent chez l'enfant puisqu'environ 20 % jeunes (une augmentation rapidement progressive de celui-
des 4–18 ans en font l'expérience plus d'une fois en un an. ci doit faire évoquer une HTIC et indiquer en urgence une
Cette prévalence augmente avec l'âge. Le sex-ratio est de 1/1 imagerie cérébrale), et un examen neurologique.
avant 12 ans puis la prépondérance féminine augmente. Ce La famille doit être prévenue qu'une céphalée différente
symptôme est source d'anxiété pour les familles et entraîne des épisodes habituels doit motiver une nouvelle consulta
souvent un absentéisme scolaire, c'est pourquoi le diagnos tion pour évaluation de l'épisode actuel.
tic et la prise en charge doivent être précoces.
Examens complémentaires
Classification des céphalées Ils sont guidés par l'anamnèse et l'examen physique : devant
Elle oppose classiquement les céphalées primaires, pour toute suspicion de céphalée secondaire, il convient de réa
lesquelles il n'existe pas de pathologie neurologique sous- liser une imagerie cérébrale pour rechercher un processus
jacente, et les céphalées secondaires, qui peuvent résulter expansif, un abcès ou une malformation vasculaire. L'IRM
de causes multiples. The International Classification of Hea- cérébrale est l'examen le plus performant ; cependant, ses
dache Disorders 3rd edition (beta version, ICHD-3b) révisée conditions d'accès, d'autant plus difficiles chez l'enfant
par l'Headache classification committee of the International qu'il faut souvent une sédation en dessous de l'âge de 6 ans,
Headache Society (IHS) décrit précisément les différentes n'en font pas l'examen de 1re intention. La TDM cérébrale
étiologies des céphalées en se fondant sur cette distinction en urgence devant une suspicion d'HTIC ou d'hémorragie
primitive et, bien que développée à partir des données de méningée est donc à privilégier.
l'adulte, elle peut s'appliquer aux céphalées de l'enfant. Ainsi L'examen du fond d'œil et l'évaluation du champ visuel
trois grands cadres sont détaillés : ne sont pas à proprement parler des examens complémen
■ les céphalées primaires : migraine, céphalées de tension, taires, mais sont rarement réalisés par le praticien lui-même.
névralgies du trijumeau ; Ils sont systématiquement demandés devant des céphalées
■ les céphalées secondaires liées à : un traumatisme de aiguës récidivantes ou chroniques.
la tête et/ou du cou, un trouble vasculaire, une infec La ponction lombaire est indiquée devant une suspicion
tion, un trouble de la coagulation, une lésion « annexe » de méningite, d'encéphalite ou d'HTIC idiopathique (dans
(œil, oreille, nez, sinus, dent, etc.), et les troubles ce cas avec mesure de pression du liquide céphalorachidien).
psychiatriques ; L'électroencéphalogramme (EEG) a peu d'intérêt en
■ les neuropathies douloureuses intéressant le crâne ou la dehors des cas de migraine confusionnelle où l'on peut
face. retrouver des éléments lents transitoires.
582 Partie II. Spécialités
Tableau clinique
(accident vasculaire cérébral) avant de conclure à une pre
Les critères des migraines avec ou sans aura sont définis par
mière crise de migraine avec aura.
l'ICHD-3b. Il peut exister une phase de prodromes (irrita
L'ICHD-3b distingue les migraines avec aura typique,
bilité, troubles végétatifs, bâillement, faim intense) dans les
c'est-à-dire des symptômes visuels, sensitifs ou sur la parole,
jours précédant la crise migraineuse.
et les auras atypiques :
■ migraine avec aura en rapport avec un dysfonctionne
Migraine sans aura
ment du tronc cérébral (anciennement appelée migraine
Elle représente 85 % de toutes les migraines. Les critères basilaire). Les symptômes de l'aura indiquent un dys
diagnostiques, très spécifiques, sont reportés dans l'enca fonctionnement au niveau du tronc cérébral et éven
dré 21.2. Chez le plus jeune enfant, d'autres signes cliniques tuellement occipital : dysarthrie, vertige, hypoacousie,
doivent faire évoquer le diagnostic de migraine (surtout en diplopie, ataxie, somnolence, nausées. Il n'y a pas de défi
présence d'antécédent parental migraineux) : pâleur, dou cit moteur. Les caractéristiques de l'aura répondent aux
leurs abdominales, améliorées par le sommeil. critères classiques (encadré 21.3, critères C et D) ;
■ migraine hémiplégique : déficit moteur, totalement
Migraine avec aura réversible. Il peut s'agir d'une hémiplégie, d'une mono
Il s'agit de signes qui précèdent ou accompagnent les cépha plégie mais aussi d'une parésie. Lorsqu'un apparenté du
lées (encadré 21.3). Environ 20 % des enfants signalent des 1er degré présente des accès similaires, on peut évoquer
symptômes accompagnant les céphalées. Il peut rarement une migraine hémiplégique familiale. Plusieurs gènes
exister des auras non suivies de céphalée. Dans ce cas en impliqués dans ces tableaux ont été mis en évidence
particulier, il s'agit d'éliminer une urgence neurologique (CACNA1A, SCN1A, ATP1A2) codant pour des canaux
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 583
ioniques. Dans ces cas, les accès migraineux peuvent Les céphalées de tension se manifestent par des accès
être associés à une confusion ou une aphasie. L'EEG est de 30 minutes à 7 jours, d'intensité légère à modérée, non
classiquement lent de façon bilatérale pendant l'épisode. aggravée par l'activité (encadré 21.4). La douleur est bilaté
L'anamnèse retrouve parfois un facteur déclenchant à rale, à type de pression. Il peut exister une phono/photopho
type de traumatisme crânien minime ; bie, pas de vomissement. Les céphalées de tension peuvent
■ migraine ophtalmoplégique : atteinte unilatérale de coexister avec les migraines ; dans ce cas, c'est ce dernier
la vision avec scotome, phosphènes, diplopie, par diagnostic qu'il faut retenir en priorité.
fois mydriase. Les signes peuvent être prolongés (4 à
6 semaines) et il convient de réaliser un examen ophtal
mologique complet à la recherche d'une lésion inflamma Encadré 21.4 Critères diagnostiques
toire (diagnostic différentiel). de l'ICHD-3b pour les céphalées de tension
Équivalents migraineux A. Au moins 10 épisodes répondant aux critères B–D, de
Chez l'enfant, certains symptômes peuvent présager d'une fréquence variable :
maladie migraineuse, ou appartiennent à la même entité du – forme épisodique non fréquente : < 1 fois/mois en
fait de leur proximité physiopathologique. moyenne
– forme épisodique fréquente : de 1 à 14 jours/mois en
Migraine abdominale moyenne sur > 3 mois (≥ 12 et < 180 jours/an)
Elle survient chez l'enfant entre 5 et 10 ans et correspond à B. Durée comprise entre 30 minutes et 7 jours
un accès prolongé (1 à 72 heures) de douleurs abdominales C. ≥ 2 caractéristiques parmi les suivantes :
récurrentes, avec signes végétatifs (pâleur, vomissements). – localisation bilatérale
Des antécédents familiaux de migraine sont fréquents, mais – à type de pression (non pulsatile)
il s'agit d'un diagnostic d'élimination. – intensité faible ou modérée
– non aggravée par des activités physiques (marcher,
Vomissements cycliques monter les escaliers)
La définition de l'ICHD-3b décrit des épisodes récurrents de D. Présence des 2 caractéristiques suivantes :
nausées et vomissements, identiques pour un même patient – ni nausée ni vomissement
avec un examen parfaitement normal entre les crises : au – ni photophobie ni phonophobie ou l'un des deux
moins 5 crises de durée identique, comprenant au moins uniquement
4 vomissements en une heure, la crise dure plus d'une heure E. Exclusion d'une autre cause de céphalée
et jusqu'à 10 jours, avec un intervalle minimal d'une semaine
entre les crises. Chez l'enfant, ces crises peuvent entraîner
une déshydratation et nécessiter une hospitalisation. Céphalées de durée brève
Peu fréquentes, elles ont pour point commun une intensité
Vertige paroxystique bénin importante et une durée brève.
Il concerne souvent des nourrissons autour de 18 mois et se ■ La névralgie du trijumeau, comme chez l'adulte, se mani
manifeste par un trouble de l'équilibre brutal, de résolution feste par une douleur intense, brutale, souvent déclenchée
spontanée en quelques minutes ou heures, sans modifica par une « zone gâchette », dans le territoire du trijumeau,
tion de la conscience. Il peut s'accompagner de nystagmus, unilatérale. Les accès peuvent être pluriquotidiens.
vomissements, pâleur, peur. L'examen neurologique reste ■ Les algies vasculaires de la face se manifestent par une
normal entre les crises. céphalée unilatérale, très intense, dans la région de l'or
bite, pendant 30 minutes à une heure, pluriquotidienne,
Torticolis paroxystique bénin pendant plusieurs jours ou semaines, souvent aux mêmes
Il se caractérise, comme les vertiges, par un début et une fin heures. Il peut y avoir un larmoiement, une injection
spontanés, un premier épisode dès la 1re année de vie. Le conjonctivale et/ou une rhinorrhée associés.
torticolis peut être partiellement réductible pendant l'accès. Dans ces deux entités, il faut rechercher un processus expansif
Lors d'un premier épisode, il faut évoquer et rechercher en du tronc cérébral, de la fosse postérieure ou hypothalamique.
1re intention une pathologie de la fosse postérieure.
Céphalées secondaires
Céphalées de tension Elles sont donc liées à un processus pathologique sous-
Deuxième type de céphalées primaires chez l'enfant, elles jacent ; on peut les classer selon leur mode d'installation.
sont moins fréquentes que les migraines. L'ICHD-3b dis
tingue les formes épisodiques et les formes fréquentes, les Céphalées d'installation aiguë/subaiguë
formes associées à une contracture musculaire péricrâ ■ Fièvre : au cours d'un épisode viral banal, ou d'une infec
nienne ou pas. En effet, sur le plan physiologique, cette tion bactérienne. Devant toute suspicion de méningite/
contracture peut être retrouvée à la palpation (frontal, tem encéphalite, la ponction lombaire est de rigueur.
poral, masséter, sterno-cléido-mastoïdien, etc.) et demeure ■ Abcès cérébral : signes de focalisation (parfois subtils
la seule anomalie significative à l'examen en faveur du comme un syndrome frontal) associés à des céphalées,
diagnostic. possiblement apyrétiques.
584 Partie II. Spécialités
■ Sinusite aiguë : céphalées classiquement associées à des ophtalmique rapprochée est la règle, en alternance avec les
signes ORL, mais il faut savoir évoquer une complication examens neurologiques et cliniques.
à type de thrombophlébite cérébrale secondaire.
■ Hémorragie méningée (sous-arachnoïdienne) : installa
tion brutale, « en coup de poignard », d'emblée maximale
Traitement des céphalées primaires
en intensité. Il faut rechercher un syndrome méningé Il convient de définir des objectifs avec l'enfant et la
(nuque raide). Il s'agit d'une urgence diagnostique famille quant à la réduction des accès de céphalée : en
confirmée par une TDM cérébrale non injectée (puis par termes de fréquence, de durée et d'intensité dans le but
une angio-IRM pour détecter une malformation vascu d'améliorer la qualité de vie et réduire les conséquences
laire), requérant surveillance en milieu neurochirurgical, sur la scolarité. Une première étape consiste à rassurer
proche d'une unité de réanimation. l'enfant et sa famille sur l'absence de lésion et le carac
■ Hypertension artérielle systémique (HTA) : la mesure de tère primitif des céphalées. S'il est en âge, l'enfant peut
la pression artérielle doit être systématique chez l'enfant lui-même tenir un « calendrier des épisodes » de cépha
consultant pour des céphalées. Parmi les causes d'HTA, lée, qui est très utile pour mettre en évidence des facteurs
il faut rechercher un phéochromocytome (tumeur sécré favorisant les crises, la durée et la réponse aux traitements
tant l'adrénaline), orienté par l'existence d'épisodes < 1 h entrepris.
de sueurs, palpitations et nausées.
Traitement non médicamenteux
Céphalées d'installation progressive Hygiène de vie
Tumeur cérébrale Les habitudes élémentaires d'une bonne hygiène de vie
doivent être abordées avec la famille : hydratation, repas
Les céphalées seront secondaires au blocage du liquide réguliers, activité physique, qualité du sommeil, éviction des
céphalorachidien entraînant une hydrocéphalie non écrans avant le coucher, etc. En cas d'accès, il faut recom
communicante. mander à l'enfant de s'installer au calme, dans une pièce
sombre, ce qui nécessite la mise en place d'un plan d'accueil
Malformation de Chiari individualisé pour l'école.
Il s'agit d'une descente des amygdales cérébelleuses en
dessous du niveau du foramen magnum. Il en existe trois Stratégies comportementales
types, de degré de sévérité différent. Dans les formes les Il est désormais établi que chez l'enfant/l'adolescent
plus sévères, il peut apparaître des troubles de la marche, un m igraineux, la prise en charge en thérapie cognitivo-
déficit sensitif, une atteinte des paires crâniennes. Un avis comportementale (TCC) fait partir intégrante du traitement
neurochirurgical est indispensable. avec une efficacité certaine à court et long terme. D'autres
techniques comme le biofeedback ou l'hypnose peuvent
Hypertension intracrânienne idiopathique aussi être utiles. Il ne s'agit pas de réduire les symptômes
(anciennement appelée « bénigne ») de l'enfant à une « cause psychologique » mais de réaliser
Les signes cliniques sont ceux de l'HTIC : une prise en charge globale des épisodes douloureux et du
■ céphalées quotidiennes, préférentiellement matinales, contexte émotionnel et anxieux sous-jacent. Il convient
aggravées par la toux, la défécation, frontales, rétro-orbi d'adresser l'enfant vers des spécialistes formés dans la TCC.
taires, à type de pression ou pulsatiles ;
■ signes oculaires : baisse d'acuité visuelle, photophobie, Traitement médicamenteux
scotomes, phosphènes, diplopie par paralysie du VI (sur Traitement des accès
vient tardivement).
Le sex-ratio est de 1 mais à l'adolescence, l'HTIC idiopa Le traitement de l'épisode aigu doit intervenir le plus rapi
thique atteint plus souvent les filles, en surpoids. L'examen dement possible, dès les premières minutes douloureuses.
du fond d'œil retrouve un œdème papillaire bilatéral, le Le choix de la molécule dépend de l'âge de l'enfant, de
champ visuel peut être normal ou montrer un élargissement l'intensité des accès et des signes associés (vomissements)
de la tache aveugle. L'IRM cérébrale avec angiographie est (tableau 21.3). En cas de céphalées persistantes faisant évo
le plus souvent normale. La mesure de la pression du LCR quer un état de mal migraineux (épisode de migraine évo
atteste le diagnostic si elle est supérieure à 20 cmH2O. Des luant sur plusieurs jours ne répondant pas aux traitements
examens complémentaires biologiques sont réalisés de habituels), une hospitalisation avec perfusion d'amitripty
façon concomitante dans le sang et le LCR pour rechercher line (0,5 mg/kg/j le 1er jour, puis 1 mg/kg/j les 2 jours sui
un facteur favorisant l'HTIC (sérologies virales et Lyme, vants) est proposée.
dosage de la vitamine A, anomalies métaboliques, endocri
niennes, prise de toxique, etc.). Le traitement par acétazo Traitements de fond
lamide (10 mg/kg/j en 2 à 3 prises) est le plus utilisé. Chez Ils ne sont recommandés que lorsque malgré le traitement
les patients présentant un surpoids, la stabilisation/perte de des accès et les thérapies non médicamenteuses, la migraine
poids permet une amélioration de la symptomatologie et reste invalidante (un accès intense par semaine). Un avis
doit être durable. En cas de résistance au traitement médica spécialisé (neuropédiatre, pédiatre algologue) doit être
menteux et/ou d'atteinte visuelle sévère et récente, une prise demandé à cette étape. Il n'y a actuellement pas d'AMM
en charge chirurgicale peut être proposée. La surveillance pour ces traitements en pédiatrie et les recommandations
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 585
sont issues d'accords professionnels. Il faut les utiliser à Troubles de la marche secondaires
faible dose pour limiter les effets secondaires (sédation). On à un déficit moteur
peut citer :
■ l'amitriptyline : 0,25 à 0,5 mg/kg/j ; En cas de déficit moteur bilatéral
■ la flunarizine (âge > 10 ans) : 5 mg/j ; ■ Une polyradiculonévrite aiguë type Guillain-Barré se
■ le propranolol : 1 mg/kg/j (augmentation progressive caractérise par une paralysie motrice progressive, bila
jusqu'à 3 mg/kg/j) ; térale, avec abolition des réflexes ostéotendineux et des
■ le topiramate : 1 à 2 mg/kg/j. douleurs à l'étirement des membres inférieurs, une atteinte
des paires crâniennes et des signes dysautonomiques, sans
signe sphinctérien. Elle s'accompagne d'une dissociation
Conclusion albuminocytologique à la ponction lombaire (hyperprotéi
Les céphalées sont un motif de consultation fréquent norachie isolée), et à l'électroneuromyogramme de blocs de
chez l'enfant et l'adolescent. Les temps de l'anamnèse et conduction et d'une atteinte démyélinisante, plus rarement
de l'examen physique sont primordiaux pour évoquer une axonale. Les formes ataxiques sont fréquentes chez l'enfant.
cause secondaire qui nécessite un avis spécialisé et des ■ Une myélite aiguë se manifeste en contexte post-infec
examens complémentaires. Les céphalées primaires sont tieux par une paraparésie d'aggravation rapide avec abo
de bon pronostic mais requièrent une attention particu lition des réflexes, rachialgies, signes sensitifs et atteinte
lière car, dans le cas de la migraine en particulier, elles sphinctérienne suivis de signes pyramidaux. Le LCR
peuvent entraîner une déscolarisation lorsque les accès révèle souvent une hyperprotéinorachie modérée et une
sont trop fréquents. Les traitements non médicamenteux méningite lymphocytaire.
doivent avoir une place centrale dans la prise en charge de ■ Une compression médullaire aiguë peut se révéler par les
ces patients. mêmes signes en contexte non infectieux, et est le plus
souvent diagnostiquée par l'IRM médullaire en urgence.
■ Il ne faut pas non plus sous-estimer la possibilité d'une
Troubles aigus de la marche : myosite dans le cadre d'une infection virale (grippe +++),
comment reconnaître une urgence l'enfant garde une position antalgique et refuse de marcher.
neurologique Un dosage de CPK doit donc être systématique devant tout
refus de la marche d'autant plus que l'enfant est jeune
Brigitte Chabrol
■ On doit éliminer une cause orthopédique :
Les troubles de la marche et de l'équilibre constituent un – spondylodiscite : hormis le cas du petit enfant, il
motif fréquent de consultation après l'âge de 1 an. Comme s'agit le plus souvent de localisation thoracique basse
dans tout examen en pédiatrie, l'interrogatoire doit être soi ou lombaire. Le contexte infectieux n'est pas au pre
gneux, précisant les antécédents familiaux, en particulier mier plan. Il s'agit de douleurs modérées, raideur
l'âge de la marche de la fratrie et des parents ; les antécédents rachidienne importante, refus de s'asseoir et marche
personnels doivent être soigneusement notés sans oublier anormale (pseudo-boiterie appelée encore marche
les circonstances de la grossesse et de l'accouchement. Le guindée). La radiographie rachidienne de profil doit
développement psychomoteur des premières années de vie être observée avec beaucoup d'attention car au stade
est également précisé. L'orientation diagnostique repose sur de début, parfois seul un simple pincement modéré
les circonstances de survenue, les signes d'examen tenant est visible, l'IRM rachidienne et la scintigraphie per
compte des symptômes neurologiques et/ou extraneuro mettent le diagnostic ;
logiques associés. Cet examen permet de guider au mieux – rhume de hanche, ostéochondrite primitive : ces diag
la décision d'hospitalisation en urgence et de prescrire les nostics ne posent pas vraiment de problème du fait du
explorations complémentaires nécessaires. caractère strictement mécanique de la douleur qui dis
On peut ainsi distinguer différents types d'anomalies de paraît au repos et de l'examen qui ne retrouve aucun
la marche chez l'enfant. déficit neurologique.
586 Partie II. Spécialités
En cas de déficit moteur unilatéral Une tumeur de la fosse postérieure peut également être
Une hémiplégie aiguë de l'enfant dans le cadre d'un accident évoquée, l'ataxie y est isolée ou éventuellement associée à
vasculaire cérébral (AVC) se révèle par une hémiplégie bru d'autres signes d'hypertension intracrânienne, justifiant la
tale chez un enfant bien portant, l'imagerie cérébrale objec réalisation rapide d'examens neuroradiologiques dans ce
tivant une ischémie sylvienne controlatérale. L'organisation contexte.
actuelle avec une filière régionale AVC de l'enfant permet une Un syndrome de Miller Fisher peut être évoqué de
prise en charge précoce et adaptée conditionnant le pronostic. façon exceptionnelle dans le cadre d'un syndrome de
Ainsi une thrombolyse peut être envisagée chez un enfant de Guillain-Barré.
plus de 12 ans, ayant un début des signes inférieur à 4 h 30. En Une ataxie symptomatique d'une maladie neurométa
revanche, la thrombolyse est contre-indiquée en cas de drépa bolique est souvent associée à des troubles de la conscience
nocytose, de varicelle dans l'année, de syndrome moya moya. et des vomissements, et volontiers déclenchée par un stress
Un déficit post-critique peut s'observer en particulier intercurrent (virose, le contexte fébrile pouvant faire évo
dans le syndrome hémiconvulsion-hémiplégie caracté quer à tort une encéphalite, jeûne, chirurgie).
risé par la survenue chez le nourrisson ou le jeune enfant
d'une hémiconvulsion fébrile, puis d'une hémiplégie flasque En cas de début fébrile ou dans un contexte
séquellaire et après plusieurs années d'une épilepsie. viral
On élimine ici aussi une cause orthopédique : Il faut évoquer avant tout une cérébellite aiguë, complica
■ certaines fractures sous-périostées notamment de la tion fréquente de la varicelle mais également d'autre virus
fibula peuvent donner une boiterie peu algique pendant tels que l'Epstein-Barr virus. On peut également évoquer
3 semaines. Leur diagnostic est difficile sur la radio une labyrinthite aiguë. L'ataxie cérébelleuse d'origine virale
graphie standard avec un fin liseré diaphysaire oblique survient entre 2 et 6 ans en contexte post-infectieux : ataxie
encore appelé fracture en cheveux d'ange. L'examen du tronc, tremblement intentionnel, voix dysarthrique,
neurologique est normal, ne laissant aucun doute sur le hypotonie. L'évolution est favorable en quelques semaines
caractère mécanique de la boiterie du fait de la localisa à quelques mois.
tion d'une douleur élective à la palpation ;
■ le rhume de hanche, l'ostéochondrite primitive sont des Lors d'une apparition subaiguë
diagnostics qui ne posent pas vraiment de problème du
On peut évoquer une tumeur de la fosse postérieure, une
fait du caractère strictement mécanique de la douleur qui
malformation de la charnière ou de la fosse postérieure.
disparaît au repos et de l'examen qui ne retrouve aucun
Le syndrome ataxo-opso-myoclonique associe, chez un
déficit neurologique ;
nourrisson ou jeune enfant, des myoclonies incessantes de la
■ parfois, la boiterie indolore est un motif de consultation
tête, du tronc et des membres, responsables d'une ataxie, et
orthopédique et tout médecin doit savoir qu'une boiterie
des opsoclonies, mouvements brusques et anarchiques des
indolore signalée par la famille doit être prise en considé
globes oculaires en bouffées, associées à un flutter palpébral.
ration même si elle n'est pas évidente au premier examen.
Un neuroblastome est retrouvé dans plus de 80 % des cas
Un motif de consultation tel que « mon enfant ne marche
(IRM corps entier avec injection de gadolinium).
pas comme avant » doit attirer l'attention. Une myopa
thie peut être un motif de consultation orthopédique. La
manœuvre de Gowers, en faisant asseoir l'enfant à terre et Trouble de la marche lié à un syndrome
relever à 2 ou 3 reprises, doit être systématique. extrapyramidal
■ En l'absence de fièvre, il faut avant tout rechercher là
Troubles de la marche en rapport encore une cause toxique et en particulier une réaction
avec une spasticité au métoclopramide (Primpéran®), très rarement un acci
dent vasculaire des noyaux gris.
La démarche spastique chez l'enfant ne présente pas de par
■ En cas d'épisode fébrile, on peut évoquer une encéphalite
ticularité par rapport à l'adulte.
des noyaux gris, qui est rare.
On peut observer cette démarche spastique sous forme
de paraplégie lors de myélopathie, de compression médul
laire lente ou d'une pathologie neurodégénérative. Autres troubles de la marche
Cette démarche spastique peut également se voir sous la Certaines épilepsies rares associant myoclonies massives
forme d'une hémiplégie (post-ischémique ou tumorale). et ataxie (syndrome de Dravet, syndrome de Doose), res
ponsables de chutes, peuvent se révéler par un trouble de
Troubles de la marche en rapport la marche.
avec une ataxie
En l'absence de fièvre
Chez le jeune enfant, la première cause à évoquer est une Ce motif de consultation est fréquent et seule une analyse rigou
cause toxique, en particulier une intoxication accidentelle reuse des symptômes permet d'orienter la demande d'examens
aux benzodiazépines, ou une intoxication au cannabis complémentaires qui conduisent à porter le diagnostic et à gui
d'autant plus qu'il existe une somnolence associée, dont la der une prise en charge optimale.
fréquence est en augmentation constante actuellement.
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 587
Fig. 21.2 Courbe de périmètre crânien après traumatisme crânien non accidentel à l'âge de 3 mois ½.
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 589
Tableau 21.4 Orientations du diagnostic selon la clinique et les anomalies du bilan de base – Détresse
neurologique.
Type de détresse Intoxication Intoxication Énergétique Énergétique Intoxication
Symptômes Coma, mouvements Déshydratation, Symptômes Polypnée, hypotonie, Anorexie,
principaux anormaux, signes digestifs, puis cardiaques, convulsions, troubles vomissements,
hypertonie neurologiques hépatiques, de la déglutition somnolence, coma,
périphérique hypoglycémie, convulsions
atteinte musculaire
Gazométrie Acidose = 0 Acidose Acidose lactique Alcalose
Ammoniémie Normale Hyperammoniémie Hyperammoniémie
Bandelette urinaire Cétose +++ Cétose +++ Cétose ± Cétose + Cétose ±
Autres Hypo/hyperglycémie Hypoglycémie Glycémie N/basse Lactates N
Hypocalcémie, hypocétotique Détresse Anomalie du bilan
cytopénies/cytolyse Cytolyse multiviscérale hépatique
Hyperlactatémie ↑ CPK
Diagnostic Leucinose Aciduries organiques Troubles de la bêta- Déficits Anomalie du cycle de
Troubles de la oxydation des AG mitochondriaux, l'urée
cétolyse Troubles de la déficit du
cétogenèse métabolisme
pyruvate et du
cycle de Krebs,
déficit multiple en
carboxylases
Bilan plus spécifique Chromatographie Chromatographie des acides aminés plasmatiques et urinaires, profil Chromatographie
des acides aminés des acylcarnitines, carnitine des acides aminés
plasmatiques plasmatiques et
urinaires, acide
orotique urinaire
AG : acides gras ; CPK : crétine-phosphokinase ; N : normal.
592 Partie II. Spécialités
s ynthèse des acides aminés, la synthèse et la dégradation des Troubles du métabolisme des acides aminés
glucides et des acides gras ainsi que le métabolisme énergé ramifiés
tique mitochondrial. Leucinose (maladie des urines au sirop d'érable)
Il existe une présentation néonatale aiguë comportant une
Aminoacidopathies encéphalopathie d'aggravation progressive, après un inter
Déficits du cycle de l'urée valle libre d'environ 5 jours, comportant des difficultés
■ Chez le nouveau-né, un déficit du cycle de l'urée doit être alimentaires, une léthargie, des mouvements anormaux
évoqué devant l'apparition, après un intervalle libre court (boxing, pédalage), puis un coma.
(24 heures, parfois moins) de troubles digestifs, puis Des présentations plus modérées existent à type de
d'une détérioration neurologique (léthargie, hyperven retard psychomoteur, d'atteinte neurologique fluctuante ou
tilation, convulsions). Ces nouveau-nés ont de manière d'épisodes récurrents de décompensations acidocétosiques.
assez caractéristique une alcalose respiratoire au début L'acidose ou l'hyperammoniémie ne sont pas des marqueurs
de leur dégradation. L'évolution se fait vers un œdème de cette pathologie.
cérébral avec coma profond. Le taux de mortalité est Le traitement d'urgence de la forme aiguë repose sur
élevé dans les présentations néonatales et plus de 50 % l'épuration exogène et/ou endogène (régime hyperca
des patients ont une atteinte cognitive. lorique glucidolipidique). Le traitement au long cours
■ Chez le nourrisson, le mode de présentation est le plus consiste en un régime hypoprotidique, limité en acides
souvent moins aigu, comportant une anorexie, des aminés ramifiés.
vomissements chroniques, un retard de croissance et un
trouble du développement. Cette présentation non spé
cifique peut inclure des épisodes aigus de troubles de la Aciduries organiques classiques
conscience. Les aciduries organiques classiques sont principalement des
■ Chez l'enfant et l'adulte, l'expression d'un déficit du cycle aciduries méthylmaloniques, propioniques, isovalériques. Il
de l'urée peut comporter des épisodes d'encéphalopathies est possible de distinguer 3 types de présentations :
aiguës, de syndrome de Reye, de vomissements cycliques. ■ une forme néonatale à type d'encéphalopathie méta
Les patients peuvent être normaux entre les épisodes ou bolique type « intoxication » : après un intervalle libre
présenter un retard de développement, une anorexie, un de quelques jours à quelques semaines les n ouveau-nés
dégoût des protéines. atteints présentent des troubles digestifs (anorexie, dif
Le diagnostic est orienté par l'existence d'une hyperam ficultés alimentaires, vomissements, perte de poids,
moniémie. La recherche d'acide orotique dans les urines déshydratation) associés à des troubles neurologiques
et l'étude de l'aminoacidogramme plasmatique permettent d'intensité croissante (hypotonie axiale, léthargie, troubles
d'appréhender le niveau du déficit enzymatique. Le diagnos neurovégétatifs, mouvements anormaux, coma). Sur le
tic est alors confirmé soit par dosage enzymatique, soit par plan biologique, il existe une acidocétose avec une hype
étude en biologie moléculaire selon les déficits. rammoniémie. Une hyperlactatémie, des hypoglycémies
Le traitement d'une hyperammoniémie en phase aiguë ou hyperglycémies, des anomalies hématologiques (ané
est une urgence absolue et fait appel à un arrêt de l'apport mie, neutropénie, pancytopénie) et une hypocalcémie
protidique, à une épuration endogène (régime hypercalo peuvent également être observées ;
rique glucidolipidique, médicaments épurateurs) et par ■ des formes chroniques intermittentes ou progressives.
fois exogène (épuration extrarénale). La prise en charge au Le traitement au long cours consiste en un régime hypopro
long cours comporte un régime hypoprotidique associé à tidique, une supplémentation en carnitine, et parfois des
des épurateurs de l'ammoniac et à une supplémentation en antibiotiques pour lutter contre la flore digestive propio
acides aminés essentiels et/ou en intermédiaire du cycle de gène. Certaines formes d'acidémie méthylmalonique sont
l'urée (arginine, citrulline) en fonction du déficit. sensibles à la vitamine B12 (hydroxocobalamine).
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 593
accompagnant des personnes handicapées ou malades chro tifier les facteurs potentiels de surhandicap, c'est-à-dire les
niques, est définie comme polyhandicapée toute personne troubles nutritionnels, les troubles respiratoires, les défor
« présentant un dysfonctionnement cérébral précoce ou sur- mations orthopédiques, mais aussi l'épilepsie, la douleur et
venu au cours du développement, ayant pour conséquence les troubles du sommeil. Le médecin traitant joue également
de graves perturbations à expressions multiples et évolutives un rôle de soutien psychologique et d'accompagnement du
de l'efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construc- patient polyhandicapé et de sa famille.
tion des relations avec l'environnement physique et humain,
et une situation évolutive d'extrême vulnérabilité physique,
psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces per-
Évaluation gastroentérologique
sonnes peuvent présenter, de manière transitoire ou durable, et diététique
des signes de la série autistique. » Les difficultés d'alimentation apparaissent très tôt chez
La cause du polyhandicap, inconnue dans 30 à 40 % des l'enfant polyhandicapé. L'état nutritionnel est apprécié via
cas, est le plus souvent prénatale (50 % des cas), essentiel la réalisation d'une courbe de croissance staturopondérale et
lement génétique, comprenant les maladies neurologiques l'analyse de son IMC (indice de masse corporelle). L'identi
évolutives, périnatale (15 % des cas), surtout liée à la grande fication d'une cassure de la courbe pondérale via une perte
prématurité, ou postnatale (5 %) en contexte principalement ou une stagnation pondérale, de même qu'un IMC inférieur
de traumatisme et d'arrêt cardiaque. au 3e percentile signent une insuffisance nutritionnelle et
Le polyhandicap nécessite un accompagnement perma doivent inciter le médecin traitant à solliciter une évaluation
nent et qualifié associant éducation, soins, communication diététique en milieu hospitalier. Une estimation des inges
et socialisation. La majorité des enfants polyhandicapés tas est alors effectuée et des conseils d'enrichissement de
vivent au domicile des parents et bénéficient d'une prise l'alimentation per os sont donnés. En cas d'échec de l'enri
en charge médicosociale ambulatoire au sein de différentes chissement ou d'une dysfonction oromotrice entraînant une
structures telles que les centres d'action médicale précoce hypersalivation, des fausses routes et des pneumopathies
(CAMSP), les services d'éducation spéciale et de soins à d'inhalation à répétition, le médecin traitant peut alerter
domicile (SESSAD) ou encore les instituts médico-éducatifs l'équipe hospitalière afin qu'une gastrostomie soit envisagée.
(IME) en externat. Conjointement, la prise en charge sani La présence d'un reflux gastro œsophagien (RGO) exté
taire est effectuée par le médecin traitant, les médecins des riorisé ou de signes indirects tels qu'une toux chronique,
structures médico-sociales et en milieu hospitalier via des des pneumopathies d'inhalation, une hyperréactivité bron
consultations spécialisées, pluridisciplinaires et des hos chique, une irritabilité, des cris, des mouvements dysto
pitalisations programmées ou en urgence en contexte de niques doit également être recherchée lors des consultations
décompensations. La prise en charge de l'enfant polyhandi de suivi. Un traitement médicamenteux par inhibiteur de la
capé nécessite donc son intégration au sein d'un réseau de pompe à protons (IPP) doit être instauré et, en cas d'échec,
soins attentif à son bien-être, sa qualité de vie, à la conti une évaluation en gastro-entérologie permet d'apprécier la
nuité et à la fluidité de son parcours de vie. La complexité nécessité d'un traitement chirurgical.
du parcours des soins de l'enfant polyhandicapé requiert Une constipation et ses conséquences : fissure anale, dou
une coordination et un dialogue entre les différents acteurs leurs abdominales sont également recherchées et traitées.
ressources. Le médecin traitant, interlocuteur principal
des familles, peut tenir ce rôle de coordinateur de réseau et Évaluation des troubles respiratoires
ainsi construire et mettre en œuvre un dispositif ressource Les troubles respiratoires de l'enfant polyhandicapé sont
permettant de répondre à l'ensemble des besoins de la per multiples : infections respiratoires récurrentes, encombre
sonne. Afin d'être en capacité d'évaluer les besoins de l'en ment chronique, toux persistante, apnées centrales et obs
fant polyhandicapé, le médecin traitant doit développer des tructives, hyperréactivité bronchique. Ils peuvent aboutir à
connaissances générales sur le polyhandicap, les pathologies une insuffisance respiratoire chronique qui est la première
qui lui sont associées et ses répercussions psychosociales sur cause de morbimortalité chez l'enfant polyhandicapé.
l'enfant et sa famille. L'atteinte respiratoire est aggravée par les troubles digestifs
Les visites du médecin traitant se font au domicile du (RGO, inhalation salivaire, fausses routes) et orthopédique
patient afin de faciliter l'accès aux soins ou au cabinet qui via les déformations rachidiennes.
doit être accessible aux personnes handicapées selon la loi Le médecin traitant est amené à évaluer et à traiter l'at
n° 2005-102 du 11 février 2005. teinte respiratoire de l'enfant polyhandicapé tout au long de
Le suivi régulier de l'enfant polyhandicapé permet au son suivi. L'objectif est de lutter contre les facteurs favori
médecin traitant d'assurer la prévention et le traitement sant ces troubles : traitement du RGO par des antiacides,
des facteurs de surhandicap et de veiller à ce que le suivi du diminution de l'encombrement salivaire pharyngé par des
patient soit réalisé par une équipe pluridisciplinaire assurant patchs de scopolamine et amélioration du positionnement
une prise en charge globale centrée sur son projet de vie. de l'enfant au quotidien avec des plages de décubitus ventral
Le médecin traitant peut être également amené à repérer et favorisant la vidange de la cavité buccale. La prescription
gérer en 1re ligne les situations de décompensations aiguës et d'un aspirateur de mucosité est également indispensable. En
ainsi à adresser le patient polyhandicapé auprès du service cas d'encombrement respiratoire chronique, le patient doit
hospitalier compétent. bénéficier d'une kinésithérapie respiratoire régulière.
Au cours du suivi de l'enfant polyhandicapé, le médecin Le médecin traitant s'attache également à vérifier le statut
traitant réalise une évaluation globale du patient afin d'iden vaccinal de l'enfant polyhandicapé et de son entourage, en
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 595
qualité de vie. Lors de ses visites au domicile, le médecin syllabes, de mots prononcés par le patient lui-même (pali
traitant peut évaluer l'installation de l'enfant polyhandi lalie) ou entendus (écholalie), de mots obscènes (coprolalie,
capé et estimer la nature des aides techniques et humaines décrite chez 10 % des patients). Les enchaînements de tics
à mettre en place. Il peut également en tant que coordon moteurs complexes peuvent faire évoquer un mouvement
nateur du réseau de soins établir ou renouveler le dossier volontaire normal mais inapproprié : secousse de la tête
MDPH (Maison départementale des patients handicapés) répétitive, balancement, gestes obscènes (copropraxie) ou
afin qu'un soutien financier soit assuré. Il assure par ailleurs imitation d'autrui (échopraxie).
un dialogue avec les structures d'accueil de l'enfant polyhan Les tics peuvent affecter l'ensemble du corps mais sont
dicapé et peut établir une demande de séjour de répits plus fréquents au niveau de la tête, de la face ou de la nuque.
lorsque la situation familiale le requiert. Chez un même patient, plusieurs types de tics peuvent être
décrits dans le temps. Les tics à type de cri semblent parti
culièrement gênants pour les enfants et leur famille, du fait
Tics de la représentation sociale qui en découle (assimilé à un
Chloé Di Meglio, Nathalie Villeneuve trouble d'ordre psychiatrique pour la population générale).
Les tics sont des mouvements anormaux paroxystiques non Prévalence et évolution
épileptiques fréquents chez les enfants puisqu'ils touchent
Les tics sont un phénomène commun dans la population
environ 10 % de la population pédiatrique.
générale et le plus souvent transitoires, et n'impliquent pas
Ils sont définis par le DSM-5 (Diagnostic and Statistical
systématiquement une consultation médicale ; actuellement,
Manual of mental disorders) comme des mouvements ou des
dès les tics identifiés, le diagnostic de ST doit être expliqué à
vocalisations brusques, rapides, récurrents, non rythmiques.
l'enfant et ses parents. Dans la littérature, le ST a une préva
La classification classique distinguait le syndrome de
lence dans la population pédiatrique entre 0,3 et 1 % selon les
Tourette (ST) et les tics chroniques ou occasionnels, mais
séries avec une prépondérance masculine (ratio 3 à 4 pour 1).
il s'agit en fait de la même entité. Aujourd'hui, on parle
Le ST peut être associé à une comorbidité (trouble anxieux,
plutôt d'un spectre du syndrome de Tourette allant du tic
trouble déficit d'attention hyperactivité – TDAH – chez 60 à
banal isolé à un ensemble de tics avec comorbidité. Pour
80 % des patients, trouble obsessionnel compulsif – TOC –,
le praticien, l'enjeu principal est d'éliminer les tics secon
trouble oppositionnel, syndrome dysexécutif, etc.), pouvant
daires, c'est-à-dire lorsque l'examen clinique est anormal car
conduire à un isolement social important.
les explorations complémentaires et la prise en charge sont
Classiquement, les tics surviennent en âge préscolaire
radicalement différentes.
autour de 4–6 ans, et atteignent un pic autour de 10–12 ans
à la période prépubertaire. L'évolution est souvent mar
Syndrome de Tourette : tics primitifs quée par une augmentation rapidement progressive de la
Critères diagnostiques fréquence des tics avec une fréquence pluriquotidienne en
Il existe des critères dans le DSM-5 mais en pratique, le quelques jours/semaines, puis une phase de plateau avec
diagnostic repose sur : stabilisation de l'intensité, de durée variable (semaine/mois)
■ la présence de tics moteurs (à noter : un tic vocal est sous- et une régression progressive jusqu'à disparition ou persis
tendu par une action motrice, les tics dits « vocaux » sont tance à une fréquence « plus acceptable ». Il est fréquent que
donc aussi des tics moteurs !) ; les tics persistent chez l'adolescent ou l'adulte jeune ; selon
■ l'âge de début (souvent entre 4 et 6 ans, en tout cas avant leur intensité, ces sujets sont plus susceptibles de dévelop
la puberté dans la majorité des cas) ; per des comorbidités telles que les troubles bipolaires, les
■ l'absence d'une cause avérée (pathologie spécifique épisodes dépressifs, ou encore une consommation inappro
comme maladie de Huntington, encéphalite post-virale priée de substance principalement du fait des conséquences
par exemple, ou secondaire à une substance, etc.). sociales des tics (échec scolaire, problème d'acceptation
des symptômes, etc.). La sémiologie des tics peut varier au
cours du temps et pour un même patient, plusieurs types de
Éléments du diagnostic
tics peuvent coexister.
Les tics ont trois composantes :
■ une sensation prémonitoire (besoin imminent) ;
Facteurs de risque
■ la manifestation physique du tic ;
■ la sensation de soulagement après la manifestation. Facteurs individuels
Les sensations prémonitoires sont associées à une sensation Génétique
sensorielle dans le territoire du tic (démangeaison, picote Les patients présentant des tics ont dans plus de la moitié
ment). Il convient de faire décrire par l'enfant et sa famille le des cas un antécédent familial de tics ; cependant, à ce jour,
ou les tics présentés et rechercher des complications à type aucun gène responsable n'a pu être identifié formellement.
de douleur ou traumatisme secondaire à ceux-ci (ulcération Des variations dans plusieurs gènes ont été décrites mais
cornéenne lors des clignements d'yeux, atteinte vertébrale leur causalité n'est pas prouvée. Comme dans d'autres
liée aux tics moteurs du cou, etc.). Les tics peuvent être brefs troubles neuropsychiatriques, il s'agit sûrement d'une asso
(haussement d'épaule, raclement de gorge, cri, etc.) ou plus ciation de variants prédisposants agissant conjointement
complexes, notamment au niveau du langage : séquences de avec des facteurs environnementaux. À l'heure actuelle,
tics vocaux élaborées mais inappropriées par répétition de il n'y a pas de facteur ethnique mis en évidence dans la
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 597
Facteurs environnementaux
Évaluation par le praticien
L'enfant reçu en consultation pour des tics doit faire l'objet
Certains patients sont sensibles aux gestes ou sons de leurs d'un interrogatoire et d'un examen physique minutieux afin
interlocuteurs, parler des tics déclenche les tics chez bon de discriminer les tics primitifs et secondaires. Des élé
nombre de patients et dans le cadre des tics à type d'écho ments tels qu'un déclin cognitif, la persistance des mouve
lalie ou d'échopraxie. La recrudescence des tics peut être ments pendant le sommeil ou un examen physique anormal
interprétée par autrui comme de l'insolence, ce qui est parti doivent alerter sur le caractère secondaire probable des tics.
culièrement dommageable lorsqu'il s'agit d'un détenteur de En cas de doute, il convient d'adresser l'enfant à un neuropé
l'autorité (professeur, directeur, policier, éducateur, etc.) ! diatre ou un pédopsychiatre.
Habituellement, les examens complémentaires dans le
Physiopathologie cadre des tics sont inutiles. Ainsi, les EEG, IRM et TDM céré
Elle est actuellement mal connue, de nombreux neurotrans brales ne sont pas justifiés en 1re intention et sont attendus
metteurs ont été étudiés, notamment la perturbation de la normaux. Des auteurs ont montré des variations de volume
transmission GABAergique (acide gamma-amminobuti des noyaux caudés chez des patients avec ST ; cependant, ces
rique) entraînant une désinhibition des boucles motrices résultats ne sont pas applicables en routine actuellement.
entre noyaux gris de la base et cortex, ou encore la mise
en cause des réseaux dopaminergiques dans ces mêmes
boucles. Prise en charge
Une fois le diagnostic de ST posé, il convient de rassurer
l'enfant et sa famille dans un premier temps en expliquant
Tics secondaires qu'il ne s'agit pas d'une maladie mais d'une association de
Les tics peuvent être observés dans une pathologie neuro symptômes, puis de les informer sur le caractère involontaire
logique : encéphalopathie fixée ou neurodégénérative, mais des mouvements ou des vocalisations, les convaincre qu'il
aussi en post-infectieux. Plusieurs études ont montré une est vain de punir l'enfant, ceci étant plutôt contre-productif
augmentation de fréquence des tics dans une population car engendrant un état de stress pourvoyeur de tics.
ayant eu une infection à entérovirus. Le caractère secondaire Différentes formes de contrôle des tics sont possibles,
des tics doit être évoqué devant les atypies sémiologiques allant de méthodes psychologiques au traitement médica
(début précoce avant 3 ans, non fluctuants, autres troubles menteux, chirurgical et passivement par maturation céré
moteurs, examen neurologique anormal) et conduire à une brale avec l'âge.
consultation spécifique (neuropédiatre) et à la réalisation
d'examens complémentaires appropriés. Adaptation individuelle
Parfois, l'enfant lui-même rapporte une possibilité de
Diagnostic différentiel contrôle des tics par inhibition volontaire mais au prix d'un
Tout mouvement anormal chez l'enfant doit faire l'objet d'un effort cognitif conscient. Cependant, il n'y a pas d'inhibition
interrogatoire précis et d'un examen physique attentif avant des sensations de besoin annonciatrices des tics. À la fin de
de conclure à des tics. Dans la description du phénomène, l'effort, la famille décrit une réémergence immédiate des
les vidéos familiales sont désormais d'une grande aide. Ces tics qui correspond à « un lâchage du contrôle ». Il convient
éléments permettent de distinguer : d'encourager l'enfant à poursuivre ce contrôle dans les lieux
■ les stéréotypies motrices : mouvements involontaires, extérieurs au domicile (école, activité périscolaire, etc.) et lui
rythmiques, répétitifs, souvent prévisibles et qui peuvent permettre de « lâcher » ses tics en rentrant de l'école, faire
être interrompus par la distraction. Celles-ci surviennent de la maison et de la sphère familiale un écrin sûr où il peut
généralement plus tôt que les tics (avant 3 ans), ne sont libérer les tics.
pas brèves et peu variables dans le temps ;
■ la chorée : mouvement non prévisible, non stéréo Traitement non médicamenteux
typé, habituellement bilatéral, irrégulier, gêne les gestes La thérapie cognitivo-comportementale est la référence
volontaires ; dans la prise en charge des tics : elle ne présente pas d'effets
598 Partie II. Spécialités
On peut distinguer parmi ces troubles d'une part les loppement, une déficience intellectuelle, un trouble du
troubles spécifiques du langage : langage oral ou langage spectre autistique où le retard de langage peut parfois aller
écrit (dyslexie-dysorthographie), d'autre part des troubles jusqu'au mutisme.
spécifiques non verbaux tels que le trouble d'acquisi
tion de la coordination (TAC) ou dyspraxie, les troubles Retards simples de langage et de parole
logico-mathématiques ou dyscalculie, le trouble déficit Ils sont fréquents. Les différentes étapes du développement
d'attention-hyperactivité. du langage sont respectées mais décalées dans le temps.
On parle de retard simple de parole et de langage chez des
enfants qui présentent un trouble phonologique (produc
tion des phonèmes : cho-co-lat) et/ou articulatoire qui est le
Définitions
plus fréquent. Les enfants ont également des difficultés dans
Troubles spécifiques des apprentissages la syntaxe et la sémantique. Ces enfants ont une compréhen
Selon la classification DSM-5, ils se définissent comme des diffi sion normale.
cultés significatives d'apprentissage et d'utilisation des habiletés Le pronostic est bon en ce qui concerne le langage oral
académiques qui persistent au moins 6 mois malgré des inter mais l'enfant reste à risque de difficultés importantes dans
ventions spécifiques pour les améliorer dans au moins un des
l'acquisition du langage écrit et peut développer une dys
symptômes suivants :
■
inefficacité ou lenteur dans la lecture des mots lexie-dysorthographie. Il est donc essentiel de dépister pré
■
difficultés à comprendre le sens de ce qui est lu cocement ces retards de langage et de parole afin de mettre
■
difficultés d'orthographe en place dès que possible une prise en charge orthophonique
■
difficultés d'expression écrite et des aménagements pédagogiques qui permettront à l'âge
■
difficultés à comprendre le sens du nombre, les faits mathé de 5 ans l'installation des prérequis au langage écrit.
matiques ou le calcul
■
difficultés de raisonnement mathématique Troubles spécifiques sévères du langage oral
non expliquées par une déficience intellectuelle, un déficit
sensoriel ou une pathologie neurologique. Ce sont au contraire des troubles sévères et persistants mal
gré une prise en charge adéquate notamment en orthopho
Dyslexie nie : le terme de dysphasie développementale est souvent
Dans la classification DSM-5, la dyslexie se caractérise par utilisé. Il s'agit d'enfants dont l'efficience intellectuelle est
une lecture de mots dysfonctionnelle (lente, laborieuse) et une
orthographe déficiente.
normale, c'est-à-dire que les fonctions cognitives non ver
bales sont préservées, mais qui présentent un trouble sévère
Dysphasie de développement du langage oral. La forme expressive (ou
Il s'agit d'un trouble spécifique, sévère et durable du langage dysphasie expressive) est la plus fréquente (80 % de cas).
oral. Les enfants ont un trouble sévère et durable du langage, des
difficultés à programmer et formuler les mots et les phrases
alors que la compréhension verbale est préservée.
Le dépistage précoce et la prise en charge précoce et
Diagnostic différentiel intensive en orthophonie associés à des aménagements
Il faut savoir distinguer les TSLA, dans lesquels les enfants pédagogiques sont essentiels. Dans la majorité des cas,
ont des compétences intellectuelles normales, des troubles le pronostic du langage oral est relativement bon, même
observés chez des enfants présentant un trouble global du si peuvent persister longtemps, y compris chez l'adulte,
neurodéveloppement ou un trouble des fonctions cognitives quelques difficultés à type de manque du mot, des difficultés
(déficience intellectuelle). articulatoires. Le plus souvent, ces enfants présenteront un
Il faut également les distinguer des TSLA secondaires à une trouble spécifique du langage écrit de type dyslexie-dysor
carence éducative, des problèmes liés au bilinguisme familial thographie qu'il faut savoir anticiper en aidant l'enfant dès le
ainsi que des troubles psychopathologiques (anxiété, syndrome début de l'apprentissage du langage écrit en orthophonie et
dépressif) dans lesquels les retards de langage, les difficultés par des aménagements pédagogiques et du soutien dans les
d'apprentissage sont l'expression d'une souffrance psychique. apprentissages.
Il faut insister sur les effets néfastes du manque de som Plus rarement, le trouble du langage concerne non seu
meil et des abus d'écran sur le développement des fonctions lement l'expression mais également la compréhension du
cognitives et des apprentissages. langage : on parle alors de trouble spécifique du langage oral
Enfin, l'anamnèse et l'examen clinique sont essentiels pour éli dans une forme réceptive ou mixte (ou dysphasie récep
miner une pathologie médicale : épilepsie, syndrome génétique, tive). La compréhension du langage oral peut être plus ou
séquelles de traumatisme crânien, d'anoxo-ischémie périnatale, moins sévère. La forme la plus sévère est la surdité verbale.
de grandes prématurités, de méningite ou d'encéphalite, etc. Les enfants se comportent alors comme des enfants sourds
et muets alors que leur audition est tout à fait normale. Ils
sont souvent pris à tort pour des enfants déficients mentaux
Troubles spécifiques du développement ou présentant un trouble du spectre autistique en raison de
du langage oral troubles du comportement fréquemment associés.
Il s'agit d'un enjeu majeur dans la petite enfance. Avant Les enfants présentant un trouble spécifique du lan
d'évoquer un trouble spécifique du langage oral, il gage oral ont très souvent des troubles du comportement
convient d'éliminer un trouble global du neurodéve tels qu'une instabilité psychomotrice ou une h yperactivité
Chapitre 21. Neurologie – Maladies métaboliques 601
qui sont en fait la conséquence de leurs difficultés à ■ la dyslexie visuelle ou de surface quand la voie visuelle est
communiquer. Ces troubles du comportement s'améliorent déficiente ;
dès qu'on leur donne aux enfants des outils de communica ■ la dyslexie mixte quand les difficultés portent sur les
tion, par la prise en charge en orthophonie, par l'acquisition 2 voies.
du langage oral ou par l'utilisation de pictogrammes ou de la En transcription (lorsqu'ils écrivent), les enfants sont dysor
langue des signes dans les formes les plus sévères. thographiques : ils écrivent de façon phonétique (ex : je
Les causes de ces troubles spécifiques du langage oral t'aime : « jeteme », photo « foto »), avec des simplifications
sont mal connues. Il existe manifestement des facteurs géné phonémiques, des élisions et une absence de segmentation.
tiques, l'incidence familiale est très élevée. Une dyscalculie ou une dysgraphie peuvent être associées.
Il s'agit d'un trouble du développement des réseaux impli
qués dans le langage écrit, ce qui a pu être mis en évidence
par des études en imagerie fonctionnelle.
À l'âge de 3 ans, il n'est pas possible de distinguer un retard
simple de langage et de parole d'un trouble sévère de type dys
L'incidence familiale est élevée, ce qui suggère l'impor
phasique qui sera durable et le diagnostic de certitude n'est tance du facteur génétique.
souvent confirmé que vers l'âge de 5 ans. Cependant, il existe La prise en charge repose sur l'orthophonie, les remé
des signes d'alerte qui peuvent être repérés dès l'âge de 2 ans : diations pédagogiques et le soutien dans les apprentissages
l'absence de mots signifiants, des difficultés de compréhension (à l'école, à domicile). Les enfants acquièrent la lecture
verbale ou d'association de mots-phrases tels que « papa parti ». mais peuvent rester lents. La dysorthographie s'améliore
À 3 ans, au moment de rentrer à l'école maternelle, il faut savoir mais persiste le plus souvent chez l'adulte. Dans les formes
identifier les critères de gravité chez un enfant lorsque le lan sévères, non ou insuffisamment prises en charge, l'enfant
gage est inintelligible, agrammatique ou qu'il existe un trouble peut être non lecteur à l'âge de l'entrée au collège.
important de la compréhension verbale.
Ces signes d'alerte et de gravité doivent faire orienter rapide
ment vers un orthophoniste et faire rechercher une surdité ou Trouble d'acquisition de la coordination
une hypoacousie, principal diagnostic différentiel. Plus la prise et dyspraxies
en charge est précoce, meilleur est le pronostic.
Il s'agit de troubles du développement spécifiques de l'ac
quisition du geste, de la coordination et des praxies. Chez
l'enfant, le terme dyspraxie indique un trouble du dévelop
Trouble spécifique du langage écrit pement de ces fonctions mais aussi les troubles visuopercep
ou dyslexie-dysorthographie tifs (visuospatiaux et visuoconstructifs). La dyspraxie peut
être secondaire, conséquence de pathologies neurologiques
ou de lésions cérébrales précoces, congénitale, périnatale
ou survenant dans les premiers mois de vie. En l'absence
Définition de l'Organisation mondiale de pathologie neurologique, de lésions cérébrales, le terme
de la santé « dyspraxie développementale » est utilisé.
Dans les classifications internationales, le trouble d'ac
La dyslexie-dysorthographie est définie par un retard d'acquisi quisition de la coordination (dans la CIM-10) ou trouble du
tion du langage écrit d'au moins 18 mois à 2 ans en l'absence de
cause pédagogique, éducative, sociale, psychologique, psychia
développement des coordinations (dans le DSM-5) corres
trique, médicale. pond à la dyspraxie développementale mais n'intègre pas les
troubles visuoperceptifs.
Le développement des praxies, des gestes nécessite
d'abord un apprentissage, puis une automatisation. Les
Il existe deux voies de la lecture : coordinations sont automatiques à chaque évocation du
■ la voie phonologique ou d'assemblage qui permet d'iden geste, ce qui permet de diminuer l'effort et le coût attention
tifier les graphèmes, de faire une correspondance gra nel. Les enfants présentant un TAC ou une dyspraxie ont
phème-phonème et d'assembler les phonèmes. C'est la d'une part des difficultés pour apprendre des gestes mais
voie utilisée pour lire un nouveau mot ou un pseudo-mot également pour les automatiser, ce qui entraîne une lenteur
(ex : « picrado ») ; importante.
■ la voie visuelle qui permet de reconnaître rapidement Ce sont des enfants qui sont maladroits, gauches,
visuellement les graphèmes et les mots qui sont déjà patauds, ayant marché un peu tard et dont la démarche
connus et stockés dans la mémoire visuelle (mémoire lexi est restée longtemps mal assurée. Ils ont tendance dans la
cale). Au fur et à mesure de l'apprentissage, le stock lexical petite enfance à tomber facilement, à trébucher. Le trouble
s'enrichit et l'enfant utilise de plus en plus cette voie. du contrôle postural entraîne des difficultés dans les appuis
Le bilan orthophonique caractérise, par des tests validés, le monopodaux et le maintien d'attitude. Ils ont des difficul
retard par rapport à l'âge de l'enfant mais il permet égale tés pour apprendre le vélo sans roulettes, pour apprendre
ment de mettre en évidence un défaut de mise en place de la à nager. Les difficultés dans la coordination motrice et la
voie phonologique ou de la voie visuelle ou des deux voies. motricité fine se traduisent par des difficultés pour enfiler
Selon la voie déficiente, on distingue 3 formes principales : des perles, mettre ses boutons, faire ses lacets, utiliser des
■ la dyslexie phonologique quand la voie phonologique est couverts (couper la viande), des ciseaux. Ils ont des difficul
déficiente ; tés pour s'habiller (praxies de l'habillage). À l'école, ce sont
602 Partie II. Spécialités
essentiellement des difficultés graphomotrices dans l'écri et l'apprentissage de l'ordinateur (logiciels, frappe au cla
ture (dysgraphie) ou le dessin. vier) qui devient une aide souvent incontournable en fin de
Peuvent s'y associer des difficultés visuoperceptives : des primaire ou au collège. Les aménagements pédagogiques
troubles visuoconstructifs et visuospatiaux. Ces enfants doivent tenir compte de la dysgraphie, de la lenteur, d'une
ont du mal à faire des jeux de construction, des puzzles et dyscalculie fréquemment associée.
souvent les évitent. Les difficultés visuospatiales peuvent
également être à l'origine de problèmes dans l'acquisition du
langage écrit en raison de déficiences dans le balayage visuel Dyscalculie
entraînant des difficultés à suivre une ligne et des sauts de Il s'agit d'un trouble du développement des fonctions logico-
ligne, mais aussi d'un trouble de reconnaissance des lettres mathématiques. Le diagnostic est généralement tardif. La
et des formes : b/d, p/q, u/n. dyscalculie est rarement isolée ; elle est le plus souvent asso
Enfin, une dyscalculie est souvent associée. ciée à une dyslexie-dysorthographie ou à une dyspraxie, un
Il s'agit d'un groupe hétérogène comportant plusieurs TAC. Le diagnostic et la prise en charge peuvent être faits
formes cliniques selon l'existence ou non de troubles visuo par un orthophoniste formé.
perceptifs ou selon que le trouble prédomine sur la motricité
globale, la motricité fine, la coordination, les praxies.
Un examen neurologique soigneux est nécessaire afin
notamment d'éliminer les diagnostics différentiels ; essen Conclusion
tiellement une paralysie cérébrale avec un déficit sensiti Les troubles spécifiques du langage et des apprentissages
vomoteur, ou un syndrome cérébelleux avec tremblement, sont fréquents. Ce sont des troubles du neurodéveloppe
ataxie, dysmétrie. ment, souvent familiaux. Le dépistage et le diagnostic pré
Le bilan psychomoteur nécessaire pour confirmer le coce sont nécessaires afin d'instaurer le plus tôt possible une
diagnostic doit évaluer la motricité globale, la motricité fine, prise en charge qui repose d'une part sur des professionnels
la coordination notamment bimanuelle, le contrôle postu de santé (orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute,
ral, les praxies, les fonctions visuoperceptives. etc.), mais aussi sur les aménagements pédagogiques qui
La prise en charge repose sur la psychomotricité ou doivent être mis en place à l'école, au collège dans le cadre
l'ergothérapie (selon l'âge et le type de trouble). L'ergothé d'un plan d'accompagnement personnalisé ou d'un projet
rapeute travaille plus spécifiquement l'utilisation d'outils personnalisé de scolarisation avec, dans certains cas, une
(crayons, ciseaux), les habiletés dans les gestes quotidiens auxiliaire de vie scolaire.
Chapitre
22
Ophtalmologie
Dominique Brémond-Gignac
PLAN DU CHAPITRE
Strabisme et amblyopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603 Cataracte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 606
Glaucome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 605 Problèmes d'ophtalmologie courante . . . . . . . 608
D'après les études de l'Inserm et de l'ASNAV, 20 % des enfants L'amblyopie correspond à un déficit visuel en général
de moins de 6 ans présentent des anomalies visuelles : cela unilatéral non corrigeable spontanément concernant un œil
justifie donc un examen minutieux du pédiatre qui peut dont la fonction demeure parfaite. Elle accompagne le stra-
dépister toute anomalie oculaire et l'adresser, s'il y a lieu, bisme dans un tiers des cas mais elle peut exister isolée.
à l'ophtalmologiste pour une prise en charge qui nécessite On dénombre 6 % d'amblyopies de niveau variable
souvent d'être précoce pour être efficace. (légères à profondes).
Les pathologies les plus importantes à déceler sont :
■ les anomalies de la réfraction particulièrement sévères ou
unilatérales ;
Les examens obligatoires de prévention et de dépistage prévus par
■ l'amblyopie et le strabisme (pathologies courantes mais
la loi doivent être effectués à 8 jours, 2 mois, 4 mois, 9 mois et
nécessitant souvent une prise en charge précoce) ; 2 ans.
■ les cataractes congénitales, rares, justifiant un traitement
précoce et souvent urgent ;
■ les rétinoblastomes se manifestant par une leucocorie
comme la cataracte ; Le dépistage a trois impératifs cliniques :
■ les glaucomes congénitaux et autres anomalies rares du ■ la recherche du strabisme ;
segment antérieur de l'œil. ■ la recherche de l'amblyopie ;
■ le dépistage des pathologies oculaires rares cécitantes.
Strabisme et amblyopie
Le strabisme est une perte du parallélisme des axes visuels Strabisme (fig. 22.2)
et sa fréquence est estimée en moyenne à 5 % chez l'enfant
(fig. 22.1). Avant l'âge de 3 mois, la vision binoculaire, ainsi que
l'accommodation, n'étant pas suffisamment développées,
des anomalies oculomotrices par perte de l'alignement
oculaire peuvent s'observer de façon intermittente. Après
3 mois, tout strabisme permanent doit être considéré comme
pathologique. Tout strabisme divergent a fortiori permanent
doit alerter le clinicien et faire l'objet d'une consultation en
ophtalmologie car il peut témoigner d'une pathologie ocu-
laire sévère sous-jacente.
Après 6 mois, il faut rechercher les caractéristiques de ce
strabisme :
■ déviation plus ou moins importante, permanente ou
intermittente (test du reflet cornéen, fig. 22.3 et 22.4) ;
■ déviation externe (exotropie ou strabisme divergent) ou
interne (ésotropie ou strabisme convergent) ;
■ déviation accentuée en vision de près.
S'il existe un doute sur une déviation, un examen ophtalmo-
Fig. 22.1 Strabisme convergent. logique spécialisé doit impérativement être pratiqué.
D
Fig. 22.3 Test du reflet cornéen. A. Reflet cornéen normal : légè-
rement décentré en nasal dans l'aire pupillaire (non dilatée). B. Stra-
bisme convergent (ésotropie) : 1 mm de déviation du reflet correspond Écran
approximativement à une angulation de 7° ; ici ésotropie de 45°.
C. Strabisme divergent. D. Épicanthus : reflet cornéen normal, test de Fig. 22.5 Ésotropie : test de l'écran. Après avoir été caché, l'œil
l'écran normal. gauche est découvert, l'observateur note alors un déplacement vers
l'extérieur pour reprendre la fixation. Un test de stéréoscopie type test
de Lang peut aussi être effectué pour dépister les strabismes.
Amblyopie
La baisse d'acuité visuelle ou le non-développement de la
vision résulte du fait que lors de la phase de développement, Traitement
un œil prend la dominance sur l'autre, empêchant l'œil Il comporte :
amblyope d'acquérir sa fonction. Plus l'amblyopie est dépis- ■ le port de verres correcteurs le plus souvent nécessaire ;
tée tôt, meilleures sont les chances de récupération. Après ■ la rééducation de l'œil amblyope en pénalisant l'œil
l'âge de 6 ans, la récupération est nettement compromise, dominant (caches [fig. 22.6], verres spéciaux, collyres) ;
voire sans aucune amélioration possible, créant ainsi un ■ la chirurgie de strabisme, qui doit toujours être encadrée
handicap visuel de l'enfant irréversible. d'une prise en charge orthoptique.
Chapitre 22. Ophtalmologie 605
GLAUCOME
DE L'ENFANT
Glaucome Glaucome
primitif secondaire
Traitement
médical et
chirurgical
photophobie ; il s'agit d'une affection héréditaire multi- ■ lié à une pathologie oculaire :
factorielle à composante génétique, qui touche le déve- – aphakie, pseudo-phakie après chirurgie de cataracte
loppement de l'angle iridocornéen ; la transmission est congénitale ou d'autre étiologie,
autosomique récessive ou dominante et le gène CYP1B1 – tumeur intraoculaire (la plus fréquente : rétinoblas-
est le plus fréquemment retrouvé ; tome entraînant une leucocorie),
■ le glaucome primitif juvénile, qui apparaît après l'âge de – uvéites,
3 ans dans l'enfance ou l'adolescence. – post-traumatique,
Il s'agit d'un glaucome de diagnostic difficile car ne s'accom- – cortisonique.
pagnant pas toujours de distension du globe et se révélant
par les troubles visuels entraînés par l'altération du nerf
optique. Il peut être révélé par une myopie évolutive, en Traitement
particulier unilatérale. C'est une affection héréditaire le plus Glaucome congénital
souvent autosomique dominante. Le traitement fait toujours appel à une chirurgie filtrante
ou d'ouverture de l'angle : trabéculotomie, goniotomie ou
Glaucome associé à un syndrome général trabéculectomie.
Les étiologies possibles sont les suivantes : Les bêtabloquants et les analogues des prostaglandines en
■ angiomatoses (maladie de Sturge-Weber-Krabbe, collyre permettent de réduire le tonus oculaire temporaire-
fig. 22.8) ; ment ou en post-chirurgical.
■ syndrome de Lowe, parfois associé à une cataracte congé-
nitale et à une énophtalmie ; Glaucome secondaire : traitement de la cause
■ syndrome de Rubinstein et Taybi pouvant associer une Le diagnostic du glaucome de l'enfant doit être effectué le
anomalie des fentes palpébrales et un strabisme ; plus précocement possible de façon à instituer un traitement
■ maladie de Hurler associant un syndrome dysmorphique efficace qui évitera l'altération irréversible du nerf optique.
facial ± une atteinte cornéenne, et une rétinopathie Le pronostic, surtout en cas d'anomalies oculaires associées,
pigmentaire ; reste sévère. Les traitements par collyre ou une chirurgie fil-
■ syndrome de Pierre Robin, associant un syndrome dys- trante sont réalisés selon l'augmentation du tonus oculaire.
morphique du massif facial inférieur ;
■ syndrome de Marfan, associant une ectopie cristalli-
nienne ;
■ neurofibromatose de type I.
Cataracte
La cataracte correspond à une opacification du cristallin, et
elle présente des formes cliniques variées chez l'enfant.
La cataracte de l'enfant est une maladie oculaire rare. Les
cataractes congénitales représentent une étiologie importante
de la malvoyance. Le problème essentiel est posé par le dépis-
tage à réaliser le plus précocement possible pour une meilleure
récupération visuelle et par la prise en charge chirurgicale.
Clinique
On distingue plusieurs types de cataracte avec de nom-
breuses classifications (fig. 22.9) :
■ les cataractes congénitales ;
■ les cataractes associées aux malformations oculaires
(microphtalmie, aniridie, etc.) ;
Fig. 22.8 Glaucome congénital dans le cadre d'un syndrome ■ les cataractes associées à une maladie générale ;
de Sturge-Weber-Krabbe. ■ les cataractes post-traumatiques.
Les signes cliniques qui doivent faire rechercher une cata-
racte sont :
Glaucome secondaire ■ la leucocorie (pupille blanche ; fig. 22.10) ;
Il peut être : ■ une anomalie de forme pupillaire ;
■ lié à une anomalie oculaire embryologique. Les malfor- ■ un strabisme.
mations oculaires associées peuvent être complexes, Enfin, un examen systématique sera pratiqué dans le cadre
touchant la cornée, l'iris et le cristallin. On distingue, par d'une maladie générale, d'un syndrome malformatif, d'une
argument de fréquence : embryopathie ou d'une cataracte héréditaire.
– l'aniridie, Devant le diagnostic, on effectue un bilan, avec dilatation
– le syndrome de Peters, associant des anomalies de la pupille permettant :
cornéennes, ■ d'évaluer le type de cataracte ;
– le syndrome d'Axenfeld-Rieger, associant des anoma- ■ d'apprécier le calendrier thérapeutique ;
lies iriennes et de l'angle iridocornéen ; ■ d'estimer le pronostic.
Chapitre 22. Ophtalmologie 607
CATARACTES
DE L'ENFANT
Congénitales Associées
Héréditaires Post-
Unilatérales à une maladie
génétiques traumatiques
ou bilatérales générale
Primitives Primitives
Secondaires Associées
isolées associées à des Isolées Maladie Perforante Post-
à une à un syndrome
sans étiologie malformations familiales métabolique (globe ouvert) confusive
embryopathie polymalformatif
retrouvée oculaires
Cataractes métaboliques
■ Le syndrome de Lowe associe une anomalie du méta-
bolisme des acides aminés et du métabolisme phos-
phocalcique. La cataracte n'est qu'un élément d'une
malformation du globe.
■ Les anomalies du métabolisme des glucides peuvent être
en cause, telles que :
Fig. 22.10 Cataracte congénitale gauche se manifestant par une – la galactosémie : la cataracte apparaît dans l'enfance
leucocorie. selon le déficit enzymatique ;
– le diabète : la cataracte apparaît plutôt comme juvénile,
Étiologies ou de l'adulte jeune ;
– la cataracte cortisonique (iatrogène).
Cataractes congénitales
Elles peuvent être : Cataractes post-traumatiques
■ primitives isolées : le caractère héréditaire doit être pris en
■ Associée à un traumatisme perforant, la cataracte appa-
compte. Les formes cliniques peuvent être assez caracté-
raît comme un diagnostic facile.
ristiques, comme les cataractes polaires ou stellaires. Des
■ Associée à une contusion, le diagnostic peut être diffi-
formes totales ou partielles peuvent s'observer ;
cile : il faut contrôler systématiquement l'examen ophtal-
■ secondaires à une embryopathie : la rubéole est la principale
mologique après tout traumatisme oculaire.
étiologie mais elle peut s'associer de surcroît d'autres mal-
formations oculaires, telle la microphtalmie, la rétinopathie
et le glaucome. D'autres agents infectieux seraient suscep- Traitement
tibles de provoquer des cataractes : il s'agit du cytoméga- Il pose plusieurs problèmes :
lovirus, de l'herpès virus, de la syphilis, du varicelle-zona ■ celui de la date de l'intervention ;
virus, etc. mais leur responsabilité reste difficile à prouver ; ■ celui du type d'intervention ;
■ héréditaires génétiques, le plus souvent autosomiques ■ celui de la correction (cataracte unilatérale où l'amblyo-
dominantes, plus rarement récessives autosomiques ou pie est sévère).
liées à l'X. La réalisation d'un arbre généalogique est sys- En pratique, on opère le plus rapidement possible, quand la
tématiquement pratiquée ; cataracte est totale.
■ associées à des malformations oculaires. La technique chirurgicale s'effectue, en phacoémulsifica-
tion ou en phakophagie, par la pars plicata avec implantation
Cataractes associées à une maladie générale d'un cristallin artificiel initialement ou secondairement.
Cataractes des syndromes malformatifs Le résultat fonctionnel dépend essentiellement de la
■ La cataracte de la trisomie 21 apparaît souvent tardivement précocité du traitement chirurgical et optique, ainsi que de
et s'accompagne fréquemment d'anomalies oculaires. l'importance des malformations oculaires associées.
608 Partie II. Spécialités
Avec sécrétions purulentes Sans sécrétions purulentes Avec sécrétions purulentes Sans sécrétions purulentes
Consultation ophtalmologique
Tonus oculaire Tonus oculaire Rinçage à l'eau Plaies Plaies des voies Contusion Contusion
normal bas immédiat des paupières lacrymales antérieure postérieure
Hyphéma Hémorragie
Acides Basiques
du vitré
LARMOIEMENT
DE L'ENFANT
Congénital Acquis
(apparu dans les premiers
mois de la vie)
Consultation
ophtalmologique Consultation Consultation Consultation
Avant 3 mois ophtalmologie opthalmologie ophtalmologie
Fig. 22.13 Larmoiement de l'enfant : conduite thérapeutique. DCR : dacryocystorhinostomie ; IBCN : intubation bicanaliculo-nasale.
Chapitre 22. Ophtalmologie 611
Ceci est à moduler en fonction du poids de l'enfant et d'une pides, en particulier chez l'enfant. Leurs effets à long terme
éventuelle prématurité. non contrôlés peuvent entraîner des complications oculaires
et être cécitants.
Thérapeutique oculaire chez l'enfant :
Antiallergiques
collyres
Deux types de classe thérapeutique sont disponibles : anti-
Antiseptiques histaminiques et stabilisants de membrane, en privilégiant
Les plus utilisés chez l'enfant sont à base d'acide borique et si possible les formes sans conservateur. Ils sont prescrits
sont sans danger. Il faut proscrire les antiseptiques conte- dans les conjonctivites récidivantes où il existe un terrain
nant des vasoconstricteurs ou des anesthésiques. atopique. Pour une bonne efficacité, le traitement minimal
proposé est de 2 mois. Il est toujours nécessaire d'avoir
Antibiotiques (encadré 22.1) un contrôle ophtalmologique car les kératites ponctuées
Il n'y a pas de contre-indication à l'utilisation des collyres et superficielles sont souvent associées aux conjonctivites
pommades antibiotiques mais certains possèdent une AMM allergiques et nécessitent un traitement pour la cicatrisa-
spécifique. Il faut éviter chez l'enfant le chloramphénicol et tion cornéenne.
les cyclines. On emploie de préférence des collyres à la rifa-
mycine, après avoir effectué un prélèvement bactériologique Cicatrisants cornéens
si nécessaire. Il existe plusieurs types de cicatrisants dont certains à base
Les collyres antibiotiques utilisés le plus fréquemment de vitamines. Ils sont prescrits dans toutes les atteintes cor-
sont à large spectre : rifamycine, azithromycine, quinolone, néennes (kératites).
bacitracine et tobramycine (tableau 22.1).
Les antiviraux ne seront prescrits qu'avec une surveil- Mydriatiques
lance ophtalmologique régulière, et ils sont inactifs sur les Il est très important de respecter les dosages selon l'âge.
conjonctivites virales à adénovirus. Seul le Mydriaticum® (tropicamide, mydriatique de syn-
thèse) est sans risque quel que soit l'âge de l'enfant.
Corticoïdes ou corticoïdes-antibiotiques Ils sont surtout utilisés pour l'examen du fond d'œil, à but
Ils ne sont prescrits qu'après un contrôle ophtalmologique diagnostique cycloplégique ou pour mettre au repos l'œil
strict car ils peuvent provoquer des ulcères de cornée tor- opéré ou inflammatoire. Si nécessaire, l'atropine doit être
prescrite à 0,3 % pour l'enfant de moins de 2 ans, et à 0,5 %
pour les enfants de plus de 2 ans. La néosynéphrine à
Encadré 22.1 Antibiothérapie locale 5 % n'est prescrite que pour les enfants de plus de 3 ans.
dans les infections oculaires superficielles Seuls l'atropine et le Skiacol® sont cycloplégiants et per-
mettent le diagnostic des amétropies (myopie, hypermétro-
1. Indications limitées et précises. pie et astigmatisme).
2. Biodisponibilité locale supérieure à celle de l'antibiothérapie
générale.
3. Raccourcit la durée des symptômes :
On évitera de prescrire des antiseptiques avec constricteurs
– dans les conjonctivites bactériennes ; locaux qui masqueraient une pathologie ophtalmologique
– mais son efficacité au terme de 8 jours n'est pas significa- sous-jacente.
tivement supérieure à celle d'un placebo. De préférence, on utilisera chez l'enfant des collyres sans
4. Prescriptions habituelles : conjonctivites bactériennes de conservateurs et/ou monodoses. Les collyres corticoïdes sont à
l'enfant. proscrire sans contrôle ophtalmologique.
PLAN DU CHAPITRE
Agitation aiguë chez l'enfant et l'adolescent . . 630 Dépression de l'enfant et de l'adolescent . . . . 641
Troubles anxieux chez l'enfant et l'adolescent . . 636 Place des psychotropes en pédiatrie . . . . . . . . 646
Agitation aiguë chez l'enfant tiques et psychiques, nous précisons les principaux
aspects thérapeutiques.
et l'adolescent
Apolline Cailliez
Grands principes de prise en charge
L'agitation est un motif rare d'admission aux urgences Devant une agitation :
pédiatriques mais engendre fréquemment inquiétude et ■ les tableaux cliniques sont parfois trompeurs et rarement
désorganisation, voire mise en danger, tant de l'enfant que francs ;
de l'entourage. Signe d'une détresse importante, il s'agit d'un ■ l'élimination d'une étiologie somatique et toxique est une
symptôme non spécifique, qui doit toujours faire rechercher préoccupation constante ;
une étiologie organique ou une cause psychologique. L'agi- ■ l'association et l'intrication de plusieurs causes (médi-
tation est une situation d'urgence parfois source de confu- cales et psychiatriques) sont toujours possibles, voire
sion et de pièges diagnostiques. fréquentes ;
■ la souffrance psychique existe aussi chez le bébé ;
Définition ■ il faut toujours penser à d'éventuelles maltraitances, psy-
chiques, somatiques, sexuelles ;
L'agitation est une augmentation de l'activité motrice avec ■ l'agitation reste une urgence tant que le(s) diagnostic(s)
apparition de perturbations du comportement psychique et n'est (ne sont) pas posé(s) ;
relationnel, se manifestant par des mouvements désordon- ■ la chimiothérapie psychotrope doit toujours rester pru-
nés accompagnés d'une expression émotionnelle intense et dente et adaptée ;
d'un comportement d'auto et/ou d'hétéro-agressivité. ■ on ne doit pas oublier la place des parents (ou référents)
dans certaines décisions (transferts).
Circonstances de survenue
Agitation et violence surviennent le plus souvent chez un Dans l'immédiat
enfant déjà connu pour des troubles similaires, dans un Doivent toujours être évalués :
contexte variable : soit la famille (avec la crainte d'un com- ■ l'état de vigilance ;
portement inhabituel et dangereux, d'un risque suscitant ■ le potentiel auto/hétéro-agressif ;
l'angoisse), soit l'école ou le secteur éducatif (dont les limites ■ la tension psychique.
contenantes sont dépassées). Les conflits ne sont générale- Si l'agitation est minime avec peu de potentiel agressif, on
ment pas récents. Le déclenchement de la crise vient le plus propose alors un traitement anxiolytique par hydroxyzine
souvent d'une difficulté situationnelle, révélatrice de carences, (Atarax®) per os : 1 à 2 mg/kg.
de frustrations et de souffrances anciennes de l'enfant. Si l'agitation est majeure et si le patient est très tendu
Lorsque le jeune arrive aux urgences, il est le plus souvent physiquement et/ou psychiquement, il faut recourir à une
déjà apaisé mais parfois encore très agité, ou tout du moins sédation chimique : cyamémazine (Tercian®) : 1 mg/kg, per
particulièrement tendu. Il peut avoir été contenu physi- os ou en intramusculaire. Cette dose peut être renouvelée
quement de manière humaine ou mécanique (entraves) ; jusqu'à 4 mg/kg/j. De préférence, on vérifie l'absence de QT
il a rarement reçu un traitement médicamenteux. long à l'ECG mais si l'état d'agitation ne le permet pas, le
Nous soulignons les principaux pièges cliniques et rap- praticien évalue le rapport bénéfice/risque. Pour le jeune
pelons la fréquence de l'intrication de plusieurs causes. enfant, on évite de recourir à une benzodiazépine, devant le
Puis, après un rappel des principales étiologies, soma- risque non négligeable d'effets paradoxaux.
Pédiatrie pour le praticien
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Chapitre 24. Pédopsychiatrie 631
– bouffée délirante aiguë devant un début brutal, l'ab- Prise en charge non médicamenteuse
sence d'antécédents psychiatriques personnels, l'exis- Apaiser et contenir est souvent possible chez l'enfant sans
tence fréquente d'un événement déclenchant, l'intensité recours médicamenteux. Le changement de contexte et de
de l'agitation et de la symptomatologie anxieuse, lieu, mais aussi l'institution elle-même et un cadre suffisam-
– épisode maniaque avec agitation, euphorie, insomnie, ment contenant ont souvent un effet calmant. Parfois, c'est
idée de grandeur, la séparation du milieu et de l'entourage habituel qui apaise.
– schizophrénie dont le diagnostic repose essentielle- Dans tous les cas, il semble indispensable de prendre du
ment sur l'anamnèse, une analyse sémiologique pré- temps et d'offrir une disponibilité, c'est-à-dire de lutter
cise et une durée d'évolution (> 6 mois) ; contre les phénomènes induits de confusion/accélération
■ l'état dépressif. Plus l'enfant est jeune, plus la dépres- sous-tendus par la dimension pulsionnelle de la situation
sion peut se présenter sous la forme d'un état d'agitation, de crise, l'angoisse (transmise et projetée) contaminante, la
parfois pseudo-maniaque (contra-dépressif) avec une déliaison et le télescopage d'éléments signifiants dans des
instabilité et une fluctuation de l'humeur. L'agitation peut histoires désorganisées.
ainsi être le signe d'une dépression « masquée » ; Il importe de se présenter et de personnaliser l'accueil.
■ la tentative de suicide : l'agitation et l'angoisse sur- Le cadre ainsi que le déroulement de l'entretien et de l'exa-
viennent dans un contexte de passage à l'acte suicidaire, men sont expliqués. Les attitudes de soutien et de protection
non révélé par le jeune (voire ses parents), parce que rassurent ; elles permettent de contenir sans détenir. Parfois,
les conséquences de ce passage à l'acte sont minimes c'est la surprise (proposer un repas, regarder la télévision)
(blessure superficielle ou dose médicamenteuse absor- qui permet de détendre et d'apaiser le jeune et de le rassurer.
bée très faible, non toxique) ou parce que les parents Il importe de toujours assurer une surveillance constante,
ne souhaitent pas aborder les conflits et difficultés, ou par un personnel rassurant (infirmière) qui maintient un
bien encore parce qu'il est insupportable de penser que contact verbal, dans un environnement calme et sécurisant.
son enfant puisse souffrir psychologiquement. Alors, les Les parents et accompagnants sont également pris en charge
risques de banalisation et de minimisation sont grands, et souvent associés à la démarche d'accueil. Parfois, il convient
avec tout le danger d'une récidive, potentiellement fatale ; néanmoins d'instituer une séparation ponctuelle, provisoire.
■ la maltraitance, voire les sévices (sexuels ou non), mas- L'accueil pédopsychiatrique, si nécessaire, permet de pro-
qués et indicibles, occultés et impensables, tant par le jeune poser un accueil spécialisé et quand il est possible, l'entretien
que par son entourage et qui passent alors inaperçus. Ils psychologique précoce accompagne la démarche somatique.
amènent parfois le jeune à être admis aux urgences plu- La contention physique est rarement utilisée (sauf par-
sieurs fois de suite, pour des motifs variés et des plaintes fois chez certains grands adolescents) et nécessite d'être suf-
multiples (accidents à répétition, somatisations multiples) ; fisamment nombreux. La contention effectuée, la situation
■ les manifestations réactionnelles (séparation, contexte demeure une urgence. Cela impose de rester près de l'enfant
d'adoption), les troubles du caractère (intolérance à la et d'instituer une surveillance constante.
frustration) et les pathologies névrotiques (phobiques,
obsessionnelles), les troubles du comportement de type
TDAH, TOP, apaisés très souvent aux urgences et donc Thérapeutiques médicamenteuses
faussement rassurants. Soixante-cinq pour cent des Elles ne concernent que les enfants de plus de 6 ans. Non
enfants et adolescents admis aux urgences pour agita- systématiques, ces thérapeutiques sont utilisées dans les
tion et hétéro-agressivité sont calmes à leur arrivée, sans situations d'agitation incoercible ou, plus rarement, pour
traitement médicamenteux. La crise passée, le jeune sou- prolonger une période de calme. À ce jour, aucune théra-
haite souvent partir, peut-être parfois trop rapidement… peutique médicamenteuse n'a fait l'objet d'études contrôlées
Dans tous ces cas, des réponses précoces, rapides, simples dans l'agitation aiguë de l'enfant et de l'adolescent. La pres-
et crédibles sont nécessaires. Elles doivent s'inscrire dans la cription est une première étape pour permettre de rentrer à
continuité des soins et dans un dispositif pensé, fonction- nouveau en communication avec l'enfant.
nel, qui évite les courts-circuits et les raccourcis si fréquents
dans le temps de l'urgence. Il y a danger à répondre à l'agi- États d'agitation incoercible
tation et aux passages à l'acte des jeunes par des passages à
l'acte des soignants. ■ Toujours préférer (si possible) la voie orale :
L'agitation chez l'enfant et l'adolescent est le plus souvent – petits enfants de moins de 6 ans : à éviter. Cas excep-
relationnelle, c'est-à-dire dépendante de l'attitude de l'entou- tionnel : diazépam (Valium®) gouttes à 1 %, 0,5 mg/kg ;
rage. Et cette agitation induit toujours des sentiments de – grand enfant de 6 à 12 ans : cyamémazine (Tercian®)
dangerosité et d'angoisse chez l'entourage, lesquels, en retour, gouttes, 0,5 à 1 mg/kg.
peuvent majorer l'agitation du jeune. Les capacités d'accueil et ■ Sinon, utiliser la voie injectable (intramusculaire) :
de contenance des équipes soignantes sont donc primordiales. – enfant de moins de 12 ans : à éviter ;
– dans les cas exceptionnels : cyamémazine (Tercian®) :
25 mg (½ ampoule).
Aspects thérapeutiques ■ Surveiller systématiquement : pouls, PA, conscience,
Dans le meilleur des cas, il s'agit de viser un apaisement, comportement.
non un silence, une liberté, non une contention, un projet ■ Éviter la contention.
de soin, non une anesthésie. L'agitation est toujours le signe ■ Rester auprès de l'enfant jusqu'à apaisement.
d'une détresse qu'il s'agit de décoder. ■ Prévoir une consultation pédopsychiatrique.
634 Partie II. Spécialités
Agitation aiguë
PROTECTION
• Mise en lieu sûr ± contention chimique : cyamémazine 1 mg/kg
• Réassurance PO ou injectable + surveillance clinique
• Évaluation vigilance/tension ± contention mécanique
psychique
RECHERCHE ÉTIOLOGIQUE
• Anamnèse
• Examen clinique : constantes, évaluation
neurologique et psychiatrique, recherche
de signes infectieux
Suivi psychologique/
pédopsychiatrique Agitation aiguë réactionnelle Oui DTS, hallucinations, prodromes
ambulatoire Atypicité
sans retentissement infectieux, signes physiques associés
Liens avec les partenaires psychosocial majeur Non
sociaux/éducatifs ± traitement
Récurrence des crises, Examens paracliniques orientés :
Trouble psychiatrique examen physique imagerie cérébrale, EEG, PL, Cause somatique
Hospitalisation en pédiatrie normal, facteur biologie, toxiques U-S, précisée
avec retentissement
ou pédopsychiatrie selon le déclenchant identifié bilan métabolique
psychosocial et récurrence
risque d'agitation dans le
de plus en plus importante
service + traitement adapté
des agitations sans
aux troubles
élément psychotique Pas de cause Prise en charge
Étiologie psychiatrique étiologique
somatique retrouvée
Fig. 24.1 Conduite à tenir face à une agitation aiguë de l'enfant. DTS : désorientation temporospatiale ; EEG : électroencéphalogramme ;
PL : ponction lombaire ; PO : per os ; U-S : urinaires et sanguins.
Chapitre 24. Pédopsychiatrie 635
Diagnostic somatique Dans tous les cas, les responsables légaux doivent donner
La prise en charge se caractérise alors principalement par le leur accord pour chaque décision thérapeutique (médica-
traitement étiologique de l'état d'agitation. Selon les situa- menteuse, transfert). S'ils s'opposent aux soins, alors que
tions, les traitements sont initiés aux urgences puis poursui- l'évaluation pédopsychiatrique pointe une urgence à traiter,
vis en ambulatoire. Parfois, un temps d'hospitalisation en il faut les débuter et solliciter une ordonnance de placement
pédiatrie générale ou spécialisée est nécessaire. Cela étant, la provisoire (OPP) auprès du procureur de République.
dimension somatique n'élimine pas l'importance de la prise On peut distinguer trois grands cadres sémiologiques :
en soin des proches, par l'état d'agitation auquel ils ont dû ■ les situations où l'agitation aiguë est réactionnelle, non
faire face et pour lequel il est important de poser des mots et récurrente, facilement contenue dans le lieu de vie et sans
d'apporter des explications. retentissement psychosocial majeur. Il convient alors,
après l'apaisement de l'agitation, de proposer un retour
Diagnostic somatique évoqué mais non précisé au domicile et :
– de s'assurer qu'il existe une prise en charge psycho-
Dans ces situations où bien souvent le diagnostic final logique ou pédopsychiatrique, et le cas échéant, de la
dépend de certains résultats d'examens, il est nécessaire préconiser et/ou l'organiser,
d'hospitaliser l'enfant ou l'adolescent. Dans l'urgence, les – d'instituer un éventuel traitement pour prévenir la
traitements symptomatiques sont bien sûr débutés et le récurrence des crises,
choix du service d'hospitalisation dépend de l'état clinique. – de faire le lien entre les différents adultes responsables
De même que pour les situations précédentes, l'entourage de l'enfant ou de l'adolescent (parents, éducateurs,
du patient doit être soutenu, écouté et informé. milieux scolaires, foyers, familles d'accueil) ;
■ les situations où l'agitation s'inscrit dans un trouble
Doute sur l'origine somatique ou psychiatrique pédopsychiatrique avec retentissement psychosocial et
Ces situations ne sont pas rares, notamment dans les cas une récurrence de plus en plus importante, avec impos-
d'encéphalites auto-immunes, où la clinique interroge beau- sibilité pour l'entourage de contenir les crises, mais
coup et est encore aujourd'hui très méconnue des divers sans élément psychotique ou mélancolique. Il convient
praticiens, pédiatres et pédopsychiatres. alors, après l'apaisement de l'agitation, de proposer une
Il convient alors d'hospitaliser l'enfant ou l'adolescent, hospitalisation :
en pédiatrie de préférence car cela facilite la poursuite des – en pédiatrie si le pédopsychiatre estime que le jeune,
examens complémentaires. Mais si l'état d'agitation est extrait de son environnement habituel, présente peu
trop important et menace l'intégrité physique du jeune ou de risque d'agitation et n'est donc pas susceptible de
d'autrui, il peut être préférable d'hospitaliser le patient en mettre en danger sa personne ou autrui,
pédopsychiatrie. – en pédopsychiatrie si la tension psychique et phy-
Ces décisions d'hospitalisation doivent se prendre en sique du patient est trop importante pour être conte-
concertation pluridisciplinaire, sans clivage des disciplines. nue dans un milieu pédiatrique, mais en se rappelant
Chacun doit trouver sa place dans le soin, le pédiatre dans qu'une hospitalisation en pédopsychiatrie peut parfois
le bien-être physique, le pédopsychiatre dans l'accompagne- être très mal vécue, voire traumatique, tant pas l'enfant
ment des symptômes psychiatriques (quelle que soit l'ori- que par ses parents,
gine organique ou psychiatrique de l'agitation). ■ les situations où l'agitation s'inscrit dans un trouble
Encore une fois, il est primordial d'accompagner les pédopsychiatrique délirant ou mélancolique, impli-
proches, d'écouter et d'expliquer les motivations de chaque quant la mise en place de soins psychiatriques intensifs.
décision, et de garantir une transparence dans les discus- Il convient alors :
sions thérapeutiques, afin d'éviter des conflits profession- – d'initier au plus vite un traitement antipsychotique
nels et institutionnels. efficace, anxiolytique et sédatif (cyamémazine),
– de transférer le patient au plus vite dans une unité de
Diagnostic psychiatrique soins pédopsychiatriques.
Pour ces jeunes dont l'agitation aiguë s'inscrit dans un
tableau psychosocial ou psychiatrique, la prise en charge
s'entrevoit à court/moyen terme ainsi qu'à long terme. Les Conclusion
modalités de soins sont définies par la lecture pédopsychia- Les situations d'agitation aiguë mobilisent sur plusieurs
trique du trouble présenté. temps : celui de la crise en elle-même, puis celui du temps
Comme pour toute situation médicale, et peut-être d'au- diagnostic et enfin, celui de la prise en charge thérapeutique.
tant plus parce qu'il s'agit de mineurs, les proches doivent Le temps de la crise se résume en un mot : protéger. Cette
être soutenus, écoutés, correctement informés. Il n'est protection implique la réassurance pour permettre l'apai-
pas rare que les diagnostics psychiatriques soient encore sement, au besoin en utilisant des contentions chimiques,
plus douloureux, inquiétants, voire inacceptables pour les voire mécaniques.
parents. Ainsi, la présentation de la situation et du diagnos- En ce qui concerne la démarche diagnostique, il est
tic doit se faire dans de bonnes conditions. Cela constitue important de ne pas faire de raccourci et de toujours prendre
un véritable enjeu : être suffisamment convaincant de l'im- le temps de vérifier l'absence d'atypicité dans l'agitation, afin
portance du soin, tout en réussissant à ne pas inquiéter les de s'assurer qu'aucune cause somatique n'est à l'origine de
parents. l'épisode.
636 Partie II. Spécialités
Phobie spécifique qu'à ses cognitions anxieuses, mémorise mal et voit ses per-
La phobie est définie comme une peur intense, permanente, formances scolaires entravées, pouvant faire suspecter une
irrationnelle et critiquée vis-à-vis d'un objet ou d'une situa- déficience, à tort. Le développement affectif et relationnel
tion spécifique, à laquelle s'associent des idées de danger, de pâtit du manque d'expérience sociale qui aggrave le senti-
mort imminente et un évitement de plus de 6 mois, ce qui ment d'incompétence et la faible estime de soi. Un sentiment
interfère de manière significative avec le fonctionnement de honte, masqué, est parfois associé et explique le manque
scolaire, familial et social et entraîne une souffrance mar- de demande d'aide. Caractérisée par un retard important à
quée. La confrontation à la situation ou à l'objet déclenche la consultation, la phobie sociale peut ainsi passer inaper-
une réaction neurovégétative intense avec tachycardie, çue jusqu'à l'adolescence. Les interactions avec les pairs,
polypnée, sueurs, tremblements, parfois agitation pouvant auparavant organisées par les parents, deviennent souhai-
être confondue par l'entourage avec de la colère. La phobie tées par le jeune qui ne peut s'empêcher de refuser sorties
débute tôt dans l'enfance, vers 6–7 ans. Son thème spécifique et invitations. Il prend conscience de ses difficultés sociales
varie selon l'âge, le sexe, le contexte familial et culturel. On et demande de l'aide. L'anxiété sociale est favorisée par la
retrouve fréquemment celle des animaux (chiens, insectes, présence d'un tempérament inhibé repérable dès 2 ans et
pigeons), de l'environnement naturel (orage, hauteur, eau) la survenue d'événements de vie négatifs (divorce, conflits
ou situationnel (ascenseurs, transports publics) et aussi celle familiaux, abus sexuels).
du sang ou des injections. La phobie de déglutition survient Ce trouble anxieux, l'un des plus fréquents au début de
souvent après une fausse route et peut avoir des consé- l'adolescence, doit être recherché de façon systématique dès
quences graves ; elle doit rapidement bénéficier d'un accom- 6 ans. Il n'évolue pas spontanément favorablement et peut
pagnement psychothérapique. Toutes les phobies peuvent obérer singulièrement le devenir de l'individu et se compli-
disparaître spontanément avec le temps sauf la phobie du quer d'alcoolisme chronique, de consommation de toxiques
sang qui persiste souvent à l'âge adulte. La réponse paren- et de dépression. Sa prise en charge est donc indispensable
tale peut favoriser le maintien ou la disparition de la phobie ; pour éviter sa chronicisation.
surprotection et provocation contribuent à l'exacerber.
Mutisme sélectif
Anxiété généralisée Ce trouble rare, concernant moins de 1 % des consultants
L'anxiété généralisée se caractérise par une tendance à s'in- des services de pédopsychiatrie, est souvent associé à une
quiéter sur tout et en permanence. L'anxiété et les préoccu- anxiété sociale. Il se manifeste par une incapacité durable
pations excessives, non réalistes, concernent des événements de parler dans les situations sociales (1 mois minimum)
à venir (examens, guerres, catastrophes naturelles, maladies, alors que cette capacité existe dans des contextes familiers.
élections) ou les activités de la vie quotidienne. Elles durent Il n'y a pas de défaut de connaissance de la langue parlée
depuis plus de 6 mois. Le trouble peut commencer à se ou de trouble dysphasique. Parfois associé au trouble oppo-
manifester vers 10–12 ans. Tendu en permanence, avec la sitionnel avec provocation, le mutisme sélectif entrave la
sensation d'être survolté, l'enfant présente des troubles du communication et la réussite sociale et scolaire de l'enfant/
sommeil, une fatigabilité, des difficultés de concentration adolescent. Il convient de discriminer les troubles anxieux
ou de mémoire, une irritabilité et des tensions musculaires. comorbides afin de déterminer le traitement adapté. Enfin,
Au niveau cognitif, on retrouve une anxiété flottante, non il faut éliminer une autre pathologie psychiatrique tel un
focalisée sur des situations précises, avec une interprétation trouble du spectre autistique.
systématiquement menaçante ou négative des situations
ambiguës. L'enfant perçoit ce qu'il vit comme un malheur. Trouble panique
Ne supportant pas l'incertitude, il anticipe fréquemment Attaque de panique
l'avenir de manière pessimiste… pour « éviter le pire ». Elle correspond à la survenue soudaine d'une anxiété
paroxystique et d'un malaise intense, en dehors de tout dan-
Anxiété sociale ger réel, qui atteint son acmé en moins de 10 minutes et ne
La phobie sociale ou anxiété sociale est diagnostiquée dure qu'un temps limité (< 20 minutes). Le diagnostic (selon
devant une peur intense et persistant plus de 6 mois, vis-à-vis le DSM-5) repose sur au moins 4 des symptômes suivants :
de situations d'interactions ou de performance sociales. Elle palpitations, transpiration, tremblements, sensation de
diffère de la timidité par son intensité, ses répercussions sur souffle coupé ou d'étouffement, sensation d'étranglement,
la vie familiale et sociale, et par la détresse ressentie. L'enfant douleur ou inconfort thoracique ou abdominal, nausées
redoute le regard des autres. Comme il craint le ridicule et ou gêne abdominale, sensation de vertige, déréalisation ou
la critique, il évite de parler ou de se produire en public, dépersonnalisation, peur de perdre le contrôle de soi ou de
de manger ou d'écrire devant d'autres, ou enfin d'interagir devenir fou, peur de mourir, sensation d'engourdissement ou
avec une personne d'autorité. En présence de personnes de picotements, frissons, bouffées de chaleur. Devant cette
familières, la peur disparaît. L'enfant phobique social paraît symptomatologie polymorphe, il convient d'éliminer certains
désinhibé mais face à une situation sociale (présente ou diagnostics différentiels : une intoxication par substance psy-
anticipée), il est envahi par une anxiété majeure, avec mani- choactive, notamment chez l'adolescent (cannabis, alcool,
festations somatiques (tremblement, tachycardie, polypnée, ecstasy, cocaïne), une pathologie cardiovasculaire (trouble
sueurs, rougissement) et troubles du sommeil. Pris dans une du rythme, insuffisance cardiaque), une pathologie respira-
autofocalisation exacerbée, il peine à penser à autre chose toire (pneumothorax, crise d'asthme, embolie pulmonaire),
638 Partie II. Spécialités
une pathologie neurologique (épilepsie, migraine), ou une de diminuer dans un premier temps l'anxiété, mais seule-
pathologie endocrinienne (hyperthyroïdie, syndrome de ment de façon incomplète ce qui renforce le besoin de les
Cushing, phéochromocytome, hyperglycémie). réaliser. Elles deviennent toujours plus impérieuses et l'en-
Cinq pour cent de la population générale feront une fant ne tolère aucun empêchement, retard ou changement,
attaque de panique (AP) au cours de leur vie. Isolée ou source de colère et d'agressivité.
récidivante, imprévisible ou attendue (p. ex. face à un objet Multiples et variables dans le temps, on retrouve parmi
phobogène), l'AP peut survenir dans le cadre de pathologies les obsessions fréquentes : la crainte de la contamination et
somatiques ou d'intoxications dont le diagnostic différen- des microbes (obsessions phobiques), du blasphème, d'in-
tiel doit impérativement être fait. Elle complique de nom- sulter une figure d'autorité, de blesser quelqu'un (obsessions
breuses pathologies psychiatriques. Pour évoquer un trouble impulsives), de faire une faute, d'oublier un devoir ou un
panique, il faut au moins 4 AP en 4 semaines ou la présence objet (obsessions idéiques). Leur pendant comportemental,
d'au moins une AP suivie d'une période d'un mois marquée les compulsions, sont à type de vérification, de comptage,
par la crainte persistante de subir une nouvelle attaque. En de lavage, d'évitement ou, au contraire, de toucher, voire
effet, les AP se succèdent souvent de façon imprévisible et d'accumuler. La famille peut en tolérer certaines puis rejeter
sans facteur déclenchant retrouvé. Elles s'assortissent de l'enfant qui en développerait d'autres, ou faire preuve d'auto-
préoccupations anxieuses concernant la survenue d'une ritarisme. Refuser à un enfant d'accomplir ses TOC aggrave
nouvelle AP, de cognitions catastrophistes, de sensations l'angoisse et entretient le trouble. Des comorbidités ne sont
de perte de contrôle, de catastrophe imminente. Associés pas rares, tels les tics (30 %), le syndrome de Gilles de la
à ces symptômes psychiques, se retrouvent des symptômes Tourette, les autres troubles anxieux, thymiques et le trouble
physiques, bruyants et comportementaux à type d'agitation déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH).
psychomotrice ou de sidération.
Agoraphobie
Focus sur le refus scolaire anxieux
Elle implique la crainte de ne pouvoir s'échapper ou de ne
pas pouvoir obtenir d'aide si besoin. Comme pour le trouble Il s'agit d'enfants ou adolescents qui, pour des raisons irration-
nelles, refusent d'aller à l'école et résistent avec des réactions
panique, avec lequel elle est très fréquemment associée mais d'anxiété très vives, voire de panique quand on essaie de les y
dont elle est distincte, elle débute souvent en fin d'adoles- forcer.
cence (entre 15 et 18 ans), exceptionnellement avant. Elle Radicalement différent d'un refus scolaire pour école buisson-
dure depuis au moins 6 mois et concerne au minimum deux nière, il s'accompagne d'un degré de souffrance aigu et de symp-
des situations suivantes : être seul en dehors de la maison, tômes neurovégétatifs marqués : douleurs digestives, céphalées,
être dans une foule ou dans une file d'attente, être sur un pleurs, tremblements, malaises. Son apparition, souvent brutale
pont, voyager dans un bus, un train, une voiture. chez les plus petits enfants, s'avère plus progressive chez les col-
légiens. Souvent lié à une anxiété de séparation chez l'enfant et à
Troubles obsessionnels compulsifs (TOC) une anxiété sociale chez l'adolescent, il n'existe pas une phobie
scolaire mais une « constellation psychopathologique » com-
Même s'ils ne sont plus classés dans les troubles anxieux plexe et intriquée au niveau individuel et familial.
(DSM-5) car l'anxiété n'est pas toujours présente, les TOC À l'écart de l'école, l'enfant promet qu'il y retournera mais la
constituent une des 20 maladies les plus handicapantes selon veille de la rentrée, les symptômes reprennent. Il verbalise la
l'OMS. Leur prévalence est de 1 à 3 %. Les TOC débutent peur qu'il arrive quelque chose à un membre de la famille ou
souvent entre 6 et 11 ans, avec un sex-ratio de 1. Les formes celle d'être critiqué par des pairs. La déscolarisation devient
précoces souvent plus sévères retrouvent davantage de gar- souvent inéluctable devant l'intensité de l'angoisse sur le lieu de
çons, d'antécédents familiaux. scolarité.
C'est une urgence thérapeutique relative afin d'éviter la désco-
Tout rituel ne signe pas la présence de TOC. Au contraire, larisation, le retard dans les apprentissages mais aussi l'isole-
dans le développement normal de l'enfant, les rituels (cou- ment social et affectif, la désocialisation, la chronicisation des
cher, rangement, objet transitionnel) viennent le structurer troubles anxieux comorbides ou la dépression. La consultation
et le sécuriser. Ces rituels physiologiques sont limités dans le ambulatoire de pédopsychiatrie seule n'est souvent pas suffi-
temps. Ils n'entraînent pas de souffrances, de crises de colère, sante et se complète par des programmes thérapeutiques mul-
d'angoisses ou de troubles du sommeil et ne comportent tidisciplinaires, pluri-hebdomadaires, utilisant des médiations.
aucun évitement. Ils disparaissent en général avant 8 ans. Au
contraire, les TOC persistent, s'aggravent, génèrent évite-
ment, angoisse, épuisement psychique et conflits familiaux.
La clinique des TOC distingue : Évolution et risque de complication
■ les obsessions, idées ou images qui s'imposent de façon Les troubles anxieux semblent souvent déclenchés par
intrusive et sont à l'origine d'une anxiété ; des détails de la vie de l'enfant qui paraissent anodins. Ils
■ les compulsions, comportements ou rituels mentaux que évoluent progressivement, de façon non continue avec des
le sujet se sent obligé de faire, tout en ayant conscience de phases d'exacerbation et des phases de rémission. Plusieurs
l'inutilité « objective » de cette obligation. années peuvent se passer entre les premiers symptômes et
Les enfants acceptent leurs symptômes sans en reconnaître la demande d'aide en consultation. Les troubles anxieux
le caractère pathologique. Ils n'en parlent pas. L'insight est impactent donc au long cours le développement de l'enfant
souvent faible et la conviction paraît parfois délirante (ce et peuvent entraîner des retards dans les apprentissages sco-
qu'elle n'est pas). Les compulsions incoercibles permettent laires et sociaux en l'absence de retard intellectuel.
Chapitre 24. Pédopsychiatrie 639
Chez l'enfant et l'adolescent, les troubles anxieux sont e nvironnementaux. Ainsi, dans les TOC, l'influence géné-
isolés pour seulement 20 % des consultants. Se résolvant tique est de 55 % et environnementale de 45 %. Dans le
rarement spontanément, ils s'agrègent alors souvent avec trouble panique, s'il est apparu avant 20 ans, le risque pour
d'autres pathologies psychiatriques qui rendent le diagnos- des apparentés de 1er degré est multiplié par 17.
tic complexe. Il faut donc rechercher et traiter des troubles
de l'humeur, un TDAH, des troubles du comportement type Facteurs génétiques
trouble d'opposition avec provocation (TOP), des recours On retrouve 40 % de variabilité dans les symptômes anxieux,
aux substances avec des toxicomanies émergentes à l'ado- avec un taux de concordance supérieur chez des jumeaux
lescence. De plus, ces enfants et adolescents souffrant de monozygotes que dizygotes. Aucun gène majeur n'a été
troubles anxieux se comportent parfois de façon radicale- identifié actuellement, ce qui fait évoquer une héritabilité
ment différente d'un contexte à l'autre, souvent discrets en globale des troubles anxieux. Toutefois, avoir 2 allèles courts
dehors du cercle familial, voire inhibés à l'école et exigeants du gène 5HTT rendrait plus vulnérable aux événements
et susceptibles à la maison. Croiser les sources d'informa- de l'environnement. Et inversement, les événements de vie
tion (enfant, parents, enseignants, moniteurs, éducateurs) stressants favoriseraient l'expression de gènes qui majore-
permet donc de dépasser des apparentes contradictions raient à leur tour l'expression de troubles anxieux chez des
cliniques, d'affiner le diagnostic, de mesurer précisément le enfants prédisposés.
retentissement des troubles et de proposer les soins appro-
priés nécessaires. La prise en charge adaptée permet de
Facteurs liés au tempérament
reprendre un bon développement psychoaffectif et de deve-
nir un adulte épanoui. De nombreuses études de suivi ont Un tempérament inhibé et craintif est le facteur de risque
montré davantage de dépression, de conduites suicidaires et le plus pertinent. Il multiplie par 4 le risque de présen-
d'addiction chez des anciens enfants anxieux non traités. ter un trouble anxieux. On peut mesurer l'inhibition chez
l'enfant entre 2 et 5 ans : elle se caractérise par une peur du
changement, de l'étranger, des difficultés à sympathiser avec
Évaluation et utilité des instruments des pairs, une proximité majeure avec les figures d'attache-
standardisés ment, de rares échanges de sourires, de regards et de paroles,
L'évaluation clinique repose sur l'entretien avec l'enfant et et une faible curiosité pour la nouveauté. Ceci rend possible
ses parents, les observations comportementales et éven- le diagnostic précoce.
tuellement l'appui de questionnaires. Le jugement clinique
et l'expérience sont nécessaires pour combiner et synthéti- Facteurs familiaux environnementaux
ser les informations souvent discordantes, d'autant que les Incités par la fragilité perçue de leur enfant inhibé, les
enfants anxieux peuvent nier, se sentir anxieux ou fournir parents anxieux tendent à surprotéger et à transmettre leurs
des réponses qu'ils pensent socialement acceptables, n'arri- craintes et des stratégies d'adaptation peu opérantes. Ainsi,
vant pas encore à identifier en eux-mêmes ce qui les agite. l'enfant phobique du noir sera renforcé dans ses compor-
D'un autre côté, de nombreux parents anxieux exagèrent tements d'évitement par les interventions parentales. Il ne
les difficultés de leur enfant du fait de leur propre anxiété. peut expérimenter qu'il ne s'y passe rien, il ne s'habitue
Ainsi, les autoquestionnaires permettent à l'enfant d'éva- pas. Selon une perspective cognitivo-comportementale,
luer lui-même les peurs et les situations problématiques : la son anxiété est donc favorisée par cet apprentissage. En
R-CMAS (échelle révisée d'anxiété manifeste pour enfant) revanche, les études montrent qu'un environnement familial
évalue la sévérité de l'anxiété, la SCARED-R (Screen for dysfonctionnel et violent favorise plutôt le développement à
Child Anxiety Related Emotional Disorders – Revised) évalue long terme d'autres troubles psychiatriques.
les différents troubles anxieux et l'ECAP (échelle comporte-
mentale d'anxiété et de phobie) mesure les peurs exprimées Évènements de vie négatifs
par les enfants de 8 à 18 ans. Enfin, la CY-BOCS (Children's
Ils semblent plus fréquents et impactants selon les propos
Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale) permet d'évaluer
recueillis des enfants anxieux. Ceci témoigne peut-être d'un
les TOC.
biais cognitif mais aussi d'une sensibilité accrue et d'une réa-
Afin d'enrichir la démarche diagnostique, de repérer des
lité statistique : ils sont beaucoup plus souvent harcelés et
comorbidités et d'éliminer les diagnostics différentiels, les
victimes de brimades que les autres enfants.
praticiens peuvent compléter leur observation par des ques-
tionnaires tels le Schedule for Affective Disorders and Schi-
zophrenia for School-Aged Children (K-DSADS) ou l'Anxiety Biais cognitifs et les appréhensions anxieuses
Disorder schedule for children – Child and Parent version Ils favorisent le maintien du trouble. Sensibles au traitement,
(ADIS-CP), le Diagnostic Interview Schedule for Children ils doivent être pris en soin.
(DISC) ou encore le Child Behavioral Checklist (CBCL).
Facteurs neurobiologiques
Facteurs de risque et de maintien Des perturbations du système amygdalo-préfrontal
témoignent d'un traitement différent de l'information
Transmission familiale avec une activation de l'amygdale accrue en imagerie
Très importante chez les apparentés de 1 er degré, elle fonctionnelle, y compris pour des stimuli non menaçants
résulte d'une combinaison de facteurs génétiques et pour le sujet sain. Certains déséquilibres complexes en
640 Partie II. Spécialités
Et dans cette conception, des progrès spectaculaires ont dysthymiques représentent une forme de moindre inten-
été accomplis ces dernières années : les enfants anxieux sité. La dysthymie est en effet une forme de dépression
peuvent être compris et aidés. Grâce à des recherches lon- atténuée et chronique, produisant une souffrance signi-
gitudinales, on sait désormais que des facteurs de vulné- ficative. Cette forme de dépression est, elle aussi, souvent
rabilité (biologiques, génétiques, neurophysiologiques, sous-diagnostiquée.
psychologiques – cognitifs et affectifs –, environnementaux, Les connaissances cliniques et thérapeutiques nous
familiaux) contribuent à l'apparition, au maintien, voire à aident aujourd'hui à définir et proposer la meilleure prise en
l'aggravation d'un niveau de stress pathologique. Les traite- charge, avec l'objectif exigeant d'un retour au niveau de fonc-
ments curatifs précoces font la preuve de leur efficacité. Des tionnement prémorbide. Ainsi, diagnostiquer et prendre en
programmes de soins apprennent des techniques de gestion charge précocement l'enfant ou l'adolescent déprimé permet
de l'anxiété, encouragent l'exposition in vivo, réduisent d'enrayer une trajectoire péjorative et de l'accompagner vers
significativement l'anxiété et les diagnostics associés. Il reste une guérison et un développement plus serein et riche de
encore difficile de prédire quel enfant dépassera ses peurs potentialités.
développementales ou développera un trouble anxieux,
alors la vigilance est de mise et l'adressage en soins doit être
systématiquement encouragé. Épidémiologie
La dépression est diagnostiquée chez 1 à 2 % des enfants
prépubères et 5 % des adolescents. En prévalence cumulée,
Dépression de l'enfant à 16 ans, elle touche 12 % des filles et 7 % des garçons, à un
et de l'adolescent moment de leur vie (HAS). Les troubles dysthymiques sont
retrouvés chez 1 à 2 % des enfants et 8 % des adolescents
Marie Bon Saint Côme
alors que la dépression subsyndromique atteint 5 à 10 % des
La dépression se caractérise par un sentiment permanent jeunes et accroît le risque de passage à l'acte suicidaire et
et envahissant de tristesse, avec une perte de plaisir pour de dépression caractérisée. Le sex-ratio de 1 avant puberté
les activités quotidiennes, une irritabilité et des pensées bascule ensuite vers une prévalence nettement féminine de
négatives, associées à une perte d'énergie, des difficultés 2 filles pour 1 garçon.
de concentration, des troubles du sommeil, de l'appétit. La
variabilité des symptômes d'un enfant à l'autre et d'un âge à
l'autre, la différence de présentation par rapport aux adultes, Évolution
la modulation par la culture en compliquent le dépistage. Le La dépression peut sévir dès la prime enfance. Un âge de
risque immédiat est celui du suicide. Encore sous-diagnos- début précoce est corrélé à une pathologie plus sévère à
tiquée, la dépression augmente drastiquement à la puberté l'âge adulte. On retrouve un moins bon fonctionnement
mais elle existe déjà chez l'enfant. Ce trouble psychique se psychosocial chez les adultes qui ont été déprimés très
manifeste par épisodes qui, non traités, évoluent vers la jeunes : ils rencontrent plus de difficultés d'intégration et
récurrence et la chronicité. Il s'agit donc d'une pathologie de fonctionnement social, de comorbidités médicales et
fondamentale à dépister. psychiatriques. Sujets à de plus nombreux épisodes dépres-
La dépression, dans sa forme chronique ou parce qu'elle sifs au cours de la vie, ils se suicident également plus fré-
rechute facilement, retentit à long terme sur le fonction- quemment. Moins souvent mariés, leur qualité de vie est
nement social, scolaire et sur l'estime de soi de l'enfant et aussi moins bonne.
obère les possibilités de développement harmonieux de la En effet, la dépression expose à un risque élevé de
personnalité. récurrence, que l'on peut réduire par une prise en charge
Chez l'enfant, jusqu'aux années cinquante, il était admis adaptée. Un épisode de dépression dure de 7 à 9 mois en
que la dépression n'existait pas. Puis en considérant certains population clinique, 3 mois en population générale. Il
symptômes, fréquents chez l'enfant, tels les troubles du com- peut être spontanément résolutif mais on note 40 % de
portement, l'hyperactivité, les plaintes somatiques et les dif- récidives à 2 ans et 46 % à 5 ans selon l'étude TADS. Avec
ficultés scolaires, vint l'idée d'une dépression masquée avec encore davantage de recul, Birmaher pointe que 60 %
des équivalents dépressifs. Carlson et Cantwell montrent ont un nouvel épisode à l'âge adulte. Les risques évolu-
que la dépression chez l'enfant présente des symptômes tifs sont bien réels : la chronicité menace le devenir du
proches de l'adulte et qu'elle est souvent associée à d'autres jeune, comme celui d'entrer dans la bipolarité (5 à 20 %
signes pouvant la dissimuler : crises de colère, céphalées, des adolescents hospitalisés pour dépression) ou de pas-
fatigue, problèmes de concentration. Dès lors, se sont affinés ser à l'acte suicidaire (32 %). Quatre pour cent d'entre eux
les moyens de reconnaître les différentes formes cliniques et décéderont de suicide dans les 10 ans. Le facteur de risque
les comorbidités. principal de persistance des idéations suicidaires est bien la
À l'adolescence, la dépressivité développementale, banale sévérité de la dépression.
et labile, doit être distinguée d'un réel épisode dépressif Parmi les facteurs de risque de récurrence, on retrouve
caractérisé. L'adolescent maussade, en train de quitter l'en- une moins bonne réponse au traitement, une sévérité ini-
fance, traverse en effet des périodes de dépressivité qui ne tiale plus élevée, un antécédent d'épisode dépressif majeur
doivent pas être confondus avec une authentique dépression. (EDM), une comorbidité, un profil cognitif négatif, un
Il existe plusieurs formes cliniques de dépression. Ainsi, à caractère désespéré, un bas niveau socio-économique, une
côté de l'épisode dépressif majeur et caractérisé, les troubles exposition aux maltraitances.
642 Partie II. Spécialités
Étiologie et facteurs de risque s ouffrance subjective significative qui fait rupture avec le
D'origine multifactorielle, la dépression apparaît comme fonctionnement antérieur.
le résultat d'interactions complexes entre vulnérabilités La présence de 4 symptômes associés caractérise un épi-
biologiques et facteurs environnementaux. On peut distin- sode léger, avec un maintien des capacités à poursuivre les
guer des facteurs prédisposants, qui viennent accroître la activités du quotidien mais avec effort. Un épisode modéré
vulnérabilité, et des facteurs précipitants, qui déclenchent compte 5 ou 6 autres symptômes et s'accompagne de diffi-
l'épisode dépressif. Ces facteurs augmentent aussi le risque cultés fonctionnelles importantes. Au-delà de 7 symptômes
global de troubles psychiatriques. Ainsi, troubles dépressifs, dépressifs ou en présence de symptômes psychotiques (déli-
troubles anxieux, troubles schizophréniques ont en com- rants ou hallucinatoires), l'EDC est sévère et le dysfonction-
mun de nombreuses causes biologiques et environnemen- nement impacte l'ensemble des activités du quotidien. Le
tales (tableau 24.1). risque suicidaire est alors majeur.
de comportement et de performances, l'épisode dépressif se vrai avec le cannabis à l'adolescence. Une consommation est
constitue, on le dit caractérisé (EDC du DSM-5) ou majeur donc toujours à rechercher devant un tableau de dépression.
(EDM de la CIM-10).
TDAH et troubles des conduites disruptives
Pathologies somatiques L'association de troubles des conduites externalisés, type
et effets iatrogènes médicamenteux trouble hyperactivité avec déficit de l'attention (TDAH),
trouble oppositionnel avec provocation (TOP) ou troubles
Un tableau de dépression peut être induit par une pathologie des conduites est possible et souvent accompagnée d'une
somatique ou substance psychoactive, iatrogène ou non, par irritabilité et d'une difficulté à supporter des affects dépres-
sa prise ou par son sevrage. Il importe de s'assurer que l'on sifs, d'autant plus fréquents que les conditions socio-écono-
ne passe pas à côté d'une maladie somatique (qui requiert a miques sont défavorables.
fortiori un traitement ad hoc) ou d'un effet iatrogène. Il peut
s'agir :
■ de pathologies endocriniennes : hypothyroïdie, maladie Échelles d'évaluation
de Cushing, maladie d'Addison, hypopituitarisme ; Enfants et adolescents peuvent avoir des difficultés pour
■ de pathologies infectieuses : mononucléose infectieuse, parler de leurs émotions et ressentis. Il est alors possible de
hépatite, syndrome d'immunodéficience acquise (sida), s'aider d'échelles d'évaluation pour confirmer un diagnostic
grippe ; de dépression, indiquer la sévérité du trouble dépressif et
■ de pathologies neurologiques : épilepsie, migraine, trau- en permettre le suivi de l'évolution. Chez l'enfant, La Child-
matisme crânien ; ren's Depression Rating Scale (CDRS) est employée pour de
■ de médicaments : cor ticoïdes, isotrétinoïne, nombreuses études. À l'adolescence, la Kutcher Adolescent
méthylphénidate ; Depression Scale (KADS) est un autoquestionnaire. Utile en
■ de toxiques : alcool, cannabis, cocaïne, amphétamines, dépistage, il est gratuit.
solvants (colle). L'utilisation de ces outils ne doit cependant pas occul-
ter la relation avec le jeune qui, déprimé, est en peine pour
Troubles addictifs demander de l'aide et s'adresser à l'adulte.
L'anamnèse doit vérifier la consommation de toxiques préala-
blement à la survenue des symptômes dépressifs : ils peuvent Prise en charge
être induits par le cannabis, les amphétamines, la cocaïne ou
les solvants, ou par leur manque. Ils disparaissent habituelle- Cadre thérapeutique et réseau de soins
ment en quelques jours de sevrage sauf s'ils étaient déjà pré- Le pédiatre et le généraliste sont en 1re ligne pour détecter
sents, signant ainsi une comorbidité. Ceci est particulièrement la dépression et évaluer le risque suicidaire, pour vérifier
Chapitre 24. Pédopsychiatrie 645
majeurs ou graves. Un entretien doit expliquer les effets qui peuvent s'intégrer dans le soin classique, mais en tenant
attendus du traitement, ses limites, la nécessité de l'obser- compte du risque d'interactions (millepertuis, rhodiole/
vance, sa durée, ses effets secondaires et la conduite à tenir safran, etc.).
notamment face à un syndrome sérotoninergique. Ces
explications participent à l'éducation thérapeutique et amé-
liorent l'observance.
Prévention
Après réalisation d'un bilan préthérapeutique clinique La prévention vise à diminuer le risque de développer des
et paraclinique (poids, taille, IMC, stade de Tanner, pres- troubles dépressifs majeurs et chroniques. Elle s'adresse aux
sion artérielle, hémogramme, fonction rénale, fonction enfants et adolescents présentant des facteurs de risques
hépatique, TSH, glycémie à jeun, électrocardiogramme), la importants (cf. tableau 24.1). Elle peut aussi être organisée
prescription de fluoxétine est débutée à demi-dose (10 mg/j) à l'école ou dans un cadre de soin, de façon plus universelle.
pendant une semaine, puis augmentée à 20 mg/j. Il faut Elle propose de travailler la résolution de problèmes sociaux,
attendre 4 à 6 semaines pour observer une amélioration scolaires, de développer les compétences de communication
progressive de l'humeur. L'antidépresseur doit ensuite être interpersonnelle, le coping, la confiance en soi, individuel-
poursuivi 6 à 12 mois après la rémission des symptômes lement ou en groupe, et donne des résultats d'autant plus
pour prévenir la rechute. positifs qu'elle cible l'enfant ou l'adolescent vulnérable.
Le risque suicidaire est majoré lorsqu'existent une hosti-
lité et une agitation, antérieure ou postérieure à l'introduc- Conclusion
tion du traitement. Le risque de passage à l'acte auto-agressif Le diagnostic de dépression chez l'enfant et l'adolescent est un
est multiplié par 1,8 sous traitement mais aucun suicide diagnostic difficile mais particulièrement important à faire,
abouti sous traitement n'a été recensé. L'association de la du fait du risque suicidaire et de la morbidité de cette patho-
psychothérapie et d'un antidépresseur s'avère supérieure logie sur la vie entière. La place du pédiatre et du médecin
au placebo et à la pharmacothérapie seule avec une réponse généraliste est centrale pour le dépistage et la prise en charge.
plus rapide, plus stable et plus sûre. Dans tous les cas, en lien avec le pédopsychiatre, il s'agit
Une consultation bihebdomadaire les premières semaines d'établir le bon diagnostic, d'évaluer le risque suicidaire,
puis hebdomadaire les premiers mois est recommandée afin d'analyser la psychopathologie, d'adapter la prise en charge à
de repérer : l'enfant/adolescent et à sa situation, de promouvoir l'alliance
■ des idées suicidaires, des comportements auto-agressifs thérapeutique avec les parents, de choisir l'approche psy-
(scarifications), des prises de risque et l'apparition d'hos- chothérapeutique appropriée selon l'évaluation de l'enfant/
tilité, d'impulsivité, ou d'un comportement inhabituel ; adolescent, d'envisager un traitement pharmacologique si
■ l'aggravation clinique de la dépression : troubles du som- besoin et, enfin, d'accompagner le suivi à long terme.
meil, de l'appétit, de l'humeur, perte d'intérêt, ralentisse-
ment psychomoteur ou agitation ;
■ l'apparition de symptômes psychiatriques comorbides : Place des psychotropes
attaque de panique, troubles anxieux ;
■ un virage maniaque ;
en pédiatrie
■ des effets secondaires. Ils sont à leur maximum les Élise Riquin
15 premiers jours : nausées, troubles digestifs, céphalées.
Pourquoi et quand envisager un traitement psychotrope en
Il convient de prévenir et rassurer les patients de leurs
pédiatrie pour un enfant ? Cette question est complexe et,
effets transitoires. Il faut aussi surveiller la croissance
loin d'être anodine, soulève de nombreuses questions.
staturo-pondérale et la maturation sexuelle. Enfin, il faut
proposer un bilan endocrinien à 3 mois de traitement.
En cas de suspicion d'anomalie, il faut adresser à un Le médicament
endocrinologue. Un médicament est une substance ou une composition
Chez l'enfant et l'adolescent, s'il existe des symptômes psy- présentée comme possédant des propriétés préventives ou
chotiques, l'antidépresseur seul peut suffire ou être associé à curatives à l'égard des maladies. Un médicament est donc
un antipsychotique de seconde génération. le plus souvent destiné à guérir, à soulager ou à prévenir
À l'adolescence, si l'on est face à un trouble bipolaire, à un des maladies. Prescrit sur ordonnance par le médecin, le
accès maniaque, ou à des antécédents familiaux de bipolarité, médicament vient remédier au désordre biologique (méta-
le thymorégulateur s'impose en 1re intention (avec les mêmes bolique, infectieux, etc.), restaurer, corriger ou modifier un
règles de prescription que chez l'adulte) : divalproate, lamotri- déséquilibre physiologique, prévenir une affection morbide,
gine, carbamazépine, voire lithium si les précédents s'avèrent guérir un processus pathologique, apaiser une souffrance
inefficaces et nécessite une durée de prescription prolongée ou apporter un confort. De la potion magique d'antan aux
de 18 à 24 mois en raison du risque important de rechute. molécules de synthèse actuelles, le médicament a évolué
Enfin, dans certains cas rares de dépression sévère, et prend une place chaque jour plus importante jusqu'à
mélancolique ou résistante, l'électroconvulsivothérapie devenir produit de consommation courante, même chez
peut être réalisée par une équipe experte. Elle est cependant l'enfant. La pharmacie familiale a ainsi trouvé sa place
rarissime chez l'enfant et l'adolescent. dans chaque foyer et très tôt, les médicaments envahissent
Le pédiatre/médecin généraliste doit aussi questionner l'environnement de l'enfant et de l'adolescent, patients et
le recours aux médecines alternatives et complémentaires consommateurs potentiels.
Chapitre 24. Pédopsychiatrie 647
Effets de mode, effets placebo, effets d'anathème, effets croyances qu'à des réalités (les hypnotiques par exemple).
nocebo, etc. Mais aussi et surtout effets de la prescrip- Ils s'apparentent alors à un objet magique rassurant
tion, surchargée par les multiples dimensions subjectives, par lequel tout rentrera dans l'ordre de manière quasi
conscientes et inconscientes du prescripteur. Ceci est d'au- miraculeuse.
tant plus important qu'il s'agit d'un enfant ou adolescent Certains médicaments, parce qu'ils sont inquiétants sont
dont le corps se transforme et inquiète. Quel que soit le oubliés. C'est le cas par exemple des médicaments psycho-
médicament, la prescription vient exacerber des questions tropes (antidépresseurs, etc.). En effet, la particularité des
telles que : « Suis-je normal(e) ? », « Suis-je comme les psychotropes vient du fait que leur cible intéresse la pensée,
autres ? ». l'intime. Qu'ils touchent à l'indicible, qu'ils visent la subjec-
Et chez le médecin prescripteur, certaines prescriptions tivité… Et qui, de ce fait, pourraient nous changer dans ce
ne sont pas sans signification, en particulier lorsqu'il s'agit que l'on est, pourraient modifier notre personnalité, nos
de psychotropes chez l'enfant. Le médicament peut en effet idées, nos émotions.
revêtir plusieurs statuts, tant pour le médecin que pour l'en- D'autres, tels les neuroleptiques ou antipsychotiques, sont
fant et ses parents. parfois oubliés parce qu'ils génèrent de multiples et « insup-
portables » effets secondaires (prise de poids, etc.). Le jeune,
Statuts du médicament très sensible à son apparence, peut ainsi oublier ou refuser
le traitement, même s'il en connaît l'importance. L'image du
Dans la prescription, le médicament peut revêtir plusieurs corps l'emporte sur la santé.
statuts : Enfin, c'est paradoxalement le côté indispensable du
■ celui, en premier lieu, d'objet transitionnel. Il est en médicament qui peut favoriser l'oubli ou le refus. Angoisse ?
position tierce dans la relation et vient comme représen- Conduite d'essai ? Rite initiatique ? Provocation ? Les enjeux
tant de la perturbation biologique, de la maladie ou du sont multiples et à analyser au cas par cas.
conflit caché. Il donne à voir ce qui est dissimulé, dans le Quoi qu'il en soit, les médicaments permettent
corps ou dans la pensée. Le traitement vient ainsi signi- aujourd'hui une bien meilleure espérance et qualité de vie.
fier la sévérité d'un trouble et la dépendance : « Je ne m'en Les enfants et adolescents profitent particulièrement de ces
sors pas sans ce traitement, j'en ai besoin ! » ; avancées et de ces progrès. L'éducation à la santé prend ici
■ c'est aussi un représentant symbolique du thérapeute tout son sens. Pas de prescription ni de prise de médica-
et des relations entretenues avec lui et donc de la charge ments sans explication et sans l'assurance que le jeune a bien
d'attente qui s'attache à lui. En ce sens, l'attitude face au intégré les raisons et les modalités des traitements. Et en cas
médicament est souvent l'expression d'une manifestation de traitement médicamenteux prolongé, un accompagne-
de la relation transférentielle. Les problèmes d'obser- ment régulier est indispensable. Ainsi, véritable progrès sur
vance sont fréquents à tout âge et l'arrêt du traitement est le plan médical, les médicaments participent aussi à l'évolu-
souvent un message adressé au médecin prescripteur ; tion du jeune dans son rapport au corps, à sa pensée, à son
■ le médicament touche au réel du corps, indicible et image, à ses exigences et à ses attentes.
parfois insupportable. Il franchit la barrière de la limite
corporelle et s'affronte à ce qui est mauvais dans le corps
et la pensée. Il témoigne en cela de la maladie. Il vient la L'acte de prescrire ?
valider et ce n'est pas toujours supportable pour le jeune La maladie, le médicament sont de nouveaux signifiants
et/ou ses parents ; injectés dans le discours familial. Comme tout signifiant, ils
■ c'est aussi parfois un objet de jouissance. Le médicament renvoient à des représentations ; représentations imaginaires
est alors soumis à des manipulations de type pervers. de la maladie, elles-mêmes représentations imaginaires du
Scénarios sadiques ou masochistes et rituels rigides en corps dont le fonctionnement (ou la géographie) est parfois
sont des exemples. Il peut ainsi être l'objet de transac- lointain(e) de la réalité. En ce sens, le médicament devient
tions plus ou moins ajustées, de manipulations : « Si tu un élément de langage, une réponse à un discours (celui de
continues, je te donne ton traitement ! » ou « Puisque la médecine, de la science). L'ordonnance voudrait d'ailleurs
c'est comme ça, j'arrête de prendre mon traitement ». conférer à ce discours un ton impératif : j'ordonne !
Ainsi, le médicament qui est censé soulager, voire guérir Prescrire, c'est rechercher l'action pharmacologique pour
est parfois utilisé pour attaquer le corps. Il en est ainsi apaiser, ou voir disparaître un symptôme invalidant ou
de certains adolescents qui font des intoxications médi- « gênant ». C'est donc un acte très important, avec des consé-
camenteuses volontaires en utilisant des antalgiques ou quences, dont la portée symbolique est élevée.
anti-inflammatoires ;
■ il peut enfin s'agir d'un objet contraphobique. Tant pour
le médecin, plus ou moins rassuré et qui prescrit avec Information au patient et consentement
l'idée entretenue d'avoir fait quelque chose, que pour le en pédiatrie
jeune et le plus souvent sa famille. Certaines classes de Concernant les patients mineurs, la loi du 4 mars 2002
médicaments reposent d'ailleurs plus sur l'empirisme souligne le principe d'autonomie de l'individu et indique
que sur de réelles données scientifiques. Certains enfants qu'il faut informer et rechercher le consentement des titu-
ou parents ne se sépareront plus du traitement et seront laires de l'autorité parentale mais qu'il faut aussi informer
désemparés si un arrêt devait être envisagé, ou s'il était directement le mineur « d'une manière adaptée à son degré
oublié. Ainsi, de nombreux médicaments sont investis de maturité » et rechercher systématiquement son consen-
de fonctions thérapeutiques qui s'attachent plus à des tement « s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la
648 Partie II. Spécialités
décision ». La loi ne fixe pas de limite d'âge et c'est au pres- Un traitement médicamenteux par fluoxétine est recom-
cripteur qu'il revient de définir cette « capacité à consentir » mandé en 2e intention seulement pour les patients ado-
de l'enfant ou de l'adolescent, en tenant compte de son âge, lescents avec une dépression avérée d'intensité modérée
mais aussi de son développement pulsionnel, affectif, cogni- ou sévère, n'ayant pas accès aux psychothérapies, ou non
tif et des intrications avec la psychopathologie. répondeurs aux interventions non médicamenteuses
sur 4 à 8 semaines. Cependant, une méta-analyse parue
Prescription de psychotropes en 2016 relève que les 14 antidépresseurs habituellement
Avant toute chose, si un traitement au long cours est envi- prescrits aux enfants et adolescents souffrant de dépres-
sagé pour un enfant ou un adolescent, celui-ci devrait être sion avérée ne montrent pas de réelle efficacité supérieure
orienté vers un pédopsychiatre afin de définir et préciser au placebo. Plus précisément, seule la fluoxétine (Prozac®)
le diagnostic, et orienter la prise en charge en fonction des semble réduire les symptômes dépressifs de manière plus
symptômes de l'enfant et de sa subjectivité. La prescription efficace que le placebo chez les enfants et les adolescents
de psychotropes doit être préférentiellement assurée par un souffrant d'un trouble dépressif sévère. Cependant, l'im-
pédopsychiatre. Tout médecin doit cependant savoir sur- portance de la diminution des symptômes dépressifs est
veiller de telles prescriptions. toujours incertaine.
Dans ce contexte, la prescription de traitements anti-
dépresseurs ne peut et ne doit pas se faire en consultation
de 1re intention de médecine générale ou en consultation
Recommandations de prescription pédiatrique. Et dans tous les cas, une étroite surveillance
des psychotropes en pédiatrie est nécessaire, afin d'évaluer l'éventuelle apparition d'effets
■
Cibler les symptômes et non les diagnostics.
secondaires, de définir finement les posologies mini-
■
Commencer à des doses faibles et ne pas hésiter à les aug- males efficaces et d'envisager les diminutions et arrêts de
menter si les symptômes persistent. traitement.
■
Surveiller l'efficacité des traitements dans les différents La mise en place d'antidépresseurs peut induire une levée
domaines de la vie de l'enfant : à la maison, mais également à d'inhibition comportementale, pouvant survenir quelques
l'école et lors d'activités extrascolaires. jours (jusqu'à 15 jours) après le début du traitement. Cette
■
Veiller à l'éducation thérapeutique du patient et de sa famille, qui période correspond au moment où l'efficacité du traite-
est essentielle. Les premières interactions avec les traitements ment sur le ralentissement psychomoteur apparaît, alors
dans le cadre des maladies chroniques auront en effet un impact que l'action sur l'humeur reste incomplète et que les idées
à très long terme sur l'observance et les résultats à long terme.
suicidaires peuvent persister. C'est une période critique chez
■
Garder à l'esprit que la proposition de traitement doit s'ins-
crire dans une appréhension plus globale des troubles de l'en-
certains jeunes pendant laquelle un risque de passage à l'acte
fant et de l'adolescent et des modes relationnels familiaux et peut être majoré. Cette levée d'inhibition doit être connue
non se situer en réponse immédiate à une demande émanant des prescripteurs et prévenue par une surveillance accrue,
de l'un ou l'autre des protagonistes. voire un temps d'hospitalisation, avec prescription conjointe
et ponctuelle de molécules sédatives et anxiolytiques. Une
fois le traitement introduit, il faut augmenter les posologies
progressivement jusqu'à la dose minimale efficace. Lorsque
Antidépresseurs l'efficacité est obtenue, le traitement doit être évalué régu-
La dépression touche environ 3 % des enfants de 6 à 12 ans lièrement et maintenu de 9 à 12 mois avant diminution
et 8 à 12 % des 12–18 ans en France. Il s'agit d'une patho- progressive.
logie sévère, aux graves conséquences dans les populations Des études récentes montrent que 20 à 40 % des enfants
jeunes. Ainsi, le suicide, dont la dépression est un facteur de et adolescents présentant une dépression développent
risque connu, représente la deuxième cause de mortalité des un trouble bipolaire après une prescription d'antidépres-
jeunes de 15 à 24 ans. seur (le traitement agissant en révélant le trouble, et non
La dépression de l'enfant et de l'adolescent peut parfois se en le causant). En ce qui concerne les éventuels virages
présenter sous des formes inattendues, détournant l'interlo- maniaques après la prescription d'un traitement antidé-
cuteur de la problématique thymique face à certains troubles presseur, il semble que le risque soit accru par le jeune âge
comportementaux : agressivité, fugue, conduites ordaliques des patients.
ou à risque, mais également somatisations. Ces formes aty- Enfin et surtout, la mise en place d'un traitement antidé-
piques induisent très probablement un sous-diagnostic de presseur, ou de tout autre traitement psychotrope au long
la dépression à l'adolescence et complexifient la prise en cours, ne doit pas se substituer à la psychothérapie. Les
charge. Reconnaître dans le discours ou le comportement traitements potentialisent la psychothérapie et la psychothé-
d'un enfant ou d'un adolescent des signes de souffrance psy- rapie potentialise les traitements médicamenteux. En effet,
chique est indispensable afin de se décaler des symptômes dans le cas précis des syndromes dépressifs, l'amélioration
d'appel, et mettre en place la prise en charge adaptée à la de la thymie permet une reprise des capacités d'élaboration
situation. parfois mises en veille par les symptômes de la dépression,
Pour les enfants et adolescents souffrant d'épisode et la prise de parole peut induire des remaniements des
dépressif majeur, les recommandations préconisent en processus d'adaptation et de pensées permettant au sujet de
1re intention la psychothérapie, d'orientation cognitive et trouver une issue à des conflits, là où la dépression induisait
comportementale ou la thérapie interpersonnelle. un vécu d'incapacité et/ou de désespoir.
Chapitre 24. Pédopsychiatrie 649
Enfin, rappelons que certains épisodes de tristesse classiques, en particulier sur les effets cognitifs, permet
de l'enfant et de l'adolescent ne sont pas pathologiques. d'envisager leur prescription au long cours chez des enfants
Ces plaintes dépressives, nécessaires au développement et adolescents. La figure 24.3 reprend les différentes lignes
psychoaffectif de l'enfant et de l'adolescent, sont à res- thérapeutiques à envisager chez un enfant ou un adolescent.
pecter, et ne doivent être ni médicalisées ni traitées par
une prescription médicamenteuse. Il convient de bien dif-
férencier la « déprime » et la dépressivité de l'authentique Enfants et adolescents avec
épisode psychotique
dépression.
Un arbre décisionnel pour faire face à des symptômes
dépressifs de l'enfant et de l'adolescent est décrit dans la
figure 24.2. 1re intention
Antipsychotique atypique
Aripirazole (Abilify®) 10 mg ou olanzapine (Zyprexa®)
10 mg ou rispéridone (Risperdal®) 3 mg
Enfants et adolescents avec épisode
dépressif majeur
2e intention
1RE INTENTION
Switch vers une autre de ces trois molécules
Psychothérapie d'orientation cognitive et comportementale
(avec au moins un essai d'olanzapine)
ou psychothérapie interpersonnelle
Pendant 4 à 8 semaines
Jamais d'antidépresseur en 1re intention
3e intention
Réponse Pas de réponse
Clozapine (Leponex®)
ou pas d'accès à la psychothérapie
■
Surveillance des effets secondaires. Les enfants et les adoles-
cents y sont plus sensibles : symptômes extrapyramidaux, symptômes similaires à l'anxiété peuvent être iatrogènes
hyperprolactinémie, sédation, prise de poids et syndrome suite à certaines prises médicamenteuses ou de substances
métabolique. (café, boissons énergétiques, drogues tel le cannabis). L'utili-
■
Avant traitement : sation d'échelles d'anxiété permet une mesure de la sévérité
– examen clinique (poids, taille, pouls, pression artérielle) ; du tableau initial et le suivi de l'efficacité des traitements mis
– bilan hépatique, numération formule sanguine, dosage ini- en place.
tial des CPK et bilan lipidique ; L'hydroxyzine (Atarax ® ) est une molécule anxioly-
– ECG avec calcul de l'espace QT. tique de prescription courante en pédiatrie, tant pour les
■
Après instauration du traitement : angoisses modérées, notamment en prémédication avant un
– surveillance : pouls et pression artérielle/apparition de
examen, que pour les troubles du sommeil mineurs. Elle a
mouvements anormaux ;
– bilan hépatique, numération formule sanguine, CPK et généralement peu d'effets secondaires hormis une sédation
bilan lipidique, tous les 6 mois ; excessive et des manifestations anticholinergiques (bouche
– ECG en cas de modification de posologie. sèche, constipation, rétention urinaire, trouble de l'accom-
modation). Ce traitement peut être prescrit à partir de 3 ans
aux posologies de 1 mg/kg/j.
Les benzodiazépines sont des molécules d'usage
Psychostimulants courant chez les adultes. Elles sont efficaces et relative-
Leur indication se limite au trouble déficit de l'attention ment bien tolérées. Néanmoins, leur prescription doit
avec hyperactivité (TDAH) chez l'enfant de plus de 6 ans. répondre à des critères stricts en ce qui concerne la
Ce d iagnostic doit être posé par un médecin spécialiste population d'enfants et d'adolescents, en lien notamment
de ce type de symptômes avant toute prescription médi- avec leur fort potentiel de dépendance. D'ailleurs, leur
camenteuse. Pour les formes modérées, des interventions prescription ne bénéficie d'aucune preuve scientifique
psychothérapiques mais également psychosociales sont d'efficacité via des essais contrôlés chez l'enfant et des
recommandées en 1re intention. réactions paradoxales de désinhibition comportementale
L'efficacité sur le déficit de l'attention, l'hyperactivité et sont relativement fréquentes chez l'enfant et l'adolescent.
l'impulsivité est d'environ 70 % et ils ont un effet favorable Malheureusement, malgré l'absence de données scien-
sur les apprentissages, les relations de l'enfant avec sa famille tifiques, de nombreux enfants et adolescents se voient
et ses pairs, et sur l'estime de soi. prescrire de telles molécules, à l'image de ce qui se fait
chez les adultes.
Règles de prescription
du méthylphénidate Règles de prescription
des benzodiazépines
■
Tableau des stupéfiants.
■
Prescrit sur ordonnance sécurisée, pour une durée de
■
À éviter chez l'enfant et l'adolescent.
28 jours, renouvelable.
■
Surveillance étroite.
■
Délivrance initiale hospitalière, réservée aux services spéciali-
■
Doses les plus faibles possible (demi-doses par rapport aux
sés de psychiatrie, neurologie et pédiatrie. doses adultes).
■
Ordonnance valide pour un an.
■
Pas plus de 6 semaines +++.
■
Durant la période intermédiaire, ordonnance initiale renou-
velable par tout médecin, pour 28 jours, sans modification
des doses indiquées.
■
Délivrance sur présentation de la prescription hospitalière ou
Mélatonine
de celle du médecin pédiatre ou généraliste, accompagnée de Elle est utilisée pour le traitement de l'insomnie. La mélato-
la prescription initiale hospitalière datant de moins d'un an. nine est une hormone produite par la glande pinéale selon
un cycle circadien. Elle est impliquée dans l'induction du
Chapitre 24. Pédopsychiatrie 651
sommeil et la synchronisation du cycle circadien. Des méta- médicale » (Haynes, 1973). Le terme anglo-saxon est com-
analyses montrent une efficacité de cette thérapeutique sur pliance. Ce qui n'est pas loin de la complaisance, avec toute
la rapidité d'endormissement, tout en valorisant les tech- la dimension affective que cela comporte.
niques comportementales sur la ritualisation de l'endormis- L'observance aux traitements est complexe et se décline
sement avant d'envisager une thérapeutique spécifique des de multiples façons, depuis la fidélité exemplaire au refus
troubles du sommeil, particulièrement fréquents dans les complet. Elle apparaît comme un reflet du vécu existentiel
populations d'enfants et d'adolescents. de la maladie. Évoquer l'observance, c'est mettre en avant
l'importance de l'acte de prescription et la subjectivité du
médecin. Le prescripteur est celui qui fait lien entre un
diagnostic de départ et une substance proposée. Ceci est
Fiche pratique : urgences psychiatriques d'autant plus important qu'il s'agit d'une maladie chronique
■
Toujours préférer la voie orale. et psychique. Le choix d'une prescription introduit en effet
■
Rester avec l'enfant/adolescent jusqu'à l'apaisement. toute une série d'éléments subjectifs dont le prescripteur est
■
Limiter l'usage des contentions physiques aux cas extrêmes. le vecteur. Une prescription est donc toujours ramenée à
■
Obtenir l'autorisation parentale, même après que les soins son prescripteur et à la question sous-jacente de son désir.
et traitements urgents indispensables ont été mis en place
Qu'est-ce que veut ce prescripteur ? Voire qu'est-ce qu'il me
pour sauvegarder la santé et la protection du jeune, sans leur
accord. veut ?
■
Envisager dans les meilleurs délais une consultation avec un Notons au passage que l'alliance thérapeutique doit être
pédopsychiatre. différenciée de l'observance. Un enfant/adolescent peut
entretenir une très bonne relation thérapeutique mais s'avé-
États d'agitation incoercible ± agressivité
rer incapable de respecter les prescriptions (rendez-vous,
■
Cyamémazine (Tercian®) (0,5 à 1 mg/kg/j) per os, à partir
de 3 ans en solution buvable et à partir de 6 ans en compri-
régimes, traitements, etc.) et, à l'opposé, un autre peut res-
més. La voie intramusculaire peut être utilisée aux mêmes pecter une très bonne observance mais sans alliance théra-
dosages. peutique. De même, la non-observance « ordinaire » (oublis,
■
Surveillance : pouls, PA, conscience, température et refus, absentéisme) doit être distinguée des comportements
comportement. de rupture, voire d'attaque du corps (surconsommation,
automédication, tentatives de suicide, manipulation du traite
États d'angoisse aiguë – attaques de panique
Éviter la voie injectable, utiliser un traitement per os :
ment), autrement plus problématiques.
■
enfants à partir de 3 ans : hydroxyzine (Atarax®) 1 mg/kg/j ; De nombreux facteurs sont susceptibles d'influencer l'ob-
■
adolescents > 12 ans : diazépam (Valium®) 0,5 mg/kg ou servance. Il en est ainsi de facteurs sociodémographiques
alprazolam (Xanax®) 0,5 mg/kg. (âges extrêmes, niveau culturel bas, barrière ethnolinguis-
tique, faible niveau intellectuel), personnels (conduites
États délirants aigus
d'opposition, déni de la maladie, troubles psychocomporte-
Cyamémazine (Tercian®) (0,5 à 1 mg/kg/j) per os, à partir de
3 ans en solution buvable et à partir de 6 ans en comprimés. La mentaux), familiaux (dysfonctionnements familiaux, inter
voie intramusculaire peut être utilisée aux mêmes dosages. actions pathologiques, parents absents), liés à la maladie
Une consultation avec un pédopsychiatre est indispensable et (chronique, mortelle) et au traitement (effets secondaires),
doit être réalisée dans les meilleurs délais. aux représentations et aux perceptions de la maladie et du
traitement (de l'adolescent, des parents et du prescripteur)
et, enfin, de facteurs liés à la relation médicale (qualité de la
relation, style de l'interaction, régularité, etc.).
Observance Chez l'adolescent, l'observance est particulièrement
« Je viens d'apprendre (…) qu'on se moque ici de soumise aux tentatives d'évitement de la dépendance à la
mes ordonnances… C'est une action exorbitante ! maladie, au médicament, mais aussi au médecin. Elle est
Un attentat énorme contre la médecine ! Un crime de sous-tendue par des tentatives de prise de distance et de
lèse-faculté qui ne peut assez se punir ! » maîtrise de la relation avec les parents et le prescripteur,
Molière, Le Malade imaginaire, III, 5 dans un souci d'affirmation de soi.
L'observance est une problématique aussi ancienne que la Il est difficile d'évaluer et de définir à partir de quel
médecine elle-même. Déjà, Hippocrate remarquait que : moment on peut parler de mauvaise observance. La notion
« Le médecin doit savoir que les patients mentent souvent de seuil reste très subjective. Elle varie en fonction du type
lorsqu'ils disent suivre leurs traitements ». C'est surtout à par- d'observance souhaitée, qui peut dépendre des exigences du
tir des années soixante-dix que la réflexion scientifique et traitement, du type de maladie, du patient lui-même, mais
médicale s'est développée à ce sujet. Malgré tous les travaux, également du seuil de tolérance du prescripteur.
cette question reste, aujourd'hui encore, un thème difficile Un comportement de non-observance ne doit surtout
à aborder. pas être systématiquement interprété comme une mise en
Tout soignant est confronté à cette question de l'obser- cause des compétences ou qualités du médecin, ni comme
vance et le phénomène apparaît transnosographique, une manœuvre volontairement subversive de la part de
multivarié et polyfactoriel. Difficile à saisir, la définition l'adolescent. Autrement dit, les réticences initiales d'un ado-
de l'observance reste large : « Degré de concordance entre le lescent à une bonne observance sont normales. Elles s'ins-
comportement d'un individu – en termes de prise médica- crivent dans une dimension interactive et intrapsychique.
menteuse, suivi de régime ou de style de vie – et la prescription « Un adolescent n'aime pas se soumettre. À tout prendre, il
652 Partie II. Spécialités
préfère se démettre… » La non-observance est un compor- aspect de trop sérieux qui vient signer des modalités de
tement « normal » à l'adolescence, sous réserve que l'essen- défense contre l'angoisse.
tiel des soins soit préservé. Cette non-observance peut avoir Si les dangers de la non-observance sont faciles à prévoir,
plusieurs fonctions : ceux de la surobservance sont probablement tout aussi pro-
■ celle d'une tentative, certes maladroite, de prise de distance blématiques d'un point de vue psychique.
par rapport aux parents, au médecin, au corps malade ;
■ l'essai de réappropriation du corps : d'un corps malade
parfois envahi par les soins médicaux, les examens
Conclusion
complémentaires ; La prescription de psychotropes chez l'enfant et l'adolescent
■ la recherche d'un espace de liberté, si importante dans cette est délicate et doit prendre en compte de nombreux facteurs.
tranche d'âge. Même si les adolescents montrent là que la Dans le meilleur des cas, elle est réservée aux spécialistes
liberté, c'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile à gérer ; pédopsychiatres.
■ une fonction de réassurance où l'oubli du médicament
est une façon de vérifier l'attention et le souci de l'autre Recommandations
(parent, médecin) à son égard. Rappelons-nous que dans
Birmaher B, Brent D ; AACAP Work Group on Quality Issues, et al. Practice
le jeu de cache-cache, il importe d'être découvert, sinon,
parameter for the assessment and treatment of children and adolescents
cela n'a aucun intérêt ; with depressive disorders. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2007 ;
■ une fonction de lien où le jeune, par sa non-observance, 46 (11) : 1503–26.
se rappelle à notre bon souvenir. Et empêche tout relâ- HAS. Affections psychiatriques de longue durée Troubles anxieux graves.
chement du lien, toute souplesse, tout espacement des Guide – Affection de longue durée, juin 2007.
consultations. Il peut s'agir alors d'une emprise sur le thé- HAS. Manifestations dépressives à l'adolescence : repérage, diagnostic et
rapeute et sur les parents ; prise en charge en soins de premier recours. Recommandations de
■ la réponse à une pulsion ; bonne pratique, novembre 2014.
■ l'appel à l'intérêt de l'autre, mais d'un intérêt respectueux Raynaud JP. Troubles anxieux chez l'enfant et l'adolescent. Nature, déve-
de l'évolution affective (« Je ne suis plus un bébé »), du loppement, traitement et prévention. Traduction de International Asso-
ciation for Child and Adolescent Psychiatry and Allied Professions.
souci d'affirmation, des remaniements psychiques
Textbook of Child and Adolescent Mental Health. Geneva : J.M. Rey ;
internes, des suscitations nouvelles, du sens que prend le 2015.
symptôme. Rey JM, Bella-Awusah T, Liu J. Depression in children and adolescents.
De même, sont repérables certaines significations de la International Association for Child and Adolescent Psychiatry and
surobservance : soumission trop grande, quête incessante Allied Professions. Textbook of Child and Adolescent Mental Health.
d'ascétisme. Parfois, c'est une hyper-intellectualisation avec Geneva : J.M. Rey ; 2015.
Chapitre
25
Pneumologie
Coordonné par Christophe Delacourt
PLAN DU CHAPITRE
Asthme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 653 Quels sont les examens nécessaires ? . . . . . . . . 675
Diagnostic et prise en charge au long cours . . . . 653 Avec quel délai doivent être réalisés
Asthme sévère – Allergies respiratoires . . . . . . 660 ces examens une fois le contact connu ? . . . . . 676
Crise d'asthme aiguë : prise en charge Quand parler d'infection tuberculeuse ? . . . . . 676
en cabinet de ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 664 Quel traitement proposer aux enfants
Dyspnée d'effort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 667 avec infection tuberculeuse latente ? . . . . . . . 676
Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 667 Quels enfants doivent bénéficier
Quantification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 667 d'une prophylaxie antituberculeuse ? . . . . . . . 677
Interrogatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 667 Quelle attitude en cas de contact
Signes cliniques et symptômes associés . . . . . . 668 avec une tuberculose multirésistante ? . . . . . . 677
Examens indispensables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 668 Quand penser à une tuberculose
Épreuve d'effort cardiopulmonaire . . . . . . . . . 668 chez un enfant en l'absence
Principales causes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 669 de notion de contact ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677
Démarche diagnostique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 670 Quelle attitude chez l'enfant migrant ? . . . . . 677
Prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 670 Principes des antibiothérapies alternes
Toux chronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 670 et/ou à visée anti-inflammatoire . . . . . . . . . . . . . 678
Démarche diagnostique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 671 Antibiothérapie à visée anti-infectieuse . . . . . 678
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 672 Antibiothérapie à visée immunomodulatrice
Syndrome d'apnées obstructives . . . . . . . . . . . . 672 et anti-inflammatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 678
Prévalence et causes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 672 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679
Conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673 Mucoviscidose et insuffisance respiratoire
Signes cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673 chronique en médecine de ville . . . . . . . . . . . . . . 679
Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 674 Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679
Prise en charge thérapeutique . . . . . . . . . . . . . 674 Évaluation de l'insuffisance respiratoire
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 675 en pratique de ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679
Tuberculose : enquête autour d'un cas, Prise en charge ambulatoire . . . . . . . . . . . . . . 680
principes de prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . 675 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 681
Quels enfants doivent bénéficier
d'un dépistage après contact ? . . . . . . . . . . . . . 675
persistance d'un asthme induit par l'exercice. Ces constata- répondent très bien à la question : « Est-ce que tu tousses
tions ont amené à considérer les corticoïdes inhalés comme quand tu cours ? »
la pierre angulaire du traitement, et ce dès les formes légères. L'inspection du thorax doit être systématique, de face
Les marqueurs fonctionnels et biologiques accessibles et de profil. Elle permet de constater une déformation de
en routine au clinicien ont peu évolué : la présence (ou celui-ci : sternum bombé en carène, rétraction intercostale,
absence) d'éosinophiles sanguins, les marqueurs d'allergie, parfois discrète, inférieure comme un coup de hache, signe
la mesure des fonctions respiratoires avant et après bron- d'une atteinte des petites bronches.
chodilatateurs sont utiles pour phénotyper l'asthme. À L'essoufflement est un signe à interpréter en fonction du
cela s'ajoutent certaines caractéristiques cliniques, comme contexte, et ne suffit pas à lui seul. Un enfant ayant des fonc-
le contrôle et la fréquence des exacerbations. À l'inverse, tions respiratoires normales n'a pas de raisons d'être essouf-
la compréhension de mécanismes cellulaires et de leurs flé. En observant le mode de respiration au repos, on peut
voies d'activation est à l'origine du développement de bio- rapporter cette dyspnée d'effort isolée à un asynchronisme
thérapies, dont la cible est l'asthme sévère. Cependant, sa respiratoire dû à une mauvaise utilisation du diaphragme, le
physiopathologie est également complexe au regard des patient creusant l'abdomen à l'inspiration.
nombreuses interactions (fig. 25.1). En général, l'examen clinique, dont l'auscultation, est peu
contributif en dehors des crises, et sa normalité n'élimine
pas le diagnostic.
Un diagnostic clinique chez l'enfant Un cliché thoracique de face est indispensable afin d'écar-
Le diagnostic est essentiellement clinique chez l'enfant et repose ter certaines pathologies pouvant mimer l'asthme.
sur l'interrogatoire. Les symptômes cardinaux sont les sibilants Bien que nécessaires, les fonctions respiratoires sont nor-
et la toux, dont la période de survenue doit être analysée. males dans environ 90 % des cas, leur normalité de nouveau
Une toux associée à l'asthme est une toux chronique ou n'élimine pas le diagnostic.
récurrente, survenant dans la nuit, sèche, avec une expres-
sion variable, de légère à incessante, et réveillant l'enfant. La
réponse de ces symptômes à un bronchodilatateur est un Recherche des comorbidités
argument diagnostique. et des facteurs favorisants
L'asthme induit par l'exercice se traduit par la survenue L'évaluation doit s'attarder à définir les antécédents de la
d'au moins un de ces symptômes à l'effort, et de façon très naissance à l'âge actuel, les facteurs associés à une expression
caractéristique, à l'arrêt de celui-ci. Il survient en général à précoce de maladies bronchiques (encadré 25.1), les anté-
la course, soit rapide comme la récréation, soit au contraire cédents familiaux d'asthme et les antécédents p ersonnels
à l'endurance. Il est fréquent et ne nécessite pas d'investiga- (dermatite atopique, épisodes de bronchiolite et leur gravité,
tions autres que l'interrogatoire. Les enfants, même jeunes, asthme du nourrisson), l'ancienneté des symptômes et du
Asthme
Sexe
Virus Allergie
Génétique
Antécédents
Tabac Immunité
Grossesse
Pollution
Poids de Sifflements
naissance Asthme
Migration
Prématurité
Infections Niveau
materno-fœtales Allergènes socio-économique
Suivi
du patient asthmatique
RÉPONSE
EFR ATOPIE
au traitement
Fig. 25.2 Phénotypage de l'asthme et trois exemples de phénotypes. L'asthme léger est le plus fréquent. CSI : corticostéroïdes inhalés ;
EFR : épreuves fonctionnelles respiratoires.
Chapitre 25. Pneumologie 657
Traitement de fond fort est très évocatrice. La survenue de sifflements est moins
Chez l'enfant et l'adolescent, l'objectif est le contrôle total fréquente, mais est aussi un symptôme clé. La question est
de l'asthme, la normalisation des fonctions respiratoires et systématique. Il se prévient par la prise de bronchodilatateurs
la prévention maximale des exacerbations. Les traitements de courte durée d'action avant le sport, les sports d'endu-
médicamenteux sont indispensables à l'obtention de ces rance étant les plus asthmogènes dans ce contexte. Il n'est pas
objectifs. Ils associent des médicaments de secours, en cas recommandé de faire du sport pendant les pics de pollution.
de symptômes, et souvent un traitement de fond, dès que
les symptômes intercritiques sont suffisamment importants.
Les corticoïdes inhalés (CSI) sont la pierre angulaire du
Traitement des comorbidités : allergie
traitement de fond. Traiter « le nez » (porte d'entrée de l'arbre respiratoire) relève
Tout asthme est associé à une inflammation bronchique, d'un traitement topique par corticoïdes en cas de rhinite.
favorisant la survenue d'exacerbations. Il est recommandé Le traitement de l'allergie est associé après avoir posé le
de proposer un traitement de fond comprenant au mini- diagnostic. Il repose essentiellement sur les antihistami-
mum un CSI, pour une durée minimale de 3 mois, dès niques, administrés toute l'année pour les allergènes peran-
l'asthme léger intermittent. Le traitement dure en pratique nuels, et en saisonnier pour les autres. La prise en charge de
souvent au moins 12 mois, sans interruption l'été. Ce point la problématique de logements humides ne repose que sur le
est important, car il diminue de 50 % le risque de refaire une déménagement.
crise en septembre, mois des épidémies de rhinovirus. La désensibilisation sublinguale est un traitement effi-
Les asthmes avec plus de 3 exacerbations/an relèvent cace, les trois plus fréquentes allergies étant pour acariens,
d'un traitement de fond, même s'ils n'ont pas de symptômes graminées et bouleaux. Ce mode d'administration est bien
entre ces épisodes. Le traitement de fond réduit le nombre toléré. L'indication actuelle est de proposer ce traitement, à
d'exacerbations, et préserve la fonction respiratoire. partir de l'âge de 5–6 ans, après avoir contrôlé partiellement
La stratégie thérapeutique est ascendante jusqu'au ou totalement l'asthme.
contrôle total de l'asthme, en augmentant les doses et associant
les bronchodilatateurs de longue durée d'action et/ou les anti-
leucotriènes, pour atteindre le contrôle total (tableau 25.2). Adaptation à domicile du traitement
Ne pas atteindre cet objectif, obtenu dans 95 % des cas, doit en cas d'exacerbation
poser question (tableau 25.2). Une nuance pour l'asthme
d'effort qui est le dernier symptôme à disparaître et ne jus-
tifie pas, quand il est léger à modéré, d'augmenter le traite- Exacerbation d'asthme (ou « crise »)
ment pour un équilibre bénéfice/risque.
Elle est définie par une modification de l'état habituel du
Une stratégie comprenant traitement de fond par une com- patient, suffisante pour nécessiter une visite médicale et/ou un
binaison corticothérapie inhalée/formotérol associée à une renforcement thérapeutique. Elle est caractérisée par une aug-
prise de ce même traitement en cas de symptômes a désor- mentation plus ou moins aiguë des symptômes (essoufflement,
mais l'AMM chez l'enfant de 12 ans et plus. Elle a le mérite de toux, wheezing, oppression thoracique) et une dégradation des
proposer un seul médicament pour le traitement de fond et fonctions respiratoires.
de secours, d'être efficace sur la réapparition récente de symp-
tômes (prodromes de survenue d'exacerbations) ou d'exacer-
bations légères, et de prévenir les exacerbations sévères. L'adaptation du traitement doit être rapide, dès les premiers
symptômes. Tous les enfants et adolescents, quel que soit leur
âge, doivent avoir un plan d'action écrit, dont le but est de
Prévention de l'asthme induit guider l'enfant ou sa famille pour reconnaître et traiter le plus
par l'exercice rapidement possible une aggravation de l'asthme. Il doit être
L'asthme induit par l'exercice doit être systématiquement individualisé, prenant en compte les propres m édicaments du
recherché chez l'enfant. Une toux survenant à l'arrêt de l'ef- patient et le niveau de contrôle. Il comprend :
■ les doses de médicaments de secours à utiliser ; Toute amélioration insuffisante d'une exacerbation à
■ l'éventuelle augmentation du traitement de fond pendant domicile justifie une évaluation médicale. La prise en charge
1 à 2 semaines ; d'une exacerbation d'asthme en soins primaires repose sur
■ les indications et les doses d'une corticothérapie orale ; l'administration répétée de BDCA et sur l'association rapide
■ les indications de recours à une consultation médicale d'une corticothérapie orale si elle n'avait pas été débutée à
urgente. domicile (fig. 25.3). Elle est traitée dans le texte suivant.
L'administration répétée toutes les 10–20 minutes de
bouffées d'un bronchodilatateur de courte durée d'action
(1 bouffée de 100 μg/2 kg de β2-mimétiques de courte durée Suivi
d'action, avec un maximum de 10 bouffées) est le traitement Il répond à la prise en charge globale ainsi que celle de l'évo-
de secours de 1re intention chez l'enfant de moins de 12 ans. lution de la maladie (fig. 25.4 et 25.5). Il est conseillé de
Dans le cadre d'un traitement de fond par une combinai- revoir l'enfant ou l'adolescent 3 mois après pour évaluer le
son formotérol/corticothérapie inhalée, chez un adolescent de traitement, puis de le suivre régulièrement (2 fois/an) s'il est
12 ans ou plus, le traitement de secours recommandé est ce contrôlé. La mesure des fonctions respiratoires est recom-
même traitement combiné pris à la demande. Un maximum mandée au moins 1 fois/an. L'utilisation du peak-flow peut
de 72 μg de formotérol est autorisé dans la journée. La persis- être utile en cas de crise ou d'asthme difficile à contrôler, et
tance de besoins élevés de prise de CSI/formotérol sur plusieurs en pratique rarement prescrite.
jours impose une évaluation médicale. Bien qu'actuellement La surveillance des effets secondaires aux traitements est
hors AMM, le récent GINA 2019 recommande également importante : essentiellement liés aux CSI, ils n'apparaissent
l'association CI-formotérol comme le traitement de secours que très rarement à des doses pédiatriques. La courbe de
de 1re intention à partir de 12 ans, dans toutes les situations croissance staturo-pondérale est indispensable, un inflé-
d'asthme. L'objectif affiché est de limiter l'utilisation isolée de chissement de la croissance staturale doit questionner sur le
β2-mimétiques de courte durée d'action (BDCA), qui est asso- rôle des CSI, selon la posologie et la molécule. Les compli-
ciée à un surrisque d'exacerbation sévère et de décès par asthme. cations locales existent, à type de toux, mycose, sensation de
Des corticoïdes per os doivent être associés en cas de non- soif ou raucité de la voix. Les bronchodilatateurs de courte
amélioration après 1 à 2 heures. Les molécules recomman- durée d'action ou de longue durée d'action avec une action
dées sont la méthylprednisolone (comprimés orodispersibles rapide (formotérol) peuvent provoquer des tremblements
se donnant à tout âge) ou la prednisolone, de 1 à 2 mg/kg/j, gênants. Les antileucotriènes sont connus pour provoquer
sans dépasser 40 mg, ou à défaut la bétaméthasone à 0,1 mg/ des cauchemars ou des céphalées. Face à ces effets secon-
kg/j mais qui est frénatrice de la surrénale, et ce pour une daires, le plus souvent on diminue les doses ou on change
durée la plus courte possible, au maximum 5 jours. de molécules.
GRAVITÉ
Facteurs de risque
Clinique – DEP – SpO2 – PvCO2
Fig. 25.3 Conduite thérapeutique devant une exacerbation. β2 : β2-mimétiques ; CS : corticostéroïde ; DEP : débit expiratoire de pointe ;
MV : murmure vésiculaire ; PvCO2 : pression veineuse partielle en dioxyde de carbone ; SC : sous-cutané ; SpO2 : saturation percutanée en oxygène.
Chapitre 25. Pneumologie 659
Symptômes
Exacerbations
Effets secondaires
Fonction respiratoire Diagnostic
Satisfaction du patient Contrôle des symptômes
Évaluer Facteurs des risque
la répon Fonction respiratoire
s
au traite e Évalue
men t r Techniques d'inhalation
l'asthm
e Adhésion/observance
Préférence du patient
Adapte
Traitement médicamenteux r le trait
ement
Traitement non pharmacologique
Traitement des facteurs de risque
(environnement)
Réévaluation à 3 mois
Environnement Observance
Amélioration du contrôle Amélioration du contrôle
Polyallergie/exacerbation
Omalizumab/biothérapies
Fig. 25.5 Résumé de la stratégie thérapeutique. AIE : asthme induit par l'exercice ; BDLA : bronchodilatateurs de longue durée d'action ;
CSI : corticostéroïdes inhalés ; VEMS : volume expiratoire maximal par seconde.
660 Partie II. Spécialités
Suspicion d'asthme
et/ou de rhinite allergique
Négatifs
Positifs et symptômes
Positif et symptômes Si discordance ou PT compatibles : diagnostic
Négatif
compatibles ininterprétables : dosage d'asthme et/ou de rhinite
IgE allergique confirmé
(= 2e intention)
Allergie probable :
Tests négatifs : allergie
Allergie peu probable adresser au spécialiste
peu probable
pour compléter le bilan
Fig. 25.6 Démarche diagnostique d'une allergie. IgE : immunoglobulines E spécifiques ; MG : médecin généraliste ; PT : prick-tests.
Chapitre 25. Pneumologie 663
secondaire à une allergie au pollen de bouleau. Devant des l'obstruction nasale. Des traitements locaux associant un
complications (troubles du sommeil, apnées obstructives corticoïde et un antihistaminique sont aussi disponibles (dès
du sommeil, difficultés d'apprentissage, etc.) ou des mani- 12 ans). Chez les patients (> 14 ans) présentant un asthme
festations atypiques (rhinite unilatérale, rhinite croûteuse, persistant léger à modéré traité par corticoïdes inhalés et
anosmie, douleur, etc.) ou encore de résistance à la prise insuffisamment contrôlé et associé à une rhinite allergique
en charge spécifique, une consultation spécialisée d'ORL saisonnière, les antileucotriènes (montélukast) peuvent être
s'avère nécessaire à la recherche d'une complication ou d'un utiles en association.
diagnostic différentiel. L'immunothérapie allergénique est une stratégie complé-
mentaire. Là encore, la voie sublinguale a supplanté la voie
Classification sous-cutanée. Proposée à partir de l'âge de 5 ans, en l'absence
La sévérité de la RA est classée selon les recommandations de contrôle de la RA par les thérapeutiques habituelles et en
ARIA (fig. 25.7). On distingue la RA légère de la RA modé- l'absence d'asthme sévère ou non contrôlé, son efficacité a
rée à sévère essentiellement en fonction du retentissement été montrée pour les acariens et les pollens. Il faut la pro-
sur la qualité de vie. Selon la présentation, on distingue aussi longer au moins 3 ans (traitement continu pour les acariens,
la RA intermittente ou persistante. Chez l'enfant, comme traitement pré et cosaisonnier possible pour les pollens).
dans l'asthme, les sensibilisations les plus fréquemment De plus, il existe un effet rémanent puisque le bénéfice peut
identifiées sont les acariens et les pollens. Elles peuvent évo- persister au-delà de 3 ans après un traitement de cette même
luer, se multiplier au fil du temps. Il peut donc être néces- durée. Enfin, l'immunothérapie pourrait avoir un rôle dans
saire de renouveler ces explorations en cas d'évolution ou de la prévention de l'asthme, comme l'ont montré des études
récidive des symptômes. pour la voie sous-cutanée (pollens) et plus récemment pour
le comprimé « graminées » chez des patients présentant une
rhinite allergique à cet allergène.
Traitement
Les mesures environnementales dépendent de l'allergène en
cause dans la RA. Au mieux, il s'agit d'une éviction de l'aller- Conclusion
gène (ex : animal). L'exposition aux acariens et surtout aux Maladie chronique très fréquente, l'asthme et la rhinite
pollens est beaucoup plus difficile à contrôler. touchent l'enfant dès le plus jeune âge et doivent être diag
Les traitements médicamenteux sont symptomatiques. Il nostiquées et traitées rapidement. Il faut tenir compte des
s'agit des antihistaminiques non sédatifs, utilisés sous forme spécificités pédiatriques à la fois dans la présentation, la
de sirop dès l'âge d'un an, qui sont indiqués en 1re intention stratégie thérapeutique, les objectifs. La prise en charge doit
dans la RA légère ou intermittente. Les corticoïdes nasaux, faire l'objet d'un partenariat entre le médecin traitant géné-
indiqués dès l'âge de 2 ans, sont recommandés dans la RA raliste ou pédiatre et le spécialiste. Le repérage des situations
modérée à sévère, et peuvent être associés à un antihista- d'asthme sévère ou difficile est essentiel et doit conduire à
minique. Leur efficacité est démontrée, en particulier sur un avis dans un centre spécialisé. Si un traitement de fond
Intermittent Persistante
• < 4 jours/semaine • > 4 jours/semaine
• < 4 semaines • > 4 semaines
Fig. 25.7 Classification ARIA (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma) de la sévérité de la rhinite allergique.
D'après Bousquet J, Van Cauwenberge P, Khaltaev N. Allergic rhinitis and its impact on asthma. J Allergy Clin Immunol. 2001 ; 108 (Suppl. 5) : S147-S33.
664 Partie II. Spécialités
conventionnel et raisonné permet dans la majorité des cas encore 851 décès par an en France en 2014, dont 10 chez des
d'obtenir le contrôle, il n'est pas toujours suffisant. Des enfants de moins de 15 ans.
stratégies thérapeutiques nouvelles, dans le cadre d'une L'exacerbation se caractérise par des symptômes aigus
prise en charge personnalisée, voient le jour, comme l'im- ou subaigus, ayant débuté depuis moins de 24 heures, d'am-
munothérapie ou – dans l'asthme sévère – les biothérapies. plitude suffisante pour justifier une intervention thérapeu-
Il faut aboutir à une prise en charge personnalisée tenant tique. Elle est définie comme sévère sur des critères cliniques
compte de l'ensemble des caractéristiques de l'asthme et (cf. ci-après) et si elle justifie un recours à la corticothérapie
des objectifs et inscrire le traitement dans la durée, l'enfant orale ou un recours à un service de soins d'urgence. Elle est
asthmatique devenant un adulte asthmatique. parfois inaugurale.
La prise en charge de l'exacerbation doit être analysée
comme un processus continu allant de l'instauration du
Crise d'asthme aiguë : prise traitement à domicile, par le patient lui-même ou sa famille
en charge en cabinet de ville avec un plan d'action écrit, au traitement de symptômes plus
sévères en médecine primaire jusqu'à la prise en charge dans
Aline Tamalet
un service d'urgences à l'hôpital si nécessaire (fig. 25.8). Il
existe des recommandations pédiatriques françaises déjà
anciennes pour le nourrisson de moins de 36 mois (HAS
Préambule 2009), pour l'enfant (GRAPP 2007), pour l'enfant de plus de
L'asthme est la maladie chronique la plus fréquente chez 12 ans et l'adulte (SPLF 2015). Des changements importants
l'enfant. Son évolution se caractérise par des exacerbations ont été proposés lors de la récente actualisation des recom-
qui représentent la principale cause d'hospitalisation chez mandations internationales (GINA 2019). L'autogestion de
les enfants (60 000 séjours hospitaliers enregistrés en 2015 la crise d'asthme à domicile, selon ces récentes recomman-
dont plus de la moitié chez les moins de 15 ans). On déplore dations, est abordée au début du chapitre 25.
Critères de sévérité
Absence de critères immédiats de sévérité
Gêne à la parole, agitation
Parle, pas d'agitation excessive
Pouls > 120/min (> 180–200/min si < 6 ans)
Pouls 100–120/min
FR > 30/min (> 40/min si < 6 ans)
Polypnée
Tirage intercostal et sus-sternal
Pas de tirage intercostal
Silence auscultatoire
SaO2 < 90 % (< 92 % si < 6 ans)
SaO2 ≥ 92 %
URGENT
Commencer le traitement
Aggravation TRANSFERT
BDCA ½ bouffée/kg, maximum 10 bouffées En commençant le traitement
toutes les 20 minutes pendant 1 heure Prednisone 1–2 mg/kg/j
SaO2 entre 93 et 95 %
Amélioration
Fig. 25.8 Prise en charge d'une crise d'asthme aiguë au cabinet. BDLA : bronchodilatateurs de longue durée d'action ; FR : fréquence respi-
ratoire ; SAO2 : saturation artérielle en oxygène.
Chapitre 25. Pneumologie 665
.
SaO2 (%) ≥ 95 0
Le diagnostic ne fait aucun doute devant une dyspnée
expiratoire avec des sibilants audibles à l'auscultation ou 92–95 1
des sifflements expiratoires audibles à distance. La présen- < 92 2
tation clinique est parfois moins typique et il faut évoquer Tirage Absent 0
ce diagnostic chez un enfant présentant une toux spastique sus-sternal
incessante ou des signes de lutte, un tirage intercostal et sus- Présent 2
sternal, une polypnée et un état d'agitation avec abolition du Tirage Absent 0
murmure vésiculaire (signe de gravité). intercostal
Présent 2
Il faut toujours évoquer les diagnostics différentiels en
Murmure Normal 0
recherchant à l'interrogatoire un contexte évocateur d'une
vésiculaire
inhalation d'un corps étranger, une sémiologie clinique évo- Diminution bases 1
catrice d'un syndrome d'hyperventilation ou d'une dyskiné- Diminution sommet et bases 2
sie laryngée paroxystique.
Absent 3
L anaphylaxie peut se manifester par une détresse res-
piratoire de type crise d'asthme. En cas de suspicion d'ana- Sibilants Absents 0
phylaxie, il faut procéder à un traitement immédiat par Expiratoires 1
adrénaline IM. Inspiratoires (± expiratoires) 2
Une radiographie thoracique n'est pas indiquée en
Audibles à distance ou silence 3
1re intention ; à moins de craindre une complication de type
auscultatoire
pneumothorax ou une pneumopathie bactérienne associée,
également si le contexte clinique évoque une suspicion de Score PRAM/12
corps étranger, et enfin en l'absence d'amélioration malgré Score 0–3 4–7 8–12
un traitement optimal. Sévérité Faible Modérée Sévère
■ Certains facteurs sont liés à l asthme : asthme instable du taux d'hospitalisation et une meilleure fonction respira-
avec augmentation récente des besoins en BDCA ou arrêt toire en cas d'utilisation de β2-agonistes en association avec
récent d'un traitement par corticoïdes oraux, antécédents le bromure d'ipratropium pendant la 1re heure par rapport
d'hospitalisation pour crise oxygénodépendante ou en aux β2-agonistes utilisés seuls. La posologie est de 0,25 mg
USI (unité de soins intensifs). pour un poids inférieur à 20 kg et de 0,5 mg au-delà. Aucun
■ D'autres facteurs sont liés au terrain : jeune âge (< 4 ans), essai clinique n'appuie l'utilisation d'ipratropium après la
polyallergie et/ou allergies alimentaires, troubles psycho- 1re heure chez les enfants.
sociaux ou contexte socio-économique défavorable.
■ Certains facteurs déclenchants sont associés à des crises Corticothérapie par voie orale
potentiellement plus sévères, comme les infections Toute crise d'asthme sévère d'emblée ou ne répondant pas
virales, en particulier le rhinovirus, les allergies alimen- rapidement à l'administration de BDCA justifie la prise
taires ou médicamenteuses. de corticostéroïdes par voie orale. Les stéroïdes peuvent
réduire le risque d'hospitalisation et le risque de récidive
après le traitement initial. La posologie recommandée est de
« En même temps » : prendre des dispositions
1 à 2 mg/kg/j (maximum 40 mg avant 12 ans et 50 mg après
pour un transfert 12 ans) de prednisone. On soulignera l'intérêt des formes
Si la crise est grave d'emblée, on ne doit pas rester seul mais orodispersibles pour la facilité de la prise.
contacter le Samu en donnant son identité, sa localisation, Ce traitement est plus efficace lorsqu'il est donné préco-
l'identité de l'enfant, le motif de l'appel, les mesures prises. cement. Dans une étude prospective portant sur 406 enfants
pris en charge pour une crise d'asthme modérée à sévère
« En même temps » : commencer le traitement (score PRAM), la prise des corticoïdes dans la 1re heure
est associée à une diminution significative du risque
d'hospitalisation.
En revanche, l'intérêt d'augmenter les doses des corti-
En cas de crise sévère d'emblée : instaurer le traitement par coïdes inhalés lors d'une exacerbation d'asthme reste discuté,
BDCA, donner précocement les corticoïdes par voie orale, tout et dépend probablement du niveau d'observance de base.
en organisant le transfert du patient.
Une étude pédiatrique portant sur 254 enfants de 5 à 11 ans
a néanmoins montré l'absence de différence sur le recours à
la corticothérapie orale pour traiter une exacerbation entre
β2-agonistes à courte durée d'action un groupe dans lequel on quadruplait la dose de corticoïdes
Le traitement de 1re intention de l'exacerbation d'asthme en inhalés (440 μg de fluticasone 2 fois/j) versus un groupe à
soins primaires repose sur l'administration de doses répétées dose stable (88 μg de fluticasone 2 fois/j).
de BDCA. Le salbutamol est le bronchodilatateur privilégié.
On favorise le couple aérosol doseur et chambre d'inhala- Évaluation de la réponse
tion : ce mode d'inhalation est au moins aussi efficace qu'un Il faut envisager une hospitalisation en présence de l'une ou
nébuliseur. Une étude récente confirme la non-infériorité l'autre des situations suivantes : crise sévère d'emblée, crise
du couple aérosols doseur et chambre d'inhalation aux oxygénodépendante, persistance de signe de lutte après
nébulisations effectuées avec un nébuliseur à délivrance ins- 1 heure de traitement. D'autres critères doivent être pris
piratoire (Breath actuated nebulizer). en considération comme le contexte socio-économique et
La dose recommandée pour du salbutamol 100 μg (à familial, la distance maison – hôpital, les comorbidités et
ajuster en fonction de la gravité de la crise et la réponse une crise d'asthme liée à une réaction d'anaphylaxie.
au traitement) est au maximum de 1 bouffée pour 2 kg En cas d'amélioration clinique avec fréquence respiratoire
de poids avec un maximum à 10 bouffées, toutes les 10 à inférieure à 30/min pour un enfant de plus de 5 ans, l'absence
20 minutes sur une heure. Chez les patients qui ont une crise de signe de lutte, une SaO2 supérieure à 94 %, on peut pré-
grave d'emblée, l'administration en nébulisation continue de parer le retour du patient à domicile. On doit revoir avec lui
β2-agonistes (à la posologie de 0,3 mg/kg/h) peut avoir un et la famille la bonne compréhension du plan d'action et des
meilleur effet bronchodilatateur, plus prolongé qu'un traite- signes de gravité d'une crise d'asthme, la bonne compréhen-
ment intermittent. Le salbutamol provoque des effets secon- sion de l'ordonnance de sortie et des techniques d'inhalation.
daires dont la tachycardie, l'hyperglycémie, l'hypokaliémie,
qui sont généralement bien tolérés. 3e temps : prescription de sortie
La terbutaline – système Turbuhaler™ (500 μg/inha-
lation) est utilisable après l'âge de 6 ans à la posologie de ■ Continuer à administrer un BDCA à la demande. Les
0,5 mg (1 inhalation)/10 kg avec un maximum de 5 inhala- protocoles proposés sont nombreux et non formellement
tions. Elle existe aussi sous forme injectable, pour les crises validés. Il est sûrement raisonnable de proposer au moins
sévères, à la posologie de 0,01 mg/kg après 2 ans (ampoules 3 à 4 administrations systématiques pour les 48 heures
de 0,5 mg/1 mL). suivantes, associées aux prises à la demande.
■ Administrer un traitement de stéroïdes par voie orale
(prednisolone : 1 à 2 mg/kg/j, maximum 60 mg) pendant
Anticholinergiques une durée totale de 3 à 5 jours.
Le bromure d'ipratropium peut être un traitement d'appoint ■ Instauration éventuelle d'un traitement de fond. Elle est
aux β2-agonistes. Certains essais montrent une diminution le plus souvent justifiée après une crise d'asthme sévère
Chapitre 25. Pneumologie 667
.
Une exacerbation d'asthme est l'occasion de revoir avec Corticoïde Dose quotidienne
l'enfant et sa famille la gestion de cette exacerbation à Faible Intermédiaire Forte
domicile, et d'actualiser le plan d'action écrit. Celui-ci répertorie
Béclométasone
pour l'enfant et la famille les signes cliniques qui doivent faire
évoquer une crise d'asthme débutante et doit leur permettre – Nébulisée 400 μg 2 fois/j 800 μg 2 fois/j
de savoir instaurer le traitement de la crise d'asthme avec les – Inhalateur
bonnes posologies et les bonnes techniques d'inhalation, et de doseur 50,
repérer les signes de gravité ou d'aggravation d'une crise qui 250 μg/
justifient une consultation et les personnes à contacter. bouffée
250 μg/j en 1 500 μg/j en 1 1 000 μg/j en 1
– Inhalateur
ou 2 prises ou 2 prises ou 2 prises
poudre sèche :
(ayant justifié la prise de stéroïdes oraux) pour une durée 100, 200,
minimale de 3 mois. Le traitement de fond préexistant à 250, 400 μg/
l'exacerbation doit être ajusté le cas échéant. inhalation
Concernant l'éducation thérapeutique, il est indispen- Budésonide
sable d'avoir validé que les techniques d'inhalation des – Nébulisé 500 μg 2 fois/j 1 000 μg 2 fois/j
médicaments prescrits sont acquises, et que le plan d'action
– Inhalateur
écrit (encadré 25.4) est parfaitement bien compris par le doseur 100,
patient et sa famille. 200 μg/
Il est recommandé de prévoir une consultation une bouffée
200 μg/j en 1 400 μg/j en 800 μg/j en
semaine après afin de s'assurer de la bonne évolution de la – Inhalateur
ou 2 prises 2 prises 2 prises
crise, faire le bilan de l'asthme et de l'environnement, mettre poudre
en place ou ajuster le traitement de fond et revoir le plan sèche : 100,
200, 400 μg/
d'action écrit en cas de crise. bouffée
Fluticasone
Il est important de revoir l'enfant au décours pour actualiser le – Inhalateur
plan d'action en cas de crise. doseur 50,
125, 250 μg/ 200 μg 2 fois/j
bouffée (> 4 ans)
50 μg 2 fois/j
– Inhalateur 100 μg 2 fois/j > 100 μg/j
Quand adresser l'enfant poudre
(> 1 an)
2 fois/j
chez un spécialiste ? sèche 100, (1–4 ans)
200, 500 μg/
Il est nécessaire d'orienter le patient chez un spécialiste inhalation
(pneumopédiatre) s'il présente des crises d'asthme à répé-
tition, s'il a eu une crise d'asthme sévère avec passage en
USI, si l'asthme est instable justifiant une augmentation
des doses de corticoïdes inhalés au-delà du seuil des doses Une démarche diagnostique par étapes permet de préciser
considérées comme faibles à intermédiaires (tableau 25.4). l'organicité ou non de la dyspnée. Elle repose sur un bon
Un bilan allergologique est nécessaire pour tout asthme interrogatoire et 2 examens clés : une radiographie du thorax
chez un enfant de plus de 3 ans, ainsi qu'une surveillance, et une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) complète.
au minimum une fois par an, de la fonction respiratoire par Si aux termes de ce 1er bilan, aucun diagnostic n'a été retenu,
une exploration fonctionnelle respiratoire. une épreuve d'effort cardiopulmonaire doit être demandée pour
reproduire le symptôme.
Dyspnée d'effort
Chantal Karila
Quantification
La quantification de la dyspnée se fait grâce à une échelle
Préambule visuelle analogique, gradée de 0 (aucun essoufflement)
à 10 (asphyxie), permettant aussi de vérifier l'impact des
La « gêne à l'effort » prend différentes expressions (oppression interventions thérapeutiques proposées. L'importance de la
thoracique, manque d'air, etc., essoufflement vécu comme dyspnée n'est pas toujours proportionnelle à la difficulté de
anormal), regroupées sous le terme de dyspnée d'effort, sen- l'exercice ou à la gravité de la pathologie sous-jacente.
sation subjective, avec laquelle l'environnement physique,
psychique et social interagit. La dyspnée est le plus souvent
décrite chez l'adolescent. L'absence de dyspnée d'effort ne
signifie pas l'absence d'essoufflement qui, lui, est physiolo-
Interrogatoire
gique, lié à l'augmentation du débit ventilatoire avec l'effort. Il précise les conditions de survenue de la dyspnée.
668 Partie II. Spécialités
.
dent d'épisode dyspnéique sévère. De même, on précise le Paramètre BIE + BIE–
moment de survenue de la dyspnée par rapport à l'intensité Symptômes Dyspnée « Gêné, essoufflé,
et à la durée de l'effort effectué. Toux ne court pas assez
Compte tenu de la fréquence de l'asthme dans la popu- Sifflements vite », air bloqué,
lation pédiatrique, une gêne à l'effort survenant à l'arrêt difficulté à faire
pénétrer ou à vider
de l'effort doit faire évoquer un bronchospasme induit
l'air, douleur
par l'exercice (BIE). Le BIE est défini comme un syndrome
clinique, lié à une obstruction bronchique transitoire, Timing Après l'arrêt de Pendant l'effort
l'effort
consécutive à un exercice physique (intense), survenant
habituellement après l'arrêt de l'effort. Type d'exercice Exercice intense Exercice modéré
Les dyspnées survenant en début d'effort ou rapidement (échauffement,
après quelques minutes d'effort, comme lors des courses 1er tour de terrain,
etc.)
d'échauffement, pendant les séances d'éducation physique et
sportive à l'école, le débit ventilatoire étant encore modéré, Réponse Bonne Incomplète
sont le plus souvent bénignes. Elles surviennent souvent aux β2-mimétiques
chez un enfant peu sportif, qui court d'emblée trop rapi- Niveau Souvent sportif Souvent peu
dement et dont la coordination ventilatoire et motrice est d'entraînement (club) ou pas sportif
mauvaise. À l'inverse, une dyspnée après un effort prolongé physique (pas de pratique
extrascolaire)
mérite un bilan plus approfondi.
L'auscultation cardiaque au repos est obligatoire. Au
Intensité de l'effort moindre doute, si l'enfant ressent un trouble du rythme, des pal-
pitations, une douleur thoracique, a eu un malaise ou une syn-
On précise l'intensité d'effort qui génère la dyspnée. En effet,
cope à l'effort et surtout s'il est un athlète ou un sportif de bon
l'intensité de la dyspnée augmente progressivement avec le
niveau (participant à des compétitions), une échographie car-
niveau de ventilation pendant l'exercice et l'on peut consi-
diaque doit être demandée. Chez l'enfant athlète, on redoute la
dérer une dyspnée comme « quasi normale » lors d'efforts
« mort subite », par cardiomyopathie hypertrophique.
intenses.
L'auscultation pulmonaire au repos est rarement contri-
La problématique diagnostique repose sur la distinction
butive, en dehors d'une pathologie respiratoire connue.
entre un essoufflement physiologique et une dyspnée d'ef-
On doit interroger l'enfant sur un bruit audible pendant
fort. Les efforts endurants, longs et peu intenses, sont plus
l'effort, concomitant de la dyspnée. Un bruit inspiratoire,
souvent responsables de dyspnée que les exercices brefs et
comme un stridor, évoque une pathologie extrathoracique
intenses.
et justifie un examen ORL ; un bruit expiratoire, comme des
Quand l'enfant pratique un sport technique (tennis
sifflements, évoque une cause intrathoracique.
de table, escalade, etc.), il est important de connaître
son niveau dans l'activité physique. Un bon niveau tech-
nique, lié à une pratique ancienne, permet de considérer Examens indispensables
l'activité comme suffisamment intense pour générer un
essoufflement ; à l'inverse, l'enfant qui débute s'arrête Deux examens sont obligatoires : une radiographie du tho-
fréquemment faute de technicité, et ne fournit pas un rax et une EFR de repos avec test de réversibilité.
effort suffisamment intense pour être essoufflé ou
dyspnéique.
Enfin, on vérifie si la dyspnée survient dans un contexte Un diagnostic d'asthme ne peut être posé sans radiographie
du thorax et sans mesure de la fonction respiratoire de repos,
de compétition, où l'anxiété et le stress peuvent déclencher
même si des sifflements sont audibles et associés à la dyspnée.
ou amplifier le symptôme, qui ne serait pas présent lors
d'une séance d'entraînement.
Le tableau 25.5 résume les éléments de l'interrogatoire
orientant ou non vers un BIE. Épreuve d'effort cardiopulmonaire
Si ce 1er bilan est négatif, on demande une épreuve d'effort
Signes cliniques et symptômes cardiopulmonaire (EFX), avec mesure des échanges gazeux
associés et de la consommation maximale en oxygène. L'EFX permet
de reproduire la dyspnée d'effort et d'évaluer les adaptations
Une dyspnée ressentie au repos est le plus souvent patholo- cardiocirculatoires, ventilatoires ou musculaires périphé-
gique. Une cyanose ou une toux sèche évoquent une patho- riques à l'effort. L'exercice réalisé est maximal, ce qui permet
logie interstitielle. Une pâleur ou une tachycardie orientent de repérer des symptômes ou des anomalies de fonctionne-
vers une anémie, et doivent faire prescrire une NFS. ment non présents au repos.
Chapitre 25. Pneumologie 669
Un éventuel diagnostic de dyspnée « symptôme révéla- Une toux et une tachypnée avec « poitrine qui serre » sont
teur » d'une pathologie sous-jacente peut alors être posé. parfois présentes ; il n'y a pas de sifflements. De très nom-
À l'inverse, en l'absence d'anomalies de l'EFX, on parle de breux autres symptômes peuvent être présents, notamment
dyspnée « physiologique ». en dehors de l'effort : céphalées, mains moites, asthénie, etc.
ayant parfois entraîné une surmédicalisation.
Principales causes Si des gaz du sang étaient prélevés en fin d'EFX, on
constaterait une augmentation brutale du pH et une hypo-
Chez l'enfant n'ayant pas de pathologie sous-jacente, et dont capnie, anomalies qui durent plusieurs minutes après l'arrêt
la radiographie du thorax et l'EFR de base sont normales, de l'effort. Il faut surtout écouter l'enfant : au-delà du 1er seuil
la dyspnée d'effort révèle quelques rares pathologies spéci- ventilatoire, avec l'augmentation du débit ventilatoire, on
fiques : un BIE dans 10–15 % des cas et, dans la très grande observe une respiration qui devient bruyante et trop ample,
majorité des cas, une simple inadaptation à l'effort. On un enfant qui devient anxieux, qui souvent ferme les yeux.
observe alors deux profils : Il faut le rassurer, l'obliger à se concentrer sur son pédalage
■ des adaptations à l'effort « subnormales », avec un faible et surtout l'aider à finir l'épreuve d'effort. Il verra ainsi que
conditionnement physique. Ces enfants décrivent une dys- cette « hyper » ventilation n'est pas grave et ne nécessite pas
pnée pour tout type effort, ont un surpoids et sont anxieux, un arrêt brutal de l'exercice en cours.
ont parfois eu un précédent épisode dyspnéique « sévère » ;
■ des adaptations à l'effort normales, avec un bon condi-
tionnement physique. Aucune pathologie ne permet
d'expliquer la dyspnée, que l'on peut considérer comme L'asthme sévère est souvent associé à un SHV ou à un DCV,
« physiologique ». Ces enfants décrivent une dyspnée mais SVH et DCV sont aussi des diagnostics différentiels de la
dyspnée d'effort de l'asthme sévère.
d'effort pour des efforts endurants. Il s'agit soit d'enfants
sportifs et/ou d'un contexte de compétition, soit de
jeunes enfants avec une respiration « anarchique ».
Obésité
Dyspnée d'effort de l'enfant asthmatique Chez l'enfant obèse, le coût énergétique de la ventilation est
L'enfant asthmatique se plaint souvent d'être essoufflé à élevé, au détriment du travail musculaire. Ce coût énergé-
l'effort, malgré un traitement de fond pris régulièrement. tique élevé s'explique à la fois par une « rigidité » relative du
Cet essoufflement traduit l'hyperventilation relative, c'est- thorax, par le surpoids thoracoabdominal (« effet gaine »),
à-dire l'augmentation du débit ventilatoire quelle que soit par un degré d'hyperventilation relative et, souvent aussi,
l'intensité de l'exercice. Il en découle : une sensation de par un faible conditionnement physique (peu/pas d'activités
dyspnée disproportionnée par rapport à l'effort fourni, un physiques pratiquées).
mauvais rendement ventilatoire (une partie de l'oxygène
capté pour les muscles squelettiques étant détournée au pro-
fit des muscles respiratoires), et ainsi une augmentation de Et si la dyspnée d'effort était
la possibilité de développer un asthme induit par l'exercice, « normale », physiologique
l'hyperventilation étant le mécanisme princeps actuellement
reconnu de cette hyperréactivité d'effort. Le plus fréquemment, la dyspnée d'effort n'est pas patholo-
Il faut distinguer la dyspnée d'effort qui est présente pen- gique. Elle traduit seulement un ressenti anormal de l'aug-
dant l'exercice et qui traduit souvent cette hyperventilation mentation physiologique de la ventilation avec l'effort. Ce
relative, du BIE qui survient à l'arrêt de l'effort. ressenti est favorisé par le peu de pratique physique notam-
ment en club sportif, ou l'anxiété. Mais la dyspnée, multi-
Dysfonctionnement factorielle, peut survenir également chez un enfant sportif,
traduisant une inadaptation temporaire de la ventilation
des cordes vocales (DCV) d'effort.
Le DCV consiste en une fermeture (adduction) des cordes Le déconditionnement physique est exceptionnel
vocales à l'inspiration, qui se traduit par un bruit inspira- chez l'enfant non malade. Au cours d'une EFX réalisée
toire de stridor. Il est important d'écouter l'enfant respirer pour exploration d'une dyspnée d'effort, on observe par-
pendant l'EFX. Un phénotype possible est celui d'adoles- fois, malgré un test d'effort maximal, des résultats « sub-
cents athlètes, présentant un DCV uniquement à l'effort, normaux ! ». On constate que l'enfant est peu actif ou peu
pendant les compétitions en aérobie. sportif (ou jeune), sa ventilation est « anarchique », il uti-
La spirométrie (diminution des débits inspiratoires) et lise les muscles respiratoires accessoires, se met parfois en
la fibroscopie bronchique (visualisation de l'adduction des apnée, le rendement ventilatoire est faible. Sa fréquence
cordes vocales) confirment le diagnostic. cardiaque augmente très rapidement dès le début du péda-
lage et avec l'incrément de charge. Il a du mal à maintenir
Syndrome d'hyperventilation (SHV) le rythme de pédalage imposé et est souvent plus fatigué
La dyspnée d'effort par SHV survient le plus souvent un que dyspnéique. On parle alors plutôt de faible condition-
contexte d'anxiété, chez des enfants ayant eu une expérience nement physique ou de manque d'entraînement physique.
d'accidents respiratoires sévères (réanimation, etc.) ou des Toutes ces « inadaptations » d'effort participent à l'essouf-
athlètes. flement du patient.
670 Partie II. Spécialités
Dyspnée d'effort
Bruit Bruit
Aucun bruit
inspiratoire expiratoire
Asthme Subnormale
Dysfonctionne Pathologie Syndrome
non contrôlé Pathologie Anémie
ment des cardio- d'hyperve Limitation Normale Obésité
ou induit interstitielle sévère
cordes vocales vasculaire ntilation physiologique
par l'exercice
Adolescent Atopie Autres signes – Cardiomyopathie Autres signes : Adolescent Terrain anxieux, Sportif Mécanismes
Terrain anxieux Wheezing, respiratoires : hypertrophique pâleur, Terrain anxieux, peu/pas actif, Effort endurant – Surcoût énergétique
Aplatissement symptômes hippocratisme Enfant sportif tachycardie sportif surpoids, Compétition de la dépense
inspiratoire nocturnes digital – Tachycardie Syndrome Tachypnée antécédent Ou – Hyperréactivité
de la courbe Dyspnée à l'arrêt TVO restrictif supraventriculaire hémorragique Symptômes extra- d'accident Jeune enfant bronchique
débits-volumes de l'effort, air froid aux EFR, altération FC > 180/min, respiratoires dyspnéique sévère Respiration – Déconditionnement
Adduction et sec de la DLCO brutale et persistant (céphalées, Tout type d'effort « anarchique » physique
des cordes vocales TVO Hypoxémie > 10 minutes après paresthésies, EFR normales EFR normales
à la fibroscopie réversible/réponse à l'exercice arrêt palpitations)
aux BD
Fig. 25.9 Démarche diagnostique devant une dyspnée d'effort chez l'enfant. BD : bronchodilatateur ; DLCO : diffusion du monoxyde de
carbone ; ECG : électrocardiogramme ; EFR : exploration fonctionnelle respiratoire ; FC : fréquence cardiaque ; NFS : numération formule sanguine ;
TDM : tomodensitométrie ; TVO : trouble ventilatoire obstructif.
La dyspnée est une perception difficile de la respiration. encore pourquoi et comment on peut être essoufflé à l'effort.
L'anxiété est un facteur de majoration de la dyspnée, indé- On peut montrer à l'enfant les courbes d'augmentation de la
pendamment de toute pathologie. ventilation avec l'effort. Ainsi, la « démystification » de cette
ventilation suffit très souvent à faire disparaître le symptôme.
Démarche diagnostique On peut aussi apprendre à l'enfant la respiration contrôlée
abdomino-diaphragmatique, qui permet l'utilisation préfé-
Elle est résumée dans l'algorithme décisionnel présenté en rentielle du diaphragme au détriment des muscles accessoires,
figure 25.9. améliorant ainsi le rendement ventilatoire et diminuant l'hy-
En pratique, on peut conclure qu'à l'exception de quelques perventilation relative et la sensation de dyspnée.
causes rares, la dyspnée d'effort de l'enfant n'est pas grave. Enfin, on peut proposer à un enfant très inquiet, chez
Elle n'est pas proportionnelle au conditionnement physique lequel la dyspnée a eu pour conséquence l'arrêt de toute
de l'enfant et est souvent majorée par l'anxiété. activité physique ou sportive, de participer à un programme
Il est important de souligner que malgré la prévalence de réhabilitation respiratoire.
élevée de l'asthme, toutes les dyspnées de l'enfant ne sont
pas de l'asthme ! Il faut se méfier des asthmatiques qui ne
répondent pas aux traitements bronchodilatateurs bien pris.
Toux chronique1
Prise en charge Grégoire Benoist, Guillaume Thouvenin
La normalité du bilan et de l'EFX rassure l'enfant et sa La toux « traînante » est un motif fréquent de consultation en
famille. La réalisation possible d'un effort maximal sans pédiatrie. Ce « Pas à pas » présente l'approche d iagnostique
conséquences graves, que l'enfant soit dyspnéique ou non,
permet souvent de dédramatiser le ressenti et d'éviter l'esca- 1
D'après Benoist G, Thouvenin G. Toux chronique de l'enfant.
lade des examens. Perfectionnement en pédiatrie. Pas à pas 2019. Arch Pediatr.
Il est utile d'expliquer les relations entre le cœur, la venti- 2019 ; 2 (sup. 1) : S51-S59. Les numéros des intertitres suivants
lation, le muscle périphérique et la performance physique, ou correspondent aux étapes de la figure 1.11.
Chapitre 25. Pneumologie 671
que doit avoir le clinicien chez un enfant (nouveau-né et à l'alimentation, des malaises avec cyanose, une dyspnée
nourrisson exclus), reposant avant tout sur l'anamnèse et aux deux temps, un wheezing ou un stridor permanent, un
le cliché thoracique de face. Les enjeux sont d'argumenter encombrement bronchique permanent, une limitation des
avec rigueur les diagnostics les plus fréquents, et de ne pas activités ou un retentissement sur le sommeil, un retard de
méconnaître des causes plus rares grâce à l'identification de croissance, des infections répétées et/ou sévères, un souffle
signes d'alerte et un suivi adapté. cardiaque, une déformation thoracique, un hippocratisme
digital.
Démarche diagnostique
➍ Deuxième étape diagnostique :
➊ Quand parler de toux chronique ? cliché thoracique de face
Il n'existe pas de consensus pédiatrique français sur la défini-
En cas de toux persistante au décours d'un épisode infec-
tion et la prise en charge d'une toux chronique. Dans la litté-
tieux, une réévaluation de l'état clinique ainsi que l'expé-
rature, la durée de symptomatologie permettant de définir la
rience du clinicien permettent le plus souvent d'éviter des
toux chronique chez l'enfant est de plus de 4 semaines pour
explorations inutiles. Néanmoins, une toux aiguë prolongée
l'American College of Chest Physicians, et plus de 8 semaines
(> 3 semaines) qui ne s'améliore pas et devient plus sévère
pour la Bristish Thoracic Society. La variabilité de ces défini-
peut requérir des investigations plus précoces. En cas de toux
tions est avant tout reliée au temps « attendu » de résolution
durant plus de 8 semaines, le cliché thoracique de face (pro-
d'une toux post-infectieuse. Les recommandations anglaises
fil non utile) en inspiration (et expiration en cas d'asymétrie
proposent ainsi une forme clinique intermédiaire entre la toux
auscultatoire ou de doute sur un antécédent de syndrome de
aiguë (< 3 semaines) et la toux chronique, appelée toux aiguë
pénétration) est systématique, même en l'absence de signes
prolongée, dont la durée est comprise entre 3 et 8 semaines.
d'alerte. En cas d'orientation clinique évidente pour une
Chez le jeune enfant, des infections des voies aériennes récidi-
cause spécifique de toux, un bilan ciblé permet de confirmer
vantes et rapprochées peuvent donner l'impression de signes
le diagnostic et de commencer la prise en charge adéquate
continus. Il est fréquent également d'observer une toux pro-
(cf. ➏). En cas de signes d'alerte clinique et/ou d'anomalies
longée durant quelques semaines après une infection banale
radiographiques, un avis spécialisé doit être demandé afin
des voies aériennes supérieures ou inférieures.
de prévoir un bilan paraclinique plus exhaustif (cf. ➐).
➋ Première étape diagnostique :
anamnèse et examen clinique rigoureux ➎ Absence d'orientation clinique,
Les principales données anamnestiques d'orientation sont : de signes d'alerte et d'anomalie
l'âge de l'enfant, le caractère de la toux (sèche, grasse), les radiographique
horaires (matin, endormissement, nuit) et ses modalités évo- En cas de durée de toux supérieure à 8 semaines avec des pre-
lutives (continue, récurrente avec intervalles libres), les fac- mières évaluations rassurantes, on peut proposer un bilan
teurs déclenchants retrouvés (infection inaugurale, lieu/saison de débrouillage : courbe débit-volume avec test de réversibi-
spécifique ou caractère perannuel, décubitus), l'association à lité, enquête allergologique et avis ORL. En effet, parmi les
un wheezing ou des symptômes oto-rhino-laryngologiques causes souvent rapportées dans la littérature internationale,
(ORL). Le retentissement de la toux pour l'enfant et son entou- on retrouve l'asthme (ou toux équivalente d'asthme), la rhi-
rage doit être évalué. Il faut demander la réponse clinique à nosinusite et la rhinite chronique (allergique ou non).
d'éventuels traitements (salbutamol, antibiothérapie). L'envi-
ronnement de l'enfant doit être apprécié : mode de garde, taba-
gisme parental, présence d'un animal, conditions de logement,
➏ Orientation diagnostique
contage intrafamilial. Les conditions de naissance (terme, vers une toux spécifique
détresse respiratoire néonatale) doivent être précisées, de L'anamnèse, l'examen clinique ou le bilan de débrouillage
même que l'existence d'une atopie et de maladies pulmonaires précédent ont permis d'argumenter une cause spécifique
sur le plan familial. L'évaluation clinique est centrée sur l'iden- de toux. Celle-ci doit être confirmée par le bilan dédié, et
tification de bruits respiratoires (stridor, wheezing), l'ausculta- traitée.
tion (sibilants, souffle), l'analyse du thorax (déformation) et ■ L'asthme est un diagnostic fréquent mais à argumen-
l'examen de la sphère ORL (obstruction nasale, hypertrophie ter avec rigueur. La sémiologie respiratoire peut être
amygdalienne), la peau (eczéma), sans oublier la croissance et typique : présence de sifflements, récurrence des signes,
l'état nutritionnel, ainsi que la recherche de signes généraux. facteurs déclenchants identifiés (infections virales, effort,
Souvent, l'enfant ne tousse pas au moment de la consultation allergène, stress, etc.), survenue nocturne ou au petit
et l'examen clinique est normal. Une vidéo enregistrée sur matin, réponse aux β2-mimétiques. Rarement, la toux est
le smartphone d'un parent peut parfois aider à identifier le le seul symptôme. Le Global Initiative for Asthma (GINA)
timbre de la toux et d'éventuels signes d'accompagnement. rappelle qu'il est alors essentiel de tenter de documenter
la variabilité de la fonction respiratoire par un test de
provocation d'hyperréactivité bronchique en cas de toux
➌ À rechercher à chaque consultation : sèche isolée.
signes d'alerte ■ Le syndrome de rhinorrhée postérieure est relié aux
Ces signes d'alerte sont : un antécédent de syndrome de diagnostics de rhinosinusite et rhinite chronique (aller-
pénétration, l'existence de fausses routes ou de dyspnée gique ou non).
672 Partie II. Spécialités
– Une sinusite chronique entraîne un écoulement nasal ■ En cas de toux grasse : une antibiothérapie pour une
mucopurulent avec jetage postérieur. La rhinoscopie durée de 2 semaines (pouvant parfois être prolongée à
peut retrouver du pus au niveau des fosses nasales et 4 semaines après avis spécialisé) est prescrite, par exemple
des méats sinusiens. La radiographie des sinus n'est pas amoxicilline et acide clavulanique. Cette attitude est
recommandée ; le scanner n'est indiqué qu'après avis spé- proposée par les Anglo-Saxons, dans l'hypothèse d'une
cialisé, et des images d'épaississement muqueux peuvent bronchite bactérienne persistante. Cette entité est évoquée
être retrouvées sans signification pathologique. Il est chez des enfants habituellement âgés de moins de 6 ans,
cependant réalisé lorsqu'on suspecte une dilatation des ayant une toux de durée supérieure à 4 semaines, pro-
bronches et il faut donc bien analyser le cliché thoracique. ductive, continue (à différencier d'épisodes récidivants)
– Une rhinite allergique occasionne une rhinorrhée et isolée (absence de rhinite, aucun signe d'alerte clinique
claire, un prurit endonasal, des éternuements, avec un ou radiographique). Le cliché thoracique peut retrouver
caractère saisonnier ou non. La muqueuse nasale est un épaississement péribronchique. Les examens cyto-
œdémateuse. Une enquête anamnestique complétée bactériologiques des crachats (ECBC) sont souvent peu
de prick-tests est utile. contributifs. Après antibiothérapie probabiliste, une
■ Les toux (post-)infectieuses (hors pneumonies) sont résolution durable de la toux est en faveur du diagnostic,
souvent de diagnostic difficile dans le délai de toux chro- mais peut aussi être due à une évolution spontanément
nique. Par exemple, la coqueluche ne peut être confirmée favorable. En cas de persistance de la toux, d'apparition
après 3 semaines d'évolution de la toux car la Polymerase de signes d'alerte ou de rechute(s), un avis spécialisé est
Chain Reaction (PCR) nasopharyngée est alors mise en indispensable afin de ne pas méconnaître une autre cause
défaut ; il faut penser toutefois à la réaliser chez d'éven- (cf. ➐).
tuels cas secondaires. ■ En cas de toux sèche : un corticoïde inhalé est prescrit.
■ Le reflux gastro-œsophagien (RGO) a trop souvent été Une réévaluation à 6 semaines est programmée. En cas
incriminé comme cause de toux chronique, à l'instar d'un d'échec après analyse de l'observance et des techniques
grand nombre de manifestations extradigestives. Il faut d'inhalation, le bilan est poursuivi (cf. ➐). En cas de
réinsister sur la nécessité de faire la preuve par pH-métrie bonne réponse apparente, la reprise de la toux après
de la réalité d'un RGO acide, son existence ne prouvant 3 mois de traitement renforce le diagnostic de toux équi-
pas le lien de cause à effet, mais rendant plus « licite » la valent d'asthme. En l'absence de rechute, le diagnostic de
prescription d'un test thérapeutique par inhibiteur de la toux post-infectieuse peut expliquer la toux sèche pro-
pompe à protons, avec essai d'arrêt pour apprécier une longée observée.
éventuelle rechute des signes.
Le SAOS peut également se voir chez l'enfant obèse (on SAOS chez tout enfant qui présente un TDAH. Une amé-
parle alors de SAOS de type 2) et en cas de malformations lioration des troubles neurocognitifs est observée après le
maxillo-craniofaciales ou des voies aériennes supérieures traitement du SAOS dans la très grande majorité des cas.
(on parle alors de SAOS de type 3 ou de SAOS « complexe »).
Un SAOS doit ainsi être systématiquement recherché en Morbidité cardiovasculaire
cas de craniofaciosténose, achondroplasie, hypoplasie ou
Les conséquences cardiovasculaires d'un SAOS sont très
microsomie faciale, syndrome de Pierre Robin, mucopoly-
bien décrites chez l'adulte avec un risque accru d'hyperten-
saccharidose, trisomie 21 ou syndrome de Prader-Willi. La
sion artérielle, d'infarctus, d'accident vasculaire cérébral et
prévalence du SAOS est plus élevée dans les SAOS de type 2
d'athérosclérose. Chez l'enfant, probablement du fait d'une
et 3 avec la possibilité d'une survenue à tout âge et un SAOS
chronicité moindre, la morbidité cardiovasculaire est moins
généralement plus sévère (tableau 25.6).
importante. Mais il a été bien montré que les épisodes répé-
tés d'obstruction des voies aériennes sont associés à une
Conséquences hyperactivation sympathique avec une augmentation de la
fréquence cardiaque et de la pression artérielle.
Le SAOS est associé à des perturbations essentiellement
neurocognitives et comportementales, mais aussi cardiovas- Syndrome métabolique
culaires et métaboliques, qui sont très variables d'un enfant
à l'autre. Il est important de souligner qu'il n'existe pas de L'association du SAOS à un syndrome métabolique a été
corrélation entre la sévérité du SAOS, évaluée par l'index bien démontrée chez l'adulte. Chez l'enfant, on a pu mettre
d'apnées et d'hypopnées (IAH) sur la polysomnographie en évidence une dysrégulation glucidique et lipidique qui
(PSG), et l'importance des troubles neurocognitifs. Une s'améliore sous traitement, mais de façon moindre chez l'en-
susceptibilité liée à l'âge, au terrain, mais aussi la durée et la fant obèse. Comme pour la morbidité cardiovasculaire, les
sévérité du SAOS peuvent expliquer ces différences. Même si conséquences à l'âge adulte d'un SAOS dans l'enfance non
la morbidité associée au SAOS est bien décrite chez l'enfant, ou insuffisamment traité ne sont pas connues.
la réversibilité des troubles, tout comme les conséquences à
long terme d'un SAOS non ou insuffisamment corrigé, sont Qualité de vie
mal connues. De nombreuses études ont monté une altération de la qua-
lité de vie chez les enfants ayant un SAOS par rapport à des
Dysfonction neurocognitive enfants sains. Cette diminution de qualité de vie concerne
et troubles du comportement aussi bien la qualité de vie globale que celle liée directement
Alors que le SAOS de l'adulte est associé à une somnolence, au SAOS et celle de leurs parents. Là encore, la qualité de vie
chez l'enfant, il est associé à une hyperactivité, une irrita- a tendance à s'améliorer après traitement.
bilité et/ou un déficit d'attention-hyperactivité (TDAH).
L'agitation, un défaut de concentration ou de mémoire sont Signes cliniques
souvent au premier plan et peuvent être responsables de dif-
ficultés ou d'un retard scolaire. En effet, les épisodes répé- Le SAOS est associé à des signes nocturnes et diurnes dont la
tés d'apnées et d'hypopnées sont responsables de réveils et présence et la sévérité sont variables (encadré 25.5). Aucun
microréveils, entraînant une fragmentation et une mauvaise signe clinique n'est spécifique ou pathognomonique du
qualité du sommeil. Ainsi, il est important de rechercher un SAOS et aucune association de signes, même si on y intègre
Céphalées ou vomissements
logie associée : obésité morbide, anomalie cranio-
■
Anorexie matinale
faciale ou des voies aériennes supérieures, maladie
■
Respiration buccale
neuromusculaire) ;
■
SFORL. Amygdalectomie de l'enfant. Recommandation pour la pratique c linique, troubles respiratoires : absence d'obstacle amygdalien ou
25 mars 2010. adénoïdien ;
■ il existe un risque opératoire élevé : troubles de l'hémo
stase, anomalie cardiaque.
l'examen clinique, voire des investigations radiologiques,
n'est suffisamment informative pour poser ou infirmer le
diagnostic de SAOS chez l'enfant. Toutefois, il est important Prise en charge thérapeutique
de faire un interrogatoire le plus complet possible afin de
documenter au mieux les améliorations après traitement.
Adéno-amygdalectomie
C'est le traitement de 1re intention du SAOS. Dans le SAOS
de type 1, l'adéno-amygdalectomie permet la correction
Diagnostic complète du SAOS dans environ 70 % des cas. Elle reste le
traitement de 1re intention des SAOS de types 2 et 3 mais
Examen clinique son efficacité est moindre. La perte de poids est la prio-
Il est indispensable mais insuffisant pour poser le diagnostic rité chez l'enfant présentant un SAOS de type 2 mais elle
de SAOS. Cet examen doit être fait par un médecin ORL qui est rarement obtenue ou suffisante. Une turbinectomie
analyse les fosses nasales à la recherche d'une hypertrophie et/ou la résection de l'amygdale linguale sont parfois très
adénoïdienne, le pharynx à la recherche d'une hypertrophie efficaces, en particulier chez le grand enfant porteur d'une
amygdalienne, et d'éventuelles anomalies ou malformations trisomie 21.
associées des voies aériennes supérieures. L'examen recherche L'amygdalectomie ambulatoire est possible :
également une malposition dentaire ou une anomalie maxillo- ■ si l'enfant est âgé de plus de 3 ans ;
faciale. Il est important de savoir qu'il n'y a pas de corrélation ■ la classe ASA est I ou II ;
entre le volume des amygdales noté sur l'examen clinique, ■ en absence de comorbidité associée majorant le risque
l'importance des signes cliniques et les résultats de la PSG. respiratoire : malformation craniofaciale ou des voies
aériennes supérieures, maladie neuromusculaire avec
hypotonie pharyngée, signes d'insuffisance cardiaque
Examens radiologiques droite et d'hypertension artérielle pulmonaire, obésité
Ils ne sont pas nécessaires au diagnostic et en aucun cas morbide, maladie métabolique avec infiltration du tissu
systématiques. La radiographie de cavum peut confirmer conjonctif sous-muqueux des VAS, maladie respiratoire
une hypertrophie adénoïdienne et/ou amygdalienne. L'exa- à type d'infection récente des VAS ou inférieures avec
men tomodensitométrique n'a pas sa place dans le SAOS hyperréactivité bronchique ;
de type 1 ou 2. Tout comme l'examen clinique, il n'y a pas ■ s'il n'existe pas d'anomalie de l'hémostase ;
de corrélation entre le volume des végétations adénoïdes et ■ en l'absence de SAOS sévère objectivé sur une poly
celui des amygdales constatés sur l'examen radiologique, (somno)graphie avec un IAH > 10/h et/ou une SpO2
l'importance des signes cliniques et les résultats de la PSG. minimale < 80 %.
Chapitre 25. Pneumologie 675
positivité liée au BCG. Cette réponse in vitro est mesu- reste nécessaire chez ces enfants pour éliminer une TM.
rable à tout âge, y compris chez le nourrisson. Deux IGRA Elle comprend un examen clinique et une radiographie de
sont disponibles commercialement : le Quantiferon® et le thorax (cf. fig. 25.10). Chez les enfants de moins de 5 ans,
T spot-TB®, inscrits à la nomenclature française depuis il reste recommandé d'avoir rapidement des arguments
2017. La valeur prédictive des IGRA sur l'apparition d'une pour une infection tuberculeuse latente (ITL), afin d'initier
tuberculose active chez des sujets non traités, dans une un traitement avant toute évolution vers une TM. La visite
même population, semble meilleure que celle des IDR. initiale comprend donc un examen clinique, une radiogra-
■ La radiographie de thorax doit être réalisée de face phie de thorax, et un test de l'immunité antituberculeuse,
(fig. 25.10). Chez l'enfant de moins de 5 ans, elle peut être qui peut être soit une IDR, soit un test interféron gamma,
complétée par un profil, en cas de doute sur une hyper- ce dernier ayant été intégré dans les recommandations 2019
trophie ganglionnaire médiastinale sur le cliché de face. du Haut conseil de la santé publique. En l'absence d'argu-
Il n'y a pas d'indication à un scanner thoracique systé- ments initiaux en faveur d'une infection tuberculeuse, ces
matique dans le cadre d'un contact avec un cas de TB à explorations doivent être renouvelées 8 à 12 semaines après
bacilles a priori sensibles. Le scanner peut être nécessaire le dernier contact (fig. 25.11).
lorsque la radiographie est d'interprétation difficile. Il
doit alors être réalisé avec une injection de produit de
contraste. Toute anomalie radiologique évocatrice (adé- Quand parler d'infection
nopathies hilaires ou médiastinales, infiltrats ou nodules tuberculeuse ?
parenchymateux) doit faire évoquer le diagnostic de TM,
quel que soit le résultat du test immun. L'infection tuberculeuse est affirmée par la positivité du test
immun. Le caractère latent de cette infection est affirmé par
la normalité de la radiographie de thorax standard.
Avec quel délai doivent être Tout IGRA positif chez un enfant ou adolescent, dans
réalisés ces examens une fois un contexte de contage, suffit à affirmer l'infection tuber-
culeuse. L'interprétation de l'IDR peut être difficile, notam-
le contact connu ? ment du fait de l'impact du BCG. Chez un enfant vacciné
Depuis 2013, le bilan est allégé chez les enfants de plus par le BCG et exposé à un cas de tuberculose contagieuse,
de 5 ans, à très faible risque d'évoluer rapidement vers une induration supérieure ou égale à 15 mm doit être
une TM. Un seul test immun est réalisé chez ces enfants, considérée comme témoignant d'une infection tubercu-
8 à 12 semaines après le dernier contact, c'est-à-dire à un leuse. Ce seuil doit toutefois être abaissé à 10 mm dans les
moment où la négativité du test permet de conclure à l'ab- situations les plus à risque d'infection : enfant étroitement
sence d'infection et de stopper la surveillance. Ce test peut exposé à un cas index très bacillifère ou porteur de cavernes
être soit une IDR, soit un IGRA. En revanche, une visite ini- radiologiques. En l'absence de vaccination par le BCG, le
tiale, dans les 2 semaines suivant le diagnostic du cas index, diagnostic d'ITL doit être posé chez tout enfant dont l'IDR
est supérieure ou égale à 10 mm. Dans des situations à très
fort risque (contact étroit avec un adulte présentant des
cavernes et/ou fortement bacillifère), un seuil de 5 mm
doit être considéré. À ces seuils, il faut ajouter les notions
de conversion tuberculinique (augmentation de taille d'au
moins 10 mm entre deux tests) ou d'induration phlycté-
nulaire, toutes deux classiquement associées au diagnostic
d'infection tuberculeuse.
Anormale Normale
sur l'attitude à avoir devant ces signes : arrêt du traitement risque de progression vers la maladie. Une discussion multi-
et consultation en urgence pour dosage des transaminases. disciplinaire avec le centre de référence pour les mycobacté-
La mention de ces points sur l'ordonnance est préférable. ries résistantes est indispensable.
Lorsque la compréhension des signes d'appel par la famille
ne semble pas suffisante, un dosage systématique des trans
aminases à J15, J30 et J60 du traitement reste nécessaire.
Quand penser à une tuberculose
chez un enfant en l'absence
de notion de contact ?
Quels enfants doivent
Chaque année, environ 250 enfants de moins de 15 ans
bénéficier d'une prophylaxie ont une TM en France. Pour environ un tiers d'entre eux,
antituberculeuse ? aucun contaminateur n'était connu au moment du diagnos-
Les tests immuns réalisés immédiatement après le diagnos- tic. Même si ce diagnostic est désormais rare en pédiatrie,
tic du cas index peuvent être faussement négatifs, et ne se il reste important de savoir l'évoquer devant une sympto-
positiver que dans les semaines qui suivent, justifiant le deu- matologie respiratoire traînante, a fortiori si elle s'associe à
xième contrôle 8 à 12 semaines plus tard. En cas d'infection des signes généraux comme une altération de la croissance
méconnue, une progression très rapide vers une TM, voire pondérale, une fièvre, une asthénie ou des sueurs nocturnes.
vers une forme disséminée, est possible en cas de grande Chez le jeune enfant, la symptomatologie respiratoire est
vulnérabilité : âge inférieur à 2 ans ou immunodépression. souvent secondaire aux compressions des voies aériennes
Dans ces situations, une prophylaxie par isoniazide et rifam- par les adénopathies : toux, wheezing, infections répétées.
picine est systématiquement proposée jusqu'à l'affirmation La radiographie de thorax est en général évocatrice par
de l'absence d'infection lors du deuxième contrôle. l'hypertrophie ganglionnaire et les troubles de ventilation
associés. Chez l'adolescent, le tableau peut être proche d'une
TB adulte, avec infiltrats des sommets et cavernes. En cas de
Quelle attitude suspicion, un recours hospitalier est nécessaire.
en cas de contact avec
une tuberculose multirésistante ? Quelle attitude chez l'enfant
Dans la situation (rare en France) d'un contact avec une
migrant ?
tuberculose à bacille multirésistant, la décision thérapeu- Le dépistage de l'infection latente et de la TM est recom-
tique est souvent complexe et dépend de la toxicité poten- mandé chez l'enfant migrant de moins de 15 ans. Il est
tielle des molécules utilisables, ainsi que de l'estimation du donc logique de traiter pendant 3 mois par isoniazide et
678 Partie II. Spécialités
r ifampicine toute IDR supérieure ou égale à 15 mm, ou tout Quels germes cibler ?
IGRA positif, après vérification de la normalité de la radio- Les agents bactériens le plus souvent retrouvés dans les
graphie de thorax. surinfections de DDB hors mucoviscidose sont Haemophi-
lus influenzae non typable, Moraxella catarrhalis et Strepto-
coccus pneumoniae et, beaucoup plus rarement, et souvent
Principes des tardivement dans l'évolution, Staphylococcus aureus et
Pseudomonas aeruginosa.
antibiothérapies
Quels traitements proposer ?
alternes et/ou à visée Un traitement antibiotique au long cours ne doit être pres-
anti-inflammatoire crit qu'après une évaluation spécialisée. On doit éviter les
céphalosporines en raison du risque d'acquisition d'entéro-
Jean-Christophe Dubus, Julie Mazenq,
bactéries BLSE, ainsi que les quinolones.
Mélisande Baravalle-Einaudi
Chez l'adulte, en cas de DDB, un traitement inhalé
La prescription d'antibiotiques au long cours est parfois continu est recommandé en 1re intention lors d'exacerba-
proposée en pneumopédiatrie devant certains tableaux tions de fréquence supérieure ou égale à 3/an et de coloni-
respiratoires chroniques. Les indications peuvent être sation à Pseudomonas aeruginosa. L'antibiothérapie orale
doubles : est réservée lors de colonisation par d'autres germes ou de
■ soit à visée anti-infectieuse pour limiter les surinfections contre-indication/inefficacité des macrolides à visée immu-
bronchiques bactériennes répétées ; il s'agit alors de plu- nomodulatrice. En pédiatrie, une monothérapie orale au
sieurs antibiotiques pris alternativement (antibiothérapie long cours semble préférée (amoxicilline, cotrimoxazole, etc.
séquentielle ou alterne) ou d'un seul antibiotique pris selon antibiogramme et tolérance). En cas d'antibiothérapie
quotidiennement sur une longue période ; alterne, une rotation sur 2 ou 3 antibiotiques est de règle, à
■ soit à visée anti-inflammatoire ou immunomodulatrice ; une posologie entre 50 et 100 % de la dose usuelle. La durée
il s'agit alors d'un traitement par macrolides, le plus de traitement est variable, certains ne proposant même l'an-
fréquemment azithromycine, pris généralement 3 fois/ tibiothérapie qu'en période hivernale. En l'absence de DDB,
semaine. l'antibiothérapie prolongée ne devrait être réservée qu'aux
Ces prescriptions sont quasi exclusivement dérivées des formes les plus symptomatiques. Dans tous les cas, une sur-
résultats positifs obtenus dans la mucoviscidose lors de veillance clinique et microbiologique rigoureuse s'impose.
colonisation bronchique chronique à Pseudomonas aerugi- Lorsqu'une exacerbation survient, l'association amoxi-
nosa. Hors mucoviscidose, leur niveau de preuve est modéré cilline-acide clavulanique est l'antibiotique de choix en
à inexistant. Ceci explique qu'elles ne font l'objet de recom- 1re intention : il faut donc modifier l'antibiothérapie alterne
mandations que dans la dilatation de bronches (DDB) de pour privilégier cette molécule. Si l'exacerbation survient
l'adulte. alors que l'enfant prenait déjà cette molécule, un examen
cytobactériologique des crachats est indispensable pour
mieux adapter l'antibiothérapie. En revanche, les patients
Antibiothérapie sous azithromycine 3 fois/semaine à visée immunomodula-
à visée anti-infectieuse trice (cf. infra) doivent continuer ce traitement de fond et
ajouter l'antibiothérapie curative adéquate.
Rationnel pour une prescription
d'antibiotiques au long cours
Quelques pathologies respiratoires chroniques de l'enfant
Antibiothérapie à visée
ayant en commun une réduction de la clairance mucociliaire immunomodulatrice
et un encombrement bronchique sont associées au cours de et anti-inflammatoire
leur évolution à une colonisation bactérienne bronchique
et à des poussées récurrentes de surinfections (dites « exa- Rationnel pour une prescription
cerbations »). Ceci se retrouve particulièrement dans des de certains macrolides
pathologies comme la DDB, quelle qu'en soit la cause, ou Les macrolides avec une chaîne de 14 ou 15 carbones
les bronchopathies chroniques. Par ailleurs, ce type de trai- (érythromycine, clarithromycine, roxithromycine, azi-
tement a pu être proposé dans des pathologies sans DDB, thromycine), en plus de leur effet antibiotique, inhibent la
par exemple dans les maladies neuromusculaires où la dimi- migration des polynucléaires neutrophiles vers l'épithélium
nution de force musculaire peut limiter la toux et l'évacua- respiratoire, bloquent des médiateurs et cytokines pro-
tion des sécrétions. Le but reste de réduire la fréquence des inflammatoires, limitent l'adhésion microbienne, inhibent
surinfections, la réaction locale inflammatoire et ses consé- certains facteurs bactériens de virulence (exotoxine A,
quences et, in fine, d'améliorer la qualité de vie. Chez l'adulte élastase, phospholipase C), et peuvent aussi contrer la pro-
avec DDB hors mucoviscidose, cette prise en charge permet duction de biofilm et la communication entre cellules (quo-
une diminution d'environ 50 % du taux d'exacerbations et rum sensing). Parmi ceux-ci, c'est l'azithromycine qui est le
des hospitalisations en lien avec celles-ci, mais majore d'un plus utilisée en raison de son meilleur profil de tolérance
facteur 3 le risque d'acquisition de résistance. (absence d'inhibition du CYP3A4).
Chapitre 25. Pneumologie 679
plus marquée. Les autres signes associés que sont la fatigue, moins de 1 % du temps de sommeil au-dessous de 95 %
l'anorexie et la perte de poids, et plus rarement la fièvre par- chez l'enfant entre 3 et 8 ans.
ticipent à l'altération de l'état général. On considère que ces ■ L'examen de référence pour le sommeil est la polysom-
périodes d'exacerbation contribuent de façon majeure à la nographie, qui enregistre le rythme cardiaque et respi-
destruction pulmonaire, du fait de l'intensité de la réaction ratoire, l'électroencéphalogramme, l'électromyogramme
inflammatoire. Ces épisodes sont donc particulièrement des muscles des bras et des jambes. Elle se fait en centre
importants à reconnaître et à traiter précocement car ils sont spécialisé. Les moniteurs SenTec™ peuvent être utilisés
associés chez 25 % des patients à une baisse des fonctions en ambulatoire et combinent la mesure en temps réel de
respiratoires persistant au décours de l'épisode aigu. Ces la SaO2, la PtcCO2, la fréquence cardiaque et parfois la
signes se majorent au fil de l'évolution et s'associent à une mesure des mouvements du poignet.
dyspnée et une hypoxie d'abord à l'effort, puis au repos. Ces tests doivent être répétés de façon systématique afin de
repérer l'aggravation. À l'inverse, il n'est pas rare, même à un
Évaluation paraclinique stade d'IRC grave, d'observer des stabilisations prolongées,
notamment chez les patients atteints de mucoviscidose.
L'évaluation de l'IRC repose sur la mesure des échanges Cette évaluation est systématiquement complétée par des
gazeux et de la fonction respiratoire ainsi que la recherche épreuves fonctionnelles respiratoires qui permettent d'ap-
d'éventuelles complications. précier les volumes pulmonaires, les débits, leur éventuelle
■ La mesure de la pression artérielle partielle en dioxygène amélioration sous bronchodilatateurs, ainsi que la diffusion
(PaO2) et en dioxyde de carbone (PaCO2) reste l'examen libre du CO (DLCO), en cas de pathologie interstitielle. Une
de référence. La gazométrie se mesure chez l'enfant de hypertension artérielle pulmonaire par remaniement vascu-
préférence sur sang capillaire artérialisé à l'oreille. En laire secondaire doit être systématiquement recherchée par
raison de variation physiologique avec l'âge, une hypoxé- l'échocardiographie. Elle constitue un facteur de mauvais
mie est définie par une PaO2 inférieure à la moyenne pronostic.
± 2 déviations standards (DS) de la valeur attendue
pour l'âge (tableau 25.7). La mesure veineuse de la PCO2
(PvCO2) surestime la PaCO2. En pratique, une PvCO2 Prise en charge ambulatoire
< 46 mmHg exclut une hypercapnie. Le caractère invasif
de la ponction sanguine et la mesure à un temps donné Prise en charge pluridisciplinaire
rendent l'utilisation des GDS marginale. Le traitement de l'IRC s'intègre dans une prise en charge
■ La mesure transcutanée en oxygène (PtcO2) et en dioxyde pluridisciplinaire de la maladie d'origine et des facteurs
de carbone (PtcCO2), la saturation percutanée en oxy- associés avec l'insuffisance respiratoire.
gène (SpO2) sont des mesures plus faciles, réalisables en Tout tabagisme passif au domicile doit être formelle-
ambulatoire sur 24 heures, et qui peuvent être répétées ment proscrit. Les vaccinations à visée respiratoire sont
notamment pendant le sommeil et les efforts, comme les recommandées (antigrippale annuelle, antipneumococ-
tests d'effort standardisés, la kinésithérapie respiratoire et cique, anti-Hamophilus, antivaricelle, antirougeole). Le
le repas chez le nourrisson. La SpO2 est fiable en dehors palivizumab est indiqué, en fonction des recommanda-
des situations d'anémie, et doit être de préférence mesu- tions, principalement chez le nourrisson avec dysplasie
rée avec un oxymètre de pouls, au doigt ou à l'orteil, en bronchopulmonaire. Plus généralement, les mesures
vérifiant son bon fonctionnement (positionnement du d'hygiène limitant les contaminations virales doivent
capteur, hypothermie, vernis, etc.) et la qualité du signal être enseignées (lavage de mains, port de masque par les
du pouls. Ces mesures évaluent l'hypoventilation noc- adultes infectés de l'entourage, limitation des collectivités
turne, dépistent l'hypercapnie et permettent la titration chez le nourrisson). Des bronchodilatateurs et une corti-
thérapeutique. En pratique, la SpO2 en ventilation calme cothérapie inhalée sont prescrits s'il existe une hyperréac-
pendant la période de réveil est comprise entre 97 et tivité bronchique, ou si un bénéfice est démontré sur les
100 % chez le nourrisson et l'enfant normal, et comporte épreuves fonctionnelles respiratoires. La kinésithérapie
respiratoire quotidienne est souvent nécessaire car ces
Tableau 25.7 Valeur moyenne de la PaO2 (pression patients sont sécrétants. L'assistance nutritionnelle est
artérielle partielle en oxygène) selon l'âge. capitale et nécessite souvent une nutrition entérale noc-
turne. La réhabilitation respiratoire doit être systématique.
Âge PaO2 (mmHg) Dans la mucoviscidose, l'antibiothérapie permet souvent
Moyenne (2DS)
un retour à l'état de base et améliore l'inflammation et
< 2 mois 70 (10) l'encombrement bronchiques.
2–10 mois 75 (10) Le traitement de l'hypoventilation alvéolaire repose sur
10–24 mois 80 (10)
l'oxygénothérapie de longue durée (OLD) et la ventilation
non invasive (VNI). Ces 2 modalités doivent être mises
2–4 ans 85 (10) en place par une équipe spécialisée pour un choix optimal
4–7 ans 88 (10) des interfaces, du débit, de la source d'oxygène la mise au
7–11 ans 92 (10) point des paramètres respiratoires et des prestataires. Cette
prise en charge est encadrée par un programme d'éducation
> 11 ans 95 (10)
thérapeutique.
Chapitre 25. Pneumologie 681
Oxygénothérapie de longue durée cative du CO2 expiré et, sur le plan clinique, la correction
Elle est indiquée s'il existe une HTAP quel que soit le niveau de la somnolence diurne, des difficultés de concentration et
d'hypoxémie car l'oxygène peut faire diminuer la pression de les troubles du sommeil et, au maximum, une amélioration
l'artère pulmonaire. Dans les autres cas, l'OLD n'a démon- du retard staturo-pondéral. La VNI pendant les situations
tré son intérêt en pédiatrie que dans la DBP où le maintien d'effort comme la kinésithérapie peut prévenir les désatu-
d'une SpO2 supérieure ou égale à 92 % est associé à une rations artérielles chez les patients avec mucoviscidose ou
meilleure croissance pondérale chez ces nourrissons. Ainsi, les maladies neuromusculaires. La diminution de la charge
l'indication de l'OLD reste empirique et ne fait pas l'objet imposée aux muscles respiratoires par la VNI permet une
d'un consensus. Elle se pose rarement sur le seul résultat des diminution du travail respiratoire et s'associe à une restau-
GDS qui ne représentent qu'une valeur instantanée. Toute- ration des performances des muscles respiratoires avec une
fois, il est admis que plusieurs PaO2 inférieures à –4DS chez amélioration des pressions inspiratoires et expiratoires. Cet
le nourrisson et à –6DS chez le grand enfant font discuter effet bénéfique sur les muscles respiratoires s'observe égale-
une OLD. L'enregistrement de la SpO2 en période de som- ment à très court terme pendant une séance de kinésithéra-
meil nocturne et lors d'efforts respiratoires (kinésithérapie pie respiratoire.
respiratoire, test d'effort chez l'enfant, repas chez le nour- Enfin, la VNI permettrait la normalisation de la réponse
risson) précise les indications. En pratique, pour les nour- ventilatoire à l'hypercapnie. L'activité inspiratoire centrale
rissons avec DBP et, par extension, les enfants de moins en réponse à une hypercapnie est diminuée chez les patients
de 2 ans, les experts du GRAPP (Groupe de recherche sur présentant une hypercapnie chronique et la VNI resituerait
les avancées en pneumopédiatrie) recommandent l'OLD si le niveau de réponse à un niveau plus proche de la normale,
la SpO2 moyenne est inférieure à 93 % et/ou si le temps de en particulier chez des patients neuromusculaires.
sommeil avec SpO2 inférieure à 90 % est supérieur à 5 %.
Pour les enfants de plus de 2 ans, et notamment ceux avec Conclusion
mucoviscidose, l'OLD est indiquée si la SpO2 moyenne est
inférieure à 90 % et/ou si le temps de sommeil avec SpO2 Le pronostic et la qualité de vie des enfants avec IRC ont
inférieure à 90 % est supérieur à 10 %. Pendant l'effort, la été grandement améliorés par les traitements médicaux,
SpO2 doit rester supérieure à 91 % et de ce fait, l'oxygénothé- l'OLD et la VNI, dont les performances et l'administration
rapie est indiquée si la SpO2 est inférieure à 92 % avant ou sont optimisées par des adaptations technologiques perma-
pendant l'effort. nentes. Les indications de l'OLD et de la VNI chez l'enfant
ne sont pas encore consensuelles. Les bénéfices à long terme,
sur le plan de la survie, la croissance pulmonaire, le dévelop-
Ventilation non invasive pement neurocognitif, restent à évaluer.
La VNI comprend la pression positive continue (PPC,
maintien d'une pression constante dans les voies aériennes,
l'enfant respirant « spontanément » à un niveau de pression Recommandations
supérieur) et la VNI proprement dite avec délivrance d'une Aubertin G, Marguet C, Delacourt C, et al. Recommandations pour l'oxygé-
pression plus élevée pendant l'inspiration et une fréquence nothérapie chez l'enfant en situations aigues et chroniques : évaluation
ou volume insufflé de sécurité. Elle est préférentiellement du besoin, critères de mise en route, modalités de prescription et de
réalisée de manière non invasive par un masque nasal. surveillance. Arch Pediatr 2012 ; 19 : 528–36.
La PPC est indiquée dans les pathologies obstructives Bousquet J, Khaltaev N, Cruz AA, et al. Allergic Rhinitis and its Impact on
isolées des voies aériennes, notamment en cas de syndrome Asthma (ARIA) 2008 update (in collaboration with the World Health
d'apnées obstructives persistant malgré la chirurgie lorsque Organization, GA (2)LEN and AllerGen). Allergy 2008 ; 63 : 8–160.
suppl 86.
l'indice d'apnée horaire est supérieur à 5. La VNI est indi-
GINA. Global Initiative for Asthma. Global strategy for asthma manage-
quée en cas d'hypoventilation alvéolaire avec hypercapnie. ment and prevention, 2019.
Cette situation résulte de l'inadéquation entre la charge HAS. Asthme de l'enfant de moins de 36 mois : diagnostic, prise en charge
mécanique imposée à l'appareil respiratoire pour mainte- et traitement en dehors des épisodes aigus. Recommandations de bonne
nir une normocapnie et la force des muscles respiratoires. pratique, mai 2009.
L'assistance ventilatoire agit comme un muscle respiratoire HCSP. Enquête autour d'un cas de tuberculose. Recommandations pra-
« externe » qui a pour but de « décharger » les muscles respi- tiques, 2013.
ratoires. En pratique, la VNI est indiquée en cas d'hypercap- Polverino E, Goemine PC, McDonnell MJ, et al. European Respiratory
nie nocturne et/ou après une décompensation aiguë car ces Society guidelines for the management of adult bronchiectasis. Eur
situations témoignent d'une réserve respiratoire insuffisante. Respir J. 2017 ; 50. pii : 1700629.
SPLF. Updated guidelines (2015) for management and monitoring of adult
Dans les pathologies neuromusculaires, une CVF inférieure
and adolescent asthmatic patients (from 12 years and older) of the
à 20 % est un critère d'indication à commencer la VNI. Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF). Rev Mal Respir
Différentes études, souvent réalisées chez les patients 2016 ; 33 : 279–325.
avec mucoviscidose, montrent que la VNI améliore la venti- WHO. Guidance for national tuberculosis programmes on the manage-
lation alvéolaire et le volume courant pendant le sommeil et ment of tuberculosis in children, 2nd ed., 2014.
restaure ainsi les échanges gazeux. Ceci se traduit par aug- WHO. Latent tuberculosis infection. Updated and consolidated guidelines
mentation significative de la SpO2, une diminution signifi- for programmatic management, 2018.
Chapitre
26
Allergologie
Coordonné par Grégoire Benoist
PLAN DU CHAPITRE
Allergie alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 682 Immunothérapie en allergie respiratoire
Traitements d'urgence en allergie alimentaire – et alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 689
Régime d'éviction – PAI . . . . . . . . . . . . . . . . . . 684 Allergie et hypersensibilité aux antibiotiques . . . 690
Réintroduction des protéines de lait de vache. . . 688
Tout enfant ayant fait une anaphylaxie doit avoir une cas de doute, un test de provocation par voie orale en milieu
prescription de 2 stylos d'adrénaline pour le domicile et hospitalier peut permettre de différencier une sensibilisa-
de 2 stylos pour la collectivité. Dans le cadre de l'aller- tion d'une authentique allergie.
gie alimentaire, les autres indications habituellement La réglementation européenne (UE n° 1169/2011) impose
retenues sont l'association d'une allergie alimentaire et la mention obligatoire dans les denrées alimentaires pré-
d'un terrain asthmatique (a fortiori mal contrôlé), cer- emballées de 14 allergènes « notoires » : céréales contenant
tains allergènes à risque (arachide, fruits à coque), une du gluten, crustacés, œufs, poissons, arachide, soja, lait (de
mastocytose, une allergie alimentaire avec réactions à des vache), fruits à coque (amande, noisette, noix, noix de cajou,
petites doses, l'adolescence, l'éloignement de structure noix du Brésil, noix de Macadamia, noix du Queensland),
médicale. Il est malgré tout difficile de prédire la sévé- céleri, moutarde, sésame, sulfites, mollusques, lupin. Le lait
rité d'une éventuelle réaction ultérieure selon la réaction de chèvre et de brebis, le pois et le sarrasin sont à l'étude
initiale. pour être ajoutés à la liste. Depuis juillet 2015 (décret 2015-
En France, 4 dispositifs auto-injectables sont commer- 447), tous les métiers « de bouche » (restaurateurs, fast-food,
cialisés début 2020 (Anapen®, Emerade®, Epipen® et Jext®) boulangers, traiteurs, etc.) doivent indiquer par écrit leur
avec des seringues pré-remplies à des dosages de 0,15, 0,30 et présence.
0,50 mg (Emerade® seulement). Les libellés de l'AMM pré- La lecture attentive des étiquettes permet de vérifier
voient l'utilisation du dosage : l'existence ou non de l'allergène au sein du produit fini. Dans
■ de 0,15 mg entre 15 et 30 kg ; la liste des ingrédients, l'ordre d'apparition est fonction de la
■ de 0,30 mg au-delà de 30 kg ; quantité introduite par ordre décroissant. Dans la plupart
■ de 0,50 mg au-delà de 60 kg. des cas, il est abusif de supprimer les produits avec mentions
La Société française d'allergologie recommande l'utilisation sur l'emballage : « peut contenir » ou « traces » ou « fabriqué
de la dose : dans un lieu » (à l'exception du chocolat où la décontamina-
■ de 0,15 mg entre 7,5 et 25 kg (avant 7,5 kg, le prescripteur tion des lignes de production est difficile).
doit évaluer au cas par cas) ; Il ne faut jamais accepter un produit dont la composition
■ de 0,30 mg entre 25 et 60 kg ; n'est pas connue. Ceci est important à l'école où les échanges
■ de 0,50 mg chez l'adolescent et l'adulte de poids > 60 kg. de goûter peuvent être source d'accidents.
Une éducation thérapeutique à l'aide d'un démonstrateur
factice est indispensable. Rédaction du PAI
L'école est un lieu « à risque ». Selon les données du
Orientation vers un allergologue RAV (réseau d'allergovigilance), 80 % des réactions ont
Toute réaction alimentaire, notamment anaphylactique, doit lieu durant la restauration scolaire avec 3 allergènes en
être décrite précisément au plus près de l'événement : timing cause dans plus de la moitié des cas : l'arachide, le lait
par rapport à une ingestion, signes objectifs et subjectifs, de chèvre et/ou de brebis et le soja. Les autres accidents
liste des aliments consommés (délai maximum de 4 heures), surviennent principalement dans la cour d'école, avec
si besoin en gardant les étiquettes des denrées. Si un ou l'arachide.
plusieurs aliments sont suspectés, un régime d'éviction pro- Le PAI, mis en place en 1999 et reprécisé par la cir-
visoire peut être proposé en attendant l'avis spécialisé, en culaire interministérielle n° 2003-135, est un document
donnant une information écrite. écrit et réactualisé chaque année, ayant pour objectifs de
Un avis allergologique est nécessaire, dans l'idéal 4 faciliter l'intégration des enfants concernés. Il est élaboré
à 6 semaines après une anaphylaxie (la dégranulation sur demande de la famille et rempli par le médecin trai-
mastocytaire pouvant négativer les prick-tests avant ce tant ou le médecin référent de la pathologie concernée.
délai). Il y est précisé : les allergènes, les modalités de restau-
ration et de goûter, les aménagements d'activité éven-
tuels, ainsi que si nécessaire le protocole d'intervention
Mesures préventives médicale d'urgence. Une trousse d'urgence, contenant
Régime d'éviction et règles d'étiquetage médicaments et ordonnance, est remise au référent de la
Le régime d'éviction est la seule mesure préventive efficace structure d'accueil. En 2000, le Conseil de l'Ordre a pré-
en allergie alimentaire. La crainte d'accidents a pu conduire cisé que l'administration des traitements d'urgence (dont
par le passé à des régimes élargis, altérant la qualité de vie l'injection d'adrénaline) n'était pas un acte médical et
des patients. L'expertise allergologique permet de cibler pouvait être réalisée par tous.
le ou les allergènes en cause et d'exclure la responsabilité Concernant la restauration scolaire, l'enfant peut être
d'autres. Par exemple, un enfant ayant eu une anaphylaxie autorisé à prendre le menu habituel sous réserve d'éviction
après ingestion de noisettes se voit souvent exclure initia- simple du ou des aliments (si faciles à identifier) concernés
lement l'ensemble des fruits à coque par l'intervenant de (les parents prennent connaissance des menus) ou être auto-
1er recours. En principe, les fruits à coque déjà consommés risé à déjeuner avec un plateau spécifique industriel garanti
sans réaction devraient pouvoir être poursuivis sans res- sans allergène (si proposé par la collectivité compétente). Il
triction. L'allergologue précise la conduite à tenir pour les peut n'être autorisé parfois qu'à consommer un panier-repas
fruits à coque non encore consommés, en se fondant sur les familial (allergène ubiquitaire difficile à éliminer et à haut
prick-tests complétés éventuellement d'IgE spécifiques. En potentiel d'anaphylaxie comme les laits animaux, allergène
686 Partie II. Spécialités
ubiquitaire et ne faisant pas partie de la liste des 14 à décla- d'inhalation). Des précautions peuvent être prises durant
ration obligatoire, polyallergies alimentaires). Dans de très les goûters d'anniversaire ou la « semaine du goût ». Des
rares cas, l'accès au lieu de restauration ne lui est pas autorisé attentions particulières peuvent être exigées pour la mani-
(allergène ubiquitaire à haut potentiel d'anaphylaxie en cas pulation ou l'inhalation des allergènes alimentaires (jeux).
NOM : Prénom :
ALLERGIES :
TROUSSE D'URGENCE
1. Adrénaline :
2. Bronchodilatateur :
+ chambre d'inhalation
3. Antihistaminique :
4. Divers :
Epipen ®
Enlever le capuchon bleu Placer l'extrémité orange du Appuyer fermement la pointe Puis massez la zone d'injection
stylo sur la face extérieure de la orange dans la cuisse jusqu'à
cuisse entendre un déclic et maintenez
appuyé pendant 10 secondes
Jext ®
Enlever le bouchon jaune Placer l'extrémité noire du stylo Appuyer fermement jusqu'à Puis massez la zone d'injection
sur la face extérieure de la entendre un déclic en tenant la
cuisse cuisse et maintenez appuyé
pendant 10 secondes
Anapen ®
Enlever le capuchon noir Retirer le bouchon noir Appuyer fermement le stylo sur Puis appuyer sur le bouchon
protecteur de l'aiguille protecteur la face extérieure de la cuisse rouge de déclenchement et
maintenez appuyé
pendant 10 secondes
Puis masser la zone d'injection
Emerade ®
Enlever le capuchon Placer et appuyer le stylo contre la face externe de la cuisse. Masser légèrement le
protecteur de l'aiguille Maintener le stylo contre la cuisse pendant environ 5 secondes site d’injection
Fig. 26.2 PAI allergie alimentaire (V. 01/2020). Pour aider le lecteur, nous avons ajouté 2 précisions pour le remplissage : * renseigner le nom
commercial de l'auto-injecteur d'adrénaline prescrit (si indication retenue) et ayant été manipulé par le patient et sa famille ; ** renseigner la DCI
± le nom commercial de l'antihistaminique prescrit par voie orale. DCI : dénomination commune internationale ; PAI : projet d'accueil individualisé.
Document issu d'un article du groupe de travail Allergie en milieu scolaire de la SFA (Société française d'allergologie) en cours de publication dans
la Revue française d'allergologie et Perfectionnement en pédiatrie. Avec l'aimable autorisation de Guillaume Pouessel.
Chapitre 26. Allergologie 687
! ?
– Je fais un malaise
– Autres signes :
Cela peut être encore plus grave
MAIS JE PARLE
si plusieurs de ces signes sont associés
et RESPIRE BIEN
Fig. 26.2 Suite.
En cas de difficultés, il faut privilégier le dialogue avec le L'enfant doit connaître les cofacteurs susceptibles de
médecin de l'Éducation nationale. diminuer le seuil réactogène à l'aliment : infection, stress,
exercice physique, médicament (AINS), consommation
d'alcool. La prise d'alcool ou de toxiques peut aussi mener
Informations sur les cofacteurs à un écart du régime d'éviction par baisse de la vigilance.
L'asthme est une comorbidité majeure, facteur de risque L'adolescence est une période de la vie où ces prises de
de gravité en cas d'anaphylaxie. Il convient de contrôler au risque (négligence, défi) peuvent conduire à des accidents
mieux les signes respiratoires chez l'allergique alimentaire. alimentaires parfois sévères.
688 Partie II. Spécialités
Réintroduction des protéines souvent de biscuit Véritable Petits Beurre® de LU, est
de lait de vache proposée toutes les 20 minutes pour atteindre une dose
cumulée de 2 biscuits. Ces biscuits sont choisis pour leur
Solène Ganousse teneur en lait (1,3 mL par unité) comparée à la composi-
Selon le type d'allergie aux protéines du lait de vache (PLV), tion des autres, tout comme le Pain au lait® de la marque
la réintroduction de celles-ci ne se fait ni aux mêmes âges ni Pasquier, et ils peuvent être émiettés et/ou dilués dans de
dans les mêmes conditions. la compote voire un hydrolysat de PLV en cas de néces-
sité de faciliter leur consommation chez les plus jeunes
patients. Si cette réintroduction est tolérée, la consomma-
Allergie IgE-médiée tion du biscuit est poursuivie quotidiennement en dose
Dans les formes d'allergie IgE-médiée (signes immédiats progressive, par exemple par paliers hebdomadaires en
± sévères : urticaire, vomissement, anaphylaxie, etc.), la doublant la dose (¼–½-1, puis 2/j). Un nouveau bilan
réintroduction doit être réalisée lors d'un test de provocation avec l'allergologue est conseillé 3 mois après. En cas d'ap-
par voie orale en milieu hospitalier, dans une unité d'hôpital parition de symptômes non sévères, il est conseillé de ne
de jour (HDJ) avec une équipe soignante expérimentée pour pas stopper la consommation mais de revenir au palier
ce type de prise en charge. précédent.
La décision de réintroduction dépend de la cinétique ■ Lait cru : les PLV crues peuvent être introduites sous forme
des taux d'IgE spécifiques (augmentation, diminution) de lait liquide avec une dose cumulée d'un peu moins de
complétée par le résultat des prick-tests. Il est rapporté 200 mL ou équivalent en produits dérivés comme le fro-
qu'un nourrisson avec des IgE spécifiques au lait de mage blanc, sachant que 100 mL de lait cru équivalent à
vache supérieurs à 5 kU/L a 95 % de risque de réagir. 50 mL de fromage blanc. Lors de la consommation de for-
Une décroissance des taux d'IgE de plus de 50 % serait en mule d'acides aminés, il n'a pas été prouvé qu'il est néces-
revanche un facteur favorable à l'acquisition de tolérance. saire de revenir à un hydrolysat avant la réintroduction des
De même, la décision est également guidée par d'éven- PLV.
tuelles ingestions accidentelles suivies ou non de réactions, Si la réintroduction est bien tolérée en HDJ, il est en général
elles doivent ainsi être recherchées et détaillées à chaque déconseillé de consommer à nouveau des produits laitiers
consultation. Ces précautions sont importantes pour se durant la journée et le lendemain, puis d'opérer une réintro-
confronter au risque le plus minime possible sachant qu'un duction croissante jusqu'à normalisation du régime. Cette
échec avec réaction dont l'intensité peut parfois être sévère réintroduction est plus ou moins rapide selon l'histoire
a des conséquences physiques lors du test mais aussi psy- allergique du patient, la confiance des parents. Deux durées
chologiques au décours avec accentuation de l'angoisse du se démarquent en général : une lente sur 6 semaines et une
patient et de sa famille. rapide sur 15 jours au bout desquelles le régime est norma-
La guérison est obtenue en moyenne dans 70 à 80 % des lisé pour la consommation des PLV.
cas avant l'âge de 3 ans. Il est confortable pour les patients et familles de rencon-
La réintroduction hospitalière se fait selon un protocole trer une diététicienne avant de quitter le service hospitalier ;
propre à chaque service mais elle suit en général le même des protocoles peuvent être remis permettant de les guider
type de schéma, à savoir l'introduction de doses croissantes et les rassurer.
de PLV, cuites ou crues, toutes les 20 minutes en moyenne. Il est prudent de différer la réintroduction des protéines
Il s'agit d'ingestion directe, un test de provocation labiale des laits des autres mammifères (brebis, chèvre) souvent
étant rarement nécessaire. En effet, l'objectif est d'attester non tolérées par allergie croisée, avec monitorage des IgE
de la guérison alors que ce dernier est utilisé plutôt dans les spécifiques et prick-tests.
protocoles de désensibilisation. La réintroduction des PLV se fait lorsque la tolérance
■ Lait cuit : si la cinétique des IgE ne paraît pas encore favo- est supposée acquise, que ce soit pour la forme cuite ou
rable mais si le taux des IgE spécifiques dirigées contre la crue. Elle peut être aussi envisagée pour une désensibili-
caséine (constituant 80 % des protéines de lait et la plus sation, mieux appelée immunothérapie spécifique (IT).
souvent en cause dans l'allergie avec la β-lactoglobuline) Elle se pratique alors chez des enfants toujours allergiques
est suffisamment bas, voire inférieur à 0,1 kU/L, on peut à l'âge habituel de la guérison, notamment chez ceux dont
espérer une tolérance du lait cuit. Pour rappel, cette pro- les réactions sont sévères. Il s'agit de tenter de les pro-
téine a la particularité de rester stable même soumise à téger en cherchant à diminuer leur seuil réactogène en
des conditions visant à la dénaturer notamment la cha- cas d'ingestion accidentelle et d'induire progressivement
leur ; elle est donc thermorésistante, c'est pourquoi la une tolérance orale à long terme. Elle débute toujours par
diminution des IgE spécifiques dirigées contre elle repré- un TPO, ainsi le seuil réactogène est défini. Il est alors
sente une potentielle tolérance de la forme cuite des PLV ; demandé au patient de consommer quotidiennement le
la conformation des autres protéines du lait, thermosen- 10e de la quantité pour laquelle il a réagi. L'aide des dié-
sibles, est dénaturée par la cuisson et leur pouvoir réac- téticiennes est importante pour informer sur les équiva-
togène diminué. On peut donc faire une introduction du lences entre le lait et ses différents produits dérivés. Cette
lait cuit bouilli liquide mais plus facilement incorporé immunothérapie dite orale est efficace dans un tiers des
dans les gâteaux. Là encore, une dose croissante, le plus cas en moyenne.
Chapitre 26. Allergologie 689
Les protocoles de réintroduction sont en général lents, pour le lait de vache et ses produits dérivés. Cette jeune
sur des périodes minimales de 2–3 mois, avec des phases population en pleine croissance, et donc aux besoins cal-
d'augmentation en milieu hospitalier et d'autres à domicile. ciques élevés, doit être au mieux protégée du risque de
carence secondaire à une faible consommation de pro-
duits laitiers. Il s'agit de les informer et de les encourager
Allergie non IgE-médiée à la consommation alors des produits contenant le plus
Dans l'allergie non IgE-médiée dite forme retardée (hors de calcium, c'est-à-dire des fromages à pâte dure (1 000
SEIPA), il n'y a pas de test suffisamment sensible ou suffi- à 1 200 mg pour une portion de 100 g de fromage contre
samment spécifique pour orienter la réintroduction. Elle 150 mg pour 100 g de yaourt), des sardines en boîte, des
est en général envisageable à partir de 6 mois de régime graines et fruits secs, du soja et ses dérivés, du poisson,
d'éviction, parfois moins selon la pathologie. Elle se fait à des fruits de mer, de certains légumes (épinards, fenouil,
domicile si et seulement si les IgE spécifiques ont été récem- brocolis, haricots verts, etc.), de certains fruits (fruits
ment contrôlées et négatives ; sinon, un avis allergologique rouges, orange, kiwi, etc.), ou encore de certaines eaux (si
est requis. > 145 mg/L de calcium).
Une fois cette précaution prise, la réintroduction doit être
guidée précisément en s'appuyant idéalement sur un docu-
ment écrit, explicatif, remis à la famille. Immunothérapie en allergie
Notre expérience est de proposer des paliers hebdoma-
daires. La durée de chaque phase est discutable mais elle
respiratoire et alimentaire
doit être lente et progressive. À chaque palier, l'introduction Étienne Bidat
doit débuter idéalement un week-end (ou jour de congé
L'immunothérapie (anciennement désensibilisation) (IT) a
des parents) et de préférence en début de journée pour per-
plus de 100 ans.
mettre une surveillance optimale et ne pas potentiellement
L'IT aux allergènes respiratoires, telle qu'elle est actuel-
perturber le sommeil nocturne.
lement pratiquée, a fait la preuve de son efficacité dans
On débute systématiquement par le lait cuit dans un
des essais contrôlés. Les essais ont concerné la rhinite et
biscuit, une unité par jour, pendant une semaine, puis on
l'asthme, les principaux allergènes respiratoires (acariens
passe aux protéines de lait cru avec le beurre (plus riche en
de la poussière de maison, quelques pollens et animaux,
lipides qu'en protéines), une noisette par jour. Durant les
une moisissure), lors d'une administration par voie
3 semaines suivantes, on réalise l'introduction des produits
injectable sous-cutanée ou par voie sublinguale (gouttes
lactés progressivement jusqu'à 2 produits laitiers par jour en
ou comprimés). La voie sublinguale est actuellement
plus du biscuit et de la noisette de beurre. Le choix des pro-
favorisée.
duits laitiers doit être aussi guidé car ils ne contiennent pas
L'IT aux aliments est plus récente. Elle modifie radicale-
tous les mêmes quantités de protéines. On conseille de com-
ment la prise en charge de l'allergie alimentaire. À ce jour,
mencer par ceux contenant le moins de protéines comme
elle n'est pas recommandée dans une utilisation clinique de
la crème fraiche, la Vache qui rit®, le flanc au caramel de la
routine mais réservée aux centres spécialisés.
marque Flamby®, le petit-suisse aux fruits de la marque Petit
Gervais®, etc.
Les familles doivent être informées sur les symptômes Mécanisme
potentiels dont il faut surveiller l'apparition, en général des
troubles digestifs pouvant allier un reflux gastro-œsopha- L'IT provoque de profonds remaniements immunitaires.
gien compliqué d'acidité, des troubles du transit avec des Elle induit très rapidement une désensibilisation des mas-
diarrhées ou plus rarement une constipation, des douleurs tocytes et des basophiles par l'internalisation précoce des
abdominales, une diminution de l'appétit, le tout pouvant IgE présentes à la surface de ces cellules. Dans une seconde
conduire à une irritabilité avec pleurs fréquents chez les plus phase, les lymphocytes T régulateurs, induits par les cellules
petits et des troubles du sommeil. dendritiques après présentation de l'antigène, moduleraient
Si ces symptômes apparaissent, il faut revenir au palier la réponse inflammatoire et inhiberaient les lymphocytes
précédent et se donner quelques semaines avant d'augmen- Th2. Les lymphocytes B régulateurs seraient également
ter à nouveau. induits et participeraient à la régulation de l'inflammation
À plus long terme, on voit dans certains cas la symptoma- par la sécrétion d'IL-10 et de TGF-β et sécréteraient des IgG4
tologie se modifier et s'exprimer plutôt sur un mode ORL spécifiques de l'allergène. Ces IgG4 spécifiques e ntreraient
ou bronchique dans les 2 premières années qui suivent la fin en compétition avec les IgE spécifiques, et pourraient éga-
de la réintroduction. Les patients présentent alors des infec- lement participer à l'internalisation des IgE à la surface des
tions ORL à répétition ou des tableaux respiratoires sifflants. mastocytes et à l'inhibition de la dégranulation mastocy-
Il faut penser à faire de nouveau un test d'éviction/réintro- taire. L'effet au long cours de l'IT serait associé à une réduc-
duction complète des PLV pendant au moins un mois afin tion du nombre des mastocytes et éosinophiles tissulaires.
d'argumenter de manière très rigoureuse ce possible diag
nostic, sans faire des exclusions prolongées excessives. Allergie respiratoire
De façon générale, un certain nombre de nos patients L'IT est le seul traitement étiologique de l'allergie respira-
allergiques aux PLV gardent dans le temps une aversion toire. Les autres traitements ne font que contrôler les signes.
690 Partie II. Spécialités
Les travaux récents montrent que l'IT peut limiter le déve- à la dose la plus basse puis reprendre la progression. En cas
loppement de nouvelles allergies et éviter le passage de la de perte d'une dent de lait, il faut interrompre le traitement
rhinite allergique à l'asthme. pendant au moins 7 jours pour permettre la cicatrisation afin
L'IT peut être envisagée par l'allergologue quand les d'éviter un trop grand passage d'allergène dans l'organisme,
traitements préventif et symptomatique de la rhinite ou de source d'effets secondaires. Les flacons sont stockés au réfri-
l'asthme ne peuvent pas être arrêtés ou diminués, quand le gérateur, mais pour les flacons à concentration maximale en
traitement préventif pris régulièrement contrôle insuffisam- cours, ils peuvent se conserver en dehors. La prescription ini-
ment les signes (notamment en cas d'allergies aux pollens), tiale d'IT par voie sublinguale avec des gouttes est faite par un
pour faciliter la vie sociale (quand les séjours en dehors du allergologue, et adressée directement auprès d'un laboratoire
domicile, avec exposition aux allergènes, sont difficiles mal- producteur d'allergène. La prescription de la poursuite de
gré un traitement préventif ; ce peut être le cas lors d'une cette IT est possible par le médecin traitant.
allergie aux acariens ou au chat). L'IT par voie sublinguale avec des comprimés est actuelle-
L'allergologue envisage l'IT pour un ou deux allergènes ment possible pour les graminées et les acariens (indication
quand ceux-ci ont bien été identifiés et sont responsables actuelle chez les plus de 12 ans). Le déroulement est proche
des signes de l'allergie. Il ne suffit pas d'avoir un test d'al- de l'IT par voie sublinguale avec des gouttes. La 1re prise se
lergie positif, il faut aussi que l'exposition à l'allergène soit fait au cabinet et une surveillance de 20 à 30 minutes est
responsable des signes. Avant de débuter une IT, les symp- requise. Elle permet de vérifier la tolérance et de prendre
tômes doivent être contrôlés. Il faut donc équilibrer le trai- en charge d'éventuels effets secondaires. Le lyophilisat ou
tement de l'asthme ou de la rhinite, éventuellement par un le comprimé est gardé sous la langue pendant 1 minute.
traitement quotidien, et apprendre au patient et à sa famille Il ne faut pas absorber d'aliments ou de boissons dans les
à gérer les symptômes. L'enfant et sa famille doivent accep- 5 minutes suivant la prise. Un des intérêts du lyophilisat et
ter la contrainte de l'IT. du comprimé est qu'ils ne se conservent pas au réfrigérateur.
Lors de l'IT par voie sublinguale avec des gouttes, Les traitements d'IT par voie sublinguale avec des compri-
celles-ci sont déposées sous la langue. Elles sont gardées més sont disponibles en pharmacie sur ordonnance libre. Le
2 minutes et ensuite avalées ou crachées. L'IT se déroule Vidal® précise que l'instauration du traitement est réservée
en deux phases : aux médecins expérimentés dans le traitement des patholo-
■ dans la phase initiale, des doses croissantes sont gies allergiques.
administrées ;
■ puis dans la phase d'entretien, les prises d'une concentra-
tion plus élevée se font tous les jours à la même dose.
Allergie alimentaire
Le traitement est pris 6 mois/an pour une famille de pol- En cas d'allergie alimentaire, le seul traitement disponible
lens, toute l'année pour les acariens, animaux et moisissures. était jusqu'à récemment le régime d'éviction couplé à l'ap-
Si après 6 mois de traitement, ou une saison pollinique, la prentissage de la gestion d'une réaction allergique, idéale-
désensibilisation entraîne une amélioration significative, ment dans le cadre d'une éducation thérapeutique. L'IT aux
elle est poursuivie 3 à 5 ans ou 3 à 5 saisons consécutives aliments modifie radicalement la prise en charge. Elle est
pour renforcer son effet et pour que celui-ci perdure dans possible par voie orale (ITO), plus accessoirement par voie
le temps. sublinguale ou épicutanée. L'ITO est la plus étudiée. À ce
Les effets secondaires de l'IT sublinguale sont rares, jour, en raison du risque de réactions allergiques, y compris
elle est le plus souvent très bien tolérée. Parfois, le patient anaphylactiques, l'ITO n'est pas recommandée dans une
ressent que cela gratte sous la langue et il existe un minime utilisation clinique de routine. Ces recommandations sont
gonflement peu gênant. En phase initiale, si ces effets sont discutables pour les ITO au lait cuit ou à l'œuf cuit qui sont
plus francs, ou associés à une rhinite ou une conjonctivite, entrées dans la pratique quotidienne des spécialistes de l'al-
il faut répéter la dernière dose tolérée, utiliser le traitement lergie alimentaire. En pratique, l'IT permet le plus souvent
prévu pour traiter ces signes (le plus souvent un antihista- une augmentation du seuil de tolérance à l'aliment, sans
minique), puis reprendre la progression plus lentement. guérison complète. Ceci améliore déjà considérablement la
Si apparaissent des signes plus importants, ce qui est rare, qualité de vie du patient.
comme un gonflement du visage, de la bouche ou de la
gorge, des difficultés de déglutition, une éruption cutanée, Allergie et hypersensibilité
des difficultés respiratoires, une modification de la voix, une
augmentation des symptômes d'asthme, il faut arrêter l'IT
aux antibiotiques
et contacter son allergologue. Le plus souvent, il adaptera le Guillaume Lezmi
schéma de progression.
Certaines astuces facilitent le suivi de l'IT. Si deux IT sont Pour bien comprendre
simultanées (par exemple acariens et pollens de graminées), il L'allergie est une réaction adverse ou hypersensibilité
est possible de les faire à la suite, avec 30–60 minutes d'inter- à une substance donnée, médiée par des mécanismes
valle. Si l'IT est prise après le repas, il faut se rincer au préalable immunologiques spécifiques. Les allergies aux antibio-
la bouche afin d'éviter que l'allergène ne se fixe sur des débris tiques peuvent être liées à des anticorps de type IgE ou, plus
alimentaires restants. Une fois arrivé à la dose maximale, souvent, médiées par les lymphocytes T mémoires spéci-
en cas d'arrêt jusque 7 jours, il est possible de reprendre la fiques. Devant une réaction évocatrice d'hypersensibilité
dose maximale. En cas d'arrêt plus prolongé, il faut reprendre médicamenteuse, la recherche d'un mécanisme allergique
Chapitre 26. Allergologie 691
Suspicion allergie/HS
HDM
Test cutanés
± IgE SP
IDR, patch
TPO
Fig. 26.3 Démarche diagnostique devant une suspicion d'allergie/d'hypersensibilité aux bêtalactamines chez l'enfant. HDM : histoire
de la maladie ; HS : hypersensibilité ; IDR : intradermoréaction ; IgE SP : immunoglobulines E spécifiques ; TPO : test de provocation par voie orale.
Adapté de Gomes ER, Brockow K, Kuyucu S, Saretta F, Mori F, Blanca-Lopez N, e al. ; ENDA/EAACI Drug Allergy Interest Group. Drug hypersensiti-
vity in children : report from the pediatric task force of the EAACI Drug Allergy Interest Group. Allergy. 2016 ; 71 (2) : 149-61.
692 Partie II. Spécialités
la possibilité d'un mécanisme IgE-médié quand elle est des équipes le commencent en hôpital de jour, voire en
immédiate, ou un mécanisme LT-médié quand elle est consultation, et le poursuivent à domicile pendant quelques
retardée. jours. Le risque de survenue d'une réaction anaphylactique
lors du TPO effectué pour explorer une réaction retardée est
Réactions immédiates vraisemblablement identique à celui de la population géné-
Les réactions immédiates sont définies comme survenant rale. Il justifie que la/les première(s) dose(s) du médicament
dans l'heure suivant la prise du médicament. Elles sont soi(en)t donnée(s) sous surveillance médicale. Si l'allergie/
potentiellement IgE-médiées et exposent au risque d'ana- hypersensibilité retardée légère est confirmée, la molécule
phylaxie. Bien qu'une réaction survenant après plusieurs suspecte est le plus souvent contre-indiquée de manière
jours de traitement mais dans l'heure suivant la dernière relative. Il convient de l'éviter en cas d'infection standard.
prise soit définie comme immédiate, un mécanisme IgE- En revanche, en cas d'infection plus sévère nécessitant la
médié est dans ce cas peu probable. molécule, celle-ci pourrait être reprise, sous surveillance, et
Les réactions immédiates se manifestent le plus sou- avec prémédication par antihistaminiques voire corticoïdes.
vent par des atteintes cutanées (urticaire, œdème), res-
piratoires (asthme, rhinoconjonctivite), et plus rarement
des manifestations digestives (vomissements, diarrhées). En cas d'exanthème maculopapuleux retardé sous BL, la pro-
Les réactions immédiates imposent un bilan spécialisé babilité qu'il s'agisse d'une allergie/hypersensibilité retardée est
d'environ 10 %.
allergologique avec prick-tests et intradermoréactions
à lecture immédiate. Le dosage des IgE spécifiques est
peu utile chez l'enfant. Ce bilan est idéalement effectué
6-8 semaines après la réaction. En cas de symptômes évo- Les réactions retardées potentiellement sévères sont
cateurs et de tests allergologiques positifs, l'allergie IgE- celles avec érythrodermie, érosions muqueuses, présence de
médiée est confirmée. Le médicament responsable est bulles, décollement, prédominant dans les plis ou éruptions
contre-indiqué de manière définitive. Lorsque les symp- douloureuses. Dans ces cas, une nouvelle prise du médi-
tômes sont compatibles mais que les tests allergologiques cament pourrait provoquer des réactions plus sévères. Ces
sont négatifs, un TPO est réalisé en HDJ en raison du réactions nécessitent un avis spécialisé avec bilan allergolo-
risque potentiel d'anaphylaxie. S'il est positif, le diagnostic gique. Aucun TPO d'emblée ne peut être effectué.
d'hypersensibilité immédiate est confirmé, et le médica- Les réactions retardées sévères sont exceptionnelles.
ment responsable contre-indiqué de manière définitive. Si Il s'agit des syndromes de Lyell/Stevens-Johnson, de
le test de provocation est négatif, le diagnostic d'hypersen- l'érythème pigmenté fixe, de la pustulose exanthématique
sibilité/allergie est exclu. aiguë généralisée, du rash cutané avec atteinte systémique et
hyperéosinophilie (DRESS syndrome), ou des formes avec
atteinte systémique associée (cytolyse hépatique, etc.). Elles
justifient une hospitalisation pour prise en charge aiguë spé-
Devant une urticaire immédiate sous BL chez l'enfant, la pro- cialisée, puis un bilan allergologique au décours.
babilité d'avoir une allergie/hypersensibilité est d'environ 30 %.
PLAN DU CHAPITRE
Purpura rhumatoïde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 694 Douleur en rhumatologie pédiatrique . . . . . . 701
Fièvres récurrentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 697 Arthrites juvéniles idiopathiques . . . . . . . . . . . 703
de pression (fig. 27.1). Elle débute le plus souvent par des Atteinte rénale
maculopapules purpuriques évoluant par poussées d'une La néphropathie est l'atteinte la plus sévère du PR, elle est
durée médiane de 10 jours, et qui peuvent parfois confluer observée chez 40 % des patients. L'atteinte rénale est très
en plaques ecchymotiques et nécrotiques. Elle siège préfé variable ; dans 70 % des cas, elle est bénigne et caractérisée
rentiellement aux membres inférieurs, mais peut toucher les par une hématurie microscopique ou macroscopique asso
membres supérieurs et plus rarement le tronc. ciée à une protéinurie modeste (rapport protéinurie/créa
tininurie < 70 mg/mmol). Dans 20 % des cas, il existe une
atteinte rénale avec protéinurie significative (rapport protéi
nurie/créatininurie entre 70 et 200 mg/mmol) et beaucoup
plus rarement, un syndrome néphrotique (rapport protéi
nurie/créatininurie > 200 mg/mmol) ou néphritique (avec
insuffisance rénale, HTA ou oligurie). L'atteinte rénale peut
se compliquer d'une insuffisance rénale terminale dans 4 %
des cas.
La biopsie rénale est indiquée en cas de réponse insuffi
sante aux corticostéroïdes, de néphropathie sévère de début
indéterminé ou en cas de doute diagnostique. L'atteinte
histologique est identique à celle de la maladie de Berger et
seules les manifestations cliniques permettent de différen
cier ces deux pathologies.
Dans la majorité des cas, l'atteinte rénale est concomi
Fig. 27.1 Purpura rhumatoïde (vasculaire). tante de l'atteinte cutanée ou lui succède dans les 2 mois ;
bien plus rarement, elle peut apparaître dans les 6 mois qui
Atteinte digestive suivent la dernière poussée. Ainsi, le risque de néphropa
thie différée implique la surveillance prolongée pendant
Elle est présente dans 50 à 70 % des cas ; dans 25 % des un an par la bandelette urinaire selon les recommanda
cas, elle est inaugurale et précède l'atteinte cutanée. Elle est tions de la Société francophone de néphrologie pédiatrique
caractérisée par des douleurs abdominales souvent intenses (tableau 27.1). Cette surveillance doit être clairement expli
à type de coliques et augmentées lors de l'alimentation, des quée aux parents dès la première consultation. Il est essentiel
nausées ou des vomissements, des mélénas ou des rectorra de reprendre la surveillance au début du protocole à chaque
gies. Les atteintes peuvent être multiples et sévères : invagi nouvelle poussée.
nation intestinale aiguë, hémorragie digestive, entéropathie Des facteurs pronostiques de la survenue d'une atteinte
exsudative, infarctus intestinal, perforation, pancréatite. rénale sont décrits : genre masculin, âge > 10 ans, atteinte
Au moindre doute, une échographie abdominale à la digestive sévère, arthrite, purpura persistant plus d'un
recherche d'une complication doit être réalisée. mois, nombre de rechutes ≥ 1, hyperleucocytose ≥ 15 G/L,
thrombocytose > 500 G/L, augmentation des anticorps
Atteinte articulaire antistreptolysine et diminution du C3. Cependant, aucune
Elle est également très fréquente, le plus souvent caracté prévention de la néphropathie n'est efficace, y compris l'uti
risée par des arthralgies (63 % des cas), plus rarement des lisation d'une corticothérapie préventive. Ainsi, la surveil
arthrites asymétriques des genoux et des chevilles (37 %), lance de la bandelette urinaire est la méthode la plus efficace
mais ces dernières ne sont jamais érosives. pour un dépistage et un traitement précoce.
Démarche diagnostique indispensable (cf. infra). Dans tous les autres cas de figure
Comme précisé ci-dessus, l'interrogatoire est une étape (variant de séquence dans d'autres exons, présence d'une
essentielle dans la démarche diagnostique, car il permet de seule mutation dans l'exon 10, etc.), un avis spécialisé est
retracer de manière souvent assez précise les signes cliniques nécessaire afin de vérifier si le patient est atteint ou non
du patient avec identification d'éventuelles stéréotypies, des d'une FMF et requiert un traitement par colchicine au long
signes d'accompagnements parfois discrets, le caractère cours.
spontanément limité dans le temps de la symptomatologie. Pour les enfants qui ne sont pas d'origine méditerra
Il est utile de demander aux familles de noter de manière néenne ou chez ceux d'origine méditerranéenne pour
prospective les épisodes de fièvre ainsi que les signes d'ac lesquels on a rejeté le diagnostic de FMF, l'orientation diag
compagnement. L'examen clinique de l'enfant suspect de nostique se fait grâce à l'analyse rigoureuse de l'histoire
maladie auto-inflammatoire doit idéalement être fait pen familiale, de l'âge de début des symptômes, de la durée des
dant et en dehors d'un épisode inflammatoire. Afin de pou accès et des signes d'accompagnement lors des accès inflam
voir affirmer le caractère récurrent de la symptomatologie, matoires. Devant l'expansion rapide du vaste champ des
il faut prouver que celle-ci est spontanément limitée dans le maladies auto-inflammatoires, ainsi que la rareté des diffé
temps. L'observation de cette condition nécessite de laisser rents syndromes de fièvre récurrente auto-inflammatoire,
évoluer un épisode fébrile sans intervention thérapeutique un avis spécialisé est souvent nécessaire.
extérieure en dehors d'un traitement symptomatique de la Au terme de cette démarche diagnostique, un certain
fièvre ou de la douleur. nombre de patients restent sans diagnostic précis. Un suivi
Concernant les examens complémentaires, certains dans la durée est alors essentiel car, au cours du temps, un
devraient être effectués pendant l'épisode inflammatoire, certain nombre de tableaux cliniques se complètent. Au
alors que d'autres plutôt en dehors de la fièvre (tableau 27.2). contraire, d'autres tableaux cliniques persistent à l'identique,
Ces examens ne sont pas exhaustifs et doivent être com voire disparaissent ; on parle alors de fièvre récurrente auto-
plétés par des examens plus spécifiques au moindre signe inflammatoire idiopathique.
d'appel et d'orientation. Ils servent à prouver la présence
d'un syndrome inflammatoire non spécifique au cours de la Syndrome PFAPA
symptomatologie clinique et d'éliminer les principaux diag
nostics différentiels les plus fréquents. Diagnostic
Les éléments d'orientation étiologique s'articulent essen Le syndrome PFAPA (Periodic Fever Aphtous Stomatitis
tiellement autour des antécédents familiaux, de l'origine Pharyngitis Adenitis), anciennement nommé syndrome
géographique du patient, de l'âge de début des symptômes, de Marshall, est la cause la plus fréquente de fièvre récur
de la durée de la symptomatologie lors des accès et des rente auto-inflammatoire en pédiatrie avec une incidence
signes cliniques associés. estimée à 0,25–0,50/1 000 chez l'enfant de moins de 5 ans.
Chez l'enfant, il convient en premier lieu d'éliminer le La cause de la maladie est à ce jour inconnue, son origine
syndrome PFAPA (cf. infra), d'autant plus qu'il s'agit de la étant très probablement multifactorielle (prédisposition
fièvre récurrente auto-inflammatoire la plus fréquente au génétique, facteurs environnementaux, etc.). Le tableau cli
cours de la 1re décennie de vie. Effectivement, si les critères nique associe des poussées de fièvre récurrentes de périodi
cliniques du syndrome PFAPA sont remplis, d'autres explo cité régulière et des signes d'accompagnement : pharyngite,
rations biologiques ou génétiques sont inutiles et permettent aphtes buccaux et/ou adénopathies cervicales. D'autres
de rassurer le patient et sa famille sur la bonne évolution à signes d'accompagnement tels que céphalées et douleurs
long terme. abdominales peuvent parfois s'observer. Si la périodicité
Chez l'enfant ne remplissant pas les critères de PFAPA, des épisodes de fièvre n'est pas toujours évidente de prime
la démarche diagnostique diffère à partir de ce stade du rai abord, elle est néanmoins essentielle pour retenir le diag
sonnement clinique de l'origine du malade. En cas d'origine nostic, car elle est présente chez tous les patients au moins
méditerranéenne du patient, il est licite d'évoquer la fièvre pendant une phase (souvent inaugurale) de la maladie. Un
méditerranéenne familiale (FMF), diagnostic qui peut être accès inflammatoire habituel dure entre 3 et 6 jours.
appuyé par une analyse génétique à la recherche de muta Des critères cliniques ont été proposés pour retenir le
tions dans le gène MEFV. En cas de présence de deux muta diagnostic de syndrome PFAPA (tableau 27.3) ; malgré leur
tions dans l'exon 10 de ce gène, le diagnostic de FMF est absence de validation formelle, ils peuvent être d'une pré
certain et l'instauration d'un traitement par colchicine est cieuse aide pour retenir le diagnostic.
Tableau 27.2 Bilan minimal à effectuer en dehors et pendant une poussée fébrile.
Bilan minimal à effectuer pendant une poussée inflammatoire Bilan minimal à effectuer en dehors d'une poussée fébrile
– Paramètres inflammatoires – Paramètres inflammatoires
– Numération formule sanguine avec compte de polynucléaires – Taux d'immunoglobulines totales
neutrophiles – ± bilan immunitaire de débrouillage (sérologies vaccinales,
– Explorations bactériologiques afin d'éliminer une cause complément, phénotypage lymphocytaire, étude des PNN) en fonction
infectieuse aux accès inflammatoires récurrents de la clinique
– ± recherche d'autoanticorps : en fonction de la clinique
PNN : polynucléaires neutrophiles.
Chapitre 27. Rhumatologie et maladies systémiques 699
■ les douleurs abdominales liées à une inflammation du tion présente sur les 2 allèles (statut d'homozygote), soit
péritoine constituent le symptôme le plus fréquent (> 90 % deux mutations différentes présentes chacune sur un des
des patients ont des douleurs abdominales fébriles). Elles deux allèles (statut d'hétérozygote composite). Le génotype
peuvent être localisées au début de l'accès puis se généralisent (homozygote/hétérozygote composite) peut être confirmé
à tout l'abdomen. À l'examen clinique, il existe une défense, par un phasage, c'est-à-dire une analyse de l'ADN des
voire une contracture pouvant faire évoquer, chez un malade parents. La très grande majorité des mutations connues de
dont le diagnostic de FMF n'est pas déjà établi, un abdo MEFV sont des mutations faux-sens (changement d'un acide
men chirurgical. D'une façon générale, le patient sait le plus aminé). L'effet pathogène des mutations est très variable.
souvent reconnaître un accès typique lié à sa maladie ; tout Les mutations situées dans l'exon 10 du gène MEFV sont
symptôme inhabituel doit faire rechercher une autre cause ; les plus fréquentes dans les populations à risque de FMF et
■ les douleurs thoraciques peuvent être en rapport avec sont aussi celles associées aux phénotypes les plus typiques.
une pleurésie (45 à 60 % des malades) et beaucoup plus Les génotypes incluant des mutations de l'exon 10 à l'état
rarement avec une péricardite (1 % des malades). Le syn homozygote ou hétérozygote composite signent clairement
drome pleural clinique est typique, avec une douleur laté le diagnostic de FMF. En dehors de cette situation, l'inter
rothoracique unilatérale, augmentée par l'inspiration et prétation des résultats génétiques est beaucoup plus délicate
les changements de position et, à l'examen, une polypnée et nécessite souvent un avis spécialisé.
superficielle. En revanche, l'épanchement pleural est le
plus souvent minime et non décelé par l'examen physique ;
■ l'atteinte articulaire concerne 50 à 70 % des malades, est Cas particuliers des patients hétérozygotes
généralement monoarticulaire et peut se manifester soit La fièvre familiale méditerranéenne a un statut particu
par des arthralgies soit par une arthrite, le plus souvent lier au sein des maladies monogéniques. En effet, certains
des grosses et moyennes articulations des membres infé génotypes hétérozygotes particuliers (essentiellement
rieurs. L'épanchement articulaire peut être très abondant M694V hétérozygote) peuvent entraîner l'apparition
et est de type inflammatoire riche en polynucléaires neu de signes cliniques inflammatoires proche de la FMF et
trophiles, aseptique et sans cristaux. Les arthrites peuvent associés à des signes biologiques d'inflammation. Ces
se prolonger au-delà de 4 jours et évoluent généralement patients présentent habituellement un phénotype peu
favorablement sans séquelle. Une petite proportion de sévère, mais qui répond généralement bien au traitement
patients atteints de FMF peut présenter des tableaux par colchicine. Au cours de l'enfance, le phénotype ini
cliniques articulaires chroniques, proches sémiologique tial ne semble pas être différent entre les patients FMF
ment parlant de la spondylarthrite. Une prise en charge hétérozygotes et homozygotes/hétérozygotes compo
rhumatologique spécifique est alors nécessaire ; sites. En revanche, l'évolution semble meilleure chez les
■ la vaginalite testiculaire (inflammation de la vaginale tes patients hétérozygotes et chez certains patients, la col
ticulaire) se manifeste par une grosse bourse aiguë dou chicine pourrait être arrêtée au cours du suivi sans réci
loureuse. Le diagnostic différentiel principal est la torsion dive immédiate des symptômes. Aujourd'hui, il n'est pas
de testicule pour laquelle certains petits garçons dont le défini pour quels patients la colchicine doit être poursui
diagnostic de FMF n'est pas établi sont opérés ; vie et pour lesquels une interruption peut être proposée.
■ l'atteinte cutanée survient chez 25–30 % des malades. La Selon les différentes études qui se sont intéressées à ce
plus caractéristique est la présence d'un placard inflam sujet, il semble raisonnable de pouvoir proposer d'arrêter
matoire très douloureux en regard de la cheville appelé le traitement par colchicine en cas d'absence de signes
« pseudo-érysipèle » du fait de sa ressemblance avec l'af cliniques et d'inflammation biologique pendant au moins
fection cutanée aiguë infectieuse. Plus rarement, il peut 2 ans. Néanmoins, une surveillance clinique et biologique
s'agir de lésions purpuriques des membres inférieurs. pendant plusieurs années semble nécessaire afin d'identi
En dehors de ces manifestations étroitement liées aux épi fier les enfants qui requièrent une reprise de la colchicine
sodes de fièvre, les patients atteints de FMF peuvent aussi au cours de leur vie en raison de la récidive des symp
se plaindre de myalgies. Le tableau le plus fréquent est celui tômes et/ou de l'inflammation biologique. En effet, des
de myalgies survenant après un exercice physique, même rémissions cliniques allant jusqu'à 15 ans ont été décrites
modéré, ou une station debout prolongée sans fièvre, d'in chez des patients hétérozygotes, avec une récidive cli
tensité modérée et durant quelques heures mais parfois très nique typique de FMF après cette période de rémission
gênantes lorsqu'elles se répètent. Plus rarement, les myalgies complète.
débutent sur un mode suraigu, sont très intenses, rendant la
palpation impossible, accompagnées d'une fièvre élevée et Prise en charge thérapeutique
pouvant durer quelques semaines, répondant habituellement Il n'existe pas de réel traitement curatif de l'accès inflamma
à une corticothérapie (protracted myalgias des auteurs de toire aigu, au cours duquel de nombreux traitements sont
langue anglaise). Le diagnostic différentiel avec certaines vas utilisés : paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens
cularites comme la périartérite noueuse peut s'avérer difficile. et antalgiques.
En revanche, la FMF est une des rares maladies hérédi
Diagnostic génétique taires qui possède un traitement de fond simple et efficace :
S'agissant d'une maladie autosomique récessive, la confir la colchicine. Celle-ci doit être débutée dès que le diagnostic
mation génétique de la FMF repose sur l'identification de est confirmé ou au moins fortement suspecté et doit être
deux allèles mutés du gène MEFV : soit une même muta prescrite au long cours.
Chapitre 27. Rhumatologie et maladies systémiques 701
plus de 5 ans. Pour les plus jeunes, il faut utiliser des échelles rie et/ou une sous-utilisation d'une articulation. L'examen
d'hétéroévaluation : EVENDOL, FLACC (Face, Legs, Acti- clinique recherche un gonflement, une rougeur ou une
vity, Cry, Consolability). chaleur de l'articulation, une raideur et/ou une diminution
Cette évaluation dans le temps est importante au fil des des amplitudes articulaires. L'étude de la marche est impor
consultations, surtout dans le cas de douleur chronique. tante : elle permet de démasquer une boiterie esquive, une
L'appréciation de la douleur passe aussi par la notion de marche sur la pointe, etc.
stabilité dans la journée, les répercussions sur le quotidien
de l'enfant (absentéisme scolaire, arrêt des activités spor
tives, etc.), l'utilisation de techniques antalgiques (cannes Douleur musculaire
anglaises, fauteuil roulant, poussette, portage, etc.), la La douleur musculaire, ou myalgie, est une souffrance mus
consommation de médicaments antalgiques et leur type. culaire localisée au niveau d'un ou plusieurs muscles striés,
elle peut toucher un ou plusieurs groupes musculaires. Elle
Examen clinique est déclenchée par l'effort et on doit s'efforcer de rechercher
Il doit être complet, comparatif, pratiqué chez un enfant nu, les signes suivants : fatigabilité à l'effort, amyotrophie ou
et détendu. Il ne faut pas hésiter à détourner l'attention des hypertrophie, crampe, douleur à la palpation, etc. Le tes-
plus petits pour un examen clinique optimal dans le calme. La ting musculaire recherche pour chaque groupe un déficit
douleur n'est pas toujours verbalisée lors de l'examen, et l'ob musculaire.
servation de l'enfant préalable à l'examen clinique est riche d'in
formations. En effet, le déshabillage peut réveiller une douleur, Douleurs osseuses
la marche révéler une boiterie, une esquive, etc., l'appui pour On recherche une douleur la palpation, un œdème cutané
monter sur la table d'examen peut montrer un déficit muscu en regard, une déformation d'un membre. La douleur
laire, un appui inadéquat en raison d'une douleur articulaire. osseuse peut correspondre à une fracture, une inflammation
L'étude de la marche peut nous orienter vers une origine (infection ou inflammation), une hémopathie, une tumeur
articulaire, musculaire ou neurologique. osseuse.
L'examen neurologique recherche une hyperesthésie, une
spasticité ou un déficit.
Il faut également rechercher, en faveur d'une maladie géné Diagnostic d'exclusion : douleur de croissance
rale, l'existence de fièvre (infection, inflammation, tumeur), et douleurs fonctionnelles
une altération de l'état général (tumeur, maladie de Kawa Douleur de croissance
saki), une éruption cutanée (virose, AJI systémique, maladie
de Kawasaki), une atteinte muqueuse (aphte, chéilite), des Comme les douleurs fonctionnelles, les douleurs de crois
adénopathies, une hépatosplénomégalie, une perte de poids. sance doivent être un diagnostic d'élimination. Ces douleurs
de croissance ou douleurs idiopathiques nocturnes sont une
Examens complémentaires entité exclusivement clinique, touchant de jeunes enfants
bien portant entre 4 et 10 ans qui souffrent, par accès noc
Leur réalisation dépend avant tout des résultats de l'interro
turnes récurrents, de violentes douleurs des membres infé
gatoire et de l'examen clinique. La biologie doit être simple rieurs, souvent symétriques et localisées à la face antérieure
afin d'éliminer les causes pour lesquelles un retard diagnos des tibias ou des creux poplités. Le diagnostic clinique est
tique est préjudiciable (principalement : leucémie, tumeurs réalisé devant la description stéréotypée des parents, l'an
osseuses et infections ostéoarticulaires) : seront donc réali cienneté des accès (souvent plusieurs années) et l'excellent
sés en 1re intention numération formule sanguine, vitesse de état clinique de l'enfant.
sédimentation et dosage de protéine C-réactive (CRP). Tout
autre examen doit se faire en fonction de l'orientation étio
logique, à discuter si nécessaire avec le spécialiste concerné. Douleur fonctionnelles
Les examens radiologiques sont souvent inutilement pres Parfois, l'examen clinique est sans particularité, les examens
crits si la douleur n'a pas été correctement identifiée et loca complémentaires sont normaux mais la plainte douloureuse
lisée. La radiographie standard, voire le scanner peuvent est importante et disproportionnée par rapport aux consta
explorer les causes osseuses, l'échographie les atteintes arti tations cliniques et paracliniques.
culaires, l'IRM les causes musculaires et les conflits radicu Les antalgiques utilisés sont peu ou pas efficaces et même
laires (hernie, tumeur). L'IRM est aussi l'examen de choix parfois responsables d'effets indésirables. Il faut alors envi
des atteintes osseuses chroniques et des explorations du sager une composante émotionnelle dans la perception
rachis après examen radiographique standard. douloureuse. Il est important d'évaluer les répercussions de
la douleur sur le quotidien de l'enfant : qualité du sommeil,
Les différentes douleurs en rhumatologie absentéisme et baisse des résultats scolaires, relation conflic
tuelle familiale et sociale, isolement. On doit veiller à mettre
pédiatrique
en évidence les bénéfices secondaires que la douleur peut
Les principales causes de douleurs sont présentées dans la procurer à l'enfant ou à sa famille.
figure 27.2. La douleur a plusieurs composantes : sensorielle, émo
tionnelle, attentionnelle, mnésique ; une prise en charge plu
Douleur articulaire ridisciplinaire doit être organisée. L'objectif premier n'est
L'examen articulaire doit se faire chez un enfant détendu. pas la disparition de la plainte mais la restauration, dans un
La douleur articulaire se traduit volontiers par une boite premier temps, d'un quotidien de qualité.
Chapitre 27. Rhumatologie et maladies systémiques 703
Rachitisme
Arthrite septique
Maladies osseuses
Ostéomyélite Hémarthrose Arthrites juvéniles
constitutionnelles
Arthrite réactionnelle Traumatique idiopathiques Étiologies articulaires
Encéphalopathie
Arthrite virale Fracture Connectivites, LES, PAN
Maladie métabolique
Synovite aiguë
Algodystrophie
Tumeurs
Étiologies tumorales
Hémopathies
Ostéite récurrente
Apophysoses (Osgood-Schlatter,
multifocale Apophysoses (Osgood-Schlatter,
Sever, etc.) Étiologies osseuses, périosseuses
SAPHO Sever, etc.)
Fractures
Dysplasie fibreuse
Fig. 27.2 Principales étiologies des douleurs en rhumatologie pédiatrique. LES : lupus érythémateux systémique ; PAN : périartérite noueuse ;
SAPHO : synovite, acné, pustulose, hyperostose et ostéite.
De plus, il faut prendre garde de ne pas faire d'escalade Arthrites juvéniles idiopathiques
inutile dans les antalgiques ; il est même parfois nécessaire
de les diminuer et/ou de les arrêter. Il en est de même pour Pierre Quartier
les investigations complémentaires. Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) correspondent
à des maladies hétérogènes qui ont en commun l'arthrite,
Prise en charge l'absence d'étiologie connue (diagnostics différentiels élimi
nés) et une durée de plus de 6 semaines.
La prise ne charge doit être adaptée en fonction de l'orien
tation diagnostique. Elle nécessite de bien avoir identifié la
ou les composantes de la douleur. Ainsi, les explorations Définition
complémentaires doivent être prescrites une fois la dou L'appellation « arthrite juvénile idiopathique » (AJI) a été
leur précisée et un diagnostic suspecté. La prise en charge proposée lors d'une réunion internationale de rhumatolo
est volontiers pluridisciplinaire et implique orthopédiste gues pédiatres experts à Durban en 1998 puis améliorée lors
pédiatre, neuropédiatre, rhumatopédiatre et médecin de la d'une seconde réunir à Emondton en 2001 pour les arthrites
douleur. sans étiologie reconnue qui débutent avant l'âge de 16 ans
et persistent au minimum 6 semaines. Cette appellation se
substitue à celles plus anciennes d'arthrite chronique juvénile
Conclusion (ACJ) et d'arthrite rhumatoïde juvénile (ARJ) qui couvraient,
Les douleurs de l'appareil locomoteur sont des causes pour une large part, les mêmes affections. Le fait que cette
fréquentes de consultations en pratique pédiatrique quo classification repose essentiellement sur des caractéristiques
tidienne. Nombre de ces douleurs sont modérées, passa cliniques et sur la présence ou l'absence d'un nombre limité
gères et de diagnostic aisé. Cependant, certaines étiologies de marqueurs biologiques témoigne de notre connaissance
(arthrite infectieuse, ostéomyélite, tumeur et hémopathie) encore fragmentaire de la physiopathologie de ces affections.
sont des urgences diagnostiques et thérapeutiques, un
retard diagnostique entraînant des complications et/ou un
moins bon pronostic. Une approche précise par un interro Classification
gatoire soigné et un examen clinique complet est essentielle On distingue selon cette classification :
à la démarche de prise en charge des douleurs de l'appareil ■ la forme systémique d'AJI (ou maladie de Still à début
locomoteur dont les traitements sont le plus souvent asso pédiatrique), caractérisée à la phase initiale par des pics
ciés à une prise en charge globale pluridisciplinaire. de fièvre élevée, un rash cutané fugace, des arthralgies
704 Partie II. Spécialités
avec survenue d'arthrites soit d'emblée soit de manière Cependant, sauf exception, le surrisque dans une famille
retardée, parfois une péricardite. Ces patients peuvent est insuffisant pour proposer un screening systématique.
avoir une altération rapide et importante de l'état général,
certains sont menacés par une complication immunolo
gique appelée « syndrome d'activation macrophagique »
Physiopathologie : principaux acteurs
qui peut représenter une urgence vitale ; Plus que les études menées au niveau sanguin ou du liquide
■ les oligoarthrites (pas plus de 4 articulations touchées au articulaire, la démonstration d'un rôle clé de certaines cyto
cours des 6 premiers mois), avec parfois présence d'anti kines inflammatoires est venue de l'objectivation d'une
corps antinucléaires sans spécificité, un début en général grande efficacité :
avant 6 ans et un risque d'uvéite chronique à œil blanc justi ■ des antagonistes de l'interleukine (IL)-1 et de l'IL-6 dans
fiant la mise en place systématique d'une surveillance oph la forme systémique d'AJI ;
talmologique avec lampe à fente tous les 3 mois chez tout ■ des antagonistes du TNF-α (Tumor Necrosis Factor alpha)
enfant qui débute une arthrite non systémique avant 6 ans ; dans la plupart des autres AJI ;
■ les polyarthrites rhumatoïdes juvéniles, rares ; ■ et également d'autres biothérapies, avec une expérience
■ les polyarthrites sans facteur rhumatoïde, dont certaines chez l'enfant plus limitée.
de début précoce sont aussi associées à un risque d'uvéite ;
■ les enthésites (atteinte inflammatoire des insertions ten Prise en charge
dineuses, notamment tendons calcanéens ou patellaires,
Elle doit être multidisciplinaire, associant les intervenants
talalgies, etc.) en rapport avec une arthrite, ou spondyl
de proximité, un centre de référence ou de compétence
arthropathies juvéniles ;
(RAISE-Rhumatismes inflammatoires et maladies auto-
■ les AJI associées au psoriasis ;
immunes systémiques rares de l'enfant ou FAI2R), souvent
■ des AJI non groupables.
des intervenants paramédicaux dont des kinésithérapeutes
Un projet de nouvelle classification est en cours de vali
et ergothérapeutes, les ophtalmologistes chez les enfants
dation. Il distinguerait les formes systémiques d'AJI ou
à risque d'uvéite, les parents avec l'aide d'associations de
maladies de Still à début pédiatrique, les AJI avec anticorps
patients, le milieu scolaire.
antinucléaires de l'enfant jeune, les spondylarthropathies
juvéniles, les polyarthrites rhumatoïdes juvéniles et des
arthrites ingroupables. Traitement médicamenteux
Certaines oligoarthrites peu sévères peuvent être traitées
par anti-inflammatoires non stéroïdiens aux doses rhuma
Épidémiologie tologiques (ibuprofène ou naproxène 30 mg/kg/j en res
La prévalence des AJI dans leur ensemble varie entre pectivement 3 et 2 prises/j) et infiltrations articulaires de
30 et 400, l'incidence entre 2,6 et 26 cas pour 100 000 enfants corticostéroïdes.
selon la région géographique étudiée, le type de classifica Dans les formes plus sévères, une prise en charge bien
tion, la méthodologie utilisée et l'âge de la population pédia menée, avec un diagnostic et un contact précoces avec
trique évaluée dans ces études. un centre expert, permet d'offrir à la grande majorité des
patients un pronostic vital et fonctionnel excellent. Ces
Diagnostic différentiel résultats sont liés en grande partie à l'utilisation ration
nelle de traitement anciens comme le méthotrexate et au
À la phase initiale, il peut être difficile de distinguer une développement de biothérapies (anti-TNF, anti-IL-1, anti-
authentique arthrite d'arthralgies ou de douleurs périarticu IL-6 et autres) qui ont révolutionné le pronostic d'atteintes
laires inflammatoires, telles les douleurs métaphysaires d'une articulaires jadis destructrices, notamment dans les poly
ostéomyélite ou d'une leucémie. La survenue d'une arthrite arthrites rhumatoïdes juvéniles ou la forme systémique
ou d'arthralgies inflammatoires chez l'enfant nécessite en d'AJI, le risque de retard de croissance, ce d'autant que le
premier lieu d'éliminer une arthrite infectieuse, une arthrite recours à la corticothérapie générale est désormais plus
réactionnelle, ainsi qu'une atteinte articulaire dans le cadre limité, ou d'amylose secondaire qui menaçait les formes
d'une hémopathie maligne, d'une néoplasie, ou d'une mala sévères et notamment la forme systémique et même, pour
die auto-immune ou systémique telle que le lupus érythéma certaines biothérapies, le pronostic des uvéites associées
teux systémique ou la maladie de Crohn, plus rarement une à l'AJI.
maladie monogénique pouvant mimer une AJI. Par ailleurs, Certains problèmes restent de gestion difficile comme
certaines atteintes articulaires non inflammatoires peuvent des douleurs parfois multifactorielles chez des adolescents
également être considérées à tort comme des AJI. avec un diagnostic d'enthésite en rapport avec une AJI. Le
recours à une équipe spécialisée de la douleur, avec méde
Génétique cins, psychologues, infirmiers spécialisés peut être utile.
Une prédisposition génétique aux AJI a été suggérée par des
différences épidémiologiques en fonction de l'ethnie, l'asso
ciation de certaines AJI à certains haplotypes du complexe Suivi ophtalmologique
majeur d'histocompatibilité et à des polymorphismes de ■ Dans les formes d'AJI à risque d'uvéite chronique sévère,
gènes également impliqués dans d'autres maladies inflam oligoarthrite ou polyarthrite sans facteur rhumatoïde
matoires ou auto-immunes. débutant avant 6 ans : du fait de l'absence d'œil rouge et
Chapitre 27. Rhumatologie et maladies systémiques 705
de symptômes cliniques évidents, une surveillance systé ■ Certains traitements comme le méthotrexate sont à
matique de l'examen à la lampe à fente est indiquée tous risque de cytolyse hépatique ou de cytopénie, le plus sou
les 3 mois jusqu'à 5 ans d'évolution de la maladie, puis de vent rapidement régressives à l'arrêt ou à la diminution
manière plus espacée. de dose.
■ Dans les autres formes d'AJI, une consultation est requise ■ Le principal risque des traitements est infectieux et
en urgence uniquement en cas d'œil rouge (formes il faut que ces patients soient bien vaccinés (y compris
associées aux enthésites), avec suivi régulier (au moins contre le pneumocoque, contre la grippe chaque début
annuel) des patients sous corticothérapie (risques de d'automne).
cataracte, glaucome, etc.).
Conclusion
Signes généraux, retentissement de la maladie, Les AJI peuvent bénéficier d'un pronostic le plus souvent
croissance excellent au prix d'une bonne collaboration entre la famille,
■ Les signes généraux dans la forme systémique d'AJI les acteurs de proximité, dont le médecin généraliste ou le
requièrent une attention en cas de fièvre continue avec pédiatre, et les centres de référence et de compétences en
altération de l'état général (activation macrophagique maladies rares.
= urgence, avis d'expert, hospitalisation). L'étiologie de ces affections reste mystérieuse mais une
■ Au minimum, une évaluation visuelle analogique (EVA) meilleure compréhension de leur physiopathologie et des
est réalisée par les parents ou le patient de son « bien-être » essais bien menés ont permis l'essor de traitements très effi
et de sa douleur, par le médecin de l'activité de la maladie. caces, qui nécessitent cependant des précautions (protection
■ Courbe staturo-pondérale et vitesse de croissance sont vaccinale à jour en particulier) et un suivi attentif vis-à-vis
surveillées. du risque infectieux.
■ La biologie inflammatoire et l'hémoglobine sont examinées.
■ La scolarité ou l'intégration professionnelle, la vie fami
liale et sociale, les aspects psychologiques sont évalués. Bibliographie
Cochat P, Bérard E. Néphrologie pédiatrique. Paris : Doin, Progrès en
pédiatrie ; 2011.
Efficacité et tolérance des traitements, HAS. Arthrites juvéniles idiopathiques (en dehors des AJI associées au pso
importance des vaccinations riasis et des polyarthrites rhumatoïdes juvéniles). Protocole national de
diagnostic et de soins, 2017.
■ L'objectif chez la grande majorité des patients est l'obtention Ozen S, Ruperto N, Dillon MJ, Bagga A, Barron K, Davin JC, et al. EULAR/
d'une maladie inactive sous traitement et il faut donc discu PReS endorsed consensus criteria for the classification of childhood
ter régulièrement des situations où cela n'est pas obtenu. vasculitides. Ann Rheum Dis 2006 ; 65 : 936–41.
Chapitre
28
Urgences
Coordonné par Gérard Chéron
PLAN DU CHAPITRE
Reconnaissance de l'enfant Purpura fébrile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 735
gravement malade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 706 Malaises du nourrisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 737
Trente feux rouges en pédiatrie . . . . . . . . . . . 707 Mort inattendue du nourrisson . . . . . . . . . . . . 740
Arrêt cardiorespiratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 709 Douleur aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 742
Médicaments de l'urgence . . . . . . . . . . . . . . . . 713 Traumatisme crânien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 748
Dyspnée aiguë du nourrisson . . . . . . . . . . . . . . 715 Morsures et piqûres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 753
Bronchiolite aiguë du nourrisson . . . . . . . . . . . 718 Intoxications aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 758
Diarrhée aiguë, gastroentérite aiguë Brûlures cutanées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 765
et déshydratation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 720 Annexe – Recommandation
Douleurs abdominales aiguës . . . . . . . . . . . . . 725 de bonne pratique – Borréliose
Vomissements aigus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 730 de Lyme et autres maladies
Urgences dermatologiques. . . . . . . . . . . . . . . . 733 vectorielles à tiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 768
■ l'oxygénation (O). L'appréciation de la couleur de l'enfant La prise en charge d'une insuffisance circulatoire dépend
peut être complétée par une mesure de la saturation O2 de sa nature et elle est coordonnée avec l'équipe de SMUR
si la fréquence respiratoire est anormale, s'il existe des appelée en renfort, avec l'équipe de réanimation aux
signes de lutte, ou des anomalies auscultatoires. urgences hospitalières :
Ces 4 éléments FTVO doivent être interprétés : enfant eup- ■ expansion volémique si le choc est hypovolémique, sep-
néique – détresse respiratoire (situation définie par une aug- tique, distributif ou obstructif ;
mentation du travail respiratoire) – insuffisance respiratoire ■ catécholamines si le choc est cardiogénique ou après
(insuffisance du système respiratoire à maintenir PO2 et 3 remplissages s'il est septique.
PCO2 normales). L'insuffisance est dite décompensée si elle Les mesures spécifiques fonction de l'étiologie sont néces-
s'accompagne de trouble de la vigilance/conscience ou d'une saires : évacuation d'un pneumothorax, d'une tamponnade,
tachycardie dépassant les limites supérieures de FC pour adrénaline IM en cas d'anaphylaxie, etc.
l'âge ou d'une bradycardie ou d'une cyanose (hypoxie) ou de Il est nécessaire de noter ces items d'évaluation dans le dos-
sueurs (hypercapnie). sier de l'enfant pour chacune des consultations. Il faut penser
Détresse et insuffisance respiratoire doivent être trai- à interpréter fréquence respiratoire, fréquence cardiaque,
tées immédiatement (oxygène) et les éléments étiolo- pression artérielle en fonction de l'âge de l'enfant, de la tem-
giques connus permettent la prescription de mesures pérature, de son état d'agitation et de savoir les mesurer une
thérapeutiques spécifiques : bronchodilatateurs inhalés en seconde fois, au calme, après administration d'un antipyré-
cas d'asthme, aérosol d'adrénaline en cas de laryngite, adré- tique, d'un antalgique. Ces items, FTVO pour la respiration –
naline IM en cas de réaction anaphylactique. F4P pour l'hémodynamique, permettent de reconnaître a
posteriori et en toutes circonstances, lorsqu'ils sont tous ren-
C – Circulation seignés, l'état clinique de l'enfant lors de la consultation, de
manière plus objective qu'une seule note « Normale ». L'ab-
Cinq paramètres doivent être évalués : sence de l'un de ces critères, a fortiori de plusieurs, peut être
■ la fréquence cardiaque varie avec l'âge, la fièvre, l'agita- problématique. Ainsi, l'absence d'information sur l'existence
tion (cf. tableau 28.1) ; ou non d'un bruit ventilatoire ne permet pas de savoir s'il y a
■ la pression artérielle systolique. Elle est plus longtemps ou non un obstacle. L'absence d'information sur la précharge
maintenue normale que chez l'adulte. La PA normale est ne permet pas de formuler d'hypothèse sur la nature (cardio-
≥ 60 mmHg avant 1 mois, > 70 mmHg la 1re année. Au-delà génique ou non) d'une insuffisance respiratoire.
et jusqu'à 10 ans, la PA systolique est = 90 ± (2 × Âge [ans]).
La PA systolique minimale est = 70 + (2 × Âge [ans]) ;
■ les pouls périphériques et centraux (huméral si < 1 an,
carotidien si > 1 an) sont palpés : normaux, filants, absents ; La reconnaissance de l'enfant malade, c'est aussi donner aux
■ la perfusion périphérique est appréciée par la couleur parents, au terme de la consultation, les éléments d'appréciation
et la température des extrémités. Une mauvaise hémo- de l'état de santé de leur enfant au domicile, qu'il s'agisse du
dynamique périphérique se traduit par une pâleur, des comportement, de la coloration, de la respiration, et les raisons
marbrures, la baisse de la température des extrémités. Il d'une nouvelle consultation en fonction du diagnostic retenu
faut noter la limite entre froid et chaud. Son évolution (délai d'obtention de l'apyrexie, alimentation et transit au cours
en cours de traitement renseignera sur l'efficacité des d'une diarrhée aiguë, réapparition d'une gêne respiratoire, com-
portement post-traumatisme crânien, etc.).
mesures prises. Le temps de recoloration cutanée doit
être mesuré sur le thorax, en « central ». Il est normale-
ment inférieur à 2 secondes ;
■ la précharge est un élément très important d'évaluation Trente feux rouges en pédiatrie
de la fonction myocardique : hépatomégalie (mesure
de la flèche hépatique plutôt que la palpation d'un seul Adeline Boucheron, Gaëlle Hubert,
Karine Levieux, Bénédicte Vrignaud, Élise Launay,
débord sous-costal du foie), turgescence des jugulaires Étienne Branchereau, Christèle Gras-Le Guen
difficile à voir chez le nourrisson (précharge droite), cré-
pitants (précharge gauche) doivent être recherchés. Des feux tricolores ont été proposés il y a quelques années
Ces cinq items interprétés permettent d'affirmer que l'hé- comme outil pédagogique en pédiatrie pour les soins
modynamique est normale ou qu'il y a une insuffisance primaires de l'enfant (médecine libérale ou urgences
circulatoire lorsque la perfusion périphérique est anor- pédiatriques). Ces feux, classés en vert, orange et rouge,
male et l'enfant tachycarde. L'insuffisance circulatoire est correspondent à des situations de « pièges » diagnostiques
dite compensée si la PA est supérieure à la valeur seuil de potentiels aux conséquences de gravité croissante. Trente
la PA systolique minimale et la conscience normale. Elle est feux rouges ont ainsi été priorisés par différents spécialistes
décompensée dans le cas contraire. pédiatriques de l'hôpital mère – enfant du CHU de Nantes
En cas de choc, le contexte (diarrhée, température, pur- en 2013 et soumis à l'expertise d'enseignants de médecine
pura fébrile, hémorragie, anaphylaxie, traumatisme médul- générale. Certains d'entre eux ont été ici réactualisés et
laire, sémiologie abdominale, etc.) permet de distinguer d'autres ajoutés pour compléter l'outil déjà disponible afin
choc hypovolémique, choc septique, choc distributif, obs- de permettre aux médecins impliqués dans la médecine
tructif ou cardiogénique et de le rapporter à une étiologie de l'enfant de détecter précocement les situations pouvant
(myocardite, infections invasives, méningococcémie, abcès mettre en jeu le pronostic vital et d'orienter de manière adé-
intrapéritonéal, méningite). quate les patients vus en soins primaires.
708 Partie II. Spécialités
1. Un nourrisson qui présente une fréquence cardiaque 12. Ne pas faire dormir un nourrisson sur le côté ou sur le
< 60/min est bradycarde, il doit faire l'objet d'une ventre et ôter de son environnement de couchage tout
réanimation cardiopulmonaire en cas de trouble de objet susceptible d'obstruer ses voies aériennes (oreiller,
conscience ou signes d'hypoperfusion périphérique coussin, couette, peluche, tour de lit ou matelas mou, etc.).
(inefficacité circulatoire). 13. En cas de malaise du nourrisson associé à une pâleur
2. Toujours rechercher une hépatomégalie chez un enfant ou une augmentation récente du périmètre crânien,
qui présente une gêne respiratoire avec ou sans siffle- évoquer un possible hématome sous-dural et décider
ment (asthme ou bronchiolite par exemple). La triade d'une hospitalisation en urgence pour diagnostic, trai-
hépatomégalie + tachycardie + polypnée doit faire évo- tement et mise à l'abri.
quer le diagnostic d'insuffisance cardiaque chez l'enfant. 14. Considérer un enfant comme suspect de maltraitance
3. Vérifier systématiquement la présence des pouls fémo- (traumatisme infligé) et l'hospitaliser devant :
raux lors de l'examen clinique d'un enfant (coarctation – une ecchymose ou fracture avant l'âge de la marche ;
de l'aorte de découverte parfois tardive). – une lésion cutanée superficielle de localisation inha-
4. Administrer précocement de l'adrénaline en intramuscu- bituelle pour l'âge (fig. 28.1) ;
laire (0,01 mg/kg non dilué) en cas d'anaphylaxie, c'est-à-dire : – une brûlure de localisation inhabituelle et/ou de
– apparition rapide après exposition à un allergène, mécanisme peu clair/discordant ;
d'au moins 2 éléments dans la liste suivante : – tout enfant victime de multiples accidents domes-
- atteinte cutanéomuqueuse, tiques d'explications peu plausibles ;
- atteinte respiratoire : dyspnée, bronchospasme, – une grossesse chez une fille de moins de 15 ans.
hypoxie, etc., 15. Éliminer une cause somatique devant tout état d'agi-
- signes cardiovasculaires : hypotension artérielle, tation chez l'adolescent (toxiques, traumatisme, encé-
syncope, hypotonie, etc., phalite, etc.).
- signes digestifs persistants : vomissements, dou- 16. Demander une évaluation pédopsychiatrique pour tout
leurs abdominales ; adolescent ayant des scarifications sur le visage ou le
– hypotension artérielle après exposition à un aller- ventre s'il s'agit d'un garçon, ou en cas d'association à
gène connu pour ce patient. une brûlure ou d'autres lésions auto-infligées.
5. La mesure chiffrée des constantes est indispensable 17. En cas de suspicion de diabète, la bandelette urinaire
chez tout enfant fébrile (fréquence cardiaque, fréquence (fig. 28.2) à la recherche d'une glycosurie est le seul
respiratoire, temps de recoloration cutané, saturation examen à réaliser en urgence (et non une glycémie à
en oxygène si disponible) pour rechercher systémati- jeun). Toute découverte de diabète chez l'enfant est une
quement des signes de gravité respiratoires, hémodyna- urgence qui nécessite une hospitalisation immédiate.
miques, ou neurologiques (score de Glasgow). 18. En cas de diarrhée profuse avec vomissement sans perte
6. Réaliser un bilan biologique systématique (dont examen de poids, de diarrhée sanglante en cours ou récente
des urines) chez un enfant fébrile de moins de 3 mois accompagnée de pâleur (anémie) et/ou de symptômes
sans point d'appel (proportion d'infection bactérienne neurologiques, évoquer une possible vascularite en rap-
sévère d'environ 20 %). port avec un syndrome hémolytique et urémique.
7. Toute convulsion fébrile avant l'âge de 6 mois doit
faire évoquer une méningite bactérienne et justifie un
transport médicalisé et une hospitalisation en urgence.
Après 6 mois, la récupération rapide d'un état neuro-
logique normal dispense de l'analyse systématique du
liquide céphalorachidien.
8. Administrer impérativement de la ceftriaxone (50 mg/
kg IM) en préhospitalier à un enfant fébrile qui présente
un purpura extensif et/ou nécrotique et/ou > 3 mm de
diamètre et/ou des troubles de conscience ou hémo-
dynamiques associés. Médicaliser dans tous les cas
le transport en appelant le 15 (ne pas se contenter de
demander aux parents de se rendre aux urgences).
9. La recherche de paludisme (frottis sanguin/goutte
épaisse) est systématique et urgente chez tout enfant qui
présente une fièvre et/ou une diarrhée dans les 3 mois
suivant son retour d'un pays d'endémie palustre, quels
que soient les symptômes associés.
10. Un torticolis fébrile nécessite une imagerie, à la recherche
d'un abcès profond. Corticoïdes et anti-inflammatoires
Localisation habituelle d'ecchymoses chez un
non stéroïdiens ne doivent pas être utilisés.
enfant qui se déplace seul
11. En cas de céphalées, rechercher systématiquement des
signes d'hypertension intracrânienne tels que brady- Localisation inhabituelle d'ecchymoses
cardie, hypertension artérielle, vomissements, paralysie Fig. 28.1 Évoquer une possible maltraitance physique en cas de
oculomotrice, asymétrie pupillaire, etc. localisations inhabituelles d'ecchymoses chez l'enfant.
Chapitre 28. Urgences 709
Glycosurie
0 + ++ +++
Fig. 28.2 Le diagnostic de diabète se fait par la recherche d'une
glycosurie.
anomalies congénitales restent la première source de décès, arrêt respiratoire ou cardiaque, sans l'aide de matériel, et
suivies des maladies et infections respiratoires, puis des d'assurer les gestes de premier secours jusqu'à l'intervention
traumatismes. Ensuite, chez l'enfant plus grand, ce sont les d'une équipe médicalisée. Le diagnostic d'ACR repose sur
traumatismes, les maladies cardiovasculaires et les cancers l'absence de réactivité spontanée ou aux stimulations ver-
qui représentent les principales causes de mortalité. bales et tactiles associée à une absence de ventilation efficace.
Le pronostic à court et moyen termes de l'ACR de l'en- La RCP doit être réalisée étape par étape, en veillant bien à
fant est sombre, la mortalité et les séquelles neurologiques respecter l'ordre chronologique des actions (fig. 28.4). L'évalua-
des survivants sont importantes. En cas d'arrêt cardiaque, tion de l'état cardiorespiratoire débute par l'évaluation de l'état
la survie sans séquelle neurologique est inférieure à 15 %. de conscience, des voies respiratoires (A = Airway), puis de
Identifier précocement l'enfant qui présente des signes d'in- la respiration (B = Breathing) et enfin de l'état circulatoire (C
suffisance respiratoire et/ou circulatoire est donc une prio- = Circulation). Les secours sont appelés après 1 minute de RCP.
rité. En cas d'ACR, l'instauration précoce d'une réanimation En pratique, devant un enfant inconscient, la première
cardiopulmonaire (RCP) de base (ou Basic Life Support), étape consiste à apprécier sa réactivité en lui parlant fort et
jusqu'à l'arrivée d'une équipe médicale, est fondamentale en le stimulant, sans jamais le secouer. Si aucune réponse
pour réduire la mortalité et la morbidité des enfants. n'est obtenue, il faut assurer la sécurité du sauveteur et de
l'enfant, demander de l'aide sans quitter l'enfant, et débuter
la RCP. Une personne seule témoin d'un ACR doit com-
Réanimation cardiopulmonaire de base mencer la RCP avant d'alerter les secours. Lorsque plusieurs
La RCP de base est une combinaison de manœuvres et de sauveteurs sont présents, l'un d'entre eux active d'emblée les
techniques qui permettent de reconnaître une personne en secours pendant que les autres débutent la RCP.
Pas de réponse
A (Airways)
Ouvrir et dégager les voies aériennes
Corps étranger ? Obstacle ?
Si besoin : canule de Guedel
Appel du 15 ou 112
Poursuivre RCP (15/2) jusqu'à
l'arrivée des secours
Fig. 28.4 Arrêt cardiorespiratoire : réanimation cardiopulmonaire (RCP) de base. PLS : position latérale de sécurité. D'après Maconochie I, Buigham
R, Eich C, et al. European Resuscitation Council Guidelines for Resuscitation 2015 : section 6. Paediatric life support. Rescuscitation 2015 ; 95 : 223–48.
Chapitre 28. Urgences 711
etc.). Si une voie veineuse périphérique n'est pas accessible rapi- Oxygenation) peut être considérée comme une stratégie de sau-
dement (en moins de 1 minute), la voie intra-osseuse est alors la vetage utile si l'expertise et les ressources sont disponibles.
voie à privilégier. Dans un contexte traumatique, la recherche et Dans tous les cas, les causes réversibles de l'arrêt car-
le contrôle des hémorragies ne doivent pas être oubliés. diaque sont recherchées et traitées :
Pour les nourrissons et les enfants avec une maladie cardiaque ■ hypoxie, hypovolémie, hypo/hyperkaliémie, hypother-
et un ACR intra-hospitalier, l'ECMO (Extracorporeal Membrane mie (4 H) ;
Fig. 28.5 Arrêt cardiorespiratoire : réanimation cardiopulmonaire (RCP) avancée. FV : fibrillation ventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire.
Adapté d'après Maconochie I, Buigham R, Eich C, et al. European Resuscitation Council Guidelines for Resuscitation 2015 : section 6. Paediatric
life support. Rescuscitation 2015 ; 95 : 223–48.
Chapitre 28. Urgences 713
traiter fort et bref en fonction de la pathologie. Les douleurs Dyspnée aiguë du nourrisson
chroniques sont prises en charge en commençant par des
antalgies périphériques (palier 1). On ne passe aux paliers Marilyn Fuger, Gérard Chéron
suivants 2 (analgésiques centraux faibles, AINS) et 3 (anal-
gésiques centraux morphomimétiques) qu'en cas d'échec.
Apprécier la gravité
L'analyse clinique est fondamentale pour apprécier les
Antipyrétiques signes de gravité.
Les formes commerciales de paracétamol sont nombreuses.
Les posologies sont de 60 à 80 mg/kg/j réparties en 4 prises. Interrogatoire
Il est important de recommander simultanément de décou-
vrir les enfants, de leur proposer des boissons et de rappe- Il précise le mode de début (brutal ou progressif) et les
ler la possibilité de les baigner dans une eau tiède en cas de circonstances (jeu, apéritif, nuit, contexte infectieux). Il
montée brutale de température. recueille les antécédents médicaux et chirurgicaux et en par-
ticulier les difficultés alimentaires ou les allergies.
Diarrhée aiguë
Ralentissement récent de croissance ? Erreur diététique (hyperosmolaire) ?
Maladie cœliaque
Mucoviscidose Répétition fréquente des diarrhées ? Laxatif ? Antibiotique ? Toxique ?
Maladie inflammatoire Allergie alimentaire ? APLV
chronique de l'intestin
Côlon irritable Sevrage récent d'allaitement maternel ?
Fig. 28.8 Principales causes de diarrhées aiguës de l'enfant. AEG : altération de l'état général ; APLV : allergie aux protéines du lait de vache ;
IIA : invagination intestinale aiguë.
sont responsables des déshydratations les plus graves chez Diagnostic de gravité
les jeunes nourrissons en raison d'une diarrhée profuse, L'examen recherche les « drapeaux rouges », signes d'alerte
de vomissements dans 75 % des cas et fréquemment d'une qui peuvent être liés au symptôme « diarrhée », à sa cause ou
fièvre. Les norovirus sont devenus la première cause de diar- au « terrain » (fig. 28.9).
rhée aiguë dans les pays ayant une bonne couverture vacci-
nale vis-à-vis des rotavirus, et induisent des vomissements
très fréquents qui constituent le seul symptôme dans 20 % Gravité liée au symptôme
des cas. Les signes de choc hypovolémique sont recherchés : tachy-
Les infections à bactéries entéro-invasives comme Salmo- cardie et polypnée, teint pâle, gris ou cyanosé, marbrures
nella, Shigella, Yersinia ou Campylobacter jejuni sont beau- et allongement du temps de recoloration cutanée, extrémités
coup plus rares, responsables de diarrhées glairosanglantes froides, et troubles de conscience qui peuvent débuter par
et de signes généraux : fièvre élevée, douleurs abdominales, un état d'agitation. L'hypotension artérielle est un signe tar-
témoins d'une colite. Les bactéries entérotoxinogènes telles dif en raison de l'importance de la réponse vasoconstrictrice.
que Escherichia coli entérotoxinogènes ou Vibrio cholerae Le diagnostic de déshydratation nécessite l'association
sont responsables de diarrhées hydriques profuses. Clos- de plusieurs signes cliniques de déshydratation, aucun seul
tridium difficile peut être responsable de diarrhée post- n'étant suffisamment discriminant et leur reproductibilité
antibiothérapie et Staphylococcus aureus de toxi-infection interobservateur étant médiocre : soif, pouvant se traduire
alimentaire collective. Les causes parasitaires sont plus rares, par des pleurs, sécheresse des muqueuses (recherchée dans
et seul Giardia lamblia est retrouvé en France. Une diarrhée le sillon gingivojugal), absence de larmes, pli cutané persis-
peut aussi être liée à une infection extra-digestive : ORL ou tant, cernes périoculaires (impression d'yeux enfoncés dans
urinaire en particulier, ou à un paludisme. les orbites), hypotonie des globes oculaires, dépression de
En dehors de ces causes infectieuses, une diarrhée aiguë la fontanelle antérieure. Le calcul de la perte de poids éven-
peut être d'étiologie allergique (allergie aux protéines du lait tuelle en pourcentage du poids initial est encore recom-
de vache), toxique (champignons, végétaux vénéneux, pois- mandé pour classer la déshydratation en modeste, moyenne
sons), ou iatrogène (antibiotique, laxatif), voire constituer ou grave (mais niveau de recommandation faible avec bas
la première manifestation révélatrice d'une maladie chro- niveau de preuve). En pratique, ce calcul est rarement fiable
nique inflammatoire (rectocolite hémorragique, maladie de chez le nourrisson : poids antérieur souvent ancien avec
Crohn), fonctionnelle (colopathie spasmodique), tumorale conditions de pesée imprécises, variabilité en fonction de
ou endocrinienne (cf. fig. 28.8). l'heure de la pesée par rapport à alimentation, aux selles.
722 Partie II. Spécialités
Gravité
du
du
symptôme de la « terrain »
diarrhée
cause
Âge < 6 mois
Choc hypovolémique Dénutrition
Shigelle : signes neurologiques
Déshydratation Déficits immunitaires
E. coli shigatoxine + : SHU
Iléostomie
Rotavirus : 1er épisode
Maladie métabolique
Paludisme
Drépanocytose
Mucoviscidose
Insuffisance surrénalienne
Insuffisance rénale
Fig. 28.9 Diagnostic de gravité d'une diarrhée aiguë. SHU : syndrome hémolytique et urémique ; TRC : temps de recoloration cutanée.
Une diurèse normale selon les parents diminue le risque de drépanocytose, maladie métabolique, diabète, insuffisance
déshydratation. Des scores peuvent aider à cette évaluation : surrénalienne, insuffisance rénale chronique.
le Clinical Dehydration Scale est le plus souvent recom-
mandé (tableau 28.3). Diagnostic étiologique
Si le diagnostic de GEA virale est le plus fréquent, surtout en
Gravité liée à la cause période épidémique, il faut de principe éliminer des diagnos-
Certains germes peuvent être responsables de tableaux tics différentiels rares mais graves : affection « chirurgicale »
infectieux sévères : fièvre importante, état général altéré, surtout si les vomissements ou les douleurs abdominales
voire signes neurologiques au premier plan (Shigella, Salmo- dominent le tableau (invagination intestinale aiguë, appen-
nella typhi). Les E. coli producteurs de shigatoxine peuvent dicite), infection extradigestive (otite moyenne aiguë, pyélo-
être responsables du syndrome hémolytique et urémique. néphrite aiguë), syndrome hémolytique et urémique (pâleur,
teint ictérique, oligurie et altération de l'état général, souvent
Gravité liée au « terrain » quelques jours après une diarrhée) ou paludisme (toute diar-
rhée au retour d'un pays à risque) (cf. fig. 28.8).
Elle résulte d'un risque accru de déshydratation ou de L'interrogatoire précise :
décompensation d'une maladie chronique : âge inférieur ■ les caractères de la diarrhée : durée d'évolution, fréquence
à 6 mois, antécédent de prématurité ou de retard de crois- et aspect des selles (sang plus ou moins mêlé de glaires en
sance intra-utérin, dénutrition, iléostomie, mucoviscidose, faveur d'un germe entéro-invasif ou cytotoxique) ;
■ les symptômes associés : vomissements très fréquents
Tableau 28.3 Clinical Dehydration Score. dans les GEA virales, anorexie, douleurs abdominales,
Cotation 0 1 2 fièvre, pâleur. Ces symptômes sont précisés jour par jour
Apparence Normale Soif, agitation Somnolent, marche
depuis leur début.
générale ou léthargie mais difficile, froid ou en La fin de l'interrogatoire et l'examen sont menés en fonction
irritable au toucher sueur ± comateux des différentes hypothèses diagnostiques. L'enfant est pesé
nu s'il s'agit d'un nourrisson.
Yeux Normaux Légèrement creux Très creux
Muqueuses Humides Collantes Sèches
buccales Examens complémentaires nécessaires
Larmes Présence Diminution Absence À visée diagnostique
Score 0 : pas de déshydratation. Score 1-4 : déshydratation légère. Score 5–8 : Aucun examen n'est nécessaire au diagnostic de diarrhée
déshydratation modérée à sévère. aiguë ou de GEA. La coproculture est réalisée à visée étiolo-
Bailey B, et al. External validation of the clinical dehydration scale for children gique en cas de diarrhée glairosanglante, associée en cas de
with acute gastroenteritis. Acad Emerg Med. 2010 ; 17 (6) : 583–8. retour d'un voyage à risque à un examen parasitologique des
Chapitre 28. Urgences 723
selles et/ou un frottis – goutte épaisse. Des hémocultures sont lémique, administrés par une voie veineuse périphérique
réalisées en cas de fièvre élevée, de frissons, d'enfant parais- (voire intra-osseuse en cas d'échec de la recherche de voie
sant septique. Un examen cytobactériologique des urines veineuse). Entre 2 bolus, fréquences cardiaque et respira-
avant l'âge de 3 mois et une bandelette urinaire de 3 à 6 mois toire, qualité du pouls, état de conscience, perfusion péri-
peuvent être réalisés en cas de fièvre et de vomissements phérique, et pression artérielle doivent être contrôlés.
dominant le tableau. Les recherches virales dans les selles ne
sont utiles que dans le cadre d'études épidémiologiques ou de Réhydratation intraveineuse
l'analyse d'infections nosocomiales. Elle est prescrite en relais de la correction d'un choc hypo-
volémique en cas de déshydratation avec altération de l'état
À visée thérapeutique de conscience ou acidose importante, ou en cas d'échec de la
La réalisation d'un prélèvement sanguin pour ionogramme réhydratation entérale (orale ou nasogastrique) se manifes-
sanguin, avec glycémie, protidémie, urée, créatininémie et tant par une aggravation de la déshydratation, la persistance
CO2 total veineux n'est indiquée qu'en cas de nécessité de des vomissements ou l'épuisement de l'enfant, enfin en cas
réhydratation intraveineuse, dans le même temps que la de distension abdominale majeure et de suspicion d'affec-
pose de l'accès veineux. L'objectif est une éventuelle adapta- tion chirurgicale.
tion du contenu de la perfusion. Ces examens et notamment Le soluté de perfusion comporte chez les nourrissons
la connaissance de la natrémie sont inutiles en cas de réhy- du sérum glucosé et des concentrations de NaCl au moins
dratation orale. égales à 4,5 g/L dans les premières 24 heures pour préve-
nir une hyponatrémie, éventuellement ajustées en fonction
de la natrémie initiale. Du chlorure de potassium est ajouté
Prise en charge après que l'enfant ait uriné et le résultat de la kaliémie. Les
Réhydratation orale protocoles de réhydratation rapide permettent une hospi-
Elle constitue le traitement essentiel et repose sur l'adminis- talisation de courte durée. La détermination a priori d'un
tration de SRO d'osmolarité réduite (50–60 mmol/L de Na+) débit de perfusion pour 24 heures est impossible. Le débit
qui réduit le volume des selles et la fréquence des vomisse- initial de perfusion doit notablement dépasser les besoins
ments. La réhydratation orale doit être précisément expli- hydriques de base de l'enfant pour couvrir également les
quée aux parents pour être efficace (encadré 28.2). besoins liés à la poursuite éventuelle des pertes digestives et
corriger progressivement l'état d'hydratation : il est souvent
de 7 à 10 mL/kg/h les toutes premières heures chez le nour-
Encadré 28.2 Solution de réhydratation orale risson, atteignant même 20 mL/kg/h (de glucosé 2,5 % avec
NaCl 0,45 %) pendant 2 à 4 heures dans les protocoles de
Le SRO est proposé systématiquement en cas de diarrhée avec réhydratation rapide. Ce débit doit être réajusté rapidement
ou sans vomissement. Il est la seule boisson qui doit être prescrite dès les 4 à 6 premières heures en fonction de l'évolution de
chez l'enfant de moins de 2 ans ayant une diarrhée aiguë. Il l'état d'hydratation de l'enfant (signes cliniques et reprise
est constitué d'eau, de sucre et de sel, dans des proportions de poids), et de la persistance ou non de la diarrhée et des
adaptées aux besoins des enfants. Il faut expliquer aux parents vomissements. Les variations de poids successives sur la
la reconstitution (1 sachet dans 200 mL d'eau, sans rajout même balance à quelques heures d'intervalle peuvent aider
d'autre substance) et l'administration : proposer régulièrement, à cet ajustement (contrairement à la perte de poids estimée
tant qu'il y a une diarrhée et/ou des vomissements. Il n'y a pour le diagnostic de déshydratation reposant sur des poids
aucune limitation de quantité en l'absence de vomissement, anciens et imprécis sur des balances différentes).
l'enfant buvant selon sa soif. En cas de vomissements, il faut La correction de l'état d'hydratation est plus lente en évi-
commencer par des petites quantités de SRO frais (10–20 mL tant absolument les solutés hypotoniques en cas d'hyperna-
toutes les 5 minutes). La boisson peut être conservée au trémie supérieure à 155 mmol/L (suspectée initialement si
réfrigérateur durant 24 heures. Si l'enfant refuse le SRO, il les muqueuses sont très sèches). Ces situations d'hyperna-
faut le proposer plus tard : c'est probablement qu'il n'a pas trémie justifient de contrôler la natrémie après 4 à 6 heures
soif parce qu'il n'est pas déshydraté. Le SRO n'empêche pas de réhydratation, une baisse trop rapide de la natrémie
la diarrhée et il est même fréquent qu'une selle liquide suive (> 0,6 mmol/L/h) devant conduire à ralentir le débit de
immédiatement la prise du fait du réflexe gastrocolique. Le perfusion et/ou à augmenter la concentration sodée de la
but essentiel est de prévenir la déshydratation qui est le risque perfusion. Les complications sont neurologiques (héma-
majeur de la diarrhée aiguë. tome sous-dural, thrombose veineuse cérébrale, hémorra-
gie intraparenchymateuse) et rénales (insuffisance rénale
fonctionnelle, organique, thrombose de veine rénale), en
Restauration de la volémie pratique exceptionnelles.
en cas de choc hypovolémique
C'est une urgence immédiate. Elle nécessite une prise en Réhydratation par SRO administrée en débit
charge par un médecin expérimenté et requiert un appel du continu par une sonde nasogastrique
SAMU si l'enfant n'est pas dans une structure hospitalière Elle doit être proposée de préférence à la réhydratation intra-
appropriée. Le remplissage vasculaire s'effectue par bolus veineuse chez des nourrissons de plus de 3 mois ne présentant
de 20 mL/kg de sérum salé isotonique (ou solution de Rin- ni état de choc, ni troubles de conscience, ni iléus paralytique,
ger lactate) jusqu'à correction des signes de choc hypovo- et en l'absence de malformations ORL. Elle permet d'éviter
724 Partie II. Spécialités
tout abord et même tout prélèvement veineux, entraîne moins taire, traitements immunosuppresseurs, drépanocytose,
de complications tout en permettant une durée de séjour plus asplénie, maladie inflammatoire du tube digestif, achlo-
courte. Il n'existe pas de consensus sur le débit à passer par la rhydrie). L'antibiothérapie pour Campylobacter jejuni
sonde gastrique. Le protocole le plus utilisé comporte l'admi- est limitée aux formes dysentériques et dans l'objectif de
nistration de 40 à 50 mL/kg sur les 3 à 6 premières heures et réduire la transmission dans les collectivités d'enfants.
s'est révélé équivalent à une réhydratation sur 24 heures. Elle ne modifie les symptômes qu'en cas d'administra-
tion dans les 3 premiers jours. Le médicament de choix
Alimentation normale est l'azithromycine, mais le choix peut être modifié selon
Elle doit être poursuivie ou reprise dans les 4 premières heures les profils locaux de résistance. Les E. coli producteurs de
suivant le début de la réhydratation. L'objectif est d'assurer un shigatoxine ne doivent pas être traités par antibiotiques.
apport protéinoénergétique suffisant qui contribue à raccour-
cir l'évolution de la diarrhée, à limiter le risque de lésions épi- Surveillance
théliales secondaires et, ainsi, celui de diminution des activités Elle associe la recherche de signes d'hypovolémie et de dés-
disaccharidasiques et notamment de la lactase, et de diarrhée hydratation, la surveillance du poids, de la température,
grave prolongée. L'allaitement maternel est poursuivi. Pour les des mictions et du comportement général. L'évaluation des
nourrissons nourris artificiellement dans les 3 premiers mois prises alimentaires et hydriques, du nombre de selles et de
de vie, les experts ne recommandent plus l'utilisation systéma- vomissements sur les 12 dernières heures a une faible valeur
tique d'hydrolysats poussés. Après cet âge, le lait habituel est prédictive du risque de déshydratation secondaire.
poursuivi, et une préparation sans lactose n'est prescrite que si
une intolérance secondaire au lactose est suspectée, en cas de
diarrhée persistant plus de 7 jours. Il convient d'éviter les bois- Critères d'hospitalisation
sons contenant beaucoup de sucres. Il n'y a pas d'étude pour Ce sont : un choc hypovolémique, une déshydratation
recommander le régime « riz – pomme – pain » nécessitant une réhydratation par sonde nasogastrique ou
intraveineuse, des troubles neurologiques, des vomisse-
Médicaments antidiarrhéiques ments incoercibles malgré la réhydratation orale, le risque
■ Ils ont une place accessoire, l'enfant guérissant spontané- de manque de soins ou de surveillance à domicile, ou la sus-
ment. Le racécadotril, antisécrétoire, réduit le débit des picion d'une affection chirurgicale.
selles d'environ 50 %. Certains probiotiques (Saccharo- Ce peut être une hospitalisation en secteur de courte durée
myces boulardii, Lactobacillus rhamnosus GG) diminuent pour une réhydratation rapide durant 6 à 24 heures, par sonde
la durée de la diarrhée mais sans preuve de réduction de gastrique ou voie intraveineuse, ou en secteur conventionnel
l'hospitalisation. en cas de réhydratation prévisible supérieure à 24 heures (dés-
■ Le lopéramide et autres agents inhibiteurs de la motri- hydratation sévère, pathologie sous-jacente, âge < 3 mois).
cité intestinale sont contre-indiqués dans les 2 premières Les nourrissons avec une déshydratation modérée sont
années de vie. surveillés quelques heures aux urgences afin de s'assurer
■ Le traitement symptomatique des vomissements par les de la réussite de la réhydratation orale. Les nourrissons ne
médicaments antiémétiques à activité antidopaminer- présentant pas de déshydratation, pas de comorbidité, pas
gique comme le métoclopramide, la dompéridone ou d'échec de la réhydratation orale peuvent rentrer à domicile
la métopimazine n'a quasiment plus d'indications chez avec des parents informés des modalités de réhydratation et
l'enfant. Ils sont le plus souvent inefficaces en cas de des signes à surveiller (fig. 28.10).
gastroentérite virale, et parfois délétères : somnolence,
réactions extrapyramidales, hallucinations, convulsions
et syndrome malin des neuroleptiques. Surveillance à domicile
■ La place éventuelle de l'ondansétron est discutée en détail et raisons d'une seconde consultation
plus loin dans ce chapitre (cf. Vomissements aigus) : ce médi- Les consignes de surveillance à domicile doivent être pré-
cament n'a pas d'AMM dans cette indication. Son utilisation cises et le médecin doit s'assurer qu'elles sont comprises. On
est limitée au milieu hospitalier et discutée au cas par cas. se renseigne sur les possibilités de surveillance et de réac-
■ Le paracétamol peut être prescrit si le confort de l'enfant tion : distance du domicile à l'hôpital, téléphone, moyens de
le nécessite. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens transport. On conseille aux parents de noter les quantités
doivent être évités dans une situation de baisse fréquente bues, le nombre de selles, de vomissements, la température.
de la perfusion rénale. On peut proposer chez les moins de 6 mois la location d'une
■ Les antibiotiques sont très rarement indiqués en dehors balance de précision, afin de peser l'enfant régulièrement.
des shigelloses, de la typhoïde et du choléra. Une antibio- Une nouvelle consultation est nécessaire en cas de vomis-
thérapie avant résultats de la coproculture n'est indiquée sements répétés persistant malgré la réhydratation orale,
qu'en cas de diarrhée invasive avec signes de sepsis sévère de refus de boire malgré des selles profuses, de survenue de
ou chez le moins de 3 mois, ou de diarrhée dans l'entou- sang dans les selles. Un avis immédiat doit être pris en cas de
rage immédiat d'un malade ayant une shigellose. Le traite- modification de la vigilance, du comportement, de la colo-
ment de première ligne des shigelloses est l'azithromycine. ration ou d'une respiration rapide ou difficile.
Les Salmonella spp (non typhi) ou Yersinia ne doivent être Une consultation systématique à 48 heures peut être indi-
traitées que chez les enfants à risque : moins de 3 mois, quée chez les nourrissons de moins de 6 mois, les enfants pré-
dénutrition sévère, maladie préexistante (déficit immuni- sentant une comorbidité, ou en raison des capacités limitées
Chapitre 28. Urgences 725
Oui
Déchocage CHOC HYPOVOLÉMIQUE ?
hospitalisation
Non
Avertissement : il s'agit d'indications schématiques nécessitant d'être adaptées aux situations et de prendre en compte les
capacités de compréhension des parents et leurs facilités de communication (téléphone) et de déplacement (voiture).
∗ Terrain à risque : cƒ. fig. 28.9 ; ∗∗ Ondansétron : pas d'AMM dans cette indication ; cƒ. texte dans Vomissements aigus sur les
réserves quant à cette prescription.
Fig. 28.10 Orientation d'un nourrisson (< 2 ans) présentant une gastroentérite aiguë. SRO : solution de réhydratation orale.
de surveillance des parents. Une consultation est conseillée gies sont nombreuses, abdominales mais aussi extra-abdo-
en cas de diarrhée persistant plus de 5 jours pour réexaminer minales. Les causes médicales prédominent en fréquence
l'enfant et modifier éventuellement son alimentation. (jusque 90 % des cas aux urgences). L'appendicite est la cause
chirurgicale la plus fréquente. La démarche diagnostique
Mesures de prévention repose avant tout sur l'interrogatoire et l'examen clinique.
Elles reposent sur l'hygiène des mains : lavage des mains
avant et après chaque soin, si possible avec une solution Démarche diagnostique
hydroalcoolique, isolement en milieu hospitalier, mais la ■ En présence d'éléments de gravité du « triangle d'éva-
contagiosité notamment des rotavirus est extrêmement luation pédiatrique » (altération importante du com-
importante avec une persistance prolongée sur les surfaces. portement, de la coloration et/ou de la respiration), la
La vaccination contre le rotavirus prévient les formes graves première étape consiste à évaluer les paramètres vitaux :
de GEA à rotavirus, mais ce vaccin oral n'est pas recom- fréquences cardiaque et respiratoire, pression artérielle
mandé en France en 2018, et n'est donc pas remboursé. et, si nécessaire, de restaurer les fonctions vitales. La deu-
Une éviction des collectivités est obligatoire pour les xième étape réside dans la recherche, par l'interrogatoire
shigelloses, les diarrhées à E. coli entérohémorragiques et la et un examen abdominal et extra-abdominal, les éléments
typhoïde. Un diagnostic de toxi-infection alimentaire col- en faveur d'une affection grave et urgente (encadré 28.3),
lective nécessite une déclaration obligatoire. qu'elle soit chirurgicale ou médicale (cf. fig. 1.8 et 1.9).
■ En absence de ces éléments de gravité immédiate,
Douleurs abdominales aiguës l'interrogatoire et l'examen clinique sont conduits de
Alain Martinot
manière systématique afin de décrire les caractères
de la douleur et les signes d'accompagnement. Les
Les douleurs abdominales (DA) sont un motif de consul- examens complémentaires éventuels ne sont prescrits
tation très fréquent (3 à 5 % aux urgences). La hantise est qu'après cette étape clinique comportant si nécessaire
d'ignorer une urgence chirurgicale ou médicale. Les étiolo- un avis chirurgical.
726 Partie II. Spécialités
■ L'examen des orifices herniaires et des organes génitaux perforation digestive, d'hémorragie interne ou de lésion
externes est systématique. Le toucher rectal est exception- pancréatique. Chez les enfants ayant un état de choc ou
nellement utile, et d'interprétation difficile chez l'enfant. un traumatisme abdominal violent (accident de la voie
L'auscultation cardiopulmonaire, l'examen des articula- publique, chute > 6 m), il faut évoquer des lésions intra-
tions, de la gorge et des tympans sont indispensables. abdominales sévères (hématome hépatique, rupture
splénique). S'il existe des troubles de conscience ou un poly-
Stratégie des examens complémentaires traumatisme, il faut rechercher des lésions intracrâniennes.
Aucun examen n'est systématique. Leurs indications Après restauration d'une hémodynamique normale et prise
résultent des probabilités de chacune des hypothèses en charge d'une éventuelle détresse respiratoire, la réalisa-
diagnostiques à l'issue de l'interrogatoire et de l'examen tion d'une tomodensitométrie abdominale (plus sensible
clinique, comparées aux risques soit de méconnaître ou que l'échographie abdominale dans ce contexte) et/ou céré-
retarder un diagnostic, soit de conclure à tort à un diagnos- brale, voire corps entier, et de radiographies osseuses doit
tic erroné. être rapidement envisagée.
■ La recherche d'un syndrome inflammatoire peut être
utile (NFS couplée à la CRP), de même que le dosage Appendicite aiguë
des transaminases, de la lipasémie ou de l'ammoniémie Elle représente 1 à 8 % des causes de DA aux urgences et
en fonction des hypothèses. Les indications de la bande- près de 70 % des causes chirurgicales après un an. Le diag
lette urinaire sont soit la recherche de leucocytes et/ou nostic est d'autant plus difficile que l'enfant est jeune : chez
de nitrites en cas de signes fonctionnels urinaires ou très le nourrisson, les signes les plus fréquents sont les vomis-
facilement avant 2 ans en cas de fièvre, soit la recherche sements (85 %), la diarrhée, la fièvre (40 %), et le diagnos-
de corps cétoniques et/ou d'une glycosurie en cas de tic est souvent fait au stade de péritonite devant un tableau
vomissements ou de déshydratation. d'occlusion fébrile ou de sepsis. Le tableau typique associe
■ La Haute autorité de santé a limité en 2009 les indications fièvre, nausées, vomissements, psoïtis. La douleur siège en
en 1re intention de radiographie d'abdomen sans prépa- fosse iliaque droite avec défense. Une appendicite rétro-
ration de face (ASP) chez l'enfant aux seuls cas suivants : cæcale entraîne une douleur moins importante, parfois
vomissements biliaires avec forte suspicion d'occlusion localisée dans le flanc ou le dos, une défense moins nette ;
intestinale, ingestion d'un corps étranger, exacerbation une forme rétrovésicale donne des signes fonctionnels uri-
aiguë de maladie inflammatoire chronique intestinale naires. Les erreurs diagnostiques sont fréquentes, surtout si
(recherche de colectasie ou de perforation). La radiogra- les vomissements précèdent la douleur, en cas de dysurie,
phie d'ASP n'a donc plus d'indication dans le diagnostic de diarrhée, de constipation, de symptômes respiratoires.
d'une DA isolée. La biologie est de peu d'aide. L'ASP n'a plus de place. Les
■ L'échographie abdominale est essentielle en cas de suspi- critères échographiques d'appendicite sont : le diamètre de
cion d'IIA, de complications d'un mésentère commun ou plus de 6-8 mm, l'épaisseur pariétale de plus de 3 mm, le
de pathologie annexielle, et aide au diagnostic d'appendi- caractère douloureux non compressible sous la sonde, l'hy-
cite après avis chirurgical. Elle permet de plus de visua- peréchogénicité, le signe de la cible. Ces points sont détaillés
liser un abcès, un épanchement de la cavité péritonéale, dans le chapitre 11.
un épaississement de la paroi intestinale, un stercolithe
appendiculaire, un foyer de condensation basithoracique Invagination intestinale aiguë
ou un épanchement pleural. Elle peut être idiopathique (90 à 95 % des cas du nourrisson),
■ La tomodensitométrie a une place limitée en Europe (plus ou secondaire à une lésion locale ou générale (diverticule de
importante outre-Atlantique), dans l'exploration des syn- Meckel, lymphome, purpura rhumatoïde) qui est plus fré-
dromes appendiculaires, en raison de son irradiation. quente après 2 ans. Il existe un faible surrisque d'IIA dans
Elle est particulièrement utile dans le diagnostic étiolo- la semaine suivant la première vaccination contre les rotavi-
gique de certains syndromes occlusifs du grand enfant, rus. L'invagination iléocolique, la plus fréquente, est respon-
chez l'enfant obèse, dans le diagnostic positif, étiologique sable d'un syndrome occlusif et d'une compression veineuse
et le pronostic des pancréatites, et dans l'exploration des mésentérique. C'est une urgence chirurgicale. La triade
masses abdominales. « crises douloureuses paroxystiques, vomissements et émis-
■ L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est utile sion de sang par l'anus » est très évocatrice d'IIA iléocolique,
dans les suspicions d'anomalies bilio-pancréatiques (cho- mais est trop tardive. Les crises douloureuses sont accompa-
langio-IRM) et dans l'exploration des complications de la gnées d'accès de pâleur, cèdent en quelques minutes, mais
maladie de Crohn (entéro-IRM), ainsi qu'en cas de suspi- se répètent. Un vomissement accompagne souvent la pre-
cion de pathologie gynécologique chirurgicale. mière crise mais n'est pas constant, contrairement au refus
■ La radiographie de thorax est indiquée en cas de poly- du biberon. Les formes à symptomatologie incomplète sont
pnée, de douleur thoracique surtout s'il existe une fièvre à fréquentes et il existe des formes trompeuses avec signes
la recherche d'une pneumopathie. neurologiques au premier plan : hypotonie, prostration ou
convulsions. L'examen clinique recherche des signes de
gravité : hypotonie, déshydratation, état de choc. Toute sus-
Causes chirurgicales (cf. fig. 1.8 et 1.9) picion d'IIA justifie une échographie dont la sensibilité et
On évoque facilement une cause chirurgicale en cas de la valeur prédictive négative sont proches de 100 %, et qui
traumatisme abdominal récent, devant un tableau de permet le diagnostic des formes secondaires.
728 Partie II. Spécialités
Gravité
Du
Du
symptôme De la « terrain »
vomissements
cause
Fig. 28.11 Diagnostic de gravité des vomissements aigus. HTIC : hypertension intracrânienne ; TRC : temps de recoloration cutanée.
Chapitre 28. Urgences 731
Gravité liée à la cause se révéler par des vomissements chez le jeune nourrisson, otite
La hantise est de ne pas passer à côté des affections graves, moyenne aiguë). La démarche diagnostique repose sur un
urgentes et bénéficiant d'un traitement précoce. Une occlu- interrogatoire précis et un examen clinique complet, aucun
sion intestinale est évoquée systématiquement, surtout s'il examen complémentaire n'étant systématique.
existe des antécédents de chirurgie abdominale, des vomis-
sements verdâtres a fortiori fécaloïdes, un arrêt du transit, Interrogatoire
des douleurs abdominales, une hernie inguinale non réduc- Il précise :
tible. Le volvulus sur mésentère commun peut se révéler ■ les caractères des vomissements :
d'emblée par un état de choc associé aux vomissements. – âge d'apparition : survenue dans la 3e ou 4e semaine de
Les affections neurologiques, méningo-encéphalites vie, évocatrice d'une sténose hypertrophique du pylore,
ou autres affections entraînant une hypertension intracrâ- – durée d'évolution,
nienne (HTIC), les maladies métaboliques et les intoxica- – fréquence (nombre quotidien), horaire (matinal ou
tions constituent d'autres causes potentiellement graves et non) et chronologie par rapport aux repas (prandiaux,
traitables à systématiquement évoquer. postprandiaux immédiats ou tardifs),
– aspect : lait caillé (digéré) ou non caillé, rouge ou noir
Gravité liée au « terrain » (sang), vert bilieux ou fécaloïde évocateur d'une occlusion,
Chez les jeunes nourrissons, le risque de déshydrata- – modalité de survenue : facilité par la position, les
tion rapide est plus important. Les enfants présentant des efforts de toux, vomissements postopératoires ;
troubles de déglutition ou de conscience sont à risque ■ les symptômes et signes associés :
d'inhalation. Les enfants porteurs de maladies chroniques – généraux : infectieux (fièvre, éruption, rhinorrhée), pâleur,
peuvent décompenser leur affection, notamment ceux pré- – digestifs : appétit (conservé, diminué, voire anorexie),
sentant une maladie métabolique, une insuffisance surréna- douleurs abdominales à décrire précisément, transit
lienne chronique, une insuffisance rénale. (diarrhée, arrêt des matières et des gaz, constipation,
rectorragie ou méléna),
– neuroméningés : céphalées, trouble du tonus et/ou du
Diagnostic étiologique (cf. fig. 1.9) contact, convulsion, en faveur d'une affection neuro-
Le diagnostic de gastroentérite aiguë virale est le plus fréquent, logique. Des épisodes d'hypotonie avec accès de pleurs
surtout dans les périodes épidémiques, mais il ne faut pas rete- et/ou pâleur paroxystiques peuvent également révéler
nir trop facilement ce diagnostic en cas de vomissements ini- certaines formes d'invagination intestinale aiguë,
tiaux en l'absence de diarrhée, sans avoir éliminé les diagnostics – respiratoires : toux, polypnée, signe de lutte respiratoire ;
différentiels plus rares mais souvent plus graves (fig. 28.12). Les ■ l'alimentation :
autres diagnostics fréquents, surtout en cas de fièvre associée, – mode de reconstitution des laits en poudre, change-
sont les infections extradigestives (pyélonéphrite aiguë pouvant ment récent de lait, relais allaitement maternel/artificiel,
Digestives Extradigestives
C + Fièvre :
H Occlusions intestinales : Pyélonéphrite aiguë
I • Volvulus mésentère commun, bride
R Infection ORL : OMA, angine
• Invagination intestinale aiguë
U Méningo-encéphalite
• Hernie inguinale étranglée
R
G
+ Signes neurologiques, HTIC :
I Appendicites, péritonites
C Hématome sous-dural
Torsion d'annexes Tumeur
A
L
E Sténose du pylore Maladies du métabolisme
S Hyperammoniémies
Hypercalcémie
M GEA (+ diarrhée) Insuffisance rénale, tubulopathie
É
D
Hépatite, pancréatite Insuffisance surrénalienne
I Troubles motricité digestive Acidocétose diabétique
C Allergie aux protéines de lait de vache Thyrotoxicose
A Maladie cœliaque
L Grossesse Intoxications :
E Erreur diététique
S
Vomissements cycliques, migraine médicaments,
Psychogènes vit. D, A, CO
En orange : étiologies graves et urgentes ; en violet : étiologies plus spécifiques ou fréquentes chez le nourrisson
Fig. 28.12 Principales étiologies des vomissements chez l'enfant. CO : monoxyde de carbone ; GEA : gastroentérite aiguë ; HTIC ; hypertension
intracrânienne ; OMA : otite moyenne aiguë.
732 Partie II. Spécialités
quantités proposées excessives (excès de farine, forcing ■ En cas de signe neurologique : imagerie cérébrale, fond
alimentaire), d'œil en cas de suspicion d'HTIC.
– introduction récente de nouveaux aliments : protéines ■ En cas d'hypothèse métabolique : glycémie, cétonémie,
de lait de vache, gluten, aliments plus riches en pro- pH, lactates, ammoniémie (prélèvement sans garrot
téines (lait 2e âge, viande, poisson) ; adressé en urgence sur glace), bilan hépatique, CPK à
■ les antécédents : réaliser devant tout vomissement inexpliqué (anomalie
– déroulement de la grossesse, accouchement, période du cycle de l'urée pouvant se révéler tardivement), cal-
néonatale, cémie et recherche spécifique de maladies héréditaires
– développement staturo-pondéral (poids, taille, péri- du métabolisme : points redox (lactate/pyruvate et corps
mètre crânien) et psychomoteur, cétoniques), acylcarnitine sur buvard, chromatographie
– maladie aiguë ou chronique (maladie métabolique, des acides aminés plasmatiques, chromatographie des
insuffisance d'organe, HTA, etc.), acides organiques urinaires, acide orotique urinaire.
– intervention chirurgicale abdominale, ■ En cas d'asthénie et anorexie associées, de subictère :
– prise de médicaments (vitamine D, antibiotique) ; transaminases, bilirubine et éventuelles sérologies d'hé-
chimiothérapies, patite ; lipasémie en cas de suspicion de pancréatite.
– notion de traumatisme récent (crânien, abdominal), ■ En cas de retour d'un voyage en zone impaludée, devant
– retour d'un voyage (hépatite A, paludisme), tout signe digestif surtout en contexte fébrile : goutte
– antécédents familiaux, notamment de maladies épaisse et frottis sanguin.
métaboliques ; ■ En cas de doute sur une hypothèse toxique, et selon le
■ le contexte sociofamilial, l'environnement (toxi-infection ali- contexte : recherche de toxiques urinaires, dosage du
mentaire, intoxication collective au monoxyde de carbone). monoxyde de carbone, alcoolémie, dosage de vitamine D, A.
La fin de l'interrogatoire et l'examen sont menés en fonction ■ Test de grossesse chez les adolescentes.
des différentes hypothèses diagnostiques. L'enfant est pesé ■ L'endoscopie n'est indiquée qu'en cas de vomissements
nu s'il s'agit d'un nourrisson. récidivants associés à des signes cliniques faisant suspec-
ter une pathologie organique (perte de poids, altération
Examen clinique de l'état général, réveils nocturnes, antécédents de patho-
Il recherche : logie ulcéreuse et/ou d'infection à H. pylori, douleurs
■ des signes de déshydratation ; épigastriques, hématémèse). Si le diagnostic de Mallory-
■ une pâleur (anémie aiguë dans un contexte de saigne- Weiss est évoqué (hématémèse de faible abondance sur-
ment, traumatisme crânien, hypoglycémie) ; venant après plusieurs épisodes de vomissements), une
■ des signes de dénutrition : infléchissement de la courbe endoscopie digestive n'est pas indiquée.
pondérale voire staturale, diminution du panicule adi-
peux, amyotrophie ; À visée thérapeutique
■ des signes abdominaux : ventre météorisé ou plat, cicatrices, La réalisation d'un prélèvement sanguin pour ionogramme san-
orifices herniaires et testicules à palper, ondulations péristal- guin, avec protidémie, urée, créatininémie et CO2 total veineux
tiques, olive pylorique, boudin d'invagination, hépatomégalie ; est indiquée en cas de nécessité de réhydratation intraveineuse,
■ des signes neurologiques : mesure du périmètre crânien, dans le même temps que la pose de l'accès veineux. L'objectif
signes méningés ou d'HTIC ; est une éventuelle adaptation du contenu de la perfusion.
■ des signes infectieux : fièvre, éruption, purpura, foyer
infectieux de la sphère ORL. Vomissements récidivants :
deux entités particulières
Examens complémentaires ■ Les vomissements acétonémiques surviennent de façon réci-
Aucun examen complémentaire n'est systématique. Les divante chez des enfants de 1 à 7 ans, au décours d'un jeûne
indications sont guidées par la clinique et les hypothèses inhabituellement prolongé (12–18 heures), notamment
diagnostiques. le matin après le jeûne prolongé de la nuit, et sont parfois
associés à une hypoglycémie (hypoglycémie récurrente avec
À visée diagnostique cétose). Il s'agit d'un diagnostic d'élimination et il convient
■ En cas de fièvre associée : réalisation d'une bandelette de rechercher la présence d'une hépatomégalie, de troubles
urinaire chez les enfants n'ayant pas acquis la propreté, neurologiques, évoquant alors une maladie métabolique
d'un examen cytobactériologique des urines avant 3 mois héréditaire. Le traitement consiste en l'apport de sucres sous
ou en cas de bandelette positive, d'une radiographie de forme de boissons et alimentation, de façon fractionnée.
thorax en cas de polypnée, d'une ponction lombaire en ■ Le diagnostic de vomissements cycliques repose sur des cri-
cas de suspicion de méningite. tères cliniques selon l'ICHD-II (2nd edition of the International
■ En cas de douleur abdominale associée : échographie Classification of Headache Disorders). Il doit exister au moins
abdominale pour éliminer une invagination intestinale cinq accès, définis comme suit : accès épisodiques, stéréoty-
aiguë, un volvulus sur mésentère commun, une appen- pés, de nausées et vomissements de fréquence importante
dicite, une torsion d'annexe. Les indications de radio- (≥ 4/h pendant au moins 1 heure), pendant une durée com-
graphie d'abdomen sans préparation sont devenues prise entre 1 heure et 5 jours. Ces vomissements surviennent
exceptionnelles (recherche de niveaux hydroaériques en chez un enfant en bonne santé, typiquement vers l'âge de
cas de suspicion d'occlusion, ou de pneumopéritoine). 5–6 ans. Le patient est asymptomatique entre les accès.
Chapitre 28. Urgences 733
Prise en charge thérapeutique principal symptôme d'une gastroentérite aiguë avec déshydra-
tation légère à modérée et/ou en échec de réhydratation orale.
Mesures urgentes Puisqu'un des principaux effets secondaires de l'ondansétron
La restauration de la volémie en cas de choc hypovolémique est une augmentation de la fréquence de la diarrhée, son usage
est une urgence immédiate. Le remplissage vasculaire s'effec- n'est pas recommandé chez les enfants ayant une gastroenté-
tue par bolus successifs de 20 mL/kg de sérum salé isotonique rite dont le symptôme dominant est une diarrhée importante.
jusqu'à correction des signes de choc hypovolémique, admi- Il est enfin recommandé depuis 2011, par la Food and Drug
nistrés par une voie veineuse périphérique (voire intra-osseuse Administration, de réaliser un ECG avant l'administration de
en cas d'échec de voie veineuse) (cf. supra Prise en charge de l'ondansétron chez les sujets pouvant présenter un risque d'hy-
diarrhée aiguë, gastroentérite aiguë et déshydratation). pokaliémie ou d'hypomagnésémie car celui-ci peut prolonger
En cas de suspicion d'occlusion, l'arrêt de toute alimen- l'intervalle QT de façon dose-dépendante.
tation, la pose d'une sonde nasogastrique en aspiration
continue, la correction d'une hypovolémie ou d'une déshy- Traitement étiologique
dratation, et l'admission en urgence en milieu chirurgical Quand il existe, il est essentiel.
pédiatrique sont nécessaires.
En cas d'anémie importante et mal tolérée dans le cadre Critères d'hospitalisation
d'une hématémèse abondante, un remplissage volémique puis Ce sont : un choc hypovolémique, une déshydratation néces-
une transfusion de culot globulaire peuvent être nécessaires. sitant une réhydratation veineuse, des troubles neurologiques,
Réhydratation des vomissements incoercibles malgré la réhydratation orale,
le risque de manque de soin ou de surveillance à domicile,
La réhydratation intraveineuse est prescrite en relais de la ou la suspicion d'une affection chirurgicale, neurologique,
correction d'un choc hypovolémique ou en cas de déshydra- métabolique (ou patient suivi pour une maladie héréditaire
tation avec échec de la réhydratation entérale (orale ou par du métabolisme avec risque de décompensation) ou toxique.
sonde nasogastrique) (cf. supra Prise en charge de diarrhée
aiguë, gastroentérite aiguë et déshydratation). Elle permet la Surveillance
correction des troubles hydroélectrolytiques. La réhydrata-
tion orale en cas de diarrhée associée doit être précisément Elle associe la recherche de signes de déshydratation, la
expliquée aux parents pour être efficace en fractionnant les surveillance des volumes bus ou perfusés, la fréquence des
prises au début et constitue le traitement symptomatique le vomissements, des selles et des mictions, le poids, la tempé-
plus efficace des vomissements (cf. supra Prise en charge de rature et le comportement général.
diarrhée aiguë, gastroentérite aiguë et déshydratation). Les consignes de surveillance à domicile doivent être
clairement expliquées aux parents et le médecin doit s'assu-
Antiémétiques rer de leur compréhension. On se renseigne notamment sur
Le traitement symptomatique des vomissements par les leurs possibilités de surveillance et de réaction : distance du
médicaments antiémétiques à activité antidopaminergique domicile à l'hôpital, téléphone, moyens de transport. On
comme le métoclopramide, la dompéridone ou la méto- conseille aux parents de noter les quantités bues, le nombre
pimazine n'a quasiment plus d'indications chez l'enfant. de vomissements, de selles, la température. Une nouvelle
Ils sont le plus souvent inefficaces en cas de gastroentérite consultation est nécessaire en cas de vomissements répétés
virale, et parfois délétères avec pour possibles effets indé- persistant malgré la réhydratation orale. Un avis immédiat
sirables : somnolence, réactions extrapyramidales, halluci- doit être pris en cas de modification de la vigilance ou du
nations, convulsions et syndrome malin des neuroleptiques. comportement, de la coloration ou de respiration rapide.
L'ondansétron a pour indication dans son AMM la Une consultation systématique à 48 heures peut être indi-
prévention et le traitement des nausées et vomissements quée, notamment chez les nourrissons de moins de 6 mois,
retardés induits par la chimiothérapie cytotoxique moyen- les enfants ayant une comorbidité, ou en raison des capaci-
nement à hautement émétisante chez l'enfant à partir de tés limitées de surveillance des parents.
6 mois. C'est un antagoniste sélectif des récepteurs 5-HT3
à la sérotonine, impliquée dans les phénomènes de réflexe Urgences dermatologiques
émétique. Son efficacité a également été démontrée dans la
Emmanuel Grimprel
prévention des nausées et vomissements postopératoires de
l'enfant subissant une anesthésie générale, en dose unique Les urgences dermatologiques peuvent se définir comme
de 0,1 mg/kg administrée immédiatement avant ou après des situations où un diagnostic ou une prise en charge sont
l'induction de l'anesthésie. Pris par voie orale, il est rapide- nécessaires de façon urgente et où le signe d'appel principal
ment absorbé par le tube digestif et atteint sa concentration ou secondaire est dermatologique.
plasmatique maximale au bout de 1 à 2 heures. Les étiologies sont extrêmement diverses. Une approche ini-
Les recommandations 2017 du Groupe français d'hépato- tiale clinique et structurée, séquentielle, doit permettre de s'orien-
gastroentérologie et nutrition pédiatrique concernant les diar- ter rapidement selon l'arbre décisionnel présenté figure 28.13.
rhées aiguës du nourrisson et de l'enfant concluaient : « Aucun L'approche essentiellement clinique procède par étapes
antiémétique n'est à prescrire en traitement ambulatoire. L'on- successives.
dansétron est à discuter au cas par cas dans les formes sévères 1. Elle recherche dès le premier examen des signes de
hospitalisées ». La Société pédiatrique canadienne recom- défaillance vitale (circulatoire, respiratoire et/ou neu-
mande une dose unique chez les enfants de 6 mois à 12 ans rologique). La présence d'un ou plusieurs signes de
se présentant aux urgences pour des vomissements comme défaillance vitale impose d'emblée une prise en charge
734 Partie II. Spécialités
Examen initial
(Signes de défaillance vitale : circulatoires, respiratoires, neurologiques)
Fig. 28.13 Arbre décisionnel devant une urgence dermatologique. ACJ : arthrite chronique juvénile ; NET : nécrolyse épidermique toxique ;
PTI : purpura thrombopénique immunologique ; SSSS : Staphylococcal Scaled Skin Syndrome.
réanimatoire (par l'appel au SAMU si l'on se trouve dans ■ fièvre très élevée et mal tolérée ;
un cabinet de consultation libérale ou par la mise au ■ altération de l'état général avec en particulier asthénie,
déchoquage si l'on se trouve à l'accueil des urgences). voire prostration et amaigrissement ;
2. Passée cette étape incontournable et primordiale d'éva- ■ douleurs localisées ou diffuses importantes ;
luation vitale et les premières mesures ayant été prises, ■ lésions des muqueuses, notamment ulcérées.
l'analyse clinique peut alors se poursuivre en considérant En présence d'un ou de plusieurs de ces signes de gra-
deux éléments cliniques majeurs : vité, l'orientation tient à l'aspect des lésions cutanées ou
– d'une part l'existence ou non d'une fièvre ; muqueuses (décollements, ulcérations) ou à la présence
– mais également l'existence ou non de signes de gravité de symptômes douloureux importants. Toutes ces patho-
comme une altération de l'état général (avec asthé- logies sont a priori graves et nécessitent un diagnostic et une
nie et amaigrissement), des douleurs ou une atteinte prise en charge hospitalière.
ulcérée des muqueuses. On évoque par exemple :
Ainsi, des signes de défaillance vitale circulatoire et/ou respi- ■ en présence d'un érythème diffus, des infections sévères des
ratoire et/ou neurologique en climat non fébrile et s'accom- tissus cutanés (dermohypodermites profondes), des mala-
pagnant d'un érythème doivent orienter d'emblée vers une dies inflammatoires comme le syndrome de Kawasaki ou
réaction anaphylactique associant de façon diverse urti- une arthrite chronique juvénile dans une forme systémique ;
caire généralisée (angio-œdème), signes respiratoires (toux, ■ devant une atteinte ulcérée des muqueuses et/ou un décol-
gêne respiratoire), signes digestifs (douleurs abdominales, lement cutané, une pathologie staphylococcique exfo-
vomissements, diarrhée) et hémodynamiques (tachycardie, liante étendue (Staphylococcal Scalded Skin Syndrome) ou
chute de la pression artérielle systolique), et nécessiteront une réaction cutanée sévère de type toxidermie médica-
alors une prise en charge immédiate avec l'administration menteuse comme le syndrome de Stevens-Johnson ou la
d'adrénaline IM au cabinet ou aux urgences. nécrolyse épidermique toxique (ou syndrome de Lyell), ou
Cette même situation de défaillance vitale mais survenant post-infectieuse comme l'érythème polymorphe majeur.
en climat fébrile oriente plutôt vers une origine infectieuse Beaucoup plus rarement, ces situations révèlent une maladie
de type choc infectieux en présence de purpura ou bien bulleuse congénitale qui nécessite, là encore, une orienta-
choc toxinique en présence d'un érythème diffus. Dans tion spécialisée en dermatologie hospitalière.
cette dernière situation, la porte d'entrée infectieuse doit En l'absence de signe de gravité, on revient essentielle-
être recherchée, pouvant être ORL, respiratoire, ostéoarticu- ment à deux situations selon l'existence ou non d'une fièvre.
laire ou cutanée dans les principales étiologies. ■ En climat fébrile, il s'agit le plus souvent de maladies
En l'absence de critère de défaillance vitale à l'examen infectieuses virales fébriles qui ne sont pas forcément
initial, la seconde étape consiste à rechercher la présence de à proprement parler des urgences mais pour lesquelles
signes de gravité tels que : un isolement et surtout un diagnostic rapide avec une
Chapitre 28. Urgences 735
prévention des cas secondaires peuvent s'avérer essen- ronostic vital en quelques heures d'évolution, dans le cadre
p
tiels comme notamment avec la rougeole et parfois la d'une infection bactérienne sévère (IBS). Le germe le plus
varicelle. Par ailleurs, ces pathologies le plus souvent souvent identifié est un méningocoque, plus rarement un
bénignes peuvent être également des urgences thé- streptocoque A, un pneumocoque ou un streptocoque B
rapeutiques lorsqu'elles surviennent sur un terrain (nouveau-né).
immunodéprimé qu'il faut savoir systématiquement En France, en 2015, l'incidence des infections invasives à
rechercher. méningocoque (IIM) était de 0,79/100 000 habitants (avec
■ En climat non fébrile, les urgences dermatologiques sont un pic chez les moins de 1 an de 8,9/100 000). À tout âge,
principalement des purpuras éventuellement associés la présence d'un purpura fulminans (23 % des IIM) est un
à des hématomes diffus pouvant révéler une thrombo- facteur de mauvais pronostic (21 % de décès versus 8 % si
pénie profonde périphérique ou centrale ou bien des absent, p < 103). Plus de 70 % des décès par purpura fulmi-
traumatismes multiples devant faire évoquer de principe nans ont lieu dans les premières 24 heures. Le pronostic est
une maltraitance et orienter l'enfant vers les urgences lié à la précocité du diagnostic et la qualité de sa prise en
(en cas de refus, le signalement au parquet s'impose charge initiale.
immédiatement). Mais fièvre et purpura ne sont pas spécifiques de purpura
fulminans et la très grande majorité des enfants consultant
pour purpura fébrile a une infection virale. La difficulté
Purpura fébrile est d'identifier rapidement un purpura fébrile révélateur
Valérie Nouyrigat
d'une IBS des vascularites virales, en s'appuyant sur une
démarche diagnostique rigoureuse (fig. 28.14). L'objectif,
Tout enfant présentant une fièvre et un purpura est sus- une fois le diagnostic posé, est de mettre en place en urgence
pect de purpura fulminans, choc septique mettant en jeu le la prise en charge adaptée.
FIÈVRE ET PURPURA
SIGNES DE GRAVITÉ ?
– Aspect « toxique », troubles de
conscience ?
– Choc ?
– Purpura nécrotique ± extensif
± avec un élément > 3 mm ?
– Syndrome méningé
Oui Non
Non Oui
Fig. 28.14 Arbre diagnostique devant un purpura fébrile. CRP : C-réactive protéine ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ;
NFS : numération formule sanguine ; PL : ponction lombaire.
736 Partie II. Spécialités
– Assurer la liberté des voies aériennes. – au cabinet médical : adresser l'enfant aux urgences en
– Administrer une oxygénothérapie, passivement au organisant le transport avec la régulation du SAMU ;
masque ou avec ventilation au masque et au ballon s'il – aux urgences :
existe des troubles de conscience. - rechercher un foyer infectieux bactérien (examen cli-
– Poser une voie d'abord vasculaire périphérique (deux nique, NFS, CRP et, selon le contexte : radiographie
voies si l'enfant pèse plus de 15 kg) ou intraosseuse (en de thorax, ECBU, voire PL),
cas d'échec ou d'emblée de choc décompensé). - surveiller le patient pendant au moins 4 heures pour
– Prélever hémoculture, lactates, dextrostix, PCR détecter l'apparition de critères de gravité et adapter
méningocoque, NFS, CRP, hémostase, ionogramme, le cas échéant la prise en charge : monitoring horaire
urée, créatinine. de FR, FC, PA, douleur, conscience et interaction ;
– Administrer une expansion volémique : surveillance de l'évolution du purpura toutes les
- avec 20 mL/kg de sérum physiologique aussi vite que 30 minutes (entourer les lésions) ;
possible ; - débuter une antibiothérapie adaptée au foyer
- à renouveler si les troubles hémodynamiques per- identifié ou au moindre doute sur une infection
sistent (jusqu'à 60 mL/kg dans la 1re heure). bactérienne.
– Débuter une antibiothérapie intraveineuse ou à défaut ■ Dans les situations où le diagnostic de purpura fulminans
intramusculaire par ceftriaxone (50 à 100 mg/kg, est finalement éliminé, le diagnostic retenu est celui de
maximum 1 g) ou par céfotaxime (50 mg/kg maxi- vascularite infectieuse, à l'occasion d'une virose ou d'une
mum 1 g) voire, à défaut, par amoxicilline (50 mg/kg infection bactérienne non sévère. C'est la cause la plus
maximum 1 g). Le début de l'antibiothérapie ne doit fréquente de purpura fébrile chez l'enfant consultant aux
pas être retardé par la réalisation de prélèvements. urgences. La fièvre reste alors bien tolérée et le purpura est
– Envisager un support inotrope par de la noradrénaline pétéchial.
(0,1 μg/kg/min) si l'insuffisance circulatoire persiste
après deux expansions volémiques. Conclusion
– Adapter la prise en charge aux objectifs thérapeutiques : Parmi les purpuras fébriles, le purpura fulminans est rare
- normalisation de l'hémodynamique ; mais grave, avec une mortalité élevée malgré les progrès
- reprise d'une diurèse (> 1 mL/kg/h) ; de la réanimation pédiatrique. Il est principalement dû à
- normalisation du dosage de la lactatémie ; une infection bactérienne sévère à méningocoque. Seuls
un diagnostic précoce et une prise en charge optimale,
notamment au cours de la 1re heure, peuvent en améliorer
À retenir le pronostic.
■
La réalisation dans la 1re heure de prise en charge d'un choc
septique d'une hémoculture, d'une antibiothérapie parenté- Malaises du nourrisson
rale à large spectre et d'au moins une expansion volémique en
diminue la mortalité de manière significative. Anne-Pascale Michard-Lenoir, Églantine Hullo
Une ponction lombaire ne peut être réalisée que chez un
Le malaise du nourrisson est un motif fréquent de consulta-
■
Nombre de ces malaises suscitent une grande angoisse parmi Examen clinique
les proches présents au moment de l'accident par l'impres- ■ Persistance du malaise ? Fonctions vitales. Recherche de
sion de mort imminente. Actuellement, le terme Apparent troubles hémodynamiques, respiratoires ou neurolo-
Life Threatening Event (ALTE) s'impose. giques (conscience, convulsions).
■ Recherche d'éléments orientant :
– température (fièvre, hypothermie). Frissons. Encom-
Quand ne pas parler de malaise ? brement ORL, toux ;
■
Crise tonicoclonique – respiration : intensité, apnées, bruits respiratoires.
■
Frissons hyperthermiques Recherche de dysmorphie, malformation faciale,
■
Apnée du nourrisson sans trouble du tonus et/ou de palais ogival ;
coloration – périmètre crânien et son évolution (courbes), palpa-
■
Syndrome de pénétration, inhalation de CE tion de la fontanelle antérieure. Évaluation de la ges-
Contexte infectieux, traumatique, malformatif, toxique évident
ticulation spontanée, du tonus, du contact, du suivi
■
■
Expressions mineures exacerbées par un stress parental
(hypotonie physiologique au sommeil, rythme respiratoire oculaire. Développement psychomoteur. Courbe
irrégulier sans apnée, etc.) staturo-pondérale. Hépatomégalie. Ecchymoses.
Angiomes. Glycémie capillaire.
ENFANT À L'ÉVEIL
– Pendant repas ? Si oui : que mangeait/buvait-il ?
1. Écouter la description Si non, qu'est-ce qui alerte (bruit ? Pleurs ? Odeur ?
du malaise Etc.) ?
– Position ? Couleur ? Mouvements inhabituels ?
par l'entourage Éruption ? Conscience ? Respiration rapide ? Bruit ?
Vomissement ? Sueur ?
– Comment était son tonus ? Son regard ?
– Bain juste avant ?
– Moment de la journée
– Comment s'est passé le dernier repas ?
– Lien avec repas ?
– Lieu du malaise ENFANT AU SOMMEIL (questions
– Avec qui ? (parents/autre) supplémentaires)
2. Questionner – Enfant endormi ou réveillé ? – Position de l'enfant dans le lit ? Type de matelas ?
sur le malaise – Durée estimée du malaise Couverture/couette/peluche/jouet ?
– Habillage ? Visage couvert ? Collier ?
– Récupération spontanée ? Gestes ?
– Seul dans son lit ou co-sleeping ?
– En combien de temps est-il revenu – T °C de la pièce ?
comme avant ? – Travaux récents dans la pièce de sommeil ?
Fig. 28.15 Éléments d'anamnèse en cas de malaise du nourrisson. ATCD : antécédent ; PC : périmètre crânien.
Chapitre 28. Urgences 739
Une prise en charge psychologique peut être proposée être traitée correctement, elle doit être évaluée de façon
à la famille ainsi que les coordonnées des associations de standardisée avec des échelles validées. Cette évaluation
parents endeuillés. n'est efficace que si elle est individualisée, claire, quanti-
fiée, continue, systématique et répertoriée dans le dossier
de l'enfant. La douleur est unique à chaque individu et elle
Douleur aiguë est influencée par plusieurs facteurs tels que l'âge, l'ethnie, le
Ricardo Carbajal sexe, le milieu culturel, les capacités cognitives, les attentes
et les expériences précédentes.
La douleur constitue l'un des problèmes principaux des L'auto-évaluation est considérée comme l'indicateur le
enfants consultant aux urgences ; cette douleur peut être plus fiable de l'existence et de l'intensité de la douleur. En
due à des affections médicales ou chirurgicales, à une cause cas de discordance entre l'impression du soignant et les
traumatique ou à des gestes thérapeutiques ou diagnos- dires de l'enfant, c'est le récit de l'enfant qui doit primer.
tiques réalisés aux urgences. Malgré les immenses progrès Chez le jeune enfant, l'identification et l'évaluation de la
accomplis dans la reconnaissance et le traitement de la dou- douleur ne sont pas toujours faciles. Il n'existe aucune
leur de l'enfant, des études récentes montrent encore que la mesure objective formelle de la douleur et par consé-
prise en charge de la douleur de l'enfant aux urgences est quent, nous ne pouvons l'approcher que par une mesure
sous-optimale. Des nombreuses sociétés savantes ont fait subjective.
de la prise en charge de la douleur une priorité des soins. L'évaluation de la douleur est une responsabilité et une
La douleur doit être reconnue, prévenue et soulagée rapide- obligation de tout soignant ; il a été suggéré que la douleur
ment dès l'arrivée de l'enfant. Une analgésie adéquate, une soit considérée comme le 5e signe vital. Cette évaluation n'a
atmosphère sereine et une présence parentale sont actuelle- de sens que si elle conduit à l'instauration ou à l'adaptation
ment indispensables pour améliorer la prise en charge de la d'un traitement analgésique.
douleur des enfants aux urgences.
Lors de la réalisation des actes diagnostiques et thérapeu- Hétéro-évaluation : quelle échelle utiliser ?
tiques générateurs de douleur, la détresse engendrée par ces
On distingue la douleur continue de la douleur ponctuelle
actes chez l'enfant est augmentée par le fait que la plupart
induite par les gestes. Des très nombreuses échelles ont été
d'entre eux, surtout les plus jeunes, ne comprennent pas
publiées et elles ont toutes leurs qualités et leurs faiblesses.
qu'étant déjà malades et souffrants, on leur inflige une nui-
Pour la douleur des gestes, les échelles les plus fréquemment
sance supplémentaire. Cette douleur peut être majorée par
utilisées sont la DAN (Douleur aiguë du nouveau-né) et la
l'anxiété ressentie par les enfants lorsqu'ils se trouvent dans
PIPP (Premature Infant Pain Profile) chez le nouveau-né
un endroit souvent anxiogène comme celui des urgences. La
et la CHEOPS (Children's Hospital of Eastern Ontario Pain
prévention et le soulagement de la douleur induite par les
Scale) chez le nourrisson et le jeune enfant. Ces échelles sont
actes ou la maladie sont une obligation de tout le personnel
le plus souvent utilisées pour évaluer l'efficacité d'une inter-
travaillant aux urgences. Tout doit être fait dans ces services
vention analgésique lors de la réalisation d'un geste dou-
pour empêcher ou réduire la douleur des enfants. Cette
loureux et nous ne les aborderons pas ici. Pour la douleur
prise en charge optimale nécessite le développement ou le
continue, l'échelle EDIN (Échelle de douleur et d'inconfort
renforcement d'une « culture douleur » à laquelle doit adhé-
du nouveau-né) est le plus souvent utilisée chez le nouveau-
rer toute l'équipe sous l'impulsion des « leaders » locaux. La
né et l'échelle EVENDOL pour les nourrissons et jusqu'à
« culture douleur » permet de déployer à toutes les étapes du
l'âge de 7 ans.
passage de l'enfant aux urgences les moyens les plus adaptés
En France, l'échelle EVENDOL (fig. 28.16) est devenue
et individualisés pour chacun des enfants.
l'échelle la plus utilisée chez l'enfant. Celle-ci a été dévelop-
La prise en charge comporte principalement la recon-
pée et validée en France. Elle comporte 5 items comporte-
naissance et l'évaluation de la douleur de chaque enfant en
mentaux simples : expression vocale ou verbale, mimique,
fonction de son niveau de développement et de sa patholo-
mouvements, positions et relation avec l'environnement.
gie, l'anticipation et la prévention de la douleur des gestes
Pour chaque item, 4 cotations sont possibles : 0, 1, 2 ou 3,
et l'utilisation des moyens non médicamenteux et médica-
en tenant compte à la fois de l'intensité et de la permanence
menteux pour le traitement de la douleur, et des démarches
du signe pendant le temps d'observation (signe absent = 0 ;
qualité locales pour évaluer l'efficacité des stratégies analgé-
signe faible ou passager = 1 ; signe moyen ou environ la
siques adoptées.
moitié du temps = 2 ; signe fort ou quasi permanent = 3).
Le score total peut aller de 0 à 15. Le seuil de prescription
Évaluation de la douleur analgésique est 4/15.
La reconnaissance et l'évaluation de la douleur sont le
premier pas pour un traitement adéquat de celle-ci. Alors Auto-évaluation
que la reconnaissance de la douleur d'une fracture ou d'un L'auto-évaluation n'est possible qu'à partir de 6 ans pour la
traumatisme est d'emblée évidente pour tous les soignants, plupart d'enfants. Les outils d'auto-évaluation les plus utili-
la reconnaissance d'un autre type de douleur peut s'avérer sés chez les enfants sont l'échelle visuelle analogique (EVA),
plus complexe, surtout chez les jeunes enfants, car les mani- l'échelle numérique simple, et les échelles de visages. Malgré
festations de douleur ne sont pas spécifiques de celle-ci et les différentes difficultés inhérentes à l'évaluation d'un phé-
peuvent correspondre à d'autres besoins de l'enfant. La pré- nomène subjectif, l'utilisation des échelles d'auto-évaluation
sence d'une douleur n'est pas une donnée binaire et, pour doit être privilégiée à l'hétéro-évaluation chaque fois que
Chapitre 28. Urgences 743
Antalgique
Notez tout ce que vous observez... Signe
même si vous pensez que les signes Signe (R) (R)
Signe moyen
Signe fort Repos Repos
ne sont pas dus à la douleur, mais à la peur, faible ou environ
absent ou quasi
à l’inconfort, à la fatigue ou à la gravité ou passager la moitié (M) (M)
permanent
de la maladie. du temps Mobilisation Mobilisation
Expression vocale ou verbale
Mimique
Mouvements
Positions
peut être consolé et/ou s’intéresse aux jeux normale diminuée très diminuée absente
et/ou communique avec l’entourage 0 1 2 3
Fig. 28.16 EVENDOL : échelle d'évaluation de la douleur de la naissance à 7 ans. Plus d'information sur pediadol.org.
possible. Les échelles de visages sont probablement mieux Traitements non médicamenteux
comprises par les jeunes enfants car elles sont plus directes. Les moyens non médicamenteux contribuent à la diminution
Il est important de signaler que les échelles de visages ne de la douleur et sont souvent complémentaires des thérapeu-
doivent pas comporter des visages gais ou souriants à l'ex- tiques médicamenteuses. Le moyen utilisé dépend de l'âge et/
trémité inférieure comme repère de la douleur la plus faible ou la préférence de l'enfant, et de la formation du soignant.
mais plutôt un visage neutre pour éviter d'entraîner une
confusion chez l'enfant. Succion non nutritive
Cette méthode est utilisée chez le nouveau-né et le très
Prise en charge précoce jeune nourrisson. L'effet calmant de la succion non nutri-
tive (SNN) a été clairement démontré. Il a été montré
Dès que la douleur est décelée, souvent au tri infirmier, des
qu'elle entraîne des effets bénéfiques sur la fréquence car-
mesures antalgiques non médicamenteuses et médicamen-
diaque et l'oxygénation périphérique et réduit les mani-
teuses doivent être entreprises. Ainsi, une fracture suspectée
festations de douleur chez le nouveau-né prématuré et à
ou avérée doit être rapidement immobilisée, avant même la
terme lors des gestes douloureux.
réalisation d'une radiographie, une brûlure doit être proté-
gée avec un pansement et toute douleur de cause médicale,
chirurgicale ou traumatologique doit être traitée le plus rapi-
Solutions sucrées
dement possible. Pour cela, des protocoles clairs de début L'efficacité analgésique des solutions sucrées administrées
d'analgésie doivent être rédigés et connus de tous pour leur oralement a été largement étudiée et démontrée chez le nou-
mise en œuvre précoce. Ces protocoles doivent inclure des veau-né à terme et prématuré ainsi que chez le jeune nour-
traitements médicamenteux bien définis utilisables au tri risson pour réduire la douleur des gestes de courte durée et
infirmier et les situations de recours immédiat aux médecins d'intensité légère à modérée. La solution sucrée la plus étu-
des urgences. L'évaluation de la douleur doit commencer à ce diée est celle à base de saccharose. Cependant, d'autres solu-
stade et son registre pour réévaluation doit être réalisé. tions à base de glucose ou d'édulcorants sont aussi efficaces.
L'Afssaps (2009) recommande l'utilisation des solutions
sucrées jusqu'à l'âge de 4 mois. L'association de saccharose
Traitements ou d'une solution sucrée avec la succion d'une tétine est
La douleur continue d'une pathologie ou d'un traumatisme reconnue actuellement comme l'un des moyens analgésiques
doit être traitée dès sa reconnaissance et celle induite par les non médicamenteux les plus efficaces pour soulager la dou-
soins doit être prévenue. Le meilleur moyen de soulager la leur des gestes des nouveau-nés.
douleur est souvent d'associer des moyens non médicamen- Le mécanisme d'action des solutions sucrées n'est pas
teux avec des moyens médicamenteux et de respecter des encore élucidé mais elle agirait par la libération d'opioïdes
règles de bonne pratique lors de gestes. endogènes. Pour le nouveau-né, l'administration de 1 à
744 Partie II. Spécialités
2 mL d'une solution de saccharose (24 ou 30 %) ou de glu- tives avec une modulation du cortex sensitif. Hoffmann et al.
cose (30 %) suivie de la SNN d'une tétine peut être proposée ont montré une réduction significative de la douleur et du temps
pour des gestes douloureux légers chez des nouveau-nés à passé à penser à la douleur lors de l'utilisation de la réalité vir-
terme ou pesant plus de 2 500 g. Ces solutions doivent être tuelle chez des patients qui subissaient un stimulus thermique
administrées environ 2 minutes avant le geste. L'effet anal- douloureux ; la distraction a entraîné une diminution de l'activa-
gésique dure au maximum 5 à 7 minutes. Si le geste dépasse tion des régions cérébrales stimulées par la douleur thermique.
cette durée, une autre administration orale doit être réalisée. Depuis longtemps, des méthodes simples de distraction
Les solutions sucrées sont très bien tolérées. Les rares comme la musique, les chansons, les bulles de savons ont
effets signalés ont été passagers et ont inclus des désatu- été utilisées aux urgences pédiatriques. Durant la dernière
rations, des bradycardies, des apnées, et des fausses routes décennie, la large diffusion des écrans tactiles a permis de les
chez le nouveau-né prématuré. intégrer comme un nouveau moyen antalgique non médica-
menteux. Depuis 2010, la distraction par tablettes tactiles a
Allaitement maternel été évaluée avec des résultats satisfaisants pour la prise en
Il a été montré que l'allaitement maternel lors d'un geste dou- charge de la douleur. L'utilisation de la distraction avec les
loureux procure une analgésie chez les nouveau-nés à terme. tablettes tactiles a permis de diminuer significativement les
Des diminutions significatives des scores de douleur ont été douleurs liées aux soins avec une réduction des scores de
notées pour les groupes allaitement par rapport aux groupes douleur de 30 à 50 %. Dans l'expérience de l'auteur, l'utili-
placebo. Une revue Cochrane de la littérature en 2012 a identifié sation de la distraction par tablettes tactiles est d'une très
10 études et conclu que les nouveau-nés dans le groupe allai- grande efficacité pour réduire la douleur des gestes invasifs.
tement avaient des évaluations de douleur plus basses compa-
rées au placebo. Chez l'enfant prématuré de 30 à 36 SA, Holsti Place des moyens non médicamenteux
et al. ont conclu que l'allaitement n'était pas efficace durant les Ces moyens non médicamenteux peuvent être suffisants pour
prises de sang. Cette technique est très utile en maternité et en l'analgésie des gestes mineurs (ponction au talon, ponction
néonatologie et peut être proposée également aux urgences ou veineuse, poses de sonde gastrique, etc.) essentiellement chez
en pédiatrie pour les jeunes nourrissons allaités. le nouveau-né. En revanche, lors de la réalisation des gestes
plus douloureux (réduction de fracture, suture, etc.), d'autres
Musique moyens analgésiques plus importants doivent être associés.
La musique est utilisée depuis longtemps pour améliorer le
bien-être et réduire la douleur et la souffrance. Hartling et al. Traitements médicamenteux
ont montré dans une étude randomisée que dans le groupe Pour la douleur continue, les principaux analgésiques utilisés
musique, comparé au placebo, des enfants âgés de 3 à 11 ans sont le paracétamol, les AINS, le tramadol, la nalbuphine et la
avaient moins de douleur pour la ponction veineuse et que les morphine. Les médicaments les plus utilisés pour l'analgésie
soignants trouvaient le geste plus facile avec de la musique. des gestes douloureux sont la lidocaïne pour une anesthésie
locale, le mélange anesthésique prilocaïne-lidocaïne (crème
Distraction Emla®) et le mélange gazeux protoxyde d'azote/oxygène. Dans
La distraction est une technique cognitivo-comportementale quelques situations, un médicament sédatif, le midazolam,
qui permet la participation de l'enfant et l'aide à diriger son peut aussi être employé pour réduire l'anxiété. L'analgésique
attention vers quelque chose d'autre que le stimulus douloureux. utilisé doit correspondre à l'intensité de la douleur. Les prin-
En imagerie fonctionnelle, il a été montré que la distraction était cipaux médicaments utilisés chez l'enfant sont brièvement
associée à une réduction de l'activation des structures intégra- décrits ci-dessous. Une synthèse est proposée tableau 28.4.
Tableau 28.4 Résumé des principaux analgésiques et sédatifs utilisés chez l'enfant.
Médicament Forme Voie et dose Délai d'action Durée d'action Commentaires
Morphine Injectable IV : 0,1 mg/kg en bolus (titration) 5 minutes 3–4 heures Hypotension,
(1 mL = 10 mg) suivie de 0,5–1 mg/kg/j en IV continu libération
d'histamine,
Buvable PO : 0,2 mg/kg/prise 4–6 fois/j 20–30 minutes
constipation
(maximum 20 mg/prise)
Penser à la titration
Nalbuphine Nubain® IV : 0,2 mg/kg/4 à 6 h (maximum 10 mg) 3 minutes 4 heures Effet plafond
(2 mL = 20 mg)
IR : 0,4 mg/kg/4 à 6 h 15 minutes
Fentanyl Fentanyl® IV : 1–2 μg/kg 2–3 minutes 20–40 minutes Risque d'apnée si
(100 μg/2 mL) association avec
IN : 1 μg/kg 10 minutes
sédatif
Midazolam Hypnovel® IV : 0,05–0,1 mg/kg 2 minutes 30 minutes Sédatif
(1 mL = 5 mg) Absorption
SL, IN : 0,3 mg/kg 10–15 minutes 45 minutes
variable par voie
(maximum 10 mg)
transmuqueuse
IR : 0,4 mg/kg 10–15 minutes 45 minutes
PO : 0,5 mg/kg 20-30 minutes 45 minutes
(Suite)
Chapitre 28. Urgences 745
Il est indiqué pour tout acte diagnostique ou thérapeutique 3 μg/kg s'est montré efficace pour le traitement des douleurs
douloureux qui nécessite une analgésie de courte durée chez d'origine traumatique. Dans une revue Cochrane récente, il est
l'enfant. Les principales indications sont : les ponctions lom- indiqué que le fentanyl intranasal (1 μg/kg) administré avec
baires, les ponctions veineuses chez l'enfant phobique ou ne MAD pourrait aussi être utilisé chez l'enfant de plus de 3 ans
pouvant pas bénéficier d'une analgésie de contact, les sutures lors des gestes douloureux. Comme les autres opioïdes, le fen-
superficielles (associé à une infiltration locale de lidocaïne), tanyl peut entraîner une dépression respiratoire et des apnées,
la réduction de certaines fractures et luxations simples, l'abla- surtout en cas d'association à d'autres sédatifs ou analgésiques.
tion de corps étrangers, les pansements de plaies et brûlures Il peut induire une rigidité glottique et thoracique par hyper-
peu étendues, le cathétérisme vésical, la réduction d'hernie tonie musculaire, pouvant entraîner une détresse respiratoire
inguinale, le drainage d'abcès, entre autres. sévère surtout en cas d'administration intraveineuse rapide.
Le MEOPA est contre-indiqué chez les enfants présentant
un traumatisme crânien non évalué, une altération de l'état Anesthésie locale
de conscience, une hypertension intracrânienne, une embo- Le mélange de deux anesthésiques locaux, la lidocaïne et la
lie gazeuse, des bulles d'emphysème, un accident de plongée, prilocaïne (crème Emla®), est efficace pour réduire la dou-
un traumatisme maxillo-facial empêchant une étanchéité leur des ponctions veineuses. Cette crème s'applique sur peau
entre le masque et la face, un pneumothorax non drainé, une saine avec un pansement occlusif pendant une durée de 60 à
distension gastrique ou abdominale, car ces cavités peuvent 90 minutes avant une ponction veineuse, une ponction lom-
se distendre rapidement en raison d'une diffusion rapide baire ou toute autre effraction cutanée. L'anesthésie cutanée
du protoxyde d'azote pour équilibrer les pressions partielles obtenue est d'une profondeur de 3 mm si la crème est appli-
entre le sang et les cavités. L'administration du MEOPA est quée pendant 1 heure et de 5 mm si elle est appliquée pen-
possible à tout âge, mais son effet est plus important chez dant 2 heures. La posologie est de 1 à 2 g pour les plus de 1 an
l'enfant âgé de plus de 12–18 mois. Il faut attendre au moins (0,5 g pour les moins de 1 an). Ses contre-indications sont le
3 minutes d'inhalation du MEOPA avant de débuter le geste. prématuré de moins de 37 semaines, les déficits en G6PD,
Le MEOPA permet la réalisation de soins modérément dou- les méthémoglobinémies congénitales, les porphyries, une
loureux avec une sécurité excellente. Mais ce moyen reste hypersensibilité connue aux anesthésiques locaux du groupe
insuffisant pour certains enfants, notamment lors de certains à liaison amide ou à tout autre composant de la crème. Un
pansements très douloureux, de réductions de fractures, de obstacle à l'utilisation de la crème Emla® aux urgences est le
soins répétés, chez les enfants très anxieux ou phobiques. temps d'attente nécessaire à son action qui prolonge le séjour
de l'enfant. Il a été montré qu'il est possible de sélectionner,
Kétamine à l'accueil, des enfants qui ont de très fortes probabilités de
La kétamine a des propriétés analgésiques, sédatives et amné- subir une ponction veineuse et qui peuvent ainsi bénéficier de
siques. Elle produit un état de dissociation qui interfère avec la pose de la crème Emla® en amont de la consultation médi-
la perception sensorielle douloureuse et sa mémorisation. La cale. L'AMM débute en France chez les nouveau-nés à terme.
kétamine produit une sédation profonde ou une anesthésie L'anesthésique local le plus utilisé aux urgences est la lido-
générale. Son utilisation a été classiquement réservée au cadre caïne. Les anesthésiques locaux peuvent être associés à l'adré-
de la réanimation et aux médecins entraînés (anesthésistes naline ou au bicarbonate de sodium. L'adrénaline, par son effet
ou réanimateurs). L'Afssaps a conseillé en 2009, pour la réa- vasoconstricteur, diminue l'absorption plasmatique et augmente
lisation d'un geste douloureux, l'utilisation de la kétamine à la fixation neuronale locale ; l'adjonction d'adrénaline est contre-
faible dose (titration de bolus IV de 0,5 mg/kg sans dépasser indiquée dans les zones périphériques où la circulation artérielle
2 mg/kg) ; ce médicament est utilisable par un médecin formé est de type terminal : doigts, orteils, région périorbitaire et pénis.
et ne requiert pas la présence d'un médecin anesthésiste. Son L'ajout du bicarbonate de sodium augmente le pH de la solution
indication principale est la réalisation d'actes douloureux et réduit la douleur de l'infiltration locale. On ajoute habituel-
de courte durée nécessitant une immobilisation de l'enfant lement 1 mL d'une solution à 4,2 % de bicarbonate de sodium
(suture sur le visage, pansement de brûlure, réduction de dans 10 mL de lidocaïne à 1 %. La lidocaïne (Xylocaïne®) peut
fracture, incision drainage d'abcès, pose de cathéter central). être utilisée en application topique ou en injection. La dose est
Cette pratique utilisée en pré-hospitalier n'est pas encore très de 2 à 4 mg/kg ; il ne faut pas dépasser 7 mg/kg. Le délai d'action
répandue dans les services d'urgences pédiatriques français. en application muqueuse et en infiltration est de 5 à 10 minutes
Récemment, des études signalent son efficacité analgésique et sa durée d'action est de 20 à 30 minutes.
en administration intranasale à 1 mg/kg avec des dispositifs
d'atomisation, Mucosal Atomizer Device (MAD). Midazolam
La kétamine produit une hypersécrétion des voies Le midazolam est une benzodiazépine de demi-vie courte (106
aériennes et le réveil peut être grevé d'hallucinations. Les ± 29 minutes). Il produit une sédation associée à une relaxa-
contre-indications sont le traumatisme crânien, les infections tion musculaire et une amnésie antérograde et rétrograde. Il
des voies aériennes supérieures et les maladies psychiatriques. ne possède pas d'effet antalgique ; lorsqu'il est utilisé pour des
gestes douloureux, il doit donc être associé à un antalgique. À
Fentanyl fortes doses, il peut entraîner une apnée et une hypotension.
Le fentanyl est un agoniste morphinique qui est 50–100 fois Par conséquent, il faut être très prudent lorsqu'on l'utilise avec
plus puissant que la morphine par voie IV. Il a un délai d'action un opioïde puisque les risques d'hypoxie et d'apnée sont aug-
rapide (pic à 2–3 minutes) et une courte durée d'action (20– mentés. Les effets du midazolam sont contrecarrés par le flu-
40 minutes). En pré-hospitalier, le fentanyl à la dose de 1 à mazénil. Le délai d'action varie selon la voie d'administration :
748 Partie II. Spécialités
IV (2 minutes), intranasale, sublinguale, intrarectale (10 à 15 mi trouble neurologique de ceux ayant induit des manifestations
nutes) et orale (20 à 30 minutes). Sa durée d'action par voie IV neurologiques transitoires, témoignant d'un traumatisme
est de 20 à 30 minutes. Quelques enfants présentent un effet craniocérébral. Vomissements, perte de connaissance initiale
paradoxal d'excitation 15 à 20 minutes après l'administration, (PCI), amnésie, convulsion à l'impact, somnolence, ralentis-
qui dure habituellement environ 20 à 30 minutes. L'AMM en sement idéomoteur, hypotonie, trouble de l'équilibre, flou
France est pour l'enfant de plus de 6 mois et pour le prématuré visuel, diplopie, céphalées, confusion, désorientation, irri-
et nouveau-né en unité des soins intensifs. tabilité sont autant de symptômes attestant d'une dysfonc-
Les doses dépendent de la voie d'administration : 0,05 tion cérébrale sans diminuer, pour la plupart d'entre eux, le
à 0,1 mg/kg (IV), 0,3 mg/kg (sublinguale et intranasale), GCS. Cette classification ne prend pas non plus en compte
0,4 mg/kg (intrarectale) et 0,5 mg/kg (PO). La dose maximale l'éventuelle identification à terme d'une LIC, la majorité de
totale par voie transmuqueuse ne doit pas dépasser 10 mg. ces symptômes étant l'expression commune soit d'une com-
motion cérébrale, perturbation fonctionnelle le plus souvent
rapidement résolutive, soit d'une LIC post-traumatique.
Conclusion Le Center for Disease Control définit le TCL par au moins
Les services qui prennent en charge des enfants doivent uti- un épisode transitoire de confusion, trouble de conscience
liser des protocoles de prise en charge de la douleur selon les ou PCI, amnésie ou trouble neurologique clinique (convul-
différentes situations cliniques, et les intensités possibles de la sion, irritabilité, léthargie ou vomissements). Le TC n'est
douleur. Il est de notre devoir de combattre la douleur sous plus léger et devient modéré si :
toutes ses formes de présentation pour que les cris des enfants ■ GCS < 13 à la 1re évaluation ;
ne constituent plus un bruit de fond « normal » d'un service ■ et/ou GCS < 15 à 24 heures du TC ;
de pédiatrie ou d'urgences. L'utilisation des analgésiques pour ■ et/ou PCI > 30 minutes ;
une douleur prolongée ou continue nécessite une évaluation ■ et/ou amnésie > 24 heures.
de la douleur soit par auto-évaluation chez les enfants de 5 à
6 ans ou plus, soit avec une échelle d'hétéro-évaluation chez Épidémiologie
les jeunes enfants. Des moyens médicamenteux et non médi-
camenteux utilisés à bon escient peuvent soulager ou réduire Le traumatisme crânien chez l'enfant :
de façon importante la plupart des douleurs chez l'enfant. un problème de santé publique
L'incidence annuelle des TC chez l'enfant est estimée à
1 850/100 000 avant 4 ans, 1 100/100 000 entre 5 et 9 ans, et
Traumatisme crânien 1 170/100 000 entre 10 et 14 ans, avec une prédominance de
Géraldine Patteau garçons. Environ 80 à 90 % des TC sont légers, 3 à 10 % sont
graves et à l'origine d'une mortalité de 2,5 à 9/100 000 par an
Les traumatismes crâniens (TC) de l'enfant sont fréquents
avec une létalité de 15–20 %.
et bénins dans leur grande majorité mais restent, en raison
de leurs formes graves, une cause majeure de mortalité et Mécanismes lésionnels
morbidité. Leur prise en charge est guidée par l'évaluation
de leur potentielle gravité qui réside dans la survenue de Les chutes sont la cause principale de TC toutes gravités
lésions intracrâniennes (LIC). On distingue les LIC pri- confondues. La part des chutes augmente à mesure que
maires (hématome sous-dural ou extradural, contusion l'âge décroît (50 % des TC avant 14 ans, 80 % avant 5 ans).
cérébrale, hémorragie sous-arachnoïdienne, intraparenchy- À l'adolescence, les chocs directs par un objet, les accidents
mateuse ou intraventriculaire, lésions axonales diffuses) et de sports et de loisirs et les accidents de la voie publique
les LIC secondaires qui sont le fait de perturbations hémo- (AVP) prédominent. Les formes graves des nourrissons sont
dynamiques et métaboliques intraparenchymateuses. Elles majoritairement le fait de TC infligés par maltraitance. Les
se traduisent par un œdème cérébral, une hypertension TC infligés sont la 1re cause de décès traumatique avant un an.
intracrânienne (HTIC) et des lésions ischémiques. Leur incidence est par nature sous-estimée. Chez l'enfant plus
Si la prise en charge des TC graves est consensuelle, fon- grand, les causes de TC graves et de décès sont dominées par
dée sur une réanimation protocolisée, il est plus difficile de les défenestrations et chutes de balcon (2/3 des TC graves par
guider celle des TC légers et d'affirmer leur bénignité, dont chute des enfants < 6 ans admis en réanimation), suivies des
le seul score de Glasgow (GCS) initial supérieur ou égal à 13 AVP (46 % des TC graves avant 5 ans, 75 % entre 5 et 10 ans).
ne peut suffire à rendre compte.
Séquelles
Définitions La gravité du traumatisme est le facteur majeur du risque de
La classification clinique de sévérité des TC pédiatriques la séquelles. Plus l'enfant est jeune, plus les troubles neuropsy-
plus couramment utilisée repose sur le GCS et son adapta- chologiques et comportementaux sont importants. Alors que
tion pour l'enfant âgé de moins de 2 ans. la plupart des enfants ayant un TC grave récupèrent bien sur
■ Le TC grave est défini par un GCS ≤ 8 après stabilisation le plan moteur, un tiers d'entre eux développent des troubles
hémodynamique et ventilatoire. psychocomportementaux, 20 à 30 % des incapacités et
■ Un GCS entre 9 et 12 définit le TC modéré. troubles cognitifs qui perturbent leur capacité d'apprentissage
■ Le TC est classé léger (TCL) ou mineur pour un GCS ≥ 13. et de développement. Aux conséquences directes du TC grave
Cette seule évaluation du retentissement sur l'état de s'ajoutent celles d'une déscolarisation prolongée liée à un
conscience ne distingue pas les TC ou impacts crâniens sans séjour en rééducation et celles de son retentissement familial.
Chapitre 28. Urgences 749
20 % chez les nourrissons et de 15 % chez le plus de 2 ans, Pertes sanguines importantes
soit respectivement 0,1 et 0,2 % de l'ensemble des TCL de L'importance de la spoliation sanguine induite, notamment
chacune de ces tranches d'âge. chez les nourrissons, par un hématome sous-galéal étendu
ou une plaie ouverte large peut être responsable d'un choc
Identifier les fractures du crâne et lésions du scalp à risque hémorragique.
Fractures de la base du crâne (encadré 28.5)
Risque de méningite d'une brèche ostéodurale de la Reconnaître les terrains à risque
base Une méningite bactérienne précoce (les premiers Trouble de l'hémostase
jours) ou tardive (quelques mois ou années) peut se déclarer La connaissance ou la découverte lors du TC d'un
du fait d'une brèche ostéodurale : rhinorrhée claire unilaté- trouble de l'hémostase congénital ou acquis (hémophi-
rale de LCR et brèche antérieure de la base du crâne (fracture lie, maladie de Willebrand, thrombopénie, anomalie de
du sphénoïde ou de l'ethmoïde), otorrhée et brèche du toit la fonction plaquettaire, traitement anticoagulant, etc.)
du rocher. Le traitement de la brèche est neurochirurgical. expose l'enfant à un risque majoré de saignements. Si
Risque de lésion directe de nerfs crâniens Certains nerfs crâ- la supplémentation immédiate en facteur déficitaire est
niens sont menacés d'une lésion directe à l'occasion d'une frac- indispensable, la TDM systématique est largement préco-
ture de la base. Les fractures de l'étage antérieur peuvent léser nisée par les spécialistes chez un enfant hémophile même
asymptomatique.
sur leur trajet le nerf olfactif (I) et le nerf optique (II). La fracture
du rocher se complique souvent d'une paralysie faciale (VII), Antécédent neurochirurgical
plus exceptionnellement d'une atteinte du nerf auditif (VIII). Les enfants porteurs d'une valve de dérivation, d'une hydro-
Risques de complications ORL d'une fracture du rocher La céphalie sévère, ayant subi une intervention neurochirurgi-
fracture du rocher expose à un risque de surdité de trans- cale dans les mois précédents (sutures fragiles), ou ayant une
mission par lésion ossiculaire et/ou de surdité de perception, tumeur cérébrale, relèvent de l'avis du neurochirurgien.
totale par fracture translabyrinthique ou partielle par com-
motion du labyrinthe. Enfin, les vertiges révélant une fistule Trouble neurologique préexistant
labyrinthique périlymphatique sont une urgence diagnos- Déficit neurologique, handicap moteur ou mental,
tique et thérapeutique mettant en jeu le pronostic auditif. retard de développement psychomoteur exposent à la
non-reconnaissance d'un signe neurologique aigu post-
traumatique. Une surveillance hospitalière de l'enfant de
Encadré 28.5 Signes cliniques d'une fracture quelques heures est justifiée.
de la base du crâne
■
Hémotympan Cibler la prescription de TDM cérébrales
■
Hématome rétro-auriculaire unilatéral (signe de Battle) La crainte de laisser rentrer au domicile un enfant qui
■
Ecchymoses périorbitaires bilatérales (Panda ou Raccoon eyes) s'aggraverait secondairement, du fait d'une LIC manquée
■
Atteinte de nerfs crâniens (I, II, III, IV, VI, VII, VIII) lors de l'évaluation initiale, conduit parfois le praticien
■
Otorrhée ou rhinorrhée de LCR : glucose + sur bandelette à prescrire une TDM malgré l'absence de signes patents
de gravité. Ainsi aux États-Unis, 35 % des enfants GCS
14–15 (0–18 ans) ont une TDM, qui est normale dans
Plaies pénétrantes et fractures du crâne ouvertes 95 % des cas. La moitié des LIC identifiées par les 5 %
Les plaies craniofaciales sont des urgences neurochirurgi- de TDM positives sont des lésions mineures sans aucune
cales. La brèche de la dure-mère provoque une pneumato- conséquence clinique. Elles restent silencieuses ou pau-
cèle et ajoute au risque de lésions cérébrales traumatiques cisymptomatiques, responsables tout au plus de cépha-
un risque infectieux immédiat. lées ou vomissements qui s'amendent dans les 24 heures,
Embarrures et ne relèvent d'aucun traitement spécifique. La part de
Ce sont des dépressions du crâne palpables, avec parfois ces LIC mineures parmi les lésions identifiées est plus
mobilité du fragment osseux enfoncé (ressaut), en regard importante chez les nourrissons (65 versus 45 % chez le
d'une plaie ou masquée sous une bosse sérosanguine ou à plus de 2 ans).
quelques centimètres de celle-ci. Lorsque l'enfoncement de Le risque de malignité secondaire induite par les radia-
la table externe dépasse la table interne, il existe un risque tions ionisantes de TDM cérébrales répétées avant l'âge
compressif du tissu cérébral sous-jacent qui peut nécessiter de 15 ans et son impact aujourd'hui reconnu sur le risque
une levée chirurgicale de l'embarrure. ultérieur de leucémie et de tumeur cérébrale à l'âge adulte
doivent être une préoccupation constante du clinicien à
Fractures évolutives mettre en balance avec le risque de manquer une LIC.
Il s'agit de fractures qui n'ont aucune tendance à la consoli- La juste prescription de la TDM tient à la pertinence de
dation spontanée, entité propre à l'enfant liée à la croissance l'évaluation clinique de la gravité et à l'objectif défini d'iden-
crânienne. Le risque survient lorsque la fracture s'associe à tifier les seules lésions significatives.
une brèche durale et une contusion cérébrale sous-jacente. L'alternative de l'IRM cérébrale non irradiante en
Il faut l'évoquer devant une tuméfaction sous-cutanée du 1re intention, séduisante, se heurte en pratique à des obs-
scalp qui ne guérit pas (qu'il faut s'abstenir de ponctionner). tacles d'accessibilité, de durée et coût de l'examen et à la
Son traitement est neurochirurgical. nécessité parfois d'une sédation pour les jeunes enfants.
Chapitre 28. Urgences 751
Surveillance au domicile durant la phase aiguë : injury]) ou, à l'inverse, des enfants à très faible risque de LIC
temps essentiel significative pour lesquels le retour à domicile sans TDM
Le TC est une lésion évolutive. Le classique délai de « sécu- est recommandé (règle PECARN [Pediatric Emergency Care
rité » des 6 premières heures qui laisserait voir apparaître les Applied Research Network]). Leur sensibilité est optimale
manifestations cliniques d'un hématome intracrânien en voie mais toutes souffrent d'un manque de spécificité impliquant
de constitution ne repose pas sur des bases solides. Ceci sou- un taux de TDM élevé. La règle PECARN est recomman-
ligne l'importance de l'information donnée aux parents lors dée par la Société française de médecine d'urgence (SFMU)
de la décharge. La poursuite de la surveillance au domicile pour la prise en charge du TCL de l'enfant. Néanmoins,
jusqu'à 24 heures se justifie davantage par le risque de majo- si elle permet de réduire de 20 à 25 % selon l'âge, les taux
ration d'un œdème lésionnel ou la survenue d'une convulsion élevés (35 %) de TDM des équipes d'urgences pédiatriques
révélant un HSD ou une contusion cérébrale que par la crainte nord-américaines, des équipes italiennes, australiennes et
d'un HED d'expression retardée après un intervalle libre. néo-zélandaises assurent la détection de LICcs avec un taux
Le retour au domicile n'est autorisé qu'après résolution de TDM de 7 à 10 %. La règle PECARN, dans leur pratique,
des symptômes et sous réserve d'une surveillance adaptée augmenterait le taux de TDM et diminuerait la valeur pré-
possible par un parent muni de consignes écrites de surveil- dictive positive de l'examen de 10 % à moins de 2 %.
lance et averti des signes qui justifieraient une 2e consulta-
tion en urgence (encadré 28.6). Biomarqueur S100B
L'utilité du dosage sérique de la protéine S100B dans l'éva-
Évaluation de la gravité : quels outils ? luation initiale d'un TCL est controversée. La difficulté d'éta-
Règles de décision clinique blir des valeurs seuils selon l'âge, son manque de spécificité
pour le système nerveux central et la nécessité d'obtenir un
En pratique, l'évaluation de la gravité peut être guidée par prélèvement dans les 6 premières heures (demi-vie courte
les règles de décision clinique publiées dans la littérature. de 120 minutes) sont les limites principales de cet outil dont
Elles proposent des critères de reconnaissance des enfants à l'usage pédiatrique relève encore de la recherche clinique.
haut risque de LIC pour lesquels une TDM est recomman-
dée (règle CHALICE [Children's Head injury Algorithm for Analyse des facteurs cliniques prédictifs de LIC
the prediction of Important Clinical Events], règle CATCH
[Canadian Assessment of Tomography for Childhood Head La connaissance de la valeur prédictive de LICcs des diffé-
rentes variables cliniques est la base de l'appréciation de la
sévérité potentielle d'un TC. Seul un très petit nombre d'entre
elles sont significativement associées à une augmentation de
Encadré 28.6 Exemple de consignes la fréquence de LICcs. Il s'agit de la diminution du GCS et/
de surveillance au domicile après ou du trouble de l'interaction, de la présence d'un signe focal,
un TC de l'enfant de signes de fracture de la base du crâne ou de signes de frac-
ture de la voûte. Aucune autre variable n'a démontré de façon
Votre enfant a subi un choc sur la tête. L'examen médical
consensuelle que sa présence augmentait le risque de LICcs.
initial et les contrôles éventuels durant la période d'observation
Un hématome du scalp de plus de 5 cm fait suspecter une
sont rassurants et nous autorisent à le laisser rentrer à son
fracture de la voûte du crâne sous-jacente qui majore le risque
domicile. Toutefois, le risque de complication tardive (rare) ne
de LIC (OR 4 à 10). La majorité des saignements intracrâ-
peut être totalement exclu. De nombreuses études ont montré
niens associés à une fracture simple (linéaire, fermée et sans
qu'une surveillance est nécessaire pendant 24 heures. Celle-ci
enfoncement) étant asymptomatiques, les enfants ayant un
peut être effectuée au domicile, au mieux par vous ou votre
céphalhématome large sans autre anomalie clinique peuvent
entourage. Vous garderez votre enfant au calme et surveillerez
rentrer au domicile après une courte observation, sans TDM.
attentivement l'apparition de l'un des signes suivants :
Des études de cohortes ont démontré l'absence d'augmenta-
comportement inhabituel ou anormal ;
tion de l'incidence des LICcs induites par la présence isolée de
■
en plus violents ;
prolongée (> 5 voire 20 minutes) ou qu'elle survient chez un
irritabilité, pleurs inhabituels ou gémissements s'il s'agit d'un
nourrisson, la PCI semble plus souvent le fait d'un malaise
■
nourrisson ;
vagal ou d'un spasme du sanglot que la traduction d'une LIC.
trouble de la vue, de la parole, de l'équilibre, de la marche ;
La signification d'une crise épileptique immédiate, à
■
convulsion.
revanche, la survenue d'une crise secondaire à distance du
■
Encadré 28.7 Indications de la TDM et d'une surveillance neurologique dans les TC de l'enfant
inférieure à 5 % entre 1 et 2 ans, de 5 à 10 % entre 3 et En pratique : quels enfants doivent avoir
11 mois, et supérieure à 10 % avant 2 mois. Ceci est vrai une TDM ? Quels enfants doivent être surveillés ?
aussi pour les TC légers dans lesquels sont rapportées des Les stratégies de prise en charge selon l'évaluation du niveau
incidences de LIC plus élevées chez les plus jeunes, qu'elles de risque sont rassemblées dans l'encadré 28.7.
soient identifiées par TDM ou par IRM. Toutefois si les
nourrissons ont davantage de lésions que les enfants de plus
de 2 ans, cette augmentation est le fait de lésions mineures Commotion cérébrale : et après ?
voire asymptomatiques puisque les incidences des LICcs ■ La commotion cérébrale (CC) associe de façon variable
dans les TCL (GCS 14–15) restent similaires dans les deux des troubles physiques, comportementaux, cognitifs
tranches d'âge. et du sommeil, accompagnés ou non d'une PCI, qui
s'installent dans les heures ou jours suivant un TCL
Se donner du temps : intérêt de la surveillance (encadré 28.8). Les CC notamment de l'enfant et de
et de l'évaluation du risque dans le temps l'adolescent sportif nécessitent une prise en charge
Toutes les études démontrent l'intérêt d'une période d'ob- immédiate après la phase aiguë. Si leur pronostic est lar-
servation de quelques heures, notamment pour les cas de gement favorable avec en règle une résolution spontanée
risque intermédiaire, avant de poser l'indication d'une TDM des symptômes en 7 à 14 jours, l'impact qu'une commo-
ou d'autoriser le retour à domicile. Cette stratégie réduirait tion sur le cerveau immature d'un enfant pourrait avoir
de 30 % le nombre de TDM prescrites. sur son développement neurologique reste à évaluer.
La surveillance se justifie par un risque d'œdème lésion- ■ Le syndrome postcommotionnel est défini par la persistance
nel secondaire, d'expansion progressive d'un hématome d'une constellation de symptômes de CC au-delà de la
intracrânien ou de survenue d'un saignement veineux période de récupération habituelle de 14 jours. Les atteintes
retardé jusqu'à la 6e heure. cognitives les plus fréquentes touchent la vitesse de traite-
Elle donne le temps de voir disparaître les symptômes ment de l'information, la mémoire, la concentration. La
d'une commotion cérébrale qui seront transitoires (cépha- majorité des études pédiatriques montrent que les symp-
lées, vomissements, pleurs/irritabilité, hypotonie, somno- tômes postcommotionnels se résolvent dans la très grande
lence, agitation, désorientation, confusion, trouble visuel majorité en quelques mois, sans répercussion scolaire à long
ou de l'équilibre, etc.). Elle donne le temps d'affirmer que terme. À 1 an, leur prévalence est similaire à celle des enfants
l'examen neurologique est et reste normal lorsqu'il existe des ayant subi des traumatismes purement orthopédiques.
facteurs cliniques de gravité potentielle. Elle permet enfin Les consignes de récupération comportent un repos cognitif
d'identifier sans retard une LIC qu'annoncerait la survenue, et physique de 24–48 heures, jusqu'à résolution des symp-
la persistance ou l'aggravation secondaire de symptômes tômes aigus, suivi d'un programme progressif de retour aux
neurologiques. Une TDM trop précoce (avant H6) réalisée activités scolaires, puis sportives. Le repos cognitif au domi-
en l'absence de signe de gravité immédiate expose au risque cile comprend la suspension de la lecture, de la télévision et
de devoir être recontrôlée, sa normalité initiale ne permet- des jeux sur écrans qui exacerbent les symptômes postcom-
tant pas d'éliminer un saignement veineux retardé. motionnels. Le retour à l'école est recommandé dès que la
Chapitre 28. Urgences 753
■
Somnolence
■
Ralentissement idéomoteur, augmentation du temps de réaction Incidence
■
Trouble de la concentration On estime l'incidence annuelle des enfants mordus par
■
Trouble de la mémoire un chien et requérant des soins médicaux à 30–50 pour
■
Signes psychocomportementaux 100 000 enfants âgés de 0 à 15 ans. Elle s'élève à 8,6 % si l'on
considère l'ensemble des morsures, y compris les morsures
Irritabilité bénignes. Certaines publications américaines font état d'un
■
Labilité émotionnelle pourcentage d'enfants mordus au moins une fois dans leur
■
Anxiété – tristesse vie compris entre 25 et 40 %. Les morsures de chien repré-
sentent 0,5 à 1 % des consultations et 5 % des plaies dans les
services d'urgences chirurgicales pédiatriques.
symptomatologie au repos est minimale, voire résolue. Ce
n'est qu'en l'absence de symptômes depuis au minimum 7 à Âge et sexe
10 jours et après avoir pu réintégrer pleinement ses activités Plus de 50 % de l'ensemble des morsures de chiens s'observent
scolaires que le jeune athlète reprend progressivement des entre 0 et 18 ans, mais il existe deux pics de fréquence (entre 1
activités sportives sur 1 semaine. et 4 ans surtout, et entre 10 et 13 ans) avec une prédominance
Les CC sont des atteintes structurelles invisibles à la masculine (56–65 %), en particulier entre 1 et 4 ans.
neuro-imagerie. TDM ou IRM cérébrales ne sont donc pas
recommandées en l'absence de signes évocateurs de LIC. L'accident et ses conséquences
En pratique, il convient après un traumatisme mineur de Lieu
rassurer, accompagner l'enfant et sa famille et de s'assurer Les morsures se voient toute l'année mais avec un pic de
du retour à la normale. fréquence net de juin à septembre. II s'agit presque toujours
d'un accident domestique, à l'intérieur de la maison (15 à
20 %) ou dans les dépendances immédiates (35 à 40 %), géné-
Conclusion ralement le domicile familial ou celui d'amis. Les autres lieux
La clé pour le praticien d'une juste prescription de la TDM (parcs, squares, rue) représentent 15 à 20 % de l'ensemble des
dans la prise en charge du TC léger de l'enfant réside dans morsures. L'enfant était seul dans la pièce ou le jardin avec le
l'analyse clinique rigoureuse de la gravité potentielle du TC chien dans 25 % des cas et, dans plus de 50 % des cas, l'acci-
dont l'objectif est d'identifier les seules LIC significatives. dent est survenu en l'absence de surveillance adulte.
Circonstances
Morsures et piqûres Quatre causes d'agression de l'enfant par le chien sont
rapportées :
Bertrand Chevallier ■ agression par peur : jeux mal compris par le chien,
étreintes non voulues par le chien ;
■ agression par mise en cause de la hiérarchie familiale,
Morsures de chien lorsque la place hiérarchique dans la famille est ressentie
En France, on compte près de 10 millions de chiens. Les comme remise en cause par le chien (chien mâle ++) ;
avantages pour l'enfant de la présence d'un animal à la mai- ■ agression due à une maladie de l'animal. L'animal est agacé
son sont nombreux sur le plan psychologique, affectif, édu- par des sensations douloureuses : otite chronique, derma-
catif et même parfois thérapeutique. tose, douleur osseuse. La morsure est habituellement pré-
Le nombre exact de morsures reste inconnu car toutes cédée d'une longue phase de comportements agressifs ;
ne nécessitent pas des soins médicaux. On estime autour de ■ comportement pathologique, plutôt le fait de chiens
30 000 le nombre de morsures de chien annuellement chez errants ou de chiens atteints d'affection neurologique :
l'enfant et l'adolescent. encéphalite, tumeur.
754 Partie II. Spécialités
Siège des lésions lésions. Les examens complémentaires sont rares. Le recours au
Le siège lésionnel varie en fonction de l'âge de la victime : scanner, plus raisonné chez l'enfant afin de limiter l'irradiation,
■ chez l'enfant jeune, le visage est le plus souvent touché est à adapter à la situation clinique. Il est nécessaire et indispen-
(70–85 %) : lèvres, joue, nez, paupières, front, puis la sable en cas de suspicion de lésion osseuse craniofaciale.
nuque, le cou et le membre supérieur ;
■ chez l'enfant plus grand, les localisations sont plus Examen clinique précis
variées, incluant le membre inférieur (mollet), le membre Il s'accompagne d'un descriptif, de dessins, de photogra-
supérieur (main ++, base du pouce) et enfin le visage. phies et fait l'objet d'un certificat initial.
Les doubles localisations ne sont pas rares, correspondant ■ II précise le siège de la plaie et ses relations avec les axes
soit à deux attaques, soit plus souvent à l'impact des canines vasculonerveux, les tendons et les articulations, son
opposées au cours d'une même morsure. aspect net ou contus, l'existence possible de décollements
sous-cutanés, et estime sa profondeur.
Gravité lésionnelle ■ Il recherche des signes de gravité en fonction de leur
En France, le nombre de décès imputables à des attaques de retentissement esthétique (localisation au visage ou avul-
chien est de 0 à 2 par an. Le risque de séquelles est estimé sion), fonctionnel (atteinte nerveuse, du globe oculaire,
entre 3 et 10 %, selon qu'elles sont esthétiques ou fonction- plaie ou contusion vasculonerveuse, attrition musculaire
nelles. La majorité des morsures d'animaux domestiques sont ou décollements), d'effraction articulaire ou de la gaine
bénignes mais certaines d'entre elles (5 %) sont très graves des tendons fléchisseurs.
du fait de lésions musculotendineuses ou vasculaires ou de Les principes de prévention de la rage respectent les recom-
séquelles esthétiques au visage. Les plaies simples linéaires mandations en vigueur : vérification du statut antirabique de
ou à bords anfractueux sont la lésion la plus fréquente. Une l'animal, surveillance vétérinaire du mordeur, déclaration au
perte de substance est possible (avulsion cutanée ou muscu- commissariat, vaccinations antirabiques (institut Pasteur).
laire). La morsure est généralement superficielle, mais peut
être profonde, pénétrante ou transfixiante (joue) s'il s'agit de Mesures immédiates
gros animaux et des décollements sous-cutanés peuvent être
■ Désinfection : le plus rapidement possible, elle fait appel à
masqués en l'absence d'examen soigneux.
un ammonium quaternaire ou à une solution iodée ou de
chlorhexidine, après rinçage à grande eau de la plaie (ce
Le chien : taille, âge, lien avec l'enfant rinçage raccourcit le temps de présence des gouttelettes
Les enquêtes statistiques montrent une prédominance de de salive infectées de l'animal dans la plaie et diminue le
chiens familiers (Terrier, Cocker, Caniche, Husky, Labrador) risque infectieux).
ainsi que des bergers allemands. La part des chiens réputés ■ Réassurance et soulagement de la douleur : la douleur et
féroces : Doberman, Rottweiller, Pitbull, terrier ne représentent la souffrance psychologique doivent être évaluées et prise
qu'une minorité de l'ensemble des morsures (< 2 %) même si en charge dès l'arrivée. Les enfants mordus sont souvent
les lésions sont souvent plus spectaculaires. Les bergers alle- mutiques et en état de choc. Des antalgiques doivent être
mands et leurs croisements occupent la première place mais facilement prescrits : après évaluation de la douleur, on a
c'est aussi le type le plus représenté dans la population canine. recours aux antalgiques de palier 1 (type paracétamol –
Les chiens agresseurs sont le plus souvent jeunes, et de Perfalgan®) et 2 (type morphine – Oramorph® ou nalbu-
sexe mâle. Le chien mordeur est celui des parents (15 %), de phine – Nubain®) ou en association de palier 1 et 2.
la famille proche (20 %) ou des voisins (40 %). La respon- ■ Vérification du statut vaccinal par rapport au tétanos.
sabilité éventuelle d'un chien errant ou d'un chien dont les ■ Parage et extraction des possibles corps étrangers si pos-
propriétaires sont inconnus de l'enfant ou de la famille est sible dès le passage aux urgences.
rarement en cause. Cependant, dans près de 1 cas sur 2, l'en-
fant ne connaissait pas l'animal avant l'accident, expliquant Conséquences psychologiques
ainsi la difficulté pour l'enfant d'appréhender ses réactions. Elles ne doivent pas être négligées et nécessitent une prise
en charge spécifique. Certains enfants peuvent développer
Conduite à tenir des syndromes anxieux, des états de stress aigu post-trauma-
tiques et des troubles du sommeil. Cette symptomatologie
Interrogatoire est d'autant plus fréquente que la morsure a été violente et
Le contexte, la chronologie (délai de prise en charge), les infor- mutilante. L'avis psychologique doit être proposé dès la prise
mations concernant le mordeur, les statuts vaccinaux (tétanos en charge initiale et ne doit pas attendre l'apparition des
chez l'enfant, rage chez le mordeur) doivent être précisés. troubles. Cet entretien doit permettre de préciser l'état psy-
Toute suspicion de malveillance ou de maltraitance (histoire chologique de l'enfant mais aussi d'évaluer la situation fami-
discordante, retard de présentation aux urgences, présentation liale et de préciser les conditions ayant mené à la morsure.
par un tiers, absence ou remplissage incomplet du carnet de
santé) doit faire conduire au signalement du patient à la cellule Place de l'antibiothérapie
de maltraitance. En cas de suspicion de maltraitance, l'enfant La salive animale, et en particulier celle du chien, est le
doit être hospitalisé de principe même si les lésions somatiques siège d'une flore microbienne polymorphe comprenant des
ne justifient pas à elles seules l'entrée en secteur chirurgical. germes pyogènes (staphylocoques, streptocoques) et des
Un examen clinique précis (descriptif, dessins, photos) anaérobies ; 30 à 60 % des chiens sont porteurs asymptoma-
est réalisé avec rédaction d'un certificat initial descriptif des tiques de différentes souches de Pasteurella.
Chapitre 28. Urgences 755
La fréquence des infections après une morsure de chien Débutée le plus rapidement possible, la PPE associe soins
est estimée entre 5 et 15 %. Plus de 50 % des plaies par mor- locaux systématiques et vaccination antirabique, seule ou
sures animales vues aux urgences hospitalières sont conta- combinée à l'injection d'immunoglobulines spécifiques,
minées (présence d'un à cinq germes à l'examen direct ou selon les recommandations de l'Organisation mondiale de
en cultures). Le risque septique est plus important lors des la santé (OMS). Il n'y a pas de délai maximal pour entre-
plaies de la face ou de la main et lorsque la plaie excède 3 cm. prendre la PPE ; certaines sont mises en place jusqu'à 6 mois
Cinq facteurs ont été corrélés à un risque accru d'infec- après une morsure.
tion et justifient la mise en place d'une antibioprophylaxie
(avis d'experts) : Soins locaux
■ une plaie profonde ; Ils comportent nettoyage de la plaie à l'eau et au savon pen-
■ un décollement sous-cutané et une perte de substance ; dant 15 minutes, rinçage, application d'un antiseptique iodé
■ une plaie de la main ; ou chloré, et ne sont malheureusement pas toujours effec-
■ une plaie du visage devant être rapidement suturée en tués dans les services d'urgence, alors que leur importance
raison du risque esthétique ; est majeure pour limiter le risque infectieux.
■ une plaie évoluant depuis plus de 6 heures.
Dans ces conditions, l'antibiothérapie est débutée dès l'arri-
vée aux urgences par l'association amoxicilline et acide cla- Consultation dans un centre antirabique
vulanique, en absence d'allergie, à la dose de 50 mg/kg/j en en France
3 prises orales. La durée est fonction de l'évolution clinique La France métropolitaine compte 63 centres antirabiques et
avec une durée moyenne de 5 jours. En cas d'allergie aux 14 antennes.
pénicillines, une association clindamycine et Cotrimoxazole® Le risque de rage est apprécié par :
(triméthoprime + sulfaméthoxazole) est recommandée. ■ la zone de prévalence de la rage :
– la France est déclarée indemne de rage terrestre,
Suture ou pas suture ? – il existe encore un risque lié à l'importation illégale
II semble raisonnable de la proscrire quand la morsure est d'animaux en cours d'incubation,
ancienne (> 48 heures) et surinfectée (la suture peut être – la rage est fortement endémique dans les pays intertro-
envisagée à 3 jours si la plaie est propre). En revanche, quand picaux : Amérique centrale et du Sud, Afrique, Moyen-
la morsure est vue très précocement et n'est apparemment Orient, sous-continent indien, Asie du Sud-Est ;
pas souillée, il est possible de la suturer mais sans rapprocher ■ l'attitude de l'animal : tout comportement anormal de
de façon trop étroite les berges de la plaie, ou simplement de l'animal doit être considéré comme suspect.
la panser à plat avec des pansements gras et des antiseptiques. Après morsure, l'animal doit être mis sous contrôle vété-
L'utilisation de Steri-Strip™ peut alors être intéressante. rinaire pendant 14 jours (3 certificats vétérinaires à J0, J7,
Les plaies du visage doivent bénéficier d'un environne- J14) :
ment chirurgical rapide. Le parage au niveau de la face doit ■ si l'animal est vivant après 14 jours, la salive n'était pas
être efficace mais conservateur. Les excellentes capacités de infectante ;
cicatrisation de l'enfant et la région anatomique (hypervas- ■ si l'animal meurt spontanément ou est tué, sa tête ou son
cularisation de la région faciale) sont en faveur des gestes cadavre doit être envoyé d'urgence, dans de la glace, aux
d'exérèse minimalistes. En revanche, une suture précoce est services vétérinaires qui organisent l'envoi vers le labora-
souhaitable pour limiter les séquelles esthétiques. Elle doit toire de référence pour mise en évidence du virus.
être précédée d'un parage chirurgical. Deux protocoles sont autorisés en France ; ils com-
L'adage « Toute plaie de la main doit être explorée au bloc prennent 4 injections (protocole de Zagreb : 2 à J0, J7 et
opératoire » à la recherche d'une plaie tendineuse, vasculaire J14) ou 5 injections vaccinales (protocole d'Essen : J0, J3,
ou nerveuse reste valable pour les morsures ++++. Ces J7, J14 et J28). Des immunoglobulines sont administrées
lésions sont de surcroît à haut risque septique. Les plaies de en cas de morsure de grade 3 (excoriation et saignement
main chez l'enfant nécessitent d'être hospitalisées pour sur- immédiat) ou 2 (excoriation minime) chez les personnes
veillance pendant 48 heures. immunodéprimées.
Les plaies de petite taille ne sont pas suturées. Des sutures Après une morsure, dans la mesure du possible, il faut
lâches en points séparés sont proposées pour le reste des plaies. identifier l'animal en cause. Sa mise en observation auprès
d'un vétérinaire ou l'examen de son cadavre permettent
Prophylaxie antirabique post-exposition (PPE) éventuellement l'arrêt de la PPE.
Après une morsure en zone d'endémie, il faut consulter
dans un centre antirabique à son retour en France, car cer-
tains pays utilisent des vaccins qui ne sont pas validés par
« Chez l'homme, le virus de la rage provoque une encéphalite incu- l'OMS.
rable et mortelle une fois les premiers symptômes déclarés. Il est Il n'existe aucune contre-indication à la vaccination
transmis par un mammifère infecté en phase d'excrétion salivaire antirabique.
par morsure, griffure ou léchage d'une plaie ou d'une muqueuse ».
« Le virus rabique ne franchit pas la peau saine ».
Prévention
Poujol P. La rage, une maladie toujours d'actualité. Compte rendu de la
journée de l'Anses, Paris, 9 octobre 2014.
Les messages de prévention s'adressent aux familles et aux
propriétaires de chien.
756 Partie II. Spécialités
écuelle, etc.)
ricinus (tiques adultes et nymphes) présentes dans les
milieux humides et boisés, mais aussi dans les prairies et
même parfois les parcs en zones urbanisées.
Ces tiques prédominent d'avril à octobre et peuvent aussi
transmettre d'autres maladies beaucoup plus rares comme
Messages pour les propriétaires de chiens
l'encéphalite à tique.
Le recours à des éleveurs professionnels pour l'acquisition d'un
chiot doit être systématique tant le rôle des premières semaines
de vie (socialisation) est essentiel pour son comportement Physiopathologie – Cycle de la tique
ultérieur. La tique dure est un acarien ectoparasite strictement héma-
II n'y a pas de race de chien naturellement dangereuse mais
seulement des conditions d'élevage ou de détention qui rendent
tophage, qui requiert la prise d'un unique repas sanguin
un animal agressif. sur des hôtes vertébrés très variés. L'homme est un hôte
Le comportement du maître fait celui du chien. Les chiens ins- accidentel. La tique se développe en trois stades : la larve,
crits au Livre généalogique géré par la Société centrale canine en la nymphe et l'adulte mâle ou femelle. La plupart des tiques
France sont soumis à une sélection contrôlée et ne sont presque attendent leur hôte à l'affût sur la végétation. La tique se
jamais génétiquement dangereux. nourrissant exclusivement de sang, la recherche de l'hôte
En revanche, les bâtards (comme les Pitbulls) risquent d'être est donc vitale.
dangereux car le mélange des races peut détruire les méca- La transmission de Borrelia à l'homme ne survient effec-
nismes génétiques d'inhibition de l'agressivité envers l'homme. tivement pas au tout début du repas sanguin. Le risque
Les propriétaires de chiens potentiellement dangereux doivent théorique de transmission est faible durant les premières
connaître les mesures réglementaires : obligation de tenue en
laisse sur la voie publique (article 99-6 du règlement sanitaire
24 heures et augmente avec la durée d'attachement de la
départemental), obligation de soumettre un animal mordeur au tique. Le taux d'infestation des vecteurs par Borrelia (10 à
vétérinaire aux frais du propriétaire (art. 232-2 du Code rural), 20 %) et donc le risque de transmission (5 à 10 %) d'une
assimilation d'un chien à une arme de destination (art. R.132-75 tique infectée augmentent au fur et à mesure des stades de
du Code pénal, 22 juillet 1996). développement des tiques. Les nymphes sont le plus souvent
responsables de la transmission de la borréliose de Lyme car
leur découverte sur la peau de l'enfant est plus tardive, en
raison de leur petite taille.
Conclusion En France, l'incidence de la borréliose de Lyme a de
Les morsures de chien ne représentent qu'une minorité fortes variations régionales avec un gradient décroissant est-
parmi les accidents domestiques de l'enfant. Les complica- ouest et nord-sud. Durant l'année, le pic de fréquence de la
tions infectieuses, fonctionnelles et esthétiques font cepen- maladie (correspondant principalement à la survenue des
dant de cet accident un évènement à part, justifiant la mise manifestations précoces de la maladie dont le délai d'incu-
en place de stratégies simples de prévention, concernant bation est court) correspond à la période d'activité maxi-
l'enfant et son entourage, et les propriétaires de chien. La male des tiques, c'est-à-dire du début du printemps à la fin
qualité de la prise en charge immédiate (lavage, antibiothé- de l'automne.
rapie, suture chirurgicale après parage si besoin) permet
d'éviter des séquelles pouvant grever lourdement l'avenir
esthétique et fonctionnel de l'enfant. La présence d'un
Situations cliniques
chien dans une famille doit être préparée, accompagnée Découverte d'une tique attachée
d'autant que de jeunes enfants sont présents. Les chiens sur la peau de l'enfant
mordeurs sont dans la grande majorité des cas des chiens Cette découverte est le plus souvent le fait d'un examen
de la famille ou de voisins proches. Les recommandations systématique de la peau de l'enfant car la piqûre est
Chapitre 28. Urgences 757
i ndolore. La découverte d'une tique doit en faire recher- ■ En l'absence de réponse clinique après 1 mois, il est recom-
cher d'autres et rendre encore plus attentif l'examen mandé de s'assurer de la bonne observance du traitement
physique de l'enfant. par le patient et de discuter un diagnostic différentiel.
La ou les tiques doi(ven)t être retirée(s) rapidement selon ■ Il est recommandé de surveiller et revoir les patients
un schéma standardisé : traités pour un EM simple en cas d'évolution atypique,
■ proscrire l'application préalable d'éther, de pétrole ou de symptômes persistants ou d'apparition de nouveaux
d'un autre produit chimique, qui provoquerait la régurgi- symptômes.
tation de la tique et la libération de Borrelia ; ■ L'échec thérapeutique nécessite un examen spécialisé,
■ utiliser une pince fine (pince plate ou pince à épiler non notamment par un dermatologue.
coupante) ou un tire-tique, agripper la tique le plus près
possible de la peau et tirer doucement mais fermement Tests biologiques
dans l'axe ou après un mouvement de rotation antiho- Les tests de dépistage, qui visent à détecter la présence d'an-
raire si l'on utilise un tire-tique. Si l'ablation de la tique ticorps anti-B. burgdorferi, sont à l'heure actuelle principale-
est incomplète (une partie du rostre reste attachée), ment réalisés par méthode immunoenzymatique.
ne pas multiplier les tentatives, cette partie restante ne Les tests de confirmation sont réalisés par immunoem-
contient que peu ou pas de parasites ; preinte sur le même sérum (ou LCR), l'objectif étant de
■ appliquer un antiseptique sur la zone après le retrait de la confirmer la spécificité des anticorps détectés par les tests
tique. de dépistage.
Une surveillance locale attentive est expliquée à la famille : Les recommandations (HAS 2018) insistent au contraire
cette observation attentive de la zone piquée se déroule du de façon unanime sur l'utilisation d'une stratégie en deux
3e au 30e jour, afin de détecter l'apparition d'un érythème étapes : dépistage (par ELISA) suivi, en cas de résultat posi-
migrant (EM). Dans les 48 heures après une piqûre de tique, tif ou douteux uniquement, par une étape de confirmation
une réaction inflammatoire simple peut être repérée (réac- (par immunoempreinte) réalisée sur le même sérum (et/ou
tion à la salive de la tique ou infection à pyogènes). Cette le LCR).
réaction doit être différenciée d'un érythème migrant.
Aucun examen complémentaire n'est utile. Interprétation et limites
Un traitement prophylactique par antibiotiques d'emblée
n'est pas indiqué. À la phase initiale de la maladie (c'est-à-dire au stade d'EM),
les anticorps spécifiques anti-Borrelia ne sont détectables
que chez 20 à 60 % des patients (en fonction des séries) : la
sérologie n'est donc pas recommandée à ce stade.
Identification d'un érythème migrant
Un EM peut être diagnostiqué lors du suivi d'un enfant Indications
piqué par une tique ou bien être de découverte fortuite : En cas de piqûre de tique isolée, le retrait correct et précoce
dans ces cas, la seule exposition possible à des tiques suffit de la tique associé à une désinfection cutanée locale et à la
au diagnostic. surveillance clinique simple de la zone piquée pendant un
L'EM a des caractéristiques propres qu'il convient de mois à la recherche du développement ultérieur d'un éven-
décrire à la famille dès le retrait de la tique : tuel EM sont suffisants. Aucun test biologique n'est justifié
■ la lésion débute sur le site de la piqûre et apparaît 3 à à ce stade.
30 jours (moyenne 7–14 jours ; extrêmes 1–180 jours) L'EM représente (en Europe) une manifestation
après la piqûre d'une tique infectante ; pathognomonique de la borréliose de Lyme. Si la lésion
■ il s'agit d'une lésion érythémateuse non indurée ni pru- cutanée est typique et si les données anamnestiques
rigineuse, habituellement d'au moins 5 cm de diamètre sont concordantes, le diagnostic doit rester stricte-
avec une extension centrifuge ; ment clinique et se passer de tout examen biologique
■ si la lésion est minime ou moins caractéristique, son complémentaire.
extension en quelques jours confirme le diagnostic ; En revanche, lorsque les données anamnestiques sont
■ l'EM peut s'accompagner d'arthromyalgies fugaces et compatibles, mais que les manifestations cutanées sont
migratrices et de signes généraux modérés et peu spéci- atypiques, la réalisation d'une biopsie cutanée – après avis
fiques (fébricule et asthénie). dermatologique spécialisé – peut se discuter. Si un résultat
Aucun examen complémentaire (sérologie) n'est recom- positif obtenu par culture ou par PCR permet de lever le
mandé. doute diagnostique, un résultat négatif ne permet pas d'ex-
Une antibiothérapie est indispensable et doit être débu- clure une borréliose de Lyme car, dans cette indication, la
tée rapidement (recommandation HAS 2018). Le traitement culture et la PCR ont une sensibilité équivalente, mais faible,
recommandé est la doxycycline (4 mg/kg/j sans dépasser de l'ordre de 50 %.
100 mg/prise) pendant 14 jours ou l'amoxicilline pendant
14 jours et, en cas de contre-indication à l'amoxicilline ou
aux cyclines, l'azythromycine (20 mg/kg en une prise pendant Prévention
7 jours). Certaines mesures de prévention (HAS 2018, cf. annexe)
■ La réponse au traitement est en général excellente, permettent de se protéger contre les piqûres de tiques lors
avec une disparition rapide et complète de l'EM entre d'une promenade en forêt, d'un séjour en zone boisée ou
1 semaine et 1 mois après le début de l'antibiothérapie. végétalisée (jardinage) ou d'une randonnée.
758 Partie II. Spécialités
■ des manifestations collectives : intoxication au CO, L'administration de charbon activé, inutile chez l'enfant âgé
au chlore, alimentaire bactérienne, alcool, suicide de moins de 6 ans, présente un intérêt chez l'adolescent si la
altruiste ; prise remonte à moins de 2 heures. Elle peut réduire l'effi-
■ un trouble du rythme inexpliqué : cardiotropes, médi- cacité de la prise orale de l'antidote, la N-acétylcystéine. La
caments à effet stabilisant de membrane (ESM), tisane prise en charge repose sur le dosage de paracétamol sérique.
« artisanale » (décoction de plantes : laurier-rose, aconit,
vérâtre blanc notamment, achat sur internet, pharmaco- Anti-inflammatoires non stéroïdiens
pée chinoise) ; Ibuprofène
■ une acidose métabolique à trou anionique élevé ; L'ingestion d'une dose inférieure à 200 mg/kg entraîne peu
■ un coma : non fébrile sans signes de focalisation (canna- de symptômes (troubles digestifs mineurs, troubles neuro-
bis notamment chez le nourrisson) ; sensoriels : céphalées, somnolence, obnubilation, diplopie,
■ un décès inattendu chez un nourrisson. L'HAS, dans acouphènes, hypoacousie, vertiges). L'ingestion de dose
ses recommandations sur la prise en charge des cas de supérieure à 400 mg/kg, soit un flacon entier d'Advil® sirop
mort inattendue du nourrisson, préconise une recherche pédiatrique (20 mg/mL, flacon de 200 mL) ou un flacon entier
de toxiques (screening) dans divers milieux (sang, urines, de Nurofen® sirop enfant (20 mg/mL, flacon de 150 mL), par
liquide gastrique, bile, cheveux avec racines, chambre un enfant de poids inférieur ou égal à 10 kg est susceptible
antérieure de l'œil). d'entraîner une intoxication grave avec coma, convulsions,
collapsus cardiovasculaire, acidose métabolique. L'ingestion
Principales intoxications accidentelles d'une dose supérieure ou égale à 100 mg/kg (adulte 3 g) justi-
fie une surveillance jusqu'à H4 post-ingestion. Passé ce délai,
Intoxications médicamenteuses si l'enfant est asymptomatique, un retour à domicile est auto-
Paracétamol risé. En cas d'ingestion d'une forme à libération prolongée, la
Les expositions sont courantes, les intoxications sont rares surveillance post-ingestion est d'au moins 12 heures.
en proportion.
Risque toxique ■
En cas d'exposition à une dose inférieure à 100 mg/kg, l'en-
Le risque toxique hépatique est plus élevé chez le grand fant bénéficie d'un traitement symptomatique et préventif
enfant et l'adolescent (saturation de la glycuronoconju- des troubles digestifs par un pansement digestif protecteur.
gaison) que chez le nourrisson (sulfoconjugaison plus ■
Tout enfant symptomatique indépendamment de la dose
développée). ingérée nécessite une surveillance en milieu hospitalier avec
Il n'y a pas de risque toxique si : contrôle du temps de prothrombine, du bilan électrolytique
■ la dose ingérée est < 250 mg/kg chez l'enfant âgé de et du pH sanguin.
moins de 6 ans avec mono-intoxication par une forme
liquide, et en l'absence de prises répétées antérieures et
d'antécédents hépatiques et/ou métaboliques ; Acide méfénamique
■ la dose ingérée est < 150 mg/kg chez l'enfant âgé de plus L'ingestion d'une dose supérieure à 25 mg/kg (soit 1 gélule
de 6 ans et l'adolescent avec mono-intoxication, et en de Ponstyl® 250 mg ingérée par un enfant de 10 kg) nécessite
l'absence de prises répétées antérieures et d'antécédents une surveillance de 12 heures.
hépatiques et/ou métaboliques
Autres molécules
On considère que la dose toxique théorique est égale à 5 fois
En corollaire, l'ingestion d'un flacon de Doliprane® (paracétamol la dose thérapeutique de l'adulte rapportée à son poids.
2,4 g/flacon de 100 mL) chez un enfant dont le poids est > 10 kg
n'est pas une dose toxique (en l'absence de prises répétées anté- Benzodiazépines et apparentés
rieures et d'antécédents hépatiques et/ou métaboliques). (zolpidem, zopiclone)
Le mode de révélation habituel est une ataxie aiguë chez
un enfant non fébrile et sans antécédents. La dose toxique
Manifestations cliniques dépend du profil pharmacologique des molécules et est très
Les premiers symptômes apparaissent avant la 14e heure variable en fonction de chaque benzodiazépine.
suivant l'ingestion : vomissements et/ou douleurs abdomi- Les symptômes sont dominés par les manifestations neu-
nales. Pendant cette phase, les bilans biologiques hépatiques rologiques (somnolence, coma, hypotonie, agitation para-
et d'hémostase sont normaux. Des cas d'insuffisance rénale doxale parfois) et à forte dose, par des effets respiratoires
aiguë ont été décrits lors d'intoxications volontaires. (dépression) et cardiovasculaires (hypotension).
En l'absence de dépression respiratoire, un enfant symptoma-
Conduite à tenir pratique tique doit être surveillé en milieu hospitalier, pendant la durée
Le risque toxique est évalué en déterminant la dose et heure de la demi-vie d'élimination de la molécule si elle est connue et
supposée de la prise. Si la dose toxique est atteinte, l'enfant jusqu'à disparition des symptômes dans les autres cas. En cas
doit être adressé à un centre hospitalier en lien avec le centre de dépression respiratoire, l'antidote spécifique (flumazénil –
antipoison régional. Le lavage gastrique est inefficace pour Anexate®) est utilisé. Son usage est contre-indiqué si le patient
les formes liquides car l'absorption digestive est très rapide. a ingéré d'autres médicaments toxiques proconvulsivants.
760 Partie II. Spécialités
(lésions étendues et profondes par temps de contact pro- environ 15 à 20 mL – 1 cuillerée à soupe − pour un enfant
longé) et de la durée de contact. de 10 à 12 kg, c'est-à-dire âgé de 1 à 2 ans). Les cas graves
sont rares, le caractère très irritant du produit en limite la
Acides forts (pH < 2) quantité ingérée.
L'ingestion d'un acide fort entraîne des lésions maximales
d'emblée, la réalisation d'une endoscopie digestive peut se
faire rapidement si l'état de l'enfant remplit les conditions Produits phytosanitaires
anesthésiques. Anti-fourmis
Conditionnés sous forme de poudre ou de piège à glu, ils
Bases fortes (pH > 12) peuvent contenir du diméthylarséniate (cacodylate) de sodium,
Les lésions digestives s'installent sur plusieurs heures, l'en- sans danger, des pyréthrinoïdes, des organophosphorés en
doscopie digestive doit être réalisée dans les 12 à 24 heures faible concentration. Les intoxications sont le plus souvent
après l'ingestion. La prise en charge dépend du stade endo bénignes, en raison de la faible quantité le plus souvent ingérée.
scopique des lésions.
Antimites
Autres produits ménagers Ils ne contiennent actuellement plus de paradichloroben-
Combustibles zène ou de naphtalène, mais des pyréthrinoïdes peu concen-
Essence, de mazout ou de pétrole lampant, ces produits trés. Le contact buccal, la projection oculaire ou l'ingestion
exposent aux risques de troubles digestifs par irritation d'une petite quantité sont généralement bénins. Il convient
immédiate, de pneumopathie d'inhalation qui peut s'ag- de se méfier de la persistance à la maison de préparations
graver rapidement, d'une atteinte neurologique allant de anciennes ou de produits étrangers pouvant contenir encore
l'ébriété à l'obnubilation et au coma. du paradichlorobenzène.
Insecticides ménagers
L'enfant doit être évalué en milieu hospitalier.
Ils contiennent des pyréthrinoïdes à des concentrations de
l'ordre de 0,5 % dans la plupart des insecticides en aéro-
sols, plaquettes, spirales à combustion lente. Les concen-
Tabac trations de perméthrine sont comprises entre 0,15 et 1,2 %
Risque toxique La dose toxique de nicotine est de l'ordre dans les formulations antipoux, et de l'ordre de 10 % dans
de 1 mg/kg les produits vétérinaires. Les manifestations cliniques les
Manifestations cliniques L'ingestion provoque un syn- plus fréquentes sont l'érythème de contact prurigineux, les
drome nicotinique avec troubles digestifs (vomissements), paresthésies au niveau des zones exposées, la conjonctivite,
pâleur, tachycardie et céphalées. Dans les intoxications plus les troubles digestifs faibles, la gêne respiratoire.
sévères, peuvent survenir des convulsions, un coma, une L'ingestion d'une grande quantité ou de formulations vétéri-
paralysie respiratoire, des troubles du rythme cardiaque, naires peut entraîner des troubles digestifs, des tremblements,
une hypertension, un collapsus pouvant conduire au décès. des convulsions, un coma. Le traitement est symptomatique.
Conduite à tenir L'ingestion d'une cigarette entière ou plus
Anti-limaces
nécessite une surveillance hospitalière d'emblée. En cas de
À base le plus souvent de métaldéhyde dosé à 5 %, l'ingestion
contact cutané (patch), une décontamination prolongée de quelques granules est bénigne. Dans les formes sévères,
est indiquée. En cas d'ingestion d'une gomme à mâcher, le les signes cliniques associent des vomissements « crayeux »,
risque est faible car la libération de la nicotine est lente, et une hypersialorrhée, une hyperthermie, un coma, des
justifie d'une surveillance à domicile. convulsions. Le traitement est symptomatique.
Préambule
Ce qu'il ne faut pas faire
Il est recommandé que les médecins, notamment les médecins
■
Utiliser une crème hydratante sans antiseptique, par exemple généralistes, donnent une information à leurs patients sur la
Biafine®, pour le traitement initial d'une brûlure profonde. borréliose de Lyme et les autres MVT, les mesures de prévention
■
Prescrire une antibiothérapie. et l'attitude à adopter en cas de découverte d'une tique fixée sur
■
Laisser évoluer trop longtemps une brûlure de 2e degré pro- le corps.
fond qui nécessitera une greffe. ■
La prévention primaire de la borréliose de Lyme et des autres
MVT consiste à éviter les piqûres de tique.
■
La prévention secondaire de ces maladies consiste à éviter la
borréliose de Lyme et les autres MVT après une piqûre.
Recommandations
Mesures de prévention des piqûres de tique
Circulaire n° 919 du 23 décembre 1987 relative à la prise en charge par
les établissements publics des problèmes posés par le syndrome de la
à recommander lors d'une promenade en forêt,
mort subite du nourrisson (circulaire DGS/DH/225/2B du 14 mars d'un séjour en zone boisée ou végétalisée
1986). (jardinage) ou d'une randonnée
Guarino A, Ashkenazi S, Gendrel D, Lo Vecchio A, Shamir R, Sza- Mesures simples
jewska H. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepato-
logy, and Nutrition/European Society for Pediatric Infectious Diseases ■ Il est recommandé de :
evidence-based guidelines for the management of acute gastroenteritis – porter des vêtements longs et clairs afin de mieux
in children in Europe : update 2014. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2014 ; repérer les tiques ;
59 : 132–52. – glisser les bas de pantalon dans les chaussettes, voire
HAS. Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques. Juin 2018. utiliser des guêtres ;
HAS. Prise en charge en cas de mort inattendue du nourrisson (moins de – porter des vêtements couvrants (protection de la tête
2 ans). Recommandations professionnelles, février 2007. et du cou, en particulier chez les enfants) et des chaus-
HAS. Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l'enfant : alterna-
sures fermées ;
tives à la codéine. Fiche mémo, janvier 2016.
HSCP. Conduite immédiate à tenir en cas de suspicion clinique de purpura
– se munir d'un tire-tique.
fulminans. Prophylaxie des infections invasives à méningocoque. BEH
2001 ; 51 : 229–36. Utilisation de répulsifs cutanés
Kochanek PM, Carney N, Adelson PD, et al. Guidelines for the acute medical Les produits utilisables sont le DEET, l'IR 3535, la picaridine
management of severe traumatic brain injury in infants, children, and et le citriodiol (se référer aux recommandations officielles des
adolescents – Second edition. Pediatr Crit Care Med 2012 ; 13 (Suppl) : agences nationales ANSM et ANSES et à leurs mises à jour).
S1–29.
Maconochie I, Buigham R, Eich C, et al. European Resuscitation Council
Guidelines for Resuscitation 2015 : section 6. Paediatric life support
Imprégnation vestimentaire par des répulsifs dédiés
Rescuscitation 2015 ; 95 : 223–48. Cela constitue un complément à l'utilisation de répulsifs
Mas E, Bellaiche B. GFHGNP. Diarrhée aiguë du nourrisson et de l'enfant : cutanés.
recommandations d'experts. Janvier 2017. La perméthrine est notamment utilisée. Le produit peut
McCrory P, Meeuwisse WH, Aubry M, et al. Consensus statement on être appliqué en pulvérisations sur la face externe des vête-
concussion in sport : The 4th International Conference on concussion ments ; il garde alors son effet pendant 6 semaines.
in sport held in Zurich, November 2012. Br J Sports Med 2013 ; 47 :
Les répulsifs sont des produits potentiellement toxiques
250–8.
Moon RY. Task force on sudden infant death syndrome. SIDS and other
qu'il convient d'utiliser avec précaution. Il est recommandé
sleep-related infant deaths : evidence base for 2016 updated recommen- de se conformer aux précautions d'usage indiquées sur la
dations for a safe infant sleeping environment. Pediatrics 2016 ; 138(5). notice du produit.
Muraro A, Roberts G, Worm M, Bilo MB, Brockow K, Fernandez Riva M, Voi r au ss i : http : / / s ol i d ar ite s - s ante. gouv. f r /
et al. Anaphylaxis : guidelines from the European Academy of Allergy sante-et-e nvironnement/risques-microbiologiques-
and Clinical Immunology. Allergy 2014 ; 69 : 1026–45. physiques-et-chimiques/especesnuisibles-et-parasites/
OMS. Rage. Septembre 2018. repulsifs-moustiques
SFMU. Traumatisme crânien léger (score de Glasgow de 13 à 15) : triage,
évaluation, examens complémentaires et prise en charge précoce Nous remercions la Haute autorité de santé de nous avoir autorisés à
1
chez le nouveau-né, l'enfant et l'adulte. Ann Fr Med Urgence 2012 ; reproduire cette fiche. Elle est également consultable sur le site
2 : 199–214. www.has-sante.fr rubrique Toutes nos publications.
Chapitre 28. Urgences 769
Il existe également des conseils pour l'aménagement des – signes généraux : douleurs, fièvre, fatigue inexpliquée ;
jardins et un éventuel traitement des animaux de compagnie – signes focaux : atteinte dermatologique (érythème
afin de limiter la prolifération des tiques (pour en savoir migrant ailleurs qu'au site de piqûre), articulaire, neu-
plus : http://www.jouy.inra.fr/Toutes-les-actualites/ rologique, etc.
Amenager-son-jardin). De même, il est important de rechercher une exposition
aux tiques en présence de ces symptômes.
Mesures de prévention des piqûres de tique à Il est recommandé de noter dans le dossier médical du
recommander lors d'une promenade en forêt, patient (et dans le carnet de santé des enfants) la notion
d'un séjour en zone boisée ou végétalisée de piqûre de tique (date, localisation anatomique), de
(jardinage) ou d'une randonnée prendre des photos (et de demander au patient de le faire
pour documenter l'évolution), de noter la localisation
Il faut inspecter tout le corps en examinant tout particulière- géographique.
ment les localisations habituelles, c'est-à-dire les sites où la peau On peut recommander au patient de signaler la piqûre
est la plus fine, tels que les aisselles, les plis du genou, les zones via l'application Signalement Tique !
génitales, le nombril, les conduits auditifs et le cuir chevelu. Il est recommandé d'informer le patient de ne pas utiliser
Il est préférable que l'examen soit réalisé le plus rapide- les autotests sur la maladie de Lyme disponibles en vente
ment possible. libre.
Cet examen doit être attentif car le stade du vecteur le plus
souvent en cause est la nymphe qui ne mesure que 1 à 3 mm. Conduite à tenir en cas de piqûre
Il est recommandé de refaire cet examen le lendemain car
la tique, gorgée de sang, sera mieux visible. L'abstention thérapeutique avec une surveillance rappro-
chée est recommandée à la condition expresse de l'absence
d'érythème migrant ou d'autres symptômes liés à des MVT.
Mesures à recommander après piqûre d'une
■ Aucun risque infectieux supplémentaire n'a été démontré
tique chez la femme enceinte.
Retrait de la tique ■ Aucun risque infectieux supplémentaire n'a été démontré
Le retrait d'une tique doit être réalisé le plus rapidement chez l'enfant de moins de 8 ans.
possible. ■ Chez le patient immunodéprimé, il existe un risque accru
Il est recommandé de retirer la tique mécaniquement d'autres MVT.
avec un tire-tique, par rotation-traction de façon perpendi- Il n'y a pas de recommandation spécifique dans ces trois
culaire à la peau, en évitant d'arracher la tête de la tique. cas particuliers, mais un avis spécialisé peut être demandé
Ce tire-tique, commercialisé en particulier en pharmacie, auprès d'un infectiologue, d'un gynécologue-obstétricien ou
existe en petite taille pour les nymphes et en grande taille d'un pédiatre.
pour les adultes.
Il faut désinfecter le site de piqûre après le retrait (et non
pas avant car il existe un risque théorique de régurgitation En savoir plus
de la tique). ■
European Centre for Disease Prevention and Control. B
orrélioses :
https://ecdc.europa.eu/en/borreliosis
Surveillance ■
Institut national de la recherche agronomique : www.inra.fr ;
Il est recommandé d'informer le patient et son entourage http://ephytia.inra.fr ; www.jouy.inra.fr
des signes à surveiller.
■
Santé publique France : www.santepubliquefrance.fr
Application Signalement Tique ! : http://ephytia.inra.fr/
■ En plus d'une évolution du point de piqûre (érythème
■
fr/P/159/Signalement_TIQUE
migrant dans la borréliose de Lyme, tache noire dans ■
Rapport de l'Académie nationale de pharmacie de
d'autres MVT, etc.), les signes cliniques à surveiller dans les décembre 2017 sur les autotests : www.acadpharm.org/avis_
semaines qui suivent une piqûre de tique sont notamment : propositions/rapports.php
Chapitre
29
Maladies rares
Coordonné par Brigitte Chabrol
PLAN DU CHAPITRE
Plans nationaux maladies rares . . . . . . . . . . . . 770 Biothérapies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 774
Éducation thérapeutique du patient . . . . . . . . 772
Plans nationaux maladies rares développer des médicaments pour le traitement des mala-
dies rares, dits médicaments orphelins, en leur accordant
Céline Cudejko un certain nombre d'avantages. Ces structures préexistantes
ont donc servi de base au développement du Plan national
maladies rares (PNMR).
Historique des politiques publiques En 2003, dans le cadre de la loi relative à la politique de
dans le domaine des maladies rares santé publique, le déploiement d'un plan stratégique pour
La France, premier pays d'Europe à avoir élaboré et mis en améliorer la prise en charge des personnes atteintes de mala-
place des programmes nationaux spécifiques, se distingue dies rares est annoncé. Suite au vote de cette loi, le premier
par son rôle précurseur dans le domaine des maladies rares. PNMR est élaboré et mis en œuvre sur la période 2005–2008.
À la fin des années quatre-vingt-dix, porté par l'élan du Celui-ci se décline en 10 axes clés : mieux connaître l'épi-
mouvement associatif, en particulier l'association française démiologie des maladies rares, reconnaître leur spécificité,
contre les myopathies, les maladies rares deviennent une développer l'information générale concernant ces maladies,
préoccupation de santé majeure. La France voit ainsi émer- développer la formation des professionnels de santé, organi-
ger progressivement une politique spécifique sur les mala- ser le dépistage et l'accès aux tests diagnostiques, améliorer
dies rares, avec la mise en place de plusieurs structures : l'accès aux soins et la qualité de la prise en charge, poursuivre
■ la création de la « Mission des médicaments orphelins » l'effort en faveur des médicaments orphelins, répondre aux
du ministère de l'Emploi et de la Solidarité (1995) ; besoins spécifiques d'accompagnement, promouvoir la
■ le financement du serveur d'information Orphanet (1997) recherche et l'innovation, développer des partenariats natio-
et d'une ligne d'assistance téléphonique (allo-gènes créée naux et européens.
en 1995, devenue Maladies rares info services) ; La mesure phare de ce plan réside dans la labellisation de
■ le financement de la recherche clinique et des essais centres de référence maladies rares (CRMR) et de centres
thérapeutiques sur les maladies rares dans le cadre du de compétence (CCMR), répartis sur l'ensemble du terri-
Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) toire français, qui structurent une offre de soins de très haut
(2001) ; niveau. L'évaluation du PNMR 1 est conduite par le Haut
■ la mise à disposition de la liste des essais cliniques par conseil de la santé publique (HCSP) qui établit un bilan des
l'agence française de sécurité sanitaire des produits de actions engagées et propose des axes et des actions pour
santé (Afssaps) (2002) ; l'élaboration du 2e PNMR.
■ la création d'un groupement d'intérêt scientifique Le PNMR 2 (2011–2014), prolongé jusqu'à fin 2016,
dénommé « Institut des maladies rares » (GIS-Institut des renforce les mesures du PNMR 1 en s'articulant autour de
maladies rares) (2002) ; 3 axes stratégiques : renforcer la qualité de la prise en charge
■ la Plateforme maladies rares (2001), née du regroupe- des patients, développer la recherche sur les maladies rares,
ment géographique d'Orphanet, de l'Alliance maladies amplifier la coopération européenne et internationale dans
rares, d'EURORDIS, de Maladies rares info services, puis un but de mutualisation.
peu après, du GIS-Institut des maladies rares. Entre autres actions, on peut citer la création de la Fon-
Ces années d'efforts ont contribué à l'adoption, en dation maladies rares (début 2012) et le déploiement de la
décembre 1999, du règlement européen sur les médica- Banque nationale de données maladies rares (BNDMR)
ments orphelins, par le parlement européen et le Conseil qui vise à rassembler, de façon sécurisée, les données médi-
des ministres. Largement inspiré par la législation améri- cales anonymisées de tout patient atteint de maladie rare au
caine, ce règlement incite les industries pharmaceutiques à niveau national. La grande nouveauté de ce PNMR 2 est sans
doute la naissance, en 2015, de 23 filières de santé maladies la pathologie prise en charge et du faible nombre d'équipes
rares (FSMR) ayant pour but d'animer et de coordonner les spécialisées dans le domaine, il exerce une attraction inter-
activités de tous les acteurs impliqués dans la prise en charge régionale, nationale ou internationale au-delà du bassin de
des malades et la recherche. L'évaluation du PNMR 2 est santé de son site d'implantation. Un centre de référence a
confiée au Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de plusieurs rôles :
l'enseignement supérieur et au HCSP. ■ il permet au malade et ses proches de trouver une prise
Le PNMR 3 est officiellement lancé le 4 juillet 2018 par en charge globale en améliorant l'accès au diagnostic et
les ministères chargés de la Santé et de la Recherche. Glo- son annonce :
balement, ce plan autour de 11 axes vise cinq grandes ambi- – en définissant, organisant et réévaluant régulièrement
tions : permettre un diagnostic rapide pour chacun, innover la stratégie de prise en charge et le suivi interdiscipli-
pour traiter, améliorer la qualité de vie et l'autonomie des naire dans le cadre d'une filière de soins identifiée et
personnes malades, communiquer et former sur les mala- cohérente,
dies rares, moderniser les organisations et optimiser les – en veillant à l'information et à l'éducation thérapeu-
financements nationaux. tique du malade et de sa famille ;
Dans ce plan, les FSMR constituent la base organisation- ■ il guide et coordonne les professionnels de santé non spé-
nelle. Elles voient leur rôle renforcé pour coordonner les cialisés participant à la prise en charge de proximité du
actions des multiples acteurs concernés (équipes de soins, malade (acteurs de soins ou sociaux de proximité, centre
médico-sociales et éducatives, de dépistage et de recherche, hospitalier proche du malade) en les informant et les for-
partenaires associatifs, réseaux européens de référence, mant sur la pathologie et sa prise en charge ;
etc.). De nouvelles mesures à l'ordre du jour concernent la ■ il s'engage dans une dynamique de coordination entre
recherche avec la création d'un groupe de coordination de centres prenant en charge la même pathologie ou groupe
la recherche sur les maladies rares et d'un programme dédié de pathologies ;
aux impasses diagnostiques. ■ il est l'interlocuteur des autorités administratives et des
associations de malades pour œuvrer à l'amélioration de
la prise en charge et de la qualité de vie du malade et de sa
Organisation spécifique du parcours famille ;
de soins en France ■ il participe à la surveillance épidémiologique de la mala-
En France, le parcours de soins dans le cas des maladies die, à l'animation des recherches et essais thérapeutiques,
rares est structuré par les FSMR, les CRMR et les CCMR qui à la diffusion (indications et prescriptions) et au suivi des
forment un maillage très dense sur le territoire. thérapeutiques et dispositifs orphelins, ainsi qu'à la mise
Vingt-trois FSMR ont été créées en 2015, dans le cadre en place de bonnes pratiques professionnelles concernant
du PNMR 2. Une FSMR est une organisation nationale la pathologie, en liaison avec les équipes nationales et
construite autour d'un ensemble de maladies rares soit internationales travaillant dans le même domaine.
proches dans leurs manifestations, leurs conséquences ou Un centre de référence peut être soit coordonnateur, c'est-
leur prise en charge, soit responsables d'une atteinte d'un à-dire qu'il coordonne un ensemble de centres de référence
même organe ou système. Parmi ces 23 FSMR, citons par constitutifs et de centres de compétence, soit constitutif.
exemple la filière G2M qui prend en charge les maladies héré- Le centre de référence assure ses missions en coordination
ditaires du métabolisme, la filière AnDDi-Rares qui s'occupe étroite avec des centres de compétences et/ou des sites
des anomalies du développement et déficience intellectuelle constitutifs.
de causes rares, la filière FILNEMUS qui se charge des mala- Un CCMR est le référent régional du centre de référence
dies neuromusculaires. Une FSMR anime et coordonne les pour les pathologies prises en charge. Il offre donc un appui
actions de nombreux acteurs : CRMR, CCMR, structures de pour la prise en charge et le suivi global de proximité. Un
soins travaillant avec les centres, laboratoires de diagnostic CCMR peut également amener une compétence complé-
et de recherche, structures des secteurs éducatifs, sociaux mentaire à l'expertise du CRMR auquel il est rattaché. Il
et médico-sociaux, équipes de recherche et associations de participe à l'ensemble des missions du centre de référence
personnes malades. Elle est animée par des médecins et des dont il dépend. La dernière labellisation de 2017 a permis
équipes projet hébergées dans les CHU ou CHRU. la labellisation de 1 845 CCMR dont 392 pédiatriques et
Les missions d'une FSMR se déclinent autour de 4 axes : 1 199 mixtes (adultes-enfants).
l'amélioration de la prise en charge des malades, tout au long
de leur parcours et sans point de rupture, la coordination
de la recherche fondamentale, translationnelle, clinique et Organisation au niveau européen
organisationnelle, le développement de l'enseignement, de et international
la formation et de l'information, la coordination au niveau Au moment où la France met en œuvre son 1er plan natio-
européen et international. nal maladies rares, la Commission européenne encourage
L'actualisation de la structuration du réseau a permis la l'émergence d'une politique européenne concernant les
labellisation pour la période 2017–2022 de 388 CRMR, dont maladies rares. En 2009, le Conseil européen encourage tous
65 pédiatriques et 238 mixtes : adultes-enfants. les États membres à élaborer et mettre en place un plan ou
Un centre de référence est un centre expert pour une une stratégie nationale maladies rares avant 2013.
maladie ou un groupe de maladies rares, qui rassemble des Inspirés des filières maladies rares françaises, les réseaux
compétences pluridisciplinaires hospitalières reconnues européens de référence (European Reference Networks ou
pour la prise en charge de la maladie. Du fait de la rareté de ERN) ont été mis en place en 2017. Ce sont des réseaux
772 Partie II. Spécialités
virtuels qui réunissent des prestataires de soins de santé de toute indissociable des traitements. Selon les recommandations de
l'Europe. Ils visent à créer une dynamique dans la prise en charge l'HAS, les finalités spécifiques de l'ETP sont :
des maladies complexes ou rares en permettant des échanges ■ l'acquisition et le maintien par le patient de compétences d'au-
de bonnes pratiques et une harmonisation des pratiques entre tosoins qui font référence aux décisions que le patient prend
les équipes européennes. Les 24 ERN possèdent une expertise avec l'intention de modifier l'effet de la maladie sur sa santé,
spécifique pour un groupe de maladies rares et 5 d'entre eux par exemple soulager les symptômes, instaurer un autotraite-
sont coordonnés par des centres de référence français (ERN ment, réaliser des gestes techniques et des soins, etc. Parmi ces
EpiCARE, ERN EYE, ERN ITHACA, ERN Skin, VASCERN). compétences d'autosoins, l'acquisition de compétences dites
Le 29 février 2008 a été lancée la 1re Journée des maladies de sécurité qui visent à sauvegarder la vie du patient ;
rares par EURORDIS et son Conseil des alliances nationales. ■ l'acquisition de compétences d'adaptation qui selon
D'abord journée européenne, elle est progressivement devenue l'OMS sont des « compétences personnelles et interperson-
un phénomène mondial, avec l'adhésion des États-Unis en 2009. nelles, cognitives et physiques qui permettent aux personnes
Cette journée internationale a lieu chaque année, le dernier de maîtriser et de diriger leur existence, et d'acquérir la
jour de février. Elle a pour principal objectif de sensibiliser non capacité à vivre dans leur environnement et à modifier
seulement le grand public mais aussi les décideurs politiques, celui-ci ». Elles s'appuient sur le vécu et l'expérience anté-
les autorités publiques, les représentants de l'industrie, les cher- rieure du patient et font partie d'un ensemble plus large
cheurs, les professionnels de la santé, etc. Elle permet d'informer de compétences psychosociales.
le grand public sur les maladies rares tout en encourageant les Le déploiement des programmes a été favorisé par la loi HSPT
chercheurs et les décideurs à répondre aux besoins des per- (Hôpital, patients, santé et territoire) du 21 juillet 2009 qui
sonnes atteints d'une maladie rare. À l'occasion de cette journée, permet non seulement de reconnaître cette discipline comme
des manifestations sont organisées par des centaines d'associa- participant à l'amélioration de la qualité de vie des personnes
tions de patients et par les filières de santé maladies rares. malades, mais aussi d'encadrer cette pratique par un dispositif
réglementaire. Le premier volet de cette loi instaure les pro-
Éducation thérapeutique grammes d'ETP, nécessitant la constitution d'un dossier qui est
soumis à l'autorisation de l'Agence régionale de santé (ARS).
du patient Le deuxième volet de la loi HSPT prévoit des actions d'accom-
Céline Cudejko pagnement qui, au même titre que les programmes d'ETP, font
partie de l'ETP et contribuent à enrichir et diversifier la prise
en charge. Elle souligne l'importance du secteur associatif
Genèse comme acteur de santé dans la prise en charge des maladies
L'éducation thérapeutique du patient (ETP) est une pratique chroniques et dans l'accompagnement des malades.
de santé relativement récente qui a progressivement été inté-
grée dans la prise en charge des patients atteints de maladie
chronique. La première définition est donnée par l'Organi- Programmes
sation mondiale pour la santé (OMS) en 1998 : l'ETP « vise à Suivant les recommandations de l'HAS, un programme
aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont d'ETP comporte quatre étapes successives :
ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie ■ un bilan éducatif partagé (parfois appelé diagnostic
chronique. Elle fait partie intégrante et de façon permanente éducatif) ;
de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités ■ un programme personnalisé d'ETP avec des priorités
organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour d'apprentissage et des compétences à acquérir, défini en
rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des collaboration avec le patient ;
soins, de l'organisation et des procédures hospitalières, et des ■ les séances d'ETP individuelles et/ou collectives ;
comportements liés à la santé et à la maladie. Cela a pour ■ une évaluation des compétences acquises.
but de les aider (ainsi que leurs familles) à comprendre leur Le programme d'ETP n'a pas de caractère obligatoire ; le
maladie et leur traitement, à collaborer ensemble et assumer consentement du patient est donc essentiel.
leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le ■ Le programme est dispensé par une équipe pluridiscipli-
but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie. »1 naire médicale ou paramédicale pouvant inclure, en fonc-
En 2007, cette définition est reprise en France comme base tion de la pathologie d'autres professionnels comme les
pour la production de documents nationaux concernant la psychologues, les travailleurs sociaux, etc., des patients
structuration des programmes d'ETP : ce sont les recomman- « experts » et des membres d'associations agréées. Les
dations de la Haute autorité de santé (HAS) et le guide métho- programmes d'ETP sont majoritairement proposés par
dologique HAS-INPES (Institut national de la promotion et des établissements hospitaliers mais ils peuvent aussi
de l'éducation à la santé) de l'ETP. Ces documents réaffirment être portés par d'autres structures comme les centres de
que l'ETP fait partie intégrante et de façon permanente de la santé, les réseaux de santé ou maisons de santé. Le bilan
prise en charge du patient et qu'elle est complémentaire et éducatif partagé est un entretien individuel qui permet de
considérer les différents aspects de la vie et de la person-
Réimprimé avec l'autorisation de l'OMS à partir de Organisation
1
nalité du patient, d'identifier ses attentes et ses besoins,
mondiale de la santé, Bureau régional pour l'Europe. Éducation
thérapeutique du patient, recommandations d'un groupe de travail tout en prenant en compte ses demandes et son projet,
de l'OMS, 1998 http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_ dans le but de convenir avec lui ce qui pourrait l'aider à
file/0009/145296/E93849.pdf, consulté le 24 janvier 2020. © 1998. mieux prendre soin de lui-même.
Chapitre 29. Maladies rares 773
services destinés aux adultes est également une spécificité de très appréciés. À l'adolescence, le choix des techniques et des
l'ETP en pédiatrie. Devant l'apparition de problématiques outils pédagogiques doit tenir compte des intérêts du jeune,
spécifiques à l'adulte (sexualité, contraception, monde pro- de ses besoins de socialisation et du processus d'identifi-
fessionnel), cette transition apparaît nécessaire. Elle doit cation à ses pairs. Le groupe d'adolescents pour une table
commencer au plus tôt pour préparer l'adolescent (et sa ronde ou une mise en situation est très intéressant en ETP.
famille) au transfert de services, en encourageant l'auto- Les échanges et les partages d'expériences et de vécu per-
nomie et la confiance en soi. Certains programmes d'ETP mettent de rompre leur sentiment d'isolement et favorisent
intègrent dorénavant une session spécifique à la transition les apprentissages.
enfant-adulte afin de renforcer les compétences en jeu
durant cette période. L'ETP aide aussi les parents à « lâcher »
leur enfant, à lui faire confiance et à trouver une nouvelle Biothérapies
place dans les soins.
L'ETP en pédiatrie a la volonté d'inclure tous les acteurs Diego Urbina
de la vie de l'enfant, de l'environnement familial à l'envi- L'introduction des biothérapies a révolutionné la prise en
ronnement extra-familial. La maladie chronique peut avoir charge de nombreuses pathologies chez l'enfant. Elles com-
des conséquences sur l'organisation de la cellule familiale portent les thérapies géniques, l'enzymothérapie, les théra-
et sur les relations entre ses différents membres. De plus pies cellulaires ou tissulaires, et l'immunothérapie. Dans ce
en plus, l'ETP sollicite aujourd'hui l'éducation de tous les dernier domaine, objet de ce texte, les médicaments utilisés
membres de la famille, en particulier de la fratrie, pour copient des molécules naturelles du corps humain, et sont
qu'elle devienne une ressource pour l'enfant et ses parents. principalement représentés par les anticorps monoclo-
L'enfant en cours de socialisation est confié à des adultes naux. Ils influent sur les différents niveaux de contrôle de
en dehors de l'environnement familial, qui doivent assurer la réponse immunitaire, modulent les réponses inflamma-
la continuité des soins. Les professionnels éducateurs sont toires ou allergiques, et inhibent la croissance tumorale. La
donc amenés à former le personnel des crèches, les ensei- tolérance est en général bonne chez l'enfant, mais le recul
gnants, les professionnels du périscolaire et du restaurant est encore faible pour évaluer la tolérance à long terme. Le
scolaire. Les soignants peuvent accompagner les parents risque principal à court et moyen terme est la survenue d'in-
dans l'élaboration d'un Projet d'accueil personnalisé (PAI) fections, parfois sévères. La prescription et la surveillance de
pour que l'accueil de l'enfant soit adapté à sa maladie et à ces traitements doivent ainsi être rigoureuses et effectuées
son traitement. Ils peuvent également former le personnel par des équipes spécialisées et expérimentées en lien avec le
de structures extrascolaires comme les centres de loisirs et médecin traitant de l'enfant.
sportifs. Les associations de patients peuvent par ailleurs
constituer une ressource d'ETP, notamment dans le partage
d'expérience et la transmission des compétences. Molécules ayant l'AMM chez l'enfant :
Du point de vue de la mise en œuvre pratique, l'ETP est indications et mécanismes d'action
adaptée en fonction de l'âge de l'enfant ou de l'adolescent. Les indications actuelles concernent principalement la
La durée d'une séance chez l'enfant est plus courte que celle transplantation d'organe et la greffe de moelle, l'oncolo-
chez l'adulte et dépend de sa disponibilité. Les techniques et gie pédiatrique, les maladies auto-inflammatoires, auto-
les outils pédagogiques sont spécifiques et leur choix dépend immunes et allergiques, les maladies infectieuses et les
de son âge, de son développement psychomoteur et de sa maladies du complément. Nous n'abordons pas ici le champ
maturité. Il est également important de prendre en compte de l'oncologie pédiatrique ou de la transplantation d'organe
la ou les façons dont l'enfant s'exprime et d'employer un et traitons seulement les immunothérapies ayant une autori-
vocabulaire adapté. D'une façon générale, l'ETP de l'enfant sation de mise sur le marché (AMM) en pédiatrie.
veille à favoriser sa motivation et à promouvoir l'interacti-
vité dans l'apprentissage des compétences. Le jeu tient ainsi Maladies infectieuses
une place prépondérante dans la technique éducative et son
Le pavilizumab (Synagis®) est un anticorps monoclonal qui
utilisation lors d'activités ludiques peut se faire à différents
inhibe la réplication du virus respiratoire syncitial (VRS). Il
moments de la séance éducative : jeux coopératifs pour
est recommandé lors des épidémies chez les patients à risque
faire connaissance, jeux de cartes et jeux d'imitation pour
(prématurés, insuffisants respiratoires, porteurs de cardio-
l'apprentissage, jeux de rôles, jeux de mémoire ou de logique
pour l'évaluation. D'autres outils pédagogiques tels que l'ou- pathie congénitale avec retentissement hémodynamique) à
raison d'une injection mensuelle.
til informatique et internet, les livres, les bandes dessinées
ou les photographies sont également fréquemment utilisés.
La créativité a aussi toute son importance pour intéresser Maladies du complément
l'enfant et mettre en scène des apprentissages. Elle peut se L'éculizumab (Soliris®) est un inhibiteur de la fraction ter-
manifester dans différentes situations allant du dessin de minale du complément (C5) ayant l'AMM dans l'hémoglo-
sa maladie jusqu'à la mise en scène théâtrale, en passant binurie paroxystique nocturne et le syndrome hémolytique
par la création d'un masque de peurs. L'expérimentation et urémique atypique de l'enfant. L'éculizumab se lie de
fonctionne également bien avec l'enfant. Un atelier décou- manière spécifique à la protéine C5 du complément, empê-
verte des aliments, un atelier de cuisine ou l'apprentissage de chant la formation du complexe terminal du complément
gestes techniques sur une grosse peluche sont g énéralement C5b-9.
Chapitre 29. Maladies rares 775
Les incertitudes en lien avec les risques à long terme dans Les recommandations de prescription, suivi et conduite
une population avec une longue espérance de vie rendent à tenir en cas d'évènement indésirable aigu sont inscrites
indispensable une surveillance sur de nombreuses années dans les recommandations pour chaque pathologie (natio-
de ces patients. Différents registres ont été mis en place à nales, internationales, PNDS), les fiches de sécurité du Club
cet effet. rhumatisme et inflammation (CRI) et les recommandations
du Haut conseil de la santé publique (HCSP) concernant les
Risque en cas de grossesse patients immunodéprimés.
Les données disponibles concernant l'éventuelle tératogéni-
cité des biothérapies administrées pendant la grossesse sont Vaccinations : recommandations HCSP 2015
insuffisantes. Quelques cas de syndromes malformatifs ont Pour tous les enfants traités par biothérapie, les vaccinations
été décrits après un traitement par anti-TNF-α pendant la recommandées sont celles du calendrier vaccinal national
grossesse, sans que l'incidence ne semble supérieure à celle en vigueur pour la population générale. La mise à jour des
de la population générale. Chez les adolescentes, il faut dis- vaccinations doit se faire le plus tôt possible au cours de la
cuter d'une contraception pendant le traitement. maladie, si possible avant l'instauration de tout traitement
immunosuppresseur. Les études sur l'immunogénicité
Modalités de prescription des vaccins inactivés lors d'un traitement par biothérapie
montrent des résultats variables, mais l'efficacité vaccinale
et suivi (encadré 29.1) ne semble pas diminuée. L'EULAR conseille le dosage des
L'indication d'une biothérapie chez l'enfant est posée par anticorps vaccinaux 4 à 6 semaines après vaccination chez
un centre expert. Avant de commencer le traitement, on les patients traités par anti-TNF-α.
porte une attention particulière aux antécédents infectieux Les vaccins vivants (BCG, ROR, varicelle, fièvre jaune,
de l'enfant (notamment de varicelle) et à un éventuel retard rotavirus) sont contre-indiqués pendant le traitement par
vaccinal. Un bilan préthérapeutique doit être systématique- biothérapie en raison du risque de survenue de maladie
ment réalisé avant d'instaurer le traitement à la recherche vaccinale. Ils doivent être en règle générale administrés au
de contre-indications temporaires ou définitives, et varie moins 4 semaines avant l'introduction du traitement. En cas
selon la molécule choisie. L'information délivrée à l'enfant d'urgence thérapeutique, ils sont contre-indiqués et il faut
et aux parents comporte les effets secondaires et les circons- informer le patient des situations à risque et de la conduite à
tances devant mener à une consultation rapide en raison tenir en cas de contage. Le risque vaccinal peut être discuté
du risque infectieux. Le médecin traitant est impliqué dans au cas par cas avec un centre expert, en fonction du rapport
toutes les étapes de la prise en charge après prescription, bénéfice/risque et des thérapeutiques immunosuppressives
notamment sur le plan vaccinal et de la surveillance du de fond.
risque infectieux. Les recommandations spécifiques sont dans tous les cas
la vaccination contre les infections invasives à pneumo-
coque et la vaccination contre la grippe saisonnière. Pour
les patients traités par éculizumab, le vaccin conjugué
Encadré 29.1 Précautions à prendre méningococcique (A, C, Y, W135) doit être administré au
lors d'un traitement par biothérapies moins 2 semaines avant d'instaurer le traitement. En cas
d'impossibilité de retarder le traitement, une antibiopro-
Avant le traitement phylaxie contre le méningocoque doit être prescrite jusqu'à
2 semaines après la vaccination. Certains patients peuvent
■
Recherche de contre-indications : infection, affection maligne,
présenter une majoration des symptômes de leur pathologie
allergie médicamenteuse
après vaccination, et doivent être étroitement suivis par la
■
Évaluation de l'état vaccinal, compléter vaccinations si les
suite.
délais le permettent
Après arrêt d'une biothérapie, la réponse immunitaire est
■
Bilan préthérapeutique, exclusion d'une tuberculose
correctement rétablie entre 3 mois et 1 an après l'arrêt du
■
Discussion d'une contraception
traitement. Ainsi, le délai à respecter pour l'administration
■
Information sur les risques et précautions
d'un vaccin vivant est au minimum de 3 mois après arrêt du
Surveillance régulière traitement (6 mois pour le rituximab).
■
Bilan sanguin, parfois bilan radiologique
■
En cas d'anomalie, discussion de la réduction ou de l'arrêt du Conduite à tenir en cas d'infection aiguë
traitement bactérienne ou opportuniste
En cas d'infection aiguë La survenue de fièvre chez un patient traité par biothéra-
pie doit toujours conduire à une évaluation clinique atten-
Pas d'injection du médicament, sauf dans certaines
tive. En cas de signes généraux d'urgence (frissons, état de
■
traitement préventif
avant toute antibiothérapie. Devant des signes respiratoires,
Chapitre 29. Maladies rares 777
une radiographie de thorax doit être discutée. Il est à souligner sévère, la surveillance des patients sous biothérapie doit être
que les signes inflammatoires biologiques (notamment la pro- rigoureuse, et est assurée en lien étroit entre le médecin spé-
téine C-réactive) peuvent être normaux ou modérément élevés cialiste et le médecin traitant.
même en cas d'infection bactérienne sévère. En cas d'infection Le risque principal est celui du surrisque infectieux, à
bactérienne certaine ou supposée, une antibiothérapie doit être savoir des infections bactériennes et virales sévères. Afin de
prescrite selon les recommandations. limiter ce risque, une couverture vaccinale correcte est pri-
En cas de suspicion d'infection bactérienne ou oppor- mordiale, et un rattrapage doit être si possible réalisé avant
tuniste, la suspension du traitement est recommandée, en l'introduction du traitement. En cas d'infection aiguë, un
accord avec le centre expert. En cas d'impossibilité d'arrêt examen clinique attentif doit être systématique, même si la
temporaire du traitement (patient avec un traitement à longue plupart des situations sont des infections virales banales. Une
durée d'action ou risque de rechute important à l'arrêt), une antibiothérapie est prescrite en cas de suspicion d'infection
consultation dès les premiers signes infectieux s'impose. bactérienne, un antiviral dans certaines infections virales à
risque. Il faut également discuter la suspension temporaire
Conduite à tenir en cas d'infection virale du traitement. En cas de contage à risque, des mesures thé-
ou de contage à risque (varicelle, rougeole, rapeutiques spécifiques peuvent être entreprises.
grippe) : recommandations HCSP 2016 Le suivi des patients dans des cohortes internationales n'a
pas montré à ce jour d'effet indésirable sur le plan néopla-
En cas de primo-infection varicelleuse ou de réactivation sique et sur le développement à long terme, mais le recul est
sous biothérapie, l'enfant doit être hospitalisé dès les pre- trop faible pour déterminer la tolérance des biothérapies à
miers symptômes pour surveillance et traitement antiviral long terme.
par voie générale. En cas de contage chez un patient sans Si les principes généraux énoncés ici restent vrais pour
antécédent de varicelle et n'ayant pas pu être vacciné avant la plupart des molécules, chaque indication comporte des
l'introduction de la biothérapie, des IgIV spécifiques doivent risques spécifiques et des surveillances particulières qu'il
être administrées dans les 4 jours suivant l'exposition. faut connaître. De plus, le champ des biothérapies est en
En cas de contage avec un cas de rougeole chez un enfant pleine expansion, et de nouvelles molécules sont introduites
non immunisé, une prophylaxie par IgIV dans les 6 jours régulièrement. Une discussion efficace et continue entre
suivants est recommandée. médecin traitant et médecin spécialiste est donc primordiale
Lors d'une grippe clinique, il faut instaurer un traitement à la bonne prise en charge des patients.
curatif par oseltamivir (Tamiflu®) le plus précocement pos-
sible. En cas de contact étroit avec un cas confirmé ou cli-
niquement typique de grippe, un traitement préemptif par
oseltamivir doit être prescrit (dose curative durant 5 jours).
Recommandations
En cas de suspicion d'infection virale sévère, la suspen- Alliance maladies rares. Guide pratique de l'éducation thérapeutique du
sion du traitement est recommandée, en accord avec le patient, 2017.
centre expert. En cas d'impossibilité d'arrêt temporaire du CRI (Club rhumatisme et inflammation). Fiches pratiques : prise en charge
traitement (patient avec un traitement à longue durée d'ac- des patients sous…
tion ou risque de rechute important à l'arrêt), une consulta- HAS. PNDS élaborés par les centres de référence.
HCSP. Guide pour l'immunisation en post-exposition : vaccinations et
tion dès les premiers signes infectieux s'impose.
immunoglobulines. Recommandations actualisées, 2016.
HCSP. Vaccination des personnes immunodéprimées ou aspléniques.
Conclusion Recommandations actualisées, 2015.
Ministère de la Santé et des Solidarités. Plan national maladies rares
Les biothérapies sont des traitements ciblés qui ont transformé 2005–2008.
la prise en charge de nombreuses pathologies pédiatriques. Il Ministère des Solidarités et de la Santé. Plan national maladies rares
s'agit de traitements de 2e ou 3e ligne qui doivent être prescrits 2018–2022.
par des centres experts après réalisation d'un bilan préthéra- Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé. Plan national maladies rares
peutique. Afin d'éviter la survenue d'évènements indésirables 2011–2014 (prolongé jusqu'en 2016).