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3. À la suite de cet événement, le processus d’inactivation du virus a été renforcé et de tels cas n’ont
plus été rapportés.
4. Si telle est la tendance dominante, des équipes de recherche considèrent les expériences des béné-
ficiaires qui perçoivent un lien entre vaccin et effets secondaires pour en évaluer la pertinence scientifique
(clinique/épidémiologique), comme ceux observés par Wyatt. Citons les études sur la corrélation entre
hépatite B et sclérose en plaque [Wraith et al., 2003] ou sur la sûreté de nouveaux adjuvants [Tavares Da
Silva et al., 2013].
Ces outils précisent que les termes « effet secondaire » et « réaction secon-
daire » impliquent une relation de causalité établie sur la base de l’expérience
d’une association temporelle de la vaccination et de la survenue des réactions. Le
milieu de la vaccinologie préfère quant à lui utiliser le terme de « manifestation
clinique survenue après la vaccination » pour désigner un événement indésirable
lié dans le temps à la vaccination, qu’il ait ou non été causé par le vaccin lui-même,
par ses composants ou par la technique d’injection [OMS, 2000]. Plus générale-
ment, il est question de documenter des « manifestations postvaccinales indésira-
bles » (MAPI), expression qui désigne cette fois-ci une causalité établie.
Des indications pour identifier les MAPI sont produites suite à des études de
surveillance dites de « pharmacovigilance » conduites du stade de développement
du vaccin – au cours d’essais cliniques de différentes phases – à son adoption et
son utilisation par les programmes élargis de vaccination (PEV). Ces études sont
menées tant par des producteurs de vaccins (les industries pharmaceutiques) que
par des ministères de la Santé. L’OMS élabore les directives pour effectuer cette
surveillance. Un groupe est même consacré à la sécurité vaccinale, le WHO Global
Vaccine Safety Group, dont l’objectif est notamment d’uniformiser la communi-
cation des données (reporting) des pays afin d’améliorer la surveillance des MAPI
avérées et d’intervenir rapidement en cas de risques réels pour la sécurité des
populations à vacciner. Des équipes internationales travaillent à développer des
outils de reporting accessibles en ligne dans le but de centraliser les données 5.
Le WHO Global Vaccine Safety Group a établi une liste de critères devant per-
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d’injection incorrect » [ibid., p. 6]. Dans tous les cas, les victimes potentielles de
ces MAPI sont les enfants 6.
L’émergence des acteurs spécialisés en sécurité vaccinale, la diffusion de la
liste des MAPI à documenter et la révision régulière des outils pour ce faire
témoignent de l’actualité du problème de visibilité des MAPI 7. Déjà en 2000, une
étude comparative sur la sécurité des injections vaccinales pointait le manque de
données de pharmacovigilance dans la région africaine [Dicko et al., 2000, p. 165].
Une recherche qualitative plus récente, menée auprès de représentants de l’OMS
travaillant au siège et dans les « bureaux pays », décrit quant à elle des systèmes
de surveillance nationaux inexistants ou, du moins, non renseignés [Graham et
al., 2012]. Le présent article vise à apporter des éléments empiriques collectés au
Sénégal pour contribuer à comprendre comment est produit le manque de visibilité
du risque vaccinal au niveau « communautaire ».
6. Les paralysies suite à des injections intramusculaires ont été décrites dans le traitement du paludisme
par quinine [Barennes, 1999] et notamment en contexte rural sénégalais [Franckel et al., 2007, p. 278].
7. Voir la page de l’OMS datant du 7 avril 2014 : www.who.int/vaccine_safety/initiative/detection/en/
(page consultée le 19 janvier 2015).
9h à 14h. Nous nous rendions dans les familles les après-midi même si les inter-
views avec certaines mères se faisaient après la séance de vaccination, au centre
de santé.
savoir le risque d’abcès et d’endommagement des nerfs, sont décrits comme étant
plus rares, mais chaque interlocuteur a mentionné spontanément un exemple de
parent ou de voisin souffrant ou handicapé suite à une injection vaccinale. Ce
père de famille interrogé en tant que chef de quartier répond ainsi à nos questions :
« – Connaissez-vous un enfant qui aurait souffert d’effet indésirable ?
– Oui, mon propre fils. Il commençait à marcher quand il a été vacciné et depuis
il traîne la jambe.
– Quel âge a-t-il aujourd’hui ?
– Il est adulte maintenant, ça fait longtemps. »
Ce témoignage donne à percevoir que l’association temporelle du geste d’injec-
tion et de la douleur ou du handicap n’est pas limitée dans le temps contrairement
à ce que la notion de « manifestation clinique survenue après la vaccination »
décrit comme cliniquement exact. Un entretien réalisé auprès d’un représentant
religieux confirme cette perception :
« – Les vaccins injectables sont douloureux. Les parents préféreraient l’éviter mais
c’est un acte efficace pour protéger les enfants des maladies, alors ils acceptent.
– Vous dites qu’il est douloureux ?
– Oui. Certains se retrouvent avec une jambe qui traîne à cause des vaccins injectés.
Une voisine se plaint depuis peu de maux de dos. Elle ressent une douleur là où
elle a reçu un vaccin quand elle était enfant. Maintenant elle ne peut plus marcher
correctement. »
Ainsi, tout comme l’efficacité protectrice du vaccin est pensée comme continue
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agents de santé diplômés des formations sanitaires qui justifient leur choix de
donner des responsabilités à tel agent de santé communautaire « parce qu’il/elle
est très bien », « il/elle sait comment parler avec les mères pour les rassurer »,
« il/ elle est doux avec l’enfant » ou « il/elle est consciencieux » en pratiquant les
gestes techniques. Ce sont ainsi les attitudes de l’agent vaccinateur à chaque étape
de la session de vaccination qui sont ici considérées comme intervenant dans la
réussite ou la prise de risque vaccinal – plus que l’acte vaccinal.
Les vaccinateurs eux-mêmes ont recours à cette notion s’ils sont affublés de
l’attribut de « main légère » tandis que leurs collègues dépréciés la remettent en
cause. Ainsi, le jeune homme décrit précédemment comme brusque et conscient
de la préférence donnée à son collègue réaffirmait-il l’imputation de la fièvre ou
du risque d’abcès aux causes exposées par les agents de santé (efficacité du contenu
du vaccin et environnement). Dans un autre centre, une vaccinatrice se référait
aux taux de couverture vaccinale de son service – dépassant les 100 % – et aux
deux générations de vaccinés – les enfants des enfants qu’elle a vaccinés – qui
s’adressent à elles pour témoigner de la reconnaissance sociale de ses compé-
tences. Elle insistait ainsi sur l’imbrication des compétences professionnelles et
personnelles qui font un bon vaccinateur au regard de la communauté. Sa collègue,
laissée pour compte dans ce jeu de reconnaissance sociale du vaccinateur, répli-
quait alors vivement : « comme si tu étais la seule à savoir faire la vaccination
ici ! », réaffirmant ainsi le critère de savoir-faire technique.
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– Une deuxième femme l’interrompt : Mais non, il est tombé malade, ce n’est pas
à cause de la vaccination. Arrête ! Tu vas leur faire des histoires.
– Une troisième femme présente : On ne sait pas toujours pourquoi mais on sait
que la vaccination c’est pour le bien de l’enfant.
– La deuxième femme reprend : Ne dis pas ça.
– La troisième femme : Quoi ? Je dis les choses comme elles sont. »
Se lisent ici deux arguments clés pour accepter la vaccination et taire la sur-
venue de manifestations cliniques suivant une injection : le vaccin est perçu
comme bénéfique pour l’enfant et il convient de ne pas mettre en défaut les agents
de son centre de santé, notamment lorsqu’ils sont issus de la « communauté ».
Répondant à une question sur les effets secondaires, un père de famille hésitant
mais acceptant la vaccination confirme ce mécanisme :
« – Les effets secondaires, est-ce qu’il arrive qu’il y en ait ?
– Oui. J’ai un copain qui a eu un problème après avoir été vacciné, il s’est mis à
boiter. C’était dans les années 81-82. D’après le médecin il a bougé quand on lui
a fait l’injection et celui qui l’a fait a dû toucher un nerf. Il y a trois personnes
comme ça rien que dans ce quartier. Mais on continue d’accepter de vacciner les
enfants parce que tout le monde a peur des maladies. Ici, on ne porte pas plainte,
on dit que c’est Dieu et qu’on ne peut pas porter plainte comme nous sommes des
voisins, qu’on vit ensemble. La vérité c’est qu’on n’a pas le choix. On ne sait pas
ce qu’on donne à nos enfants et on ne peut rien faire si ça ne se passe pas bien ».
Les parents sont partagés entre la nécessité de protéger leurs enfants de maladies
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Bibliographie