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La vaccination à l’épreuve de l’individualisation de la santé

Jocelyn Raude
Dans Regards 2023/2 (N° 62), pages 151 à 162
Éditions EN3S-École nationale supérieure de Sécurité sociale
ISSN 0988-6982
© EN3S-École nationale supérieure de Sécurité sociale | Téléchargé le 13/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 92.89.167.97)

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DÉCEMBRE 2023 • N°62

La vaccination à l’épreuve de l’individualisation


de la santé

Par Jocelyn Raude, Professeur des universités au département SHS, École des hautes
études en santé publique (Rennes)

Jocelyn Raude est professeur des universités en psychologie de


la santé à l’École des hautes études en santé publique (Rennes) et
chercheur au sein de l’équipe de recherche sur les services et le
management en santé (université de Rennes, CNRS, Inserm). Après
une thèse de doctorat soutenue en 2006 à l’École des hautes en
sciences sociales (EHESS, Paris), il a travaillé sur la prévention des
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maladies infectieuses émergentes en milieu tropical à la London
School of Economics (2008), puis comme chercheur au département
Santé et Société de l’Institut de recherche pour le développement
(2016-2018). Ses principaux travaux de recherche portent sur la
réponse des populations aux alertes sanitaires et aux épidémies. Depuis une dizaine
d’années, il travaille plus particulièrement sur les processus d’adaptation sociale et
cognitive aux risques et aux incertitudes liés aux maladies infectieuses émergentes,
ainsi que sur les stratégies d’intervention qui permettent de favoriser l’adoption
de comportements de prévention dans nos sociétés. Il est actuellement co-auteur
d’une centaine d’articles scientifiques publiés dans des revues internationales de
référence, et il a reçu en 2018 le prix spécial de la recherche de la fondation de la Croix-
Rouge pour l’ensemble de ses travaux sur les maladies infectieuses émergentes.

I- INTRODUCTION
À la fin du XIXe siècle, les progrès considérables réalisés dans le domaine de l’hy-
giène puis de la médecine préventive ont permis un contrôle accru des sociétés sur
les maladies infectieuses, qui constituaient alors dans les pays du Nord comme dans
les pays du Sud la première cause de mortalité, en particulier chez les nourrissons
et les enfants. À cette époque, la multiplication de nouveaux vaccins - nom donné
en hommage à Jenner, qui était parvenu un siècle plus tôt à immuniser les humains
grâce à un variant bovin de la variole - contribue alors à accélérer la transition sani-
taire qui se caractérise au début du XXe siècle par un déclin des affections aiguës
comme la diphtérie ou la tuberculose, et par une augmentation concomitante des
maladies dégénératives liées à l’âge, comme les maladies cardiovasculaires et les
cancers (Jones et al., 2012). Ce phénomène va être à l’origine d’un allongement spec-
taculaire de l’espérance de vie dans les pays du Nord, qui passe de 40 à 60 ans en
quelques décennies.

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LA VACCINATION À L’ÉPREUVE DE L’INDIVIDUALISATION DE LA SANTÉ

Malgré l’apparition dès la fin du XIXe siècle de premiers mouvements de protesta-


tions aux États-Unis, en Angleterre ou au Brésil, les programmes de vaccination obli-
gatoire ne semblent pas rencontrer d’hostilité majeure dans la plupart des sociétés
dans lesquelles ils sont mis en œuvre. Il faut dire que les effets de ces campagnes sur
la santé publique sont relativement rapides et manifestes. Ainsi, le développement
des vaccins contre la poliomyélite et du tétanos va permettre en quelques années une
quasi-disparition de la mortalité attribuable à ces pathologies. En matière de vaccina-
tion, il convient de souligner que la société française s’est longtemps caractérisée par
une certaine docilité, qui tient sans doute non seulement au charisme des chercheurs
pasteuriens de l’époque, mais aussi au sentiment de fierté nationale qu’a suscité le
développement dans notre pays de ces innovations médicales majeures.
De fait, il faut attendre la fin des années 1990 pour qu’apparaissent en France les
premiers signaux d’une méfiance vis-à-vis de ces produits pharmaceutiques. À cette
période, la mobilisation de patients atteints de sclérose en plaques et attribuant leur
maladie au vaccin contre l’hépatite B aboutit à la suspension des campagnes de vacci-
nation, ce qui va générer une suspicion durable vis-à-vis de ce vaccin dans la popu-
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lation française en dépit de l’absence de preuves cliniques ou épidémiologiques. À la
même période, une controverse similaire éclate en Grande-Bretagne s’agissant du
vaccin contre la rougeole. À la suite de la publication d’une étude frauduleuse accu-
sant ce vaccin d’être à l’origine de l’augmentation de l’autisme, on constate une baisse
durable de la vaccination infantile ROR dans les pays anglophones. Malgré la condam-
nation pénale du promoteur de l’étude, il faudra près d’une décennie aux autorités
sanitaires britanniques pour réguler cette première crise majeure de confiance liée
à une action de désinformation et retrouver les taux de couverture vaccinale d’avant-
crise (Larson et al., 2011).
En France, la confiance vis-à-vis de la vaccination ne semble toutefois pas avoir été
durablement affectée par ces controverses. Dans les enquêtes réalisées au cours des
années 2000, la proportion de personnes défavorables à la vaccination reste étonnam-
ment basse, avec un taux durablement inférieur à 10 %. Paradoxalement, on observe
même sur la période un accroissement continu des couvertures vaccinales pour les
vaccins seulement recommandés comme la grippe ou le ROR. Les données dispo-
nibles montrent en réalité qu’il faut attendre la pandémie de grippe H1N1 en 2009 pour
qu’un basculement s’opère dans les attitudes des Français vis-à-vis de la vaccination.
À l’occasion de cette pandémie, la multiplication des controverses publiques autour de
la vaccination, ainsi que l’émergence de personnalités vaccino-sceptiques issues du
monde médical, va profondément changer le regard que les Français portent sur les
vaccins. Ainsi, les données collectées par Santé publique France montrent que le taux
d’opposants à la vaccination en général s’élève après la campagne d’immunisation
antigrippale à près de 40 % de la population française, ce qui constitue indéniablement
un changement majeur sur le plan sociologique (Raude and Mueller, 2017).
Dans les années qui suivent la pandémie de grippe H1N1, les acteurs de la santé
publique ont par ailleurs observé - non sans une certaine sidération - des baisses consi-
dérables dans la couverture vaccinale des Français, notamment vis-à-vis de la grippe
saisonnière. Les premières études internationales montrent par ailleurs que les Français
sont l’une des populations les plus vaccino-sceptiques au monde (Larson et al., 2016).
Bien entendu, cette crise vaccinale ne va pas rester sans réponse de la part des institu-
tions qui vont relancer des campagnes d’information et de communication sur le sujet.

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Une remobilisation des acteurs de la santé publique se met par ailleurs en place en
2016 dans le cadre d’une convention citoyenne sur la vaccination qui aboutit à l’exten-
sion de la vaccination obligatoire pour les enfants. Malgré un certain scepticisme au
sein de la communauté scientifique, la mesure semble porter ses fruits puisqu’on
assiste les années suivantes à une baisse progressive de l’hésitation vaccinale dans
la population. Le reflux apparaît toutefois de courte durée puisque la pandémie de
Covid-19 provoque une nouvelle vague de controverses vaccinales en dépit de l’ac-
cumulation de preuves scientifiques s’agissant de l’efficacité et de la sécurité des
vaccins mis sur le marché à cette occasion.
Comment expliquer la désaffection croissante dont la vaccination fait l’objet en
France, ainsi que la persistance de doutes sur l’utilité et la sécurité des vaccins qui
s’expriment de manière paroxystique lors des crises sanitaires ? S’il s’agit évidemment
d’un phénomène multifactoriel complexe, nous sommes toutefois parvenus dans le
cadre de nos recherches à la conclusion selon laquelle la montée en puissance de l’in-
dividuation des choix de santé a probablement joué un rôle fondamental dans l’émer-
gence de la crise contemporaine de la vaccination. Par ailleurs, bien que toutes les
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démocraties libérales soient touchées à des degrés variables par le phénomène, nous
pensons que le déficit de confiance dans les institutions médicales qui caractérisent la
société française exacerbe les effets pervers de cette évolution sociale. En l’absence
de confiance, il est en effet souvent avancé dans la littérature contemporaine que cet
accroissement de l’autonomisation et de la responsabilisation des individus dans la
prise en charge de leur santé se traduit par une emprise croissante des biais cogni-
tifs dans la prise de décision face à des enjeux sanitaires complexes. Cette tendance
conduirait les individus à faire des choix de plus en plus souvent irrationnels du point
de vue de la santé publique. Les recherches actuelles montrent toutefois qu’il existe
des stratégies et des méthodes qui permettent de réduire les effets pervers de l’indi-
viduation des choix, en particulier celles qui proposent de mobiliser les professionnels
de la santé et d’améliorer leurs compétences et leurs capacités à accompagner les
patients dans leurs prises de décision.

II- 
CRISE DU PATERNALISME ET MONTÉE DE
L’INDIVIDUALISATION SANITAIRE
Pour comprendre les tendances historiques dans lesquelles s’inscrivent les chan-
gements dans les attitudes et les pratiques vaccinales, il convient de faire un détour
par l’histoire contemporaine de la santé. Les spécialistes de cette discipline montrent
en effet qu’une évolution remarquable s’est produite au tournant des années 1960
sur les questions de prise de décision médicale. À cette époque, les sociétés occi-
dentales se caractérisent par une montée rapide du niveau éducatif moyen, qui tend
à remettre progressivement en cause les phénomènes d’asymétrie d’information
entre les professionnels de la santé et leurs patients, ce qui provoque une crise du
« paternalisme médical ». Il faut souligner que la prise de décision concernant la
santé est alors marquée par une faible autonomie des patients, c’est-à-dire qu’elle
est souvent déléguée aux professionnels sous réserve de l’obtention du consentement
des patients. Dans les démocraties libérales, les juges vont toutefois progressivement
en venir à reconnaître un principe fondamental en matière de droit de la santé, qui

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LA VACCINATION À L’ÉPREUVE DE L’INDIVIDUALISATION DE LA SANTÉ

est le devoir d’information des soignants sur les risques et bénéfices des différentes
options médicales possibles, afin de pouvoir recueillir un consentement éclairé de
la part des patients. Aux États-Unis, l’arrêt de la Cour suprême consacre définitive-
ment ce principe en 1972 (Canterbury contre Spence), tandis qu’il faut attendre 2015
pour qu’une décision équivalente de la plus haute juridiction fasse jurisprudence en
Grande-Bretagne (Montgomery contre Lanarkshire Health Board).
En santé publique, une évolution comparable est observée dans les politiques de
prévention des maladies infectieuses mises en œuvre par les institutions. En effet,
jusqu’à la première moitié du XXe siècle, les politiques de prévention consistaient pour
l’essentiel à « surveiller et punir » la non-observance des normes sanitaires - pour
reprendre la célèbre formule de Michel Foucault. La peur de la sanction était alors
considérée comme le meilleur moyen pour obtenir des changements de comportement
dans la population. La critique du dirigisme étatique ainsi que la demande d’émancipa-
tion qui s’expriment de plus en plus ouvertement dans les années 1960 vont toutefois
provoquer un changement de doctrine dans le champ de la santé publique. On consi-
dère désormais qu’il est moins de la responsabilité de l’État de décider ce qui est bon
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pour les individus, que d’aider ces derniers à devenir des acteurs de leur santé. Cette
logique « d’empowerment » des populations imprègne aujourd’hui à des degrés divers
les politiques et les programmes de santé publique. En France, l’application de ce
principe dans le champ de la vaccination s’est notamment traduit par un abandon de
l’obligation vaccinale au profit de la vaccination recommandée. Ainsi, contrairement à
une idée commune, les vaccins contre la rougeole, les oreillons et la rubéole ne sont
pas obligatoires dans notre pays, non pas en raison de la faible gravité de ces mala-
dies, mais parce qu’ils ont été mis sur le marché après un changement de doctrine
dans les politiques sanitaires.
Ainsi, il faut souligner que la crise de la vaccination intervient - au moins dans les
sociétés démocratiques - dans un contexte de montée en puissance de l’individuation
des choix de santé. Ce concept qu’il convient de distinguer de l’individualisme, c’est-
à-dire de la volonté de promouvoir ses propres intérêts au détriment de la recherche
du bien commun, renvoie à une demande croissante d’autonomie par rapport aux
contraintes hiérarchiques et institutionnelles, qui n’est pas incompatible avec l’al-
truisme ou même l’égalitarisme (Descombes, 2003). D’une manière générale, les
études internationales montrent que l’individualisme est systématiquement associé
dans les pays développés à une moindre aversion aux risques infectieux et à une hési-
tation vaccinale plus élevée. Dans le contexte de la pandémie de Covid, il a même été
démontré que l’individualisme constituait le facteur psychologique le plus prédictif
du non-recours à la vaccination tandis que l’altruisme était au contraire corrélé à
une forte intention vaccinale (Dryhurst et al., 2020). Ce phénomène est d’autant plus
remarquable qu’il ne semble pas être spécifique aux sociétés européennes, mais qu’il
concerne aussi des pays du Sud-Est asiatique et d’Amérique latine.
Pour l’individuation, les données sont beaucoup moins claires, probablement parce
que le concept fait l’objet d’un intérêt encore limité dans les recherches actuelles sur
l’hésitation vaccinale. Pour en mesurer les effets sur les comportements collectifs,
il est toutefois possible de mobiliser des concepts complémentaires qui ont retenu
davantage d’attention dans la littérature récente. Il s’agit notamment de la confiance
que les individus expriment dans les institutions et dans leurs capacités à émettre
des recommandations fiables et pertinentes pour protéger la santé des populations.

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Sur cette question, les résultats des recherches internationales sont tout à fait
convergents : la confiance dans les institutions - et en particulier les institutions médi-
cales - semble partout jouer un rôle fondamental dans les attitudes des populations
vis-à-vis des recommandations vaccinales. Il apparaît cependant que la confiance
dans les institutions est très variable d’une société à l’autre. Sur notre continent, les
études récentes montrent en effet que les pays d’Europe du Sud et de l’Est se caracté-
risent par une moindre confiance dans les institutions que les pays d’Europe centrale
et du Nord.
Dans cette géographie de la confiance, la société française se distingue par ailleurs
par des indicateurs particulièrement médiocres que l’on retrouve seulement dans
certains pays en transition démocratique. À la décharge des institutions nationales, il
faut néanmoins souligner que les Français expriment dans les enquêtes une méfiance
prononcée non seulement vis-à-vis des autorités, mais aussi de leurs concitoyens.
En d’autres termes, nous avons tendance à faire peu confiance aux autres ! Ainsi, dans
un contexte d’individuation des choix de santé, l’une des conséquences logiques de
cette absence de confiance interindividuelle et institutionnelle est probablement
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une tendance au repli sur soi décisionnel, qui se traduit en matière de vaccination
par une propension plus faible de la population française à suivre spontanément les
recommandations émises par les pouvoirs publics et les sociétés savantes, comme en
témoignent les échecs des campagnes de vaccination contre la grippe H1N1 en 2009
ou de rappel de vaccination des personnes à risque contre la Covid-19 en 2022.

III- L’ACCEPTABILITÉ VACCINALE EN QUESTION


Depuis les années 1980, l’acceptabilité des interventions médicales fait l’objet de
nombreux travaux de recherche en sciences humaines et sociales. Même si le concept
est toujours à l’origine d’importantes critiques épistémologiques, il est généralement
défini comme le consentement d’un individu ou d’un groupe à utiliser des produits
ou des méthodes issus de la recherche biomédicale, dont l’objectif est d’améliorer
ou de préserver la santé. En pratique, la plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui
pour dire que l’acceptabilité d’une intervention médicale comporte plusieurs compo-
santes, dont « sa pertinence à traiter un problème clinique, son adéquation au mode
de vie individuel, sa commodité et son efficacité dans la gestion du problème clinique »
(Sekhon et al., 2017). En simplifiant, on pourrait avancer que l’acceptabilité des inter-
ventions pharmaceutiques repose pour l’essentiel sur deux principales dimensions.
La première - que l’on pourrait qualifier d’acceptabilité épistémique - renvoie prin-
cipalement à la perception que les usagers ont de la balance bénéfice-risque de l’in-
tervention, tandis que la seconde - que l’on pourrait qualifier d’acceptabilité pratique
- s’attache surtout à la simplicité d’utilisation du produit, qui relève notamment des
conditions de sa mise à disposition. D’une manière générale, il semblerait en effet
que les décisions médicales résultent pour les interventions non contraintes d’arbi-
trages intuitifs qui intègrent non seulement des risques et des bénéfices perçus, mais
aussi des éléments plus prosaïques comme le coût temporel, économique, cognitif ou
émotionnel de la décision.
Paradoxalement, de nombreuses études de vaccinologie ont montré que les
processus de décision qui sous-tendent l’acceptabilité « épistémique » des vaccins

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LA VACCINATION À L’ÉPREUVE DE L’INDIVIDUALISATION DE LA SANTÉ

dans la population ne sont en réalité pas fondamentalement différents de ceux des


experts. Les travaux de Yaqub et ses collègues ont notamment montré que la peur
d’effets secondaires (risque), la perception d’un faible risque de contracter de la
maladie (bénéfice), la peur de la piqûre (risque) ou la perception d’une faible effica-
cité (bénéfice) étaient en Europe les arguments les plus fréquemment mobilisés pour
refuser la vaccination (Yaqub et al., 2014). Il semble ainsi que l’acceptabilité épisté-
mique de la vaccination repose sur des critères plus riches et plus nombreux que ceux
mobilisés par les experts, même s’il est vrai que cette dernière peut reposer dans une
large mesure sur des croyances erronées, incomplètes ou obsolètes. Il faut en effet
souligner qu’il existe souvent un écart important entre les données sur les risques
et les bénéfices des vaccins collectés dans le cadre d’études cliniques ou épidémio-
logiques, et la perception qu’en ont les populations sur la base des informations qui
circulent dans les médias et les réseaux sociaux. Les recherches sur la perception des
risques et des bénéfices sanitaires ont en effet montré que nos évaluations intuitives
sont sujettes à de nombreux biais qui résultent de ce que les psychologues appellent
les heuristiques de décision, c’est-à-dire des processus cognitifs simples et frugaux
qui nous permettent de traiter rapidement des informations complexes et de prendre
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des décisions dans l’incertitude.
Pour Daniel Kahneman (2012), les humains ont recours à des heuristiques cogni-
tives quand ils substituent l’attribut d’un objet par un autre qui leur vient plus facile-
ment à l’esprit lorsqu’ils doivent porter un jugement. Si ces processus sont souvent
efficaces dans certaines situations de la vie quotidienne, ils peuvent néanmoins
générer des erreurs systématiques de raisonnement qui ont été beaucoup étudiées au
cours des dernières années. Il a été notamment démontré dans le cadre des premiers
travaux sur les biais cognitifs que nous recourons souvent à une heuristique de dispo-
nibilité lorsqu’on nous demande si une cause de décès est plus fréquente qu’une autre,
c’est-à-dire que nous estimons la fréquence des événements en fonction de la facilité
avec laquelle nous sommes capables de nous rappeler des exemples de ces événe-
ments. Cette heuristique semble structurer dans une large mesure notre perception
des risques sanitaires. Ainsi, les homicides étant aux États-Unis beaucoup plus média-
tisés que les accidents par arme à feu, les Nord-Américains ont tendance à penser que
les premiers sont sensiblement plus fréquents que les seconds, ce qui est parfaite-
ment inexact. Dans un contexte d’individuation croissante des décisions en matière de
santé, une dizaine d’heuristiques ont été suspectées de jouer un rôle défavorable dans
la prise de décision vaccinale (Baron, 1998), en particulier :
 la complaisance : cette heuristique désigne la tendance à penser que
les contraintes vaccinales, comme d’autres mesures de prévention des
maladies infectieuses, sont inutiles ou excessives puisque la mortalité
associée à ces pathologies est généralement faible dans nos sociétés.
De cette manière, de nombreuses personnes en viennent à négliger le
fait que le fardeau des maladies infectieuses a été fortement réduit au
cours du siècle dernier grâce à l’implémentation de différentes mesures
de prévention qui ont permis de mieux contrôler notre environnement
épidémiologique.
 la préférence pour le « naturel » : cette heuristique désigne notre tendance
à croire que les produits naturels sont intrinsèquement plus sains ou moins
toxiques que les produits artificiels. Les études toxicologiques montrent
pourtant que cela n’est pas nécessairement vrai, de nombreuses substances

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DÉCEMBRE 2023 • N°62

naturelles étant bien plus dangereuses que la plupart des substances


chimiques produites par l’industrie. Notons au passage que les toxines
produites naturellement par les bactéries tétaniques ou diphtériques (contre
lesquelles ont été développés des vaccins) sont les substances dont la
toxicité relative est parmi les plus élevées sur notre planète.
 la préférence pour l’autonomie : cette heuristique renvoie à notre
tendance à préférer les options non contraignantes qui permettent de
préserver notre liberté. S’il existe dans le champ de la prévention un
débat légitime sur les avantages et les inconvénients des politiques
incitatives par rapport aux politiques coercitives, l’expérience montre que
l’information et la recommandation s’avèrent parfois insuffisantes pour
modifier significativement les comportements individuels et collectifs.
C’est pourquoi il existe dans la plupart des sociétés démocratiques
modernes des politiques répressives plus ou moins draconiennes pour
lutter contre les accidents de la route ou le tabagisme.
 le tribalisme : cette heuristique désigne notre tendance à suivre ou
à adopter l’opinion dominante de notre groupe de référence. Sur les
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questions de vaccination comme sur d’autres, il semble en effet exister un
principe de loyauté aux groupes auxquels nous nous identifions sur la base
de critères territoriaux, religieux, ethniques ou socioculturels. En pratique,
cette heuristique se manifeste par une forme délégation de notre capacité
décisionnelle, le plus souvent au profit de leaders charismatiques dont
nous avons le sentiment de partager les valeurs et les préoccupations.
Des travaux récents montrent ainsi que la vaccination anti-Covid est
rapidement devenue - en particulier en France ou aux États-Unis - un
important marqueur identitaire des préférences politiques et idéologiques
des citoyens au sein de ces sociétés (Ward et al., 2020).
 la préférence pour le statu quo : cette dernière heuristique désigne
notre tendance à la passivité et la procrastination lorsque nous sommes
confrontés à des prises de décisions complexes. Cette tendance se traduit
notamment par une tolérance des individus pour la négligence. En d’autres
termes, nous jugeons plus sévèrement les dommages d’une action positive
(ce que nous avons fait) que celles d’une action négative (ce que nous nous
sommes abstenus de faire). C’est pourquoi les conséquences négatives
d’une vaccination font presque toujours l’objet d’une plus grande attention -
ainsi que d’une plus grande indignation - que celles d’une non-vaccination.
Pour terminer sur ce point, il faut souligner que dans l’économie de l’attention qui
s’est développée depuis une vingtaine d’années, la critique vaccinale constitue un produit
cognitif particulièrement intéressant pour les acteurs de ce marché. Dans un contexte
caractérisé par une montée en puissance des préoccupations autour de la sécurité sani-
taire, la diffusion d’informations anxiogènes et surprenantes sur les vaccins est une
stratégie qui permet de retenir largement l’attention des médias sociaux. Les données
disponibles montrent ainsi que l’information générée par les acteurs critiques de la
vaccination est sensiblement plus abondante et plus constante que celle produite par
les acteurs de la santé publique (Ward et al., 2015). Il faut également noter que la vacci-
nation occupe une place de choix dans les théories conspirationnistes contemporaines,
qui l’accusent notamment d’être au cœur d’un vaste projet de contrôle des populations.
Ainsi, malgré ses succès probants dans la lutte contre les maladies infectieuses, la
vaccination fait encore aujourd’hui l’objet de nombreux fantasmes !

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LA VACCINATION À L’ÉPREUVE DE L’INDIVIDUALISATION DE LA SANTÉ

IV- 
LA PROMOTION DE LA VACCINATION À L’ÈRE DE
L’INDIVIDUATION
Comment préserver l’immunité collective contre les maladies infectieuses contrô-
lables dans un contexte défavorable aux programmes de vaccination ? Cette ques-
tion interpelle aujourd’hui les institutions sanitaires dans la plupart des démocraties
confrontées à une défiance populaire croissante vis-à-vis des vaccins. En pratique,
comme nous l’avons évoqué plus haut, les pouvoirs publics disposent de trois princi-
pales stratégies pour favoriser des comportements de prévention : l’approche coer-
citive, qui vise à sanctionner d’une manière ou d’une autre la non-observance des
recommandations ; l’approche persuasive, qui vise à convaincre les populations de
l’importance des vaccinations recommandées, et enfin l’approche incitative, qui vise
à récompenser la vaccination - par des incitations économiques comme des primes
salariales, ou à rendre coûteuse l’abstinence vaccinale - par exemple en interdi-
sant les personnes non vaccinées à bénéficier de certains services publics. Notons
au passage que c’est cette dernière stratégie qui a été appliquée en France dans le
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contexte de la pandémie de Covid-19 avec l’introduction du passeport vaccinal. Actuel-
lement, si la tendance est sans aucun doute dans un nombre croissant de pays démo-
cratiques à un retour aux politiques vaccinales coercitives, nous pensons néanmoins
- sur la base de la littérature scientifique - qu’il existe toujours une marge de progres-
sion importante des couvertures vaccinales en mobilisant intelligemment certaines
méthodes persuasives.
Au cours de la dernière décennie, de nombreux travaux ont été conduits en
Amérique du Nord et en Europe pour évaluer différentes méthodes de promotion de
la vaccination en population générale ou dans les groupes à risque (personnes âgées,
soignants, etc.). D’une manière générale, ces méthodes reposent sur la mobilisation
de trois principaux concepts qui peuvent être instrumentalisés dans le cadre d’inter-
ventions spécifiques : la capacité à agir, l’opportunité à agir et la motivation à agir. Le
premier de ces concepts fait référence pour l’essentiel à notre capacité à comprendre
et à s’approprier dans le processus décisionnel les informations cliniques favorables
ou défavorables à la vaccination, en particulier celles relatives à la balance risque-bé-
néfice de l’intervention. En la matière, les données de la littérature montrent que les
concepts mobilisés par les experts de la santé publique sont souvent mal compris par
les Français. Les études récentes de numératie en santé ont notamment révélé que
les raisonnements statistiques et probabilistes de base qui sous-tendent les décisions
médicales font l’objet d’une maîtrise relativement médiocre de la part de nos conci-
toyens (Raude et al., 2021). Il existe donc un enjeu de santé publique majeur autour
de la compréhensibilité des informations sanitaires mises à disposition du public, qui
est aujourd’hui bien identifié dans le cadre des stratégies spécifiques de renforcement
des capacités plus connues sous le nom de « littératie en santé ». Il faut toutefois
noter que de nombreuses expérimentations ont été conduites ces dernières années
afin d’améliorer la compréhension des informations sur les risques et les bénéfices
des traitements médicaux. Les résultats de ces recherches suggèrent notamment
que l’utilisation des fréquences naturelles - c’est-à-dire une représentation graphique
plutôt que numérique de l’information statistique - permettrait d’augmenter signifi-
cativement la capacité des individus à interpréter des données épidémiologiques de
manière satisfaisante (Akl et al., 2011).

158 •
DÉCEMBRE 2023 • N°62

Le deuxième concept renvoie à l’ensemble des interventions qui permettent de


réduire les écarts entre l’intention et l’action des individus. L’expérience montre en
effet que la modification des intentions - par des campagnes de sensibilisation - est
souvent insuffisante pour produite des effets tangibles. En pratique, les politiques
d’opportunité prennent souvent la forme d’interventions environnementales qui faci-
litent l’accès aux produits ou aux services de prévention, comme la vaccination grip-
pale dans les pharmacies ou sur le lieu de travail. Pendant la pandémie de Covid, une
opérationnalisation de ce concept a également consisté en la mise en circulation de
« vaccibus » dans les territoires ruraux ou urbains les moins bien dotés en ressources
médicales. Dans la littérature, l’analyse des échecs et des succès des campagnes
vaccinales récentes montre combien il est important de prêter autant d’attention aux
aspects pratiques qu’aux aspects épistémiques dans l’élaboration et la mise en œuvre
des programmes de promotion de la vaccination.
Le troisième concept est sans doute le plus important dans la construction des
stratégies de promotion vaccinale contemporaine. La motivation désigne en effet
les raisons pour lesquelles nous sommes susceptibles d’agir avec plus ou moins
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de volonté et de persévérance. La motivation implique généralement des facteurs
sociaux, cognitifs et affectifs qui sous-tendent l’initiation, l’orientation et la persistance
d’actions individuelles ou collectives en vue de la réalisation de certains objectifs.
Dans le domaine de la promotion de la vaccination, on peut distinguer deux princi-
paux types d’approches motivationnelles. La première repose sur des méthodes de
communication impersonnelle qui visent à pallier nos capacités d’attention limitées : il
s’agit par exemple de l’envoi de lettres ou de messages (SMS, courriels) qui viennent
nous rappeler qu’il est possible ou important de se faire vacciner dans un certain
lieu et à une certaine période. Les données de la littérature montrent que cette stra-
tégie est globalement efficace, même si les effets observés sur la couverture vacci-
nale restent modestes - de l’ordre de quelques points de pourcentage. La seconde
approche repose sur des méthodes de communication interpersonnelles qui visent
à accroître la motivation des individus à agir dans le cadre d’interactions humaines,
c’est-à-dire des entretiens, des consultations ou des discussions, en particulier avec
des professionnels de la santé. Plusieurs études expérimentales ont permis d’évaluer
ces dernières années différentes méthodes d’intervention interpersonnelle dans le
domaine de la vaccinologie. Bien qu’elles soient plus complexes et plus coûteuses
à mettre en œuvre que les approches impersonnelles, ces méthodes semblent être
sensiblement plus efficaces pour induire des changements dans les comportements
vaccinaux (Thomas and Lorenzetti, 2018).
En la matière, on distingue par ailleurs deux principales méthodes d’intervention
interpersonnelle qui visent à accroître la motivation des acteurs à se faire vacciner. La
première est la méthode de l’entretien motivationnel, qui a été initialement développée
dans le champ de l’addictologie. Fondamentalement, cette méthode d’accompagne-
ment au changement consiste, par des entretiens semi-structurés, à permettre aux
patients : 1) de réduire l’ambivalence qui sous-tend leurs comportements à risque,
c’est-à-dire d’identifier plus clairement de bonnes raisons pour lesquels ils devraient
adopter des comportements favorables à la santé (ou abandonner des comporte-
ments défavorables à la santé) ; 2) de planifier l’implémentation de ces changements
dans leur vie quotidienne ; et 3) d’évaluer la mise en œuvre de ces changements de
comportement, et d’adapter le cas échéant les pratiques en fonction des difficultés

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LA VACCINATION À L’ÉPREUVE DE L’INDIVIDUALISATION DE LA SANTÉ

rencontrées. S’il a fait aujourd’hui la preuve d’une certaine efficacité clinique, l’en-
tretien motivationnel présente néanmoins des inconvénients dans la mesure où
il est peu adapté aux interventions brèves qui sont généralement plébiscitées par
les soignants en raison de leurs contraintes d’emploi du temps. C’est pourquoi la
méthode présomptive, une méthode d’intervention moins chronophage, mais aussi
plus directive, a été récemment développée par l’équipe de Noel Brewer aux États-
Unis. Il s’agit ici pour les soignants de rappeler aux patients dans le cadre des consul-
tations l’importance de la vaccination - lorsque ces derniers ne sont pas à jour de leurs
vaccins - et de programmer l’injection dans le cadre de cette même visite. Ainsi, cette
méthode est qualifiée de « présomptive », car il est demandé aux professionnels de
ne pas présumer a priori que les patients présentent une aversion à la vaccination.
Une conversation similaire à celle qui est proposée dans le cadre de l’entretien moti-
vationnel est toutefois engagée si les patients expriment des inquiétudes vis-à-vis des
vaccins concernés. Les données des premières études cliniques tendent à démontrer
l’intérêt de la méthode puisque cette dernière aurait permis d’augmenter de plus de
5 points de pourcentage la couverture vaccinale contre le papillomavirus humain dans
les centres médicaux participants (Brewer et al., 2017).
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V- CONCLUSION
Depuis une quinzaine d’années, les politiques vaccinales sont confrontées
en France comme ailleurs à des processus d’individuation des choix de santé, qui
se traduisent également par une montée de l’hésitation vaccinale chez les patients
comme dans certaines catégories de soignants. En France, le phénomène est par
ailleurs exacerbé par une crise de confiance vis-à-vis des institutions médicales, qui
est sans aucun doute plus importante qu’ailleurs et qui se manifeste par des couver-
tures vaccinales sensiblement plus faibles que dans la plupart des pays voisins.
Pour contrer cette désaffection vaccinale, des campagnes de communication ont été
mises en œuvre par les pouvoirs publics, mais leur évaluation montre que leurs effets
sont pour le moins limités. Sur la base des preuves scientifiques disponibles, nous
pensons toutefois qu’il existe des leviers d’action qui pourraient permettre de limiter
l’hésitation vaccinale : il s’agit notamment de former les professionnels de santé
aux méthodes de changement de comportement éprouvées et d’expérimenter sur le
territoire national des programmes innovants de promotion de la vaccination qui ne
fassent pas l’économie de relations humaines. Nous pensons en effet que l’investisse-
ment dans le capital humain – à travers la formation continue et la formation initiale
dans les écoles de soins infirmiers et de médecine – constitue sans aucun doute la
meilleure des manières de relever le défi de l’individuation de la santé.

160 •
DÉCEMBRE 2023 • N°62

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