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Articles LesCahiersde la RechercheDéveloppement,n042- 1995

e Guatemala est souvent prhenté comme l’exemple du pays dominé


par une oligarchie toute-puissante. Il ne saurait être question de pré-
tendre le contraire. 11est même actuellement peu fréquent de rencontrer
un pays dans lequel un groupe relativement réduit de grandes familles
est en mesure de contrôler aussi étroitement l’ensemble de l’économie et
uße société à majorité indienne et paysanne. Toutefois, si l’oligarchie
s’un$e en particulier dans la défensede cet ctordre social i)global, elle se
trouve par ailleurs profondément divisée par des conjlits dktérêts puis-
sants, ceux-ci atteignantparfois desformes de violence extrêmes.
II en est ainsi des relations entre grands planteurs et expoîfateurs de café
dont l’histoire a unpeuplus d’un sicle. Loin d’être ctfroide )j, l’histoire de
ces relations estfaite d’alliances et d’oppositions, de convergences et de
divergences. Elle manifeste les intérêts contradictoires d’un groupe dont
la désignation générique a trop longtemps masqué la profonde hétérogé-
néité.
Les antagonismes entre oligarques sont d’ailleurs d’autant plus forts que
le café draine d’énormes quantité d’argent. Depuis le dernier tiers du 1Pè
siècle, il est le pwduit moteur de l’économie agricole d’exportation
guatémaltèque et aussi le principal pourvoyeur du pays en devises.
L’évolution d’une région particulière, la Costa Cuca, va ici nous servir de
cadre d’étude. Mais les mutations qu’a connu la région depuis un siècle
révèlent des dynamiques socio-économiques qui, loin d’être isolées,
structurent lepays dans son ensemble.
* Géographedu GRAL-CNRS.
*’ ORSTOM,socio-anthropologue.
J-C. Tulet, C-E. de Suremain Les frères ennemis

La Costa Cuca : un système de Par ailleurs, la Costa Cuca est à mi-che-


min entre les hautes et les bassesterres, à
plantations résolument caféier
une quarantaine de km à l’est de la fron-
Administrativement, la région de la Costa tière mexicaine. Reliée par un réseau rou-
Cuca appartient au Quetzaltenango, tier praticable en toute saison, la région
département du sud-ouest du pays. Elle compte une ville (Coatepeque) au déve-
occupe le nzunicipio de Colomba et une loppement commercial et démographique
partie de ceux de Coatepeque (à l’est) et impressionnant. Depuis la colonisation de
de Flores (au sud)‘. La Costa Cuca se la zone par les planteurs de café vers
situe sur le versant occidental, ou paci- 1860-70, de nombreux commercants, ban-
fique, de la Sierra Madre, la vaste chaîne quiers, acheteurs-transformateurs de café
de montagnes et de volcans qui traverse et autres exportateurs y ont afflué. Pour
le pays d’est en ouest, et s’étend sur envi- une ville qui comptait environ 20 000
ron 250 km2 (figure 1). habitants en 1981, on dénombre une

t
N BassesTerres
du Nord

Mexique

Sierra de Chamh
Cuchumathnes

Hautes Terres
occidentaies

Sierra de Chuaclis

- Départementde Que:zaitenango

CostaÇuca
El Salvador

km

Figure 1 - Localisafion de la Costa Cuca


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dizaine de banques et une vingtaine tion régionale figure parmi les plus
d’industriels (acheteurs et/ou transforma- importantes du pays avec environ
teurs) de café. 11 500 tonnes de café déparché (oro) en
1987, soit plus de 6% de la production
L’intérêt manifesté par les différents
nationale totale. Comme les besoins en
acteurs s’explique par Pesconditions agri-
main-d’oeuvre sont très élevés, les fincas
coles et sociales très avantageuses dans
abritent de nombreuses familles réunies
lesquelles Ee 11grain d’or t) peut être
expioité sur Ea Costa Cwa. La région autour d’un ouvrier agricole, dit « perma-
s’étend en effet de 800 ni à 1 500 m d’alti- nent I), qui, en plus d’un salaire, reGoit en
tude ; He climat qui y règne est de type usufruit une petite baraque de bois pour
tropical humide ; les précipitations se dis- se loger (rancho). Les villages de planta-
tribuent inégalement entre deux grandes tion (rancher~as) sont situées au cceur
périodes de J’armée,l’hivernage (de juin à des exploitations et regroupent souvent
novembre) et l’été (de décembre à mai). 500 à 1000 personnes.
L’alternance du régime des pluies ne pro- En général, les exploitations de ia Costa
voque pas de sécheresseet il n’y a aucun Cuca sont moins vastes que celles des
risque de gel. Seul le vent provoque par- autres régions caféières du pays (Alta
fois des dommages dans les caféières Verapaz, Santa Rosa et San Marcos par
d’altitude. Par ailleurs, la topographie de ordre d’importance décroissant). Avec 130
la région est assez marquée et les cours à 150 ha par exploitation, la Costa Cuca
d’eau qui défilent entre les collines sont fait même figure de région de
nombreux. Dans ce paysage, le caf6 est (1moyennes j) plantations dans le contexte
c-l’
omniprésent et Besrestes de forêt primaire guatémaltèque. Sur un total d’environ
96 se fmt de plus en pius rares. Il s’agit de 120 fincas, un peu plus d’une centaine
plantations presque exclusivement sous comptent entre 100 et 300 ha, si l’on
ombrage, quoique les variétés soient exclut toutefois les parcelles des trois
toutes à haut rendement, dites de ((communautés agraires j>de la région2.
« soleil ~a,car elle supportent la pluie, à
l’inverse des variétés 1~traditionnelles )‘. Cette caractéristique foncière n’est pas
sans conséquences sur le plan social. De
Sur Ea Costa Cuca, comme dans Ie reste fait, les fincas sont souvent l’unique
du Guatemala, la culture du café est lar- source de revenu des planteurs de la
gement dominée par la grande plantation Costa Cuca. Les finqueros de la région se
(@ca) de 200 ha et plus, contrairement à montrent ainsi généralement plus entre-
ce qu’il advient dans la plupart des autres prenants et « progressistes ‘1 que ceux
pays producteurs de café arabica du pour lesquels la plantation n’est qu’un
monde. Nous estimons à 120 le nombre simple capital social. Il faut également
de plantations de café comprises entre souligner ici l’attachement affectif de ces
37 ha et â 100 ha sur ia Costa Cuca. La « moyens j) planteurs pour une terre
superficie caféière de la région couvrant léguée par Peurs parents et qui leur
15 000 ha (sur 25 000 ha au total), la confère un statut prestigieux, et envié,
superficie moyenne des plantations est dans la société locale.
donc de 125 ha. A B’ha, la production
moyenne de café cwo (766 kg) dans la 2 Ii s’agitde propriétésqui ont été expropriéesà desplanteurs
allemands.Ellesont été ensuiteredistribuéesaux ouvriers
région est légèrement supérieure à la agricoles qui y travaillaientpendantla secondeguerremondialeet
moyenne nationale (760 kg). La produc- I’épisodede la crévolution guatémaltèquej (1944-1954).
I.-.C. Tulet. C.-E. de Suremain Les frères ennemis

IJne autre caractéristique de la Costa Cuca Frangeais. Dans l’ensemble, ces colons
est que le café y reste un 1~produit n’appartiennent pas à l’élite sociale, poli-
moteur 11.Historiquement, son exploita- tique ou économique de leur pays d’ori-
tion a toujours eu la priorité dans les stra- gine. Mélange d’aventurier, d’agriculteur,
tégies de diversification agricole. La canne de commercant ou d’ancien soldat déser-
à sucre, la cardamome, le caoutchouc, le teur, ces planteurs se distinguent des
cacao et l’élevage n’ont en effet jamais autres caféiculteurs guatémaltèques qui, à
supplanté le café, en dépit des fortes fluc- l’époque, se recrutaient parmi les élites
tuations qu’il a connu. C’est toujours par (1créoles ‘1politiques et militaires.
rapport à la culture du café que les plan-
Les alliances entre les familles locales et
teurs ont limité l’extension de leurs
étrangères (surtout allemandes) les plus
débouchés secondaires successifs et c’est riches se scellent pourtant peu à peu. Dès
encore par rapport à lui qu’ils envisagent
le début du siècle, l’influence régionale
ceux à venir.
de quelques grands clans, dont les
La production de café est donc impor- membres étendent sans cesse leurs pro-
tante dans la Costa Cuca, surtout dans le priétés, s’accroit. Sur la Costa Cuca, le
municipio de Colomba qui s’impose cumul de la terre et du capital favorise
comme l’épicentre de la région. Malgré ie l’apparition des premières « usines de
faible degré de modernisation des fiEcas, transformation du café >:(beneficios). Le
Colomba se maintient dans ie peloton de matériel de ces usines provient des États-
tête des mzrnicipios producteurs du pays Unis, de France ou d’Angleterre où leurs
depuis environ un siècle. propriétaires se rendent régulièrement.
Comme dans toute l’Amérique centrale, 97
ces usines fonctionnent simultanément
Mise en place et mutations pour transformer la matière première, en
successives de la caféiculture sur la maisons d’achat et en compagnies
Costa Cuca (187 1 - 1989) d’exportation. Au début du siècle, les
usines de la Costa Cuca se comptent sur
les doigts d’une seule main. Les clans les
Un « système familial » de grandes plus puissants se partagent ainsi l’achat et
plantations (1871- 1935) la transformation du café en imposant
La prééminence du café et de l’ordre leurs conditions. Ils occupent le centre du
social qui en résulte n’est nullement le paysage agricole, social et économique
résultat d’une évolution progressive, mais régional. A l’époque, la capitale du pays
bien celui d’une politique délibérée du est à trois jours de cheval et il est prati-
gouvernement libéral de la fin du siècle quement impossible d’échapper à ces
dernier visant, d’emblée, à produire du filières familiales dominantes en achemi-
café au moyen de propriétés privées nant le café en-dehors de la région.
moyennes ou grandes. En 1871, lorsque La première guerre mondiale provoque
le gouvernement libéral ouvre la région une première transformation du système,
par la vente de lots destinés à la produc- sans toutefois le bouleverser. La fluctua-
tion caféière, la Costa Cuca attire de nom- tion des cours du marché, la vente de
breux colons en majorité Allemands, en quelques grandes propriétés à de grands
plus de quelques Suisses, Belges, commerçants et l’entrée des Américains
Espagnols, Anglais, Ffollandais, Italiens et dans le commerce du café sont les faits
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marquants de cette époque. Dès lors, les L’indépendance des producteurs se ren-
Allemands ne sorit plus Ies seuls à régner force avec Pa période de la c révolution
sur ce secteur de I’économie. d’octobre ‘) comprise entre 1944 et 1954.
Mais c’est la grande crise économique de La décennie voit en effet l’arrivée au pou-
1929, dont Eeseffets sur le café se font voir d’un gouvernement réformiste, quali-
sentir à partir de 1932, qui affecte le plus fié de 11subversif » par les oligarques du
la région. De fait, la faillite des principales pays, qui tente de stimuler la naissance
d’un capitaiisme moderne. Sur la Costa
usines provoque la ruine de nombreux
Cuca, les quelques tentatives de réformes
producteurs. Dans la région, une trentaine
sociales et agraires mises en place durant
de planteurs surendettés, y compris des
ces dix armées vont immédiatement pro-
Allemands, vendent leurs exploitations.
voquer la réaction des producteurs.
Dans ce contexte, le monopole industriel Quoique moins d’une dizaine d’entre eux
et commercial des « grandes familles 1:est aient été directement concernés par la
sérieusement érodé. Certains benefîcios réforme agraire, la plupart des proprié-
ferment leurs portes tandis que d’autres taires vont vendre des terres jusqu’alors
passent aux mains de planteurs plus inexploitées ou sous-exploitées (bois,
solides. pâtures), rationaliser la gestion de Eeur
exploitation, augmenter Ieur production
.et améliorer sensiblement les conditions
de vie et de travail de leurs ouvriers agri-
La remontée des cours du café dès 1940 coles.
C= permet à certains pianteurs, et aux com- A la même époque, l’oligarchie allemande
98 merçants les pEus puissants, de racheter est en partie expropriée de ses terres au
les exploitations de Eeursvoisins endettés, titre de (1dommage de guerre 1))une
d’instailer leur propre usine et d’accroître mesure qui fait bien entendu E’affairedes
Ia surface cultivée en café. Ce mouvement concurrents américains et des autres euro-
d’autonomisation des caféiculteurs en péens. Néanmoins, une fois Ie (1gouver-
nement révolutionnaire 1)renversé en 1954
matière de transformation va prendre
par un coup d’État militaire appuyé par
d’autant plus d’ampleur que, désormais,
les États-Unis, on assiste à un retour en
le matériel costaricien, beaucoup moins
force progressif des Allemands dans l’éco-
onéreux que le matériel européen ou
nomie caféière, tant au niveau de la pro-
américain, est disponible au Guatemala. duction, du financement que de la
ê’est ainsi qu’une vingtaine de nouvelles commercialisation.
usines apparaissent dans la région entre
1940 et 1945. C’est également l’époque où ~encudrement de l’économie café&e
chaque plantation tente, avec plus ou par I’hacafé [I 960- 1989)
moins de succès, de vendre par elle- La caféicuiture guatémaltèque des années
même son café. Dans ce contexte, ce sont 60 est marquée par Ea création de
surtout les expPoitations termes par des l’Association nationaie du café CAnacafé>,
Allemands qui s’en sortent le mieux, une institution semi-privée - ou semi-éta-
essentiellement à cause de l’importance tique - censée représenter tous les pro-
de la colonie germanique dans le pays et ducteurs du pays. En principe, 1’Anacafé
des rapports étroits qui l’unit aux banques se doit d’assister, au moins technique-
d’Outre-Rhin. ment, les caféiculteurs grands ou petits.
J.-.C. Tulet, C.-E. de Suremain Les frères ennemis

L’Anacafé a un pouvoir énorme. Il lui la Costa Cuca. La crise révèie en effet


revient en effet de contrôler l’affectation toutes les faiblesses et les irrégularités
des parts de marché entre toutes les d’un système foncier, agricole, social et
exploitations du pays. Chaque exploitant financier suranné. Sans doute convient-il
se doit ainsi de déclarer sa production s’il ici de souligner l’extrême dépendance
veut l’exporter dans les proportions qui des exploitations vis-à-vis du secteur ban-
lui sont dictées par 1’Anacafé. Si le sys- caire.
tème des quotas, qui fonctionne jusque
Sur la Costa Cuca, mais cela semble être
dans les années 70, a le mérite de stabili-
ser les prix de vente du produit à le cas dans d’autres régions caféières du
l’échelle nationale, il a le désavantage de pays, le problème principal des produc-
favoriser les petits cercles de producteurs teurs est donc l’accès au crédit. Ce pro-
qui gravitent dans la haute administration blème, bien entendu, s’aggrave en
de l’institution au détriment des petits période de crise, lorsque les coûts de
planteurs isolés. production et d’entretien, incompressibles
sous peine de mettre en cause la survie
C’est ainsi que, peu à peu, 1’Anacafé va
des caféiers beaucoup plus vulnérables
former un véritable Iobby où I’informa-
que les variétés traditionnelles, devien-
tion circule au seul profit des grands
nent supérieurs aux prix de vente. A titre
caféiculteurs. Un véritable marché noir de
indicatif, les planteurs estiment que la
quotes-parts voit alors le jour, certains
production d’un quintal de café perga-
exploitants n’hésitant pas à soudoyer des
wino revient à environ 300 Quetzales
inspecteurs afin d’obtenir des parts de
marché plus importantes. D’autres plan- alors que, entre 1989 et 1994, le même -
teurs rachètent les quotes-parts de leurs quintal se vendait à 150 Quetzales (à taux 99
voisins en difficulté. Ce trafic d’argent et de change égal). Pour surmonter leurs
d’influente fait bien entendu l’affaire des difficultés financières, les producteurs ont
compagnies d’exportation de café. Kon deux solutions : emprunter aux banques
seulement celles-ci augmentent leurs ou aux exportateurs de café. Mais, les
bénéfices, mais, de surcroît, elles dispo- contraintes de l’économie du café et la
sent désormais de puissants moyens de vigueur des relations de clientélisme sont
pression auprès de l’ilnacafé pour pénali- telles que, en réalité, il semblerait que les
ser les planteurs qui tentent d’échapper à producteurs de café n’aient pas vraiment
leur emprise. la possibilité de 1~choisir 1’leur créditeur.
A première vue, les taux d’intérêt consen-
La dépendance par la crise tis par les banques (20 à 25 %) sont plus
(1989-1994) intéressants que ceux des exportateurs
(30 à 35 %>. 11en est de même pour Ies
Le contrôle de l’argent du café par les garanties exigées : tandis que les banques
grands exporTateun se contentent de prendre une option sur
En 1989, la rupture des accords interna- la vente du produit, les exportateurs exi-
tionaux du café provoque une crise gent une hypothèque sur les exploita-
importante (à la fois surproduction et tions. Néanmoins, c’est là le coeur du
chute des prix du produit) dans la caféi- problème, les planteurs continuent
culture guatémaltèque, surtout dans les d’emprunter aux seconds plutôt qu’aux
régions de moyennes plantations comme premiers. Et les raisons de ce choix sont
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d’autant plus complexes à saisir que per- considérables. La très forte hausse des
sonne, des planteurs, des banquiers ou prix du café en 1994, par exemple, est
des exportateurs, n’ose véritablement en survenue après que la plupart des caféi-
parler. Rappelons seulement que, au culteurs aient déjà vendu leur récolte à
Guatemala; le secteur exportateur est bas prix (ceux de l’année 1993-1994).
dominé par quelques compagnies puis- Mais si plusieurs années de crise se sui-
santes dont les principaux actionnaires vent, il est clair que l’avance en argent
sont allemands, ces derniers s’imposant peut se transformer en dette véritabre.
en fait comme Ies 11spécialistes histo- Pour les producteurs, l’autre problème est
riques )) de ce type de service depuis le que les compagnies d’exportation de café
dernier tiers du 196 siècle3. ont des actions dans les principales
Tout d’abord, compte-tenu de la com- banques du pays (Banco Agrkola, Banco
plexité du marché caféier, il est particuliè- Industrial, Banco del Occident). Par ce
rement risqué d’exporter son café moyen, les producteurs sont étroitement
lorsqu’on est un producteur isolé. La contrôlés par leurs créditeurs et n’ont pas
connaissance du marché requiert toute vraiment la possibilité de leur échapper.
une logistique et l’assistance d’intermé- C’est également à travers les banques que
diaires spécialisés qui suivent les cours de les grandes compagnies d’exportation
Ia bourse et en connaissent les méca- contrôlent les petits exportateurs qui opè-
nismes. Dans Ies conditions extrêmement rent à I’échelle régionale. Ces derniers,
spéculatives du marché, il est essentiel qui ne peuvent pas travailler sans l’aval
~ qu’un planteur sache s’attirer les faveurs des banques et des grands exportateurs,
100 de l’exportateur afin de pouvoir vendre ne peuvent donc pas être d’un grand
son café dans les conditions les moins secours pour Ies caféiculteurs.
désavantageuses. D’où la nécessité, pour Mais le mécanisme de l’endettement chez
les producteurs, de fréquenter les cercles les planteurs emprunte parfois des voies
d’exportateurs dans les clubs de loisir de plus complexes. Pendant toute la décen-
la capitale, d’assister aux réernions dinfor- nie 80, les exportateurs ont en effet
mation organisées à 1’Anacafé et de consenti des prêts aux planteurs, à des
rendre régulièrement visite aux acheteurs. taux particulièrement avantageux pour Ie
Bien entendu, la dépendance du produc- pays (environ 20 %), afin qu’ils rénovent
teur vis-à-vis de I’exportateur s’accroît en leurs caféières. Ce faisant, les grandes
période de crise. HIest ainsi fréquent que compagnies ont accéléré le processus de
les planteurs vendent leur récolte de café modernisation des exploitations de nou-
sur pieds aux exportateurs pour faire face velles variétés de café productives
à leurs frais de gestion divers. Il s’agit (caturra, catuag, et avec des plantations
alors &Obtenir une « avance )) en argent à haute densité, se sont substituées aux
permettant le fonctionnement de I’exploi- anciennes (bourbon, typica), les machines
tation. C’est ainsi que, par ce moyen, les ont été remplacées, etc. Bien entendu,
créditeurs peuvent faire des bénefices tous ces changements culturaux et tech-
niques étaient persus par les producteurs
3 Lespremikes plantationsde café du Guatemalaen Ah comme le signe inéluctable de l’avancée
Verapazétaientgérécspar des administrateursdirectement du Progrès. Parallèlement, les exporta-
envoyéspar Ies grandesmaisonsde commercede Hambourg,
contrairementaux autrescolons européensbeaucoupplus isolés. teurs leurs ont également prêté de I’argent
Surcescaractéristiques,cf. WagnerR.,LosAhzanes CE afin qu’ils se défassent d’une partie de
Guafetnaia.Guatemala: UniversidadFransiscoMarroquin,1991.
J.-C Tulet, C.-E. de Suremain Les frères ennemis

leur nombreuse main-d’oeuvre. Certains guère d’autre choix pour conserver leur
planteurs vont d’ailleurs jusqu’à dire que exploitation*.
les crédits alloués à la modernisation des
exploitations n’étaient versés qu’à la Lesjiinqueros victimes d’un complot ?
condition où une partie de l’argent soit D’après les producteurs, le pouvoir des
destinée à l’éviction des familles grands exportateurs allemands s’étend
d’ouvriers. Quoi qu’il en soit, pendant jusque dans la sphère politique. Ils sont
toutes ces années, leurs dettes se sont sin- ainsi convaincus que l’État guatémaltèque
gulièrement accumulées tandis que les est l’un des outils grâce auquel le secteur
coûts de production n’ont cessé d’aug- des commerçants du café accroît son
menter. emprise sur le secteur des producteurs.
Cette politique a incontestablement per- Comme preuve des arrangements souter-
mis à certains exploitants de s’enrichir, rains qui lient les exportateurs et la poli-
notamment entre 1986 et 1988 alors que tique, les planteurs rappellent ce qui s’est
les prix du café sont restés stables et éle- passé en septembre 1991, alors que
vés. Kéanmoins, pour de nombreux plan- Vinicio Cerezo Arévalo allait laisser ia pré-
teurs, l’endettement est devenu sidence de la République à Jorge Serrano
insupportable dès 1989 lorsque les prix Elias.
du café ont chuté. C’est ainsi que les Durant tout le mandat du Président
exportateurs ont encore prêté de l’argent Cerezo, la parité du Quetzal et du Dollar
aux producteurs pour les (1 aider ‘1à rem- était restée fixe ($1 pour 5,30 Quetzales).
bourser leurs dettes. Sur la Costa Cuca et A la fin du mandat, en revanche, la parité
dans les régions alentours, on estime à 55 passa de $1 pour 5,87 Quetzales. G
le nombre de exploitations hypothéquées Simultanément, le gouvernement décréta
et, finalement, reprises par les grandes l’augmentation du salaire minimum agri-
compagnies d’exportation entre 1989 et cole qui passa alors de 6 à 10 Quetzales.
1994. Or, juste après cette augmentation, il se
trouve que les prix du café s’écroulèrent.
11serait certainement abusif d’affirmer que
Aussi, l’augmentation du salaire minimum
les exportateurs contraignent les planteurs
et la chute des prix du café eut d’autant
à leur emprunter de l’argent. Néanmoins,
plus de conséquences que la cueillette
compte-tenu des conditions d’insécurité
venait à peine de s’achever et que les
du marché caféier et des coûts de produc-
planteurs devaient rémunérer la plus
tion très élevé d’une plantation moderni-
grande partie de leurs ouvriers (arriérés
sée, il est clair que les caféiculteurs,
de salaires, « primes ‘1 de cueillette et
surtout les 1~moyens ‘1, n’ont souvent
~1gratifications » de fin d’année en même
4 - En 1985-1986, une excellenteannéepour le marchéCL
produit, les producteurspercevaientprèsde S 125(environ temps). C’est alors que, conformément à
700FF) par quintal de caf&pe?~~?n~ino vendu à l’exportateur l’usage, la plupart des caféiculteurs
(le quintal centraméricainpèse46 kgI. Au prix de l’époque,il
recevaientdonc environ 15FF par kg de cafépergaminoproduit. empruntèrent de grandes sommes
Or, en moyenne,les caféiculteursguatémaltèques produisaient d’argent aux exportateurs à des taux
34 quintauxde cafépe1garn0zoà I’ha et par an. Par ha, leur
recettese montaitdonc à prèsde $ 4 250soit à environ d’intérêts qui augmentèrent d’ailleurs bru-
23 375FF.En déduisantles divers coûtsde production.estimésà
4 000FF par ha, la margedes planteursde café est très talement.
importante(19 375FFsoit environ 12%de b&néfice).En 1989,en
revanche,le prix d’achatdu quintal chutaconsidérablementS 54 De manière générale, cet épisode
soit 324FF).Dès lors, les recettesà I’ha ne furent plus que confirme l’observation de Le Bot (1992 :
d’environ ! 1 000 FFet les bénéficesde 7 MWFF (de Suremain,à
paraître) 75) selon lequel (1Dans la majorité des
Articles LesCahiers de la RechercheDéueloppement,n”42- 1995

cas, les relations de (...> Il’oligarchiel avec Sauver la ha esûte que coûte
1’Etat sont instrumentakes, empreintes de
Des .Waté@esagricoles complémentaires
hauteur et de méfiance 1)(Le Bot : 1992).
A ceci près que, dans le cas qui nous Pour parvenir à une situation financière
intéresse, on constate que I’oPigarchie est plus saine et moins dépendante des finan-
profondément scindée en au moins deux cements extérieurs, certains planteurs de
groupes. Les planteurs, en l’occurrence, la Costa Cuca tentent de développer des
se présentent comme Eesvictimes d’une activités agricoles complémentaires, dites
gigantesque manipulation politique (non-traditionnelles>>,à la cukure du café
orchestrée par le secteur exportateur et dans le cadre de l’exploitation6.
mise en pratique par le gouvernement La diversification culturaIe n’est cepen-
Cerezo. Cette interprktation traduit assez dant pas un fait nouveau. Déjà, lors de la
fidèlement les tensions qui marquent les colonisation de la région au 1% siècle, Ees
relations entre le groupe des producteurs, autorités politiques pays incitaient les
des exportateurs et des gouvernants. agriculteurs à cultiver d’autres produits
Chaque groupe, en réalité, souhaite utili- que le café (quinine, thé, canne à sucre>.
ser les autres pour défendre, ou accroître, Jusqu’au milieu du 20è siècle, les pIan-
ses propres intérêts5. teurs entretenaient des pâtures destinées
aux animaux de traits à la production lai-
D’après les planteurs, les exportateurs tière. Toutefois, ces activités ne se sont
SQntprêïS à tout pour S’impIanter dans BeS jamais imposées au café. Il est vrai
I meilleures régions caféières, sur la Costa qu’elles étaient surtout destinées à com-
IO2 Cuca en particulier, et contrôler progressi- pléter en nourriture Pesalaire les ouvriers
vement l’ensemble de la filière du café. A et à faire fonctionner les plantations (ani-
la stratégie de contrôle verticale, succède- maux de trait). II ne s’agissait donc pas
rait donc une stratégie de contrôle hori- encore de débouchés économiques com-
zontale qui devrait déboucher sur un plémentaires à la culture du café.
véritable monopole. Le moyen de cette La nécessité de trouver des cultures alter-
stratégie serait donc de provoquer r’endet- natives réelles à la culture du café fait
tement des pIantations en jouant à la fois encore actuellement l’objet d’une promo-
sur les fluctuations du marché du café et tion timide de la part de I’Anacafé. Le
B’échiqenéer politique. Reste à savoir com- plus souvent, ce sont les planteurs eux-
ment les exploitants et éventueUement mêmes qui doivent rechercher des mar-
l’État, vont réagir face à ce qu’ik appel- chés, expérimentes des cultures et assurer
lent cette attaque en règle. la commercialisation des produits. Pour
certains producteurs, l’inertie de PAnacafé
5La réalitC,bien entendu,est fort complexe.Sous traitonsplus
longuementce problèmeà la fin de notre ouvrage(De Suremain, en ce domaine est calculée. En ne four-
à paraître). nissant aucun type d’assistance technique
6 Au Guatemala,on appelle 18 non-traditionnelles* toutesles ou financière en-dehors du café, l’institu-
culturesà l’exception du café,du coton, dc la canneà sucre,de
la cardamorneou du cacao,c’est-à-direles principaux produits tion maintiendrait volontairement les
d’exportation. planteurs dans une relation de dépen-
7 Lescaféiculteurscitent souventl’exemplede l’organisationdu dance quasi-abolue vis-à-vis des exporta-
café colombiennequi soutientles producteursdansleurs
tentativesde diversificationagricole. teurs’.
J.-.C. Tuiet, C.-E. de Suremain Les frères ennemis

L’épisode de la cardamome est, à cet intensifier la culture du café dans les


égard, révélateur du type d’initiative prise meilleures zones de leur plantation et
par les planteurs. Entre 1970 et 1985, expérimenter de nouvelles cultures dans
quelques producteurs de ia région ont les zones plus marginales. Le café, en fait,
semé de la cardamome dans des propor- resterait 1~le coeur aade ia plantation, tan-
tions parfois importantes (de 10 à 40 o/ dis que les rendements d’autres cultures
de la surface des exploitations)*. permettraient de stabiliser la situation
Néanmoins, une fois passée la période financière en cas de crise. Mais cette poli-
d’essor, le marché connut une forte reces- tique, une fois encore, requiert des inves-
sion et fut brusquement abandonné. tissements que la plupart des 1~moyens j)
Lorsque les conditions écologiques et planteurs de la Costa Cuca n’ont pas, ou
topographiques le permettent, les plan- n’ont plus, à l’heure actueiIe9. Après
teurs plantent des macadamias, un arbre quatre années de crise, l’endettement des
qui produit des noix du même nom. Ii en planteurs est lourd et, parfois, insurmon-
est de même pour les variétés de bambou table.
utilisables pour faire des meubles ou pour
le sésame dont on extrait de l’huile. Ces L’intervenfionnisme modérée de
nouveaux débouchés, plus stables que la %‘Anacafé
cardamome, ne concernent cependant Les récents développements du marché
qu’une minorité de plantations. Plus rares du café laissent pourtant entrevoir des
encore sont les planteurs qui cultivent des jours meilleurs pour les caféicuiteurs. La
11produits alimentaires de base >I(maïs, hausse subite des prix, 150 à 800
haricot, courge) dans les caféières ou sur CIZ-
Quetzales ie quintal de café pqmnino,
des parcelles spécifiques. Pourtant, le ren- devrait en effet permettre aux planteurs 703
dement de ces produits est très élevée sur pas trop endettés, et qui n’ont pas vendu
la Costa Cuca (deux récoltes par an> et le leur cueillette de manike anticipée, de
marché prometteur. Actuellement, ie s’en sortir. Cette situation, liée en partie
Guatemala est même obligé d’importer mais pas seulement au double effet de la
ces denrées pour satisfaire les nécessités sécheresse et des gelées qui ont détruit
de la population. Sans doute faut-il souli- Pes caféières brésiliennes, a été perlue
gner ici le fait que, dans l’esprit des plan- comme un véritable miracle par les pro-
teurs, les caféières sont du côté du ducteurs guatémaltèques.
11progrès ‘1et les produits alimentaires de
Pour les producteurs fortement endettés,
base dù côté de 1’. archaïsme il, d’où ce
il existe également une nouvelle alterna-
désintérêt.
tive, assez inattendue. Il semblerait en
Les planteurs les plus entreprenants et qui effet que l’hnacafé ait réagit face à la
ont traversé la crise du café envisagent grave situation financière d’un grand
dès à présent d’organiser leur exploitation nombre de fincas du pays. A l’aide du
de manière différente. Ils souhaitent gouvernement, l’institution propose aux
planteurs de se porter garant pour le
8 Entre 1975et 1982,environ 10 l/ de la superficiedesfincas de rachat du crédit qu’ils ont accumulé
la CostaCucaa été allouéeà ia culture de Lanouvelle piante,soit
prèsde 1 800ha pour toute la région (De Suremain,1992). auprès des grandes compagnies d’expor-
tation de café. Dans un premier temps, il
revient aux caféiculteurs de trouver une
. banque qui accepte de plaider en leur
recuci!lir cies~.~AnéRccs.
Artides LesCahiersde la RechercheDéueloppement,n”42- 199.5

faveur auprès de P’Anacaféet de payer les sont pas systématiquement couronnés de


dettes. Des inspecteurs, des financiers - et succès.
parfois des agronomes - viennent alors
Actuellement, un lourd climat de suspi-
visiter les exploitations afin d’évaluer leur
situation financière et productive. Une cion règne sur la Costa Cuca. Parler
fois le dossier accepté par Pabanque et d’argent avec un planteur est particulière-
YAnacafé, il s’agit de lever l’embargo sur ment délicat. Celui qui évoque ce sujet
les propriétés après une longue procé- n’est-il pas un indicateur pour le compte
dure judiciaire. Enfin, les planteurs doi- de l’exportateur ? Ne va-t-ii pas divulguer
vent s’acquitter de leurs dettes auprès des des informations qui lui permettront de
banques et de B’Anacaféqui, au passage, mieux s’ingérer dans les affaires de
prend 1 % de commission pour son inter- B’exploitation ? Tous les moyens sont bons
vention. L’avantage de la procédure est pour brouiller les-pistes, les producteurs
que le nouveau crédit est calcuE en dol- font courir des fausses rumeurs et
lars et à un taux d’intérêt raisonnable emploient parfois des indicateurs dans les
pour le pays, soit 12 % (en comptant Pa agences des exportateurs et dans Ies
commission de E’Anacafél. Surtout, les banques. HBn’est d’ailleurs pas nécessaire
planteurs demeurent les seuls proprié- de rester bien longtemps dans cette
taires et les seuls maîtres de heur exploita-région pour sentir l’atmosphère pesante
tion. régnant sur les lieux défiance perma-
nente contre tout, échos de violences
11 faut cependant souligner le fait que,
avant de pouvoir bénéficier de ce crédit, subies et parfois même de meurtres. Dans
les embûches sont nombreuses. La poli- ces conditions, l’ambiance entre planteurs
tique du gouvernement et de I’Anacafé, ne saurait pas non plus être bonne, car
ne fait pas l’affaire des grands exporta- personne ne sait réellement 11qui est qui f)
teurs. Freinés dans leur stratégie d’expan- et « qui pense quoi 11.Lors des rares (cses-
sion horizontale, ces derniers sont parfois sions de travail » organisées par les plan-
prêts à recourir aux moyens les plus sus- teurs, les problèmes du marché du café,
pects pour sauvegarder leur mise. de l’inefficacité de l’État et du ministre de
Indépendamment des irrégularités qui l’agriculture ou de la hausse des coûts de
appceraissent au niveau du déroulement production sont abordés, mais ceux du
des procédures financières et juridiques, il crédit, de l’endettement et de Ia coercition
faut rappeler que les exportateurs sont commerciale restent toujours occultés.
également actionnaires des principales Tacitement., les planteurs respectent la loi
banques du pays. Dans ces conditions, la du silence, ayant trop peur qu’un des
marge de manwwre des planteurs est leurs ne travaille secrètement pour
extrêmement étroite et leurs efforts ne ‘1l’autre camp 1’.

Conclusion

T out au long du siècle, le pouvoir économique dans le secteur caféier a


donc été maintenu par ceux ayant l’accès ou contr6lant 1‘e.xportation.
c’est ainsi que de nombreux antagonismes ont éclaté entre le groupe des
finqueros et des expotiateurs. Dans une première période, ce sont les
j.-.C. Tulet. C.-E. de Suremain Les frères ennemis

propres producteurs, lesplus puissants, qui exercent cettefonction et qui


imposent ainsi leur suprématie. Mais ce monopole est progressivement
démantelé avec, d’une part, la construction de benejiicios qui permet aux
finqueros d’obtenir la possibilité de transformer eux-mêmes leur produit.
D’autre part, l’exportation devient une activité autonome, contrôlée en
particulier par les caféiculteurs allemands expropriés de leur terre.
Actuellement, à partir de cetteposition stratégique, les exportateurs tentent
de réinvestir dans la sphère productive, conformément à la stratégie qui
fut la leur lors de la colonisation caféière au 19è siècle. Ce qui signifie que
des groupes qui apparaissent aujourd’hui relativement autonomes, et en
tout cas antagoniques, ont parfois été alliés et n’ont mêmeformé qu’un
seul groupe.
Il semble que, jusqu’ù présent, le groupe desplanteurs ait étéplus étudié
que celui des exportateurs. Il est vrai que le premier a toujours fait parler
de lui et, surtout, qu’il continue à posséder la terre, en dépit des diffzcultés
rencontrées par un grand nombre de ses membres. De cefait, lesfinque-
ros sont portés responsablesde tous les maux de la société. Aux yeux du
plus grand nombre, ils représentent incontestablement la version contem-
poraine de l’hacendado colonial.
Néanmoins, l’analyse qui précède montre que la situation est moins
simple qu’elle n ly paraît. L’oligarchie guatémaltèque n’est pas un groupe
socio-ethnique, culturel, économique et mêmepolitique homogène. Certes, tz?
l’oligarchie,se distingue par sa puissance économique. Mais elle est traver- 705
séepar de profonds clivages où s’entremêlent despratiques, des représen-
tations et des intérêts différents. Bien entendu, ces conjlits n’excluent pas
des similarités entre le groupe des exportateurs et desfinqueros, notam-
ment dans la représerltation que les acteurs se font de la ccchose
publique ».Pour les uns et les autres, la politique, et les hommespolitiques
en particulieî; est UYLmoyen pour défendre des intérêts économiques
considérés comme essentiels.Et c’est sans doute cette vision clinstrumenta-
liste » de la politique, des rapports sociaux et de la société en général qui
caractérise le plus profondément l’oligarchie au-delà des clivages qui la
divisent.

Bibliographie LE Bor Y., 1992. La guerre en de plantations caféières du


terre maya. Communauté, vio- Guatemala. In : Sistemas de
lence et modernité au Guate- produccih y desarrollo agri-
mala (1370-1992). Paris : Kar- cola (II. Xavarro, J.-P. Colin,
thala. P. Milleville ed.). México :
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SZJREMAINC-E (de), 1993.Entre la
“tradition” et la “situation”. Les WAGNER R., 1991. Los Alemanes
causes socio-politiques de en Guatemala. Guatemala :
l’abandon de la culture de la Universidad Fransisco Marro-
cardamome dans une région quin.
Articles LesCahiersde la RechercheDéveloppement,no42 - 1995

Résumé Les relations entre grands le principal pourvoyeur du


planteurs et exportateurs de pays en devises.
café de l’oligarchie guatemal- Les mutations qu’a connues la
tèque manifestent des intérêts région depuis un siècle révè-
contradictoires, Be café étant lent des dynamiques socio-
le produit moteur de l’écono- économiques qui loin d’être
mie agricole d’exportation et isolées structurent le pays.

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