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Hélène Romano
ERES | « Cliniques »
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2013/1 N° 5 | pages 166 à 182
ISSN 2115-8177
ISBN 9782749236803
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-cliniques-2013-1-page-166.htm
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© Pierre-Georges Despierre
Prise en charge
réflexions transversales
médico-psychologique
immédiate des enfants
et adolescents exposés
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à un événement
traumatique
Primary medico-psychological care for children
and adolescents exposed to a traumatic event
Hélène romano
Hélène Romano,
docteur en
psychopathologie
clinique,
psychologue
S
clinicienne,
psycho-
thérapeute,
consultation
i la réalité des répercussions psychotraumatiques est spécialisée
aujourd’hui mieux connue, la question des modalités de prises de psycho-
traumatisme
en charge fait débat. Pour certains, il est nécessaire d’attendre et référente
de la cellule
l’élaboration d’une demande pour mettre en place un suivi d’Urgence
thérapeutique ; pour d’autres, il est essentiel d’intervenir au médico-
psychologique
plus près de l’événement, en raison de l’incapacité des du Samu 94,
victimes à solliciter de l’aide et des conséquences majeures que CHU Henri
Mondor –
ce type d’événement peut avoir en termes de blessures Samu 94,
chercheure
psychiques. Dans cette dernière perspective, la france a déve- associée au
loppé depuis la fin des années 1990 des Cellules d’urgences laboratoire
INSERM U669
médico-psychologiques (CUMP), intégrées au SAMU et inter- Pr M.R. Moro.
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AU PRÉALABLE
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se traduit par un phénomène de non-réponse du psychisme
et qui projette le sujet dans une zone hors conflictualité. C’est
pour cela que de nombreux événements, qui n’ont pas cette
dimension funeste d’agonie psychique, ne devraient pas être
qualifiés comme tels mais devraient être désignés par d’autres
termes tels que « douloureux », « difficiles », « éprouvants ».
C’est aussi pour cette raison que dans une situation trauma-
tique donnée, les sujets impliqués, qu’ils soient adultes ou
enfants, ne sont pas à égalité car ce déficit de figurabilité
n’aura pas la même intensité selon les sujets et n’en prendra
pas le même sens dans leur vie. Un événement traumatique
reste une expérience singulière, dont les conséquences diffé-
rent pour chacune des personnes concernées. Chacune d’elles
possède une capacité propre de perception et d’intégration de
la situation liée aux ressources internes et externes élaborées
progressivement dès les premiers moments de vie. Cette
singularité permet aussi de comprendre que l’impact trauma-
tique n’est pas proportionnel à la gravité matérielle ou pénale
de l’événement, mais à l’intensité de la résonance qu’il a dans
l’histoire de chacun. La qualité des ressources antérieures et
de celles mises en œuvre suite à l’événement, sera donc essen-
tielle pour le devenir de chaque personne impliquée
(Cyrulnik, 2011).
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considérables apportés depuis vingt ans par les neurosciences
ont permis de comprendre les conséquences des traumatismes
précoces pour le développement de l’enfant.
Selon les situations rencontrées, les interventions médico-
psychologiques immédiates peuvent être engagées en privilé-
giant la prise en charge individuelle, familiale et/ou collective.
Les événements peuvent être ponctuels ou s’inscrire comme
événements chroniques (violence de guerre, zone sismique). Ils
peuvent impliquer exclusivement l’enfant ou d’autres
personnes ; ses parents peuvent être présents ou absents au
moment du drame ; s’ils étaient là, ils peuvent avoir eu une
attitude adaptée de protection de l’enfant ou s’être trouvés en
stress dépassé et incapables de prendre soin de lui ; l’enfant
peut avoir été blessé physiquement ou non ; etc.
Lorsque l’événement traumatique fait effraction dans la vie
d’un enfant, il contamine aussi l’espace psychique intersub-
jectif. Il vient réinterroger le système de croyances familiales,
communautaires, institutionnelles et perturber les niveaux
d’organisation préalable du fonctionnement familial ou extra-
familial. Les fonctions primaires de protection, d’amour, de
compréhension et d’éducation sont bouleversées par l’effroi
traumatique et laissent les adultes envahis par des sentiments
d’abandon, d’impuissance et de culpabilité pour n’avoir pas
su protéger l’enfant. L’événement traumatique a cette dimen-
sion de tryptique traumatique (Romano, 2006), c’est-à-dire
que les conséquences seront à envisager au niveau de l’enfant
traumatisé mais également de son entourage familial et de
l’institution ou du groupe social dont il fait partie (école,
centre de loisirs…). Intervenir au plus près de l’événement
traumatique nécessite donc de s’adapter à chaque situation en
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En immédiat, la première des urgences est de repérer des
victimes qui seraient en stress dépassé (inhibition stuporeuse,
dissociation péritraumatique, fuite panique, conduite automa-
tique). Pour exemple, Julie, 10 ans, en état d’inhibition stupo-
reuse, est comme une statue immobile face à la fenêtre où elle
s’est accrochée pour empêcher sa mère de défenestrer son
petit frère. Il n’y a plus aucun contact possible, elle ne nous
entend pas, regarde dans le vide et reste perdue dans cette
immobilité mortifère. Anaëlle, 7 ans, violée par un groupe de
jeunes adolescents, décrit un état de dissociation péritrauma-
tique au moment de l’agression : « J’étais là, mais c’est comme
si ce n’était pas mon corps, ça faisait bizarre, je les voyais
faire mais comme si je n’étais pas dans mon corps, c’était moi
mais pas tout à fait comme moi. » Lucas, 6 ans, qui découvre
le corps de son père qui s’est suicidé avec une carabine et qui,
dans un état de conduite automatique, retourne « comme si de
rien n’était » devant l’écran de télévision. Enfin, pour exemple
de fuite panique, celui d’élèves sortant d’un car accidenté et
courant dans tous les sens, sans rien écouter des consignes de
sécurité, n’hésitant pas à traverser l’autoroute pour fuir sur des
kilomètres. Ces états nécessitent en urgence de protéger les
victimes qui ne sont plus en état de se mettre à l’abri (Crocq,
1994), et peuvent conduire à une hospitalisation lorsque aucun
proche n’est en mesure d’assurer leur prise en charge.
Pour la majorité des autres personnes impliquées, les réactions
sont souvent adaptées à la gravité de l’événement. Elles
peuvent présenter une décharge émotionnelle, exprimer leur
bouleversement, avoir une certaine confusion de leurs repères,
mais il reste un contact et une communication possibles. Ces
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et elle m’explique : « Tu sais, il y avait du sang partout… j’en
ai mis plein mes chaussons, alors j’ai défait mes chaussons
pour pas qu’il voie mes traces et me retrouve. »
Ces réactions peuvent être impressionnantes et bouleversantes
pour les intervenants qui peuvent se sentir impuissants et
eux-mêmes contaminés par toute cette détresse. Mais il ne
s’agit pas de psychiatriser des réactions adaptées à la gravité
de l’événement en multipliant sans limite les cellules psys ou
en « chargeant » d’emblée d’anxiolytiques et d’antidépres-
seurs toute personne exposée à ce type d’événements. Passé le
temps du repérage et de l’évaluation somatique et psychia-
trique d’urgence, il peut leur être proposé un premier temps
d’écoute bien spécifique, appelé defusing, pour les personnes
en stress adapté. La prise en charge consiste alors à préserver
la victime de tout risque de survictimisation (par exemple,
l’installer à distance du drame) et de lui offrir un espace de
restauration de la pensée et de la parole. Le defusing permet un
travail de figurabilité, de mise en sens de l’événement :
comprendre ce qui vient de leur arriver et s’exprimer sur cet
événement. Ces entretiens immédiats sont habituellement
courts (10 à 30 minutes). Ils peuvent se tenir auprès du patient
ou, lorsqu’il s’agit d’événements collectifs, dans le poste
médical avancé ou en dehors, en fonction du contexte de l’in-
tervention. Ils sont organisés dans un espace le plus sécurisant
et sécurisé possible. Ils sont non intrusifs (« Avez-vous envie
d’en parler ? ») et doivent laisser au sujet la possibilité de
différer ce temps d’expression (« si vous le souhaitez, vous
pouvez venir me parler à tel endroit » « je reste à votre dispo-
sition si vous avez besoin de parler »). Ils peuvent être indivi-
duels ou collectifs, mais dans ce cas-là, il est essentiel de
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Le defusing est une technique qui peut être proposée indivi-
duellement ou à des petits groupes de personnes ayant vécu
la même chose. Il consiste à proposer un cadre où la parole
peut s’exprimer sans contrainte et où le thérapeute s’ajuste au
patient et lui permet de relancer sa réflexivité. Il n’est jamais
imposé.
Tant que cela est possible, la prise en charge s’inscrit en trois
temps : un temps commun à l’enfant et à ses proches, un temps
pour l’enfant seul et un temps de restitution en commun.
Le premier temps de prise en charge, qu’il s’agisse d’une interven-
tion individuelle ou collective, correspond à une période d’ac-
cueil en présence de l’enfant et des care divers (parents,
responsables). Il s’agit d’offrir à l’enfant et à ses camarades
(lorsque la prise en charge est groupale) un cadre matériel le
plus sécurisé et le plus calme possible. Ainsi, lors de l’accueil en
grand nombre, dans les aéroports, des victimes des violences en
Côte d’Ivoire puis des victimes du tsunami, du tremblement de
terre en Haïti, des violences de guerre au Liban et au Tchad, des
tentes ont été installées dans l’aérogare pour offrir un espace
d’écoute pour les enfants, préservé autant que possible des
bruits extérieurs. Le même dispositif a été mis en place dans les
gymnases ayant accueilli les victimes des incendies parisiens.
Notre pratique nous incite à informer que nous nous sommes
déjà occupés d’enfants, de personnes ayant vécu le même
type d’événement. Il nous semble essentiel de faire
comprendre à l’enfant, comme aux adultes, notre capacité à
entendre réellement ce qu’ils ont à dire, quelle qu’en soit l’hor-
reur, quel qu’en soit le caractère incroyable. Ce travail consiste
à conduire l’enfant et ses proches à faire l’hypothèse d’un
savoir chez le soignant sur ce dont il souffre, ce qui autorise
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impossible à communiquer autrement que comme une force
autodestructrice. Mais il est tout aussi important de faire
comprendre à l’enfant qu’il sait quelque chose de ce dont il
souffre, même si pour l’instant il lui est difficile de mettre des
mots sur ses ressentis.
Le deuxième temps est consacré exclusivement à l’enfant. Il est
souvent précieux pour l’enfant ou pour l’adolescent d’avoir un
temps de prise en charge en dehors de ses parents, en dehors
des adultes de l’institution, afin de pouvoir exprimer librement
ses émotions sans craindre d’être jugé, ou de blesser l’autre.
S’ils restent en présence de leurs parents ou d’adultes proches,
nous constatons très souvent que les enfants s’autocensurent
et ne s’expriment pas librement. Tout enfant parle en fonction
de ce qu’il sent ou sait que l’autre peut entendre : s’il perçoit
chez les adultes une détresse importante, des réactions de
dégoût, une incompréhension de ce qu’il vient de vivre, des
manifestations de dénégation ou de banalisation, l’enfant ou
l’adolescent ne parviendra pas à se dégager de l’effroi trauma-
tique. Pour exemple, Mathias, 6 ans, et Julie, 8 ans, coincés avec
leurs parents dans leur appartement alors que l’immeuble
était en feu. Lors de l’incendie Julie s’est mise au balcon en
chantant et, selon son frère, « en rigolant » : « Au feu les
pompiers, il y a la maison qui brûle… » La mère des enfants
est restée prostrée, incapable de les protéger et de les rassurer,
immobile sur le canapé du salon. Le père a réagi avec beau-
coup d’anxiété, de cris de panique en direction des pompiers
mais sans aucune attention portée aux enfants. La famille est
restée bloquée près de quatre heures avant son évacuation. Six
habitants sont décédés dans cet incendie. Dans le premier
temps d’entretien, Mathias berce littéralement sa mère
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explique son sentiment d’étrangeté face aux réactions de ses
parents : « C’était comme si on avait changé ma maman et
papa c’était pareil… c’était très grave mais j’étais tout seul. »
Seule Julie s’effondre en larmes et parle de sa terreur de
mourir : « J’ai pensé aux tours [référence aux attentats de
New york] et je me suis dit qu’on allait tous mourir pareil.
J’aurais voulu sauter mais c’était trop haut… alors j’ai chanté…
c’était ça où je devenais comme maman… ça m’a évité de
pleurer et c’était pour que Mathias il ait moins peur. » La
prise en charge individuelle permet la libération émotionnelle
et le décryptage des ressentis. Le travail thérapeutique immé-
diat a pour objectif de ne pas laisser l’enfant seul face à son
sentiment d’abandon et d’étrangeté. Il permet aussi, avec un
temps dédié à la fratrie, de comprendre ce qui a pu se passer
pour les uns et pour les autres et ce qui a été compris par
chacun. Julie peut dire à son frère qu’elle a essayé de le
protéger « à sa façon » et qu’elle était « très inquiète pour lui ».
Mathias peut aussi s’autoriser à dire à sa sœur combien il a eu
l’impression d’être abandonné. Le même travail individuel est
réalisé auprès des parents, puis un temps commun de restitu-
tion s’organise avec l’ensemble de la famille.
Ces temps d’expression exclusivement dédiés à l’enfant ou à
l’adolescent permettent de dire les symptômes, la peur de
devenir fou, la peur de mourir, la culpabilité de n’avoir pu
changer les choses, la culpabilité d’avoir dit, d’avoir fait
certaines choses, la responsabilité des adultes, la colère à l’égard
des adultes, les sentiments d’abandon, d’impuissance, la peur
de la punition, de la vengeance, la crainte de l’avenir. Cet
espace est nécessaire pour montrer à l’enfant ou à l’adolescent
que les émotions peuvent être exprimées sans danger et que
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peluches, poupées), ce n’est qu’un « support de sens », un
exutoire du surcroît d’excitations déclenché par le trauma-
tisme, un intermédiaire obligé entre les traces mnésiques, les
représentations choses et l’objet où il va pouvoir figurer ce qui
constitue un symptôme, c’est-à-dire ce qui vient en place de ce
qui ne peut pas se dire. Le professionnel ne reste pas muet par
rapport à ces productions, mais intervient comme un coparti-
cipant et propose son ressenti. Cette approche réintroduit la
temporalité et fait redémarrer chez l’enfant ou l’adolescent sa
capacité de symbolisation et d’énonciation personnelle.
Les interventions en urgence médico-psychologique auprès
d’enfants se réalisent très fréquemment dans des conditions
matérielles difficiles et sur des sites d’accueil précaires (hall de
gare ou d’aéroport, gymnase, bureau anonyme). Pour cette
raison, certaines équipes ont élaboré un matériel spécifique-
ment dédié aux enfants et facilement transportable. La Baby
VUMP® 1 du SAMU 94 est par exemple une valise de 10 kg de
matériel de médiation (jouets, pâte à modeler, livres, peluches,
poupées, voitures, valise de docteur, animal méchant) conçue
pour des enfants à partir de 2 ans. Elle offre la possibilité aux
enfants d’investir selon leur choix tel ou tel matériel sans être
limités aux seuls feutres habituellement proposés et réalisés
dans un contexte que nous avons appelé de « dessins-leurres »
où, comme Julie, l’enfant tente avant tout de rassurer ses
proches (Romano, 2010).
L’objectif de ce temps de prise en charge, qu’il s’étaye ou non
sur des supports de médiation, est d’offrir à l’enfant ou à l’ado-
1. VUMP ® : lescent un espace pour décrypter l’impact traumatique, réin-
Valise d’urgence scrire dans le champ du symbolique les traces traumatiques et
médico-
psychologique. faire qu’elles soient désormais pensables et nommables.
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traumatique.
Le troisième temps est à nouveau commun à l’enfant et aux care-
givers (proches et soignants). Il permet de reprendre auprès des
proches ce que l’enfant nous a autorisés à transmettre ; de leur
donner des éléments pour comprendre les manifestations de la
souffrance des enfants. Nous concluons l’intervention en rappe-
lant à l’enfant qu’il peut solliciter notre aide à tout moment ou
celle d’un autre professionnel, et que certains troubles peuvent
apparaître avec un certain délai : « Maintenant nous allons
arrêter l’entretien. Ta vie ne se réduit pas à ce qui vient de se
passer [rappel du type d’événement]. Tu avais ta vie avant et tu
auras ta vie après… Ta vie est celle d’un garçon/d’une fille qui
va à l’école, qui voit ses copains, qui fait ses activités, peut-être
que tu penses qu’en parler ça va faire revenir toute la peur, toute
la douleur… Je voudrais juste te dire une dernière chose : peut-
être que tu vas rester longtemps sans y penser, plusieurs jours,
plusieurs semaines, plusieurs mois et peut-être qu’un jour,
quand tu grandiras, certaines images reviendront, cette histoire
que tu pensais oubliée viendra t’envahir la tête, te réveiller la
nuit… Si cela t’arrive, c’est normal. Cela arrive souvent qu’on
ne pense plus à certaines choses pendant longtemps et qu’elles
finissent un jour par revenir à la mémoire : cela veut dire que ton
corps se souvient, qu’il n’a pas oublié. Ce jour-là, peut-être que
tu auras envie d’en parler. »
L’objectif de ces prises en charge thérapeutiques immédiates
est de prévenir les troubles post-traumatiques bien souvent
invalidants et dont l’expressivité chez l’enfant reste
méconnue des professionnels et des parents. Ce dispositif
participe au processus de résilience qui permet à l’enfant de
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autorise plus facilement les proches à solliciter de l’aide à
distance de l’événement sans craindre d’être jugés et inva-
lidés par les professionnels.
CONCLUSION
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met en exergue l’aspect neurophysiologique et cognitivo-
comportemental, sans accorder plus de place à la dimension
psychodynamique et aux enjeux psychiques du trauma. Nous
ne souhaitons pas dans cet article polémiquer sur ce sujet, sauf
à rappeler que la recherche clinique devrait partir du sujet, dans
toute sa dimension, et ne devrait pas exister sans le respect qui
lui est dû. Et comme le soulignait M. Reuchlin (1995), la signi-
fication statistique d’un résultat devrait s’effacer devant sa
signification psychologique. Le vécu traumatique d’un sujet ne
saurait se réduire à des échelles, des pourcentages ou des
statistiques. C’est un enjeu important pour le devenir de la
pratique clinique et pour la qualité des dispositifs thérapeu-
tiques qui pourront être apportés aux victimes d’événements
traumatiques (Romano, 2013).
BIBLIOGRAPHIE
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Résumé
Les études sur le psychotraumatisme ont permis de relever l’importance des
interventions médico-psychologiques précoces pour prévenir l’apparition
de troubles post-traumatiques. Si l’attention portée aux adultes est
aujourd’hui ancrée dans les pratiques, l’attention au plus près de l’événe-
ment portée aux enfants reste aléatoire. L’enfant exposé à l’événement
traumatique est trop souvent pris en charge au même niveau que les
adultes impliqués alors qu’une intervention spécifique devrait lui être
dédiée. Nous proposons de discuter des spécificités de la prise en charge
des enfants en situation d’extrême urgence, à partir de notre expérience
d’urgentiste et de psychothérapeute spécialisé dans ce domaine. Dans un
premier temps nous rappelons l’impact d’un événement traumatique dans
le psychisme, puis nous abordons les possibilités de prises en charge des
enfants en immédiat.
mots-clés
Traumatisme psychique, enfant, urgence médico-psychologique, soin
d’urgence.
181
Cliniques 5:- 18/03/13 18:47 Page182
Cliniques 5
abstract
Studies on psychological trauma have identified the importance of early medical and
psychological intervention to prevent the onset of post-traumatic stress disorder.
Although the treatment of adults is now well-established, the treatment of children
immediately following the event remains haphazard. The child who is exposed to a
traumatic event is very often treated in the same way as adults when a specific, dedi-
cated intervention is required. We discuss in detail the care of children in extreme
emergency situations based on our experience as specialized emergency psychother-
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apists in this field. We first highlight the impact of a traumatic event for the psyche
then we address the immediate potential care for children.
Keywords
Psychological trauma, child, medico-psychological emergency, emergency care.