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CHAPITRE 8.

LA LENTE MATURATION DU SYSTÈME DE SANTÉ EN


FRANCE

Philippe Marin
in Jacques Raimondeau et al., Manuel de santé publique

Presses de l’EHESP | « Références Santé Social »

2020 | pages 231 à 256


ISBN 9782810907380
DOI 10.3917/ehesp.raimo.2020.01.0231
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Chapitre 8
La lente maturation
du système de santé en France
Philippe Marin

Objectifs pédagogiques
– Comprendre les logiques de transformation du système hospitalier et de santé
– Analyser les principales évolutions du système hospitalier et de santé construit
à l’origine sur la base d’une organisation hospitalo-centrée et évoluant vers
une logique intégrative
– Appréhender le rôle et le positionnement des acteurs dans la structuration
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et le développement du système hospitalier et de santé
– Développer une lecture systémique de la construction et de l’évolution du
système de santé en France

L’analyse du système de santé repose en grande partie sur la capacité à


inscrire les évolutions actuelles dans leur dimension structurante des points
de vue historique et analytique. En effet, nous sommes passés d’une orga-
nisation fondée sur les principes relevant de la charité à un véritable système
de santé construit sur la base des évolutions enregistrées en matière de pro-
grès médical et intégrant les différentes évolutions sociétales. Au temps des
établissements de charité, puis d’assistance, a succédé celui des établisse-
ments de soins.
En France, jusqu’à la révolution de 1789, l’Église catholique assurait la
prise en charge des personnes les plus démunies, en s’appuyant sur le réseau
du clergé et des ordres religieux. Ainsi un réseau d’hospices dénommé « hos-
pice de la Charité », puis « hôpital général de la Charité » se développe-t‑il
dans le pays.
L’influence de la philosophie des Lumières et de la Révolution française
va permettre d’ériger l’assistance comme un devoir de l’État venant ainsi
garantir un droit reconnu aux citoyens. Le Directoire crée en 1796 les premiers
établissements de l’État destinés au secours des plus pauvres : ces « bureaux
de bienfaisance » constituent des services communaux placés sous l’autorité
préfectorale. La portée de la loi du 27 novembre 1796 reste limitée dans un
premier temps, d’une part car la création des bureaux de bienfaisance n’est
pas obligatoire, d’autre part parce qu’ils coexistent avec la charité privée,
d’origine essentiellement religieuse, qui bénéficie d’une forme de privilège
de l’antériorité. Le développement de l’hospitalité puise ses racines, en France,

231
Partie 1. Les fondamentaux

et plus généralement en Europe, dans l’initiative des chrétiens qui a contribué


à développer les maisons d’accueil dès le ive-ve siècle pour accueillir les mal-
heureux, les déshérités, les personnes âgées et, bien évidemment, les pèlerins
sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Ces institutions à vocation
charitable ont été très tôt surveillées par la royauté puis par l’État.
Le décret-loi du 28 juillet 1939 ouvre l’hôpital à tous les malades payants,
mais il ne sera pas appliqué en raison de la déclaration de guerre, le 3  sep-
tembre. Il marque la volonté de l’État de reprendre au maire la direction des
hôpitaux et des hospices. Ces dispositions ont été reformulées en partie par
la loi du 21  décembre 1941, laquelle a posé les bases d’une organisation
hospitalière qui n’est dès lors plus réduite au seul champ de l’assistance
sociale. Si l’on considère l’évolution de l’organisation hospitalière en tant que
système, nous pouvons repérer deux grandes phases, qui reposent dans un
premier temps sur la construction de l’hôpital moderne tel que nous le connais-
sons aujourd’hui, qui va entraîner dans une première phase le développement
d’un système de santé hospitalo-centré. Ce constat est renforcé par l’action
de l’État, qui, par l’ordonnance du 4  octobre 1945, a délégué la gestion de
ces questions aux corps intermédiaires et a pratiqué dans le domaine de
­l’organisation hospitalière le principe du laisser-faire, au sens de l’absence
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­d’intervention de l’État, en particulier pendant la période des Trente Glorieuses.
La réforme hospitalo-universitaire de 1958 marque incontestablement un
tournant dans l’organisation de la médecine, la formation des médecins et
l’organisation hospitalière. Ces dispositions, bien qu’ayant fait l’objet de
nombreuses modifications, continuent aujourd’hui de régir les rapports entre
la faculté de médecine et le centre hospitalier régional, dans le cadre de la
convention hospitalo-universitaire.
L’évolution du système de santé se confond dans un premier temps avec
celle des établissements de charité, puis celle de l’hôpital, et porte la marque
d’un système très hospitalo-centré à partir de la réforme hospitalo-universi-
taire de 1958. Le socle de cette approche se trouvera posé dans la loi Boulin
du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière. L’organisation des soins
de première ligne reposant sur la médecine de premier recours, structurée
véritablement à partir de l’ordonnance de 1945, va progressivement s’imposer
dans le paysage de la réponse aux besoins de la population en soins, et plus
récemment dans sa composante élargie. Ce faisant, l’État va susciter et coller
à cette évolution, en transformant son action et le périmètre de son champ
d’intervention pour l’étendre à l’ensemble des composantes, contribuant ainsi
à la réponse aux besoins en santé de la population.
Cela se traduira par le développement d’un processus de planification
hospitalier dans un premier temps, puis de l’ensemble du système de santé
aujourd’hui. L’utilisation du régime des autorisations permettra de réguler le
système constitué, et les outils de coopération permettront d’assurer, voire
de garantir, l’articulation entre les différents opérateurs en santé. Ce sont ces
évolutions que nous proposons de décrire ci-dessous.
À partir de la réforme de 1991, et surtout par les trois ordonnances consti-
tuant le plan Juppé du 24 avril 1996, le système de santé connaît une évolution

232
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
majeure, marquée à la fois par le retour de l’État dans le pilotage et la régu-
lation du système de santé – et ce, de façon définitive et permanente – et par
le déclin du modèle hospitalo-centré du système de santé – qui est caractérisé
par l’intérêt croissant de l’État à l’égard de l’organisation de la réponse aux
besoins de santé de première ligne. En effet la médecine libérale est toujours
structurée dans le cadre de la politique conventionnelle menée par l’assurance
maladie, mais avec une volonté inexorable de l’État de mieux contrôler et
de maîtriser plus directement cette politique conventionnelle. Cela constituera
la seconde phase de la présentation.
La présentation chronologique de l’évolution du système de santé peut
trouver sa conclusion dans une approche analytique de l’évolution du système
hospitalier dans sa dimension systémique. Les dernières évolutions législatives
dans le domaine du système de santé reposent sur la loi du 21 juillet 2009,
portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux terri-
toires, et sur la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de
santé, ces deux lois ayant été complétées par les mesures prises dans le cadre
de la Stratégie nationale de santé 2018‑2022.
Sur un plan général des caractéristiques des évolutions législatives
­réglementaires, et plus généralement en ce qui concerne l’organisation insti-
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tutionnelle du système de santé, nous retiendrons trois caractéristiques.
En premier lieu, la politique de santé s’inscrit dans le champ de la moder-
nisation de l’action de l’État, qui trouve sa traduction dans la déclinaison de
la Révision générale des politiques publiques, la Modernisation de l’action
publique et, plus récemment, dans l’« Action publique 2022 ». L’ensemble
des dispositions qui sont intervenues procède de la déclinaison des concepts
de nouvelle gestion publique (NGP) dans l’organisation et le pilotage du
système de santé. Par voie de conséquence, l’action de l’État mais également
le positionnement des opérateurs en santé se trouvent modifiés. La politique
de santé s’inscrit désormais dans une Stratégie nationale de santé transcendant
les plans et programmes de santé publique, lesquels s’inscrivent dans une
dimension systémique et dans une dimension de synthèse. L’avènement de
la démocratie en santé, la montée en puissance de la place des usagers pro-
cèdent également de cette évolution.
En deuxième lieu, l’évolution du système de santé correspond à une véritable
réorganisation globale marquée par le passage d’une organisation en silo, asso-
ciant l’action des différents intervenants de façon verticale, à une organisation
plus transversale. Aujourd’hui, le système de santé présente un caractère inté-
gratif très fort, qui n’est peut-être pas totalement accompli, mais dont les fon-
dements sont profondément enracinés. Cette réorganisation globale du système
renforce également la dissociation des fonctions de pilotage et de régulation
qui relèvent – à titre quasi exclusif, désormais – de l’État, de celles relatives au
déploiement et à l’organisation du système de santé qui renvoient à l’action des
opérateurs en santé. De ce point de vue, il convient de noter que l’État a consi-
dérablement étendu son périmètre et ses moyens d’action en direction de ces
différents opérateurs en santé, y compris en direction des opérateurs libéraux.
La création de parcours en santé constitue l’illustration de cette évolution.

233
Partie 1. Les fondamentaux

En troisième lieu, nous assistons à une réorientation complète du système


de santé dans ses fondements, qui érige la promotion de la santé et la pré-
vention comme socle de la politique de santé. Cette évolution progressive,
engagée dès le début des années 2000, a connu son aboutissement avec la
Stratégie nationale de santé et la loi de modernisation de notre système de
santé de 2016.
L’évolution du système de santé s’est confondue dans un premier temps
avec la création de l’institution hospitalière, mais il s’est très largement diver-
sifié dans un second temps. Il peut être intéressant de tenter de classer les
différentes réformes, non plus en fonction de la chronologie, mais plutôt
quant à leur apport fondateur à la construction du système de santé. Nous
aborderons ici donc dans un classement analytique les sept principales
réformes hospitalières et du système de santé caractérisant son glissement
d’un modèle hospitalo-centré vers un modèle intégratif.

8.1. La réforme de 1958, « mère de toutes les réformes »

La constitution de l’hôpital contemporain, grâce à la réforme hospita-


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lo-universitaire de 1958, trouve ses fondements dans la réforme de 1941. La
loi n° 5060 du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices publics
et le décret n° 43‑891 du 17  avril 1943 portant règlement d’administration
publique (RAP) pour l’application de cette loi, dite « Charte hospitalière »,
transforment en profondeur la conception de l’hôpital public, qui évolue ainsi
d’une logique de secours aux pauvres à celle, plus large, de l’assistance aux
malades. Ce dispositif porte la création d’une classification, et donc d’une
hiérarchie hospitalière, qui vient distinguer les centres hospitaliers régionaux,
les hôpitaux, les hôpitaux-hospices et les hospices.
L’hôpital devient ainsi une organisation à caractère médical. La réforme
Debré, par les trois ordonnances de 1958, constitue à notre sens « la mère »
de toutes les réformes. Elle présente à la fois les signes d’une extraordinaire
modernité en créant l’hôpital universitaire et en définissant les trois missions
de soins, d’enseignement et de recherche.
La réforme de 1958 vient instaurer l’hôpital sur une base de liens d’ex-
clusivité entre le centre hospitalier régional et la faculté de médecine, à travers
la création d’une convention hospitalo-universitaire qui marque toujours les
rapports entre le centre hospitalier universitaire et la faculté de médecine.
Cette organisation a contribué à créer le modèle d’excellence de la formation
médicale en France, modèle qui sera repris à de nombreuses reprises à l’étran-
ger. La création des centres hospitaliers universitaires (CHU) s’accompagne
de la définition d’une triple mission de soins, d’enseignements et de recherche,
confiée à ces nouveaux établissements. La création du statut de médecin
hospitalier impose le plein-temps aux médecins des CHU qui doivent ainsi
consacrer la totalité de leur activité aux soins, à l’enseignement et à la
recherche. Le décret n° 60‑1030 du 24  septembre 1960, portant statut du
personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires

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La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
pris en application de l’ordonnance du 30  décembre 1958, précise que ces
personnels hospitalo-universitaires perçoivent donc une double rémunération :
universitaire et hospitalière. L’agrégation universitaire de médecine et le
médicat des hôpitaux se fondent dans le statut unique de chef de service
hospitalo-universitaire.
Cette réforme concerne bien évidemment la partie hospitalière dans la
prise en charge des soins, mais aussi la partie universitaire pour la formation
des futurs médecins et la recherche en matière médicale. L’exposé des motifs
du décret du 24 septembre 1960 précisait :
« Le présent décret est l’un des premiers de ceux qui doivent assurer la mise
en application de la réforme des études médicales et la transformation de nos
grands centres hospitaliers. »

Le décret n° 60‑797 du 28 juillet 1960, modifiant le décret n° 58‑718 du


8 août 1958 relatif au régime des études et des examens en vue de la licence
« ès sciences », réformait les études médicales. Cette réforme devait entrer en
application le 1er octobre 1961 ; la réalité fut tout autre : cette réforme ne sera
pas déployée immédiatement et sa mise en œuvre durera plusieurs années.
La réforme Debré porte également sur l’organisation, la planification et,
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nous dirions aujourd’hui, le « pilotage » de la politique hospitalière et de santé.
L’ordonnance n° 58‑1198 du 11 décembre 1958, portant réforme hospitalière,
et le décret n° 58‑1202, relatif aux hôpitaux et hospices publics, créent trois
instances nationales ayant pour missions la conception de la nouvelle politique
hospitalière et le contrôle de sa mise en œuvre : la Commission nationale de
l’équipement hospitalier, le Conseil supérieur des hôpitaux et le Conseil supé-
rieur de la fonction hospitalière.
Par ailleurs, les hôpitaux et les hospices publics constituent désormais des
établissements publics communaux, intercommunaux, départementaux, inter-
départementaux ou nationaux, ils sont « érigés en établissements publics ou
rattachés à un établissement public déjà existant ». L’ordonnance n° 58‑1199
du 11 décembre 1958 institue les instances de coordination des établissements
de soins comportant une hospitalisation, avec obligation de déclaration pré-
fectorale pour la création de tout établissement de santé privé. En effet, aux
côtés de l’hôpital public se dessinent les contours d’un secteur privé mieux
structuré, qui n’est pas réellement défini ou plutôt se trouve qualifié de façon
négative par l’article  13 du décret n° 59‑586 du 24  avril 1959 relatif à la
coordination des établissements de soins comportant hospitalisation :
« Sont considérés comme établissements sanitaires privés, au sens de l’ar-
ticle L.734‑3 du Code de la santé publique, tous les établissements de soins
comportant hospitalisation qui n’ont pas la nature juridique d’établissements
publics ou qui ne sont pas gérés par l’État, les départements, les communes
ou les établissements publics. »

Le souci de planifier et de rationaliser l’offre hospitalière et surtout les


équipements sanitaires se concrétise par la création d’une Commission natio-
nale de l’équipement hospitalier, chargée d’assurer un inventaire des équipe-
ments sanitaires du pays et de donner un avis sur les créations, transformations

235
Partie 1. Les fondamentaux

et suppressions d’hôpitaux, inscrites dans le plan national de modernisation


et « sur l’ordre des urgences dans le cadre de ce plan ».
La réforme hospitalo-universitaire de 1958, et ses trois ordonnances suc-
cessives, constitue une véritable réforme hospitalière qui est dominée par la
constitution d’un nouvel établissement : le CHR et U, associant de façon
exclusive le CHR et la faculté de médecine afin d’instaurer, voire d’imposer,
pour les professeurs des universités et les praticiens hospitaliers un plein-
temps entre leur travail d’enseignants en médecine, de chercheurs et leur
exercice à l’hôpital. L’ordonnance n° 59‑1199 du 13 décembre 1958 relative
à la coordination des équipements sanitaires impose une obligation de décla-
ration préfectorale pour tout établissement de santé privé qui se crée. Cette
réforme est particulièrement novatrice et visionnaire, car elle combine à la
fois la construction de l’excellence de la formation médicale, le développe-
ment de la recherche médicale et biomédicale au sein de nouvelles structures
les CHR et U. Ces dispositions viennent garantir un saut qualitatif dans les
prises en charge médicales délivrées. En même temps, cette mission pros-
pective n’occulte pas la fonction plus que séculaire de l’hôpital : les centres
hospitaliers assurent également et toujours leur mission d’établissement
social.
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La réforme hospitalo-universitaire portée par Robert Debré et traduite par
les trois ordonnances de 1958 constitue un élément fondateur et fondamental
de l’organisation de notre système hospitalier, et plus généralement de notre
système de santé. Les prémices de l’hôpital moderne ont été définies par la
réforme de 1941, qui marquent la transition de l’hospice chargé de l’assistance
aux plus déshérités à l’hôpital accueillant l’ensemble des personnes souffrant
de maladies ou d’affections médicales.
La réforme Debré est incontestablement une réforme socle et visionnaire
par l’alliance pragmatique qu’elle établit entre le passé (l’hôpital comme
structure sociale d’assistance) et l’avenir (l’hôpital comme lieu de formation
d’excellence, de recherche et de développement du progrès médical chargé
de prodiguer des soins à toute la population). Par ailleurs, toutes les bases
sont établies pour le développement d’une organisation hospitalo-centrée de
la réponse aux besoins de santé de la population.

8.2. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » de 2009 :


la maturité d’un système hospitalier redéfinissant
la juste place de l’État comme pilote
et les opérateurs en santé

La loi n° 2009‑879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et rela-


tive aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi Bachelot, du nom de
la ministre de la santé et des sports, ou loi HPST, est venue concrétiser les
dispositions qui étaient largement introduites ou préparées par les dispositions
antérieures des ordonnances de 1996 et du plan Hôpital 2007.

236
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
En premier lieu, la loi HPST procède à la création des agences régionales
de santé (ARS), qui unifient le pilotage et la régulation de l’ensemble du
système de santé. Le dispositif déployé concerne aussi bien les établissements
que de l’offre libérale, se traduisant par la fusion des ARH et des URCAM
dans cette nouvelle structure. La loi HPST marque à notre sens la maturité
du système hospitalier ; elle stabilise en quelque sorte le repositionnement de
l’État à sa juste place comme pilote et régulateur du système hospitalier. La
politique hospitalière est désormais conduite au moyen des réformes succes-
sives qui sont intervenues depuis le début des années 1990 – non plus par les
opérateurs hospitaliers, mais par l’État lui-même.
La loi de 2009 marque donc la maturité d’un système hospitalier redéfi-
nissant la place de l’État comme pilote et elle contribue à repositionner à
leur juste place les opérateurs en santé. La composante libérale de l’offre de
santé est désormais intégrée dans le périmètre du pilotage par l’État à travers
notamment la définition des fonctions du médecin généraliste de premier
recours. Ces dispositions marquent en fait la disparition de la partition dyar-
chique dans le pilotage de l’offre de santé libérale et de l’offre de santé des
établissements de santé et la fin du modèle de gestion paritaire entre l’État
et l’assurance maladie des établissements de santé, dans le cadre du GIP
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ARH constitué entre l’État et les organismes de l’assurance maladie.
Exit donc le modèle du groupement d’intérêt public, au profit de la création
d’un établissement public de l’État placé sous le contrôle de tutelle des
ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur.
La création des ARS traduit en fait la révision générale des politiques
publiques (RGPP), car elle vient compléter la réorganisation de l’administra-
tion territoriale de l’État (REATE). Les deux objectifs principaux croisés de
ces réformes sont, d’une part, d’affirmer le niveau régional dans la mise en
œuvre des politiques publiques au détriment des départements et, d’autre part,
de simplifier les structures à chacun de ces deux niveaux. La création des
ARS entraîne, en droit et dans les faits, une refonte de l’organisation de la
planification sanitaire, dont les principes fondateurs avaient été posés par la
loi Boulin du 31 décembre 1970 et avaient été complétés par la loi du 31 juil-
let 1991. La modification centrale du dispositif repose sur l’intégration de la
médecine libérale, des professionnels de santé libéraux, ainsi que des struc-
tures sociales et médico-sociales dans le champ des compétences dévolues
directement et indirectement au directeur général de l’ARS.
La contractualisation des relations entre l’ARS, les établissements, les
structures, mais aussi les professionnels de santé, devient l’élément central
de l’exécution de la politique de santé, dont on a bien compris que désormais
elle est aux mains de l’État.
La loi HPST marque d’une façon plus générale la réintégration du secteur
sanitaire et du secteur social sur le plan du pilotage et de l’organisation, sous
l’égide d’un opérateur étatique unique : l’ARS. La partition introduite par la
loi du 31  décembre 1970 et les deux lois du 30  juin 1975 fait désormais
partie du passé, et on retrouve à ce titre l’émergence d’un concept nouveau

237
Partie 1. Les fondamentaux

d’organisation qui fait référence, non plus à une organisation sanitaire, sociale
ou médico-sociale, mais tout simplement au système de santé.
La loi HPST modifie en profondeur la gouvernance interne des établisse-
ments publics de santé sur la base des dispositions introduites par l’ordonnance
du 2  mai 2005 : modification des attributions de l’assemblée délibérante, le
conseil de surveillance, qui sont profondément revues en se trouvant désormais
limitées à la stratégie de l’établissement et au contrôle de sa gestion, sans
aucune fonction d’administration et de gestion. Le directeur d’hôpital devient
président d’un directoire, instance composée majoritairement de représentants
du corps médical, pharmaceutique et odontologique déclinant ainsi les principes
d’association et de responsabilisation des membres du corps médical inscrit
dans le plan Hôpital 2007. Le directeur est à ce titre assisté du président de la
CME, qui devient vice-président de droit du directoire. Les instances consul-
tatives sont également revues en profondeur dans leur composition et leurs
compétences afin de décliner deux principes : la liberté d’organisation, reconnue
à chaque établissement, et l’émergence d’un processus favorisant la prise de
décision en respectant les principes de la concertation et de la consultation.
Ce renforcement du pilotage médico-administratif de l’hôpital passe éga-
lement par la constitution de pôles cliniques et médico-techniques avec à leur
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tête un médecin chef de pôle désigné par le directeur et le président de la
commission médicale d’établissement. La gestion des établissements publics
de santé à travers les pôles d’activité cliniques et médico-techniques se trou-
vera concrétisée par la création de contrat de pôle et le déploiement d’une
délégation de gestion du directeur au responsable de pôle.
Globalement, ce texte aménage la loi du 21  juillet 2009 HPST afin de
répondre à plusieurs critiques, formulées notamment par les organisations de
médecins libéraux, et de préciser ou compléter les dispositions de sa loi de
rattachement.

8.3. La loi portant réforme hospitalière de 1970 :


l’éternel retour de l’État
ou l’avènement du pilote et régulateur

Le secteur hospitalier connaît une forte croissance à partir du milieu des


années 1960, plaçant singulièrement l’hôpital public au centre de la réponse
aux besoins de santé de la population assurée par le système de santé français.
Le ralentissement de la croissance économique au milieu des années 1970 et
la fin des Trente Glorieuses contribuent à interroger le modèle d’organisation
choisie par l’État en 1958 reposant sur la libre initiative laissée par l’État
aux opérateurs.
La loi Boulin (du nom du ministre de la santé publique) du 31 décembre
1970 a marqué incontestablement le début de « l’éternel retour » de l’État et
l’avènement de sa fonction de pilote et de régulateur. Cette réforme est mar-
quée par la construction de la planification hospitalière et par l’organisation

238
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
d’une réponse adaptée aux besoins de santé de la population, fondée sur la
création du service public hospitalier et le découpage en secteurs sanitaires.
Ainsi un décret du 13 novembre 1970 portant organisation de l’administration
centrale du ministère de la santé publique et de la sécurité sociale vient-il
réorganiser l’administration sanitaire et sociale au niveau central. Cette admi-
nistration centrale voit en outre ses services extérieurs s’étoffer avec la créa-
tion par le décret n° 77‑429 du 22  avril 1977 des directions régionales des
affaires sanitaires et sociales (DRASS), issues de la fusion des services régio-
naux de l’action sanitaire et sociale (créés par le décret no 64‑783 du 30 juillet
1964) avec les directions régionales de la Sécurité sociale. Les DRASS seront
chargées de l’élaboration de la carte sanitaire et exerceront un véritable
contrôle sur la gestion des établissements sanitaires et sociaux.
La loi Boulin instaure une carte sanitaire, qui ne sera en fait qu’une carte
hospitalière et un régime d’autorisation administrative pour les lits et équipe-
ments. Contrairement aux ambitions initiales du législateur, le secteur médical
libéral ne fera pas l’objet d’une planification, préservant ainsi la liberté d’ins-
tallation des praticiens exerçant en ambulatoire. Cette loi marque aussi la
consécration de la séparation du sanitaire et du social, considérant que l’or-
ganisation qui doit être définie et prise en compte relève exclusivement de la
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composante sanitaire de la réponse aux besoins de santé, composante dont le
périmètre est par ailleurs réduit à une organisation hospitalo-centrée.
En effet, n’oublions pas que l’ordonnance du 19  octobre 1945 a créé la
notion de tarif opposable, ce qui signifie que les syndicats de médecins peuvent
conclure pour le compte de leurs mandants une convention collective – qui
reste non obligatoire – au niveau départemental, venant fixer les tarifs appli-
cables qui doivent être approuvés par une commission nationale. Le décret
n° 60‑452 du 12 mai 1960 relatif à l’organisation et au fonctionnement de la
Sécurité sociale a défini des conventions types, tout en conservant le cadre
départemental au niveau conventionnel. La loi n° 71‑525 du 3  juillet 1971,
relative aux rapports entre les caisses d’assurance maladie et les praticiens et
­auxiliaires médicaux, a entériné la convention nationale, désormais obligatoire,
sauf refus formel d’adhésion par le praticien concerné. Les conventions, éla-
borées par profession, sont approuvées par arrêté ministériel. Les premières
conventions nationales seront signées rapidement après l’instauration de ce
nouveau cadre, notamment celle relative aux médecins, dès 1971.
Ce développement de la politique conventionnelle nationale organisant
les rapports entre l’assurance maladie et les professions de santé marque une
forme de tournant, qui a contribué à limiter les leviers d’action de l’État dans
l’organisation des réponses aux besoins de santé sur la base libérale. Cela
explique en grande partie l’avènement d’une logique très – pour ne pas dire
exclusivement – hospitalo-centrée de la réforme Boulin.
Par voie de conséquence, la loi du 31  décembre 1970 a créé le service
public hospitalier et instauré la carte sanitaire, instrument de régulation du
système hospitalier, réduit pour l’essentiel à sa composante publique. La carte
sanitaire permet pour la première fois une organisation de la planification de
l’offre en termes d’équipements et de lits hospitaliers, définie par le ministre

239
Partie 1. Les fondamentaux

de la santé publique et de la sécurité sociale. La carte sanitaire, officialisée


par l’article 5 de la loi du 31 décembre 1970, tient compte de « l’importance
et de la qualité de l’équipement public et privé existant, ainsi que de l’évo-
lution démographique et du progrès des techniques médicales ».
Le territoire national est désormais divisé en 21 régions sanitaires et
256 secteurs sanitaires. L’État entend ainsi garantir une réponse adaptée aux
besoins de santé de la population résident en France, sur la base de la création
d’un service public hospitalier. Cette organisation repose sur les principes du
service public définis dans le droit administratif classique et repose sur la
mobilisation des moyens, essentiellement du secteur des hôpitaux publics.
Le service public hospitalier permet à l’État de garantir aux résidents une
égalité, une continuité et une mutabilité ou adaptabilité du service public. De
façon subsidiaire, les établissements privés peuvent assurer le service public
hospitalier par le biais de l’association, pour les établissements privés à but
lucratif, ou de la participation, pour ceux à but non lucratif qualifiés en 1970
de « participant au Service public hospitalier » (PSPH). Ainsi la loi Boulin
constitue-t‑elle les indices de besoins exprimés en lits/population.
Arrêté en 1974, le découpage de l’espace géographique en 256 secteurs
sanitaires, répartis en 21 régions, vise à la fois à l’instauration d’un plateau
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technique minimum au sein de chaque secteur et à assurer un rééquilibrage
sectoriel des équipements hospitaliers. Pour créer des lits d’hospitalisation,
il faut qu’un hôpital soit dans une zone (secteur sanitaire) où il existe un
besoin dont le niveau est défini par un indice lits/population. La carte sanitaire
« sert de base aux travaux de planification et de programmation des équipe-
ments ». La réponse aux besoins de santé de la population organisée par l’État
repose pour la première fois sur la division du territoire en unités territoriales.
Les secteurs sanitaires regroupent environ 80 000 habitants par circonscription
sur la base d’un plateau technique minimal intégrant les moyens en lits de
médecine, chirurgie obstétrique, de radiologie, de bloc opératoire et de labo-
ratoire d’analyse médicale.
En outre, chaque secteur sanitaire dispose d’un service d’urgence. En effet,
la loi de 1970 marquera la création des services mobiles d’urgence et de
réanimation (SMUR) et des services d’aide médicale urgente (SAMU). Par
ailleurs, la psychiatrie réintègre l’organisation hospitalière de droit commun,
qui sera de nouveau modifiée en 1985 pour légaliser la sectorisation psychia-
trique. Le secteur de psychiatrie devient une circonscription géographique de
70 000 habitants pour les secteurs adultes et de 210 000 habitants pour les
secteurs enfants.
La loi Boulin développe également un régime juridique d’autorisations admi-
nistratives et d’agréments, qui sont délivrés par le préfet et doivent respecter
l’évaluation des besoins issue notamment des indices lits/population et des auto-
risations d’équipements lourds inscrites dans la carte sanitaire. L’ordonnance
n° 67‑829 du 23 septembre 1967, relative à la coordination des établissements
publics et privés de soins comportant hospitalisation et à la fixation des tarifs
des établissements privés de cure et de prévention, avait instauré un régime
d’autorisation administrative dans le domaine de l’équipement et des lits

240
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
sanitaires. Ainsi, la création ou l’extension de tout établissement sanitaire privé
comportant hospitalisation doit être autorisée par une décision motivée du
ministre de la santé publique, décision prise après avis de la commission de
coordination compétente. Le ministre de la santé publique, assisté d’une com-
mission nationale et régionale, assure ainsi la coordination de tous les établis-
sements de soins publics, privés à but lucratif et privés à but non lucratif. Le
nouveau dispositif soumet la création et l’extension des établissements d’hos-
pitalisation privés à une procédure d’« autorisation préalable ». Les nouvelles
dispositions législatives issues de la loi Boulin soumettent à autorisation la créa-
tion des établissements d’hospitalisation privée, la création, l’extension et la
conversion des installations, et l’installation des équipements matériels lourds.
La décision prise doit faire l’objet d’une motivation en cas de refus.
Les établissements publics demeurent sous le principe de l’approbation
par l’autorité de tutelle des décisions de leur conseil d’administration. La
procédure de création, d’extension ou de transformation des établissements
d’hospitalisation publics est donc soumise à une procédure d’approbation.
Cette organisation aboutit à établir un classement des établissements hos-
pitaliers en fonction de la composition de leurs plateaux techniques, dans le
prolongement du classement des établissements publics créés par la réforme
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de 1941, et renforcé par la réforme Debré de 1958. Elle favorise aussi le
développement d’une perspective hospitalo-centrée de l’organisation du sys-
tème de santé.
La loi n° 75‑535 du 30  juin 1975 relative aux institutions sociales et
médico-sociales, qui a été abrogée en grande partie par l’ordonnance
n° 2000‑1249 du 21 décembre 2000, a organisé la coordination des institutions
sociales et médico-sociales, mais a aussi consacré la rupture entre le sanitaire
et le social, initiée par la loi Boulin du 31  décembre 1970. Il ne faut pas
oublier également que le même jour a été publiée la loi n° 75‑534 d’orientation
en faveur des personnes handicapées, première loi de structuration et d’or-
ganisation de la prise en charge du handicap en France. La loi du 30  juin
1975 sur les institutions sociales et médico-sociales a organisé pour la
­première fois l’offre sociale et médico-sociale comme un ensemble homogène
et autonome, sur un modèle convergeant vers l’organisation sanitaire hospi-
talière. L’introduction du médico-social permet tout de même aux établisse-
ments sociaux de proposer des prestations de soins. Ces dispositions sont
considérées comme fondatrices à double titre. En premier lieu, elles marquent
l’autonomisation du secteur médico-social vis-à-vis du champ hospitalier.
Elles consacrent par ailleurs le secteur médico-social et le secteur social
comme un ensemble homogène qui doit être soumis à des règles communes.
Pour autant, elle n’a pas d’incidence sur la structuration de l’offre, puisque
aucune planification (offre/besoin) n’a été instaurée en 1975.
Cette unification des secteurs social et médico-social s’est opérée par un
double mécanisme de régulation. En premier lieu, l’organisation d’un cadre
et d’un régime d’autorisations des établissements, en remplacement de la
procédure déclarative existant jusqu’alors. Cette réforme est apparue dans un
premier temps comme stricte et rigide, alors même qu’elle était d’une relative

241
Partie 1. Les fondamentaux

souplesse. La consultation d’une commission régionale des institutions


sociales et médico-sociales (CRISMS) est instaurée. Par ailleurs, la coordi-
nation des établissements sous la forme de regroupements ou de conventions
n’était qu’une possibilité et, en aucun cas, ne relevait d’une obligation.
La réforme de 1970, dans son caractère exclusivement sanitaire et hospi-
talo-centré, va marquer le début de la séparation du sanitaire et du social, qui
constitue à notre sens une erreur historique qui sera corrigée quelques décen-
nies après. On notera à ce titre que dès 1978, la loi du 4 janvier 1978 consacre
l’échec de la séparation du sanitaire et du social. En effet, la loi n° 78‑11 du
4 janvier 1978 porte création des longs séjours hospitaliers.
Cette nouvelle structure de nature hybride, à caractère sanitaire, est chargée
d’assurer une prise en charge médicale et médico-sociale, aboutissant à un
mécanisme de double tarification : forfait soins et frais d’hébergement. Le
forfait soins est bien évidemment financé par l’assurance maladie, les frais
d’hébergement, dont le montant est fixé à l’origine par le conseil général,
sont à la charge des personnes concernées et de leur famille au titre de l’obli-
gation alimentaire ou de l’aide sociale. Le long séjour est ainsi défini comme
reposant sur « l’hébergement des personnes âgées ayant perdu leur autonomie
de vie et dont l’état nécessite une surveillance et des soins médicaux
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constants ». Il est bien évident que la loi du 4  janvier 1978 marque, moins
d’une décennie après la loi de 1970, et moins de cinq ans après la parution
de la loi de 1975, une véritable rupture puisqu’un mode double de prise en
charge se doit d’être défini.

8.4. La loi de modernisation de notre système


de santé de 2016 : prévention, promotion de la santé
et place de l’usager

La publication de la loi de modernisation de notre système de santé du


26 janvier 2016 a été précédée par celle de la loi du 28 décembre 2015 rela-
tive à l’adaptation de la société au vieillissement. La convergence en termes
de conception, d’organisation et d’outils déployés depuis plusieurs années
entre les secteurs d’activité sanitaire et médico-social se poursuit.
La loi n° 2015‑1776 du 28  décembre 2015 relative à l’adaptation de la
société au vieillissement, dite « ASV », aborde la double dimension du
bien-vieillir et de la protection des plus vulnérables. Le texte vise à « anticiper
les conséquences du vieillissement de la population et à inscrire cette période
de vie dans un parcours répondant le plus possible aux attentes des personnes
en matière de logement, de transports, de vie sociale et citoyenne, mais éga-
lement d’accompagnement et de soins en cas de perte d’autonomie ». Plusieurs
mesures visent à favoriser le maintien à domicile, à développer les actions
de prévention, grâce notamment au plan national de prévention du suicide
des personnes âgées, ou à la mobilisation nationale pour la lutte contre l’iso-
lement des âgés (MONALISA).

242
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
La loi ASV donne la priorité à l’accompagnement à domicile et contient
des mesures concrètes visant à améliorer le quotidien des personnes âgées et
de leurs proches, afin qu’elles puissent vieillir à domicile dans de bonnes
conditions.
La loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système
de santé s’inscrit dans le prolongement de la Stratégie nationale de santé
lancée par le gouvernement en 2013, et lui donne un fondement légal. Elle
s’articule autour de plusieurs axes ; elle fait de la prévention le cœur de notre
système de santé ; elle recentre le système de santé sur les soins de proximité
et engage le « virage ambulatoire » ; et elle crée de nouveaux droits concrets
pour les patients, en prenant des mesures fortes pour faire progresser la démo-
cratie sanitaire et renforce enfin la sécurité des patients.
Ce faisant, la LMSS aborde les questions de santé avec un prisme intégratif
et place chacun des établissements de santé en position d’opérateur, un parmi
les autres.
Par ailleurs, les établissements de santé ne maîtrisent pas l’entrée dans le
système de santé. Le schéma de planification s’en trouve bouleversé, puisque
l’axe central de celle-ci se trouve déporté vers l’offre de premier et de second
recours, reposant pour l’essentiel sur l’offre de santé libérale.
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L’exposé des motifs de la LMSS fixe quatre objectifs stratégiques :
–  « nécessité d’un pilotage unifié du système de santé, capable de mettre fin
aux cloisonnements actuels et de mieux associer les usagers à la gouvernance ;
–  nécessité de conférer une priorité à la prévention et à l’action sur les
déterminants de santé
–  nécessité d’actionner tous les outils de la coordination des parcours de
santé, autour des soins de proximité et de premier recours ;
–  nécessité, enfin, de poursuivre le combat pour l’égalité, d’améliorer l’ac-
cès aux soins et de continuer de faire progresser la justice sociale en matière
de santé. »
La LMSS que nous développerons reposait par ailleurs sur trois axes
majeurs :
–  Innover pour mieux prévenir. « La prévention devient le socle du système
de santé : elle organise le déploiement d’un parcours éducatif en santé de la
maternelle au lycée. »
–  Innover pour mieux soigner en proximité. La loi recentre le système de
santé sur les soins de proximité et engage le « virage ambulatoire » et renforcer
le service public hospitalier. Elle instaure les parcours de santé.
–  Innover pour renforcer les droits et la sécurité des patients. Elle crée de
nouveaux droits pour les patients. Elle prend des mesures pour faire progresser
la démocratie sanitaire : ouverture des données de santé, association des usagers
au fonctionnement des agences sanitaires et transparence sur les liens d’intérêts
entre médecins et industries de santé. La loi de modernisation de notre système
de santé marque la symbiose retrouvée entre la promotion de la santé, la pré-
vention et le modèle curatif, qui est venu constituer le fondement historique de
notre système de santé. La politique de santé se définit désormais à travers une
Stratégie nationale de santé et se décline dans la politique de santé publique,
avec de nombreuses mesures traitées dans la LMSS de 2016.

243
Partie 1. Les fondamentaux

La politique de santé se déploie en intégrant désormais l’action de l’en-


semble des opérateurs en santé qui constituent le secteur libéral, l’ensemble des
établissements de santé, les établissements et institutions sociales et médico-
sociales, les acteurs du champ de la prévention… Clairement, le système de
santé se réoriente vers la prise en charge de l’usager, comme en témoigne la
construction progressive de la démocratie sanitaire à partir des ordonnances
Juppé de 1996 et de la loi Kouchner du 4 mars 2002.

8.5. La loi portant réforme hospitalière de 1991 :


le pilotage par objectifs et la maturité
de la planification hospitalière

La loi n° 91‑748 du 31  juillet 1991 portant réforme hospitalière, dite loi
« Évin », prévoit une évolution majeure : l’évolution de la planification sani-
taire instaurée par la loi Boulin de 1970, qui devient qualitative, indicative
et projective. La loi conserve la carte sanitaire, mais en la renforçant par un
schéma d’organisation sanitaire, élaboré dans chaque région. La création du
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schéma d’organisation sanitaire régionale de cinq ans (SOSR), qui deviendra
plus tard le SROS, par installation en médecine, chirurgie, obstétrique, soins
de suite et réadaptation, soins de longue durée, psychiatrie, par activité coû-
teuse, parmi lesquelles : néonatologie, urgences, réanimation, hémodialyse…
et par équipement médico-­technique, marque incontestablement une emprise
plus forte de l’État dans une dimension projective de l’organisation du sys-
tème de santé et de la répartition des moyens sur le territoire national.
Comme le relèvera la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité
sociale en 2014, « la loi du 31 juillet 1991 complète la carte sanitaire par un
nouvel outil de planification, le schéma régional d’organisation sanitaire
(SROS), défini pour une durée maximale de cinq ans à partir d’une mesure
des besoins de la population et de leur évolution, compte tenu des données
démographiques et des progrès des techniques médicales et après une analyse,
quantitative et qualitative, de l’offre de soins existante ». Cette loi, qui crée
également les comités régionaux de l’organisation sanitaire et sociale, fait de
la région le territoire de référence de l’organisation du système de santé ; la
logique d’organisation territoriale qui va se déployer dans les réformes ulté-
rieures, particulièrement en 1996 et 2003, trouve donc son fondement dans
la loi de 1991, dont les prémices avaient été posées par la loi Boulin de 1970,
qui entérinait la création des secteurs sanitaires. La réforme de 1991 conduit
à la redéfinition du périmètre des secteurs sanitaires, dont le nombre est réduit
à 152, sur la base de données plus fines que celles utilisées pour la carte
sanitaire.
Le SROS s’avère dans sa conception comme un nouvel instrument de
recomposition de l’offre de soins sur les territoires régionaux et des secteurs
sanitaires. La portée juridique de la planification retenue en 1991 à travers le
SROS n’est qu’indicative et ne présente pas de caractère opposable. On voit
toutefois poindre la volonté du législateur de permettre à l’État de venir mieux

244
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
réguler l’offre hospitalière sur le territoire national. Cette évolution conforte
le modèle hospitalo-centré de la réponse aux besoins de santé instauré par la
loi Boulin de 1970. Cette analyse est confortée par le caractère ascendant du
système de planification qui commence à être introduit en 1991. La logique
de la loi Évin de 1991 repose sur la création du projet d’établissement, véri-
table « projet d’entreprise » du service public hospitalier qui agrège les projets
de service et permet à l’autorité en charge, à savoir le préfet de région, d’éla-
borer sur une base indicative le SROS de première génération. Cette autorité
déconcentrée devient désormais responsable d’une planification à caractère
projectif, même si elle n’emporte pas de caractère juridique opposable. Cette
dernière évolution interviendra en 2009. Ce système ascendant est complété
par la création du contrat pluriannuel, créé par l’article L712‑4 du CSP :
« Des contrats pluriannuels conclus entre les établissements de santé, publics
ou privés, les organismes d’assurance maladie, le représentant de l’État et,
le cas échéant, des collectivités locales permettent la réalisation des objectifs
retenus par le schéma d’organisation sanitaire. Ces contrats fixent les obliga-
tions des établissements et prévoient les moyens nécessaires à la réalisation des
objectifs poursuivis. Des contrats passés dans les mêmes conditions peuvent
avoir pour objet la réalisation d’objectifs particuliers aux établissements, com-
patibles avec les objectifs du schéma d’organisation sanitaire. »
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Cette politique de contractualisation posera les bases des futurs contrats
pluriannuels d’objectifs et de moyens inscrits dans l’ordonnance Juppé de
1996. Elle ne connaîtra guère de développement en 1991, dans la mesure
où les relations entre les préfets de région et les établissements de santé
se limiteront à l’élaboration, la présentation et l’approbation des projets
d’établissement de première génération.
Les établissements d’hospitalisation intègrent une catégorisation juri-
dique, l’« établissement de santé », définie par la loi du 31 juillet 1991. En
même temps, cette catégorisation ne fait pas l’objet d’une définition juri-
dique précise, si ce n’est qu’elle débouche sur la création pour les hôpitaux
d’une nouvelle catégorie d’établissement public : l’établissement public de
santé, qui constitue une forme d’établissement public administratif dont le
contenu est défini par la loi. Les établissements d’hospitalisation publics
deviennent donc des établissements publics de santé, dont le régime juri-
dique reste tout à fait similaire à celui de l’établissement public adminis-
tratif, qui date de la loi du 31 décembre 1970.
En réalité, le législateur a souhaité faire entrer l’ensemble des établisse-
ments d’hospitalisation, publics, privés à but lucratif, privé à but non lucratif,
dans une forme d’organisation architecturale relevant d’une catégorie fonc-
tionnelle homogène : les établissements de santé, permettant ainsi à l’État
d’intervenir sur le pilotage, la régulation, la tarification et le contrôle de
l’ensemble de ces établissements.
De ce point de vue, nous estimons que la loi du 31 juillet 1991 vient préparer
le socle de la réforme introduite par l’ordonnance Juppé du 24 avril 1996 sur
l’hospitalisation publique et privée. Par ailleurs, la loi du 31 juillet 1991 vient
intégrer et retranscrire dans le Code de la Sécurité sociale, la création de

245
Partie 1. Les fondamentaux

l’objectif quantifié national (OQN), qui résulte d’un accord signé le 4 avril 1991
entre l’État, les organismes d’assurance maladie et l’une des deux organisations
syndicales de l’hospitalisation privée : l’Union hospitalière privée (UHP).
Cet accord est très important à plusieurs titres. Le financement des éta-
blissements de santé privés est modifié. L’OQN qui est un accord tripartite
vient se substituer à la convention nationale de l’hospitalisation privée. Les
dépenses restent régulées par un OQN instauré par l’article L162‑22‑2 du
CSS, modifié par l’article 33 de la loi n° 99‑1140 du 29 décembre 1999. Ainsi
l’OQN, qui ne concerne que les établissements de santé à but lucratif ayant
passé un accord de conventionnement avec les organismes de Sécurité sociale,
constitue-t‑il une forme de budget global ou d’enveloppe globale finançant
ce secteur d’activité, avec pour conséquence de venir favoriser la restructu-
ration et la concentration de ces établissements. L’OQN fait l’objet d’une
négociation chaque année.
La loi portant réforme hospitalière de 1991 est caractérisée par l’avènement
d’une planification hospitalière qui commence à intégrer les composantes
publiques et privées du système. Le pilotage du système hospitalier est désor-
mais structuré sur la base nouvelle d’objectifs visant à projeter l’évolution
du système hospitalier sur les années à venir, grâce à l’élaboration d’un
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schéma régional d’organisation sanitaire. La planification devient qualitative
et projective, tout en conservant son caractère indicatif.

8.6. Les trois ordonnances Juppé de 1996 :


le socle de la transformation

Dès 1993, le rapport de la commission présidée par Raymond Soubie1, à


la demande du Commissariat général du plan, fixait l’objectif de l’indispen-
sable clarification des responsabilités respectives de l’État et de l’assurance
maladie dans le pilotage et la régulation du système de soins. Ce rapport
prospectif, « Santé 2010 », appelait par ailleurs au développement du contrôle
démocratique d’un pilotage. Le rapport Soubie recommandait que soient fixés
chaque année des objectifs annuels d’évolution des dépenses de soins, débat-
tus et votés par le Parlement. Ces dispositions trouveront leur application
dans la révision constitutionnelle du 22 février 1996, qui introduit la loi de
financement de la Sécurité sociale (LFSS). Par ailleurs, ce rapport préconisait
la création d’une agence régionale des services de santé (ARSS), qui serait
« responsable de la tenue des objectifs définis pour sa région en matière de
dépenses au niveau national ». Le rapport prévoyait que les missions de santé
publique continueraient d’être exercées par les DRASS et les DDASS.
L’ordonnance n° 96‑346 du 24 avril 1996 relative à la réforme de l’hos-
pitalisation publique et privée, dite « ordonnance hospitalière », refonde le

1. Commissariat général du plan, Santé 2010, rapport du groupe « Prospective du système de san-
té », La Documentation française, 1993.

246
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
pilotage régional sur la base de deux principes fondateurs : responsabilisation
et contractualisation. Le Premier ministre Alain Juppé, dans sa déclaration
de politique générale devant l’Assemblée nationale, annonce une réforme de
l’hôpital qui prévoit notamment de substituer au budget global, instauré en
1984, des contrats d’objectifs et de moyens négociés régionalement.
L’idée centrale de l’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 est de régio-
naliser le financement et la régulation de l’activité des établissements de santé
publics et privés. Les ARH sont ainsi créées et elles associent à parité l’État
et l’assurance maladie. L’objectif est de corriger les inégalités du système de
soins hospitaliers publics et privés entre régions et entre établissements, et
les deux moyens affichés sont la responsabilisation et la contractualisation
reposant sur une meilleure coordination entre les établissements publics
notamment à travers la création des Communautés d’établissement et les
Groupements de coopération sanitaire. L’ordonnance prévoit également la
mise en place de procédures d’évaluation et d’accréditation des établissements
de santé.
L’article L6115‑2 du CSP crée les agences régionales de l’hospitalisation
(ARH), qui sont des « personnes morales de droit public dotées de l’autonomie
administrative et financière, constituées sous la forme d’un groupement d’in-
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térêt public constitué entre l’État et les organismes d’assurance maladie ».
Dans l’exercice de ses missions, l’ARH est « administrée par une commission
exécutive et dirigée par un directeur ». Aux termes de l’article L6115‑3 du
CSP, le directeur de l’ARH exerce, « au nom de l’État, les compétences
mentionnées à l’article L6115‑1, à l’exception de celles exercées par la com-
mission exécutive en application de l’article L6115‑4 ». La forme du GIP a
été retenue car elle vise à associer les services de l’État : DRASS, DDASS
et les organismes de droit privé que sont les caisses primaires d’assurance
maladie (CPAM) et les caisses régionales d’assurance maladie (CRAM).
L’expression de cette gestion paritaire du système hospitalier au sens large
se trouve dans la constitution, au sein de l’ARS, d’une commission exécutive
(la « Comex ») qui est composée pour moitié des représentants de l’État et
pour moitié de représentants des organismes d’assurance maladie.
Le GIP ARH est donc marqué par une dualité organique. Le directeur de
l’ARH, en tant qu’autorité déconcentrée, agit au nom de l’État dans le cadre
de ses compétences générales et sous la conduite et le contrôle des ministres
chargés de la santé et de la sécurité sociale. La Comex agit dans le cadre de
ses compétences attributives déterminées par l’ordonnance, en qualité d’ins-
tance délibérative du GIP. Le but de cette nouvelle organisation est d’assurer
l’unicité de décision dans le pilotage et la gestion des établissements de santé,
qu’ils soient publics ou privés. Ainsi, les ARH se voient attribuer la plupart
des pouvoirs dévolus antérieurement aux préfets de région, en matière de
planification, et aux préfets de département, dans les domaines du budget et
du contrôle de légalité. Les différents services de l’État sont désormais coor-
donnés dans une administration spécialisée afin d’améliorer leurs contrôles
sur l’ensemble des établissements de santé. Elles planifient les structures et
les équipements, et allouent les ressources aux établissements, dans le cadre

247
Partie 1. Les fondamentaux

d’un groupement d’intérêt public géré sur une base paritaire, avec toutefois
une prééminence reconnue à l’État par la voix prépondérante que détient le
directeur de l’ARH en cas de partage égal des voix au sein de la commission
exécutive.
L’ordonnance n° 96‑344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l’or-
ganisation de la Sécurité sociale crée « en miroir » l’union régionale des caisses
d’assurance maladie (URCAM), structure régionale inter-régime regroupant
trois types de caisse locale de sécurité sociale : les caisses primaires d’assurance
maladie du régime général (CPAM), les caisses régionales maladie des pro-
fessions indépendantes (CMR) et les caisses de mutualité sociale agricole
(MSA). L’URCAM a pour mission d’élaborer notamment un programme
régional commun à l’ensemble des organismes d’assurance maladie, actualisé
chaque année. Ce programme intègre la médecine de ville, mais également
les champs hospitalier et médico-social. Les deux décrets, n° 97‑630 du 31 mai
1997, relatif aux unions régionales des caisses d’assurance maladie et modifiant
le Code de la Sécurité sociale, et n° 97‑631 du 31 mai 1997, relatif à diverses
dispositions concernant les unions régionales des caisses d’assurance maladie
et modifiant le Code de la Sécurité sociale, mettent en place les URCAM,
précisent l’organisation et les compétences qui leur sont confiées.
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On peut constater cet effet miroir entre les deux pôles régionaux que sont
l’ARH et l’URCAM, qui couvrent respectivement les domaines des établis-
sements de santé et le secteur ambulatoire. Cette réforme marquait une forme
de partition rationnelle entre deux sous-ensembles du système de santé, les
établissements de santé au sens de la loi du 31  juillet 1991 et le secteur
ambulatoire relevant historiquement de la politique conventionnelle menée
par l’assurance maladie. Cette séparation constituait une dyarchie et n’était
qu’une étape transitoire qui allait être marquée par des difficultés majeures
en matière d’articulation entre les deux secteurs d’activité.
La création plus tardive d’une nouvelle structure de coordination entre
l’ARH et l’URCAM témoigne ainsi de l’échec de cette dyarchie fonctionnelle.
La loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie avait créé
un nouvel instrument de coordination, la mission régionale de santé (MRS),
regroupant les ARH et les URCAM, chargée de l’organisation de l’offre de
soins régionale et de la coordination des deux secteurs du système de soins :
les établissements et la ville. La MRS était chargée de préparer et d’exercer
les compétences conjointes à ces deux institutions. Ainsi, les MRS installées
par un décret du 2  décembre 2004 devaient définir les zones rurales ou
urbaines pouvant justifier de dispositifs d’aide visant à favoriser l’installation
des professionnels de santé ou des centres de santé, proposer des dispositifs
de permanence des soins et définir des programmes d’action, dont elles assu-
reraient la conduite et le suivi, notamment en matière de développement de
réseaux. Dirigée alternativement, par période d’une année, par le directeur
de l’ARH et le directeur de l’URCAM, cette modalité d’organisation, ne
permettant pas de garantir une continuité et une stabilité dans la politique
menée, illustre parfaitement les difficultés de cette partition dans l’effectivité
du déploiement de cette nouvelle structure.

248
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
Par ailleurs, l’ordonnance du 24  avril 1996 porte création de l’Agence
nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), chargée d’établir
des normes de bonnes pratiques cliniques et des références médicales pour
l’hôpital et l’ambulatoire. Le décret du 7 avril 1997 précisera les modalités
d’organisation et les compétences de l’ANAES.
La coopération inter-hospitalière fait l’objet également d’un traitement
dans l’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996. De nouvelles instances de
concertation et de coopération inter-hospitalières sont ainsi créées. Les
Communautés d’établissements de santé assurant le service public hospitalier
visent à établir une concertation entre les établissements d’un même secteur
géographique assurant le service public. Cette coopération, sans réelle densité
juridique, connaîtra un échec et servira de base au projet plus ambitieux des
Communautés hospitalières de territoire, inscrites dans la loi de 2009.
L’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 crée également une nouvelle
catégorie de personne morale avec les groupements de coopération sanitaire
(GCS), beaucoup plus intéressante. Les GCS sont constitués par deux ou
plusieurs établissements de santé qui ne remplissaient pas les conditions pour
constituer entre eux un syndicat inter-hospitalier. Rappelons que seuls les
établissements publics et les établissements de santé privés assurant le service
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public hospitalier pouvaient constituer un syndicat inter-hospitalier.
L’ordonnance du 24 avril 1996 déploie effectivement les dispositions rela-
tives aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens conclus désormais
entre l’ARH et les établissements de santé, qui avaient été créés par la réforme
hospitalière du 31  juillet 1991. Sous l’impulsion de la nouvelle gestion
publique, le contrat est devenu un outil de régulation des relations entre les
personnes publiques, à tel point que le rapport Nora dès 1967 avait évoqué
un véritable « paysage contractuel ». Les rapports entre les opérateurs en santé
et l’État vont désormais se structurer sur la base de contrats, amenant ce dernier
à délaisser le mode d’intervention traditionnel lui permettant de développer
son action : l’acte administratif unilatéral. Les ordonnances du 24 avril 1996
marquent de ce point de vue le début de l’âge d’or de la procédure contrac-
tuelle dans le système de santé, qui est désormais le mode opératoire standard
dans l’organisation, le pilotage et la régulation de notre système de santé.
L’article  28 de l’ordonnance hospitalière du 24  avril 1996 rend opposable
l’annexe au SROS créée par la loi de 1991. Cette disposition n’a aucun carac-
tère rétroactif et n’entre, de surcroît, en vigueur que pour les schémas dits de
« deuxième génération », comme cela est précisé dans l’exposé des motifs :
« Il importe naturellement de poursuivre l’élaboration des SROS de première
génération pour les aspects qui n’auraient pu être développés et de réaliser
les annexes correspondantes. »

La loi n° 2002‑2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et m


­ édico-sociale
vise à refonder ces secteurs d’activité et à intégrer les évolutions intervenues
dans l’organisation et le pilotage du système de santé au sens large, dans une
logique de convergence du sanitaire et du médico-social, voire d’intégration
du premier dans le second. Ces dispositions législatives, complétées par une
série de textes réglementaires, présentent quatre caractéristiques.

249
Partie 1. Les fondamentaux

On assiste en premier lieu à un élargissement du champ d’intervention


du social et du médico-social. De nouveaux types d’établissements et ser-
vices viennent répondre à « l’émergence de nouveaux besoins, l’apparition
ou le développement de certaines pathologies », et visent à remédier au fait
que « l’étanchéité entre le social et le sanitaire peut constituer un frein à
l’innovation et à l’accompagnement décloisonné de certaines catégories de
populations ». De nouvelles structures sont reconnues comme acteurs essen-
tiels du secteur, et les modes de prise en charge sont diversifiés en allant
au-delà de celle à temps complet, qui constituait l’ossature de la loi sociale
et médico-sociale de 1975.
En deuxième lieu, la loi du 2 janvier 2002 vise à améliorer l’organisation
des procédures de pilotage entre l’administration et les opérateurs. Les
dispositifs de planification, d’autorisation, de contrôle ou de tarification
deviennent plus transparents et rigoureux. Ils procèdent d’autre part d’une
logique de convergence vers les mêmes dispositifs en matière sanitaire. Le
renouvellement de l’autorisation d’un établissement est désormais condi-
tionné par les résultats de l’évaluation, qui repose sur une démarche arti-
culant un processus interne et une intervention externe.
La loi de rénovation de l’action sociale et médico-sociale du 2  janvier
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2002 vise en troisième lieu à promouvoir une réelle coordination entre les
décideurs, entre les acteurs, et entre décideurs et acteurs. Sont mises en place
à cet effet des procédures formalisées de concertation et de partenariats :
conventions, contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, groupements de
coopération sociale ou médico-sociale.
La loi n° 2002‑202 du 4  mars 2002 relative aux droits des malades et à
la qualité du système hospitalier, dite loi « Kouchner », est marquée par une
volonté de créer une démocratie sanitaire. Cette évolution se traduit par l’af-
firmation des droits individuels des malades, tant à l’information médicale
qu’au dédommagement en cas de dommage « sans faute », et par la recon-
naissance de la place institutionnelle des usagers dans la conception, le pilo-
tage et l’organisation du système de santé.
Les trois ordonnances du plan Juppé du 24  avril 1996 ont posé le socle
de la transformation du système de santé. Elles marquent l’aboutissement
d’une mise sous contrôle par l’État des établissements de santé et créent les
conditions nécessaires à l’intégration complète du système de santé qui inter-
viendra dans les réformes ultérieures. En fait, le plan Juppé constitue une
réforme transitoire du système de santé qui va venir préparer les évolutions
ultérieures intégrant notamment le pilotage de l’organisation des soins de
première ligne dans le champ de l’intervention directe de l’État.

250
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
8.7. Le plan Hôpital 2007 et les ordonnances de 2003 et 2005 :
les outils du New Public Management et la contractualisation
et responsabilisation des acteurs

Le plan Hôpital 2007, présenté par Jean-François Mattéi, ministre de la


Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, s’est présenté comme un
plan de modernisation de l’hôpital. Les axes de ce plan, intitulé « pacte de
modernité pour l’hospitalisation », étaient les suivants :
– « Changement de logique pour passer de la régulation administrée à
l’autonomie…
–  Accompagnement des évolutions de la recomposition de l’offre hospita-
lière par l’État…
–  Assouplissement et modernisation des hôpitaux publics. »
L’objectif du plan Hôpital 2007 était de parachever les réformes engagées
en 1995‑1996. Pour autant, il marque un changement de méthode sur le plan
de l’intervention des pouvoirs publics, laquelle s’inscrit parfaitement dans le
cadre de la Nouvelle gestion publique en ce qui concerne le rôle et les moyens
d’action de l’État. En effet, le plan Hôpital 2007 va se construire sur la base
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d’expérimentations, d’une réduction du volume du corpus législatif et régle-
mentaire en vigueur dans le fonctionnement des établissements, et d’une adap-
tation au plus près du terrain des conditions d’organisation et de fonctionnement,
notamment de chaque établissement public de santé.
Par ailleurs, le plan Hôpital 2007 marque une évolution majeure dans la
gouvernance des établissements publics de santé. En fait, l’objectif est de
renforcer le pilotage médico-administratif de l’hôpital en appliquant, en direc-
tion du corps médical, deux principes : une plus grande association dans la
stratégie de pilotage et une plus grande responsabilisation dans l’organisation
des établissements publics de santé.
Le plan comprend notamment une relance de l’investissement, avec le sub-
ventionnement de certaines opérations et la prise en charge des intérêts d’em-
prunts nouveaux, la création de deux groupes de réflexion sur le statut de
l’hôpital et sur la gestion sociale, et l’élargissement des compétences des ARH.
Le plan Hôpital 2007 se développe sur la période 2002‑2008 sur trois axes
et comprend quatre séries de mesures, qui se trouveront traduites sur le plan
juridique dans deux ordonnances sur lesquelles nous reviendrons :
1.  Le changement de logique, en passant de la régulation administrée à
l’autonomie, en instaurant une tarification à l’activité incitative et en assouplis-
sant la planification.
2.  L’accompagnement par l’État des évolutions de la recomposition de
l’offre hospitalière : soutien à l’investissement hospitalier par un plan quinquen-
nal d’investissement, enveloppes régionalisées confiées aux ARH, soutien tech-
nique aux projets par un accompagnement des ARH et des établissements.
3.  L’assouplissement et la modernisation des hôpitaux publics en desserrant
« le carcan des contraintes », gestion interne des hôpitaux, régime budgétaire et
comptable, culture du résultat et de la qualité, contractualisation.

251
Partie 1. Les fondamentaux

Le plan Hôpital 2007 trouve sa concrétisation sur le plan juridique dans


deux ordonnances qui sont venues décliner les mesures déployées à titre
expérimental, définies et préfigurées dans ce plan.
L’ordonnance n° 2003‑850 du 4 septembre 2003 portant simplification de
l’organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des pro-
cédures de création d’établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux
soumis à autorisation vise à réorganiser le pilotage et la régulation du système
de santé. Le rôle des directeurs des ARH, « interlocuteurs privilégiés des
responsables des établissements de santé », est renforcé.
L’ordonnance du 4 septembre 2003 simplifie et déconcentre de façon quasi
totale le régime des autorisations d’activités de soins, en supprimant la carte
sanitaire, et vient renforcer le rôle du SROS élaboré par les ARH, en intégrant
un principe d’opposabilité juridique, certes limité pour l’instant à son Annexe.
Ainsi intervient la suppression du découpage territorial en secteurs sanitaires,
ces derniers étant remplacés par des « territoires de santé », nouveau cadre
géographique pour les missions dévolues aux établissements de santé. La
répartition des activités de soins et des équipements sanitaires par territoire
de santé est développée dans l’annexe au SROS. Ainsi, 159 territoires sont
définis sur la base d’instructions ministérielles invitant à « dépasser les limites
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administratives traditionnelles ».
Enfin, des conférences sanitaires de territoire sont créées, qui doivent
« contribuer à la mise en œuvre de projets médicaux de territoire ». En fait,
le SROS devient l’« outil unique de planification » : il s’étend au-delà de
la seule offre de soins hospitaliers et intègre la psychiatrie. Son annexe
devient de facto opposable, car l’ordonnance du 24 avril 1996 avait créé
un régime transitoire permettant de poursuivre l’élaboration des SROS de
3e génération sur la base antérieure à l’ordonnance2. La suppression de la
carte sanitaire entraîne parallèlement la création d’objectifs quantifiés de
l’offre de soins (OQOS), qui sont fixés dans les territoires de santé.
L’ordonnance du 4  septembre 2003 est venue substituer, aux anciens
indices de besoins de 1970, les OQOS définis par l’article L6121‑2 du CSP :
« Les objectifs quantifiés de l’offre de soins par territoire de santé, par
activité de soins, y compris sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation,
et par équipement matériel lourd définis à l’article L6122‑14. »

Dans un premier temps, le contenu des OQOS se décline par territoire de


santé, au niveau des activités de soins et des équipements matériels lourds,
dans une logique quasi normative. L’ordonnance du 4 septembre 2003 a fait
l’objet de compléments mineurs apportés par la loi du 13  août 2004, qui
intègre à titre indicatif ces orientations contenues dans les OQOS par la
mission régionale de santé.
Le décret n° 2005‑76 du 31  janvier 2005 relatif aux objectifs quantifiés
de l’offre de soins prévus à l’article L6121‑2 du CSP précise le périmètre,

2. Circulaire DH/AF/AF 1 n° 96‑466 du 18 juillet 1996 relative à la mise en œuvre de l’ordonnance
n° 96‑346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée.

252
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
le contenu et la portée des OQOS. Les OQOS sont définis dans l’annexe du
SROS, qui est devenue opposable, et ils sont fixés avec un minimum à
atteindre et un maximum à ne pas dépasser, sous peine soit de rétraction ou
de fermeture d’activité, soit de pénalités financières. Ils se présentent tout
d’abord comme un objectif chiffré offrant un cadre pour une période déter-
minée et avec une date cible. Il s’agit d’arrêter le volume d’activité de soins,
la densité d’équipement matériel lourd, leur implantation intégrant parfois le
temps d’accès pour garantir une réponse adaptée aux besoins de santé de la
population d’un territoire de santé. Ils constituaient en fait des instruments
d’encadrement de la déclinaison de l’offre par territoire, rendu possible notam-
ment par l’exploitation des résultats du PMSI (➠ Chapitre 4). Les OQOS se
présentaient donc sous une forme quantitative et dans une dimension norma-
tive définissant a priori des volumes d’activité à atteindre par producteur en
santé. Pour certaines activités, ces objectifs pouvaient être fixés en volume
d’activité de soins selon des critères de journées, de séjours, de venues, de
nombre de patients ou de nombre d’actes, ou encore sous forme de four-
chettes. Ils pouvaient être établis également en fonction du type d’activité de
soins concerné, certaines n’étant toutefois pas contingentées en volume,
comme l’ensemble des activités de soins assurées dans le cadre de l’hospi-
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talisation à domicile.
Ce véritable système de quotas de production, qui prévoyait par ailleurs
des mécanismes de sanction en cas de non-atteinte ou de dépassement des
OQOS, a été supprimé par le décret n° 2012‑192 du 7  février 2012 relatif
aux objectifs quantifiés de l’offre de soins. Ce texte vient reprendre et modifier
la fixation des OQOS à travers la mise en œuvre du SROS, pour l’implan-
tation des activités de soins et des équipements matériels lourds autorisés. Il
s’agit de fixer leur implantation, leur accessibilité et leur volume d’activité.
Ainsi, le décret supprime la contrainte des volumes d’activité des établisse-
ments de santé établis par les dispositions antérieures, sans remettre en cause
le pilotage de l’offre de soins inscrit dans l’ordonnance du 4 septembre 2003.
L’ordonnance du 4 septembre 2003 viendra étendre et unifier les formules
de coopération sanitaire entre établissements publics et privés au moyen du
Groupement de coopération sanitaire (GCS), qui devient le cadre naturel des
coopérations et des réseaux de santé.
L’ordonnance n° 2005‑406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique
des établissements de santé vient rénover l’organisation hospitalière en moder-
nisant la gestion des établissements publics de santé. Ainsi, elle procède à
une modification de la gouvernance hospitalière en médicalisant la gestion
des hôpitaux par une responsabilisation accrue du corps médical, déclinant
ainsi les principes et les résultats de l’expérimentation développée dès la fin
de l’année 2002 dans le cadre du projet Hôpital 2007.
L’organisation médicale interne des établissements publics de santé est
simplifiée et adaptée à la réalité du fonctionnement de chaque établissement,
grâce à la création des « pôles d’activités » ou « pôles de soins », qui doivent
permettre le décloisonnement de l’hôpital. Cette nouvelle tentative de réforme
des services médicaux se révélera être un succès par la combinaison de

253
Partie 1. Les fondamentaux

la procédure expérimentale retenue sur le plan de la méthode, et la modification


du mécanisme d’allocation des ressources aux établissements publics de santé
reposant sur la tarification à l’activité (T2A). Les pôles sont dirigés par un
médecin, assisté d’un cadre de santé et d’un responsable administratif.
Le médecin chef de pôle reçoit une délégation de gestion, qu’il exerce
dans le cadre d’un contrat d’objectifs. La création des pôles d’activités cli-
niques et médico-techniques regroupant un ou plusieurs services médicaux
et unités fonctionnelles s’applique non seulement à l’organisation des soins
et au fonctionnement médical, mais elle s’étend de surcroît en 2005 aux
activités administratives et logistiques. Les établissements publics de santé
définissent librement leur organisation interne en pôles d’activité, créés par
le conseil d’administration sur la base du projet d’établissement. La dénomi-
nation, le nombre, la taille et la composition des pôles sont laissés au choix
de l’établissement. Sur le plan de la gouvernance stratégique des établisse-
ments publics de santé, l’ordonnance recentre le conseil d’administration
(CA) sur ses missions stratégiques, d’évaluation et de contrôle. Depuis la loi
Boulin du 31  décembre 1970, un dualisme fonctionnel a été mis en place,
associant le conseil d’administration, assemblée délibérante limitée à un
champ de compétence d’attribution, et le directeur, autorité exécutive des
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délibérations du CA et dont le champ de compétence porte sur toutes les
questions n’entrant pas dans le champ d’attributions de l’assemblée délibé-
rante. Le CA conserve cette compétence d’attribution : « Le conseil d’admi-
nistration arrête la politique générale de l’établissement, sa politique
d’évaluation et de contrôle, et délibère après avis de la CME et du CTE…»
sur le périmètre de ses compétences défini depuis 1970.
L’ordonnance du 2 mai 2005 bouleverse fondamentalement le mode d’or-
ganisation de la gestion et du management des établissements publics de santé,
par la création du conseil exécutif, organe collégial et paritaire. Présidé par le
directeur, il associe à parité des membres représentant la direction et des
représentants des médecins, dont le président de la commission médicale d’éta-
blissement est membre de droit. Il constitue désormais la véritable structure
de pilotage de l’établissement ; l’ensemble des points examinés par l’assemblée
délibérante lui sont soumis préalablement. Cette nouvelle instance, qui sera
remplacée par le directoire dans la réforme de 2009, modifie à la fois les
attributions des différents organes décisionnels et consultatifs, et les modes
d’organisation et de relation fonctionnelle entre ces différentes autorités.
La CME est maintenue, mais se trouve impactée par la nouvelle organi-
sation des structures médicales avec la création des pôles d’activité. Ainsi,
l’« effacement » ou la suppression des services ou départements affecte la
CME dans sa composition ; la représentation des personnels médicaux au sein
de la CME s’articule sur un principe de parité entre les deux collèges des
chefs de service ou de département et des praticiens non chefs. Le CTE
demeure comme simple instance consultative ne disposant, contrairement à
la CME, d’aucune compétence « décisionnelle ».
La compréhension de l’ordonnance du 2  mai 2005 doit être éclairée
par la lecture de la loi n° 2003‑1199 du 18 décembre 2003 de financement

254
La lente maturation du système de santé en France

Partie 1. Chapitre 8.
de la Sécurité sociale pour 2004, qui, dans ses articles 22 à 34, décline la
loi organique relative aux lois de finances (LOLF) promulguée le 1er août
2001. Elle modifie en profondeur les modalités de financement des éta-
blissements de santé, en passant d’une logique d’attribution des moyens
à une logique de valorisation des résultats avec l’instauration de la
Tarification à l’activité (T2A). Jusqu’en 2003, les deux modalités de finan-
cement par l’assurance maladie distinguaient, d’une part, les établissements
publics de santé et les établissements privés à but non lucratif et, d’autre
part, les établissements hospitaliers à but lucratif. La T2A met en place
un mode unique de financement pour les activités de MCO (médecine,
chirurgie, obstétrique) pour l’essentiel.
Le plan Hôpital 2007, traduit dans les deux ordonnances du 4 septembre
2003 et du 2 mai 2005, repose à notre sens sur la mise en œuvre des principes
du New Public Management dans l’organisation du système de santé. Le
principe de responsabilisation des opérateurs et des acteurs du système de
santé et sa traduction, par la généralisation de la contractualisation, constituent
l’apport majeur de cette réforme. Bien évidemment, la réforme du 2 mai 2005
a eu pour conséquence une transformation de la gouvernance interne des
établissements publics de santé, qui se trouvera finalisée dans la loi HPST
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de 2009. Les outils de pilotage et de planification sont réformés, avec la
suppression de la carte sanitaire, l’instauration des objectifs quantifiés de
l’offre de soins et la création des territoires de santé.

Conclusion
Les réformes intervenues dans le champ de l’organisation du système
hospitalier, et plus généralement du système de santé, sont nombreuses, et
on assiste à une multiplication de celles-ci. L’accélération des réformes dans
le champ de la santé témoigne de la nécessité de faire évoluer le système de
santé afin qu’il réponde mieux aux défis qui s’imposent. En même temps,
cette accélération des réformes témoigne de la complexité et de la difficulté
de réformer ces activités à haute valeur sociale. De ce point de vue, la
contrainte financière et budgétaire, qui est devenue de plus en plus forte, ne
peut pas être considérée comme le seul levier utilisé pour mener des modi-
fications d’une telle ampleur. L’affirmation de la recherche d’une meilleure
qualité du système de santé, d’une maîtrise des risques et d’un développement
de la pertinence constitue les axes qui sont promus dans les réformes de notre
système de santé.
Par ailleurs, l’orientation globale du système, conçu initialement sur l’or-
ganisation de l’offre de santé, évolue vers le développement d’une réponse
cohérente aux besoins de santé de la population. Cela illustre l’adaptation
constante et permanente du système de santé en France.

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Partie 1. Les fondamentaux

Points clés
• Le système de santé est affecté d’un cycle de réformes qui viennent de façon
récurrente modifier et corriger son organisation, sans abandonner deux prin-
cipes de base : la justice sociale et la lutte contre les inégalités sociales et terri-
toriales en santé.
• Les transformations du système de santé ont été marquées par l’évolution de
la conception de la place de l’État dans les politiques publiques et par la mise
en application dans ce secteur des principes relevant du New Public
Management. L’organisation et la structuration du système de santé se sont
développées sur la base initiale d’une séparation entre le sanitaire et le social et
le médico-social. Depuis une vingtaine d’années, le système de santé s’enrichit
d’une dimension intégrative, privilégiant l’axe de la prévention comme colonne
vertébrale.
• L’organisation, le pilotage du système de santé par l’État est conçu à l’origine
comme un objectif en lui-même. À partir des années 2000, les buts poursuivis
par le système de santé se recentrent vers la réponse aux besoins des usagers,
avec la création de véritables parcours de santé.
• La maîtrise de la qualité du système de santé et la réduction des risques sani-
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taires liés à son fonctionnement, et plus généralement au développement des
risques sanitaires et sociaux, constituent désormais un axe central des politiques
de santé.

Pour en savoir plus


G. Chevillard, J. Mousques, « Accessibilité aux soins et attractivité territoriale : propo-
sition d’une typologie des territoires de vie français », Document de travail IRDES,
n° 76.
K. Chevreul et al., « France: Health System Review », France Health System Review,
vol. 17, n° 3. 2015.
CNAMTS, « Démographie des professionnels de santé libéraux : données annuelles par
région et par département », CNAMTS, 2019.
B. Madeline, N. da Silva, J.-P. Domin et al., Comment va la santé en France ?, La
Documentation française, coll. « Cahiers français », n° 408, janvier-février 2019.
P. Marin, « De la Stratégie nationale de santé à la loi Hôpital, patients, santé et terri-
toires, chronique d’une réforme inversée », Cahiers de la fonction publique, n° 342,
avril 2014, p. 78‑83.
P. Marin, « Le renversement du système de santé en France », Cahiers de la fonction
publique, n° 374, février 2017, p. 58‑63.

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