ÉLÉMENTS D'UNE CLINIQUE EN SOINS

Mireille Saint Etienne

Association de recherche en soins infirmiers | « Recherche en soins infirmiers »

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
2006/1 N° 84 | pages 11 à 15
ISSN 0297-2964
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2006-1-page-11.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Association de recherche en soins infirmiers.

© Association de recherche en soins infirmiers. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

 L A DÉMARCHE CLINIQUE
ÉLÉMENTS D’UNE CLINIQUE EN SOINS
Mireille SAINT ETIENNE,
Cadre clinicien, formateur
Chercher à cerner la clinique en soins infirmiers
revient à parler simultanément de choses assez dif-
férentes, car ce terme assez large recouvre à la fois
des savoirs, des méthodes, et des outils. Hors la
particularité de ces trois éléments reste leur
absence de définition claire. Les savoirs en soins
sont encore flous cela est lié à leur nature et à leurs
conditions de production. Les méthodes sont peu
lisibles car la méthode principale, la démarche cli-
nique, est confondue avec la démarche de soins, la
première se référant à la fois aux sciences humaines
et à la démarche médicale, la seconde se référant
à la démarche de résolution de problème. Les outils
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
s’inscrivent à la fois dans le champ du diagnostic et
dans celui de la thérapeutique. Aussi investir le
champ clinique demande aux soignants un change-
ment de position car cela suppose de sortir de la
position d’auxiliaire médicale historiquement fon-
dée sur l’évolution de la médecine, et d’investir à
la fois le champ du diagnostic et celui de la théra-
peutique. Investir le champ du diagnostic suppose-
rait d’utiliser le raisonnement clinique alors que
l’on constate actuellement plutôt un recul dans le
milieu soignant et enseignant dans l’appropriation
du concept de diagnostic infirmier. Investir le champ
de la thérapeutique signifierait aller jusqu’au bout de
la démarche diagnostique en proposant au patient
des interventions spécifiques. Il s’agit bien là d’une
évolution du positionnement professionnel visant
l’augmentation des compétences en soin.
DES SAVOIRS FLOUS
La clarification de la clinique en soins infirmiers
passe par l’élaboration et l’explicitation des savoirs
en jeu dans les situations de soins. Mais définir les
savoirs est une entreprise toujours ardue même si
cette question alimente la réflexion du milieu infir-
mier depuis une bonne vingtaine d’années.
Mots clés : Savoir, démarche, outils clinique, champ du diagnostique et du thérapeutique
Les infirmières sont passées d’un savoir empirique
et oral, à l’origine des soins, à deux types de savoirs
professionnels, celui du rôle propre indéfini et fluc-
tuant, (dont nous serions les dépositaires et les
garantes,) essentiellement appuyé sur les sciences
humaines et celui du rôle sur prescription délégué
car médical, appuyé sur les sciences médicales, la
pharmacologie, la biologie, la génétique. Il est facile
de voir que cette dichotomie introduit une hiérar-
chisation dans les savoirs, donnant, dans notre sys-
tème de santé, la prééminence aux savoirs médi-
caux.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
Les savoirs des sciences médicales ont été
construits progressivement grâce à la clinique
médicale et à la recherche, il n’en est pas de même
pour les savoirs dans le champ du rôle propre.
Ceux-ci restent flous, dans la mesure où ils ne
sont clairement mis en évidence qu’au coeur de
l’activité professionnelle, c’est-à-dire dans une cli-
nique en soins infirmiers. Il faut donc accepter que
les savoirs, sur lesquels s’appuie la fonction d’un
clinicien, maintiennent une forme tacite et ne
trouvent de consistance réelle qu’en lien avec leur
mise en pratique, c’est pour cette raison qu’ils
restent encore difficiles à définir et sont source
d’ambiguïté pour la majorité des soignants car il
s’agit d’un savoir d’une autre nature, un savoir
contextualisé, un savoir circonstanciel, un savoir
personnalisé. En effet, il importe ici, de com-
prendre comment le malade vit ce qui lui arrive,
comment il se représente sa maladie, quelle est
sa dynamique, si le traitement lui convient, com-
ment il l’intègre dans sa vie, quel est son système
de support relationnel et social et comment ses
proches vivent eux aussi cette situation.
Cela implique d’utiliser trois niveaux différents de
fonctionnement mental, à la fois une méthode
scientifique (de résolution de problème), une pen-
sée systémique (comprendre ce qui est vivant, ce
qui est en interaction, ce qui fait lien...) et un mode
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 82 - SEPTEMBRE 2005 11
 intuitif permettant la saisie du singulier dans une situa-
tion qui est toujours unique.
On retrouve là une volonté de ne pas réduire l’homme
à un objet d’expérimentation et un souci de reconnaître
l’originalité et l’unicité de l’individu. C’était déjà l’idée
d’Aristote comme on peut le lire dans le premier cha-
pitre de sa Métaphysique : «si on possède la notion sans
l’expérience et que connaissant l’universel, on ignore
l’individuel qui y est contenu, on commettra souvent
des erreurs de traitement, car ce qu’il faut guérir c’est
l’individu».
Il y aurait donc deux ordres de savoir, celui concernant
la maladie, identifié, structuré, et transmissible et celui
concernant le malade et son vécu individuel, singulier,
conjoncturel et dans la relation… Il représente deux
versants de la situation du malade, deux manières
d’aborder les problèmes posés par sa santé, en théorie
complémentaires ils se hiérarchisent dans les milieux de
soins.
UNE DÉMARCHE COMPLEXE
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
Les programmes de formation ont intégré les sciences
humaines depuis au moins 20 ans, en terme de conte-
nus de connaissances, mais non en terme de démarche,
or, il existe aussi une démarche clinique en sciences
humaines. Il s’avère qu’il est toujours difficile de disso-
cier les connaissances de leurs modes de production,
les sciences humaines ont produit des savoirs en lien
avec leur propre mode de production et il s’agit pour
les soignants d’intégrer des contenus de connaissances
dans une démarche autre que celle dans laquelle ils ont
été produits. On peut constater dans la pratique com-
ment dans la formation initiale, les étudiantes infirmières,
puis ensuite les infirmières, ont du mal à intégrer dans
une démarche de soins des connaissances ou des
concepts qui viennent des sciences humaines, par
exemple le concept de transfert issu de la psychanalyse,
est difficilement intégrable dans la démarche de soin.
Selon Revault d’Allonnes (1989) les caractéristiques de
la démarche clinique en sciences humaines se déclinent
comme suit :
- Lien avec la pratique : ces pratiques peuvent être
diverses, en situation duelle, groupale, institutionnelle,
l’important est la notion d’expérience et celle de dis-
tance,
- Rôle de la demande : la démarche clinique a tou-
jours à faire avec une demande, exprimée par un sujet
ou un groupe, demande d’élucidation,de reconnais-
sance, de soutien, de formation, de soin, elle peut
être explicite, implicite, confuse voire déguisée et se
déplacer,
12 RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
- Importance de la relation : la démarche clinique
est toujours relationnelle elle travaille dans et sur la
relation car l’objet est un sujet c’est la notion centrale
en clinique,
- Prise en compte de l’implication : la démarche
clinique pose toujours la question de l’implication du
clinicien notamment de sa prise de conscience et prise
de distance dans ce travail,
- Rapports avec la psychanalyse : ce point pose la
question des référents théoriques, du travail avec le
transfert et de la gestion des phénomènes transféren-
tiels,
- Réévaluation du social : la démarche clinique se
détache de l’analyse par son engagement également
dans le champ social, il s’agit d’accorder une place à
l’histoire, aux liens sociaux, aux représentations, aux
systèmes de valeurs, aux idéologies, aux groupes et à
la trajectoire sociale de la personne.
On peut voir les points de convergence entre
démarche clinique en sciences humaines et démarche
clinique en soins, en particulier dans les dimensions
du lien avec la pratique, de l’importance de la relation,
et de la réévaluation du social. Néanmoins nous avons
été habitués à penser la démarche clinique comme
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
on la pense dans le champ médical, c’est à dire
dans ses trois dimensions de sémiologie, diagnostic,
et traitement.
Mais, comme pour le champ médical, nous considérons
que la clinique est constituée de l’ensemble des moyens
nécessaires à l’examen d’un patient, des résultats tirés
de ses investigations permettant d’identifier un diagnostic
et de proposer une direction thérapeutique. Nous avons
donc reproduit cette démarche dans les soins infirmiers
et avons repris ces trois éléments, la sémiologie, le dia-
gnostic et le traitement en les déclinant en 5 étapes,
recueil de données, analyse et diagnostic des problèmes
de soins, interventions et évaluation, ce que nous appe-
lons démarche de soins. Ceci a aboutit à confondre
démarche clinique et démarche de soins, cette dernière
étant un processus de résolution de problème et non
pas la démarche clinique mais son opérationnalisation.
Penser la démarche clinique en soins infirmiers sur le
même modèle que la démarche clinique médicale a
conduit à la réduire car les soins infirmiers s’inscrivent
dans le champ des sciences humaines tout autant que
dans le champ de la médecine. Ainsi, entre réduction et
confusion nous avons transmis un modèle dont nous
devons constater aujourd’hui les limites, tant pour la
prise en charge des malades que pour la construction
d’une pensée infirmière.
En résumé, nous dirions aujourd’hui qu’il ne suffit pas
d’intégrer des connaissances en sciences humaines dans
la formation et la pratique des infirmières mais qu’il s’agit
d’intégrer également une démarche clinique en sciences
humaines qui prendra en compte les dimensions

négligées jusqu’ici, c’est-à-dire, le rôle de la demande,
la prise en compte de l’implication et les rapports avec
la psychanalyse
DES OUTILS DIAGNOSTIQUE
ET THÉRAPEUTIQUE
Ces outils sont utilisés dans des situations de soins com-
plexes dans le champ des soins relationnels et des soins
éducatifs. Ils nécessitent une formation complémentaire,
permettant d’entrer dans la démarche clinique en
sciences humaines et d’intégrer les différentes dimen-
sions, du rôle de la demande, de la prise en compte de
l’implication et des rapports avec la psychanalyse. Leur
particularité est d’être utilisable à la fois dans une dimen-
sion diagnostique et thérapeutique des soins.
En effet, pour les interventions répondant à des pro-
blèmes d’ordre physiologique les réponses sont plus
faciles, soit parce qu’elles sont médicales, soit parce
qu’elles sont dans les modèles de formations transmis
par les structures d’enseignement.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
Ce sont les interventions qui ne sont ni médicales ni
dans le champ habituellement reconnu aux infirmières
qui posent problème, en particulier les difficultés ren-
contrées par les patients comme la perte de l’espoir, la
peur, le sentiment d’impuissance, le deuil, la perturba-
tion de l’image corporelle, la perte de l’estime de soi, la
douleur etc. qui font partie à un moment ou à un autre
du processus pathologique.
Lors des situations de soins, ces outils vont être pro-
posés et utilisés par l’infirmière soit comme une aide à
l’identification d’un problème, soit comme une aide pour
permettre au patient d’avancer ou de résoudre une dif-
ficulté.
Actuellement, ce qu’on entend par outils de la clinique
comprend des interventions comme : la relation d’aide,
la relaxation, l’imagerie mentale, le travail avec le dessin,
et le toucher.
La relation d’aide
Formalisé par Carl Rogers (1955) elle se développe dans
le milieu infirmier, en psychiatrie d’abord après 1968,
puis dans les soins généraux avec la formation continue,
elle apparaît dans les programmes de formation en IFSI
à partir du décret de 1984 sous l’appellation « relation
d’aide thérapeutique ». Elle est particulièrement déve-
loppée dans la formation des infirmières cliniciennes car
elle peut être utilisée avec une visée diagnostique et/ou
thérapeutique selon les situations. Dans la démarche cli-
nique, l’infirmière attentive à la dimension implicite de
ÉLÉMENTS D’UNE CLINIQUE EN SOINS
la demande, va utiliser la relation d’aide en créant un
climat de confiance et de sécurité permettant au patient
d’aborder ce qui le préoccupe tant sur le plan physique,
psychique que social. En fonction du problème identifié
ou de la demande du patient, la relation d’aide, outil
principal des soins relationnels, va permettre d’accom-
pagner la personne, de l’aider à identifier ses difficultés
et ses ressources, de mobiliser son énergie, de donner
du sens à ce qui lui arrive, ou d’accepter ce qui est iné-
luctable, tout au long de la prise en charge. Les concepts
d’empathie, d’écoute active, de congruence, mobilisés
dans la relation avec le patient engagent les acteurs
comme des partenaires, cela suppose que le soignant
s’implique à la fois professionnellement et personnelle-
ment mais aussi qu’il apprenne à gérer son implication.
Elle permet au patient de construire un lien-support
avec le soignant, lien auquel il puisse avoir recours dans
les moments les plus difficiles...
La relation d’aide est indispensable pour l’utilisation de
tous les outils qui vont suivre qui ne peuvent se soute-
nir que dans une relation soigné/soignant de grande
qualité.
La relaxation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
Mise au point par un psychiatre allemand au début du
XXème siècle, le training autogène de Schultz est une des
méthodes les plus connues, en proposant à la personne
d’être attentive à ses perceptions elle vise à obtenir une
détente physique et mentale. Complétée par la méthode
de relaxation progressive d’Edmond Jacobson (1908)
centrée sur le principe de la relation existant entre les
tensions musculaires et le vécu émotionnel de la per-
sonne, la relaxation est un outil permettant au patient
de prendre conscience de ses tensions, de libérer des
zones de son corps bloquées par le stress, d’agir sur la
douleur et de sentir qu’il peut modifier les perceptions
désagréables. On a montré que les émotions se tradui-
sent par des processus de contractions transitoires et
variables localisés dans les diverses parties du systèmes
musculaire et viscéral. Dans sa visée thérapeutique elle
permet non seulement au patient de prendre conscience
de son corps, de ses sensations corporelles, mais aussi
des tensions et de la façon dont il est conscient ou non
de celles-ci, il s’agit donc de l’aider à développer le plus
finement possible la conscience de sa sensibilité pro-
fonde. Elle permet par la diminution de la tension et de
l’anxiété une meilleure connaissance du corps une prise
de conscience de son schéma corporel, ce travail
permet de mettre en lien les affects, plus
ou moins conscients, et le corps et de faciliter une
élaboration.
Jacobson avait établi qu’angoisse et détente musculaire
ne pouvaient pas cohabiter et il décrit des résultats
remarquables aux Etats-Unis tant sur le plan physique
que psychologique.
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006 13
 L’imagerie mentale
L’activité cérébrale est une activité très complexe
dont nous n’avons pas encore mesuré toutes les
dimensions. Ce que nous savons néanmoins c’est que
dans notre cerveau naissent « des films » (Damasio
Antonio 2000) ces films sont la somme, intégrée et
unifiée, des diverses images sensorielles, visuelles,
auditives, tactiles, olfactives qui constituent l’esprit.
L’imagerie mentale s’inspire de cette capacité natu-
relle du cerveau même s’il est parfois plus expert à
produire des images négatives que positives. Dans ce
travail, il s’agit de permettre au patient de prendre
conscience de ses propres images de la maladie ou
de la situation vécue et de les transformer à son
bénéfice.
D’après Anne-Marie Filliozat (1988) « …tout ce qui se
passe dans le psychisme a une répercussion dans le corps et
vice versa. Ainsi en changeant le contenu de nos images men-
tales, en visualisant des choses positives, nous envoyons à
notre corps des messages qui l’invitent à la détente, à une
amélioration de son fonctionnement. ».
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
Dans sa dimension diagnostique l’imagerie mentale peut
permettre au patient de prendre conscience de l’image
qu’il a de son corps, de la façon dont il se prépare soit
à la fuite soit à la lutte, du conflit entre les capacités de
raisonnement et les images inconscientes, elle peut pré-
ciser sur quoi porte la difficulté du patient, comprendre
où est le problème, et ouvrir un échange avec le soi-
gnant.
Dans la dimension thérapeutique l’imagerie mentale va
être utilisée comme une ressource importante pour lut-
ter contre la maladie.
Il s’agit de mettre en scène des images destinées à
envoyer au corps malade des messages positifs qui
auront un effet direct sur le système immunitaire et la
balance hormonale par l’intermédiaire du cerveau lim-
bique. Il y a de ce fait transformation de l’espoir en modi-
fications physico-chimiques.
Concernant la maladie dont elle est atteinte la personne
à besoin d’évaluer le plus clairement possible quelles
sont les images mentales qui l’habitent quelles sont ses
pensées, ses émotions et ses croyances au sujet de cette
maladie.
L’imagerie mentale stimule le travail d’élaboration psy-
chique et permet au patient de prendre conscience
de ses conflits internes, de travailler sur les croyances
négatives, de renforcer les croyances positives, et d’en-
visager des changements en liens avec sa situation. Il
devient ainsi l’acteur principal de la lutte contre la
maladie.
14 RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
Le dessin
Le travail avec le dessin complète le travail d’imagerie
mentale, en effet projeter sur un papier ses images inté-
rieures en utilisant une lecture « au ras du trait », c’est
à dire sans aucune interprétation, permet au soignant
et au patient ensemble, d’avancer dans les représenta-
tions.
Le dessin est un outil qui permet de communiquer sur
les images mentales produites pendant la relaxation, il
permet à la personne de les clarifier, il la renseigne sur
son image du corps et sur la façon dont elle se posi-
tionne face au monde extérieur aspect très important
dans la maladie.
Le dessin, comme représentation graphique de son
monde intérieur, met également la personne en face de
ses difficultés, il peut donc être assez confrontant, aussi
le patient doit être accompagné dans ce chemin avec
bienveillance, compréhension et respect de son rythme,
compétences acquises par l’infirmière dans la formation
à la relation d’aide. L’échange qui a lieu à propos du des-
sin est souvent un moment fort de prise de conscience
des problèmes dans la maladie mais aussi dans la vie de
la personne, pour aider celle-ci le soignant va utiliser
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
une grille de lecture rigoureuse ne laissant pas place à
l’interprétation (Filliozat Anne Marie 1990) car il ne s’agit
pas là de donner un sens, qui risquerait d’être une pro-
jection du soignant, mais d’ouvrir à des ressources mobi-
lisables par le patient. Ce travail d’accompagnement fait
par le soignant peut avoir une durée plus ou moins
longue, et dans certains cas une séance peut suffire à la
personne ayant pris conscience de la difficulté, à mobi-
liser ses ressources pour son bénéfice.
Le toucher
La dimension corporelle a toujours été au cœur des
soins, ainsi le toucher est utilisé par les soignants depuis
l’origine des professions soignantes. L’utilisation de cet
outil dans la dimension de la relation d’aide, permet aux
infirmières de compléter l’approche par la parole, et
d’être un moyen de contact avec des personnes en dif-
ficulté dans l’expression verbale pour des raisons phy-
siques ou psychologiques. Dans certains secteurs, géria-
trie, soins palliatifs, handicaps profonds, ce moyen est
quelquefois le dernier lien possible pour rester en
contact avec la personne.
Les techniques utilisées peuvent être diverses, toucher
californien, réflexologie, toucher thérapeutique, ces dif-
férentes dimensions vont être mobilisées par le soignant
en regard de la situation, de la demande ou de l’objec-
tif visé, soulagement de la douleur par exemple.
Certaines techniques ancestrales de toucher comme la
réflexologie, utilisée par la médecine chinoise, peuvent
donner des indications diagnostiques sur la dimension
 ÉLÉMENTS D’UNE CLINIQUE EN SOINS

fonctionnelle des mouvements organiques, cela permet BIBLIOGRAPHIE

au soignant d’avoir des éléments précieux sur l’état des
organes et de guider ses interventions.

Dans la dimension thérapeutique le toucher vise le sou-
lagement de certaines douleurs, des troubles liés à
l’anxiété ou au sommeil, mais il peut aussi mettre le
patient en contact avec des sentiments, des images, des
souvenirs, des croyances, des schémas de vie, somati-
sés dans le corps (Abrassart Jean Louis 2001) et qui sont
à la source de ses tensions. Cette approche en intégrant
les dimensions de toucher, d’émotion et de parole, per-
met à la personne de trouver des ressources pour faire
face à sa maladie.
Il va de soi que l’utilisation de ces différents outils néces-
site non seulement une formation complémentaire, mais
aussi des temps de supervision permettant aux infir-
mières engagées dans ce travail, de parler de leurs dif-
ficultés, d’analyser les processus transférentiels, et de
prendre conscience de leur implication dans la relation
en soins cliniques.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
Damasio Antonio article « le cerveau et l’es-
prit » in Pour la Science n° 267 Janvier 2000
Filliozat Anne Marie article « Images, source de
santé » juin 1988 in Etudes psychothérapiques
n° 2 Privat Toulouse
Filliozat Anne Marie article « Utilisation du des-
sin dans le travail d’imagerie mentale » Forum
relaxation visualisation, Montpellier Novembre
1990
Revault D’Allonnes et Al « la démarche clinique
en sciences humaines » 1989 Dunod Paris
Rogers Carl « le développement de la per-
sonne » Dunod
Abrassart Jean Louis « le toucher libérateur »
Trédaniel 2001

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.154.28.55 - 05/04/2020 14:27 - © Association de recherche en soins infirmiers
EN CONCLUSION Saint Etienne Mireille « La clinique infirmière :
fondement de l’acte de soins » Mémoire de
DEA Sciences de l’éducation Nanterre 2000
C’est par l’appropriation progressive de la démarche et
des outils cliniques qu’une infirmière va développer un
positionnement culturellement différent. La possibilité
de proposer au patient un outil de soins inhabituel, de
l’expliquer, de le mettre en œuvre et de l’évaluer avec
celui-ci, va obliger le soignant à sortir de son rôle d’exé-
cutant, à changer son regard sur le malade qui devient
réellement un partenaire et à ouvrir dans le champ des
soins la dimension contractuelle. C’est la contractuali-
sation qui va rendre le soignant responsable donc auto-
nome et le patient acteur de sa maladie.

La formation vise à donner des outils spécifiques, le

risque étant toujours que l’investissement par les infir-
mières du champ clinique se réalise par l’appropriation
des outils avant celui des concepts, ce qui amènerait à
réduire la clinique infirmière à l’utilisation d’outils. Le
travail d’analyse de pratique vise à les dépasser, car en
replaçant ces outils au coeur de l’activité profession-
nelle, c’est à dire en situation clinique, cela permet l’ap-
propriation en situation réelle et la production de
connaissances nouvelles, contribuant ainsi à développer
un patrimoine de savoirs en soins infirmiers.

Depuis plus de 20 ans le rôle des infirmières, décrit en

terme de rôle propre et de rôle délégué, clive le rôle
professionnel et oblige les professionnelles à un « grand
écart » identitaire ; souhaitons que le développement
d’une clinique en soins infirmiers contribue à la
construction d’une identité professionnelle.

RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006 15