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PRISE
MARIE BÉRUBÉ ET MARC VACHON
© IDEO 2019 , un département de City Éditions
pour l'édition française
© Marie Bérubé et Marc Vachon
Couverture : Shutterstock/Studio City
ISBN : 9782824632896
Code Hachette : 77 3565 8
Collection dirigée par Christian English & Frédéric Thibaud
Catalogues et manuscrits : city-editions.com/IDEO
Conformément au Code de la Propriété Intellectuelle, il est interdit
de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, et ce,
par quelque moyen que ce soit, sans l’autorisation préalable de l’éditeur.
Dépôt légal : Septembre 2019
Introduction
Tout philosophe vous dira qu’aujourd’hui est le demain pour lequel vous vous en faisiez hier.
(DAVID BAIRD)
L’idée de cet ouvrage s’est imposée à nous après une très longue incubation. Une petite mésaventure lors de notre premier séjour au
Nicaragua nous avait procuré l’occasion de donner un sens à cette déception : écrire un article sur le lâcher-prise en expérimentant sa
démarche. Cette anecdote fera d’ailleurs l’objet de notre premier chapitre. Pour vous, elle constituera un exemple éloquent de ce que
nous traiterons plus abondamment et développerons par la suite.
Ce petit texte, d’abord publié dans le magazine Travail et santé , a été repris ensuite sur notre site Internet OSERChanger.com.
Depuis, il figure invariablement en tête de notre palmarès de près de deux cents articles qui sont consultés quotidiennement. Il est lu et
partagé des dizaines de milliers de fois chaque année. Nous sommes toujours impressionnés par ce nombre de visites et touchés par ce
besoin de savoir-faire exprimé à maintes occasions par nos lecteurs.
La nécessité d’écrire ce livre s’est cristallisée autour de l’idée de le rédiger ailleurs, loin de l’hiver canadien et de tout ce qui pourrait
nous déranger. Cela requiert une discipline de tous les jours, et nos occupations familiales, professionnelles et artistiques étaient de
bien trop belles distractions au Québec. D’abord en Espagne en 2015, puis en Martinique l’année suivante, nous nous sommes penchés
sur nos cahiers et nos écrans pour donner le jour au livre que vous avez en main.
Aperçu
Si lâcher prise, décrocher, tourner la page, pardonner était facile, vous le feriez tous spontanément avec grâce et intelligence. Car vous
comprenez très bien que votre combat est exténuant, dangereux et inutile. Mais voilà, vous vous heurtez à répétition au mur
incontournable, croyez-vous, de vos obsessions. Pourquoi ? La principale raison est que vous continuez probablement de chercher une
solution avec l’état d’esprit qui a créé le problème.
Dans la première partie de ce livre, vous pourrez prendre conscience des facteurs qui ont contribué à votre difficulté récurrente à
lâcher prise. Vous explorerez, pour mieux les saisir et les démasquer, les éléments de votre histoire qui vous ont amené à construire
votre manière d’aborder la vie et ses aléas. Vous comprendrez comment votre propension à devenir obsédé par un problème est liée à
votre développement personnel, à votre éducation, et parfois même à votre tempérament de base. Vous verrez comment le fait de
penser continuellement à ce qui vous préoccupe amplifie la situation, tout comme l’habitude d’abreuver votre entourage du récit répété
de votre malheur.
Nous démontrerons comment certaines de vos croyances personnelles peuvent être paralysantes, comme plusieurs règles qui
gouvernent vos attentes. La souffrance inhérente aux épreuves se nourrit de ces manières de penser pernicieuses et n’est, tout compte
fait, pas utile. Plusieurs d’entre vous sont conscients, sans pouvoir s’en défaire, de leur attachement profond à leurs blessures.
Nous examinerons donc quelques stratégies courantes et les réactions inappropriées qui conduisent, sinon à la dépression, du moins à
l’augmentation du stress venant de l’intérieur. Il est crucial de démasquer votre résistance, les chemins qu’elle peut emprunter, ainsi
que l’impuissance apprise que vous ressentez. Quand vous placez le contrôle à l’extérieur de vous, vous laissez malheureusement la
vie, ou les autres, décider pour vous.
Cette prise de conscience est, à notre avis, un préalable essentiel au lâcher-prise si vous désirez que ce dernier soit durable et que cette
possibilité s’intègre à votre répertoire de réponses devant les inévitables bouleversements qui se produisent dans la vie.
La seconde partie du livre s’attaque plus directement au travail du lâcher-prise, que nous pourrions nommer la préparation immédiate.
Le corps est le premier averti lorsque vous êtes blessé physiquement, cela va de soi, mais aussi émotionnellement, les émotions
ressenties s’exprimant par le corps. Nous avons tous un peu tendance à vouloir éviter la douleur et les émotions désagréables. Elles
sont pourtant le signal d’alarme qui nous invite à nous protéger, à nous soigner.
Partager ces émotions avec quelqu’un d’autre, échanger, permet d’y voir plus clair. Cet échange diffère fortement de l’action de se
complaire dans un problème ou de l’amplifier avec tout un chacun. Vous apprendrez comment choisir un confident, qu’il s’agisse d’un
ami ou d’un thérapeute. Ce choix revêt une grande importance pour la suite des choses.
Le lâcher-prise s’avère difficile pour plusieurs raisons, entre autres parce que nous ne le définissons pas tous de la même manière.
Nous ferons donc, à ce point de notre exposé, quelques nuances, quelques distinctions, pour énoncer ce que n’est pas le lâcher-prise et
ainsi faciliter le pas suivant : l’acceptation.
Dans la troisième partie, à l’aide de témoignages, nous aborderons le moment plus ou moins court du lâcher-prise proprement dit.
Plus qu’un instant précis, il s’agit d’un travail par étapes qui, à force de répétition, deviendra un automatisme, un nouveau réflexe, tout
comme l’étaient les vieux conditionnements qui vous empêchaient de vraiment lâcher prise.
L’acceptation est donc ce moment décisif qui permettra dorénavant de garder le cap sur vos objectifs, de vous tourner à nouveau vers
le présent et l’avenir. C’est à travers une démarche connue des spécialistes du changement que nous expliquerons le processus du
lâcher-prise. Nous dirons également un mot sur la thérapie, parfois nécessaire, en illustrant notre propos par l’approche du psychiatre
Fred Luskin.
Enfin, dans l’importante dernière partie de cet ouvrage, nous vous soumettrons plusieurs outils et une variété de moyens pratiques
pour vous aider à devenir de véritables champions du lâcher-prise. Bien sûr, une seule manière de faire, aussi puissante soit-elle, ne
peut convenir à toutes les situations, d’où la nécessité d’en acquérir plusieurs. Nous parlerons autant de stratégies cognitives, relatives
aux croyances, aux règles et aux bonnes questions à se poser, que de motivation à nourrir et d’approches plus philosophiques ou
spirituelles telles que la méditation et l’entraînement à la gratitude.
En conclusion, nous aborderons la notion du pardon, qui constitue en quelque sorte le sport extrême du lâcher-prise. Les conditions et
la démarche pour y parvenir ne sont pas très différentes, sauf que, parfois, la souffrance y est plus intense encore. Vous verrez que bien
des personnes y sont arrivées avant vous, et ce pour leur plus grand bien. Certes, il faudra y mettre du temps ou recevoir de l’aide.
Mais n’est-il pas rassurant et extraordinaire de savoir que c’est possible, que vous pourrez y parvenir et grandir dans cet
apprentissage ? Nous vous invitons donc à nous accompagner dans ce voyage, à déposer les armes, à prendre de l’altitude et à
découvrir de nouveaux horizons.
1
Une histoire d’appareil photo brisé
Pourquoi attendre que l’instant soit souvenir
pour en estimer la valeur ?
(ANGÉLIQUE PLANCHETTE)
Lâcher prise peut s’expliquer et s’appliquer de bien des façons. Une manière très simple d’apprivoiser le lâcher-prise consiste à
l’opposer à son contraire : le contrôle. À divers degrés, nous aimons tous avoir le contrôle, sur notre travail ou des parties de celui-ci,
sur notre vie personnelle, sur nos émotions, sur les autres peut-être. Et nous aimerions bien parfois avoir le contrôle sur des
événements qui sont, justement, hors de ce contrôle.
Lorsque vous prenez conscience que vous ne pouvez changer ni les événements ni les personnes qui vous entourent et que vous
pouvez seulement changer votre façon de les percevoir, vous êtes dans le lâcher-prise. Vous vous donnez alors une chance de vivre
moins de stress. De la même façon, lorsque vous modifiez votre action pour arriver à un résultat, vous faites preuve de flexibilité et de
votre capacité à décrocher d’une conduite stérile.
Dans tous les événements qui vous arrivent, il est important de différencier ce que vous pouvez contrôler, influencer, et ce que vous
ne pouvez ni contrôler ni influencer. Faire cette distinction est sans doute une première étape dans le lâcher-prise.
Différents deuils
Lâcher prise implique parfois de faire le deuil d’une croyance ou d’une règle, de tous ces il faut et je dois, appris, conditionnés et qui
ne donnent aucun résultat. Par exemple : « Il faut que tout soit parfait. Tout doit toujours fonctionner comme je le veux. Je dois tout
faire moi-même. »
Lâcher prise nécessite d’autres fois de faire le deuil des idées irréalistes que vous vous faites sur vous-même ou sur les autres et des
attentes que vous avez envers vous ou vos proches. Par exemple : vouloir être apprécié de tous, que tout le monde autour de vous soit
bien, souhaiter que votre conjoint ou votre collègue de travail ait un caractère différent. Pardonner, comme nous le verrons au dernier
chapitre, est aussi une façon de lâcher prise.
Parfois, il conviendra de faire le deuil d’un résultat que vous espérez, puisqu’il n’est pas entièrement sous votre contrôle. Par
exemple : les résultats scolaires de votre enfant ou l’ordre dans sa chambre. Certains auraient intérêt à faire le deuil de leur passé, de
leurs épreuves, de leurs problèmes. Personne ne peut changer son passé, et le ressasser inlassablement empêche de profiter du moment
présent. Traîner des deuils avec vous pendant des années, refuser de tourner la page, ne réussira qu’à miner votre moral et celui des
autres.
Les deuils à faire sont donc multiples. Si vous souhaitez comprendre pourquoi vous avez autant de difficulté à lâcher prise dans
certaines situations, posez-vous cette question : à quoi devrais-je renoncer ?
Bien sûr, certains deuils sont plus difficiles à faire que d’autres, comme renoncer à une valeur importante. C’est le cas, par exemple,
de l’infirmière qui, en raison d’une réorganisation du travail, doit faire le deuil de ses soirées et qui trouve extrêmement inconfortable
de renoncer à ce temps passé avec sa famille, une de ses valeurs primordiales. Vous pouvez facilement comprendre l’énorme résistance
qu’elle pourrait développer 1 .
Lâcher prise implique donc de vous accepter avec vos limites, vos valeurs, ce qui permet d’accepter les autres bien plus aisément. Le
cerveau humain est très complexe et capable de grandes choses, à condition de développer sa grande flexibilité. Être flexible signifie
accepter de lâcher prise lorsque les moyens que vous utilisez s’avèrent inefficaces. C’est aussi essayer autre chose, une nouvelle
stratégie, chercher activement d’autres moyens pour arriver à vos fins et, finalement, accepter de laisser aller un certain contrôle.
1. Les valeurs sont profondément ancrées en vous et il est pratiquement impossible d’en faire le deuil. Par contre, vous pouvez changer les règles bien personnelles qui définissent ce qui doit se passer pour qu’elles
soient respectées. Nous avons déjà traité abondamment de ce sujet au chapitre 6 du livre Oser changer. Mettre le cap sur ses rêves .
Première partie
PRENDRE CONSCIENCE
2
La construction d’un problème et les pensées obsessionnelles
Le souci donne une grande ombre
à une petite chose.
(PROVERBE SUÉDOIS)
Les exemples foisonnent de situations qui déclenchent en vous des ruminations dont vous n’arrivez plus à vous débarrasser, liées à
des expériences plus difficiles à affronter, des plus banales aux plus importantes. Par exemple, vous pouvez être envahi par
l’expérience d’une mauvaise critique, constamment préoccupé par des problèmes d’argent, de couple, de santé. Vous pouvez vous faire
du souci à propos de vos enfants, de l’avenir, être préoccupé par des relations conflictuelles au bureau, dans la famille, ou avoir des
remords ou des regrets liés au passé.
Il peut arriver aussi que vous soyez déçu parce que quelque chose qui aurait dû arriver ne s’est pas produit. Une promotion au travail,
par exemple. Les émotions que vous ressentez alors deviennent plus ou moins envahissantes et un moment arrive où, quand vous les
entretenez par la pensée, vous aggravez le problème, devenant, malgré vous, captif de la souffrance. Vous avez beau vous dire qu’il
faut décrocher, tourner la page, pardonner, lâcher prise, vous réalisez très vite que c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Et ce,
pour plusieurs raisons.
Comment ces croyances se sont-elles imposées à vous ? La plupart du temps, vous les avez rendues vôtres à partir d’idées véhiculées
par votre milieu familial, par l’école, à travers votre culture et vos expériences passées. Également par l’influence qu’exercent des
personnes autour de vous, à qui vous accordez une certaine crédibilité. Ces idées irrationnelles finissent par être si ancrées en vous que
vous ne retenez dans votre vécu que ce qui vous permet de les confirmer, ignorant les situations qui les invalident. De cette façon, elles
se renforcent à chaque fois qu’elles viennent confirmer vos émotions négatives.
Pourtant, toutes les personnes de votre entourage ne perçoivent pas nécessairement les situations de la même façon que vous.
Pourquoi certaines voient-elles le verre à moitié vide, alors que d’autres le voient à moitié plein ? Pourquoi, au terme d’une journée de
travail, certaines personnes rentrent-elles chez elles avec la déception d’avoir laissé en plan tout ce qu’elles n’ont pas réussi à terminer,
alors que d’autres regagnent leur foyer avec la fierté d’avoir avancé et accompli les tâches les plus importantes de leur liste, même si
elles étaient peu nombreuses ? Une question d’attitude ? De perception ? Oui, bien sûr. Et c’est précisément cette attitude qui fait une
grande différence dans leurs états d’esprits respectifs.
Prendre conscience de vos croyances paralysantes et des émotions qui y sont reliées fait partie de la première étape vers le lâcher-
prise. Tout comme vous devez aussi être conscient des règles inapplicables que vous vous imposez pour résoudre un problème. Nous
verrons d’ailleurs comment remettre en question ces croyances et ces règles dans la quatrième partie de ce livre et nous vous
proposerons quelques croyances aidantes à développer pour mieux lâcher prise.
Force est de constater qu’il est difficile de changer ce qui est arrivé, de faire évoluer quelqu’un d’autre, d’influencer qui ne veut pas
l’être. Et chaque fois que vous vous acharnez à le faire, votre détresse augmente. Les émotions difficiles ou déplaisantes doivent
d’abord être accueillies pour ce qu’elles sont, ainsi que nous le verrons au chapitre 5, mais elles ne doivent pas devenir le point de
départ d’une spirale infernale qui mène tout droit vers l’obsession qui rend malade.
Nous vous expliquerons donc comment briser ces attentes irréalistes que sont les règles inapplicables, comment les remettre en
question et en développer de nouvelles qui soient plus accessibles.
L’impuissance apprise
C’est bien connu, le sentiment de ne pas avoir de contrôle ou d’influence sur une situation est une des principales sources de stress,
surtout quand vous vivez un changement important. Il y a bien sûr une impuissance réelle, mais vous devez réaliser que l’impuissance
est souvent dans votre esprit. Même si, dans les deux cas, les conséquences sont les mêmes, il demeure essentiel de comprendre la
deuxième pour trouver des pistes d’action.
L’impuissance apprise se caractérise par trois sentiments principaux : le sentiment de permanence, celui d’être une victime et celui
d’envahissement.
Le sentiment de permanence
L’impuissance apprise se caractérise d’abord par le sentiment que la situation que vous vivez est permanente. Cela s’exprime dans
votre discours par l’utilisation de mots comme : toujours, jamais, rien, tout, personne. Ces mots traduisent des généralisations qui vous
donnent le sentiment que ce sera toujours comme cela, que cela ne s’améliorera jamais, que vous ne pouvez rien faire, que tout le
monde est comme ça, que personne ne comprend.
Vous pouvez vous aider vous-même en mettant en doute ces généralisations. Par exemple, si vous croyez que vous ne pouvez rien
faire, demandez-vous : « Est-ce vrai que je ne peux absolument rien faire ? » Si vous vous prenez à penser et à dire que c’est toujours
comme cela, demandez-vous : « Est-ce vraiment toujours comme cela ? » Cherchez des exceptions à la litanie personne ne peut vous
comprendre en vous demandant s’il est vrai que personne au monde ne pourrait vous comprendre. Vous pouvez aussi vous demander
ce qu’il y a de ridicule dans ces généralisations.
Nous évoluons aujourd’hui dans une société qui ne favorise pas beaucoup la responsabilisation, dans un univers affligé par le
cétacaus e, si vous nous permettez ce néologisme de forme. Ce n’est pas de ma faute, c’est à cause de mon patron, de mon conjoint, de
mes parents, de la météo, du gouvernement, etc.
Il y a de ces journées où vous vous levez du mauvais pied, au cours desquelles vous avez l’impression que rien ne fonctionne, que
tout va de travers et que tout ce que vous entreprenez n’aboutit à rien. Vous reconnaissez ces généralisations ? Certains y voient le
signe du destin qui s’acharne sur eux ; d’autres diront que ceux qui les entourent font vraiment tout pour les contrarier ; d’aucuns se
plaindront du temps maussade, du manque de sommeil, de la mauvaise qualité de l’air, etc.
Ces conditions extérieures peuvent être en partie responsables de vos humeurs, mais elles sont le plus souvent des excuses et
supposent insidieusement que vous êtes la victime passive de ces conditions. En fait, votre état d’esprit de départ a lui-même
conditionné vos perceptions, vos comportements, et a pavé la voie à la lamentable journée que vous avez vécue. Il peut être plus facile
d’attribuer son état d’esprit aux conditions extérieures. Cependant, cela ne fait qu’entretenir votre sentiment d’impuissance.
Le sentiment d’envahissement
La troisième caractéristique de l’impuissance apprise est le sentiment que tous les secteurs de votre vie sont affectés par la situation
que vous vivez. Ainsi, une personne qui vit un échec dans un domaine donné, en amour par exemple, pourra éprouver le sentiment
qu’elle est nulle dans ce domaine, qu’elle est elle-même un raté ou, pire encore, que sa vie est perdue. À force de répéter ce genre de
phrase négative, la croyance se développe et devient une certitude, et la personne aura de plus en plus de difficulté à la remettre en
question.
Rappelez-vous : ce ne sont pas les événements qui vous arrivent qui modèlent votre vie et ce que vous devenez, mais le sens que vous
leur donnez, l’interprétation que vous en faites. Vous devez affronter des échecs, traverser des changements et des situations difficiles
qui vous obligent à vous adapter, que ce soit au travail, à la maison, à l’école ou ailleurs. Et le sens que vous leur attribuez est
largement déterminé par les croyances que vous avez développées à propos de vous-même, de votre capacité à réagir et à agir, à propos
des gens et de la vie en général. Nous y reviendrons au chapitre 7.
Vous pouvez aussi privilégier des réactions qu’on associe généralement au stress, telle la fuite. Peut-être avez-vous développé un
certain talent pour les stratégies d’évitement. Même s’il s’avère parfois sain d’agir ainsi, vous pourriez aussi passer à côté
d’expériences gratifiantes et enrichissantes. Ce peut être le cas lorsqu’on choisit de ne pas avoir de compagnon de vie, d’enfants ou
d’amis par crainte de conflits interpersonnels ou qu’on décide d’accumuler les aventures par crainte de la solitude.
Le refoulement est un autre mécanisme de défense qui vous coupe de votre ressenti et qui, malheureusement, entraîne son lot de
conséquences et de névroses : angoisse, dépression, compulsions, etc. La colère et l’agressivité seront pour d’autres l’aboutissement de
leur propre malaise et du blâme porté à autrui pour ce qu’ils ressentent. Enfin, la résistance, que nous aborderons maintenant, pourra
s’exprimer de multiples façons et constituer un autre écueil.
De l’introspection à la rumination
Revenons à notre exemple du début. Les pensées de la femme assise à sa fenêtre se portent sur son passé, et elle est triste. Elle
ressasse les mêmes idées et considère sa vie comme brisée. Elle revient toujours aux mêmes questions : « Comment en suis-je arrivée
là ? », « Pourquoi les autres n’ont-ils pas ces problèmes ? » Elle se compare, se blâme, revit en boucle les mêmes situations, cherchant
en vain une réponse qui lui permettrait de sortir de son état dépressif. Elle espère qu’en trouvant cette réponse, elle parviendra à se
sentir mieux. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit. Son état empire et sa détresse et son impuissance s’amplifient. Son
introspection, outil précieux de connaissance de soi, s’est transformée en rumination.
Qu’est-ce que la rumination ? C’est une attention passive, répétitive, voire obsédante, portée sur vos pensées et vos émotions
négatives. En ruminant, vous souhaitez résoudre un problème, vous libérer d’une tension. En prenant conscience de l’écart, de la
contradiction même, entre votre état actuel et celui attendu, vous constaterez que cette façon de faire s’avère inadaptée, improductive
et néfaste. Incapable de lâcher prise, vous reproduisez ad nauseam les mêmes mécanismes qui augmentent votre anxiété. C’est
l’ouroboros, le serpent ou le dragon qui mord sa propre queue.
A. La réflexion : processus cognitif d’une personne pratiquant l’introspection et qui s’engage activement dans un processus de
résolution de problème. Cette forme est moins annonciatrice à long terme de symptômes dépressifs à venir et s’apparente
davantage à une manière de gérer une situation difficile et de faire face à une contrariété.
B. La rumination : processus cognitif d’une personne pratiquant l’introspection dans une contemplation morose et inadaptée de
sa situation actuelle, souvent accompagnée d’un jugement négatif sur ses propres pensées et ses sentiments, et de blâmes auto-
adressés. Cela s’apparente à broyer du noir. La succession infinie d’émotions et de pensées négatives, véritable torture
mentale, conduit malheureusement souvent à la dépression.
Tout comme la rumination, la réflexion déclenchée par une situation problématique peut aussi conduire à des sentiments négatifs à
court terme. La réflexion ne sera bénéfique que si elle favorise une prise de conscience et conduit à poser des gestes qui résoudront
efficacement cette situation. Autrement, elle risque de tourner à la rumination.
Pourquoi, devant une difficulté, certains d’entre nous s’engageront-ils dans une réflexion adaptée alors que d’autres verseront dans la
rumination ? Une partie de l’explication se trouve dans la croyance que nous pouvons ou pas maîtriser les événements importants de
notre vie. Tous, nous savons que nous n’avons pas de contrôle sur les événements imprévus. Par contre, les personnes convaincues de
la possibilité de travailler sur la façon d’y réagir ont déjà plus de pouvoir que celles qui ont des croyances de victime.
Nous avons vu au chapitre 3 qu’une impuissance peut être réelle ou apprise. Dans un cas comme dans l’autre, elle conduit la personne
à penser qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour surmonter une difficulté. Cela explique en partie pourquoi elle rumine. Les problèmes
continuent de l’affecter au quotidien, lui donnant encore plus d’occasions de ruminer.
La bonne nouvelle est que vous pouvez sortir de ce cycle de victimisation. Vous pouvez abandonner vos pensées stériles et vous
engager dans la résolution de problème sans vous enfoncer dans des ruminations vaines et potentiellement dangereuses. La première
chose à faire est de vous mettre aux commandes, d’assumer la responsabilité de ce qui vous arrive et de partir en quête de réponses.
Cherchez dans votre vie des expériences où vous avez su passer au travers de difficultés. Ce sont là des références importantes pour
solidifier la croyance que vous en avez le pouvoir.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
2. Quand je vis un conflit avec quelqu’un d’autre, j’en parle à mes amis avec lesquels je peux critiquer cette personne.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
3. Quand je vis une situation difficile ou une contrariété, j’ai tendance à trouver cela injuste et à me centrer sur les sentiments
négatifs qu’elle provoque en moi.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
4. Il m’arrive de penser à des choses qui me préoccupent et de me sentir dépassé, stressé, voire déprimé. Ensuite, quand je
pense à ces émotions, j’ai l’impression d’entrer dans un puits sans fond.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
5 Mon attention se porte souvent sur des aspects de ma vie auxquels je voudrais cesser de penser et qui ne devraient même
plus me préoccuper.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
6. Quand je suis en colère, triste ou déçu, je continue longtemps à alimenter ces états d’esprit en y repensant sans cesse, en en
parlant beaucoup.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
7. Longtemps après une dispute ou un désaccord, je continue de revenir en pensée à ce qui s’est passé. Je ressasse des paroles
que j’ai prononcées ou la façon dont j’ai agi ; je repense à ce que j’aurais pu ou dû dire, à ce que j’aurais pu ou dû faire.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
8. Ceux qui me connaissent bien disent que j’ai tendance à penser à ce qui ne va pas bien, et même à créer des drames dans ma
vie (même inconsciemment).
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
9. Il m’arrive de me réveiller en pleine nuit et d’être incapable de me rendormir parce que je n’arrête pas de penser à une
situation conflictuelle ou à un problème.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
10. Je trouve difficile de m’arrêter pour me relaxer, faire du yoga ou méditer parce qu’alors, les pensées négatives
m’envahissent davantage.
A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
Corrigé
Calculez vos résultats en vous accordant :
De 0 à 10 points
La rumination ne semble vraiment pas un problème pour vous. Si vos réponses reflètent bien ce que vous êtes et vos réactions
typiques, vous semblez capable de laisser les problèmes de côté et d’exprimer votre colère et votre ressentiment tout de suite. Tant que
votre façon de faire n’est pas une manière pour vous de fuir les problèmes, vous semblez avoir une façon saine d’y faire face.
De 11 à 20 points
Même si votre tendance à la rumination n’est pas énorme, vous éprouvez tout de même de la difficulté à lâcher prise dans certaines
situations. Vous ne semblez pas vous complaire dans les sentiments de colère ou de tristesse, mais vous avez parfois tendance à
repenser à vos difficultés. Vous êtes gagnant tant que ces pensées vous portent vers la résolution de problèmes plutôt que vers la
contemplation passive et morose de ces mêmes problèmes. Il vous serait profitable d’apprendre à diriger votre attention ailleurs que
sur les situations stressantes et à vous centrer sur le moment présent.
De 21 à 40 points
Vous semblez avoir une tendance à la rumination. Vous avez une propension à repenser à vos problèmes, et la façon dont vous le
faites peut créer encore plus de stress et d’anxiété chez vous. Vous devriez centrer davantage votre attention sur les solutions possibles.
Cessez de solliciter le soutien de ceux qui sont d’accord avec vous, vous privant peut-être ainsi d’idées nouvelles qui pourraient vous
aider. Concentrez-vous davantage sur les opportunités que la situation pourrait vous offrir plutôt que sur son injustice.
4. Denise Winterman, « Rumination: The Danger of Dwelling », BBC News Magazine , octobre 2013, http://bbc.com/news/magazine-24444431
5. W. Treynor, R. Gonzalez, S. Nolen-Hoeksema, « Rumination Reconsidered: A Psychometric Analysis », Cognitive Therapy and Research , 27/3, juin 2003, p. 247-259.
6. Vous pouvez aussi faire ce questionnaire en ligne sur notre site Internet OSERChanger.com, http://oserchanger.com/blogue_2/questionnaire- rumination
Deuxième partie
Vous libérer du passé signifie simplement qu’il n’est ni obligatoire, ni nécessaire, de souffrir indéfiniment. Vous ne pouvez pas
changer ce passé. Pourquoi alors certains d’entre vous le laissent-ils envahir leur présent ou teinter leur avenir ? Même si une partie de
la responsabilité ne vous appartient pas, cela vaut-il vraiment la peine de passer votre vie à blâmer quelque chose ou quelqu’un pour
les écueils rencontrés ?
Et si vous alliez plus loin, en vous centrant sur les intentions de ceux qui, par exemple, ont réveillé votre souffrance en vous blessant,
sur leurs perceptions, sur leur propre manque de réponses adéquates ? Pourquoi accepter de souffrir indéfiniment, alors que les
événements passés sont là et ne changeront pas, alors que votre offenseur ne vous connaît même pas ou ne se soucie pas ou plus de
vous ? Pendant que vous vous morfondez, cette personne a peut-être déjà tourné la page.
Lâcher prise, c’est donc vous délivrer avant tout de votre combat intérieur, en ressentir tellement fortement la stérilité que vous
choisissez de renoncer à vos résistances pour expérimenter le chemin libérateur du détachement et de la vie.
Mais la démarche du lâcher-prise ne s’improvise pas. Parfois, et même souvent, il convient de prendre le temps nécessaire pour vous
y préparer. Comprendre ce qui est réellement arrivé, identifier clairement vos émotions afin de ne pas passer à côté d’informations
précieuses, telles vos valeurs, ce qui vous importe vraiment, vos propres intentions positives.
A. Décrivez en quelques mots une situation dans laquelle vous trouvez ardu de lâcher prise.
B. Identifiez une ou deux émotions que vous ressentez dans cette situation. Par exemple, Lise a des difficultés avec l’attitude
négative d’un collègue de travail. Elle y repense sans cesse, même quand elle se réveille la nuit, et en parle souvent avec les
autres. Elle se dit choquée.
C. Maintenant, allez plus loin en nuançant la ou les émotions que vous avez notées. Pour ce faire, ouvrez un dictionnaire des
synonymes. Si vous n’en avez pas sous la main, vous allez aisément en trouver un sur Internet. Recherchez l’émotion
principale que vous avez reconnue et prenez connaissance des équivalences qui vous sont proposées.Au mot « choquée », Lise
rencontre les correspondances suivantes : abasourdie , abrutie , atteinte , blessée , butée , cabrée , chiffonnée , cognée ,
commotionnée , contrariée , désobligée , ébranlée , écorchée , effarouchée , frappée , froissée , heurtée , indignée ,
mécontentée , offensée , offusquée , outrée , piquée , rebutée , révoltée , scandalisée , secouée , traumatisée , ulcérée , vexée .
D. Parcourez ensuite votre liste de mots et d’expressions équivalentes et voyez si l’un ou l’autre ne pourrait pas vous aider à
préciser votre émotion de départ et ce que vous ressentez vraiment.
Dans notre exemple, vous remarquez qu’il y a une grande différence entre, par exemple, se sentir contrarié ou blessé, ou entre
être indigné ou traumatisé. Lise nuance en disant qu’elle se sent blessée, heurtée par l’attitude de son collègue.
E. Pour terminer, écrivez pourquoi vous ressentez cette émotion. Essayez de la relier à quelque chose de précis. Soyez un peu
plus explicite, car ce qui provoque un même état d’esprit peut être très différent selon chacun. Vous devriez ainsi découvrir à
quoi vous devez lâcher prise.
En développant sa pensée, Lise dira que ce qui la blesse le plus, c’est le manque de considération de son collègue pour elle et pour les
gens qu’elle aime. Elle interprète cette attitude comme une manière passive et ambiguë de la manipuler, d’exprimer son hostilité à son
égard, de la rejeter. Et comme le message de son compagnon de travail n’est pas transparent, elle ne sait comment y répondre. Elle
découvre ainsi qu’elle doit faire le deuil d’une communication claire avec cette personne et se dira plus tard soulagée d’avoir mis fin à
ses efforts pour créer une relation satisfaisante avec elle.
1. Elle devrait pouvoir rester objective par rapport à ce que vous vivez, ne pas être impliquée
émotionnellement dans les événements ou les relations conflictuelles que vous évoquez.
2. Elle devrait également pouvoir garder pour elle vos confidences.
3. Son aide ne devrait pas consister à faire front commun avec vous contre quelqu’un d’autre. Elle est
davantage là pour vous permettre de parler de vos émotions, de vos sentiments, de votre vécu, et
pour vous amener à préciser ce que vous voulez.
4. Son rôle ne sera jamais de vous conforter dans votre désir de vengeance. Elle ne devrait donc pas se
laisser influencer par votre expérience.
5. Votre confiance envers elle devrait vous permettre de croire qu’elle ne se servira jamais de votre
transparence et de votre vulnérabilité pour vous nuire par la suite.
6. Cette personne ne devrait pas endosser votre souffrance, mais vous écouter d’abord, vous amener
sans doute à percevoir les choses sous d’autres angles, à prendre de l’altitude et à entrevoir des
manières différentes d’aborder le problème.
La difficile acceptation
Le tourment des hommes ne vient pas des choses,
mais des idées qu’ils se font sur les choses.
(ÉPICTÈTE)
Arrivé à ce stade, vous avez compris qu’il y a une différence entre un événement fâcheux, quel qu’il soit, et vos réactions
individuelles et personnelles reliées aux émotions soulevées, cette partie dont vous êtes responsable. En effet, devant un même fait,
tout le monde n’a pas une réaction identique. Voilà donc une autre étape dans le processus du lâcher-prise. Vous comprenez que vos
perceptions sont liées à votre tempérament, à vos règles inapplicables, à vos croyances paralysantes, à votre histoire personnelle.
Mais comprendre avec son corps ou avec sa tête ne suffit pas. Il y a ici un passage obligé vers le monde spirituel. Être responsable ne
signifie pas vous sentir coupable de ce qui vous est arrivé, mais en quelque sorte admettre votre sensibilité, votre vulnérabilité. C’est
aussi croire en votre pouvoir de répondre adéquatement aux circonstances.
Dès que le pont est franchi entre le monde physique et celui de l’esprit (disons le monde spirituel, ou celui de l’âme), vous entrez
vraiment dans la préparation immédiate au lâcher-prise. C’est un processus de deuil à l’égard d’une relation ou d’un aspect de celle-ci,
d’une croyance sur vous-même, d’une attente, d’une valeur, d’un objectif, etc. Vous prenez conscience de la situation, de vos réactions
à celle-ci et surtout de vos émotions.
L’acceptation est une étape difficile, surtout si vous avez la tendance, bien normale par ailleurs, à lutter contre ce qui vous arrive, à
vous opposer, à fuir, à vous protéger. Accepter, ce n’est pas subir passivement ou stoïquement en fermant les yeux. Il n’est pas
question non plus d’approuver, de donner son aval à l’oppression, par exemple, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur.
Accepter, c’est mettre fin à votre résistance, au fait d’aller à contre-courant dans la rivière de votre vie. Accepter, c’est accueillir ce
qui arrive, recevoir, malgré votre blessure, au lieu de vous acharner, de refouler vos émotions, de vous ériger en victime ou en
combattant. D’ailleurs, dans certains arts martiaux, plutôt que de résister par réflexe à une attaque qui vient par-derrière, une personne
de petite taille pourra se défendre contre un adversaire plus grand en suivant le mouvement de l’assaillant. Dans cet instant de surprise,
elle le déséquilibre et se donne quelques secondes pour se libérer.
Pour accepter une contrariété, une frustration, une offense, une souffrance, il convient d’abord de ne porter aucun jugement sur vous-
même. Comme nous l’avons dit précédemment, il est sain de ressentir une émotion difficile, quelle qu’elle soit. Voyez-la comme un
signal, tout comme l’est une maladie ou une douleur physique, qui vous invite à l’action la plus appropriée pour retrouver un équilibre
rompu.
Tout comme il ne faut pas vous juger, il ne faut pas non plus perdre de vue votre propre souffrance pour donner toute votre attention à
la personne ou à la situation qui l’a réveillée. C’est pourtant ce que vous faites lorsque vous vous concentrez sur ce qui l’a déclenchée.
Le corps, nous l’avons dit, nous offre des indices de ce qui se passe profondément en nous et votre résistance à ce qui peut être perçu
comme un assaut vous sauvera parfois la vie. Cependant, poussé dans vos derniers retranchements, cette résistance pourra aussi causer
votre perte. D’où l’importance de prendre conscience de ces signaux, de les interpréter convenablement et d’y réagir d’une manière qui
mettra vraiment fin à cette souffrance, qui ne fera pas que l’engourdir et qui vous permettra de laisser à nouveau circuler la vie
librement.
Nous avons vu qu’il peut être profitable de vous confier et de vous faire accompagner par un thérapeute quand la douleur est trop
grande. D’autres moyens, que nous détaillerons plus loin, peuvent aussi s’avérer précieux. Par exemple, la détente et la méditation vont
vous permettre de vous distancer du mental qui rumine, de vous respecter, de vivre un état de calme relatif, de vous reposer, d’arrêter
le flot de vos pensées, de cesser de ramer à contre-courant de vos émotions, en résumé, de mettre fin à la résistance.
Il n’est peut-être pas encore temps de réagir ou d’agir. Vous devriez d’abord redevenir maître de votre mental. Vivre cet état de
préparation, de calme, vous évitera les ravages que peut causer l’impulsivité. Cette préparation au lâcher-prise est essentielle.
Troisième partie
LE LÂCHER-PRISE
6
Les trois étapes du lâcher-prise
La responsabilité est le prix de la liberté.
(CYRILLE GUIMARD)
Dans certains cas, le lâcher-prise est vraiment plus difficile et, même si vous avez appris comment y arriver, cela demande du travail.
En effet, il n’y a pas de raccourcis ni de pilules pour y arriver. La loi du moindre effort et votre léthargie vous empêchent peut-être de
poser les gestes qu’il faut et de persévérer dans votre décision.
Freud, avec sa vision assez pessimiste de l’être humain, soutenait même que le malheur est sa condition par défaut, tout simplement
parce qu’il faut moins d’efforts pour être malheureux que pour être heureux. Intéressant quand même. Comme si l’humain avait
tendance à choisir la voie de la facilité plutôt que de faire les pas nécessaires pour avoir une vie plus épanouissante.
En plus, il y a tant de moyens pour vous distraire de l’essentiel et pour rendre, en apparence du moins, votre malheur supportable. Il
est facile en effet de vous étourdir et même de vous engourdir dans une zone neutre où vous n’êtes ni heureux ni malheureux.
Pour lâcher prise, vous devez arriver à associer un inconfort tel, une douleur telle, au statu quo, que vous n’aurez plus envie de le
maintenir. En même temps, vous devez réfléchir aux bénéfices que vous en tirerez en fin de compte. Et surtout, pour lâcher prise, vous
devez impérativement admettre votre responsabilité dans ce qui vous arrive et dans la manière de vous en sortir.
Dans ce chapitre, nous vous présentons les trois étapes du lâcher-prise et les responsabilités spécifiques qui vous incombent à chacune
d’elles. Mais commençons par celle qui englobe toutes les autres : décider de vous mettre aux commandes.
L’entre-deux
Si vous blâmez le temps qu’il fait,
ne restez pas au milieu de l’orage.
(GUY FINLAY)
Ce n’est pas parce que vous avez déterminé quels sont vos deuils et commencé à les accepter que la situation est immédiatement plus
confortable. Il est normal de vous sentir confus ou anxieux, puisque vous êtes en quelque sorte face à l’inconnu. Vous n’avez jamais
expérimenté une autre façon de penser ou de faire que celle dont vous voulez vraiment vous départir. Dans ces circonstances, il peut
vous sembler étrange, voire effrayant, d’avoir confiance, et peut-être même doutez-vous fortement de votre réussite.
Vous êtes sans doute encore activement attaché à votre ancien moi. Tout inconfortable qu’il soit, il a le mérite d’être connu. Vous
pouvez donc être tenté de conserver les bénéfices secondaires liés au fait d’être une victime ou de vous sentir quelqu’un en raison
justement de vos souffrances. Quand vous vous plaignez de la situation, recevez-vous l’attention des autres ? Hésitez-vous à changer
parce que vous craignez de déplaire à votre entourage et de perdre son affection ? Si les avantages secondaires inhérents au statu quo
sont trop élevés, vous aurez tendance à revenir en arrière plutôt qu’à chercher à créer de nouveaux modèles de penser ou d’agir.
Cette étape de l’entre-deux peut aussi provoquer une impression de vide, comme celle que ressent l’acrobate qui flotte dans les airs
entre deux trapèzes. Il n’ignore pas qu’il ne peut revenir en arrière, mais pourra-t-il attraper cette barre qui va lui permettre de
traverser ? Vous savez ce que vous avez perdu, mais vous ne connaissez pas encore ce qui va le remplacer, ou vous n’en avez qu’une
très vague idée.
Ce vide, ce flou et cette incertitude vont entraîner, c’est bien normal, de l’anxiété, une baisse de la motivation, de l’insécurité, de la
peur, de la confusion. Sachez pourtant que cette étape est essentielle et que c’est ici que se font les percées les plus intéressantes qui
permettent de créer, d’innover et de grandir.
Pendant cette phase, vous devez donc tourner votre attention vers l’avant. Comme le souligne si justement le psychologue Daniel
Goleman dans son livre Focus 8 , notre capacité à retirer notre attention d’une chose pour la placer sur une autre est essentielle à notre
bien-être. Vous savez ce que vous ne voulez plus et vous devez maintenant diriger votre regard vers ce que vous souhaitez vivre.
Un des éléments principaux pour réussir la traversée de l’entre-deux, c’est donc de décider ce que vous voulez. Cela donne une
orientation à suivre, porte vers l’avant et mobilise l’esprit dans un sens précis. Votre cerveau est en quelque sorte un système de
téléguidage qui travaille pour vous quand vous lui indiquez la direction que vous désirez prendre. Attention ! Si vous n’y prenez garde,
il peut aussi vous ramener là où vous ne voulez plus aller. D’où l’importance de réfléchir et d’énoncer clairement ce que vous
souhaitez vraiment 9 .
Trouver des solutions innovantes passe nécessairement par le développement de nouveaux outils. Nous vous en présenterons plusieurs
dans la quatrième partie de ce livre. Certains vous souriront, alors que d’autres ne correspondront peut-être pas à votre façon d’être,
même après plusieurs essais. Ce n’est pas vraiment ce qui importe. L’objectif, c’est de découvrir ceux qui fonctionnent pour vous et
d’en avoir une panoplie à votre disposition. Si votre méthode préférée ne fonctionne pas dans une situation donnée, il conviendra alors
d’en essayer une autre. Même dans le choix d’un outil, il faut parfois savoir lâcher prise.
Votre principale responsabilité à cette étape : canaliser votre anxiété et votre insécurité dans la créativité. Vous vous aiderez en évitant
de vous lancer en avant tête baissée. C’est ce qui peut arriver à celui qui a été laissé et qui se hâte de remplir le vide par quelqu’un
d’autre avant même d’avoir fait son deuil et réfléchi à ce qu’il veut vraiment. Soyez donc attentif aux moments où vous avez
l’impression de revenir en arrière.
Soyez rassurant aussi pour vous-même et, au lieu de vous critiquer, encouragez-vous. Les recherches démontrent en effet qu’il faut en
moyenne 66 jours pour changer une habitude et que nous apprenons différemment en vieillissant, comme nous le verrons plus loin
dans ce chapitre. Enfin, cultivez des croyances qui soutiennent votre créativité, expérimentez, lisez, trouvez des supports, agissez.
La réorientation
C’est de l’altitude qu’il faut prendre,
et non de l’avance.
(GUSTAVE THIBON)
Vous y êtes. Votre attitude n’est plus la même. Votre motivation vous a convaincu de choisir plutôt que de douter. La confiance est
revenue. Le mental ruminant est devenu le mental introspectif et réceptif. Vous avez renoncé à la mauvaise habitude d’avoir mal. Le
doute est écarté, car il vous figeait dans un automatisme stérile. Votre conditionnement vous emprisonnait, vous rendant souffrant,
sinon malade, physiquement et psychologiquement. Au lieu d’être anxieux, inquiet, dépendant des autres, vous avez choisi de prendre
vos propres décisions. Les choix les plus sensés s’appuient sur une estime de soi forte.
Lorsque vous parvenez à cette phase de la réorientation, la boucle est bouclée. Vous maîtrisez vos nouveaux outils, vous avez repris
contrôle et pouvoir sur votre vie, vos objectifs sont plus clairs et vous retrouvez enfin le sentiment de votre liberté.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’inquiétude ou de doute à propos de vos décisions et il est possible, sinon probable, que vous
ayez à les réévaluer. Cela s’appelle de la flexibilité. Mais ce ne devrait pas être le cas à la moindre difficulté. Vous devez persévérer,
parfois en dépit de l’incertitude, avant de jeter l’éponge. Avancer en vous faisant confiance est signe d’engagement. Il est normal et
courant d’avoir peur, car, malgré vos choix, des obstacles peuvent se présenter. Encore une fois, tenez compte de vos émotions, qui
sont là pour vous informer sur ce qui se déroule en vous, et évitez de réagir avec impulsivité. Passer à l’action est difficile, vous le
savez. Procrastiner, revenir en arrière, agir de manière irréfléchie, parler sous le coup de la colère, tout cela peut avoir des
conséquences regrettables. La bonne décision se doit d’être motivée par la poursuite de votre objectif, et pas seulement par l’évitement
de la souffrance.
Une fois rendu à ce point de votre travail, vous êtes à même de réaliser que la plus grande partie de ce dernier s’est déroulée à
l’intérieur de vous, le seul endroit où vous avez le contrôle. Vous avez compris, appris à surmonter les contrariétés de l’existence en
vous détachant d’elles plus rapidement, plus facilement. Et vous pourrez désormais transférer cette capacité aux autres événements
fâcheux susceptibles d’arriver, car ils sont inhérents à toute vie. Les avantages sont évidents et il ne reste plus qu’à consolider vos
nouvelles connaissances, vos nouvelles capacités, vos nouvelles compétences, voire votre nouvelle identité, jusqu’à ce que le
processus devienne une habitude, un réflexe. Pratiquer régulièrement augmente les chances de réussite.
Lâcher prise est tout sauf une attitude passive. C’est le résultat d’un entraînement très actif qui, à un moment donné, a abouti à ce
résultat libérateur et réjouissant. En mettant fin aux préoccupations stériles, le lâcher-prise vous rend apte à profiter davantage de la vie
et du moment présent. Il réduit vos angoisses et a un impact majeur sur votre santé physique et psychologique. Il vous laisse plus léger.
En vous permettant de reconnaître que vous ne pouvez pas tout contrôler, et surtout pas les autres, le lâcher-prise vous libère. Voilà ce
nouvel état d’esprit que vous choisissez, vers lequel vous dirigez désormais votre attention.
Votre responsabilité, à cette étape, c’est de consolider vos acquis par la pratique. Pour vous y aider, prenez du temps pour reconnaître
vos progrès, récompensez-vous, célébrez vos réussites. Et, sans en faire une obsession, préparez-vous aux prochains changements, car
il y en aura.
La plasticité cérébrale
De nombreux laboratoires de neurosciences étudient la plasticité cérébrale ou neuroplasticité, la résilience du cerveau et les capacités
de faire de nouveaux apprentissages et de développer de nouveaux talents, que ce soit dans l’enfance, à l’âge adulte et au troisième
âge. Les résultats de leurs recherches démontrent que le cerveau est extraordinairement souple et flexible et qu’il peut se transformer
pour abandonner des modes de pensée inadaptés ou périmés et pour en adopter de nouveaux.
Il est donc possible d’apprendre à tout âge, même s’il y a un pic d’efficacité pendant la période de croissance. Mais il faut comprendre
que cet apprentissage se fait différemment à l’âge adulte. Bébé ou enfant, votre cerveau s’est façonné en recevant l’information sans y
prêter attention, de façon quasi involontaire. Pensez par exemple à la marche et à l’acquisition de la langue maternelle. Adulte, il se
modèle à la suite d’une action délibérée et l’apprentissage part d’une décision.
Si, enfant, vous avez aisément assimilé le français en étant immergé dans un univers francophone, à l’âge adulte, pour acquérir une
seconde langue, vous devez le décider et prendre en main votre apprentissage. Vous en êtes responsable, c’est sous votre contrôle.
C’est la même chose en ce qui concerne les habitudes négatives. Pour en changer, vous devez d’abord comprendre qu’elles nuisent à
votre quête du bonheur, de la santé, à votre bien-être. Vous devez aussi être convaincu de l’utilité d’une manière différente de penser
ou d’agir. Vous devez ensuite décider de changer, être déterminé, puis pratiquer pour arriver à développer de nouvelles connexions
dans votre cerveau, à tracer un autre sentier.
Votre bonheur et votre bien-être, vos talents, vos compétences, vos aptitudes peuvent se modifier, s’améliorer, mais vous êtes l’agent
de ce changement.
La vigilance
Si vos habitudes de longue date résistent autant à vos efforts, c’est aussi qu’elles sont déclenchées automatiquement par des situations
que vous rencontrez fréquemment. Nous l’avons dit, les habitudes s’acquièrent par la répétition. Elles deviennent inconscientes et se
faufilent facilement sous votre écran radar. Et vous les refaites alors sans réfléchir, de manière réactive.
Pour éviter de revenir en arrière, certains auteurs 12 proposent de surveiller soigneusement les dérapages et retours en arrière et, quand
ils se présentent, de se commander à soi-même : Ne fais pas ça ! À court terme, cette attention vigilante est la stratégie la plus efficace
parce qu’elle vous aide à prendre note de l’habitude ancienne et vous rappelle votre intention de la changer.
7. Extrait de l’émission télévisée québécoise On prend toujours un train pour la vie , diffusée le 12 juillet 2009 sur les ondes de Radio-Canada.
8. Daniel Goleman, Focus : attention et concentration. Les clefs de la réussite , Paris, Robert Laffont, 2014.
9. Si vous vous sentez un peu submergé par l’ampleur de cette question et ne savez pas par où commencer, nous vous renvoyons aux chapitres 2 et 3 de notre livre Oser changer. Mettre le cap sur ses rêves . Vous y
trouverez une méthode pas à pas qui a déjà grandement aidé des milliers de personnes à mener à bien cette étape capitale.
10. Marc-Olivier Vachon, « Innovation et compétence : pas toujours bon ménage », OSERChanger.com, mars 2015, http://oserchanger.com/blogue_2/innovation-competence
11. Phillippa Lally et al. , « How Are Habits Formed: Modelling Habit Formation in the Real World », 40, European Journal of Social Psychology , 16 juillet 2009, p. 998-1009,
http://repositorio.ispa.pt/bitstream/10400.12/3364/1/IJSP_998-1009.pdf
12. Jeffrey M. Quinn, Anthony Pascoe, Wendy Wood, David T. Neal, « Can’t Control Yourself? Monitor those Bad Habits », Personality and Social Psychology Bulletin , avril 2010, 36/4, p. 499-511.
Quatrième partie
L’effet Pygmalion
Pour mieux comprendre l’impact d’une croyance, rappelons l’expérience menée par deux chercheurs
américains 13 . Ayant œuvré dans le monde de l’éducation, ils ont voulu examiner l’hypothèse selon laquelle
les croyances des enseignants et leurs attentes à l’égard d’élèves issus d’un niveau socio-économique faible
contribuaient au taux élevé d’échec chez ces enfants. En début d’année scolaire, ils ont fait passer un test
d’intelligence (QI) à tous les écoliers du primaire d’une institution publique d’enseignement située dans un
milieu socio-économique faible. Puis ils ont mentionné aux éducateurs que les résultats de ce test allaient
permettre de repérer ceux parmi leurs élèves qui étaient les plus susceptibles de faire des progrès
intellectuels rapides et au-dessus de la normale pendant l’année, qu’ils aient été ou non de bons élèves par le
passé.
À la fin de l’année, les résultats d’un second test d’intelligence sont venus démontrer que les enfants qu’on
avait identifiés au préalable comme ayant le plus de potentiel avaient vu leur score de QI s’apprécier de
12 points en moyenne, comparativement à 8 pour le reste de la classe. Cette augmentation allait jusqu’à
20 points et plus chez des élèves des premiers niveaux élémentaires.
Le plus intéressant dans tout cela, c’est qu’au départ, rien ne distinguait ces élèves supposés plus doués
puisque les chercheurs les avaient choisis au hasard. Comment expliquer qu’en fin d’année, ils aient reçu de
meilleures évaluations personnelles et des notes plus élevées, alors que les autres étaient vus comme moins
curieux, moins intéressés et ayant moins de chances de réussir dans l’avenir ? C’est la croyance des
enseignants dans les capacités intellectuelles supérieures de ces élèves qui a fait toute la différence. C’est ce
qu’on a appelé l’effet Pygmalion ou l’autoréalisation des prophéties 14 .
Mes croyances
Choisissez une situation dans laquelle vous cherchez à lâcher prise. Prenez quelques instants pour réfléchir,
puis écrivez ce qui vous passe par la tête quand vous pensez à lâcher prise dans ce contexte donné. Quelles
sont les raisons qui font que vous n’y parviendrez pas ? Notez toutes les réponses qui vous viennent à l’esprit.
Nous vous suggérons de formuler vos phrases comme si une autre personne s’adressait à vous : « Tu n’y
arriveras jamais parce que… » Ou encore, complétez les énoncés suivants : « Lâcher prise, dans mon cas, ce
serait… », « Lâcher prise, pour moi, c’est… », « Il m’est impossible de lâcher prise parce que… »
Évaluez ensuite l’effet positif ou négatif de vos réponses sur vous. Inscrivez le signe + si cela vous soutient et
vous stimule pour avancer (croyance aidante) ou le signe - si vous jugez que cela vous paralyse et vous nuit
(croyance paralysante).
Encerclez la croyance qui vous semble la plus nocive, limitative, et si possible celle qui vous soutient
davantage.
A. Qu’y a-t-il de ridicule ou d’absurde dans cette idée ? Par exemple, n’est-ce pas aberrant de croire qu’en passant à autre chose,
vous allez donner raison à la personne qui vous a blessé ou que c’est de la lâcheté ? Non seulement vous avez donné à
quelqu’un d’autre le pouvoir de vous offenser, mais en restant accroché, vous lui accordez aussi celui d’agir encore sur vous,
alors qu’il est probablement passé à autre chose et n’y pense plus.
B. D’où vous vient cette croyance ? Qui vous a convaincu que lâcher prise, c’est vous dégonfler ? La personne qui vous a
transmis cette idée est-elle vraiment un modèle que vous voulez suivre ? Vous semble-t-elle heureuse, bien dans sa peau ?
C. Quel prix devez-vous payer actuellement pour continuer d’entretenir cette croyance ? Comment cela affecte-t-il votre
existence, vos relations sociales, votre santé physique et psychologique, votre équilibre ?
D. Quel sera le prix à payer dans l’avenir si vous gardez cette croyance et persistez à en vouloir à quelqu’un ou à la vie en
général ? Que va-t-elle vous coûter à long terme ? Quel prix votre famille et les gens que vous aimez devront-ils payer si vous
ne la modifiez pas ?
Prenez conscience des mots qui expriment une généralisation comme : personne , toujours , jamais , rien . Par exemple : « Il n’y a
rien y faire », « Je n’y arriverai jamais », « La vie est toujours injuste avec moi. » Réalisez à quel point vous vous enfermez vous-
même entre quatre murs en vous répétant de telles phrases.
Pour vous motiver à développer ces croyances, imaginez un instant les sentiments positifs qu’elles vont provoquer en vous, les portes
qu’elles vont vous ouvrir, l’espace qu’elles vont vous donner pour respirer et éventuellement passer à autre chose. Pourquoi ne pas
vous inspirer de personnes qui, dans une situation qui s’apparente à la vôtre, ont réussi à lâcher prise et à insuffler un nouvel élan à leur
vie avec des croyances aidantes ?
Les règles se révèlent également dans les phrases comportant la formule si… alors… « S’il m’aimait, alors il ne ferait pas cela », « Si
mon supérieur avait le souci de ses employés, alors il n’agirait pas ainsi », « Si j’allais chercher de l’aide, alors je démontrerais de la
faiblesse. »
Certaines règles sont plus aidantes : « Si les autres le peuvent, alors je le peux aussi », « Si je m’y mets vraiment, alors je peux y
arriver », « Si je change, alors les choses autour de moi vont changer également. »
Est-ce que vos propres règles vous donnent la permission de passer à autre chose, de lâcher prise, ou vous rendent-elles cela difficile ?
L’exercice que nous vous proposons devrait vous fournir de bons indices.
13. R. Rosenthal, L. Jacobson, L., Pygmalion in the Classroom , New York, Holt, Rinehart & Winston, 1968.
14. Nous avons abondamment traité des croyances dans notre livre Oser changer. Mettre le cap sur ses rêves . Vous en apprendrez davantage sur la manière dont elles se forment, leur origine, leurs différences, les
étapes pour modifier une croyance paralysante, leur rôle dans la construction de l’image de soi, celles qui sont associées à la réussite, etc.
8
L’art des bonnes questions
Les personnes qui ont du succès se posent
de meilleures questions et, comme résultat,
elles obtiennent de meilleures réponses.
(ANTHONY ROBBINS)
La maïeutique, ça vous dit quelque chose ? Non, ce n’est pas un insecte ni une sorte de canard exotique. C’est une technique attribuée
au philosophe Socrate, qui consiste à interroger une personne pour lui faire verbaliser des connaissances qu’elle avait déjà, pour
l’amener à exprimer un savoir caché. Cet art de la question pourrait vous permettre de provoquer des états d’esprit positifs en vous, de
trouver des solutions et de lâcher prise plus rapidement. Voyons comment.
Pour bien comprendre, il faut savoir que ce à quoi vous accordez votre attention ou ce que vous entretenez dans vos pensées
déclenche des états d’esprit qui seront, selon le cas, positifs et aidants, neutres ou négatifs. Même si vous vivez dans un univers où il y
a beaucoup de choses que vous ne pouvez influencer ou contrôler, vous avez cependant du pouvoir sur le focus de votre attention, si
vous nous permettez cet anglicisme, c’est-à-dire sur ce à quoi vous prêtez attention. Vous pouvez également modifier votre point de
vue sur les situations et les gens. Et c’est là qu’une question bien posée peut vous venir en aide.
Remarquez bien ce qui se passe quand vous interrogez quelqu’un en lui demandant, par exemple, de se rappeler le nom d’une
personne ou d’un endroit. Vous le verrez aussitôt chercher dans sa mémoire pour trouver la réponse, parfois même pendant plusieurs
minutes. Vous avez orienté son attention. Les bons enseignants et les philosophes ont compris ce phénomène depuis longtemps.
Faites-en l’expérience tout de suite avec l’une de ces questions : qui est-ce que j’aime ? Qui m’aime ? Si vous avez pris le temps de
répondre, vous avez constaté que vos pensées se sont envolées vers une personne qui est associée à des émotions positives. Vous l’avez
peut-être vue dans votre cinéma intérieur, ou bien vous avez imaginé sa voix. Impossible alors de ne pas vous sentir bien si vous vous
êtes attardé un moment à penser à cette personne. C’est là tout le pouvoir d’une question. Et c’est là aussi une façon qu’a le cerveau
d’appréhender la réalité.
Ainsi, quand vous n’aimez pas une situation donnée, au lieu de fixer votre attention sur ce que vous détestez, par exemple en en
parlant constamment avec les autres, demandez-vous plutôt : qu’est-ce que je veux vraiment ? Qu’est-ce que j’ai à apprendre de cette
situation désagréable ? Qu’est-ce qu’il faudrait que je change pour que cela fonctionne comme je le souhaite ?
Vos réponses vous permettront non seulement d’avancer et de diriger votre attention dans un sens constructif, mais également de
modifier votre état d’esprit pour le mieux.
Si vous souhaitez entreprendre une démarche de lâcher-prise, nous l’avons déjà dit, vous devez prendre la responsabilité de vos états
d’esprit et cesser de croire qu’ils dépendent uniquement des événements extérieurs. Sinon, vous êtes voué à être contrôlé par eux,
victime impuissante du temps qu’il fait, d’un résultat sportif ou de l’humeur des gens qui vous entourent. Et cela commence en vous
demandant consciemment à qui et à quoi vous voulez faire cadeau de votre attention.
Apprendre à positiver
Les choses ne changent pas, tu changes
ta façon de regarder, c’est tout.
(CARLOS CASTANEDA)
Positiver un événement, c’est-à-dire le recadrer positivement, est une technique popularisée par la programmation neurolinguistique
(PNL). Elle consiste à exercer votre capacité à restructurer positivement un événement et une situation qui semblent négatifs. Cela
permet de donner un autre sens à une expérience vécue. En fait, vous faites sans doute du recadrage sans vous en rendre compte,
comme monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme qui apprend, en parlant avec son maître de philosophie, qu’il fait de la
prose sans le savoir depuis longtemps.
Vous connaissez probablement des gens qui, dans une conversation, s’attardent aux éléments négatifs d’une situation. Et d’autres qui
ont ce don d’aiguiller habilement le dialogue sur des aspects plus positifs auxquels vous n’aviez pas pensé. Selon le cas, ils font du
recadrage négatif ou positif.
Par exemple, quelqu’un est muté dans un autre département et se dit que cela lui permettra de connaître de nouvelles personnes. Il
oriente son attention sur un côté positif de la situation, changeant ainsi sa perspective et, conséquemment, son état d’esprit.
On a un jour demandé à Edison s’il n’était pas découragé après dix mille tentatives infructueuses pour inventer l’ampoule électrique.
« Je n’ai pas échoué, aurait-il répondu. J’ai simplement trouvé dix mille solutions qui ne fonctionnent pas. »
Il est toujours plus facile de positiver pour quelqu’un d’autre. Mais cette stratégie prend toute sa force lorsque vous l’utilisez pour
vous-même. Quand survient une situation difficile ou une contrariété, exercez-vous à guider votre attention vers des aspects plus
positifs de votre réalité. Évitez les questions suivantes qui font naître des états d’esprit démobilisants.
Pourquoi ces choses-là n’arrivent-elles qu’à moi ? (Impuissance, sentiment d’être une victime)
Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela ? (Culpabilité)
Pourquoi personne ne se préoccupe-t-il de moi ? (Abandon, injustice)
Pourquoi tout ce que j’entreprends ne fonctionne-t-il jamais ? (Généralisation qui entraîne découragement et culpabilité)
Pourquoi X n’admet-il pas ses torts ? (Un rappel : vous n’avez pas de contrôle sur les autres)
Qu’est-ce que je dois faire pour que les gens m’approuvent ? (Manque de confiance, mésestime de soi)
Nous disons de ces recadrages qu’ils sont négatifs parce qu’ils orientent votre attention vers des idées déprimantes, des croyances qui
minent votre assurance, qui provoquent des sentiments de doute, d’impuissance, d’accablement, d’être une victime ou un martyr, et
qui, en bout de course, engendrent du stress.
Bien sûr, le recadrage a ses limites et demande un peu d’effort et d’entraînement (voir plus loin : « Apprendre à positiver »). Mais il
vous permet de prendre du recul, de relativiser les choses, de modifier votre perception des événements, des gens, des situations et,
donc, votre état d’esprit.
Ne rejoignez pas ceux à qui la souffrance donne une raison d’être, un sens, une identité. Vouloir centrer votre attention ailleurs, c’est
aussi accepter de lâcher prise. Avec le temps et la pratique, cela deviendra de plus en plus simple.
Apprendre à positiver
1. Écrivez quatre ou cinq pensées négatives que vous entretenez sur vous, sur une situation au travail,
sur un changement que vous devez traverser.
2. Trouvez ensuite au moins une signification positive pour chacune de ces pensées (davantage si vous le
pouvez).
Qu’y a-t-il d’absurde ou de ridicule dans cette opinion négative sur moi ?
Est-ce que je suis toujours comme ça ?
Comment pourrais-je analyser autrement cette situation ?
Qu’est-ce que je dirais pour aider une personne qui pense ainsi ?
Qu’est-ce qu’il y a de positif dans ce changement ?
Comment verrai-je cette situation dans dix ans ?
De quoi suis-je fier ?
Qu’est-ce que j’aime dans mon travail, dans ma vie ?
Que va-t-il se passer si j’entretiens cette colère, cette anxiété, cette négativité ?
Quelles vont être à long terme les conséquences sur moi, mon couple, ma famille, mes amis ?
Quels seront les impacts sur ma santé physique et psychologique, sur mon bonheur, ma vie ?
Lorsque je mourrai, que dirai-je de ce qu’aura été mon existence ? Aurai-je des regrets, des remords ?
De la même façon, les questions suivantes vont vous aider à imaginer le meilleur.
Si je fais des efforts pour changer ce conditionnement, quel en sera l’impact sur ma vie, mon bien-être, mes relations avec les
autres, mon estime de moi-même ?
Au soir de ma vie, quelle lecture ferai-je de mon parcours ?
Serai-je fier de mon évolution et surtout de cette liberté conquise à force de motivation et de persévérance ?
Il en va de nos capacités spirituelles, affectives et cognitives comme de nos capacités physiques. Rien n’est gagné d’avance. Si cela
était facile au départ, nous serions tous des champions olympiques de n’importe quelle discipline. La motivation et la persévérance
sont les nerfs de la guerre. S’il était simple de lâcher prise, tout le monde le ferait aussi naturellement qu’un enfant s’adonne au jeu.
A. Quand je pense à l’année prochaine, je crois que mes conditions générales seront meilleures que celles qui prévalent
aujourd’hui.
1. Je ne pense pas
2. Oui et non
3. J’en suis assez convaincu
1. Rarement
2. De temps en temps
3. Souvent
1. Jamais ou rarement
2. Quelquefois
3. Plusieurs fois
D. Lorsqu’une personne me fait des reproches, je peux faire la différence entre une critique constructive et utile, et une autre
destructrice qu’il vaut mieux ignorer.
E. Je vante les mérites de la personne que je fréquente régulièrement ou avec qui je vis (conjoint, ami) plus souvent que je ne la
critique.
1. Pas vraiment
2. Moyennement
3. La plupart du temps
H. Je me sens à l’aise de me prendre comme cible de mes propres plaisanteries, je suis capable de rire de moi.
1. Pas du tout
2. À certains moments
3. Je n’ai aucune difficulté à rire de moi
I. Si j’avais à dresser la liste de mes dix personnes préférées, mon nom y figurerait.
1. Pas du tout
2. Peut-être
3. Assurément
J. Je crois qu’entretenir des émotions positives a de bons effets sur ma santé physique.
K. Quand je fais un retour sur les derniers mois écoulés, j’ai tendance à me rappeler mes petits succès avant mes échecs ou mes
erreurs.
L. Quand un événement inattendu vient bouleverser mes plans, je trouve rapidement un avantage à cette nouvelle situation.
1. Pas vraiment
2. Ça peut m’arriver quelquefois
3. Presque toujours
M. Quand je surprends le regard d’une personne étrangère posé sur moi, je crois que c’est parce qu’elle a de l’intérêt pour moi.
1. Pas du tout
2. Ça peut arriver
3. Souvent
Résultats
Calculer vos résultats en suivant ce barème :
0 point pour chaque réponse 1.
1 point pour chaque réponse 2.
2 points pour chaque réponse 3.
Plus votre note est élevée, plus on peut dire que vous êtes une personne positive. Il est certain qu’avec d’autres mises en situation,
votre score aurait pu être différent. Il n’y a que vous qui pouvez dire si ce résultat reflète bien qui vous êtes. Vous trouverez ci-dessous
un commentaire pour chacune des questions.
A. Quand je pense à l’année prochaine, je crois que mes conditions générales seront meilleures que celles qui prévalent
aujourd’hui.
Votre propension à croire que les conditions seront meilleures dépend beaucoup de votre capacité à rêver de cet avenir, à vous
donner des objectifs que vous aurez envie d’atteindre, plutôt que d’être dans l’attente d’un événement extérieur comme la loterie
qui viendrait tout arranger à votre place. L’univers s’occupe de beaucoup de choses quand vous collaborez et que vous savez ce
que vous voulez.
B. J’éprouve de la sympathie pour la majorité des gens que je rencontre.
En général, la personne qui a une bonne estime d’elle-même admet que les gens ont le droit d’être ce qu’ils sont. Elle ne se
sent pas menacée par la différence et peut même éprouver de la sympathie pour l’autre en dépit de celle-ci.
C. Je m’arrête dans la journée pour admirer et apprécier la beauté des choses.
Pourquoi attendre que l’instant soit souvenir pour l’apprécier ? Un des grands aspects du bonheur, selon les chercheurs, réside
dans la faculté de savourer chaque moment, de ralentir, de prendre le temps de sentir la fleur, de noter ce qui se présente à
chaque moment dans notre vie. Apprécier, c’est se concentrer sur le plein plus que sur le manque.
D. Lorsqu’une personne me fait des reproches, je peux faire la différence entre une critique constructive et utile, et une
autre destructrice qu’il vaut mieux ignorer.
On a beau dire qu’il faut considérer les éléments positifs de la critique, celle-ci comporte nécessairement un jugement de
valeur, un reproche, une censure, un discrédit, ou tout au moins une désapprobation. Nul doute qu’apprendre comment la
recevoir permet de prendre du recul et de faire la différence entre une critique constructive et une autre qui ne l’est pas 16 .
E. Je vante les mérites de la personne que je fréquente régulièrement ou avec qui je vis (conjoint, ami) plus souvent que je
ne la critique.
Voir positivement la personne avec qui vous vivez ou que vous fréquentez régulièrement est, encore une fois, une marque
d’estime de soi ; l’autre ne menace pas votre individualité par sa différence. Dans une relation amoureuse, cette capacité à
remarquer et à exprimer la valeur de l’autre entretient le sentiment amoureux.
F. Je crois que la race humaine survivra après 2100.
L’optimiste est plus heureux, dit-on, non pas parce qu’il ne voit pas la réalité telle qu’elle est, mais parce qu’il porte un regard
différent sur elle. Or, il semble que l’optimisme soit en partie inné. Certaines personnes auraient, en quelque sorte, un ADN qui
les avantage, seraient des natures heureuses, finalement. C’est en tout cas ce que révèlent plusieurs études réalisées, par
exemple, auprès de jumeaux qui ont été séparés à la naissance. Fort heureusement, la génétique ne détermine pas à elle seule le
regard qu’on pose sur la réalité. Dans une très grande partie en effet, celui-ci dépend des stratégies auxquelles on recourt jour
après jour.
G. Je me considère comme quelqu’un d’heureux.
Les recherches en psychologie positive tendent à démontrer que l’aptitude au bonheur est déterminée dans une proportion de
50 % par des facteurs génétiques. Vous avez en quelque sorte un capital initial, un potentiel de bonheur, qui est fixé par vos
chromosomes. Votre milieu et vos conditions de vie influenceraient votre degré de bonheur dans une proportion de 10 %. Nous
parlons ici du niveau socio-économique, du statut marital et familial, de l’état de santé, de l’apparence, de l’âge. Vos
comportements, vos actions, et surtout les stratégies que vous avez développées pour diriger vos pensées et gérer vos émotions
seraient déterminants dans une proportion de 40 %.
H. Je me sens à l’aise de me prendre comme cible de mes propres plaisanteries. Je suis capable de rire de moi.
L’autodérision est une belle preuve d’estime de soi. Il ne s’agit pas de rire de soi pour s’abaisser, mais parce qu’on est sûr de
soi et qu’on ne se prend pas au sérieux. D’ailleurs, centrer son humour sur soi-même (autodérision) et non sur les autres, surtout
si on ne les connaît pas, est une belle démonstration de confiance en soi. À l’opposé, le sarcasme et l’ironie sont, avant tout, des
moyens de défense qui expriment un manque de confiance.
I. Si j’avais à dresser la liste de mes dix personnes préférées, mon nom y figurerait.
Cette question concerne votre capacité à vous estimer vous-même.
J. Je crois qu’entretenir des émotions positives a de bons effets sur ma santé physique.
Depuis une quarantaine d’années, les chercheurs continuent à accumuler des preuves démontrant que l’état d’esprit d’une
personne peut influencer son système immunitaire et sa rapidité à guérir de blessures et de maladies. Quand vous cultivez
quotidiennement les mêmes pensées négatives ou angoissantes, que vous le vouliez ou non, vous finissez par imprégner votre
esprit et toutes les cellules de votre corps de cette négativité. Il est prouvé que tout stress ressenti de façon continue a des
répercussions sur le corps, affectant la chimie corporelle, la pression sanguine, le métabolisme, le système immunitaire et même
la libido.
K. Quand je fais un retour sur les derniers mois écoulés, j’ai tendance à me rappeler mes petits succès avant mes échecs ou
mes erreurs.
Le mécanisme cognitif de la sélection (ou de l’omission) consiste, comme son nom l’indique, à choisir dans l’expérience un
aspect en particulier et à en ignorer d’autres qui nuanceraient à coup sûr la perception. C’est ce que nous appelons le focus de
l’attention. Par exemple, vous choisissez d’accorder votre attention à un désavantage ou à un inconvénient, ou au contraire à un
aspect positif. Quand vous retournez en arrière et que vous vous rappelez davantage les succès que les échecs, vous faites de la
sélection positive.
L’objectif de ce mécanisme ? Maintenir intactes votre carte du monde, la représentation que vous avez de la réalité, la
perception que vous avez de vous-même, etc. Comme votre état d’esprit dépend en grande partie de ce à quoi vous accordez
votre attention, vous pouvez changer volontairement ce focus et, donc, modifier cet état d’esprit.
L. Quand un événement inattendu vient bouleverser mes plans, je trouve rapidement un avantage à cette nouvelle
situation.
Positiver, comme nous l’avons vu plus haut, c’est exercer sa capacité à restructurer positivement un événement et une situation
qui semblent négatifs. Cela permet de donner un autre sens à une expérience. Comme nous l’avons dit, il y a des recadrages
positifs, des recadrages neutres, et d’autres qui sont négatifs.
M. Quand je surprends le regard d’une personne étrangère posé sur moi, je crois que c’est parce qu’elle a de l’intérêt pour
moi.
Par sa manière de solliciter votre attention, la méditation vous apprend à accepter et à faire
la paix avec ce qui est présent, avec la réalité du moment
Ce serait peut-être bien si tout allait toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais vous savez que c’est rarement le cas.
Vos désirs ne sont pas tout le temps comblés, vos espoirs sont parfois déçus et la réalité ne correspond pas toujours à vos attentes. Vous
restez alors accroché à ce qui aurait pu être, à ce qui aurait dû arriver, à ce que les autres pourraient ou devraient faire, au lieu de
prendre acte de ce qui est et de passer à autre chose. Et vous entrez dans la résistance, dans la souffrance et l’agitation inutiles.
Il y a souvent des vagues dans la vie, et certaines sont plus grosses que d’autres. La méditation ne les arrête pas, mais elle aide à
surfer dessus. Elle permet aussi de développer cette caractéristique que nous retrouvons chez les gens heureux : ils ne font pas de
tsunami avec ce qui n’est qu’une vague. Et quand un raz-de-marée se présente, la méditation offre un espace pour rester bien ancré au
milieu de la tourmente, sans pour autant devenir indifférent et insensible. Elle développe votre capacité à être là, présent à ce qui arrive
dans l’ici et maintenant. Elle vous aide à trouver la paix dans le moment plutôt que de lui résister, d’être misérable, stressé, anxieux,
déçu, immobilisé.
La méditation vous apprend à prendre de l’altitude pour mieux voir comment fonctionne votre esprit. Avec la pratique, elle vous
empêche de vous fixer sur les événements passés ou à venir. Et c’est cet apprentissage qui permet de sortir plus rapidement de vos
ruminations, de vos dialogues internes et des émotions négatives qui s’y rattachent.
Comment méditer
Méditer, c’est comme jeter un os à un chien, votre esprit en l’occurrence, pour le distraire. Effectivement, même si les techniques de
méditation sont nombreuses, plusieurs ont en commun d’occuper votre mental en lui donnant pendant quelques minutes un objet
d’attention sur lequel il se concentre activement, mais sans tension, et auquel vous le ramenez quand vous prenez conscience que vous
vous en êtes éloigné.
Cet os peut être un mot, avec ou sans signification, que vous répétez dans votre tête, ou un son extérieur comme l’eau qui coule, une
musique, ou le bruit rythmé d’un métronome. Ce peut aussi être une sensation physique, comme l’air qui pénètre et ressort par vos
narines, un mouvement, comme celui de votre ventre qui se soulève et s’abaisse pendant la respiration, ou celui de votre corps quand
vous marchez. Ou encore une image agréable, la lumière d’une chandelle par exemple, l’ondulation des vagues sur la mer, ou même
l’odeur de l’encens.
La méthode importe peu. Choisissez-en une qui vous semble intéressante, que vous allez garder et pratiquer régulièrement. C’est ainsi
que va se développer votre capacité à être ouvert au moment présent et à lâcher prise. Si vous êtes débutant, nous vous proposons plus
loin une technique simple pour vous familiariser avec la méditation.
Comme pour n’importe quelle capacité que vous souhaitez développer, qu’il s’agisse de bricoler ou d’apprendre une nouvelle langue,
la persévérance, la régularité et la patience sont de mise. Mais de même qu’il n’est pas essentiel d’être un athlète olympique pour
profiter d’une bonne marche tous les jours dans un parc, il n’est pas non plus nécessaire d’être un pratiquant de haut niveau pour tirer
profit d’une période quotidienne de 10 ou 15 minutes de méditation.
Si vous préférez apprendre avec un enseignant, vous aimerez sans doute vous inscrire et suivre des ateliers dans le cadre de classes de
méditation. Vous faire initier par une personne d’expérience, tout comme vous retrouver avec d’autres, pourra vous aider à maintenir
votre motivation et vous offrira le soutien dont vous pourriez avoir besoin.
Mais si vous retrouver dans un groupe est pour vous plus dérangeant qu’autre chose, il existe sur Internet plusieurs cours
d’introduction à la méditation dans lesquels un enseignant d’expérience vous guide et répond à vos interrogations.
Enfin, pour ceux qui aiment apprendre par eux-mêmes, il y a sur le marché des dizaines de livres, DVD, CD, MP3, MPEG qui vous
proposent des techniques de méditation.
Initiation à la méditation
L’objectif de cette méditation est d’entraîner votre esprit à être présent au moment présent en observant votre respiration sans la
diriger ni la changer. Une période quotidienne de 15 minutes suffit, dans un endroit calme 19 .
A. Adoptez une posture stable et confortable, assis sur une chaise, les pieds à plat au sol. Ou encore, allongez-vous avec un
coussin sous les genoux pour maintenir votre dos bien droit. Ce qui importe, c’est de vous sentir assez à votre aise pour
demeurer immobile pendant quelques minutes, pour vous permettre une respiration facile et vous détendre.
Si vous craignez de vous endormir en étant allongé, optez plutôt pour la position assise, qui vous permettra de rester alerte. En
effet, la méditation est différente du sommeil. Et si jamais vous vous assoupissez, ce qui est fréquent dans les débuts, surtout si
vous êtes très fatigué, ne vous en faites pas. Dites-vous que c’est ce dont votre corps avait besoin à ce moment-là et reprenez-
vous à la séance suivante.
B. Détendez vos épaules, placez vos mains sur vos cuisses ou vos genoux, paumes vers le haut ou vers le bas. Si vous êtes
allongé, mettez vos bras de chaque côté de votre corps et vos mains sur le plancher, ou sur votre ventre. Retenez que le but,
c’est de trouver une position qui favorise la détente. Oubliez alors la posture du Lotus ! Si, au cours de votre période de
méditation, vous sentez un inconfort, prenez-en conscience, modifiez votre posture et continuez.
C. Quand vous êtes prêt, fermez doucement les yeux ou, si vous préférez, laissez-les légèrement entrouverts avec votre regard
dirigé vers le sol et non sur les objets autour de vous. Prenez quelques profondes inspirations, relâchez l’air de vos poumons et
détendez-vous.
D. Si vous utilisez une méditation guidée déjà enregistrée, commencez-la maintenant. Sinon, procédez comme suit. Portez
d’abord attention à votre respiration, sans la modifier. Sentez l’air qui passe par vos narines, votre ventre qui se gonfle et se
dégonfle légèrement.
E. Assez rapidement, sans vous en rendre compte, vous allez être distrait et vous mettre à penser à ce qui vous préoccupe, à
planifier votre prochaine activité, à repasser dans votre esprit une conversation récente, à ruminer peut-être. Dès que vous en
prenez conscience, ramenez tout simplement votre attention à votre respiration. Reprenez contact avec l’inspiration suivante,
l’expiration qui vient après, et ainsi de suite.
Voilà, sans contredit, le véritable entraînement de la méditation : apprendre à remarquer quand votre esprit est distrait, à le
ramener à votre intention de départ. C’est un apprentissage qui s’étend au reste de votre vie et qui permet de faire cesser les
ruminations, les dialogues internes, d’interrompre la résistance avant que d’y être trop engagé.
Quand vous remarquez que votre esprit s’évade, vous pouvez aussi vous arrêter un bref instant à ce qui vous a distrait, le
temps de vous dire que vous y reviendrez plus tard. Puis ramenez à nouveau votre attention à votre respiration. Peu importe le
nombre de fois où vous êtes distrait, l’important, c’est de retourner à votre respiration dès que vous vous en rendez compte.
F. Soyez patient avec vous-même et, surtout, ne vous critiquez pas lorsque vous vous apercevez que la folle du logis vous
emporte ailleurs. Notez la distraction, souriez peut-être à cette facilité que vous avez à voyager dans le temps, et retournez à
votre respiration, au moment présent, encore et encore. Si vous remarquez qu’elle est plus tendue parce que vous y portez
attention, prenez-en note et essayez simplement de vous relaxer.
Rappelez-vous que c’est un entraînement et que, comme tout apprentissage, il demande à être répété. Ayez confiance !
Graduellement, vous vous apercevrez que vous restez connecté plus longtemps à votre respiration et au moment présent.
Vous allez peut-être sentir la pression, la chaleur, des fourmillements, des engourdissements, le contact de
vos doigts dans votre paume ou sur l’objet que vous tenez, etc.
Cette expérience directe du corps augmente le volume sonore des messages corporels et diminue celui du
bavardage mental. Comme vous le constatez, la pleine conscience ne consiste pas à être plus attentif, mais
à cultiver une forme différente d’attention.
17. Jon Kabat-Zinn est médecin, scientifique, écrivain, enseignant de méditation et professeur à la faculté de médecine de l’université du Massachusetts (MIT).
18. Edward M. Hallowell, « Overloaded Circuits: Why Smart People Underperform », Harvard Business Review , 2005,
https://hbr.org/2005/01/overloaded-circuits-why-smart-people-underperform
19. Cette méthode est inspirée de la « Méditation guidée Expire 10 » de Moutassem Hammour, https://oserchanger.com/blogue_2/cours-de-meditation
20. Traduction d’un extrait d’une vidéo de Ronald K. Siegel, psychologue clinicien et professeur de psychologie à la Harvard Medical School, qui traite de psychologie positive et de pleine conscience,
http://oserchanger.com/blogue_2/2012/03/30/pleine-conscience-psychologie-positive
10
Entrer dans le flow
Il est impossible de profiter d’une partie de tennis, d’un livre ou d’une conversation à moins que notre attention soit entièrement concentrée
sur cette activité.
(MIHALY CSIKSZENTMIHALYI)
Cela vous est-il déjà arrivé d’être tellement plongé dans une activité que plus rien d’autre n’existait ? En bricolant, en cuisinant, en
dansant, en jardinant, en descendant une pente à ski, en faisant de la randonnée, en jouant au tennis, en lisant un bon livre, en tricotant,
en roulant en voiture dans des routes en lacets, en vous amusant avec votre enfant, etc. Vous étiez alors si engagé dans cette
occupation, et pour le simple plaisir de l’expérience, que vous n’étiez plus conscient de vous-même ni du temps qui passait.
Les sondages montrent qu’environ 20 % des personnes interrogées vivent ce type d’expérience, parfois même à plusieurs occasions
chaque jour, alors que 15 % affirment ne jamais le faire. Les athlètes se réfèrent souvent à cela en disant qu’ils sont « dans leur zone ».
Les artistes vont parler quant à eux d’extase esthétique.
Mihaly Csikszentmihalyi, psychologue hongrois et aujourd’hui professeur à la Claremont Graduats University en Californie, nomme
cette condition d’intense absorption le flow. Il le présente comme un sentiment de fluidité mentale et de concentration soutenue sur des
tâches qui mobilisent toutes nos compétences 21 . C’est en quelque sorte de la pleine conscience active et engagée.
Pensez à la personne qui pratique la voile, par exemple. Toute son attention est absorbée dans le moment présent, sur ce qui est. Ses
yeux regardent devant et autour, observent l’eau, les vagues, le gonflement de la voilure. Elle écoute les bruits sur la coque, interprète
le vent sur sa peau. Elle est à l’affût des mouvements de l’embarcation et perçoit immédiatement le moindre déséquilibre. Elle est
totalement présente à son expérience, sans distraction, avec une intention bien claire : avoir du plaisir et profiter au maximum des
éléments. Son but, c’est l’activité comme telle.
Dans le flow, comme dans la pleine conscience, vous ne jugez donc pas ce qui se présente et vous ne vous racontez pas d’histoire.
Lorsque vous commencez à évaluer et à analyser chacune de vos décisions, vous n’êtes plus présent à ce qui est dans votre
environnement, ici et maintenant. Encore moins quand vous vous comparez aux autres et que vous vous demandez si vous n’auriez pas
dû… ou s’il n’aurait pas été préférable de… Et quand vous vous évadez dans vos ruminations et que vous pensez à vos
préoccupations, aux événements d’hier ou à vos rendez-vous de demain, vous n’avez pas non plus cette qualité de l’attention de la
pleine conscience qui permet de vivre la richesse et la perfection du moment.
A. La personne est active et engagée dans une occupation. Il est très rare d’éprouver le flow dans des loisirs passifs comme
l’écoute de la télévision.
B. Elle est concentrée sur des buts à atteindre qui sont clairs, qui offrent une rétroaction immédiate et qui sont compatibles avec
elle. Si vous n’aimez pas la voile et que vous avez la crainte de l’eau, ce n’est pas là que vous vivrez une telle expérience.
C. Bien qu’elle soit orientée vers un but à atteindre, ce n’est pas sa motivation première. En fait, c’est l’activité en elle-même qui
est gratifiante. Par exemple, votre objectif final est peut-être de confectionner une veste, mais vous retirez un grand plaisir à
vous asseoir pour tricoter et maîtriser de nouveaux points.
D. Dans le flow, les capacités de la personne sont toutes mobilisées pour relever un défi réalisable ou raisonnable, donc ni trop
facile, ni trop difficile. Il doit y avoir un équilibre entre le défi que l’activité représente et la compétence que vous avez. Jouer
à Serpents et échelles ne fera sans doute pas appel à des aptitudes particulières chez vous et ne favorisera donc pas le flow, à
moins de le faire avec un enfant et d’être immergé dans la relation que vous vivez avec lui. Peut-être vaudrait-il mieux miser
sur le jeu d’échecs ou passer au niveau supérieur d’un jeu vidéo déjà partiellement maîtrisé.
En d’autres termes, si votre expertise est élevée, mais que le défi est peu élevé, c’est l’ennui garanti. Si votre compétence est
faible et le défi trop haut, il n’y aura pas de plaisir.
E. Dans le flow, non seulement vous perdez la notion du temps, mais vous avez souvent l’impression de ne pas faire d’efforts et
vous souhaitez répéter l’activité.
F. Quand vous vivez une expérience de flow, vous n’êtes pas conscient de vous-même. Si vous l’êtes, c’est en lien direct avec
l’occupation comme telle, par exemple la position de votre corps sur la piste de ski ou le plancher de danse, ou la place de vos
doigts sur le piano, etc. Vous ne passez pas votre temps à vous demander ce que les autres vont dire ni comment seront perçus
vos gestes.
G. Enfin, tout à votre activité, vous n’êtes pas interrompu par des pensées étrangères.
Exercice de flow
1. Pensez à une activité que vous avez plaisir à faire et dans laquelle vous vous sentez habile.
2. Comment pourriez-vous la réaliser en sortant un peu de votre zone de confort, mais pas trop non plus ?
Rappelez-vous qu’une occupation bien en deçà de vos compétences peut être monotone alors qu’elle
sera désagréable si elle va au-delà de celles-ci.
Par exemple, si vous faites de la randonnée, pourquoi ne pas choisir un sentier un peu plus difficile ? Si vous
jouez d’un instrument de musique, pourquoi ne pas apprendre un morceau plus complexe ? En voiture,
pourquoi ne pas emprunter des chemins moins connus ?
L’exercice de la gratitude
Vous pouvez commencer, de manière plus générale, en vous demandant de quoi vous êtes reconnaissant dans votre vie. Vous pouvez
aussi y aller plus spécifiquement, comme vous le verrez plus bas avec nos suggestions. Il s’agit ici de vous associer au sentiment du
plein, de l’abondance dans laquelle vous baignez, du positif qui vous entoure, de toutes ces choses et de tous ces gens qui enrichissent
votre existence. Si vous éprouvez de la résistance, demandez-vous : de quoi pourrais-je être reconnaissant dans ma vie si je le voulais
vraiment ?
Vous pouvez faire cet exercice le matin juste avant de vous lever, en vous rasant ou en prenant une douche, en marchant, en vous
rendant au boulot en voiture ou en métro, en revenant du travail, au moment d’aller au lit. Quelques minutes suffisent pour chercher
mentalement ce pour quoi vous éprouvez de la reconnaissance, pour vous associer aux sentiments provoqués par les images ou les
souvenirs mis au jour et vous laisser inonder par eux.
Vous pouvez repasser rapidement les domaines importants de votre existence. Qu’est-ce que vous aimez de votre vie familiale, de
votre relation avec votre conjoint, de vos enfants, de votre rapport avec vous-même ? De quoi êtes-vous reconnaissant quand vous
pensez à votre santé physique et à votre vitalité, à vos finances, à votre engagement personnel, à votre engagement professionnel, ou
lorsque vous regardez vos réussites personnelles ou professionnelles, vos relations avec vos collègues et amis ?
Commencez l’exercice en songeant à la chance que vous avez d’être vivant, de pouvoir respirer, d’être une étincelle de vie et d’avoir
encore une journée devant vous pour profiter de l’existence. Savourez les bienfaits que vous apportent vos sens. N’est-ce pas un
bonheur de pouvoir admirer les beautés de la nature, les œuvres des grands peintres, les sourires des gens ? De pouvoir sentir les
odeurs des mets et les meilleurs parfums, de vous laisser toucher par le soleil ou le vent, par une autre personne ? N’êtes-vous pas
comblé de goûter les aliments, d’entendre les musiques que vous préférez, les voix des gens que vous aimez, le bruit de la rivière et du
vent dans les feuilles ?
Soyez reconnaissant pour votre santé, pour l’énergie qui vous anime et qui vous permet d’accomplir tellement de choses,
d’entreprendre des projets, de relever des défis, de créer.
Pensez ensuite aux personnes que vous aimez, qui vous aiment et dont la présence est une vraie bénédiction, que ce soit votre
conjoint, vos enfants, vos petits-enfants, votre famille, vos amis. Imaginez leur visage en vous rappelant ce que vous appréciez
le plus d’elles.
Mesurez la chance que vous avez de voyager et revoyez les images des endroits que vous avez beaucoup aimés. Songez au
confort dans lequel vous vivez au quotidien, à votre maison chaleureuse où vous recevez vos enfants, vos amis.
Pensez à la nature qui n’est jamais bien loin et dans laquelle vous pouvez vous promener à l’occasion.
Considérez à quel point vous êtes fortuné de pouvoir vivre dans un pays en paix, de pouvoir profiter de connaissances
inépuisables et si accessibles pour en apprendre sur tout ce qui vous intéresse et tout ce qui vous passionne.
Reconnaissez les facilités incroyables mises à votre service par la technologie.
Rendez grâce pour cette chance que vous avez de faire un travail que vous aimez et qui vous anime. Repensez à ces gens qui
vous ont donné l’occasion d’avancer personnellement et professionnellement. Ayez de la gratitude pour les qualités et les
talents qui sont les vôtres.
Bénissez tout simplement l’instant présent.
Bien sûr, ce qui n’allait pas est encore là. Mais ces quelques minutes pendant lesquelles vous vous êtes concentré sur les richesses de
votre vie auront été suffisantes pour distraire votre attention et faire naître des états d’esprit positifs.
C’est le bon moment pour regarder ce que vous appréciez de la personne avec qui vous éprouvez des difficultés, ou ce que vous
estimez dans votre travail, même si vous y vivez des heures plus graves.
En reprenant contact régulièrement et même quotidiennement avec les nombreux bienfaits de votre existence, vous ne faites que
reconquérir une grande partie de celle-ci et vous permettez à votre esprit de lâcher prise plus aisément.
22. Sonja Lyubomirsky, Kennon Sheldon, David Schkader, « Pursuing Happiness: The Architecture of Sustainable Change », Review of General Psychology , 9, 2005, p. 111-131.
12
Comment améliorer et maintenir son estime de soi
Plus vous vous aimez, moins vous êtes comme
tout le monde, ce qui vous rend unique.
(WALT DISNEY)
La plupart des problèmes de santé mentale et beaucoup d’ennuis physiques sont reliés, d’une façon ou d’une autre, au manque
d’estime de soi. Le peu de considération que vous avez pour vous-même peut, en effet, vous conduire à outrepasser vos limites, à mal
gérer votre temps, à prendre de mauvaises décisions et à vous précipiter, à plus ou moins brève échéance, dans le stress et
l’épuisement.
Au travail, dans votre vie de couple ou familiale, dans vos relations interpersonnelles, le niveau d’estime que vous avez envers vous-
même se reflétera dans vos choix et fera qu’ils seront plus ou moins heureux. Or à long terme, les conséquences de choix malheureux
peuvent être dévastatrices. À moins d’en prendre conscience et d’agir en conséquence, le manque d’estime de soi peut donc modifier
négativement le cours de votre vie. Plus encore, vous risquez de transmettre les racines de ce mal à la génération suivante. La famille
est en effet le terreau où naît et se développe l’estime de soi.
Nous présenterons donc ici certaines stratégies qui, si elles sont pratiquées régulièrement, peuvent contribuer à développer et à
maintenir une bonne estime de soi-même et une attitude plus constructive à l’égard de soi.
Ressentir le malaise
Vos émotions, vos sentiments et vos pensées s’inscrivent physiquement dans votre corps. À tout moment, celui-ci vous fournit des
indices, des signaux, de ce qui se passe en vous. Encore faut-il en être conscient, accueillir favorablement cette sagesse et ne pas mettre
de côté ces signes en vous disant que vous vous trompez sûrement sur leur signification. Il y a dans ces réactions du corps une
intelligence que vous avez intérêt à respecter.
Il peut arriver, en effet, que vous décidiez de passer outre par manque de confiance dans vos propres sensations, faisant ainsi fi d’une
grande richesse que vous partagez avec le règne animal, c’est-à-dire l’instinct. Songez à cette occasion où vous vous êtes forcé à rester
en compagnie d’une personne qui menaçait votre estime de soi en vous disant que c’était vous le problème et que vous étiez mal
disposé. Finalement, la rencontre a été presque une torture. Vous avez invalidé votre ressenti en trouvant des excuses à l’autre, ou pire,
en lui abandonnant votre pouvoir, et vous vous êtes aperçu plus tard que vous auriez eu avantage à vous faire confiance.
L’émotion est parfois plus juste et plus authentique que la raison. Elle est la voie privilégiée pour accéder à un niveau plus profond.
Avoir une bonne estime de soi, c’est vous reposer sur vous-même et respecter votre instinct. C’est vous permettre d’exercer votre
pouvoir, celui de mettre fin à un tête-à-tête désagréable par exemple, comme dans la situation décrite précédemment.
Évidemment, pour créer cette nouvelle habitude, vous devez tout d’abord vous arrêter pour prendre conscience de votre état
émotionnel et décider de vous faire confiance.
Vos résultats devraient vous préciser l’intérêt d’un effort de changement et le domaine dans lequel l’entreprendre 23 .
Répondez spontanément et rapidement en choisissant la réponse qui se rapproche le plus de votre point de vue actuel. Quel que soit le
score obtenu, comparez-le à votre avis personnel et à celui de proches.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
4. Je me sens insatisfait.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
6. Parfois, j’ai l’impression que je provoque moi-même inconsciemment les ruptures ou les conflits.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
8. Je repousse souvent à plus tard des choses importantes que je devrais faire rapidement.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
10. Je me sens souvent jaloux, j’éprouve fréquemment du ressentiment envers certaines personnes.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
11. Je suis trop dépendant du regard que l’on porte sur moi.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
12. On m’a souvent reproché de fuir dans l’action et d’en faire trop.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
15. Même quand les choses vont plutôt bien, je me sens inquiet.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
17. Je ne suis pas apprécié et reconnu par les autres comme je le voudrais.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
21. Quand j’ai des difficultés, je m’en prends souvent à moi-même et il m’arrive même de me détester.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
Interprétation
Comptez 1 point pour chaque réponse Plutôt vrai et calculez le total.
de 0 à 7, votre besoin de changement est limité. Vous pouvez vous contenter de faire fructifier votre capital d’estime de soi.
de 8 à 15 , votre besoin global de changement est moyen. Vous avez certainement quelques efforts à accomplir en matière
d’estime de soi.
de 16 à 21 , il semble que vous ayez intérêt à entreprendre des efforts de changement. Parlez-en avec quelques personnes de
confiance de votre entourage pour recueillir leur avis.
Votre score dans chacune des sphères de changement ci-dessous peut varier de 0 à 7 points. Plus la note est importante, plus c’est un
domaine vers lequel vous devriez orienter vos efforts. Comptez 1 point pour chaque réponse Plutôt vrai .
Dans votre relation à vous-même : faites le total des points aux questions 1, 4, 7, 10, 13, 16, 19.
Dans votre rapport à l’action : faites le total des points aux questions 2, 5, 8, 11, 14, 17, 20.
Dans votre lien aux autres : faites le total des points aux questions 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21.
23. Vous pouvez remplir ce questionnaire en ligne sur notre site OSERChanger.com, http://oserchanger.com/blogue_2/2013/06/02/test-estime-de-soi. Vos résultats seront calculés automatiquement.
13
Aller en psychothérapie ou non
Rester en colère, c’est comme saisir un charbon
ardent avec l’intention de le jeter sur quelqu’un ;
c’est vous que vous brûlez.
(BOUDDHA)
Dans la plupart des situations dérangeantes de la vie courante, et même dans les cas de bouleversements émotionnels plus grands,
comme l’inquiétude chronique pour ses enfants ou une séparation difficile, les outils présentés dans ce livre peuvent très bien suffire.
Mais il peut vous arriver d’être aux prises avec des blessures plus profondes, traumatisantes et marquantes, ou de vous sentir tout
simplement dépassé par une situation.
Nous avons déjà parlé au chapitre 5 de l’aide que peut apporter une personne de confiance. Le soutien peut aussi venir de
regroupements d’hommes et de femmes ayant vécu des épreuves comparables à la vôtre, par exemple le suicide d’un membre de la
famille ou d’un proche, la présence d’une maladie chronique invalidante, le fait d’avoir été victime d’un acte criminel, etc.
La psychothérapie, quant à elle, ne change ni les gens ni les événements. Elle est en quelque sorte un accélérateur de développement
personnel, en ce sens qu’elle peut faire avancer plus rapidement le travail de deuil inhérent aux épreuves et donner des outils pour tenir
la souffrance à distance. La thérapie aide à éviter les errances souvent indissociables de la recherche d’un mieux-être.
Une personne de confiance, qui possède en plus une formation adéquate et reconnue, peut, par son accompagnement, son objectivité,
sa capacité d’observation, ses confrontations avisées et éclairées, vous aider à regagner plus rapidement le plaisir d’être vous-même et
celui de vivre. La relation de confiance permet de mieux apprendre, d’aimer aussi ce que vous apprenez, et vous rend susceptible
d’expérimenter de nouvelles manières de penser et d’agir.
Le psychiatre Fred Luskin, à titre d’exemple, a beaucoup travaillé avec des personnes ayant vécu de graves tragédies, comme
l’assassinat de proches lors de la guerre civile qui a déchiré l’Irlande du Nord. Le programme qu’il a mis au point en a aidé plusieurs à
retrouver l’équilibre et à pardonner, de façon à reprendre leur vie en main et à se recentrer sur leurs objectifs, c’est-à-dire à tourner la
page sur leurs souffrances.
Même si le propos ne se rapporte pas nécessairement à votre cas et que sa démarche peut sembler difficile, mais non impossible à
mettre en pratique, nous trouvons pertinent de vous en présenter les grandes lignes 24 .
La méthode HEAL
La démarche du Fred Luskin se résume à l’acronyme HEAL, mot anglais qui signifie guérir. Il s’agit de l’abréviation de hope
(« espérer »), educate (« s’entraîner à penser autrement »), affirm (« affirmer son intention positive ») et long-term (« le long terme »).
D’abord, il faut se rappeler que ce type de lâcher-prise est rarement rapide. Une profonde blessure émotionnelle, tout comme une
grave atteinte physique, nécessite un temps de guérison conséquent. Une hanche fracturée met plusieurs semaines, sinon des mois, à se
réparer. Encore faut-il qu’elle reçoive les traitements appropriés, sans quoi elle risque de vous faire souffrir le restant de votre vie. Au
sens figuré, un cœur fracturé par une grande épreuve a également besoin de soins adéquats et de temps pour se remettre.
Ajoutons que chaque blessure de ce type est subjective, quoique bien réelle pour celui qui la vit. Aussi, son impact ne doit pas être
jugé par un tiers. Nous croyons par ailleurs que les cicatrices, qui peuvent demeurer bien tapies au fond de vous, ne doivent pas être
constamment réactivées ou stimulées par la suite. Le passé ne s’efface pas. Mais il revient à chacun, avec ou sans aide extérieure,
d’apprendre à s’en protéger d’une manière qui ne sera ni du déni ni du refoulement. D’où, parfois, la nécessité de la psychothérapie et
du lâcher-prise bien compris.
Les deux premières étapes de la méthode HEAL, espérer et s’entraîner à penser autrement, ne doivent jamais être escamotées. De
plus, elles doivent respecter l’intention de la thérapie. Elles seront pour un temps axées sur ce passé envahissant qui gêne à la fois le
présent et l’avenir. S’y centrer ne signifie pas s’y complaire mais, comme nous l’avons expliqué ailleurs, il s’avère nécessaire de
nommer ses émotions, de vérifier si ses croyances sont paralysantes ou non et ses règles applicables ou pas.
Une telle démarche ne peut être entreprise quand vous êtes submergé par une tempête émotionnelle. Il sera alors plus qu’utile de
trouver ou de retrouver un état d’esprit positif, ouvert, centré sur le cœur. Pour accéder à un état de réceptivité, vous pourrez par
exemple penser à une personne que vous estimez ou qui vous aime, à une expérience passée gratifiante, vous concentrer sur votre
respiration, méditer, etc.
Espérer
Espérer est différent de compter sur quelque chose. S’attendre au respect des autres, à la fidélité d’un conjoint, à une vie sans
blessures, tout cela renvoie à des règles inapplicables et qui ne sont pas sous votre contrôle.
Si vous avez été atteint, peu importe de quelle manière, vous pourriez toutefois dire que vous auriez espéré être mieux traité et
respecté, que vous auriez espéré avoir une vie plus douce, etc. Il est légitime de souffrir d’un espoir déçu. Notez cependant la nuance
entre dire : « Mes parents auraient dû m’aimer et me traiter autrement » et : « J’aurais espéré, comme enfant, être mieux entouré, aimé,
aidé. » La charge émotionnelle est très différente.
Cette première étape est ainsi centrée sur ce que vous avez vécu dans le passé, précisément et personnellement. Il est nettement
préférable ici d’éviter les généralisations et de formuler votre énoncé d’espoir déçu en termes positifs. Au lieu de dire : « Mon mari
n’aurait pas dû me tromper » ou : « J’espérais que ma conjointe ne soit pas infidèle », l’énoncé positif deviendra : « J’espérais la
fidélité de la part de mon conjoint. » Cette phrase met en perspective le sentiment de déception, mais aussi l’intention, le but positif qui
était recherché dans votre union.
Cette formulation sous-entend également que tous les souhaits ou les espoirs ne se réalisent pas nécessairement, ni toujours, mais
qu’il arrive aussi qu’ils le soient. Être déçu ne signifie pas que toutes vos expériences futures seront désolantes.
A. La première, c’est justement que ce n’est pas inutile. Je m’entends dire que ça pourrait bien servir un jour. Ou encore, que je
pourrais en avoir besoin un de ces quatre, ou que quelqu’un d’autre pourrait en vouloir. C’est vrai, non ? Ça l’est sans doute
seulement parce que je me répète cette idée chaque fois que je souhaite en disposer. On ne sait jamais… Alors je garde tout.
B. La deuxième croyance, et pas la moindre, c’est : j’ai payé pour ça, et même très cher dans certains cas. Réalisez-vous que ce
magnétoscope Panasonic m’a coûté 1 500 $ à l’époque et que c’était l’un des premiers du genre ? Bon, je sais, il ne fonctionne
plus.
Et cette vieille caméra valait au moins 1 200 $. Il est certain que je peux maintenant m’en procurer une hi-tech pour moins de
400 $, mais quand même. Et que dire de ce Mac qui date de 1986 et qui m’a coûté près de 2 000 $ ? C’est presque une
antiquité ça, mon ami.
C. Ce qui m’amène à la troisième croyance qui m’empêche de lâcher prise : je pourrais gagner des sous en bradant ces vieux
objets, sur eBay ou ailleurs. Tiens, je pourrais en profiter pour liquider tout ce qui ne sert plus et me faire un peu d’argent
pour… m’acheter d’autres choses inutiles.
D. Et voici ma quatrième idée paralysante : je ne peux pas me départir de cet objet. C’est Jules, mon beau-frère, qui me l’a
offert… Un cadeau, c’est un cadeau, et puis je ne voudrais surtout pas l’insulter.
A. Tiens ! Je ne me rappelais pas que j’avais autant de costumes. Et moi qui porte presque toujours des jeans. Si je commençais
par ce dont il me sera le plus facile de me défaire ? Voilà deux vestes grises. Celle-ci ne me va plus, alors je l’élimine sans
problème. Ensuite, deux costumes bleus passablement démodés. D’accord, je les enlève.
Oups ! Mon costume de mariage. Ça fait 45 ans qu’il est là, suspendu, attendant une occasion. C’est plus difficile, ça…
Voyons ce que répond mon avocat quand je lui dis qu’il peut toujours servir.
¾ Tu crois vraiment ? Mais QUAND vas-tu réellement en avoir besoin ? Et puis, as-tu porté ton vieux costume de mariage
neuf (!) ces 40 dernières années ?
¾ Oui, une fois.
¾ Et tu avais l’air d’une photo poussiéreuse avec quelques kilos en trop. En plus, il est brun… Franchement !
¾ Oui, mais je pourrais en avoir besoin.
¾ C’est vrai, tu vas régulièrement à des bals rétro.
¾ Non, mais quelqu’un pourrait en avoir besoin. Cela ferait un beau costume de théâtre. Un jour, mes petits-enfants vont
vouloir se déguiser, non ?
¾ Quand bien même tu le donnerais à une friperie, il n’y aurait personne pour l’acheter. Ce n’est pas sérieux, voyons !
D’accord, je te laisse une chance. Tu le mets dans une boîte sur laquelle tu écris la date au stylo-feutre. Si dans six mois ce
magnifique vêtement démodé et brun n’a pas servi, tu seras libre de l’envoyer vivre sa vie sous d’autres cieux. On continue ?
Bon, je ne passerai pas toute ma garde-robe en revue. Permettez-moi de me garder un peu d’intimité. J’ai compris le principe.
Voyons ma deuxième croyance.
B. Me voilà dans mon bureau. Dans une armoire, un lecteur VHS débranché gît sur un tourne-disque, déconnecté lui aussi, à côté
d’un émetteur radio inutilisé, acheté d’occasion il y a des lustres. Sur ma table de travail, un gros ordinateur (je ne me
rappelais pas que ces appareils étaient si volumineux), deux imprimantes (une sans encre), un scanner qui n’a rien numérisé
depuis belle lurette.
Je n’ose plus dire que ça pourrait servir un jour. Par contre, j’ai payé pour ça, et une belle somme en plus. Qu’as-tu à dire là-
dessus, cher défenseur du lâcher-prise ?
¾ Quand bien même tu resterais accroché à ces objets, ça ne ramènera pas ce que tu as payé pour te les procurer. Je suis
désolé de t’annoncer ça, mais cet argent est parti, POUR TOUJOURS.
¾ Hum… tu es dur avec moi. Tu ne vois donc pas que je me sens coupable ?
¾ Crois-tu vraiment que ton sentiment de culpabilité va faire revenir l’argent dépensé ou t’inciter à utiliser encore ces objets ?
Non. Tu vas les laisser croupir là et continuer à te sentir fautif. C’est un prix beaucoup trop cher à payer. En plus, tu paies
quelqu’un pour épousseter tout ça…
Je comprends que pour lâcher prise, je dois accepter l’idée que l’argent a été dépensé et qu’il ne reviendra pas. Mais tout de
même…
C. … je pourrais gagner des sous en bradant ces objets. Qu’en penses-tu, cher apôtre du lâcher-prise ?
¾ Je l’attendais, celle-là ! Te voilà pris du syndrome de la vente de garage, du vide-greniers, du troc et puces. Je suis
convaincu que ça va faire partie de la sixième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux . Les signes
cliniques sont faciles à observer : un individu décide de se débarrasser de certains objets, mais il les conserve en vue de
l’éventuelle grande vente sur gazon devant la maison, ou aux puces. Bon ! Je concède que ça peut te rapporter des sous. Mais
pense à l’investissement émotif. Tu trouves difficile de lâcher prise et tu ne feras qu’allonger la période de souffrance. C’est
pire que le supplice de la goutte d’eau. Pourquoi ne pas donner le tout à une association qui en fera bon usage, qui donnera une
seconde vie à tes objets ? Non seulement tu vas te sentir bien en faisant la charité, mais tu pourras dire à tout le monde : je
recycle moi, Monsieur !
D. Oui, mais… je ne peux m’en défaire, c’est un cadeau de Jules. Et toc ! Déjoué, l’avocat !
¾ Hum ! On me met au défi ? Si tu n’aimes pas la personne qui te l’a donné, le problème ne se pose pas, puisque la chose a
déjà pris la direction de la poubelle. Mais comme tu apprécies bien Jules, tu étends ce sentiment au bidule inutile dont il est
question et tu as l’impression de l’offenser. « Et si jamais il s’apercevait que je n’ai plus l’horreur qu’il m’a donnée il y a dix
ans… ? » Là-dessus, je pourrais te dire : « Oui, et après ? » Mais je vais me retenir et te proposer de bonnes questions.
Prends l’objet dans tes mains, ou regarde-le dans le blanc des yeux, et demande-lui froidement : « Est-ce que j’ai besoin de
toi ? Est-ce que je t’utilise ? Et surtout, est-ce que je t’aime ? » Dans la négative, tu n’as pas à le conserver.
Si tu y tiens vraiment, prends-le en photo et… non, ce n’est pas une bonne idée de la mettre sur Facebook avec la légende :
« J’ai enfin lâché prise. » Place-la dans un album virtuel que tu vas intituler « Mes horreurs », avec un code d’accès secret et
compliqué que tu vas oublier. Et centre plutôt ton attention sur la personne qui t’en a fait cadeau et sur les raisons qui font
qu’elle est précieuse pour toi (bien plus que l’objet). C’est le lien avec cette personne qui importe, pas celui avec la chose. Et
suggère donc à tes amis de te donner du chocolat ou du vin à l’avenir.
Il commence à m’énerver un peu, mais il fait bien son travail, mon avocat.
Si se détacher d’objets est difficile, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est encore plus compliqué de lâcher prise à des
occasions plus importantes de sa vie. Il y a des deuils plus grands que d’autres, c’est certain. Mais est-ce qu’un tel
interlocuteur ne pourrait pas s’avérer utile encore une fois si nous lui donnions la parole et que nous acceptions de l’écouter ?
Surtout s’il a de bonnes questions à poser.
Trouver un sens
Ce qui vous appartient cependant, c’est ce que vous ferez de votre blessure. Peut-elle vous enseigner quelque chose, faire de vous un
individu plus fort ? Il n’est pas rare qu’une personne, quelques années après une épreuve, remercie presque le ciel pour un divorce, une
maladie, un handicap, qui a changé sa vie pour mieux. Ou que des parents touchés par un malheur lui donnent un sens en œuvrant pour
une association qui vient en aide à d’autres personnes qui ont rencontré les mêmes difficultés.
Bien sûr, il n’est pas nécessaire que votre vécu s’apparente à une catastrophe pour grandir. Mais avouez qu’il est préférable d’investir
votre énergie dans votre santé émotionnelle plutôt que dans une éventuelle vengeance. Molière, il y a quelques centaines d’années,
disait, en grand sage de la nature humaine : « La vengeance la plus noble est le pardon. »
Faire un choix
C’est à cette étape qu’il est facile de trébucher. Pourquoi ? La tentation, inconsciente bien sûr, est grande de vous attacher au malheur
vécu, de vous servir de celui-ci pour obtenir considération, consolation, attention, avantages. Grandir veut aussi dire renoncer aux
bénéfices secondaires du malheur et assumer votre responsabilité, renoncer à la dépendance des autres, famille, amis, thérapeute,
médecin, au-delà du temps nécessaire, ne l’oublions pas, à l’expression des émotions.
Choisir de regarder en avant, c’est à coup sûr tourner la page sur ce passé qui envahit votre présent. Vous poser en victime, nourrir
une vengeance, c’est permettre à ce même passé de continuer à vous faire du mal. C’est donner à une situation ou à une personne le
pouvoir de vous faire souffrir et de décider de votre avenir. Pardonner, ce n’est pas approuver ce qui est arrivé ou libérer l’autre de sa
responsabilité, c’est choisir de mettre un terme à la souffrance qui vous a été infligée.
Le pardon à soi-même
Si vous ne vous êtes pas pardonné
quelque chose, comment pouvez-vous
pardonner aux autres ?
(DOLORES HUERTA)
Il y a plusieurs choses que vous auriez intérêt à vous pardonner pour, dans un premier temps, vous libérer du passé et vous centrer
davantage sur vos buts, sur l’intention positive qui a toujours été derrière vos attitudes et vos actions. Et aussi, dans un second temps,
pour vous rendre plus apte à accepter l’humanité des autres, à admettre le fait qu’ils peuvent aussi se tromper et avoir besoin de se faire
pardonner. Edward Herbert a écrit il y a très longtemps : « Celui qui ne peut pas pardonner aux autres détruit le pont sur lequel il doit
lui-même passer, car chaque personne a besoin du pardon des autres. » À la limite, pardonner est presque un geste égoïste.
Quelles sont donc ces choses que vous devriez pouvoir vous pardonner ? Les regrets, pour commencer, qui peuvent empoisonner
votre existence et qui sont stériles. Regret de ne pas avoir eu d’enfant, d’avoir vendu le chalet familial, de ne pas avoir fait d’études, de
ne pas avoir réalisé tel ou tel rêve de jeunesse, etc. Vous pouvez aussi vous en vouloir de ne pas avoir saisi une occasion, de ne pas
avoir agi dans certaines situations qui se sont présentées à vous, de ne pas avoir aidé ou soutenu quelqu’un, d’avoir fermé votre porte à
autrui ou encore de l’avoir sciemment blessé. Certains en arrivent à se détester pour leurs comportements autodestructeurs comme
l’alcoolisme, la dépendance pathologique aux drogues, au jeu ou à de mauvaises habitudes.
Les différences entre le pardon aux autres et celui à soi-même ne sont pas si grandes. Derrière la faute que vous vous reprochez, il y a
cette intention positive qui est bien cachée et qui vous a alors motivé. Quelle était-elle, maintenant dissimulée par le regret ou même le
remords ?
Fred Luskin prétend qu’il est plus facile de se pardonner à soi-même qu’aux autres, car vous avez le contrôle sur l’offenseur qui est
vous-même. Il est ainsi plus à votre portée de modifier vos actions que de changer celles des autres.
Les obstacles que vous rencontrez sont vos habitudes, vos conditionnements, vos croyances, vos règles. Nous avons vu ailleurs qu’il
est possible de les modifier et d’en développer de plus aidants. Vous devriez savoir, à ce point de votre lecture, que vouloir être parfait
est un objectif irréaliste.
Vous pardonner à vous-même rend envisageable la réparation, ce que ne garantit pas le pardon à autrui. C’est un avantage. En
revanche, si vous réconcilier avec l’autre est optionnel, avec vous-même, c’est obligatoire, car la cohabitation avec l’offenseur ne se
négocie pas vraiment.
La même démarche s’applique donc pour le pardon à soi-même. Le passé ne se change pas. Vous pouvez par contre en faire une
relecture à la lumière de votre intention positive. Il est possible de tourner la page sur votre souffrance. Pour y arriver, vous devez
assumer votre responsabilité, l’expression et l’acceptation de vos émotions, et porter à nouveau votre attention sur votre intention
positive et vos objectifs.
Ici comme ailleurs, vos principaux obstacles ne sont pas les offenses, mais le manque d’outils. La rumination, la centration sur ce qui
va mal ne font que vous éloigner de vous-même et de vos buts.
26. Joëlle Gaillard-Wasser, « Chemins de pardon, voies de guérison », novembre 2003,
http://www.lueur.org/textes/pardon-sante.html
27. Colette Portelance, Les 7 Étapes du lâcher-prise , Montréal, Éditions du Cram, 2009, p. 42-43.
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1. Cover