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LÂCHER

PRISE
MARIE BÉRUBÉ ET MARC VACHON
© IDEO 2019 , un département de City Éditions
pour l'édition française
© Marie Bérubé et Marc Vachon
Couverture : Shutterstock/Studio City
ISBN : 9782824632896
Code Hachette : 77 3565 8
Collection dirigée par Christian English & Frédéric Thibaud
Catalogues et manuscrits : city-editions.com/IDEO
Conformément au Code de la Propriété Intellectuelle, il est interdit
de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, et ce,
par quelque moyen que ce soit, sans l’autorisation préalable de l’éditeur.
Dépôt légal : Septembre 2019
Introduction
Tout philosophe vous dira qu’aujourd’hui est le demain pour lequel vous vous en faisiez hier.
(DAVID BAIRD)
L’idée de cet ouvrage s’est imposée à nous après une très longue incubation. Une petite mésaventure lors de notre premier séjour au
Nicaragua nous avait procuré l’occasion de donner un sens à cette déception : écrire un article sur le lâcher-prise en expérimentant sa
démarche. Cette anecdote fera d’ailleurs l’objet de notre premier chapitre. Pour vous, elle constituera un exemple éloquent de ce que
nous traiterons plus abondamment et développerons par la suite.
Ce petit texte, d’abord publié dans le magazine Travail et santé , a été repris ensuite sur notre site Internet OSERChanger.com.
Depuis, il figure invariablement en tête de notre palmarès de près de deux cents articles qui sont consultés quotidiennement. Il est lu et
partagé des dizaines de milliers de fois chaque année. Nous sommes toujours impressionnés par ce nombre de visites et touchés par ce
besoin de savoir-faire exprimé à maintes occasions par nos lecteurs.
La nécessité d’écrire ce livre s’est cristallisée autour de l’idée de le rédiger ailleurs, loin de l’hiver canadien et de tout ce qui pourrait
nous déranger. Cela requiert une discipline de tous les jours, et nos occupations familiales, professionnelles et artistiques étaient de
bien trop belles distractions au Québec. D’abord en Espagne en 2015, puis en Martinique l’année suivante, nous nous sommes penchés
sur nos cahiers et nos écrans pour donner le jour au livre que vous avez en main.

Aperçu
Si lâcher prise, décrocher, tourner la page, pardonner était facile, vous le feriez tous spontanément avec grâce et intelligence. Car vous
comprenez très bien que votre combat est exténuant, dangereux et inutile. Mais voilà, vous vous heurtez à répétition au mur
incontournable, croyez-vous, de vos obsessions. Pourquoi ? La principale raison est que vous continuez probablement de chercher une
solution avec l’état d’esprit qui a créé le problème.
Dans la première partie de ce livre, vous pourrez prendre conscience des facteurs qui ont contribué à votre difficulté récurrente à
lâcher prise. Vous explorerez, pour mieux les saisir et les démasquer, les éléments de votre histoire qui vous ont amené à construire
votre manière d’aborder la vie et ses aléas. Vous comprendrez comment votre propension à devenir obsédé par un problème est liée à
votre développement personnel, à votre éducation, et parfois même à votre tempérament de base. Vous verrez comment le fait de
penser continuellement à ce qui vous préoccupe amplifie la situation, tout comme l’habitude d’abreuver votre entourage du récit répété
de votre malheur.
Nous démontrerons comment certaines de vos croyances personnelles peuvent être paralysantes, comme plusieurs règles qui
gouvernent vos attentes. La souffrance inhérente aux épreuves se nourrit de ces manières de penser pernicieuses et n’est, tout compte
fait, pas utile. Plusieurs d’entre vous sont conscients, sans pouvoir s’en défaire, de leur attachement profond à leurs blessures.
Nous examinerons donc quelques stratégies courantes et les réactions inappropriées qui conduisent, sinon à la dépression, du moins à
l’augmentation du stress venant de l’intérieur. Il est crucial de démasquer votre résistance, les chemins qu’elle peut emprunter, ainsi
que l’impuissance apprise que vous ressentez. Quand vous placez le contrôle à l’extérieur de vous, vous laissez malheureusement la
vie, ou les autres, décider pour vous.
Cette prise de conscience est, à notre avis, un préalable essentiel au lâcher-prise si vous désirez que ce dernier soit durable et que cette
possibilité s’intègre à votre répertoire de réponses devant les inévitables bouleversements qui se produisent dans la vie.
La seconde partie du livre s’attaque plus directement au travail du lâcher-prise, que nous pourrions nommer la préparation immédiate.
Le corps est le premier averti lorsque vous êtes blessé physiquement, cela va de soi, mais aussi émotionnellement, les émotions
ressenties s’exprimant par le corps. Nous avons tous un peu tendance à vouloir éviter la douleur et les émotions désagréables. Elles
sont pourtant le signal d’alarme qui nous invite à nous protéger, à nous soigner.
Partager ces émotions avec quelqu’un d’autre, échanger, permet d’y voir plus clair. Cet échange diffère fortement de l’action de se
complaire dans un problème ou de l’amplifier avec tout un chacun. Vous apprendrez comment choisir un confident, qu’il s’agisse d’un
ami ou d’un thérapeute. Ce choix revêt une grande importance pour la suite des choses.
Le lâcher-prise s’avère difficile pour plusieurs raisons, entre autres parce que nous ne le définissons pas tous de la même manière.
Nous ferons donc, à ce point de notre exposé, quelques nuances, quelques distinctions, pour énoncer ce que n’est pas le lâcher-prise et
ainsi faciliter le pas suivant : l’acceptation.
Dans la troisième partie, à l’aide de témoignages, nous aborderons le moment plus ou moins court du lâcher-prise proprement dit.
Plus qu’un instant précis, il s’agit d’un travail par étapes qui, à force de répétition, deviendra un automatisme, un nouveau réflexe, tout
comme l’étaient les vieux conditionnements qui vous empêchaient de vraiment lâcher prise.
L’acceptation est donc ce moment décisif qui permettra dorénavant de garder le cap sur vos objectifs, de vous tourner à nouveau vers
le présent et l’avenir. C’est à travers une démarche connue des spécialistes du changement que nous expliquerons le processus du
lâcher-prise. Nous dirons également un mot sur la thérapie, parfois nécessaire, en illustrant notre propos par l’approche du psychiatre
Fred Luskin.
Enfin, dans l’importante dernière partie de cet ouvrage, nous vous soumettrons plusieurs outils et une variété de moyens pratiques
pour vous aider à devenir de véritables champions du lâcher-prise. Bien sûr, une seule manière de faire, aussi puissante soit-elle, ne
peut convenir à toutes les situations, d’où la nécessité d’en acquérir plusieurs. Nous parlerons autant de stratégies cognitives, relatives
aux croyances, aux règles et aux bonnes questions à se poser, que de motivation à nourrir et d’approches plus philosophiques ou
spirituelles telles que la méditation et l’entraînement à la gratitude.
En conclusion, nous aborderons la notion du pardon, qui constitue en quelque sorte le sport extrême du lâcher-prise. Les conditions et
la démarche pour y parvenir ne sont pas très différentes, sauf que, parfois, la souffrance y est plus intense encore. Vous verrez que bien
des personnes y sont arrivées avant vous, et ce pour leur plus grand bien. Certes, il faudra y mettre du temps ou recevoir de l’aide.
Mais n’est-il pas rassurant et extraordinaire de savoir que c’est possible, que vous pourrez y parvenir et grandir dans cet
apprentissage ? Nous vous invitons donc à nous accompagner dans ce voyage, à déposer les armes, à prendre de l’altitude et à
découvrir de nouveaux horizons.
1
Une histoire d’appareil photo brisé
Pourquoi attendre que l’instant soit souvenir
pour en estimer la valeur ?
(ANGÉLIQUE PLANCHETTE)
Lâcher prise peut s’expliquer et s’appliquer de bien des façons. Une manière très simple d’apprivoiser le lâcher-prise consiste à
l’opposer à son contraire : le contrôle. À divers degrés, nous aimons tous avoir le contrôle, sur notre travail ou des parties de celui-ci,
sur notre vie personnelle, sur nos émotions, sur les autres peut-être. Et nous aimerions bien parfois avoir le contrôle sur des
événements qui sont, justement, hors de ce contrôle.
Lorsque vous prenez conscience que vous ne pouvez changer ni les événements ni les personnes qui vous entourent et que vous
pouvez seulement changer votre façon de les percevoir, vous êtes dans le lâcher-prise. Vous vous donnez alors une chance de vivre
moins de stress. De la même façon, lorsque vous modifiez votre action pour arriver à un résultat, vous faites preuve de flexibilité et de
votre capacité à décrocher d’une conduite stérile.
Dans tous les événements qui vous arrivent, il est important de différencier ce que vous pouvez contrôler, influencer, et ce que vous
ne pouvez ni contrôler ni influencer. Faire cette distinction est sans doute une première étape dans le lâcher-prise.

Le lâcher-prise et les objectifs


On raconte que, dans la forêt équatoriale, un homme chassait le singe. Le chasseur, connaissant bien un des points faibles de sa proie,
pouvait l’attraper vivante sans lui infliger la moindre blessure. Il évidait une courge, la remplissait ensuite de riz, puis la fixait
solidement à un arbre. Le singe, attiré par la nourriture, s’approchait et insérait ses doigts dans l’ouverture. En s’emparant d’une grosse
poignée de riz, il ne pouvait plus sortir sa main. Pendant que le singe s’acharnait, le chasseur s’approchait et l’attrapait.
Vous pensez sans doute que l’animal n’aurait eu qu’à abandonner le riz pour retrouver aisément sa liberté. Bien sûr. Mais pour y
arriver, il aurait dû renoncer à quelque chose d’important et même de vital pour lui : sa nourriture. Est-ce à dire que lâcher prise
implique de renoncer à vos buts, à vos objectifs ? Pas nécessairement. Lâcher prise, dans l’immédiat, peut être parfaitement compatible
avec l’action, mais impliquera parfois une action différente ou différée.
Prenons un exemple simple qui aidera à mieux comprendre. Il vous est sans doute déjà arrivé d’avoir un nom sur le bout de la langue
et de vous acharner pendant de longues minutes à essayer de le retrouver, mais en vain. Plus vous cherchez, moins vous vous en
souvenez. Alors vous passez à autre chose, vous lâchez prise sur votre recherche. Puis, un peu plus tard, le nom arrive, de lui-même,
sans aucun effort.
Penser de façon obsessionnelle à un problème est la plupart du temps complètement inefficace. Au contraire, vous en détacher
provisoirement donne à votre cerveau le temps de faire émerger certaines solutions et surtout laisse place à l’originalité et à la
créativité.

Lâcher prise : un acte de confiance


Pourquoi trouvez-vous si difficile de renoncer à contrôler une situation ? Parce que l’absence de contrôle éveille chez vous des peurs
que vous niez ou dont vous êtes très peu conscient.
Par exemple, vous pouvez craindre des autres qu’ils vous dominent, avoir peur de vous tromper, de ne pas être à la hauteur, de
manquer de quelque chose. Plus vous cherchez à contrôler, que ce soit vos collègues, votre conjoint, vos enfants, une façon de faire les
choses, l’opinion des autres ou même votre apparence, plus cela révèle votre insécurité et moins vous lâchez prise.
Lâcher prise est un acte de confiance qui nécessite l’acceptation de vos limites, la reconnaissance des autres dans leurs différences et
la capacité de composer avec ce qui est présent. Toutefois, la tentation de refuser ce qui n’est pas conforme à vos désirs et d’y opposer
votre résistance est grande. Poussé par votre besoin de contrôle, vous vous acharnez sur ce qui aurait pu être, ou ce qui devrait être, et
oubliez ce qui est.
Comment vous y prendre alors pour développer votre capacité à lâcher prise ? De plusieurs façons. La première, et la plus importante,
est la prise de conscience. Devenir conscient de vos émotions envers ce qui arrive. Devenir également conscient de l’absurdité de cet
effort de contrôle sur ce que vous ne pouvez changer ou influencer. Devenir conscient de la perte d’énergie et de bien-être
qu’entraînent le perfectionnisme et l’acharnement. Logique, direz-vous. Alors comment se fait-il qu’un comportement aussi simple
soit si pénible à adopter ?

Accepter les deuils à faire


C’est ici qu’intervient cette stratégie essentielle : accepter de faire le deuil de quelque chose auquel vous tenez. Ce qui empêche notre
petit singe du début de lâcher prise, d’abandonner son désir d’obtenir le riz, c’est son incapacité à faire ce deuil. Il sait qu’ouvrir sa
main lui fera perdre la nourriture, mais il ignore qu’il n’a pas besoin de faire le deuil du riz, mais uniquement d’ une straté gie
inefficace pour l’obtenir, stratégie qui, de surcroît, menace sa liberté.
Combien de fois, comme lui, répétez-vous un comportement stérile ? Pensez à toutes ces occasions où vous refaites, sans succès, la
même intervention auprès d’un enfant, d’un conjoint, d’un ami, d’un collègue. Cette intervention ne donne jamais les résultats
escomptés, mais vous la répétez inlassablement, contre toute logique, récoltant chaque fois la même déception. Vous êtes alors comme
cette mouche prisonnière dans la maison et qui cherche à sortir. En voyant la lumière par la fenêtre, elle fonce vers la liberté, mais se
frappe contre la vitre. Et elle répète cette stratégie infructueuse jusqu’à l’épuisement, et même la mort.
Il y a quelques années, nous sommes partis en voyage au Nicaragua dans l’intention bien précise de nous reposer et, pour Marie, d’en
profiter pour faire de la photographie, une de ses passions. Dès notre arrivée, elle a constaté que son appareil photo ne fonctionnait
plus. Il était impossible de le faire réparer sur place ou de s’en procurer un autre. Elle était frustrée, déçue, contrariée. Mais entretenir
en elle ces émotions aurait facilement pu gâcher ses vacances et n’aurait en rien corrigé la situation.
Il valait nettement mieux faire le deuil de ce qui aurait pu être, et recadrer positivement cette situation en se disant, par exemple,
qu’elle pourrait apprécier autrement la beauté qui s’offrait à elle ou qu’elle pourrait être plus attentive aux brochures, aux cartes
postales et aux vidéos disponibles sur place. En se disant aussi qu’en étant désencombrée d’un équipement de photographe, elle
pourrait s’ouvrir à de nouvelles activités et… en profiter pour écrire un article sur le lâcher-prise.
Prendre conscience de ses émotions et couper court à ses pensées moroses lui ont permis d’accepter la situation, d’en tirer profit, de
ne pas saboter ses vacances et de prévoir de prendre avec elle, lors d’un prochain voyage, un deuxième appareil photo.

Différents deuils
Lâcher prise implique parfois de faire le deuil d’une croyance ou d’une règle, de tous ces il faut et je dois, appris, conditionnés et qui
ne donnent aucun résultat. Par exemple : « Il faut que tout soit parfait. Tout doit toujours fonctionner comme je le veux. Je dois tout
faire moi-même. »
Lâcher prise nécessite d’autres fois de faire le deuil des idées irréalistes que vous vous faites sur vous-même ou sur les autres et des
attentes que vous avez envers vous ou vos proches. Par exemple : vouloir être apprécié de tous, que tout le monde autour de vous soit
bien, souhaiter que votre conjoint ou votre collègue de travail ait un caractère différent. Pardonner, comme nous le verrons au dernier
chapitre, est aussi une façon de lâcher prise.
Parfois, il conviendra de faire le deuil d’un résultat que vous espérez, puisqu’il n’est pas entièrement sous votre contrôle. Par
exemple : les résultats scolaires de votre enfant ou l’ordre dans sa chambre. Certains auraient intérêt à faire le deuil de leur passé, de
leurs épreuves, de leurs problèmes. Personne ne peut changer son passé, et le ressasser inlassablement empêche de profiter du moment
présent. Traîner des deuils avec vous pendant des années, refuser de tourner la page, ne réussira qu’à miner votre moral et celui des
autres.
Les deuils à faire sont donc multiples. Si vous souhaitez comprendre pourquoi vous avez autant de difficulté à lâcher prise dans
certaines situations, posez-vous cette question : à quoi devrais-je renoncer ?
Bien sûr, certains deuils sont plus difficiles à faire que d’autres, comme renoncer à une valeur importante. C’est le cas, par exemple,
de l’infirmière qui, en raison d’une réorganisation du travail, doit faire le deuil de ses soirées et qui trouve extrêmement inconfortable
de renoncer à ce temps passé avec sa famille, une de ses valeurs primordiales. Vous pouvez facilement comprendre l’énorme résistance
qu’elle pourrait développer 1 .
Lâcher prise implique donc de vous accepter avec vos limites, vos valeurs, ce qui permet d’accepter les autres bien plus aisément. Le
cerveau humain est très complexe et capable de grandes choses, à condition de développer sa grande flexibilité. Être flexible signifie
accepter de lâcher prise lorsque les moyens que vous utilisez s’avèrent inefficaces. C’est aussi essayer autre chose, une nouvelle
stratégie, chercher activement d’autres moyens pour arriver à vos fins et, finalement, accepter de laisser aller un certain contrôle.
1. Les valeurs sont profondément ancrées en vous et il est pratiquement impossible d’en faire le deuil. Par contre, vous pouvez changer les règles bien personnelles qui définissent ce qui doit se passer pour qu’elles
soient respectées. Nous avons déjà traité abondamment de ce sujet au chapitre 6 du livre Oser changer. Mettre le cap sur ses rêves .
Première partie

PRENDRE CONSCIENCE
2
La construction d’un problème et les pensées obsessionnelles
Le souci donne une grande ombre
à une petite chose.
(PROVERBE SUÉDOIS)
Les exemples foisonnent de situations qui déclenchent en vous des ruminations dont vous n’arrivez plus à vous débarrasser, liées à
des expériences plus difficiles à affronter, des plus banales aux plus importantes. Par exemple, vous pouvez être envahi par
l’expérience d’une mauvaise critique, constamment préoccupé par des problèmes d’argent, de couple, de santé. Vous pouvez vous faire
du souci à propos de vos enfants, de l’avenir, être préoccupé par des relations conflictuelles au bureau, dans la famille, ou avoir des
remords ou des regrets liés au passé.
Il peut arriver aussi que vous soyez déçu parce que quelque chose qui aurait dû arriver ne s’est pas produit. Une promotion au travail,
par exemple. Les émotions que vous ressentez alors deviennent plus ou moins envahissantes et un moment arrive où, quand vous les
entretenez par la pensée, vous aggravez le problème, devenant, malgré vous, captif de la souffrance. Vous avez beau vous dire qu’il
faut décrocher, tourner la page, pardonner, lâcher prise, vous réalisez très vite que c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Et ce,
pour plusieurs raisons.

Votre histoire personnelle


Nous sommes tous des êtres conditionnés par nos expériences passées. Nous avons des habitudes, des scénarios de vie et un
tempérament de base qui ont converti en réflexes beaucoup de nos réactions aux événements. Lorsque vous vivez une expérience qui
vous trouble, qui vous met en colère ou qui vous déçoit, les émotions suscitées et les sensations physiques éprouvées vous renvoient
instantanément à des situations passées analogues : injustices subies, traumatismes de l’enfance, épreuves cuisantes. Et vous tentez d’y
faire face avec les mêmes moyens inefficaces, en les affrontant de votre seul point de vue, en triant les informations, en les percevant à
travers différents filtres.
De plus, comme l’événement présent ne réunit pas toutes les caractéristiques des expériences passées, vous êtes amené à vous
tromper sur la gravité réelle de l’événement, sur son importance et sur la souffrance qu’il engendre.
Souvent, vous cherchez à vous sortir de l’impasse par le mental, la pensée, ce qui justement est source de souffrance. C’est le blocage.
Voilà pourquoi il est si difficile de lâcher prise. C’est comme si nous vous demandions de ne pas penser à un éléphant à pois roses ; le
seul fait d’en évoquer l’idée vous y fait immédiatement penser.

Comment en êtes-vous arrivé là ?


À force de ruminer et d’investir temps et énergie à retourner dans tous les sens votre inquiétude, votre déception ou votre rancune,
vous finissez, en voulant bien faire et avec de bonnes intentions, par amplifier le problème.
À force d’en parler à plusieurs personnes, vous grossissez les détails, inventez même, pour souligner à quel point vous avez été
victime d’une injustice, bafoué, traité sans égards. Certaines personnes en arrivent même à réécrire leur passé à la lumière de ce qui
vient de leur arriver. Bref, il est trop tard pour arrêter le film d’horreur que vous projetez dans vos pensées et, surtout, le flux
d’adrénaline qui parcourt votre corps.
Vous vous rendez bien compte que vous êtes beaucoup trop concerné par le problème, quel qu’il soit. Vous empêcher de dormir, de
manger ou de respirer à cause de cela ne changera ni ne réglera rien. Mais voilà, il est trop tard. C’est l’escalade. Tout le champ de
conscience est envahi par ce problème. Vous ne voyez plus rien d’autre. Vous en faites maintenant une affaire personnelle. Vous
pouvez même rendre les autres responsables non seulement de leurs actions, mais aussi et surtout de vos émotions, de ce qu’ils vous
font vivre. Les préoccupations envahissent non seulement votre pensée, mais aussi vos conversations. Ces comportements et attitudes
contribuent à alimenter le problème. Vous demeurez sous l’emprise de la situation et ajoutez une fois de plus cette histoire à votre
bagage personnel, mettant ainsi la table pour la prochaine fois. Car, bien sûr, même si le problème présent finit par s’estomper, le
véritable problème sous-jacent, c’est-à-dire votre manière d’aborder les situations difficiles de la vie, reste entier.
Toutes les personnes aux prises avec l’incapacité à lâcher prise partagent les traits suivants : elles se sentent visées personnellement
par ce qui arrive, elles en font une montagne infranchissable et, surtout, elles entrent dans le jeu du blâme, qu’elles dirigent vers elles-
mêmes ou vers les autres. Leurs sentiments de tristesse, de colère, ou leur désir de vengeance, sont tournés contre elles-mêmes ou, plus
souvent, vers l’extérieur, au-delà du choc initial qui, lui, est venu de l’extérieur. Ce sont moins les circonstances, les offenses, qui sont
décriées que les émotions ressenties, dont ces personnes se rendent ou rendent les autres responsables.

Le tempérament de base et les premières expériences


Pourquoi certaines personnes s’en sortent-elles mieux que d’autres ? Malheureusement, ou heureusement parfois, nous ne sommes
pas tous égaux devant la vie. Certains naissent avec un tempérament de base plus anxieux. Cela n’est pas très grave en soi, car il est
très possible de tempérer l’anxiété si l’environnement fournit les bons outils pour bien grandir et favorise le calme, la sécurité et
l’attachement. Un peu comme nous pouvons naître avec des gènes nous rendant plus vulnérables au diabète mais ne pas développer la
maladie, en adoptant une alimentation adéquate et saine, par exemple. Cependant, si le milieu est inadéquat ou non aidant, il y a fort à
parier que le trait ressortira tôt ou tard. Et bien qu’il soit tout à fait possible de rectifier le tir, de développer de bons outils et de
reprendre contact avec ses ressources personnelles, ce que ce livre vous aidera à faire, certains auront plus ou moins de difficulté à y
arriver.
Ce n’est pas parce que vous n’avez pas l’oreille musicale ou le sens du rythme que vous ne pouvez pas apprendre à chanter, à jouer
d’un instrument de musique ou à danser. Cela demande juste un peu plus de motivation, de temps, d’énergie, de bonnes stratégies
d’apprentissage… et un métronome !
C’est à l’intérieur de vous qu’il vous faut trouver la réponse. Blâmer les autres, la situation ou quoi que ce soit d’autre ne contribue
qu’à donner du pouvoir à des agents extérieurs et à renforcer votre état de victime. La souffrance est loin d’être toujours un état qui fait
grandir. Trop souvent, hélas, elle ne contribue qu’à développer votre tendance à vous édifier en victime impuissante et vulnérable.
Vos croyances
Le sens donné à une épreuve, à un incident, à une crise, dépend beaucoup de vos croyances. Une croyance est une idée que vous
finissez par figer en certitude à force de répétition. Elle n’est ni vraie ni fausse en soi, mais elle est vraie pour vous et quasi
inébranlable. Par exemple, la personne qui croit que le pire est à venir se met dans un état d’esprit correspondant et, vous pouvez
facilement l’imaginer, teinte ses pensées d’inquiétude, de pessimisme et se laisse envahir de nombreuses préoccupations. C’est le
même processus qui joue, mais à l’inverse, chez celle qui croit que la vie est belle, qui perçoit davantage la beauté autour d’elle que la
laideur et qui ressent plus de gratitude que de ressentiment.
Il y a des croyances plus ou moins conscientes qui vous convainquent que lâcher prise n’est pas une bonne chose. Prenez un moment
pour réfléchir à ces quelques croyances paralysantes qui peuvent influencer négativement vos réactions dans l’adversité.

La vie est injuste.


Les choses devraient ou auraient dû se passer autrement.
Si je laisse tomber, je donne raison à l’autre, j’approuve la situation.
C’est impossible de lâcher prise sur un geste impardonnable.
Lâcher prise, c’est fuir, nier le problème.

Comment ces croyances se sont-elles imposées à vous ? La plupart du temps, vous les avez rendues vôtres à partir d’idées véhiculées
par votre milieu familial, par l’école, à travers votre culture et vos expériences passées. Également par l’influence qu’exercent des
personnes autour de vous, à qui vous accordez une certaine crédibilité. Ces idées irrationnelles finissent par être si ancrées en vous que
vous ne retenez dans votre vécu que ce qui vous permet de les confirmer, ignorant les situations qui les invalident. De cette façon, elles
se renforcent à chaque fois qu’elles viennent confirmer vos émotions négatives.
Pourtant, toutes les personnes de votre entourage ne perçoivent pas nécessairement les situations de la même façon que vous.
Pourquoi certaines voient-elles le verre à moitié vide, alors que d’autres le voient à moitié plein ? Pourquoi, au terme d’une journée de
travail, certaines personnes rentrent-elles chez elles avec la déception d’avoir laissé en plan tout ce qu’elles n’ont pas réussi à terminer,
alors que d’autres regagnent leur foyer avec la fierté d’avoir avancé et accompli les tâches les plus importantes de leur liste, même si
elles étaient peu nombreuses ? Une question d’attitude ? De perception ? Oui, bien sûr. Et c’est précisément cette attitude qui fait une
grande différence dans leurs états d’esprits respectifs.
Prendre conscience de vos croyances paralysantes et des émotions qui y sont reliées fait partie de la première étape vers le lâcher-
prise. Tout comme vous devez aussi être conscient des règles inapplicables que vous vous imposez pour résoudre un problème. Nous
verrons d’ailleurs comment remettre en question ces croyances et ces règles dans la quatrième partie de ce livre et nous vous
proposerons quelques croyances aidantes à développer pour mieux lâcher prise.

Vos règles inapplicables


Vous avez des règles, souvent inconscientes, pour éprouver du bien-être. Vous en avez d’autres à propos de la manière dont les choses
devraient se passer. D’autres encore sur les conditions requises pour vivre une vie sans trop de heurts. Vous avez également des règles
sur la façon dont les autres devraient se comporter envers vous, sur la manière dont ils devraient penser. Sur les valeurs qui devraient
être partagées par le monde qui vous entoure.
Lorsque vous ne pouvez pas en contrôler l’application, vos règles sont inapplicables. La seule personne sur laquelle vous pouvez
avoir du contrôle est vous-même, par le biais de vos perceptions, de votre point de vue sur les choses et de votre état d’esprit. Certes, il
vous est possible parfois d’influencer certaines personnes ou certains événements, mais il n’en demeure pas moins que plusieurs de vos
attentes sont illusoires. Voici quelques règles inapplicables.

La vie devrait être bonne pour tout le monde.


Mes parents n’auraient pas dû me traiter ainsi.
Les gens devraient dire la vérité.
Mon conjoint devrait être fidèle.
Il y a des choses qui ne se font pas.
Certains gestes sont impardonnables.

Force est de constater qu’il est difficile de changer ce qui est arrivé, de faire évoluer quelqu’un d’autre, d’influencer qui ne veut pas
l’être. Et chaque fois que vous vous acharnez à le faire, votre détresse augmente. Les émotions difficiles ou déplaisantes doivent
d’abord être accueillies pour ce qu’elles sont, ainsi que nous le verrons au chapitre 5, mais elles ne doivent pas devenir le point de
départ d’une spirale infernale qui mène tout droit vers l’obsession qui rend malade.
Nous vous expliquerons donc comment briser ces attentes irréalistes que sont les règles inapplicables, comment les remettre en
question et en développer de nouvelles qui soient plus accessibles.

La souffrance est-elle utile ?


Entendons-nous : la souffrance est inévitable. Tôt ou tard, nous vivrons tous des épreuves, des plus petites déceptions aux plus grands
bouleversements, certains devant même affronter des catastrophes, des drames très douloureux. Nous devons tous vivre des
circonstances inévitables qui mettent à rude épreuve nos mécanismes d’adaptation. Nous pourrions discuter longtemps, philosopher sur
l’utilité de la souffrance pour grandir, nous développer, changer. Mais est-elle nécessaire ? Est-elle bénéfique ?
Certes, elle bouscule et oblige à réagir. Mais nous croyons que vous pouvez très bien grandir, être heureux et estimer la valeur de la
vie sans développer le cancer, avoir un handicap, faire faillite ou subir un deuil. Il y a des gens que tous ces drames éveillent, mais
vous pouvez très bien être éveillé et alerte sans recevoir un coup sur la tête. Il est possible, surtout, d’éviter les souffrances que vous
vous imposez à vous-même, les plus néfastes, en ressassant les injustices de ce monde.
Vous vous soumettez trop souvent et trop facilement au malheur et aux blessures parce que vous croyez (une croyance paralysante)
que si vous ne souffrez pas assez, vous trahirez en quelque sorte quelqu’un d’autre ou vous-même. Vous pouvez également penser ou
croire que plus vous souffrez, plus vous avez raison.
Certains se définissent même par la souffrance, car elle leur permet d’exister dans le regard des autres. Ils devraient prendre
conscience que cette identité de pauvre victime met encore plus en évidence qu’ils préfèrent être quelqu’un de malheureux, bien
visible, plutôt qu’une personne heureuse, sans histoire et invisible.
Souffrir ne démontre nullement les torts de l’autre, seulement votre propre acharnement à vous faire du mal pour prouver que vous
avez raison. Cela peut aller loin. Par fierté, orgueil et estime de soi mal comprise, vous pourriez vous détruire, vous rendre
littéralement malade, physiquement ou psychologiquement. La personne qui s’estime elle-même peut-elle vraiment accepter d’être un
tel souffre-douleur ? À l’image de certaines émissions de téléréalité, vous admettez peut-être cette idée que plus les gens vont mal, plus
ils ont une vie.
Voilà la preuve que l’attitude récurrente de forte résistance, le contraire du lâcher-prise, cache le vrai problème, celui qui se représente
chaque fois que vous vous heurtez à l’obstacle qui déclenche tout le processus.
Comment pourriez-vous trouver une solution à un problème non identifié ? Il vous faudra donc approfondir, comprendre le tort que
vous vous faites et vous ouvrir à des façons différentes de traiter la situation, façons qui vous sembleront peut-être étranges, dans un
premier temps.
Souffrir ne fait pas nécessairement de vous une meilleure personne. Parfois, devant une épreuve, vous êtes capable de choisir la
résilience plutôt que la résistance. Mais, trop souvent, la souffrance fait de vous une victime experte, mais désenchantée. Vous
maltraitez votre corps, malmenez votre cerveau, votre cœur et, en bout de piste, votre âme, votre essence, votre véritable moi.
Comme l’écrit Guy Finley : « Cessez de vous accrocher à ce vieux rêve inutile qui dit que votre vie s’améliorera si vous courez assez
longtemps. Elle ne s’embellira pas, à moins que vous ne trouviez exaltant d’être épuisé 2 . »
Vous entretenez vos superstitions par la souffrance. Comment pouvez-vous demeurer prisonnier de ce raisonnement absurde qui
prétend qu’un malheur arrivera si vous arrêtez de vous inquiéter ?
2. Guy Finley, Lâcher prise. La clé de la transformation intérieure , Montréal, Éditions de l’Homme, 2003, p. 44.
3
Impuissance apprise et résistance
Tout ce qui doit arriver arrivera, quels que soient
vos efforts pour l’éviter ; tout ce qui ne doit pas
arriver n’arrivera pas, quels que soient
vos efforts pour l’obtenir.
(RAMONA MAHARSHI)
Prendre conscience de vos façons habituelles d’accueillir – ou plutôt de ne pas accueillir – ce que la vie vous apporte permet de
comprendre comment le malheur vient parfois de vous-même et découle de certaines habitudes que vous entretenez, comme celle de
vouloir tout contrôler. Cela permet de comprendre aussi que votre détresse résulte du fait que vous vous accrochez à des idées fausses
et irrationnelles et que vous répétez des stratégies qui ne fonctionnent pas.
L’impuissance, lorsque vous êtes prisonnier de vos émotions déplaisantes, vous conduit inévitablement à des attitudes contre-
productives. Par exemple, vous donnez une importance démesurée à un contretemps, à un imprévu, à une déception, même à un
bouleversement passager. Cela envahit alors votre champ de conscience. Vous êtes incapable de penser à quelque chose d’autre. Vous
pouvez être absent, dans la lune, toujours à ressasser ce qui est arrivé. Cela vous entraîne à amplifier la situation, à en faire une affaire
personnelle ou à entrer dans le jeu du blâme. Vous pouvez aussi être tenté, pour vous soulager, de raconter votre mésaventure à qui
veut l’entendre, lui procurant ainsi encore plus de corps, de réalité, et alimentant le feu intérieur. La victime en vous ressasse le passé,
le réécrit en quelque sorte. C’est ainsi que vous demeurez sous l’emprise de ce qui est arrivé.
Le vrai problème est récurrent. Il est certain que si vous connaissiez la solution, vous n’en seriez pas tout le temps la victime. Vous
lancer continuellement dans des actions et des réflexions improductives qui provoquent toujours les mêmes malaises indique que vous
ne cherchez pas au bon endroit. Vous obstiner à refaire ce qui ne fonctionne pas équivaut à renforcer la certitude de votre impuissance.
Il faut donc apprendre à chercher à l’intérieur de vous, à vous hausser au-dessus du problème et à élever votre niveau spirituel. Comme
l’écrit Guy Finley : « […] si nous connaissions réellement la solution à notre problème récurrent, nous n’en serions jamais devenus
victimes 3 . »

L’impuissance apprise
C’est bien connu, le sentiment de ne pas avoir de contrôle ou d’influence sur une situation est une des principales sources de stress,
surtout quand vous vivez un changement important. Il y a bien sûr une impuissance réelle, mais vous devez réaliser que l’impuissance
est souvent dans votre esprit. Même si, dans les deux cas, les conséquences sont les mêmes, il demeure essentiel de comprendre la
deuxième pour trouver des pistes d’action.
L’impuissance apprise se caractérise par trois sentiments principaux : le sentiment de permanence, celui d’être une victime et celui
d’envahissement.

Le sentiment de permanence
L’impuissance apprise se caractérise d’abord par le sentiment que la situation que vous vivez est permanente. Cela s’exprime dans
votre discours par l’utilisation de mots comme : toujours, jamais, rien, tout, personne. Ces mots traduisent des généralisations qui vous
donnent le sentiment que ce sera toujours comme cela, que cela ne s’améliorera jamais, que vous ne pouvez rien faire, que tout le
monde est comme ça, que personne ne comprend.
Vous pouvez vous aider vous-même en mettant en doute ces généralisations. Par exemple, si vous croyez que vous ne pouvez rien
faire, demandez-vous : « Est-ce vrai que je ne peux absolument rien faire ? » Si vous vous prenez à penser et à dire que c’est toujours
comme cela, demandez-vous : « Est-ce vraiment toujours comme cela ? » Cherchez des exceptions à la litanie personne ne peut vous
comprendre en vous demandant s’il est vrai que personne au monde ne pourrait vous comprendre. Vous pouvez aussi vous demander
ce qu’il y a de ridicule dans ces généralisations.

Le sentiment d’être victime


Ce sentiment pourra s’exprimer par des phrases comme :

cela n’arrive qu’à moi ;


je n’ai pas le choix ;
on dirait qu’ils le font exprès ;
ce n’est pas de ma faute ;
c’est à cause de X ou de Y.

Nous évoluons aujourd’hui dans une société qui ne favorise pas beaucoup la responsabilisation, dans un univers affligé par le
cétacaus e, si vous nous permettez ce néologisme de forme. Ce n’est pas de ma faute, c’est à cause de mon patron, de mon conjoint, de
mes parents, de la météo, du gouvernement, etc.
Il y a de ces journées où vous vous levez du mauvais pied, au cours desquelles vous avez l’impression que rien ne fonctionne, que
tout va de travers et que tout ce que vous entreprenez n’aboutit à rien. Vous reconnaissez ces généralisations ? Certains y voient le
signe du destin qui s’acharne sur eux ; d’autres diront que ceux qui les entourent font vraiment tout pour les contrarier ; d’aucuns se
plaindront du temps maussade, du manque de sommeil, de la mauvaise qualité de l’air, etc.
Ces conditions extérieures peuvent être en partie responsables de vos humeurs, mais elles sont le plus souvent des excuses et
supposent insidieusement que vous êtes la victime passive de ces conditions. En fait, votre état d’esprit de départ a lui-même
conditionné vos perceptions, vos comportements, et a pavé la voie à la lamentable journée que vous avez vécue. Il peut être plus facile
d’attribuer son état d’esprit aux conditions extérieures. Cependant, cela ne fait qu’entretenir votre sentiment d’impuissance.

Le sentiment d’envahissement
La troisième caractéristique de l’impuissance apprise est le sentiment que tous les secteurs de votre vie sont affectés par la situation
que vous vivez. Ainsi, une personne qui vit un échec dans un domaine donné, en amour par exemple, pourra éprouver le sentiment
qu’elle est nulle dans ce domaine, qu’elle est elle-même un raté ou, pire encore, que sa vie est perdue. À force de répéter ce genre de
phrase négative, la croyance se développe et devient une certitude, et la personne aura de plus en plus de difficulté à la remettre en
question.
Rappelez-vous : ce ne sont pas les événements qui vous arrivent qui modèlent votre vie et ce que vous devenez, mais le sens que vous
leur donnez, l’interprétation que vous en faites. Vous devez affronter des échecs, traverser des changements et des situations difficiles
qui vous obligent à vous adapter, que ce soit au travail, à la maison, à l’école ou ailleurs. Et le sens que vous leur attribuez est
largement déterminé par les croyances que vous avez développées à propos de vous-même, de votre capacité à réagir et à agir, à propos
des gens et de la vie en général. Nous y reviendrons au chapitre 7.
Vous pouvez aussi privilégier des réactions qu’on associe généralement au stress, telle la fuite. Peut-être avez-vous développé un
certain talent pour les stratégies d’évitement. Même s’il s’avère parfois sain d’agir ainsi, vous pourriez aussi passer à côté
d’expériences gratifiantes et enrichissantes. Ce peut être le cas lorsqu’on choisit de ne pas avoir de compagnon de vie, d’enfants ou
d’amis par crainte de conflits interpersonnels ou qu’on décide d’accumuler les aventures par crainte de la solitude.
Le refoulement est un autre mécanisme de défense qui vous coupe de votre ressenti et qui, malheureusement, entraîne son lot de
conséquences et de névroses : angoisse, dépression, compulsions, etc. La colère et l’agressivité seront pour d’autres l’aboutissement de
leur propre malaise et du blâme porté à autrui pour ce qu’ils ressentent. Enfin, la résistance, que nous aborderons maintenant, pourra
s’exprimer de multiples façons et constituer un autre écueil.

La résistance : le contraire du lâcher-prise


Le mot « résistance » recouvre plusieurs réalités qu’il est intéressant de connaître pour savoir ce qui est au cœur de ce mécanisme.
Est-elle bonne ou mauvaise ? Dans quelles circonstances ? Voilà les questions auxquelles nous allons maintenant répondre.

Qu’est-ce que la résistance ?


Bien qu’il soit utilisé dans plusieurs domaines spécialisés, le mot « résistance » revêt sensiblement la même signification. En
médecine, on dira que des micro-organismes, des bactéries, par exemple, sont résistants parce qu’ils ont la capacité de s’opposer à
l’effet d’un médicament, d’un vaccin, qui devrait normalement les détruire ou empêcher leur multiplication.
En électricité, le terme « résistance » désigne, entre autres, l’aptitude d’un matériau conducteur à ralentir le passage du courant
électrique. L’eau oppose aussi de la résistance. Ainsi, si vous voulez courir à contre-courant dans une rivière, vous devrez déployer
beaucoup d’énergie pour contrer la résistance de l’eau. De même, l’avion devra combattre la résistance de la gravité pour décoller.
On dira qu’une personne est en bonne santé physique et robuste parce qu’elle résiste à une agression physique ou qu’elle accomplit un
exploit qui défie les forces de la nature. En sociologie, on parlera de la résistance des groupes qui se dressent contre l’oppression
morale et physique et contestent une situation illégitime. Finalement, en psychologie, une personne résiste quand elle refuse ce qui se
passe en elle ou à l’extérieur, quand elle lutte contre elle-même ou les autres, quand elle nie la réalité.
S’opposer, ralentir, contrer, défier, se dresser, contester, refuser, lutter, nier ; vous le constatez, la résistance implique un mouvement
pour annuler, diminuer l’effet d’un autre mouvement ou d’une force ou d’une action. Le mot « résister » vient d’ailleurs du verbe latin
resistere qui signifie « empêcher », « s’opposer à quelqu’un ou quelque chose ».
C’est ce mouvement de résistance qui s’opère quand, dans votre milieu professionnel, vous vous opposez à un changement qui vous
oblige à modifier vos manières habituelles de travailler. Ou quand la venue d’un enfant vous contraint à vous adapter à un nouveau
rythme de vie. Ou quand un changement d’emploi vous amène à quitter des collègues de travail ou que la réalisation d’un rêve vous
force à changer de ville, de pays, laissant derrière vous votre confort.
C’est cette même résistance que vous expérimentez quand un deuil vous oblige à vivre la douleur de la séparation d’avec un être cher,
ou quand un événement fâcheux vient contrecarrer le déroulement d’un voyage, ou qu’une personne émet une opinion contraire à la
vôtre et se comporte d’une manière qui contrarie une de vos valeurs.
La résistance psychologique est une réaction d’opposition envers ce qui arrive, ce qui se passe en vous ou autour de vous, pour lutter
contre vous-même ou les autres, pour refuser ce qui est.

La résistance : une stratégie de survie


La résistance psychologique est un mécanisme d’adaptation profondément ancré dans notre cerveau. Il nous porte à fuir ou à éviter les
situations ou les émotions potentiellement ou réellement douloureuses, inconfortables, menaçantes et qui dérangent notre confort, notre
sécurité, nos croyances, nos valeurs, nos besoins, notre équilibre.
La résistance est universelle, inévitable ; c’est une stratégie de survie de tous les êtres vivants qui souhaitent éviter la souffrance.
Qu’il s’agisse de changer vos habitudes alimentaires, de vous mettre au travail pour avancer dans un projet, de commencer à méditer
ou à vous entraîner physiquement, d’accepter une situation nouvelle, une contrariété, une séparation, un chagrin, votre cerveau proteste
pour vous éviter la souffrance réelle ou imaginaire que vous anticipez.
Lorsque vous éprouvez des émotions positives, votre énergie circule naturellement et vous fonctionnez au mieux de vos capacités.
Quand vous résistez, quand vous éprouvez des émotions négatives, le flot de votre énergie est endigué, freiné, voire bloqué.

Ma vie comme rivière


Vous comprenez que la résistance est normale. Ce qui ne l’est pas, c’est de résister tout le temps, d’en faire une posture de vie. Pour
employer une métaphore, nous pourrions comparer le mouvement de la vie à l’eau qui circule dans une rivière. Quand vous vous
sentez bien, physiquement et psychologiquement, rien n’entrave le courant et l’eau coule librement. C’est, entre autres, la sensation qui
accompagne le lâcher-prise.
Inévitablement, l’eau qui coule trouve sur son chemin des obstacles qui ralentissent son débit : des pierres, des arbres déracinés, des
débris, etc. Dans votre vie aussi vous rencontrez des obstacles, des contrariétés plus ou moins grandes qui entravent la libre circulation
de votre énergie. Mais contrairement à l’eau qui finit toujours par trouver son chemin, l’être humain a la capacité d’empêcher la vie de
circuler au point de stopper complètement le flux de son expression créatrice. C’est là que la résistance devient malsaine, contre-
productive.
Encore une fois, c’est ce que vous faites quand vous exagérez les difficultés qui se présentent à vous, quand vous racontez sur elles
des histoires qui rendent ces ennuis beaucoup plus grands qu’ils ne le sont. L’être humain aime tant les histoires. C’est aussi ce que
vous faites quand vous anticipez et amplifiez l’importance d’un obstacle avant même qu’il n’arrive, paralysant ainsi vos actions. Ou
quand vous passez beaucoup de temps à revivre des épreuves du passé, à entretenir des souvenirs pénibles, à ressasser sans arrêt et à
vide les mêmes expériences négatives.
Le comble de la résistance dans une rivière, c’est quand on y érige un barrage. Dans votre vie, c’est ce que vous faites quand vous
cherchez à tout contrôler, croyant à tort empêcher la souffrance. L’intention est louable : vous voulez vous protéger et éviter les écueils
à venir. Mais en refusant jusqu’à la possibilité de vous exposer à de nouveaux heurts comme ceux qui vous ont blessé, votre vie stagne,
se fige, vivote, piétine et passe.

La résistance : bonne ou mauvaise ?


Si vous prenez au pied de la lettre cette métaphore, vous allez dire que la résistance est mauvaise. Nous croyons qu’elle n’est ni bonne
ni mauvaise : elle est, tout simplement. Comme nous l’avons écrit plus haut, la résistance est une réaction profondément ancrée dans
notre cerveau pour assurer notre survie et nous empêcher de souffrir.
Mais plutôt que de considérer la résistance sous cet angle, peut-être vaudrait-il mieux vous demander jusqu’où vous êtes prêt à aller
pour empêcher votre vie de s’exprimer. Jusqu’à quel point êtes-vous disposé à figer votre existence pour toujours, à l’empêcher de se
déployer, à l’étouffer et à vous rendre malade physiquement et psychologiquement, vous empêchant ainsi d’en récolter les fruits ?
Somme toute, qu’est-ce que vous voulez ? Pouvoir exprimer librement, joyeusement, dynamiquement tout le souffle de votre âme, ou
vivre au quart, à la moitié ou au centième de votre potentiel ? Est-ce que la souffrance à long terme ne sera pas pire que celle que vous
voulez éviter ?
Esther Hicks, auteure et conférencière, compare l’état naturel d’une personne à celui d’un bouchon de liège dont la nature est de
flotter sur l’eau. Quand nous résistons, c’est comme si nous tirions le bouchon sous l’eau pour l’y maintenir de force. Quand nous
lâchons prise, nous lui permettons de remonter à la surface et de révéler sa nature. Alors, selon vous, la résistance est-elle bonne ou
mauvaise ?
3. Guy Finley, Lâcher prise. La clé de la transformation intérieure , op. cit. , p. 53.
4
La rumination mentale
Le mental vit dans un cercle vicieux.
Il crée lui-même les problèmes
et ensuite essaie de les résoudre.
(SWAMI PRAJNANPAD)
Une femme, assise à sa fenêtre, semble regarder le paysage verdoyant qui s’offre à ses yeux. Mais elle ne le voit pas. Son regard est
tourné vers l’intérieur d’elle-même. Elle est songeuse.
Un homme, devant l’écran de son ordinateur, a cessé d’écrire depuis un bon moment. Il semble perdu dans ses pensées.
Une personne, dans le bureau de sa thérapeute, les yeux dans le vague, réfléchit à une observation qui lui a été faite et repense à des
expériences et à des comportements passés.
Tous trois ont ceci en commun : leur attention est tournée vers leur monde intérieur. Ils s’observent, s’analysent, dans le but sans
doute de mieux se comprendre, de se connaître. Nous appelons cela l’introspection.
Pour certains, l’exercice est facile. Ils réfléchissent beaucoup et analysent leurs pensées et gestes. Ils passent beaucoup de temps à se
remémorer des moments passés ou à venir. Ils aiment explorer leur monde intime, méditer sur la nature et le sens des événements,
sonder leurs motivations.
Pour d’autres, l’introspection est un exercice ardu, voire inutile. Ils n’accordent pas d’intérêt à la pensée introspective. Pour eux,
revenir sur leur passé et leurs émotions constitue une perte de temps et ils préfèrent ne pas s’y attarder. La pensée philosophique ou
abstraite n’est pas leur activité préférée.
Pourtant, un minimum d’introspection est essentiel à la compréhension de son expérience subjective. C’est le précepte socratique
(« Connais-toi toi-même ») gravé à l’entrée du temple de Delphes. La pensée attentive à soi-même n’est pas un repli sur soi ou une
analyse complaisante et passive qui, comme nous le verrons plus loin, fait mal plus qu’elle ne soulage. Elle est plutôt une invitation à
s’interroger et à prendre conscience de soi, de ses idées, de ses illusions, de ses aspirations, de ses rêves, de ses capacités, de ses
limites, de son pouvoir et de sa responsabilité.
L’introspection est dite spontanée lorsque la personne en prend l’initiative, comme dans les deux premiers exemples plus haut. Elle
peut aussi être initiée quand quelqu’un, un thérapeute ou un ami par exemple, guide votre attention et votre réflexion pour vous aider à
mieux comprendre vos réactions et votre vécu. C’est aussi le cas quand une lecture, comme celle de ce livre, vous propose des pistes et
des exercices qui vous aident à prendre conscience de votre expérience, de vos émotions et de vos objectifs. Le but est le même :
permettre le recul nécessaire pour, dans le cas qui nous intéresse, atteindre le lâcher-prise.

De l’introspection à la rumination
Revenons à notre exemple du début. Les pensées de la femme assise à sa fenêtre se portent sur son passé, et elle est triste. Elle
ressasse les mêmes idées et considère sa vie comme brisée. Elle revient toujours aux mêmes questions : « Comment en suis-je arrivée
là ? », « Pourquoi les autres n’ont-ils pas ces problèmes ? » Elle se compare, se blâme, revit en boucle les mêmes situations, cherchant
en vain une réponse qui lui permettrait de sortir de son état dépressif. Elle espère qu’en trouvant cette réponse, elle parviendra à se
sentir mieux. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit. Son état empire et sa détresse et son impuissance s’amplifient. Son
introspection, outil précieux de connaissance de soi, s’est transformée en rumination.
Qu’est-ce que la rumination ? C’est une attention passive, répétitive, voire obsédante, portée sur vos pensées et vos émotions
négatives. En ruminant, vous souhaitez résoudre un problème, vous libérer d’une tension. En prenant conscience de l’écart, de la
contradiction même, entre votre état actuel et celui attendu, vous constaterez que cette façon de faire s’avère inadaptée, improductive
et néfaste. Incapable de lâcher prise, vous reproduisez ad nauseam les mêmes mécanismes qui augmentent votre anxiété. C’est
l’ouroboros, le serpent ou le dragon qui mord sa propre queue.

Les effets dommageables de la rumination


Les liens qui existent entre cette forme de rumination et l’augmentation des symptômes dépressifs, voire le début d’épisodes
dépressifs majeurs, sont maintenant largement démontrés dans des études expérimentales et corrélatives.
Il n’y a pas, bien sûr, de cause simple à la dépression et à l’anxiété, même si certains facteurs ont plus d’impact que d’autres. Viennent
en tête de liste les événements traumatisants tels les abus et l’intimidation pendant l’enfance, l’histoire familiale, la situation socio-
économique, les problèmes relationnels, les situations d’exclusion, etc. Or la probabilité que ces facteurs conduisent effectivement à la
dépression et à l’anxiété augmente chez les personnes qui les ruminent passivement.
Dans une étude 4 effectuée en 2013, des chercheurs de l’université de Liverpool ont compilé et analysé les réponses de questionnaires
en ligne de 32 827 personnes provenant de 172 pays. Leurs résultats révèlent que celles qui vivent des événements négatifs, même s’ils
sont nombreux, ont des niveaux de dépression et d’anxiété beaucoup plus bas quand elles ne ruminent pas leurs difficultés ou ne s’en
blâment pas. D’après Peter Kinderman, professeur de psychologie clinique et directeur de cette recherche, ressasser les mêmes pensées
serait encore plus dommageable que s’autocritiquer. Il ne faut donc pas sous-estimer le rôle passif, silencieux, mais réel, de la
rumination dans de nombreux problèmes de santé mentale.
La rumination à vide, en plus d’être improductive et responsable de l’augmentation des symptômes dépressifs, a des effets néfastes
sur votre santé. Quand vous repensez sans arrêt à ce qui ne va pas, vous vous condamnez à le revivre et à ressentir plus de stress.
Même si cela se passe dans l’imaginaire, la conséquence sur votre état émotif est la même, le cerveau ne faisant pas la distinction entre
le réel et l’imaginaire. Des études ont d’ailleurs noté que la rumination excessive peut augmenter les niveaux de cortisol dans le sang,
prolongeant ainsi la réponse de stress avec tous les effets nuisibles que nous connaissons, notamment sur la santé cardiaque.
La recherche démontre aussi qu’une trop grande rumination est associée à un plus grand désengagement devant un problème, à moins
de comportements proactifs, et à plus de comportements inadaptés qui s’apparentent à de l’autosabotage. Les excès alimentaires
(« manger ses émotions », comme le dit l’expression populaire) sont de ce type et vont non seulement créer davantage de stress, mais
perpétuer un cycle négatif et destructeur.
Les deux composantes de la rumination
Est-ce à dire que la rumination est toujours mauvaise ? Non ! En fait, il faut distinguer deux formes de rumination 5 , la première étant
plus constructive que la seconde.

A. La réflexion : processus cognitif d’une personne pratiquant l’introspection et qui s’engage activement dans un processus de
résolution de problème. Cette forme est moins annonciatrice à long terme de symptômes dépressifs à venir et s’apparente
davantage à une manière de gérer une situation difficile et de faire face à une contrariété.
B. La rumination : processus cognitif d’une personne pratiquant l’introspection dans une contemplation morose et inadaptée de
sa situation actuelle, souvent accompagnée d’un jugement négatif sur ses propres pensées et ses sentiments, et de blâmes auto-
adressés. Cela s’apparente à broyer du noir. La succession infinie d’émotions et de pensées négatives, véritable torture
mentale, conduit malheureusement souvent à la dépression.

Tout comme la rumination, la réflexion déclenchée par une situation problématique peut aussi conduire à des sentiments négatifs à
court terme. La réflexion ne sera bénéfique que si elle favorise une prise de conscience et conduit à poser des gestes qui résoudront
efficacement cette situation. Autrement, elle risque de tourner à la rumination.
Pourquoi, devant une difficulté, certains d’entre nous s’engageront-ils dans une réflexion adaptée alors que d’autres verseront dans la
rumination ? Une partie de l’explication se trouve dans la croyance que nous pouvons ou pas maîtriser les événements importants de
notre vie. Tous, nous savons que nous n’avons pas de contrôle sur les événements imprévus. Par contre, les personnes convaincues de
la possibilité de travailler sur la façon d’y réagir ont déjà plus de pouvoir que celles qui ont des croyances de victime.
Nous avons vu au chapitre 3 qu’une impuissance peut être réelle ou apprise. Dans un cas comme dans l’autre, elle conduit la personne
à penser qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour surmonter une difficulté. Cela explique en partie pourquoi elle rumine. Les problèmes
continuent de l’affecter au quotidien, lui donnant encore plus d’occasions de ruminer.
La bonne nouvelle est que vous pouvez sortir de ce cycle de victimisation. Vous pouvez abandonner vos pensées stériles et vous
engager dans la résolution de problème sans vous enfoncer dans des ruminations vaines et potentiellement dangereuses. La première
chose à faire est de vous mettre aux commandes, d’assumer la responsabilité de ce qui vous arrive et de partir en quête de réponses.
Cherchez dans votre vie des expériences où vous avez su passer au travers de difficultés. Ce sont là des références importantes pour
solidifier la croyance que vous en avez le pouvoir.

Pensées, idées, imagination et stress


Ruminer, avoir des soucis envahissants, anticiper, voilà des mots qui évoquent le stress, la perception et des réactions physiques et
psychologiques bien réelles.
Le stress est un mécanisme d’adaptation et une réponse normale et souhaitable pour maintenir la vie. Il crée en vous l’énergie
nécessaire pour affronter les événements quotidiens ou extraordinaires susceptibles de vous menacer.
Votre corps est conçu pour réagir lorsqu’un danger menace votre survie physique. C’est quand la réaction d’alarme n’amène pas
rapidement une solution adéquate qu’une phase de résistance peut s’installer, miner progressivement vos réserves d’énergie et menacer
votre santé tant physique que psychologique.
Les menaces de notre monde ne sont plus les mêmes que celles d’il y a des millions d’années. Pourtant, le corps, lui, réagit toujours
de la même manière. Qu’il s’agisse d’un lion qui s’est échappé de sa cage au zoo, d’une abeille dans l’habitacle de votre voiture, d’une
entrevue cruciale pour un emploi ou d’une inquiétude à propos de votre enfant, l’adrénaline qui se répand dans votre sang provoque
toujours le même effet et tout votre organisme se prépare pour l’attaque ou la fuite, comme c’était le cas à l’époque du paléolithique.
Or, le stress est fortement lié à la perception. Votre cerveau ne fait pas la différence entre un danger objectif et une pensée
obsessionnelle et imaginaire. La manière dont vous percevez une situation dépend beaucoup de votre tempérament de base, chaque
individu appréhendant la réalité à sa façon bien particulière, suivant sa sensibilité et son histoire.
Entretenir le stress, c’est-à-dire continuer de cultiver l’inquiétude, la frustration, la colère et les soucis de tous ordres, ne devrait
jamais être une option. Ces états ne peuvent conduire qu’à la rumination silencieuse, à un défoulement inapproprié ou excessif et, en
bout de piste, à la maladie, à l’angoisse, à la dépression et, bien sûr, à la mésestime de soi.
Aucun remède n’est possible sans la prise de conscience. Ne vous méprenez pas sur les signaux que votre corps, votre affectivité et
votre sensibilité vous envoient. Ne leur fermez pas la porte avec mépris, incrédulité ou ignorance. Si vous choisissez de continuer à
ruminer, à polluer votre vie et celle des autres par vos idées obsessionnelles, c’est que vous mettez en doute votre sagesse et votre
intuition. C’est aussi parce que vous refusez ce que vous interprétez comme de la faiblesse. Le manque de contact avec vous-même et
le désir d’avoir raison ou de contrôler ce qui ne peut l’être vous conduisent tout droit vers l’amertume.
Assumer la responsabilité de votre état est un geste solitaire. Le lâcher-prise est l’outil dont vous avez besoin. Mais pour réagir
activement, vous devez être convaincu de votre pouvoir de renverser la vapeur.
Les recherches en psychologie démontrent qu’à capacités comparables, la personne persuadée de sa capacité à entreprendre des
changements et à contrôler sa vie parvient mieux à résoudre les problèmes qui se présentent, ressent moins de tension en situation de
stress et relève davantage les défis que celle qui se croit dominée par le destin et par les autres, et qui se considère incapable de
changer le cours des événements.
Vous en sortir, c’est d’abord croire que c’est possible. C’est vous estimer suffisamment pour décider de bouger, d’agir, d’évaluer les
conséquences de vos comportements et de recommencer jusqu’à ce que vous obteniez un résultat satisfaisant. Cela suppose de la
patience, de la persévérance, même si parfois le naturel revient au galop. À partir du moment où vous choisissez de prendre de
l’altitude et de devenir maître de votre vie, il vous est possible d’influencer le chemin que celle-ci empruntera et d’entreprendre les
changements adaptés à votre individualité.
Le lâcher-prise s’inscrit ainsi dans la foulée de tous les outils qui favorisent la bonne gestion du stress : alimentation saine, exercice,
sommeil réparateur, détente, méditation, relaxation, yoga, biofeedback, psychothérapie, utilisation adéquate de votre temps, etc.

Êtes-vous enclin à la rumination ?


Nous vous présentons ici un questionnaire qui, s’il n’a rien d’un test psychométrique, vous permettra néanmoins de réfléchir sur votre
manière d’appréhender les contrariétés et les problèmes et d’évaluer la place qu’occupe la rumination dans votre répertoire de
réponses. Répondez par ce qui semble vous décrire le mieux 6 .
1. Je me surprends à repenser à une situation difficile bien longtemps après qu’elle est passée, surtout quand mon esprit est au repos
(par exemple : en conduisant, dans le métro, en faisant du ménage ou en essayant de m’endormir).

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
2. Quand je vis un conflit avec quelqu’un d’autre, j’en parle à mes amis avec lesquels je peux critiquer cette personne.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
3. Quand je vis une situation difficile ou une contrariété, j’ai tendance à trouver cela injuste et à me centrer sur les sentiments
négatifs qu’elle provoque en moi.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
4. Il m’arrive de penser à des choses qui me préoccupent et de me sentir dépassé, stressé, voire déprimé. Ensuite, quand je
pense à ces émotions, j’ai l’impression d’entrer dans un puits sans fond.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
5 Mon attention se porte souvent sur des aspects de ma vie auxquels je voudrais cesser de penser et qui ne devraient même
plus me préoccuper.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
6. Quand je suis en colère, triste ou déçu, je continue longtemps à alimenter ces états d’esprit en y repensant sans cesse, en en
parlant beaucoup.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
7. Longtemps après une dispute ou un désaccord, je continue de revenir en pensée à ce qui s’est passé. Je ressasse des paroles
que j’ai prononcées ou la façon dont j’ai agi ; je repense à ce que j’aurais pu ou dû dire, à ce que j’aurais pu ou dû faire.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
8. Ceux qui me connaissent bien disent que j’ai tendance à penser à ce qui ne va pas bien, et même à créer des drames dans ma
vie (même inconsciemment).

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
9. Il m’arrive de me réveiller en pleine nuit et d’être incapable de me rendormir parce que je n’arrête pas de penser à une
situation conflictuelle ou à un problème.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps
10. Je trouve difficile de m’arrêter pour me relaxer, faire du yoga ou méditer parce qu’alors, les pensées négatives
m’envahissent davantage.

A. Presque jamais
B. Parfois
C. Souvent
D. Presque tout le temps

Corrigé
Calculez vos résultats en vous accordant :

0 point pour chaque réponse Presque jamais .


1 point pour chaque réponse Parfois .
2 points pour chaque réponse Souvent .
3 points pour chaque réponse Presque tout le temps .

De 0 à 10 points
La rumination ne semble vraiment pas un problème pour vous. Si vos réponses reflètent bien ce que vous êtes et vos réactions
typiques, vous semblez capable de laisser les problèmes de côté et d’exprimer votre colère et votre ressentiment tout de suite. Tant que
votre façon de faire n’est pas une manière pour vous de fuir les problèmes, vous semblez avoir une façon saine d’y faire face.

De 11 à 20 points
Même si votre tendance à la rumination n’est pas énorme, vous éprouvez tout de même de la difficulté à lâcher prise dans certaines
situations. Vous ne semblez pas vous complaire dans les sentiments de colère ou de tristesse, mais vous avez parfois tendance à
repenser à vos difficultés. Vous êtes gagnant tant que ces pensées vous portent vers la résolution de problèmes plutôt que vers la
contemplation passive et morose de ces mêmes problèmes. Il vous serait profitable d’apprendre à diriger votre attention ailleurs que
sur les situations stressantes et à vous centrer sur le moment présent.

De 21 à 40 points
Vous semblez avoir une tendance à la rumination. Vous avez une propension à repenser à vos problèmes, et la façon dont vous le
faites peut créer encore plus de stress et d’anxiété chez vous. Vous devriez centrer davantage votre attention sur les solutions possibles.
Cessez de solliciter le soutien de ceux qui sont d’accord avec vous, vous privant peut-être ainsi d’idées nouvelles qui pourraient vous
aider. Concentrez-vous davantage sur les opportunités que la situation pourrait vous offrir plutôt que sur son injustice.
4. Denise Winterman, « Rumination: The Danger of Dwelling », BBC News Magazine , octobre 2013, http://bbc.com/news/magazine-24444431
5. W. Treynor, R. Gonzalez, S. Nolen-Hoeksema, « Rumination Reconsidered: A Psychometric Analysis », Cognitive Therapy and Research , 27/3, juin 2003, p. 247-259.
6. Vous pouvez aussi faire ce questionnaire en ligne sur notre site Internet OSERChanger.com, http://oserchanger.com/blogue_2/questionnaire- rumination
Deuxième partie

L’EXPRESSION DES ÉMOTIONS ET L’ACCEPTATION


5
L’accueil des émotions et la difficile acceptation
Si ce n’est pas le bon endroit, vous aurez beau creuser de toutes vos forces, vous ne trouverez rien d’autre
que la certitude de ne rien trouver.
(GUY FINLEY)
Le passé est un phare, non un port.
(PROVERBE RUSSE)
Il faut bien l’avouer, nous sommes limités et notre répertoire de réponses est passablement réduit devant les contrariétés, les imprévus
et les aléas de la vie. Et même si nous admettons volontiers que lâcher prise serait une véritable libération, il y a tout un gouffre entre
savoir ce que nous devons faire et poser concrètement les gestes qu’il faut. Si c’était aussi simple, nous ne résisterions pas autant.
Peut-être constaterez-vous au terme de votre lecture que cela est plus facile que vous ne l’imaginiez. Mais pour cela, il aura fallu vous
libérer de vos idées fausses et de votre résistance et comprendre que le problème qui vous occupe n’est pas celui que vous croyez.
Vous devrez absolument vous ouvrir à de nouvelles avenues et couper court à ces réponses apprises qui vous enferment dans la
détresse. Et à force de pratiquer consciemment de nouveaux comportements, ceux-ci seront de plus en plus faciles à maîtriser et
deviendront éventuellement des réflexes.
Mais d’abord, voyons ensemble ce que n’est pas le lâcher-prise. Car ce mot, comme bien d’autres d’ailleurs, ne signifie pas la même
chose pour tous. Et la manière dont vous le comprenez pourrait heurter certaines de vos valeurs et vous empêcher d’avancer.

Ce que n’est pas le lâcher-prise


A. Lâcher prise n’a rien à voir avec l’oubli, la négation, la fuite de ce qui est arrivé. Au contraire, il y a là une occasion
d’apprendre quelque chose. Et si vous ne voulez pas revivre la même situation, il est important d’en tirer un enseignement
pour vous.
Cependant, comprenez à quel point il est pernicieux de faire des événements ou des autres les responsables de vos émotions.
Même si c’est difficile à admettre, vous êtes l’artisan de votre souffrance et du fait que vous l’amplifiez, voire la provoquez en
la ressassant sans cesse.
Si, par exemple, une personne vous a offensé, rien ne vous oblige à lui donner le pouvoir de gâcher plusieurs jours, plusieurs
semaines ou même des années de votre vie. Il vous appartient de couper ou pas les ponts avec elle. Parfois, l’importance que
revêt cette personne à vos yeux pourra justifier que vous discutiez avec elle de la situation. D’autres fois, vous aurez avantage
à faire le deuil de cette relation, de certaines façons de la vivre ou de l’idée que vous en aviez, pour passer à une autre forme
de rapports avec cette personne. Mais renoncer à certains aspects d’une relation avec un proche exclut le fait d’entretenir une
rancune tenace, envahissante et autodestructrice, que vous poursuiviez la relation ou non.
B. Lâcher prise ne signifie pas non plus nécessairement excuser quelqu’un ou même vous réconcilier avec lui. Les événements,
les gens, les imprévus existent et sont ce qu’ils sont. Vivre dans le regret de ce qui aurait dû être ou de ce qui aurait pu arriver
n’est pas lâcher prise. Ce n’est pas non plus, comme nous l’avons dit, attribuer les torts aux autres, ni surtout les blâmer pour
ce que vous ressentez.
C. Lâcher prise ne veut pas dire laisser tomber toute demande de réparation. Par exemple, exiger d’un ex-conjoint une pension
alimentaire pour vous et vos enfants est très différent de vivre dans le ressentiment le reste de vos jours.
D. Lâcher prise , ce n’est surtout pas éviter ou bloquer vos émotions, même si à court terme cela pourrait sembler satisfaisant.
Vous savez très bien qu’elles vont trouver un autre chemin pour vous atteindre.
E. Lâcher prise n’est donc pas du ressentiment. Ce n’est pas non plus renoncer, perdre son idéal, donner dans l’abnégation,
l’amertume ou un prétendu don de soi.

Vous libérer du passé signifie simplement qu’il n’est ni obligatoire, ni nécessaire, de souffrir indéfiniment. Vous ne pouvez pas
changer ce passé. Pourquoi alors certains d’entre vous le laissent-ils envahir leur présent ou teinter leur avenir ? Même si une partie de
la responsabilité ne vous appartient pas, cela vaut-il vraiment la peine de passer votre vie à blâmer quelque chose ou quelqu’un pour
les écueils rencontrés ?
Et si vous alliez plus loin, en vous centrant sur les intentions de ceux qui, par exemple, ont réveillé votre souffrance en vous blessant,
sur leurs perceptions, sur leur propre manque de réponses adéquates ? Pourquoi accepter de souffrir indéfiniment, alors que les
événements passés sont là et ne changeront pas, alors que votre offenseur ne vous connaît même pas ou ne se soucie pas ou plus de
vous ? Pendant que vous vous morfondez, cette personne a peut-être déjà tourné la page.
Lâcher prise, c’est donc vous délivrer avant tout de votre combat intérieur, en ressentir tellement fortement la stérilité que vous
choisissez de renoncer à vos résistances pour expérimenter le chemin libérateur du détachement et de la vie.
Mais la démarche du lâcher-prise ne s’improvise pas. Parfois, et même souvent, il convient de prendre le temps nécessaire pour vous
y préparer. Comprendre ce qui est réellement arrivé, identifier clairement vos émotions afin de ne pas passer à côté d’informations
précieuses, telles vos valeurs, ce qui vous importe vraiment, vos propres intentions positives.

L’accueil des émotions


Accueillir vos émotions au lieu de les fuir, aussi déplaisantes soient-elles, est l’une des premières choses que vous pouvez faire pour
vous-même. Bien sûr, il n’est pas malsain de vous en distraire momentanément dans des activités et loisirs divers. C’est plus
pernicieux cependant de les nier, comme le font certains adeptes de cette sorte de pensée positive qui peut camoufler une pensée
négative bien ancrée. C’est plus nuisible aussi de les fuir en utilisant des moyens qui peuvent être destructeurs, comme l’alcool, les
drogues, le jeu, ou parfois même le travail.
Pourtant, vos émotions sont un formidable outil qui permet, à tout moment, d’évaluer ce qui vous arrive. Il faut les considérer comme
des alliées qui vous informent sur ce qui se produit en vous et sur la façon dont vous réagissez à ce qui se passe autour de vous. Elles
sont une voie privilégiée pour accéder aux couches plus profondes de votre personnalité.
Cultiver l’habitude d’accueillir vos émotions est une qualité qui s’apprend, comme le bricolage ou la musique. Mais pour créer ce
nouveau réflexe, vous devez d’abord prendre conscience de ce que vous ressentez et décider de vous faire confiance. Cela exige, bien
sûr, de prendre du temps pour vous, de trouver des moments pour vous connecter à vous-même, loin des distractions, de croire que
cela vaut le coup et de développer la certitude qu’il n’y a pas de mauvaise émotion.
Cela passe par la présence au corps, qui vous fournit des indices sur ce qui se vit à un niveau plus profond de votre être. Encore faut-il
être conscient de ces signaux et en prendre acte. Ce pourra être une tension, la crispation d’un muscle, une chaleur intense ou un
frisson, la sudation, le cœur qui bat plus vite, la nausée, la migraine, l’insomnie, une difficulté à respirer, un problème digestif, cutané,
sexuel, une anxiété soudaine ou un goût irrépressible de fuir.

Pleurer pour construire sa résilience


Le nouveau-né, tout comme le jeune enfant, pleure beaucoup. Qui ne s’est pas interrogé sur ce moyen
d’expression que nous cherchons parfois à décourager, si ce n’est à éliminer ? Tout au début de la vie, jusqu’à
ce que le langage soit maîtrisé dans ses subtilités, les pleurs sont en fait le seul moyen accessible à l’enfant
pour exprimer un besoin, une émotion, une communication. Et reconnaissons ici que bien des adultes peinent
encore à nuancer, avec des mots, ce qu’ils éprouvent.
L’interprétation des larmes des tout-petits par un parent n’est pas simple. Les pleurs sont en effet
indifférenciés dans les premières semaines de vie, puis vont ensuite varier selon les besoins de l’enfant.
Seule l’observation aimante et bienveillante des parents permettra d’en deviner progressivement la réelle
signification. La plupart du temps, la première réaction des parents sera d’essayer d’y mettre fin rapidement,
sans trop d’interrogations pour en décoder la signification. Mais ils ont aussi à apprendre, lorsque leurs efforts
sont infructueux, à laisser l’enfant parvenir à la libération que procure le fait de pleurer ; c’est la base même
de cet art de naviguer dans la tourmente et de surmonter les épreuves de ce que nous nommons la résilience,
qui leur sera si utile tout au long de la vie.

La résilience passe par les pleurs


Selon Gordon Neufeld, psychologue développemental, l’adaptation passe par les larmes, celles qui suivent la
frustration ou l’incapacité à voir son besoin ou son désir satisfait. Le bébé n’a pas la maturité cérébrale pour
se comporter différemment. Son cerveau n’a pas le développement requis pour fonctionner autrement que sur
le mode émotionnel.
Il va de soi que plus l’enfant est jeune, plus il est important de réagir à ses pleurs, de nous interroger sur leur
signification et d’être suffisamment flexible pour explorer plusieurs pistes de réponse. C’est à travers ces
interactions accueillantes que se développe l’attachement des parents à l’enfant et, réciproquement, de
l’enfant aux parents. Et cet attachement est essentiel pour affronter les multiples défis qu’auront à relever
tous les acteurs de ce long processus d’apprentissage qu’est la vie.

Pleurer permet de lâcher prise


Autour de 18 mois à 2 ans, au fur et à mesure que se développe le cerveau de l’enfant, il faudra bien sûr
moduler notre façon de réagir à ses pleurs, ne pas nécessairement y répondre à tout prix. Le langage, que
commence alors à maîtriser l’enfant, permettra d’ailleurs une analyse et des réactions de plus en plus
adaptées. Toujours satisfaire le moindre désir, tout comme museler toute expression des émotions, n’est pas
non plus la solution idéale. Dans le premier cas, nous allons faire de notre enfant un être exigeant, gâté,
capricieux, violent, etc. Dans le second, la répression ou la punition vont l’amener à s’endurcir et
éventuellement à devenir un adulte qui ne pleurera que très rarement, sinon jamais.
Il est normal de ne pas toujours obtenir ce que l’on veut, et laisser l’enfant verser des larmes parce que
certains de ses désirs ne sont pas exaucés est un acte libérateur, une forme de lâcher-prise qui est la racine
de la résilience. Permettre à son enfant d’exprimer sa déception, sa peine, est aussi un geste d’amour envers
lui. Gordon Neufeld suggère donc avec raison d’accueillir sans les réprimer les pleurs de futilité (futility tears )
occasionnés par ces petits riens que sont, par exemple, la frustration de ne pas se faire raconter une
deuxième histoire au coucher ou la déception de ne pas être invité à une fête.
Laisser l’enfant exprimer sa tristesse et verser des larmes lui permet de lâcher prise. Après la période initiale
de frustration, de colère, la plupart des enfants chez qui nous tolérons cette attitude finissent par se calmer. Ils
peuvent alors passer très rapidement à un autre état d’esprit et même être très joyeux, comme plusieurs
parents ont été à même de le constater. Beaucoup de leurs désirs sont impossibles à combler, beaucoup de
leurs demandes peuvent être déraisonnables.
Or, le passage de la colère à la tristesse marque justement ce déplacement de l’énergie vers le lâcher-prise.
S’il n’a pas lieu, l’enfant va rester accroché à cette colère, continuer de se battre jusqu’à épuisement, surtout
si nous cédons finalement à ses demandes à cause de notre propre épuisement, ou si nous nous évertuons à
distraire son attention. Grâce à ces pleurs, le cerveau de l’enfant finira par accepter l’irréversibilité de la
situation et il se relaxera.

Savoir ne suffit pas à faire le deuil


Lorsque le cerveau enregistre que quelque chose ne fonctionne pas, souligne Gordon Neufeld, le fait de savoir
avec sa tête ce qui ne marche pas n’est pas suffisant pour en faire le deuil et pour passer à autre chose. Par
exemple, savoir que le poste pour lequel vous avez posé votre candidature ne vous est pas attribué ne suffit
pas pour lâcher prise. C’est souvent à ce moment que s’installent la résistance et la pensée obsessionnelle
entourant la frustration vécue.
Mais pleurer, ou confier sa peine à quelqu’un, permettrait de prendre contact plus directement avec les
émotions associées à la perte et à la déception. Or une telle qualité s’intégrera plus naturellement à la
personnalité d’un adulte dont les parents ne se sont pas opposés aux pleurs futiles et ne se sont pas acharnés
à lui faire entendre raison, ce que l’enfant ne parvient d’ailleurs pas à faire avant 5 ou 6 ans du fait de facteurs
neurologiques évidents. Rester dans la frustration, la colère et la rumination, voilà les germes de notre
difficulté d’adulte à lâcher prise, calquée sans doute sur une habitude développée tôt dans la vie.
L’émotion et son expression sont primordiales pour nous adapter, et les larmes permettent de descendre à un
niveau plus profond. Bien sûr, l’espace de temps nécessaire à la résilience peut être proportionnel à
l’importance de la perte. Mais pas toujours, puisque nous observons beaucoup de différences chez plusieurs
personnes qui ont vécu des épreuves similaires.

L’attachement aux pairs


Pour terminer, Neufeld souligne que les enfants qui ont des carences au niveau de l’attachement aux parents
peuvent avoir tendance à se relier de préférence à leurs pairs, recherchant là ce qui fait défaut dans leur
famille. Évidemment, ils ne peuvent pas y retrouver la profondeur des liens nécessaires au développement.
D’où, parmi les difficultés appréhendées, une grande anxiété chez nombre de tout-petits à la garderie ou à
l’école. Cela fait aussi des enfants qui dépendent énormément des autres pour se sentir à la hauteur et qui
s’exposent à vivre leur vulnérabilité dans la honte de l’expression des émotions. Leur adaptation future risque
alors d’être compromise. Puisque les pleurs sont mal accueillis par les pairs et ne sont donc pas
envisageables, l’agression risque de devenir une porte de sortie pour répondre à la frustration.
Comme vous le constatez, la capacité d’adaptation est une condition essentielle à la résilience et tout semble
indiquer que la capacité de surmonter un traumatisme se construit très tôt dans la vie.

L’émotion et ses mille teintes


Après avoir accueilli vos émotions, quelles qu’elles soient, l’étape suivante consiste à les nommer. Pourquoi ? Il suffit de penser au
jeune enfant pour comprendre l’importance d’identifier ce que nous éprouvons. Manquant de vocabulaire pour décrire et mettre des
mots sur ce qu’il ressent, il pourra faire une crise de colère, pleurer ou geindre parce que c’est la seule manière qu’il a d’exprimer ce
qu’il vit. Quand nous lui apprenons à distinguer, par exemple, s’il a peur, s’il est fâché, déçu, ennuyé, blessé, triste, impatient ou
désappointé, il a entre les mains un outil unique pour se comprendre lui-même et se faire comprendre. Et c’est aussi important quand
nous devenons des adultes.
Sachez également que l’éventail des émotions humaines ne se résume pas à la colère, la joie, la peur et la tristesse. Parmi celles qui
ont un caractère plus déplaisant, mentionnons l’inconfort, le malaise, la nervosité, l’embarras, l’anxiété, l’inquiétude, le doute,
l’insécurité. Vous pouvez aussi vous sentir blessé ou insulté, éprouver de la déception, de l’impatience, de la frustration, de l’envie, du
désappointement, de la culpabilité, de la honte. Vous pouvez vous sentir débordé, fatigué, surchargé, accablé, écrasé, déprimé, ou
encore avoir l’impression d’être seul, isolé ou rejeté, vous sentir timide, impuissant, nostalgique, insatisfait, démotivé, ennuyé, confus,
jaloux, etc.
Les états d’esprit plus agréables se conjuguent aussi en plusieurs nuances : l’enthousiasme, la fascination, l’attirance, le désir, la
séduction, la curiosité, la gratitude, l’émerveillement, la créativité, l’assurance, l’audace, la considération, la compassion. Vous pouvez
de même vous sentir débordant d’humour, d’affection, de passion, de détermination, de sensualité, de vitalité, de douceur, de
confiance, d’estime pour vous-même. Comme vous pouvez le constater, les nuances abondent, chacune précisant les émotions de base
que sont la joie, la tristesse, le dégoût, la peur, la colère et la surprise.
L’exercice que nous vous proposons maintenant vous permettra de vérifier tout cela par vous-même et de faire un premier pas dans la
démarche du lâcher-prise.

Nuancer mes émotions : l’exercice du dictionnaire


Il est maintenant temps de sortir papier et crayon ou d’ouvrir votre portable.

A. Décrivez en quelques mots une situation dans laquelle vous trouvez ardu de lâcher prise.
B. Identifiez une ou deux émotions que vous ressentez dans cette situation. Par exemple, Lise a des difficultés avec l’attitude
négative d’un collègue de travail. Elle y repense sans cesse, même quand elle se réveille la nuit, et en parle souvent avec les
autres. Elle se dit choquée.
C. Maintenant, allez plus loin en nuançant la ou les émotions que vous avez notées. Pour ce faire, ouvrez un dictionnaire des
synonymes. Si vous n’en avez pas sous la main, vous allez aisément en trouver un sur Internet. Recherchez l’émotion
principale que vous avez reconnue et prenez connaissance des équivalences qui vous sont proposées.Au mot « choquée », Lise
rencontre les correspondances suivantes : abasourdie , abrutie , atteinte , blessée , butée , cabrée , chiffonnée , cognée ,
commotionnée , contrariée , désobligée , ébranlée , écorchée , effarouchée , frappée , froissée , heurtée , indignée ,
mécontentée , offensée , offusquée , outrée , piquée , rebutée , révoltée , scandalisée , secouée , traumatisée , ulcérée , vexée .
D. Parcourez ensuite votre liste de mots et d’expressions équivalentes et voyez si l’un ou l’autre ne pourrait pas vous aider à
préciser votre émotion de départ et ce que vous ressentez vraiment.
Dans notre exemple, vous remarquez qu’il y a une grande différence entre, par exemple, se sentir contrarié ou blessé, ou entre
être indigné ou traumatisé. Lise nuance en disant qu’elle se sent blessée, heurtée par l’attitude de son collègue.
E. Pour terminer, écrivez pourquoi vous ressentez cette émotion. Essayez de la relier à quelque chose de précis. Soyez un peu
plus explicite, car ce qui provoque un même état d’esprit peut être très différent selon chacun. Vous devriez ainsi découvrir à
quoi vous devez lâcher prise.

En développant sa pensée, Lise dira que ce qui la blesse le plus, c’est le manque de considération de son collègue pour elle et pour les
gens qu’elle aime. Elle interprète cette attitude comme une manière passive et ambiguë de la manipuler, d’exprimer son hostilité à son
égard, de la rejeter. Et comme le message de son compagnon de travail n’est pas transparent, elle ne sait comment y répondre. Elle
découvre ainsi qu’elle doit faire le deuil d’une communication claire avec cette personne et se dira plus tard soulagée d’avoir mis fin à
ses efforts pour créer une relation satisfaisante avec elle.

Les émotions négatives : une invitation à agir


La nature nous a fait cadeau des émotions. À tout moment, elles nous disent si nous sommes à l’aise ou non avec ce qui nous arrive,
avec notre manière bien personnelle de penser et d’interpréter ce qui se passe. C’est ce qui nous permet ensuite, s’il y a lieu, de
préciser ce que nous voulons et de faire les changements qui s’imposent.
Développez l’habitude de considérer vos états d’esprit négatifs comme des signaux d’action et non comme des empêcheurs de tourner
en rond, même si au départ ils vous font souffrir. Voyez-les comme des chances de préciser ce que vous ne voulez pas et, par
extension, ce à quoi vous aspirez.
Par exemple, si vous vous sentez indigné, heurté, blessé, rabaissé et que vous découvrez qu’une de vos valeurs fondamentales n’est
pas respectée ou qu’elle est franchement menacée, la considération dans le cas de Lise, peut-être est-ce une invitation à chercher un
environnement relationnel qui vous conviendra mieux, même si votre environnement actuel satisfait votre besoin de confort.

L’aide d’une personne de confiance


Il peut arriver que la souffrance psychologique fasse irruption dans votre vie, qu’elle vous envahisse et qu’elle vous empêche de jouir
du moment présent. Vous cherchez peut-être à vous en soustraire par des moyens qui, s’ils soulagent temporairement, ne permettent
pas de régler vraiment le problème. Vous pouvez refouler, nier, feindre l’invulnérabilité ou, à l’inverse, adopter le comportement de la
victime, vous opposer, résister, fuir.
Le jeu du blâme est fréquent. Rendre les autres ou les circonstances responsables de votre souffrance pourra vous conduire à chercher
des alliés. Parler soulage… apparemment. Trop le faire, et à toute personne rencontrée, vous replonge au contraire dans les émotions
difficiles, les exacerbe et contribue à alimenter le problème et la rumination. Pourquoi ? Parce que ces confidences ont trop souvent
pour objectif de critiquer les autres et de trouver des gens qui pensent comme vous. Il vaut mieux, comme nous l’avons déjà dit, ne pas
trop vous répandre dans toutes vos conversations, toutes vos rencontres.
Mais lorsque la démarche d’accueil des émotions est trop difficile, plutôt que de l’esquiver, vous pouvez demander de l’aide. Partager
votre vécu avec un véritable confident, quelqu’un à qui vous pouvez vous fier, pourra vous aider à y voir plus clair. Il s’agira d’un ami,
d’un conjoint et, si nécessaire, d’un professionnel. En effet, il se peut très bien que les qualités requises pour vous aider ne soient pas si
fréquentes dans votre entourage immédiat. Il est alors indiqué d’aller chercher ces garanties chez un spécialiste, psychologue,
travailleur social ou autre (voir plus loin : « Les six qualités d’un confident »).
Ce confident est moins là pour partager votre colère ou votre tristesse, même s’il est tout à fait capable d’empathie. Son rôle est de
prendre soin de votre souffrance, sans juger ni prendre parti. Bien sûr, il faut éviter de vous jouer un mauvais tour en choisissant
quelqu’un qui dira comme vous. Recherchez plutôt un confident qui va vous aider à faire la paix avec votre douleur, premier pas vers
l’acceptation des émotions et le lâcher-prise.

Les six qualités d’un confident


La personne à qui vous allez vous confier et qui aura la générosité de vous accueillir devrait répondre aux
critères suivants.

1. Elle devrait pouvoir rester objective par rapport à ce que vous vivez, ne pas être impliquée
émotionnellement dans les événements ou les relations conflictuelles que vous évoquez.
2. Elle devrait également pouvoir garder pour elle vos confidences.
3. Son aide ne devrait pas consister à faire front commun avec vous contre quelqu’un d’autre. Elle est
davantage là pour vous permettre de parler de vos émotions, de vos sentiments, de votre vécu, et
pour vous amener à préciser ce que vous voulez.
4. Son rôle ne sera jamais de vous conforter dans votre désir de vengeance. Elle ne devrait donc pas se
laisser influencer par votre expérience.
5. Votre confiance envers elle devrait vous permettre de croire qu’elle ne se servira jamais de votre
transparence et de votre vulnérabilité pour vous nuire par la suite.
6. Cette personne ne devrait pas endosser votre souffrance, mais vous écouter d’abord, vous amener
sans doute à percevoir les choses sous d’autres angles, à prendre de l’altitude et à entrevoir des
manières différentes d’aborder le problème.

La difficile acceptation
Le tourment des hommes ne vient pas des choses,
mais des idées qu’ils se font sur les choses.
(ÉPICTÈTE)
Arrivé à ce stade, vous avez compris qu’il y a une différence entre un événement fâcheux, quel qu’il soit, et vos réactions
individuelles et personnelles reliées aux émotions soulevées, cette partie dont vous êtes responsable. En effet, devant un même fait,
tout le monde n’a pas une réaction identique. Voilà donc une autre étape dans le processus du lâcher-prise. Vous comprenez que vos
perceptions sont liées à votre tempérament, à vos règles inapplicables, à vos croyances paralysantes, à votre histoire personnelle.
Mais comprendre avec son corps ou avec sa tête ne suffit pas. Il y a ici un passage obligé vers le monde spirituel. Être responsable ne
signifie pas vous sentir coupable de ce qui vous est arrivé, mais en quelque sorte admettre votre sensibilité, votre vulnérabilité. C’est
aussi croire en votre pouvoir de répondre adéquatement aux circonstances.
Dès que le pont est franchi entre le monde physique et celui de l’esprit (disons le monde spirituel, ou celui de l’âme), vous entrez
vraiment dans la préparation immédiate au lâcher-prise. C’est un processus de deuil à l’égard d’une relation ou d’un aspect de celle-ci,
d’une croyance sur vous-même, d’une attente, d’une valeur, d’un objectif, etc. Vous prenez conscience de la situation, de vos réactions
à celle-ci et surtout de vos émotions.
L’acceptation est une étape difficile, surtout si vous avez la tendance, bien normale par ailleurs, à lutter contre ce qui vous arrive, à
vous opposer, à fuir, à vous protéger. Accepter, ce n’est pas subir passivement ou stoïquement en fermant les yeux. Il n’est pas
question non plus d’approuver, de donner son aval à l’oppression, par exemple, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur.
Accepter, c’est mettre fin à votre résistance, au fait d’aller à contre-courant dans la rivière de votre vie. Accepter, c’est accueillir ce
qui arrive, recevoir, malgré votre blessure, au lieu de vous acharner, de refouler vos émotions, de vous ériger en victime ou en
combattant. D’ailleurs, dans certains arts martiaux, plutôt que de résister par réflexe à une attaque qui vient par-derrière, une personne
de petite taille pourra se défendre contre un adversaire plus grand en suivant le mouvement de l’assaillant. Dans cet instant de surprise,
elle le déséquilibre et se donne quelques secondes pour se libérer.
Pour accepter une contrariété, une frustration, une offense, une souffrance, il convient d’abord de ne porter aucun jugement sur vous-
même. Comme nous l’avons dit précédemment, il est sain de ressentir une émotion difficile, quelle qu’elle soit. Voyez-la comme un
signal, tout comme l’est une maladie ou une douleur physique, qui vous invite à l’action la plus appropriée pour retrouver un équilibre
rompu.
Tout comme il ne faut pas vous juger, il ne faut pas non plus perdre de vue votre propre souffrance pour donner toute votre attention à
la personne ou à la situation qui l’a réveillée. C’est pourtant ce que vous faites lorsque vous vous concentrez sur ce qui l’a déclenchée.
Le corps, nous l’avons dit, nous offre des indices de ce qui se passe profondément en nous et votre résistance à ce qui peut être perçu
comme un assaut vous sauvera parfois la vie. Cependant, poussé dans vos derniers retranchements, cette résistance pourra aussi causer
votre perte. D’où l’importance de prendre conscience de ces signaux, de les interpréter convenablement et d’y réagir d’une manière qui
mettra vraiment fin à cette souffrance, qui ne fera pas que l’engourdir et qui vous permettra de laisser à nouveau circuler la vie
librement.
Nous avons vu qu’il peut être profitable de vous confier et de vous faire accompagner par un thérapeute quand la douleur est trop
grande. D’autres moyens, que nous détaillerons plus loin, peuvent aussi s’avérer précieux. Par exemple, la détente et la méditation vont
vous permettre de vous distancer du mental qui rumine, de vous respecter, de vivre un état de calme relatif, de vous reposer, d’arrêter
le flot de vos pensées, de cesser de ramer à contre-courant de vos émotions, en résumé, de mettre fin à la résistance.
Il n’est peut-être pas encore temps de réagir ou d’agir. Vous devriez d’abord redevenir maître de votre mental. Vivre cet état de
préparation, de calme, vous évitera les ravages que peut causer l’impulsivité. Cette préparation au lâcher-prise est essentielle.
Troisième partie

LE LÂCHER-PRISE
6
Les trois étapes du lâcher-prise
La responsabilité est le prix de la liberté.
(CYRILLE GUIMARD)
Dans certains cas, le lâcher-prise est vraiment plus difficile et, même si vous avez appris comment y arriver, cela demande du travail.
En effet, il n’y a pas de raccourcis ni de pilules pour y arriver. La loi du moindre effort et votre léthargie vous empêchent peut-être de
poser les gestes qu’il faut et de persévérer dans votre décision.
Freud, avec sa vision assez pessimiste de l’être humain, soutenait même que le malheur est sa condition par défaut, tout simplement
parce qu’il faut moins d’efforts pour être malheureux que pour être heureux. Intéressant quand même. Comme si l’humain avait
tendance à choisir la voie de la facilité plutôt que de faire les pas nécessaires pour avoir une vie plus épanouissante.
En plus, il y a tant de moyens pour vous distraire de l’essentiel et pour rendre, en apparence du moins, votre malheur supportable. Il
est facile en effet de vous étourdir et même de vous engourdir dans une zone neutre où vous n’êtes ni heureux ni malheureux.
Pour lâcher prise, vous devez arriver à associer un inconfort tel, une douleur telle, au statu quo, que vous n’aurez plus envie de le
maintenir. En même temps, vous devez réfléchir aux bénéfices que vous en tirerez en fin de compte. Et surtout, pour lâcher prise, vous
devez impérativement admettre votre responsabilité dans ce qui vous arrive et dans la manière de vous en sortir.
Dans ce chapitre, nous vous présentons les trois étapes du lâcher-prise et les responsabilités spécifiques qui vous incombent à chacune
d’elles. Mais commençons par celle qui englobe toutes les autres : décider de vous mettre aux commandes.

Prenez les commandes


Il est reconnu que pour ressentir du bien-être, l’individu a besoin de sentir qu’il contrôle son environnement. Il est donc primordial
que vous alimentiez ce sentiment dans votre vie, là où vous le pouvez, en commençant consciemment à exercer un pouvoir réel que
vous avez déjà : celui de décider. Votre existence est peut-être riche en souhaits mais pauvre en décisions. Peut-être même trouvez-
vous difficile de décider ce que vous allez prendre dans le menu au restaurant.
Et pourtant, si vous dressez un petit inventaire de ce qui vous est arrivé d’important dans les dix ou vingt dernières années, comme
choisir une orientation professionnelle, un conjoint, une destination de voyage, acheter une maison, fonder une famille, vous
constaterez qu’à l’origine, il y a eu de votre part une décision.
Or, c’est justement le fait d’exercer ce pouvoir de décider qui va alimenter le sentiment d’être au contrôle de votre destin. Prendre
souvent des décisions pour de petites ou de grandes choses et en assumer les conséquences est le meilleur antidote au sentiment
d’impuissance. Et personne ne peut le faire pour vous : c’est une responsabilité qui vous revient à vous seul.
Force est de constater que nous vivons dans une société qui favorise la déresponsabilisation, dans un monde affligé par le cétacause
(c’est à cause de mon patron, c’est à cause de mon conjoint, de mes parents, de la météo, du gouvernement, etc.).
Prenez un peu de recul pendant une conversation ou au fil de vos pensées et vous constaterez à quel point chacun donne des dizaines
de raisons extérieures, toutes plus valables les unes que les autres, qui expliquent ou excusent une difficulté. Si certaines sont bien
réelles, incontournables et offrent bien peu de prise, il n’en demeure pas moins que tous ceux qui parviennent à lâcher prise décident, à
un moment donné, de devenir responsables de leur propre existence.
Si, quand survient un changement ou une contrariété, votre premier réflexe est d’attendre que la réponse vienne des autres ou qu’un
deus ex machina dénoue la situation ou la crise, vous n’êtes pas aux commandes. Pas plus que vous ne l’êtes si vous vous réfugiez
derrière des excuses pour ne pas agir, répétant sans cesse des phrases comme : « Je n’ai pas le choix », « Je ne peux rien faire », « Il
n’y a rien à faire », « Qu’est-ce qu’ils attendent pour faire quelque chose ? »
Les difficultés et les échecs n’épargnent personne. Sortez du groupe de ceux qui transforment un insuccès en catastrophe, qui se
sentent impuissants et parfois même jettent l’éponge, ratant ainsi des occasions d’avancer parce qu’ils croient que la situation est
permanente. Cessez de chercher des excuses ou des raisons qui expliquent votre immobilisme. Vous n’êtes plus un enfant qui dépend
de ses parents pour satisfaire ses besoins.
Inspirez-vous des histoires de ceux qui se sont relevés de dures épreuves et qui ont transformé ces malheurs en tremplins pour avancer
et grandir. Ils y sont arrivés, bien sûr avec le soutien des autres, mais invariablement en décidant de prendre la responsabilité de la suite
des choses.
À 13 ans, Chantal Petitclerc est écrasée par une immense porte de grange qui lui cause une lésion de la moelle épinière. Privée de
l’usage de ses jambes, elle restera clouée dans un fauteuil roulant pour le reste de ses jours. Après avoir découvert l’athlétisme, elle
s’est entraînée et a disputé ses premiers Jeux paralympiques à Barcelone en 1992, d’où elle reviendra avec deux médailles de bronze.
Ce sera l’amorce d’une imposante récolte qui comprend aujourd’hui une médaille olympique et 21 médailles paralympiques. Comme
elle le dira en interview : « Je n’ai pas choisi ce qui m’est arrivé, mais j’ai choisi ce que j’allais faire avec ça. On a chacun notre
parcours. Notre responsabilité, c’est d’en faire un beau parcours, de ne pas être une victime de ce parcours. J’aime penser que je me
suis moi-même construit la vie que je voulais 7 . »
Lâcher prise est incompatible avec l’attitude défaitiste ou pitoyable de la victime ou du martyr qui se demande pourquoi ces choses-là
n’arrivent qu’à lui, qui se critique lui-même en s’interrogeant sur ce qu’il a bien pu faire pour mériter un tel sort, qui attend que le
temps arrange les choses (en fait, le temps permet d’arranger les choses) ou qui condamne les autres. Ces attitudes entretiennent les
problèmes, elles ne les règlent surtout pas et placent la responsabilité à l’extérieur de soi.
Vous le savez maintenant, c’est à vous de décider comment vous allez composer avec un événement fâcheux ou une contrariété. À
vous de choisir de quelle manière y réagir, l’état d’esprit que vous voulez entretenir et le point de vue que vous souhaitez avoir sur cet
événement. Vous créez votre réalité ! Alors prenez les commandes dès aujourd’hui.

Les étapes du lâcher-prise


Vous ne pouvez pas résoudre vos problèmes
avec la mentalité qui les a créés.
(ALBERT EINSTEIN)
La lecture des premiers chapitres vous a permis de comprendre le processus par lequel vous participez à la construction de votre
souffrance. Vous avez vu que plusieurs facteurs peuvent expliquer votre difficulté récurrente à lâcher prise. Par exemple, les éléments
de votre histoire personnelle qui vous ont amené à bâtir votre propre manière d’aborder la vie, votre éducation, votre tempérament, vos
croyances paralysantes et vos règles inapplicables.
Vous avez aussi appris quelques stratégies courantes qui ne fonctionnent pas et les réactions inappropriées qui empêchent de lâcher
prise, comme la résistance et la rumination. Mais cette seule connaissance n’est pas suffisante. Pour vous affranchir, vous devez faire
de nouveaux choix.
Nous arrivons au cœur de notre démarche, au moment précis du lâcher-prise. Trois étapes vous conduiront pour de bon à la libération.
Ce cheminement sera plus ou moins lent et difficile selon les personnes et l’importance du changement, ne s’opérera pas de façon
linéaire et comportera des retours en arrière à l’occasion, des sacrifices et des défis.

L’étape des deuils


Tout le travail préparatoire que vous avez fait vous a donc mené à cette première étape où vous devez accepter cette évidence : ce que
vous avez connu dans le passé ne sera plus là, ne reviendra plus.
Vous avez pris conscience de la récurrence de vos tendances à ruminer, à résister aux événements fâcheux, à vous accrocher à la
colère ou aux idées de vengeance lors de situations frustrantes ou conflictuelles. Le processus interne du lâcher-prise part de cette
essentielle prise de conscience. Si les situations génératrices de stress vous semblent venir de l’extérieur, vous avez compris que les
émotions qui en résultent sont, quant à elles, internes, et surtout qu’elles sont fortement liées à vos perceptions.
C’est donc le moment d’identifier les deuils à faire. Pensez à une situation que vous vivez et écrivez vos réponses à cette question : à
quoi dois-je surtout renoncer ? À la présence d’un être cher, à une possession, à la reconnaissance, à l’organisation de mon temps, à
une manière habituelle de faire les choses ? Devez-vous sacrifier votre sécurité, votre aisance matérielle, une image de vous-même,
une identité professionnelle ? Devez-vous faire le deuil de ce qui a été, de ce qui aurait pu être, d’une idée toute faite, d’une règle,
d’attentes, d’un résultat souhaité, d’une valeur ?
Une fois que vous avez reconnu les pertes, plusieurs attitudes vont vous aider à avancer. Accueillir vos émotions, admettre qu’une
partie importante du problème ne vous appartient pas en propre et, surtout, consentir à changer vos manières inappropriées de penser.
Accepter également de modifier vos vieilles façons de réagir, votre mauvaise habitude de souffrir, de résister, de vous ramener à ce qui
est arrivé. Assumer aussi de ne pas tout contrôler et, surtout, calmer le mental qui s’accroche stérilement au passé. C’est ainsi que vous
allez couper court à ce qui vous rend absent de la vie, malheureux ou malade.
Bien sûr, selon la nature de la perte et votre capacité personnelle à accueillir vos émotions, cela sera plus ou moins difficile. Certains
renoncements requièrent plus de temps, plus de vigilance ou plus d’aide extérieure (voir les témoignages : « Les deuils à faire »). Faire
votre deuil implique de reconnaître et de vivre toutes ces émotions auxquelles vous souhaitez vous dérober, d’être pour un temps triste
ou en colère, d’accepter de porter la souffrance.
Mais c’est le tout premier pas vers votre nouvelle façon de voir la vie, vers un changement spirituel important qui vous amènera dans
un ailleurs où vous pourrez de plus en plus facilement vivre libéré. C’est ainsi qu’il sera possible d’accueillir plus sereinement ce sur
quoi vous n’avez pas de contrôle.
Votre responsabilité à cette étape est donc la suivante : reconnaître les deuils à faire et accepter la perte qui les accompagne. Pour vous
aider, n’hésitez pas, si nécessaire, à chercher le soutien d’une personne à qui vous faites confiance ou d’un thérapeute.

Les deuils à faire


Catherine
Je suis chef d’équipe et je me réalise pleinement dans mon emploi. Je vis seule, je travaille de longues heures
et j’adore ce que je fais. Puis ma mère devient gravement malade. Je trouve très difficile de la voir souffrir
autant et je m’accroche à mon travail qui me permet de reprendre pied. Je vais l’accompagner dans ses
dernières heures.
À sa mort, je suis la seule qui peut s’occuper de tout, tout cela en dépit de ma grande peine. Je m’absente
alors une dizaine de jours du bureau.
Le jour de mon retour, la première chose qu’on m’apprend, c’est que mon équipe est mutée dans un autre
service et que je n’en suis plus la directrice. Je serai remplacée par une personne qui vient d’un autre
ministère. Même si je suis la première concernée, je suis la dernière à l’apprendre.
J’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds, que ma poitrine explose. J’ai déjà vécu d’autres épreuves
dans ma vie, mais là, je me sens anéantie, écartée comme une vieille chaussette. C’en est trop, plus en tout
cas que ce que je peux endurer à ce moment.
En plus de devoir faire le deuil de ma mère qui vient de partir dans de pénibles souffrances, je dois faire celui
d’un travail qui me tient tant à cœur, dans lequel je me suis tant investie. Et je perds une équipe que j’ai
formée et que j’aime.
L’estime de soi en prend un coup. En plus, j’ai peu de temps pour réagir. Je me répète que je ne dois pas en
faire une affaire personnelle, mais je n’ai pas les idées claires. J’ai une semaine devant moi pour transmettre
mes dossiers au remplaçant et lui expliquer l’état d’avancement de nos projets.
Moi qui croyais me remettre du départ de ma mère en m’étourdissant dans le travail, je frappe un mur.
Pendant des jours, je contiens mon trop-plein. Je dois parler à quelqu’un avant d’exploser, réagir pour ne pas y
laisser ma peau. J’ai besoin de temps pour me retrouver, d’aide aussi. Je décide de consulter une psychologue
et de prendre un congé sans solde pour vivre mes deuils.
Louise
Il y a quelques années, j’ai perdu ma jeune sœur, emportée à 33 ans par un cancer. C’était la première fois
que j’étais confrontée à la perte d’une personne si près de moi. Puis voilà que ma sœur aînée, ma grande
complice, m’apprend qu’elle aussi est atteinte d’une maladie incurable.
Je l’accompagne pendant un mois et demi, passant le plus de temps possible auprès d’elle, tout en continuant
à donner le meilleur de moi-même au bureau où, heureusement, tout se déroule bien. J’aime beaucoup mon
travail, je m’y sens à l’aise, je m’entends bien avec mes collègues et je vis une belle complicité avec mon
patron que j’admire beaucoup. Mon activité professionnelle est mon élément de stabilité, mon ancrage.
En même temps, ma relation amoureuse est difficile et elle épuise mon énergie, alors que j’aurais tant besoin
de soutien. Je mesure mal à ce moment-là le tort que pourrait me causer cette relation.
Quand ma sœur décède, c’est un grand choc. Je tombe malade peu de temps après. Je suis défaite, je me sens
épuisée et je dois prendre un congé. Mon absence sera de six mois, période pendant laquelle je passerai
plusieurs examens médicaux. J’ai tellement de symptômes, tellement de malaises.
Pendant ce temps, il y a plusieurs changements dans mon milieu professionnel. Mon patron va occuper un
autre poste et je ne pourrai pas le suivre. Cela m’achève. J’ai alors l’impression de tomber au fond d’un puits
très profond et je me sens incapable d’en remonter. À mon retour au bureau, tout a changé. Le nouveau
patron a amené sa propre équipe et je ne semble pas figurer dans ses plans.
Tant de deuils et de situations difficiles à vivre en si peu de temps : le décès de ma grande sœur et amie, une
relation amoureuse vacillante, la maladie, le départ de mon patron, un emploi avec moins de responsabilités
et qui ne fait pas appel à mes compétences. Je perds mes repères. Je parle avec ma meilleure amie, ce qui me
permet d’y voir un peu plus clair. Puis je décide de consulter un psychologue.
Julien
Je suis cadre et une partie de mon personnel est occasionnel. Les temps sont plus difficiles et je dois gérer une
période de décroissance. Inutile de dire qu’il règne une grande tension au bureau. Et c’est moi qui suis
l’annonciateur des mauvaises nouvelles.
Je suis proche de mes employés et je me sens très concerné par ce qu’ils vivent. J’aimerais tellement pouvoir
leur venir en aide, c’est dans ma nature. Mais je suis un peu désarmé. J’essaie de les mobiliser en mettant en
place des moyens pour y parvenir. À mon grand étonnement, ce sera très mal perçu et l’on m’accusera de
favoritisme.
La situation dégénère. Plusieurs employés signent une pétition contre moi et la présentent à mon supérieur,
très embarrassé. Je lui suggère de faire appel à la direction des ressources humaines pour établir un diagnostic
de la situation. Il refuse, craignant de miner encore davantage un climat déjà très tendu.
Il propose alors une rencontre avec les employés et le syndicat pour leur permettre de donner leur point de
vue. Le problème, c’est que je ne suis pas convié à cette réunion et que je n’aurai donc pas l’occasion
d’exposer ma version des faits. Je trouve cela injuste. Moi aussi j’ai des droits que je souhaiterais bien faire
valoir. Je suis exclu même si, à mon sens, je suis le premier concerné.
Un jour, mon directeur me demande : « Que veux-tu faire dans la vie ? »
Après tous ces bouleversements, j’ai le sentiment qu’il me remet en question. Je suis en colère. Je me sens
trahi. J’éprouve de l’anxiété. Tous les événements se bousculent dans ma tête. Je dois maintenant faire le deuil
de la reconnaissance de mes employés et, jusqu’à un certain point, de celui de mon identité professionnelle.
Je me demande : aurais-je pu faire autrement ? Cela aurait-il changé les choses ? Je ne veux pas garder pour
moi toutes ces émotions paralysantes et je décide de rencontrer quelqu’un pour m’aider à y voir plus clair.

L’entre-deux
Si vous blâmez le temps qu’il fait,
ne restez pas au milieu de l’orage.
(GUY FINLAY)
Ce n’est pas parce que vous avez déterminé quels sont vos deuils et commencé à les accepter que la situation est immédiatement plus
confortable. Il est normal de vous sentir confus ou anxieux, puisque vous êtes en quelque sorte face à l’inconnu. Vous n’avez jamais
expérimenté une autre façon de penser ou de faire que celle dont vous voulez vraiment vous départir. Dans ces circonstances, il peut
vous sembler étrange, voire effrayant, d’avoir confiance, et peut-être même doutez-vous fortement de votre réussite.
Vous êtes sans doute encore activement attaché à votre ancien moi. Tout inconfortable qu’il soit, il a le mérite d’être connu. Vous
pouvez donc être tenté de conserver les bénéfices secondaires liés au fait d’être une victime ou de vous sentir quelqu’un en raison
justement de vos souffrances. Quand vous vous plaignez de la situation, recevez-vous l’attention des autres ? Hésitez-vous à changer
parce que vous craignez de déplaire à votre entourage et de perdre son affection ? Si les avantages secondaires inhérents au statu quo
sont trop élevés, vous aurez tendance à revenir en arrière plutôt qu’à chercher à créer de nouveaux modèles de penser ou d’agir.
Cette étape de l’entre-deux peut aussi provoquer une impression de vide, comme celle que ressent l’acrobate qui flotte dans les airs
entre deux trapèzes. Il n’ignore pas qu’il ne peut revenir en arrière, mais pourra-t-il attraper cette barre qui va lui permettre de
traverser ? Vous savez ce que vous avez perdu, mais vous ne connaissez pas encore ce qui va le remplacer, ou vous n’en avez qu’une
très vague idée.
Ce vide, ce flou et cette incertitude vont entraîner, c’est bien normal, de l’anxiété, une baisse de la motivation, de l’insécurité, de la
peur, de la confusion. Sachez pourtant que cette étape est essentielle et que c’est ici que se font les percées les plus intéressantes qui
permettent de créer, d’innover et de grandir.
Pendant cette phase, vous devez donc tourner votre attention vers l’avant. Comme le souligne si justement le psychologue Daniel
Goleman dans son livre Focus 8 , notre capacité à retirer notre attention d’une chose pour la placer sur une autre est essentielle à notre
bien-être. Vous savez ce que vous ne voulez plus et vous devez maintenant diriger votre regard vers ce que vous souhaitez vivre.
Un des éléments principaux pour réussir la traversée de l’entre-deux, c’est donc de décider ce que vous voulez. Cela donne une
orientation à suivre, porte vers l’avant et mobilise l’esprit dans un sens précis. Votre cerveau est en quelque sorte un système de
téléguidage qui travaille pour vous quand vous lui indiquez la direction que vous désirez prendre. Attention ! Si vous n’y prenez garde,
il peut aussi vous ramener là où vous ne voulez plus aller. D’où l’importance de réfléchir et d’énoncer clairement ce que vous
souhaitez vraiment 9 .
Trouver des solutions innovantes passe nécessairement par le développement de nouveaux outils. Nous vous en présenterons plusieurs
dans la quatrième partie de ce livre. Certains vous souriront, alors que d’autres ne correspondront peut-être pas à votre façon d’être,
même après plusieurs essais. Ce n’est pas vraiment ce qui importe. L’objectif, c’est de découvrir ceux qui fonctionnent pour vous et
d’en avoir une panoplie à votre disposition. Si votre méthode préférée ne fonctionne pas dans une situation donnée, il conviendra alors
d’en essayer une autre. Même dans le choix d’un outil, il faut parfois savoir lâcher prise.
Votre principale responsabilité à cette étape : canaliser votre anxiété et votre insécurité dans la créativité. Vous vous aiderez en évitant
de vous lancer en avant tête baissée. C’est ce qui peut arriver à celui qui a été laissé et qui se hâte de remplir le vide par quelqu’un
d’autre avant même d’avoir fait son deuil et réfléchi à ce qu’il veut vraiment. Soyez donc attentif aux moments où vous avez
l’impression de revenir en arrière.
Soyez rassurant aussi pour vous-même et, au lieu de vous critiquer, encouragez-vous. Les recherches démontrent en effet qu’il faut en
moyenne 66 jours pour changer une habitude et que nous apprenons différemment en vieillissant, comme nous le verrons plus loin
dans ce chapitre. Enfin, cultivez des croyances qui soutiennent votre créativité, expérimentez, lisez, trouvez des supports, agissez.

Qu’est-ce que je veux ?


Catherine, Louise et Julien, seuls et avec l’aide d’amis et de professionnels, ont réfléchi à ce qu’ils veulent
vivre. Ainsi, au fil des rencontres avec la psychologue, Catherine prend conscience du déséquilibre dans sa
vie : trop de travail, pas assez de vie personnelle. Elle souhaite retrouver l’équilibre.
Louise, quant à elle, comprend tranquillement que, si ses symptômes physiques sont bien réels, elle n’a pas le
cancer ni une autre maladie grave, et que c’est le stress qui cause ses malaises. Rassurée, elle veut faire du
ménage dans sa vie. Elle fait de longues promenades tous les jours. Cela lui permet de prendre une distance
par rapport à ce qu’elle vit, de réfléchir et de retrouver graduellement son énergie, ses forces. Elle sait qu’elle
ne récupérera pas le poste qui la comblait auparavant et elle veut un travail qui fera appel à ses compétences.
Elle décide de s’inscrire à un concours.
Julien s’est senti trahi, remis en cause, mais petit à petit, tout redevient clair pour lui. Il ne peut revenir en
arrière, changer les choses du passé sur lesquelles il n’a pas de prise. Il se pose une question, la vraie : qu’est-
ce que je veux ? C’est une évidence, il souhaite occuper un poste de gestionnaire, mais pas à n’importe quel
prix.

La réorientation
C’est de l’altitude qu’il faut prendre,
et non de l’avance.
(GUSTAVE THIBON)
Vous y êtes. Votre attitude n’est plus la même. Votre motivation vous a convaincu de choisir plutôt que de douter. La confiance est
revenue. Le mental ruminant est devenu le mental introspectif et réceptif. Vous avez renoncé à la mauvaise habitude d’avoir mal. Le
doute est écarté, car il vous figeait dans un automatisme stérile. Votre conditionnement vous emprisonnait, vous rendant souffrant,
sinon malade, physiquement et psychologiquement. Au lieu d’être anxieux, inquiet, dépendant des autres, vous avez choisi de prendre
vos propres décisions. Les choix les plus sensés s’appuient sur une estime de soi forte.
Lorsque vous parvenez à cette phase de la réorientation, la boucle est bouclée. Vous maîtrisez vos nouveaux outils, vous avez repris
contrôle et pouvoir sur votre vie, vos objectifs sont plus clairs et vous retrouvez enfin le sentiment de votre liberté.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’inquiétude ou de doute à propos de vos décisions et il est possible, sinon probable, que vous
ayez à les réévaluer. Cela s’appelle de la flexibilité. Mais ce ne devrait pas être le cas à la moindre difficulté. Vous devez persévérer,
parfois en dépit de l’incertitude, avant de jeter l’éponge. Avancer en vous faisant confiance est signe d’engagement. Il est normal et
courant d’avoir peur, car, malgré vos choix, des obstacles peuvent se présenter. Encore une fois, tenez compte de vos émotions, qui
sont là pour vous informer sur ce qui se déroule en vous, et évitez de réagir avec impulsivité. Passer à l’action est difficile, vous le
savez. Procrastiner, revenir en arrière, agir de manière irréfléchie, parler sous le coup de la colère, tout cela peut avoir des
conséquences regrettables. La bonne décision se doit d’être motivée par la poursuite de votre objectif, et pas seulement par l’évitement
de la souffrance.
Une fois rendu à ce point de votre travail, vous êtes à même de réaliser que la plus grande partie de ce dernier s’est déroulée à
l’intérieur de vous, le seul endroit où vous avez le contrôle. Vous avez compris, appris à surmonter les contrariétés de l’existence en
vous détachant d’elles plus rapidement, plus facilement. Et vous pourrez désormais transférer cette capacité aux autres événements
fâcheux susceptibles d’arriver, car ils sont inhérents à toute vie. Les avantages sont évidents et il ne reste plus qu’à consolider vos
nouvelles connaissances, vos nouvelles capacités, vos nouvelles compétences, voire votre nouvelle identité, jusqu’à ce que le
processus devienne une habitude, un réflexe. Pratiquer régulièrement augmente les chances de réussite.
Lâcher prise est tout sauf une attitude passive. C’est le résultat d’un entraînement très actif qui, à un moment donné, a abouti à ce
résultat libérateur et réjouissant. En mettant fin aux préoccupations stériles, le lâcher-prise vous rend apte à profiter davantage de la vie
et du moment présent. Il réduit vos angoisses et a un impact majeur sur votre santé physique et psychologique. Il vous laisse plus léger.
En vous permettant de reconnaître que vous ne pouvez pas tout contrôler, et surtout pas les autres, le lâcher-prise vous libère. Voilà ce
nouvel état d’esprit que vous choisissez, vers lequel vous dirigez désormais votre attention.
Votre responsabilité, à cette étape, c’est de consolider vos acquis par la pratique. Pour vous y aider, prenez du temps pour reconnaître
vos progrès, récompensez-vous, célébrez vos réussites. Et, sans en faire une obsession, préparez-vous aux prochains changements, car
il y en aura.

Passer aux actes


Catherine, Louise et Julien ont décidé d’agir en puisant leur motivation dans leur malaise, dans leur souffrance.
Pas des gestes au hasard, mais des actions qui les rapprochent de ce qu’ils souhaitent vraiment, de la
destination qu’ils désirent atteindre.
Catherine, qui aspire à plus d’équilibre, décide de prendre un congé sans solde, de rencontrer un professionnel
de l’aide, de se remettre en forme, de recommencer à peindre, de voir davantage ses amis.
Louise, qui veut faire le ménage dans sa vie, choisit de consulter, de prendre en main sa santé physique, de
mettre un terme à une relation affective qui lui fait du mal, de discuter avec son nouveau gestionnaire, de
passer un concours pour un poste différent.
Julien a pris suffisamment d’altitude et fait les gestes qui lui permettront de réaliser ce qu’il veut vraiment :
travailler comme cadre dans un milieu où règne l’harmonie, exempt de guerres de pouvoir ou de conflits de
personnalités

Changer une habitude


À votre naissance, vous aviez très peu d’aptitudes, même après une évolution de plusieurs mois dans l’utérus de votre mère. Mais
rapidement, vous êtes devenu capable d’établir des relations entre des milliers d’objets de votre milieu. Votre cerveau s’est d’ailleurs
façonné en grande partie grâce à l’environnement dans lequel il a baigné. Et très tôt, vous avez développé des habitudes, des raccourcis
mentaux qui facilitent vos interactions avec votre milieu.
Pour lâcher prise et changer, vous le savez, il vous faut non seulement accepter de faire des deuils, mais aussi créer de nouveaux
comportements et de nouvelles manières de penser avec lesquels vous n’êtes pas familiarisé. Pas simple cependant de remplacer une
habitude, puisque nous sommes tous soumis à une loi inhérente à la nature humaine qui nous empêche de sortir du confort de nos
habitudes : la loi du ferré.

Qu’est-ce que la loi du ferré ?


Dans un article intitulé « Innovation et compétence : pas toujours bon ménage 10 », Marc-Olivier Vachon explique la loi du ferré de la
façon suivante : dans la très grande majorité des cas, la capacité à innover ou à créer du nouveau dans un secteur d’activité est
inversement proportionnelle au savoir-faire qu’une personne y a développé à travers le temps. Le fait que vous soyez ferré dans un
domaine donné, en d’autres mots un expert, présente certains désavantages, le plus important étant votre incapacité à sortir des sentiers
battus ou de la voie tracée et d’explorer des avenues différentes.
Au départ, lorsque vous apprenez à exécuter une nouvelle tâche, votre cerveau emmagasine des stratégies cognitives qu’il pourra plus
tard répéter de façon semi-automatique, vous permettant ainsi d’étendre graduellement votre maîtrise. Toutes vos interactions avec le
monde extérieur puisent constamment dans ces raccourcis mentaux. Dans le cas contraire, vous seriez totalement incapable de vaquer à
vos occupations les plus simples, ne serait-ce que lire ces lignes ou maintenir une position assise.
L’être humain a pourtant la plus grande capacité d’adaptation de tous les êtres vivants et son cerveau est préparé pour le changement.
Mais à maturité, nous avons développé un vaste répertoire de talents, de compétences et d’habitudes qui sont devenus des
automatismes dont il est difficile de sortir.
De façon métaphorique, nous pourrions dire qu’une habitude est comme un sentier dans la forêt, que vous empruntez des milliers de
fois. Il se défriche, se déblaie, se creuse au point de se transformer en une route dans laquelle vous vous engagez ensuite sans même y
réfléchir. C’est un peu la même chose qui se passe au plan neurologique, à tel point que vous finissez par croire que l’habitude fait
partie de votre nature. Pas étonnant alors qu’il y ait autant de résistance à la remplacer.
Donc, est-ce qu’une habitude se change ? Si vous êtes persuadé qu’elle fait partie de votre nature, il y a fort à parier que vous
trouverez inutile de faire les efforts pour y arriver. Pourtant, les recherches démontrent que c’est possible.

La plasticité cérébrale
De nombreux laboratoires de neurosciences étudient la plasticité cérébrale ou neuroplasticité, la résilience du cerveau et les capacités
de faire de nouveaux apprentissages et de développer de nouveaux talents, que ce soit dans l’enfance, à l’âge adulte et au troisième
âge. Les résultats de leurs recherches démontrent que le cerveau est extraordinairement souple et flexible et qu’il peut se transformer
pour abandonner des modes de pensée inadaptés ou périmés et pour en adopter de nouveaux.
Il est donc possible d’apprendre à tout âge, même s’il y a un pic d’efficacité pendant la période de croissance. Mais il faut comprendre
que cet apprentissage se fait différemment à l’âge adulte. Bébé ou enfant, votre cerveau s’est façonné en recevant l’information sans y
prêter attention, de façon quasi involontaire. Pensez par exemple à la marche et à l’acquisition de la langue maternelle. Adulte, il se
modèle à la suite d’une action délibérée et l’apprentissage part d’une décision.
Si, enfant, vous avez aisément assimilé le français en étant immergé dans un univers francophone, à l’âge adulte, pour acquérir une
seconde langue, vous devez le décider et prendre en main votre apprentissage. Vous en êtes responsable, c’est sous votre contrôle.
C’est la même chose en ce qui concerne les habitudes négatives. Pour en changer, vous devez d’abord comprendre qu’elles nuisent à
votre quête du bonheur, de la santé, à votre bien-être. Vous devez aussi être convaincu de l’utilité d’une manière différente de penser
ou d’agir. Vous devez ensuite décider de changer, être déterminé, puis pratiquer pour arriver à développer de nouvelles connexions
dans votre cerveau, à tracer un autre sentier.
Votre bonheur et votre bien-être, vos talents, vos compétences, vos aptitudes peuvent se modifier, s’améliorer, mais vous êtes l’agent
de ce changement.

Combien de temps pour changer une habitude ?


Un souhait ne vous est jamais donné sans que vous ayez les capacités pour le réaliser. Cependant, vous aurez peut-être à travailler pour y
arriver.
(RICHARD BACH)
Combien de temps faudra-t-il avant qu’une nouvelle conduite devienne un automatisme ? Selon une étude en psychologie du
University College de Londres 11 , il semble que le nombre magique soit soixante-six, donc un peu plus de deux mois de répétitions
quotidiennes. Bien sûr, tout dépend de ce que vous voulez développer comme habitude.
C’est par l’entraînement que vous avez appris à parler et à écrire et que vous réussissez même à déchiffrer le difficile code des
émotions et du langage non verbal. C’est aussi par la répétition et la persévérance que vous adopterez des comportements différents et
développerez des manières plus positives de penser. Nous vivons à l’ère de l’instantané, du presse-bouton, de la vitesse, des diètes
miracles et de la satisfaction immédiate des désirs ; mais l’effort reste la composante nécessaire à l’acquisition d’un nouveau
conditionnement.

La vigilance
Si vos habitudes de longue date résistent autant à vos efforts, c’est aussi qu’elles sont déclenchées automatiquement par des situations
que vous rencontrez fréquemment. Nous l’avons dit, les habitudes s’acquièrent par la répétition. Elles deviennent inconscientes et se
faufilent facilement sous votre écran radar. Et vous les refaites alors sans réfléchir, de manière réactive.
Pour éviter de revenir en arrière, certains auteurs 12 proposent de surveiller soigneusement les dérapages et retours en arrière et, quand
ils se présentent, de se commander à soi-même : Ne fais pas ça ! À court terme, cette attention vigilante est la stratégie la plus efficace
parce qu’elle vous aide à prendre note de l’habitude ancienne et vous rappelle votre intention de la changer.
7. Extrait de l’émission télévisée québécoise On prend toujours un train pour la vie , diffusée le 12 juillet 2009 sur les ondes de Radio-Canada.
8. Daniel Goleman, Focus : attention et concentration. Les clefs de la réussite , Paris, Robert Laffont, 2014.
9. Si vous vous sentez un peu submergé par l’ampleur de cette question et ne savez pas par où commencer, nous vous renvoyons aux chapitres 2 et 3 de notre livre Oser changer. Mettre le cap sur ses rêves . Vous y
trouverez une méthode pas à pas qui a déjà grandement aidé des milliers de personnes à mener à bien cette étape capitale.
10. Marc-Olivier Vachon, « Innovation et compétence : pas toujours bon ménage », OSERChanger.com, mars 2015, http://oserchanger.com/blogue_2/innovation-competence
11. Phillippa Lally et al. , « How Are Habits Formed: Modelling Habit Formation in the Real World », 40, European Journal of Social Psychology , 16 juillet 2009, p. 998-1009,
http://repositorio.ispa.pt/bitstream/10400.12/3364/1/IJSP_998-1009.pdf
12. Jeffrey M. Quinn, Anthony Pascoe, Wendy Wood, David T. Neal, « Can’t Control Yourself? Monitor those Bad Habits », Personality and Social Psychology Bulletin , avril 2010, 36/4, p. 499-511.
Quatrième partie

DES MOYENS POUR PRENDRE DE L’ALTITUDE


7
Vos croyances et vos règles pour lâcher prise
On ne possède pas une croyance,
c’est elle qui nous possède.
(ELLY ROSELLE)
Nous nous attardons dans ce chapitre sur l’importance des certitudes que vous entretenez, car pour arriver à lâcher prise, vous devez
considérer que c’est possible, estimer que vous en avez les capacités ou que vous pouvez les développer, croire à la vie et en l’avenir.
En un mot, vous devez avoir des croyances positives sur lesquelles vous appuyer.
Chaque seconde, vos sens sont bombardés par environ deux milliards de fragments d’informations. Si vous essayiez de gérer ce flux
de données, vous deviendriez fou. Pour préserver votre santé mentale, vous les filtrez avant que votre cerveau ne procède à leur
traitement et n’en génère une représentation, formant ainsi votre carte du monde unique qui vous donne votre compréhension
personnelle de la réalité.
La croyance est un de ces filtres perceptuels. Elle commence par une simple idée qui est tellement répétée, que ce soit par vos parents,
vos éducateurs, les médias, la culture ambiante, qu’elle s’ancre en vous comme une certitude indiscutable que vous continuez
d’entretenir.
Elle agit comme un filtre parce qu’elle vous fait privilégier certaines informations et en éliminer d’autres, façonnant ainsi votre
manière d’interpréter le monde. Elle modèle vos attentes, détermine comment vous allez réagir aux événements et aux personnes que
vous rencontrez. Elle n’est pas la réalité, mais vous agissez comme si elle l’était.
De la même manière, les croyances que vous entretenez à propos du lâcher-prise et de vos capacités à le mettre en œuvre vont, selon
le cas, ralentir ou accélérer le processus. Voilà pourquoi il est si important d’en prendre conscience et de vérifier si elles vous aident ou
vous nuisent à lâcher prise. Elles vont déterminer le potentiel que vous allez ou non mobiliser.

L’effet Pygmalion
Pour mieux comprendre l’impact d’une croyance, rappelons l’expérience menée par deux chercheurs
américains 13 . Ayant œuvré dans le monde de l’éducation, ils ont voulu examiner l’hypothèse selon laquelle
les croyances des enseignants et leurs attentes à l’égard d’élèves issus d’un niveau socio-économique faible
contribuaient au taux élevé d’échec chez ces enfants. En début d’année scolaire, ils ont fait passer un test
d’intelligence (QI) à tous les écoliers du primaire d’une institution publique d’enseignement située dans un
milieu socio-économique faible. Puis ils ont mentionné aux éducateurs que les résultats de ce test allaient
permettre de repérer ceux parmi leurs élèves qui étaient les plus susceptibles de faire des progrès
intellectuels rapides et au-dessus de la normale pendant l’année, qu’ils aient été ou non de bons élèves par le
passé.
À la fin de l’année, les résultats d’un second test d’intelligence sont venus démontrer que les enfants qu’on
avait identifiés au préalable comme ayant le plus de potentiel avaient vu leur score de QI s’apprécier de
12 points en moyenne, comparativement à 8 pour le reste de la classe. Cette augmentation allait jusqu’à
20 points et plus chez des élèves des premiers niveaux élémentaires.
Le plus intéressant dans tout cela, c’est qu’au départ, rien ne distinguait ces élèves supposés plus doués
puisque les chercheurs les avaient choisis au hasard. Comment expliquer qu’en fin d’année, ils aient reçu de
meilleures évaluations personnelles et des notes plus élevées, alors que les autres étaient vus comme moins
curieux, moins intéressés et ayant moins de chances de réussir dans l’avenir ? C’est la croyance des
enseignants dans les capacités intellectuelles supérieures de ces élèves qui a fait toute la différence. C’est ce
qu’on a appelé l’effet Pygmalion ou l’autoréalisation des prophéties 14 .

Vos croyances paralysantes


Quand vous pensez à lâcher prise dans une situation donnée, qu’est-ce qui vous traverse l’esprit ? Est-ce que vous considérez cela
comme de la fuite ou de la lâcheté ? Croyez-vous qu’en passant à autre chose, vous allez donner raison à la personne qui vous a
offensé, blessé ? Est-ce que, pour vous, ce serait une manière de nier le problème ?
Continuez-vous à vous accrocher à l’idée que la vie est injuste, que les choses auraient dû se passer autrement, que vous ne méritiez
pas ça ? Croyez-vous qu’il soit impossible de lâcher prise sur un geste impardonnable ? Que vous n’y arriverez jamais ? Autant
d’affirmations qui laissent entendre que lâcher prise n’est pas une bonne chose et que c’est au-delà de vos capacités. Autant d’idées qui
renforcent aussi votre résistance.
Et si, plutôt que de trouver mille raisons pour vous justifier d’entretenir l’une ou l’autre de ces croyances, vous preniez quelques
instants pour mesurer l’effet qu’elles ont sur vous ? Demandez-vous si elles vous font vous sentir bien, si elles vous aident à tourner la
page, si elles vous facilitent la vie, ou si, plutôt, elles vous paralysent, vous empêchent d’avancer et retardent votre retour à la vie.
Dans ce dernier cas, il est peut-être temps d’apprendre à les mettre en doute et de commencer à entretenir des croyances plus aidantes.

Mes croyances
Choisissez une situation dans laquelle vous cherchez à lâcher prise. Prenez quelques instants pour réfléchir,
puis écrivez ce qui vous passe par la tête quand vous pensez à lâcher prise dans ce contexte donné. Quelles
sont les raisons qui font que vous n’y parviendrez pas ? Notez toutes les réponses qui vous viennent à l’esprit.
Nous vous suggérons de formuler vos phrases comme si une autre personne s’adressait à vous : « Tu n’y
arriveras jamais parce que… » Ou encore, complétez les énoncés suivants : « Lâcher prise, dans mon cas, ce
serait… », « Lâcher prise, pour moi, c’est… », « Il m’est impossible de lâcher prise parce que… »
Évaluez ensuite l’effet positif ou négatif de vos réponses sur vous. Inscrivez le signe + si cela vous soutient et
vous stimule pour avancer (croyance aidante) ou le signe - si vous jugez que cela vous paralyse et vous nuit
(croyance paralysante).
Encerclez la croyance qui vous semble la plus nocive, limitative, et si possible celle qui vous soutient
davantage.

Comment modifier une croyance paralysante ?


C’est toujours une bonne idée de vous distraire avant d’accomplir des exercices comme ceux que nous vous proposons. Trouvez des
manières de faire naître en vous des états d’esprit qui vont vous rendre plus disponible. Écoutez une musique qui vous élève, relaxez,
nourrissez votre esprit de beau, retrouvez dans votre mémoire des moments de pur bonheur et revivez-les, regardez jouer les enfants,
prenez un long bain, privilégiez les gens et les conversations qui vous font du bien, allez marcher dans la nature, immergez-vous dans
un passe-temps pendant au moins 30 minutes, méditez, etc.
Vous savez très bien que vous ne pouvez forcer un véhicule qui roule à 100 km/h vers le sud à changer de direction instantanément et
filer à 100 km/h vers le nord. C’est la même chose lorsqu’il s’agit de modifier une croyance. Voilà pourquoi rien n’y fait quand
quelqu’un vous répète de penser à autre chose et de cesser d’entretenir une idée qui vous nuit.
Vous pouvez cependant arrêter d’alimenter le train de pensées qui vous rendent malheureux et nourrir votre esprit de choses qui vous
feront tranquillement prendre une autre voie. Ne vous attendez pas à un saut quantique, surtout si vous entretenez cette idée depuis
longtemps et qu’elle est bien ancrée. Cela se fera une pensée à la fois.
Pour modifier une croyance paralysante, vous devez la mettre en doute pour, progressivement, faire place à celles qui favorisent le
lâcher-prise. Voici une approche plus cognitive qui vous aidera à l’ébranler.
Choisissez une croyance parmi les plus limitatives que vous avez notées plus haut et écrivez quelques mots pour expliquer comment
elle vous nuit et retarde votre développement. Puis répondez à ces quelques questions.

A. Qu’y a-t-il de ridicule ou d’absurde dans cette idée ? Par exemple, n’est-ce pas aberrant de croire qu’en passant à autre chose,
vous allez donner raison à la personne qui vous a blessé ou que c’est de la lâcheté ? Non seulement vous avez donné à
quelqu’un d’autre le pouvoir de vous offenser, mais en restant accroché, vous lui accordez aussi celui d’agir encore sur vous,
alors qu’il est probablement passé à autre chose et n’y pense plus.
B. D’où vous vient cette croyance ? Qui vous a convaincu que lâcher prise, c’est vous dégonfler ? La personne qui vous a
transmis cette idée est-elle vraiment un modèle que vous voulez suivre ? Vous semble-t-elle heureuse, bien dans sa peau ?
C. Quel prix devez-vous payer actuellement pour continuer d’entretenir cette croyance ? Comment cela affecte-t-il votre
existence, vos relations sociales, votre santé physique et psychologique, votre équilibre ?
D. Quel sera le prix à payer dans l’avenir si vous gardez cette croyance et persistez à en vouloir à quelqu’un ou à la vie en
général ? Que va-t-elle vous coûter à long terme ? Quel prix votre famille et les gens que vous aimez devront-ils payer si vous
ne la modifiez pas ?

Prenez conscience des mots qui expriment une généralisation comme : personne , toujours , jamais , rien . Par exemple : « Il n’y a
rien y faire », « Je n’y arriverai jamais », « La vie est toujours injuste avec moi. » Réalisez à quel point vous vous enfermez vous-
même entre quatre murs en vous répétant de telles phrases.

Les croyances qui vous aident


Prenez maintenant le temps de retrouver les croyances qui vous soutiennent déjà. Vous en avez certainement quelques-unes qui vous
ont aidé à cheminer, à un moment ou l’autre de votre vie, et qui méritent d’être réactivées. Ce sont des alliées qui sommeillent et qui ne
demandent pas mieux que de vous assister. Peut-être les quelques idées suivantes vous permettront-elles de les mettre en valeur. Voyez
celles qui peuvent s’appliquer à votre situation.

Une bonne partie de ma souffrance est inutile ou superflue.


Ce n’est pas parce que je suis blessé ou bouleversé que je dois souffrir indéfiniment.
Je ne suis pas obligé de traîner ma peine partout où je vais.
Cette situation ou cette personne n’est pas importante au point d’empoisonner toute ma vie.
La colère m’empêche de prendre une meilleure décision.
Même si je reste bouleversé et persiste à l’être, cela ne changera rien aux faits.
Lorsque je blâme autrui pour mon malheur présent, pour mes émotions pénibles, je lui donne une emprise sur mon bien-être.
Je ne peux pas changer le passé ni la personne qui m’a blessé.
Les choses ne se produisent pas pour rien et je peux en tirer un enseignement utile.
Peu importe ce qui arrive, il y a une occasion à saisir.

Pour vous motiver à développer ces croyances, imaginez un instant les sentiments positifs qu’elles vont provoquer en vous, les portes
qu’elles vont vous ouvrir, l’espace qu’elles vont vous donner pour respirer et éventuellement passer à autre chose. Pourquoi ne pas
vous inspirer de personnes qui, dans une situation qui s’apparente à la vôtre, ont réussi à lâcher prise et à insuffler un nouvel élan à leur
vie avec des croyances aidantes ?

Vos règles ou modes d’emploi


Être heureux, c’est une disposition.
Tu ne peux pas être heureux en amour
si tu n’as pas une disposition à être heureux.
(YASMINA REZA)
Qu’est-ce qu’une règle ? C’est un ensemble de choses qui doivent se passer pour aboutir à un résultat donné. Cela s’appelle aussi un
mode d’emploi. Par exemple, quand vous faites un gâteau au chocolat, il y a une recette, une méthode à respecter.
C’est un peu la même chose dans le domaine émotionnel. Vous avez vos propres règles sur ce qui doit se passer pour que vous
ressentiez telle émotion, pour qu’un de vos besoins soit satisfait ou qu’une de vos valeurs soit respectée. Quand vous vous mettez en
colère, c’est qu’il s’est passé quelque chose dans vos pensées et dans votre environnement qui vous a amené à ressentir cet état
d’esprit.
Comment expliquer que deux personnes placées dans une situation identique ne vivront pas la même chose, que l’une sera blessée,
par exemple, alors que l’autre sera amusée ou indifférente ? Elles n’ont pas les mêmes règles.
Vous allez les reconnaître, dans le langage courant, quand vous ou votre interlocuteur commencez vos phrases par l’une des
expressions suivantes : il faut , il faudrait , il ne faut pas , je dois , je devrais , je ne dois pas , les gens devraient , ne devraient pas , je
peux , je pourrais , je ne peux pas , etc.
Nous avons vu au chapitre 2 quelques règles inapplicables à propos de la manière dont les choses devraient se passer, de la façon dont
les gens devraient se comporter envers vous :

la vie devrait être juste ;


mes parents n’auraient pas dû me traiter ainsi ;
les gens devraient toujours dire la vérité ;
mon conjoint devrait être fidèle ;
il y a des choses qui ne se font pas ;
il y a des gestes que je ne peux pas pardonner.

Les règles se révèlent également dans les phrases comportant la formule si… alors… « S’il m’aimait, alors il ne ferait pas cela », « Si
mon supérieur avait le souci de ses employés, alors il n’agirait pas ainsi », « Si j’allais chercher de l’aide, alors je démontrerais de la
faiblesse. »
Certaines règles sont plus aidantes : « Si les autres le peuvent, alors je le peux aussi », « Si je m’y mets vraiment, alors je peux y
arriver », « Si je change, alors les choses autour de moi vont changer également. »
Est-ce que vos propres règles vous donnent la permission de passer à autre chose, de lâcher prise, ou vous rendent-elles cela difficile ?
L’exercice que nous vous proposons devrait vous fournir de bons indices.

Mes propres règles pour lâcher prise


Choisissez une situation dans laquelle vous arrivez difficilement à lâcher prise.
Répondez ensuite à ces questions : que faudrait-il pour que je lâche prise ? De quoi ai-je besoin pour me
permettre de passer à autre chose ? Que devrait-il se produire, soit en moi soit autour de moi ?
Vous pouvez commencer vos phrases par : Il faudrait que… Il ne faudrait pas que… Je devrais… Les réponses
que vous allez trouver sont vos règles personnelles.
Évaluez maintenant si ces règles sont sous votre contrôle, c’est-à-dire si elles dépendent de vous. Supposons
que vous vous dites : « S’il change, alors je pourrai lui pardonner et lâcher prise. » Voilà un bel exemple d’une
règle dont l’application est hors de votre contrôle. En effet, le changement qu’opérera ou pas une autre
personne ne dépend pas vraiment de vous, mais d’elle.
Évaluez en même temps si ces règles sont à votre portée. Vous vous condamnez peut-être à l’échec avec des
règles inaccessibles ou dont la mise en pratique est trop difficile.
Décidez ensuite de nouvelles conditions plus raisonnables, sous votre contrôle, qui rendront le lâcher-prise
plus faisable.

13. R. Rosenthal, L. Jacobson, L., Pygmalion in the Classroom , New York, Holt, Rinehart & Winston, 1968.
14. Nous avons abondamment traité des croyances dans notre livre Oser changer. Mettre le cap sur ses rêves . Vous en apprendrez davantage sur la manière dont elles se forment, leur origine, leurs différences, les
étapes pour modifier une croyance paralysante, leur rôle dans la construction de l’image de soi, celles qui sont associées à la réussite, etc.
8
L’art des bonnes questions
Les personnes qui ont du succès se posent
de meilleures questions et, comme résultat,
elles obtiennent de meilleures réponses.
(ANTHONY ROBBINS)
La maïeutique, ça vous dit quelque chose ? Non, ce n’est pas un insecte ni une sorte de canard exotique. C’est une technique attribuée
au philosophe Socrate, qui consiste à interroger une personne pour lui faire verbaliser des connaissances qu’elle avait déjà, pour
l’amener à exprimer un savoir caché. Cet art de la question pourrait vous permettre de provoquer des états d’esprit positifs en vous, de
trouver des solutions et de lâcher prise plus rapidement. Voyons comment.
Pour bien comprendre, il faut savoir que ce à quoi vous accordez votre attention ou ce que vous entretenez dans vos pensées
déclenche des états d’esprit qui seront, selon le cas, positifs et aidants, neutres ou négatifs. Même si vous vivez dans un univers où il y
a beaucoup de choses que vous ne pouvez influencer ou contrôler, vous avez cependant du pouvoir sur le focus de votre attention, si
vous nous permettez cet anglicisme, c’est-à-dire sur ce à quoi vous prêtez attention. Vous pouvez également modifier votre point de
vue sur les situations et les gens. Et c’est là qu’une question bien posée peut vous venir en aide.
Remarquez bien ce qui se passe quand vous interrogez quelqu’un en lui demandant, par exemple, de se rappeler le nom d’une
personne ou d’un endroit. Vous le verrez aussitôt chercher dans sa mémoire pour trouver la réponse, parfois même pendant plusieurs
minutes. Vous avez orienté son attention. Les bons enseignants et les philosophes ont compris ce phénomène depuis longtemps.
Faites-en l’expérience tout de suite avec l’une de ces questions : qui est-ce que j’aime ? Qui m’aime ? Si vous avez pris le temps de
répondre, vous avez constaté que vos pensées se sont envolées vers une personne qui est associée à des émotions positives. Vous l’avez
peut-être vue dans votre cinéma intérieur, ou bien vous avez imaginé sa voix. Impossible alors de ne pas vous sentir bien si vous vous
êtes attardé un moment à penser à cette personne. C’est là tout le pouvoir d’une question. Et c’est là aussi une façon qu’a le cerveau
d’appréhender la réalité.
Ainsi, quand vous n’aimez pas une situation donnée, au lieu de fixer votre attention sur ce que vous détestez, par exemple en en
parlant constamment avec les autres, demandez-vous plutôt : qu’est-ce que je veux vraiment ? Qu’est-ce que j’ai à apprendre de cette
situation désagréable ? Qu’est-ce qu’il faudrait que je change pour que cela fonctionne comme je le souhaite ?
Vos réponses vous permettront non seulement d’avancer et de diriger votre attention dans un sens constructif, mais également de
modifier votre état d’esprit pour le mieux.

Mais qu’est-ce qu’une bonne question ?


Les questions que vous vous posez de façon régulière et les réponses que vous y apportez ont donc la capacité de vous mobiliser, ou
au contraire de vous paralyser. La bonne question, c’est celle qui oriente votre attention sur cette partie de la réalité où sont vos
ressources, où se situent votre pouvoir personnel et votre créativité, où se trouvent les solutions.
Vous ne pourrez jamais savoir avec certitude pourquoi vous souffrez. La souffrance est en effet multifactorielle. Certaines de ses
causes peuvent appartenir au présent, d’autres au passé. Certaines sont relatives à vos croyances, à vos valeurs ou même au hasard. Et
il n’est pas sûr que les connaître toutes vous permettrait davantage de lâcher prise, de ne plus vous sentir victime.
Voici donc quelques questions aidantes qui devraient orienter votre attention vers de meilleures solutions et faciliter le lâcher-prise.

Quelles raisons ai-je d’être satisfait de ma vie, heureux ?


Puis-je mettre autant d’énergie à m’y concentrer que je le fais sur ma mauvaise fortune ?
Que pourrais-je apprendre ou développer chez moi pour alléger ma souffrance ?
Qu’est-ce qu’il y a chez moi qui attire ce genre de situation ?
Pourquoi les circonstances extérieures ont-elles une si grande influence sur mes émotions ?
Pourquoi ai-je tant besoin de me protéger ?
Qu’y a-t-il de si intelligent et de si utile dans l’anxiété ? Dans le fait de souffrir ?
Qu’ai-je à gagner en étant une victime ? Quels bénéfices est-ce que j’en retire ?
Pourquoi est-ce que je tiens tant à souffrir du comportement des autres ?
Mes sentiments négatifs à l’égard d’une personne donnée sont-ils bons pour moi ? Pour cette personne ?
Est-ce que je préfère les applaudissements et l’approbation des autres, ou bien une vie où je respecte mes valeurs ?

Si vous souhaitez entreprendre une démarche de lâcher-prise, nous l’avons déjà dit, vous devez prendre la responsabilité de vos états
d’esprit et cesser de croire qu’ils dépendent uniquement des événements extérieurs. Sinon, vous êtes voué à être contrôlé par eux,
victime impuissante du temps qu’il fait, d’un résultat sportif ou de l’humeur des gens qui vous entourent. Et cela commence en vous
demandant consciemment à qui et à quoi vous voulez faire cadeau de votre attention.

Apprendre à positiver
Les choses ne changent pas, tu changes
ta façon de regarder, c’est tout.
(CARLOS CASTANEDA)
Positiver un événement, c’est-à-dire le recadrer positivement, est une technique popularisée par la programmation neurolinguistique
(PNL). Elle consiste à exercer votre capacité à restructurer positivement un événement et une situation qui semblent négatifs. Cela
permet de donner un autre sens à une expérience vécue. En fait, vous faites sans doute du recadrage sans vous en rendre compte,
comme monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme qui apprend, en parlant avec son maître de philosophie, qu’il fait de la
prose sans le savoir depuis longtemps.
Vous connaissez probablement des gens qui, dans une conversation, s’attardent aux éléments négatifs d’une situation. Et d’autres qui
ont ce don d’aiguiller habilement le dialogue sur des aspects plus positifs auxquels vous n’aviez pas pensé. Selon le cas, ils font du
recadrage négatif ou positif.
Par exemple, quelqu’un est muté dans un autre département et se dit que cela lui permettra de connaître de nouvelles personnes. Il
oriente son attention sur un côté positif de la situation, changeant ainsi sa perspective et, conséquemment, son état d’esprit.
On a un jour demandé à Edison s’il n’était pas découragé après dix mille tentatives infructueuses pour inventer l’ampoule électrique.
« Je n’ai pas échoué, aurait-il répondu. J’ai simplement trouvé dix mille solutions qui ne fonctionnent pas. »
Il est toujours plus facile de positiver pour quelqu’un d’autre. Mais cette stratégie prend toute sa force lorsque vous l’utilisez pour
vous-même. Quand survient une situation difficile ou une contrariété, exercez-vous à guider votre attention vers des aspects plus
positifs de votre réalité. Évitez les questions suivantes qui font naître des états d’esprit démobilisants.

Pourquoi ces choses-là n’arrivent-elles qu’à moi ? (Impuissance, sentiment d’être une victime)
Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela ? (Culpabilité)
Pourquoi personne ne se préoccupe-t-il de moi ? (Abandon, injustice)
Pourquoi tout ce que j’entreprends ne fonctionne-t-il jamais ? (Généralisation qui entraîne découragement et culpabilité)
Pourquoi X n’admet-il pas ses torts ? (Un rappel : vous n’avez pas de contrôle sur les autres)
Qu’est-ce que je dois faire pour que les gens m’approuvent ? (Manque de confiance, mésestime de soi)

Nous disons de ces recadrages qu’ils sont négatifs parce qu’ils orientent votre attention vers des idées déprimantes, des croyances qui
minent votre assurance, qui provoquent des sentiments de doute, d’impuissance, d’accablement, d’être une victime ou un martyr, et
qui, en bout de course, engendrent du stress.
Bien sûr, le recadrage a ses limites et demande un peu d’effort et d’entraînement (voir plus loin : « Apprendre à positiver »). Mais il
vous permet de prendre du recul, de relativiser les choses, de modifier votre perception des événements, des gens, des situations et,
donc, votre état d’esprit.
Ne rejoignez pas ceux à qui la souffrance donne une raison d’être, un sens, une identité. Vouloir centrer votre attention ailleurs, c’est
aussi accepter de lâcher prise. Avec le temps et la pratique, cela deviendra de plus en plus simple.

Apprendre à positiver
1. Écrivez quatre ou cinq pensées négatives que vous entretenez sur vous, sur une situation au travail,
sur un changement que vous devez traverser.
2. Trouvez ensuite au moins une signification positive pour chacune de ces pensées (davantage si vous le
pouvez).

Pour vous aider, vous pouvez vous demander :

Qu’y a-t-il d’absurde ou de ridicule dans cette opinion négative sur moi ?
Est-ce que je suis toujours comme ça ?
Comment pourrais-je analyser autrement cette situation ?
Qu’est-ce que je dirais pour aider une personne qui pense ainsi ?
Qu’est-ce qu’il y a de positif dans ce changement ?
Comment verrai-je cette situation dans dix ans ?
De quoi suis-je fier ?
Qu’est-ce que j’aime dans mon travail, dans ma vie ?

Comment augmenter votre motivation à lâcher prise


Les questions peuvent aussi vous stimuler à lâcher prise. Pour simplifier la compréhension de la motivation, d’où émanent la plupart
de vos actions, et pour utiliser celle-ci à votre avantage afin de lâcher prise, voici une explication qui vous permettra de vous y
retrouver.
Il existe deux grandes forces qui nous poussent à agir : l’évitement de la souffrance et la recherche du plaisir. La majorité des gens
sont davantage motivés quand leur action leur évite un malaise, un inconvénient, un conflit, un inconfort, une souffrance. Leur source
de motivation est l’évitement. Ils voudront par exemple éviter d’éprouver un sentiment désagréable comme une peur (celle d’être jugé,
blessé, critiqué), ou se soustraire à la perte de quelque chose (l’amour, un avantage, leur emploi, un statut).
Certains autres sont plus motivés quand leur action leur permet d’atteindre un but, un objectif, d’accomplir une mission, de relever un
défi, de bénéficier d’un avantage (comme la reconnaissance, l’épanouissement, l’avancement, le statut), d’obtenir des résultats
tangibles. Leur source de motivation est la recherche du plaisir.
Ces deux pôles ne sont pas mutuellement exclusifs. Il s’agit plutôt d’un continuum sur lequel vous vous situez et qui va varier selon
les domaines de votre vie, en fonction des événements, mais aussi de votre tempérament, de votre personnalité, de vos habitudes, de
votre culture, de vos apprentissages, etc. Bien sûr, votre stratégie dominante aura une incidence plus ou moins positive sur votre bien-
être. Par exemple, une personne dont la stratégie dominante est l’évitement de la souffrance va malheureusement attendre d’être
malade ou de vivre une situation psychologique malheureuse avant d’agir.
En ce qui concerne la motivation à lâcher prise, les deux stratégies coexistent, quoique dans des proportions différentes selon les
individus. Ce qui aura servi de déclencheur, c’est indéniablement la souffrance induite par un facteur de stress externe ou interne. Mais
si l’on n’a pas pris conscience du véritable problème, le désir de mettre fin à cette souffrance entraînera son lot d’actions récurrentes,
connues, inefficaces et d’autant plus nuisibles qu’elles sont souvent impulsives : fuite, vengeance, agressivité, contrôle, soumission,
autopunition, etc. Ainsi, même si elle est motivée à cesser de souffrir, le cercle vicieux de ses vieilles stratégies mentales fera que la
personne ne réussira pas à déposer les armes, à décrocher.
Quand au contraire on a bien identifié la cause véritable de sa souffrance, la perspective est tout à fait différente. Pour autant qu’on
veuille éviter les sables mouvants du connu et leur factice sécurité, qu’on accepte de renoncer aux bénéfices secondaires de la
situation, voire au besoin d’obtenir de l’attention, on pourra focaliser son énergie sur l’autre grande source de motivation, la recherche
du plaisir. Au lieu de macérer dans sa souffrance et son impuissance, on pourra alors regarder résolument vers l’avant, vers le plaisir
d’être libéré.
Nous le répétons, le cerveau ne fait pas la différence entre ce qui est réel et ce qui est imaginaire. Par exemple, il vous arrive sans
doute d’éprouver de l’inquiétude parce qu’un proche que vous attendez est très en retard et qu’il ne communique pas avec vous pour
vous prévenir. Plus le temps passe, plus l’angoisse monte, au point de devenir une souffrance intolérable. À son arrivée, force est de
constater que vous avez véritablement vécu le pire ; vous êtes vidé, épuisé, dans tous vos états, allant parfois jusqu’à exploser de colère
plutôt que de rire de soulagement.
Votre imagination peut constituer une aide précieuse pour vous projeter dans l’avenir, vers votre objectif. Ainsi, vous pouvez très bien
mentalement faire monter le régime du moteur et augmenter votre souffrance, et donc votre motivation à agir, en vous questionnant de
la manière suivante.

Que va-t-il se passer si j’entretiens cette colère, cette anxiété, cette négativité ?
Quelles vont être à long terme les conséquences sur moi, mon couple, ma famille, mes amis ?
Quels seront les impacts sur ma santé physique et psychologique, sur mon bonheur, ma vie ?
Lorsque je mourrai, que dirai-je de ce qu’aura été mon existence ? Aurai-je des regrets, des remords ?

De la même façon, les questions suivantes vont vous aider à imaginer le meilleur.

Si je fais des efforts pour changer ce conditionnement, quel en sera l’impact sur ma vie, mon bien-être, mes relations avec les
autres, mon estime de moi-même ?
Au soir de ma vie, quelle lecture ferai-je de mon parcours ?
Serai-je fier de mon évolution et surtout de cette liberté conquise à force de motivation et de persévérance ?

Il en va de nos capacités spirituelles, affectives et cognitives comme de nos capacités physiques. Rien n’est gagné d’avance. Si cela
était facile au départ, nous serions tous des champions olympiques de n’importe quelle discipline. La motivation et la persévérance
sont les nerfs de la guerre. S’il était simple de lâcher prise, tout le monde le ferait aussi naturellement qu’un enfant s’adonne au jeu.

Questionnaire : êtes-vous une personne positive ?


Certaines personnes se plaignent que les roses
aient des épines. Moi je suis reconnaissant
que les épines aient des roses.
(ALPHONSE KARR)
Vous aimeriez savoir si vous êtes une personne positive ? Voici treize mises en situation qui vous amèneront à réfléchir sur des
circonstances de la vie courante. L’ensemble de vos réponses vous fournira un indice de votre degré de positivisme.
À chaque affirmation, cochez la réponse qui vous décrit le mieux, une seule par question. Calculez ensuite vos résultats 15 .

A. Quand je pense à l’année prochaine, je crois que mes conditions générales seront meilleures que celles qui prévalent
aujourd’hui.

1. Je ne pense pas
2. Oui et non
3. J’en suis assez convaincu

B. J’éprouve de la sympathie pour la majorité des gens que je rencontre.

1. Rarement
2. De temps en temps
3. Souvent

C. Je m’arrête dans la journée pour admirer et apprécier la beauté des choses.

1. Jamais ou rarement
2. Quelquefois
3. Plusieurs fois

D. Lorsqu’une personne me fait des reproches, je peux faire la différence entre une critique constructive et utile, et une autre
destructrice qu’il vaut mieux ignorer.

1. Je n’en suis vraiment pas là


2. Ça peut m’arriver
3. J’en suis assez capable

E. Je vante les mérites de la personne que je fréquente régulièrement ou avec qui je vis (conjoint, ami) plus souvent que je ne la
critique.

1. Ce n’est pas mon genre


2. Ça peut arriver à l’occasion
3. Souvent

F. Je crois que la race humaine survivra après 2100.

1. Il n’y a rien de moins sûr


2. Oui et non
3. Bien sûr que oui

G Je me considère comme quelqu’un d’heureux.

1. Pas vraiment
2. Moyennement
3. La plupart du temps

H. Je me sens à l’aise de me prendre comme cible de mes propres plaisanteries, je suis capable de rire de moi.

1. Pas du tout
2. À certains moments
3. Je n’ai aucune difficulté à rire de moi

I. Si j’avais à dresser la liste de mes dix personnes préférées, mon nom y figurerait.

1. Pas du tout
2. Peut-être
3. Assurément

J. Je crois qu’entretenir des émotions positives a de bons effets sur ma santé physique.

1. Il n’y a pas de lien, ce n’est pas prouvé


2. Peut-être
3. J’en suis convaincu

K. Quand je fais un retour sur les derniers mois écoulés, j’ai tendance à me rappeler mes petits succès avant mes échecs ou mes
erreurs.

1. Je suis plutôt du genre à voir les échecs


2. Un peu des deux
3. Tout à fait : j’aime mieux me centrer sur les réussites

L. Quand un événement inattendu vient bouleverser mes plans, je trouve rapidement un avantage à cette nouvelle situation.

1. Pas vraiment
2. Ça peut m’arriver quelquefois
3. Presque toujours

M. Quand je surprends le regard d’une personne étrangère posé sur moi, je crois que c’est parce qu’elle a de l’intérêt pour moi.

1. Pas du tout
2. Ça peut arriver
3. Souvent

Résultats
Calculer vos résultats en suivant ce barème :
0 point pour chaque réponse 1.
1 point pour chaque réponse 2.
2 points pour chaque réponse 3.
Plus votre note est élevée, plus on peut dire que vous êtes une personne positive. Il est certain qu’avec d’autres mises en situation,
votre score aurait pu être différent. Il n’y a que vous qui pouvez dire si ce résultat reflète bien qui vous êtes. Vous trouverez ci-dessous
un commentaire pour chacune des questions.

A. Quand je pense à l’année prochaine, je crois que mes conditions générales seront meilleures que celles qui prévalent
aujourd’hui.
Votre propension à croire que les conditions seront meilleures dépend beaucoup de votre capacité à rêver de cet avenir, à vous
donner des objectifs que vous aurez envie d’atteindre, plutôt que d’être dans l’attente d’un événement extérieur comme la loterie
qui viendrait tout arranger à votre place. L’univers s’occupe de beaucoup de choses quand vous collaborez et que vous savez ce
que vous voulez.
B. J’éprouve de la sympathie pour la majorité des gens que je rencontre.
En général, la personne qui a une bonne estime d’elle-même admet que les gens ont le droit d’être ce qu’ils sont. Elle ne se
sent pas menacée par la différence et peut même éprouver de la sympathie pour l’autre en dépit de celle-ci.
C. Je m’arrête dans la journée pour admirer et apprécier la beauté des choses.
Pourquoi attendre que l’instant soit souvenir pour l’apprécier ? Un des grands aspects du bonheur, selon les chercheurs, réside
dans la faculté de savourer chaque moment, de ralentir, de prendre le temps de sentir la fleur, de noter ce qui se présente à
chaque moment dans notre vie. Apprécier, c’est se concentrer sur le plein plus que sur le manque.
D. Lorsqu’une personne me fait des reproches, je peux faire la différence entre une critique constructive et utile, et une
autre destructrice qu’il vaut mieux ignorer.
On a beau dire qu’il faut considérer les éléments positifs de la critique, celle-ci comporte nécessairement un jugement de
valeur, un reproche, une censure, un discrédit, ou tout au moins une désapprobation. Nul doute qu’apprendre comment la
recevoir permet de prendre du recul et de faire la différence entre une critique constructive et une autre qui ne l’est pas 16 .
E. Je vante les mérites de la personne que je fréquente régulièrement ou avec qui je vis (conjoint, ami) plus souvent que je
ne la critique.
Voir positivement la personne avec qui vous vivez ou que vous fréquentez régulièrement est, encore une fois, une marque
d’estime de soi ; l’autre ne menace pas votre individualité par sa différence. Dans une relation amoureuse, cette capacité à
remarquer et à exprimer la valeur de l’autre entretient le sentiment amoureux.
F. Je crois que la race humaine survivra après 2100.
L’optimiste est plus heureux, dit-on, non pas parce qu’il ne voit pas la réalité telle qu’elle est, mais parce qu’il porte un regard
différent sur elle. Or, il semble que l’optimisme soit en partie inné. Certaines personnes auraient, en quelque sorte, un ADN qui
les avantage, seraient des natures heureuses, finalement. C’est en tout cas ce que révèlent plusieurs études réalisées, par
exemple, auprès de jumeaux qui ont été séparés à la naissance. Fort heureusement, la génétique ne détermine pas à elle seule le
regard qu’on pose sur la réalité. Dans une très grande partie en effet, celui-ci dépend des stratégies auxquelles on recourt jour
après jour.
G. Je me considère comme quelqu’un d’heureux.
Les recherches en psychologie positive tendent à démontrer que l’aptitude au bonheur est déterminée dans une proportion de
50 % par des facteurs génétiques. Vous avez en quelque sorte un capital initial, un potentiel de bonheur, qui est fixé par vos
chromosomes. Votre milieu et vos conditions de vie influenceraient votre degré de bonheur dans une proportion de 10 %. Nous
parlons ici du niveau socio-économique, du statut marital et familial, de l’état de santé, de l’apparence, de l’âge. Vos
comportements, vos actions, et surtout les stratégies que vous avez développées pour diriger vos pensées et gérer vos émotions
seraient déterminants dans une proportion de 40 %.
H. Je me sens à l’aise de me prendre comme cible de mes propres plaisanteries. Je suis capable de rire de moi.
L’autodérision est une belle preuve d’estime de soi. Il ne s’agit pas de rire de soi pour s’abaisser, mais parce qu’on est sûr de
soi et qu’on ne se prend pas au sérieux. D’ailleurs, centrer son humour sur soi-même (autodérision) et non sur les autres, surtout
si on ne les connaît pas, est une belle démonstration de confiance en soi. À l’opposé, le sarcasme et l’ironie sont, avant tout, des
moyens de défense qui expriment un manque de confiance.
I. Si j’avais à dresser la liste de mes dix personnes préférées, mon nom y figurerait.
Cette question concerne votre capacité à vous estimer vous-même.
J. Je crois qu’entretenir des émotions positives a de bons effets sur ma santé physique.
Depuis une quarantaine d’années, les chercheurs continuent à accumuler des preuves démontrant que l’état d’esprit d’une
personne peut influencer son système immunitaire et sa rapidité à guérir de blessures et de maladies. Quand vous cultivez
quotidiennement les mêmes pensées négatives ou angoissantes, que vous le vouliez ou non, vous finissez par imprégner votre
esprit et toutes les cellules de votre corps de cette négativité. Il est prouvé que tout stress ressenti de façon continue a des
répercussions sur le corps, affectant la chimie corporelle, la pression sanguine, le métabolisme, le système immunitaire et même
la libido.
K. Quand je fais un retour sur les derniers mois écoulés, j’ai tendance à me rappeler mes petits succès avant mes échecs ou
mes erreurs.
Le mécanisme cognitif de la sélection (ou de l’omission) consiste, comme son nom l’indique, à choisir dans l’expérience un
aspect en particulier et à en ignorer d’autres qui nuanceraient à coup sûr la perception. C’est ce que nous appelons le focus de
l’attention. Par exemple, vous choisissez d’accorder votre attention à un désavantage ou à un inconvénient, ou au contraire à un
aspect positif. Quand vous retournez en arrière et que vous vous rappelez davantage les succès que les échecs, vous faites de la
sélection positive.
L’objectif de ce mécanisme ? Maintenir intactes votre carte du monde, la représentation que vous avez de la réalité, la
perception que vous avez de vous-même, etc. Comme votre état d’esprit dépend en grande partie de ce à quoi vous accordez
votre attention, vous pouvez changer volontairement ce focus et, donc, modifier cet état d’esprit.
L. Quand un événement inattendu vient bouleverser mes plans, je trouve rapidement un avantage à cette nouvelle
situation.
Positiver, comme nous l’avons vu plus haut, c’est exercer sa capacité à restructurer positivement un événement et une situation
qui semblent négatifs. Cela permet de donner un autre sens à une expérience. Comme nous l’avons dit, il y a des recadrages
positifs, des recadrages neutres, et d’autres qui sont négatifs.
M. Quand je surprends le regard d’une personne étrangère posé sur moi, je crois que c’est parce qu’elle a de l’intérêt pour
moi.

Cette question, encore une fois, fait référence à l’estime de soi.


15. Vous pouvez faire ce questionnaire en ligne sur notre site OSERChanger.com, http://oserchanger.com/blogue_2/2014/11/21/personne-positive-quiz. Vos résultats seront calculés automatiquement.
16. Marc Vachon, « Recevoir une critique sans être démoli : 3 stratégies », https://oserchanger.com/blogue_2/2013/10/13/recevoir-une-critique
9
Comment donner congé à vos pensées
Tout le malheur des hommes vient
d’une seule chose, qui est de ne pas savoir
demeurer en repos dans une chambre.
(PASCAL)
Il y a des moments où il faut vraiment que vous trouviez des manières de prendre du recul, de vous reposer et d’arrêter le flot de vos
pensées. D’autres où il est préférable de cesser de faire des efforts et de ramer à contre-courant de vos émotions pour choisir le chemin
de la moindre résistance.
Vous savez très bien qu’une pensée peut en attirer une autre, puis encore une autre, jusqu’à ce que vous soyez envahi par un flot que
vous ne pouvez plus arrêter. Il se produit aussi des événements qui entraînent des émotions très fortes et que vous ne pouvez
qu’accepter de vivre.
Difficile dans ces circonstances d’orienter votre attention ailleurs. C’est comme si vous tentiez de forcer un TGV filant à pleine allure
à s’arrêter rapidement pour repartir dans une autre direction. Vous ne pouvez donc pas cesser d’un seul coup d’être malheureux ou
triste pour devenir immédiatement heureux ou joyeux. Vous y parvenez une pensée à la fois. Mais là encore, il arrive que ça ne
fonctionne pas. Vous êtes débordé et le train file toujours à grande vitesse. Si vous vous sentez dépassé, il y a une bonne raison : la
capacité de votre esprit conscient à traiter l’information est limitée.
Mais s’il existait des manières de donner congé à vos pensées, de redémarrer votre esprit en quelque sorte, un peu comme vous le
faites avec votre ordinateur après un blocage ? En fait, il y en a au moins deux. Le sommeil en est une. La méditation en est une autre.

Les avantages de la méditation


Il n’est pas nécessaire de méditer au nom de Jésus,
de Bouddha ou de qui que ce soit.
Il suffit de méditer, tout simplement méditer.
(YEHUDI MENUHIN)
Beaucoup a été dit sur la méditation et ses effets bénéfiques pour contrer le stress, modifier les pensées et provoquer des émotions
agréables. Des études ont démontré qu’elle agit positivement sur le système immunitaire, la pression sanguine, la santé du cœur. Elle
aiderait à prendre de meilleures décisions et à être plus créatif. Des recherches en neurosciences suggèrent également que la méditation
améliore le fonctionnement du cerveau et qu’elle peut même transformer sa structure.
Plusieurs croient, à tort, que la méditation est un état quasi mystique atteint seulement par des pratiques ésotériques religieuses. Cela
tient sans doute au fait qu’elle a longtemps été, et est encore, au cœur de nombreuses religions et qu’elle s’est affinée depuis des siècles
dans les traditions orientales, particulièrement le bouddhisme.
Pourtant, méditer ne nécessite pas de suivre un système de pensée spécifique. Jon Kabat-Zinn 17 a laïcisé la méditation bouddhiste en
démontrant comment les techniques de méditation de pleine conscience (mindfulness meditation) peuvent être utilisées par chacun
pour surmonter le stress, l’anxiété et même la douleur et la maladie.

Quatre bonnes raisons de méditer


Méditer aide à lâcher prise
Non seulement la méditation vous rend attentif au moment présent, mais elle vous permet de cesser de vous raconter des histoires.
Nous avons parlé au chapitre 4 de la rumination mentale et de ses effets pervers. Vous connaissez la capacité de votre esprit à
imaginer des scénarios à propos d’événements passés ou à venir. Ces affabulations auxquelles vous adhérez et, bien souvent, que vous
communiquez aux autres encore et encore, entretiennent en vous toutes sortes d’émotions.
Tant mieux si elles sont positives, mais c’est rarement le cas dans la rumination qui s’accompagne de blâmes, de regrets, et qui
engendre l’anxiété et le stress.
En exerçant votre esprit à porter son attention sur un objet précis, la méditation vous permet de sortir de ces narrations et ruminations
sans fin, de votre état de transe quasi hypnotique, et de mettre de côté vos pensées obsédantes.

Méditer vous aide à réaliser que tout est en constant changement


Cette prise de conscience peut très certainement favoriser le lâcher-prise. Tout vient à passer, les événements heureux comme les plus
malheureux.
Vous avez peut-être l’impression que ce que vous expérimentez actuellement est permanent, que rien ne changera dans vos émotions,
vos croyances, votre corps, votre personnalité même. Vous êtes peut-être convaincu que ce sera toujours comme ça, que ça ne
reviendra jamais, que vous ne pouvez rien faire, que tout le monde est comme ça, que personne ne vous comprend, etc.
La vérité, c’est que tout se transforme, et c’est quand vous refusez ce changement et que vous lui résistez que vous souffrez et que
vous êtes déçu. La vie est une rivière, avons-nous dit. Un des aphorismes du bouddhisme résume très bien cet état d’impermanence :
« Comme l’étoile filante, le mirage, la flamme, l’illusion magique, la goutte de rosée, la bulle sur l’eau ; comme le rêve, l’éclair ou le
nuage : considère ainsi toutes choses. »

Par sa manière de solliciter votre attention, la méditation vous apprend à accepter et à faire
la paix avec ce qui est présent, avec la réalité du moment
Ce serait peut-être bien si tout allait toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais vous savez que c’est rarement le cas.
Vos désirs ne sont pas tout le temps comblés, vos espoirs sont parfois déçus et la réalité ne correspond pas toujours à vos attentes. Vous
restez alors accroché à ce qui aurait pu être, à ce qui aurait dû arriver, à ce que les autres pourraient ou devraient faire, au lieu de
prendre acte de ce qui est et de passer à autre chose. Et vous entrez dans la résistance, dans la souffrance et l’agitation inutiles.
Il y a souvent des vagues dans la vie, et certaines sont plus grosses que d’autres. La méditation ne les arrête pas, mais elle aide à
surfer dessus. Elle permet aussi de développer cette caractéristique que nous retrouvons chez les gens heureux : ils ne font pas de
tsunami avec ce qui n’est qu’une vague. Et quand un raz-de-marée se présente, la méditation offre un espace pour rester bien ancré au
milieu de la tourmente, sans pour autant devenir indifférent et insensible. Elle développe votre capacité à être là, présent à ce qui arrive
dans l’ici et maintenant. Elle vous aide à trouver la paix dans le moment plutôt que de lui résister, d’être misérable, stressé, anxieux,
déçu, immobilisé.
La méditation vous apprend à prendre de l’altitude pour mieux voir comment fonctionne votre esprit. Avec la pratique, elle vous
empêche de vous fixer sur les événements passés ou à venir. Et c’est cet apprentissage qui permet de sortir plus rapidement de vos
ruminations, de vos dialogues internes et des émotions négatives qui s’y rattachent.

Lâcher prise en Espagne


Nous sommes arrivés en Espagne en janvier pour y rester les trois mois suivants et jeter les bases de ce livre,
tout en passant l’hiver dans un climat plus tempéré. Nos premiers jours ont été un peu décevants et nous ont
offert l’occasion de pratiquer le lâcher-prise. En effet, pendant les quelques semaines qui avaient précédé
notre voyage, nous avions imaginé l’endroit sans le connaître, bâti des scénarios, en un mot, nous nous étions
créé toutes sortes d’attentes.
Or, la réalité, c’est que la température et les vents étaient plus froids que nous l’avions prévu, même si c’était
nettement mieux que les - 25 °C du Québec. L’endroit était plus isolé et la distance à parcourir à pied pour
nous rendre au village voisin était plus grande que nous le pensions. L’appartement n’avait pas vraiment de
vue sur la mer. Il avait trois portes qui donnaient sur un seul balcon et non sur trois. La machine à café ne
faisait pas d’aussi bons cafés que la nôtre, à la maison, et, comble de malheur, il n’y avait pas de baignoire.
Vous avez tout compris : la réalité n’était pas celle que nous avions imaginée, d’où notre déception.
Notre défi a été de mettre de côté les fantasmes que nous avions entretenus, de dépasser la résistance et le
désappointement, d’accepter la réalité et de faire la paix avec ce qui s’offrait à nous dans le moment pour
profiter de notre séjour et tirer le maximum de l’endroit où nous allions vivre et travailler.
Un peu plus tard, nous avons lu cette affiche sur la porte d’un restaurant : « No siempre podemos elegir la
musica que la vida nos toca, pero podemos elegir como la bailamos » (« Nous ne choisissons pas toujours la
musique que la vie nous joue, mais nous pouvons décider comment nous allons la danser »).

La méditation favorise la concentration.


Le monde d’aujourd’hui offre d’infinies possibilités de distraction. Celle-ci n’est pas mauvaise en soi et peut même être une bonne
manière de lâcher prise, mais cela ne suffit pas toujours.
De petits appareils, qui sont en fait des superordinateurs, vous accompagnent maintenant jour et nuit et vous distraient tout le temps.
Vous vivez dans un univers qui se caractérise par le multitâche. Selon Edward M. Hallowell, psychiatre pour la jeunesse, il provoque
un phénomène neurologique qui s’apparente au trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et qu’il nomme attention
deficit trait (ADT) 18 . Ce dernier se caractérise par la distraction, la frénésie interne, l’impatience, la difficulté à s’organiser, à mettre
des priorités, à gérer son temps, et par des problèmes de mémoire.
Or, comme le rapporte dans une très belle métaphore l’auteur bouddhiste Andrew Olendzki, le mouvement de la conscience est
comme celui d’un ruisseau qui descend vivement d’une montagne. S’il se disperse entre plusieurs embranchements, il n’en restera plus
à la fin qu’un mince filet.
De la même façon, le réservoir de votre énergie mentale diminue en proportion directe de la fragmentation de votre attention. Le
problème, selon Hallowell, n’est pas vraiment un problème de déficit, mais plutôt de dispersion de l’attention. En essayant de faire
beaucoup de choses en même temps, vous entraînez peut-être votre esprit à traiter l’information de manière plus efficace, mais au prix
de ne plus être pleinement conscient de ce que vous faites.
Parce qu’elle focalise votre attention délibérément et de manière soutenue et consistante sur une stimulation sensorielle ou un objet
psychique donné, la méditation vous permet de devenir plus conscient de ce que vous faites et de calmer votre agitation mentale.

Comment méditer
Méditer, c’est comme jeter un os à un chien, votre esprit en l’occurrence, pour le distraire. Effectivement, même si les techniques de
méditation sont nombreuses, plusieurs ont en commun d’occuper votre mental en lui donnant pendant quelques minutes un objet
d’attention sur lequel il se concentre activement, mais sans tension, et auquel vous le ramenez quand vous prenez conscience que vous
vous en êtes éloigné.
Cet os peut être un mot, avec ou sans signification, que vous répétez dans votre tête, ou un son extérieur comme l’eau qui coule, une
musique, ou le bruit rythmé d’un métronome. Ce peut aussi être une sensation physique, comme l’air qui pénètre et ressort par vos
narines, un mouvement, comme celui de votre ventre qui se soulève et s’abaisse pendant la respiration, ou celui de votre corps quand
vous marchez. Ou encore une image agréable, la lumière d’une chandelle par exemple, l’ondulation des vagues sur la mer, ou même
l’odeur de l’encens.
La méthode importe peu. Choisissez-en une qui vous semble intéressante, que vous allez garder et pratiquer régulièrement. C’est ainsi
que va se développer votre capacité à être ouvert au moment présent et à lâcher prise. Si vous êtes débutant, nous vous proposons plus
loin une technique simple pour vous familiariser avec la méditation.
Comme pour n’importe quelle capacité que vous souhaitez développer, qu’il s’agisse de bricoler ou d’apprendre une nouvelle langue,
la persévérance, la régularité et la patience sont de mise. Mais de même qu’il n’est pas essentiel d’être un athlète olympique pour
profiter d’une bonne marche tous les jours dans un parc, il n’est pas non plus nécessaire d’être un pratiquant de haut niveau pour tirer
profit d’une période quotidienne de 10 ou 15 minutes de méditation.
Si vous préférez apprendre avec un enseignant, vous aimerez sans doute vous inscrire et suivre des ateliers dans le cadre de classes de
méditation. Vous faire initier par une personne d’expérience, tout comme vous retrouver avec d’autres, pourra vous aider à maintenir
votre motivation et vous offrira le soutien dont vous pourriez avoir besoin.
Mais si vous retrouver dans un groupe est pour vous plus dérangeant qu’autre chose, il existe sur Internet plusieurs cours
d’introduction à la méditation dans lesquels un enseignant d’expérience vous guide et répond à vos interrogations.
Enfin, pour ceux qui aiment apprendre par eux-mêmes, il y a sur le marché des dizaines de livres, DVD, CD, MP3, MPEG qui vous
proposent des techniques de méditation.

Initiation à la méditation
L’objectif de cette méditation est d’entraîner votre esprit à être présent au moment présent en observant votre respiration sans la
diriger ni la changer. Une période quotidienne de 15 minutes suffit, dans un endroit calme 19 .

A. Adoptez une posture stable et confortable, assis sur une chaise, les pieds à plat au sol. Ou encore, allongez-vous avec un
coussin sous les genoux pour maintenir votre dos bien droit. Ce qui importe, c’est de vous sentir assez à votre aise pour
demeurer immobile pendant quelques minutes, pour vous permettre une respiration facile et vous détendre.
Si vous craignez de vous endormir en étant allongé, optez plutôt pour la position assise, qui vous permettra de rester alerte. En
effet, la méditation est différente du sommeil. Et si jamais vous vous assoupissez, ce qui est fréquent dans les débuts, surtout si
vous êtes très fatigué, ne vous en faites pas. Dites-vous que c’est ce dont votre corps avait besoin à ce moment-là et reprenez-
vous à la séance suivante.
B. Détendez vos épaules, placez vos mains sur vos cuisses ou vos genoux, paumes vers le haut ou vers le bas. Si vous êtes
allongé, mettez vos bras de chaque côté de votre corps et vos mains sur le plancher, ou sur votre ventre. Retenez que le but,
c’est de trouver une position qui favorise la détente. Oubliez alors la posture du Lotus ! Si, au cours de votre période de
méditation, vous sentez un inconfort, prenez-en conscience, modifiez votre posture et continuez.
C. Quand vous êtes prêt, fermez doucement les yeux ou, si vous préférez, laissez-les légèrement entrouverts avec votre regard
dirigé vers le sol et non sur les objets autour de vous. Prenez quelques profondes inspirations, relâchez l’air de vos poumons et
détendez-vous.
D. Si vous utilisez une méditation guidée déjà enregistrée, commencez-la maintenant. Sinon, procédez comme suit. Portez
d’abord attention à votre respiration, sans la modifier. Sentez l’air qui passe par vos narines, votre ventre qui se gonfle et se
dégonfle légèrement.
E. Assez rapidement, sans vous en rendre compte, vous allez être distrait et vous mettre à penser à ce qui vous préoccupe, à
planifier votre prochaine activité, à repasser dans votre esprit une conversation récente, à ruminer peut-être. Dès que vous en
prenez conscience, ramenez tout simplement votre attention à votre respiration. Reprenez contact avec l’inspiration suivante,
l’expiration qui vient après, et ainsi de suite.
Voilà, sans contredit, le véritable entraînement de la méditation : apprendre à remarquer quand votre esprit est distrait, à le
ramener à votre intention de départ. C’est un apprentissage qui s’étend au reste de votre vie et qui permet de faire cesser les
ruminations, les dialogues internes, d’interrompre la résistance avant que d’y être trop engagé.
Quand vous remarquez que votre esprit s’évade, vous pouvez aussi vous arrêter un bref instant à ce qui vous a distrait, le
temps de vous dire que vous y reviendrez plus tard. Puis ramenez à nouveau votre attention à votre respiration. Peu importe le
nombre de fois où vous êtes distrait, l’important, c’est de retourner à votre respiration dès que vous vous en rendez compte.
F. Soyez patient avec vous-même et, surtout, ne vous critiquez pas lorsque vous vous apercevez que la folle du logis vous
emporte ailleurs. Notez la distraction, souriez peut-être à cette facilité que vous avez à voyager dans le temps, et retournez à
votre respiration, au moment présent, encore et encore. Si vous remarquez qu’elle est plus tendue parce que vous y portez
attention, prenez-en note et essayez simplement de vous relaxer.

Rappelez-vous que c’est un entraînement et que, comme tout apprentissage, il demande à être répété. Ayez confiance !
Graduellement, vous vous apercevrez que vous restez connecté plus longtemps à votre respiration et au moment présent.

L’entraînement à la pleine conscience au quotidien


Nous avons dit déjà que la méditation permet de développer votre capacité à être présent d’une manière particulière à ce qui arrive, à
l’ici et maintenant, à trouver la paix dans le moment plutôt que de lui résister et d’être malheureux, à l’arrêt, stagnant. Cette qualité de
l’esprit qui remarque ce qui est présent, sans jugement, sans interférence, c’est la pleine conscience. C’est ce que certains ont appelé la
voie de l’attention vigilante. Savourer chaque instant, ralentir, prendre le temps de sentir la fleur, être attentif à ce qui se présente à
chaque moment, ne pas toujours se précipiter en avant.
La pleine conscience se développe par la méditation, cela ne fait aucun doute, mais elle peut aussi faire partie de votre quotidien.
Ronald K. Siegel, psychologue clinicien, fait une analogie avec l’entraînement à la bonne forme physique : « Il y a plusieurs manières
simples de rester en forme : nous pouvons modifier légèrement notre routine pour utiliser un peu plus notre corps. Par exemple, en
prenant l’escalier au lieu de l’ascenseur, en nous rendant au travail à bicyclette plutôt qu’en auto, ou en stationnant notre voiture plus
loin qu’à l’habitude. C’est la même chose pour l’exercice de la pleine conscience. Nous pouvons maintenir notre routine ordinaire tout
en la faisant de manière plus consciente. Par exemple, au réveil, porter une attention particulière à ce que nous ressentons en brossant
nos dents, en prenant notre douche. Et ainsi pendant toute la journée, que ce soit en conduisant pour aller au travail ou en promenant le
chien 20 . »
Les personnes qui souhaitent vraiment jouir d’une excellente condition physique voudront peut-être aller à la salle de sport, réserver
du temps en dehors de leur routine habituelle pour cultiver leur santé physique. De même, peut-être voudrez-vous prendre du temps
pour cultiver la pleine conscience en pratiquant régulièrement une technique de méditation.
La pleine conscience permet de changer votre relation avec votre expérience présente, minute après minute. C’est un peu comme si
vous pensiez avec votre corps plutôt qu’avec votre tête (voir plus loin : « Exercice de peine conscience »).
Pour Jon Kabat-Zinn, c’est un état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement et sans juger, sur
l’expérience qui se déploie moment après moment. Cela s’apparente aussi au flow (en français, « flux ») que nous aborderons au
prochain chapitre.

Exercice de pleine conscience


1. Arrêtez un moment votre lecture et répondez à cette question : qu’est-ce qui vous vient à l’esprit
quand vous pensez à vos mains ?
Vous vous dites peut-être : « Mais où veut-il en venir ? Mes mains servent à tricoter, à écrire… elles
sont longues… je peux saisir des objets avec mes mains… j’ai des taches dessus… elles vieillissent,
etc. »
2. Maintenant, prenez le temps de sentir vos mains.

Vous allez peut-être sentir la pression, la chaleur, des fourmillements, des engourdissements, le contact de
vos doigts dans votre paume ou sur l’objet que vous tenez, etc.
Cette expérience directe du corps augmente le volume sonore des messages corporels et diminue celui du
bavardage mental. Comme vous le constatez, la pleine conscience ne consiste pas à être plus attentif, mais
à cultiver une forme différente d’attention.

17. Jon Kabat-Zinn est médecin, scientifique, écrivain, enseignant de méditation et professeur à la faculté de médecine de l’université du Massachusetts (MIT).
18. Edward M. Hallowell, « Overloaded Circuits: Why Smart People Underperform », Harvard Business Review , 2005,
https://hbr.org/2005/01/overloaded-circuits-why-smart-people-underperform
19. Cette méthode est inspirée de la « Méditation guidée Expire 10 » de Moutassem Hammour, https://oserchanger.com/blogue_2/cours-de-meditation
20. Traduction d’un extrait d’une vidéo de Ronald K. Siegel, psychologue clinicien et professeur de psychologie à la Harvard Medical School, qui traite de psychologie positive et de pleine conscience,
http://oserchanger.com/blogue_2/2012/03/30/pleine-conscience-psychologie-positive
10
Entrer dans le flow
Il est impossible de profiter d’une partie de tennis, d’un livre ou d’une conversation à moins que notre attention soit entièrement concentrée
sur cette activité.
(MIHALY CSIKSZENTMIHALYI)
Cela vous est-il déjà arrivé d’être tellement plongé dans une activité que plus rien d’autre n’existait ? En bricolant, en cuisinant, en
dansant, en jardinant, en descendant une pente à ski, en faisant de la randonnée, en jouant au tennis, en lisant un bon livre, en tricotant,
en roulant en voiture dans des routes en lacets, en vous amusant avec votre enfant, etc. Vous étiez alors si engagé dans cette
occupation, et pour le simple plaisir de l’expérience, que vous n’étiez plus conscient de vous-même ni du temps qui passait.
Les sondages montrent qu’environ 20 % des personnes interrogées vivent ce type d’expérience, parfois même à plusieurs occasions
chaque jour, alors que 15 % affirment ne jamais le faire. Les athlètes se réfèrent souvent à cela en disant qu’ils sont « dans leur zone ».
Les artistes vont parler quant à eux d’extase esthétique.
Mihaly Csikszentmihalyi, psychologue hongrois et aujourd’hui professeur à la Claremont Graduats University en Californie, nomme
cette condition d’intense absorption le flow. Il le présente comme un sentiment de fluidité mentale et de concentration soutenue sur des
tâches qui mobilisent toutes nos compétences 21 . C’est en quelque sorte de la pleine conscience active et engagée.
Pensez à la personne qui pratique la voile, par exemple. Toute son attention est absorbée dans le moment présent, sur ce qui est. Ses
yeux regardent devant et autour, observent l’eau, les vagues, le gonflement de la voilure. Elle écoute les bruits sur la coque, interprète
le vent sur sa peau. Elle est à l’affût des mouvements de l’embarcation et perçoit immédiatement le moindre déséquilibre. Elle est
totalement présente à son expérience, sans distraction, avec une intention bien claire : avoir du plaisir et profiter au maximum des
éléments. Son but, c’est l’activité comme telle.
Dans le flow, comme dans la pleine conscience, vous ne jugez donc pas ce qui se présente et vous ne vous racontez pas d’histoire.
Lorsque vous commencez à évaluer et à analyser chacune de vos décisions, vous n’êtes plus présent à ce qui est dans votre
environnement, ici et maintenant. Encore moins quand vous vous comparez aux autres et que vous vous demandez si vous n’auriez pas
dû… ou s’il n’aurait pas été préférable de… Et quand vous vous évadez dans vos ruminations et que vous pensez à vos
préoccupations, aux événements d’hier ou à vos rendez-vous de demain, vous n’avez pas non plus cette qualité de l’attention de la
pleine conscience qui permet de vivre la richesse et la perfection du moment.

Les caractéristiques du flow


Csikszentmihalyi, un des plus grands chercheurs au monde dans le domaine de la psychologie positive, a montré que les expériences
de flow ont plusieurs caractéristiques communes.

A. La personne est active et engagée dans une occupation. Il est très rare d’éprouver le flow dans des loisirs passifs comme
l’écoute de la télévision.
B. Elle est concentrée sur des buts à atteindre qui sont clairs, qui offrent une rétroaction immédiate et qui sont compatibles avec
elle. Si vous n’aimez pas la voile et que vous avez la crainte de l’eau, ce n’est pas là que vous vivrez une telle expérience.
C. Bien qu’elle soit orientée vers un but à atteindre, ce n’est pas sa motivation première. En fait, c’est l’activité en elle-même qui
est gratifiante. Par exemple, votre objectif final est peut-être de confectionner une veste, mais vous retirez un grand plaisir à
vous asseoir pour tricoter et maîtriser de nouveaux points.
D. Dans le flow, les capacités de la personne sont toutes mobilisées pour relever un défi réalisable ou raisonnable, donc ni trop
facile, ni trop difficile. Il doit y avoir un équilibre entre le défi que l’activité représente et la compétence que vous avez. Jouer
à Serpents et échelles ne fera sans doute pas appel à des aptitudes particulières chez vous et ne favorisera donc pas le flow, à
moins de le faire avec un enfant et d’être immergé dans la relation que vous vivez avec lui. Peut-être vaudrait-il mieux miser
sur le jeu d’échecs ou passer au niveau supérieur d’un jeu vidéo déjà partiellement maîtrisé.
En d’autres termes, si votre expertise est élevée, mais que le défi est peu élevé, c’est l’ennui garanti. Si votre compétence est
faible et le défi trop haut, il n’y aura pas de plaisir.
E. Dans le flow, non seulement vous perdez la notion du temps, mais vous avez souvent l’impression de ne pas faire d’efforts et
vous souhaitez répéter l’activité.
F. Quand vous vivez une expérience de flow, vous n’êtes pas conscient de vous-même. Si vous l’êtes, c’est en lien direct avec
l’occupation comme telle, par exemple la position de votre corps sur la piste de ski ou le plancher de danse, ou la place de vos
doigts sur le piano, etc. Vous ne passez pas votre temps à vous demander ce que les autres vont dire ni comment seront perçus
vos gestes.
G. Enfin, tout à votre activité, vous n’êtes pas interrompu par des pensées étrangères.

Le lien entre le flow et le lâcher-prise


Le lien avec le lâcher-prise est évident. Quand vous vous engagez activement dans une occupation que vous aimez et qui est
susceptible d’entraîner des expériences de flow, vous changez complètement le focus de votre attention, vous cessez de penser à vous-
même et à vos préoccupations, vous arrêtez de ruminer sur ce que vous ne pouvez pas contrôler et vous modifiez positivement votre
état d’esprit. Et alors, vous ne voyez plus les choses de la même manière.
Le flow ne se force pas, mais vous pouvez augmenter les probabilités qu’il se produise plus souvent et profiter de ses avantages,
même si cela demande un minimum d’implication (voir plus loin : « Exercice de flow »).
Comme le souligne le psychologue Csikszentmihalyi, si vous n’avez pas développé votre curiosité dans votre enfance, n’est-ce pas
une bonne idée de le faire maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, pour améliorer la qualité de votre vie ?
Pourquoi ne pas déplacer, chaque jour, une partie de votre énergie psychique de loisirs passifs et de tâches que vous n’aimez pas
accomplir vers des occupations nouvelles et plus stimulantes ? Il y a tellement de choses à voir, à faire et à apprendre dans ce monde,
et qui peuvent devenir intéressantes si vous leur accordez votre attention.

Exercice de flow
1. Pensez à une activité que vous avez plaisir à faire et dans laquelle vous vous sentez habile.
2. Comment pourriez-vous la réaliser en sortant un peu de votre zone de confort, mais pas trop non plus ?
Rappelez-vous qu’une occupation bien en deçà de vos compétences peut être monotone alors qu’elle
sera désagréable si elle va au-delà de celles-ci.

Par exemple, si vous faites de la randonnée, pourquoi ne pas choisir un sentier un peu plus difficile ? Si vous
jouez d’un instrument de musique, pourquoi ne pas apprendre un morceau plus complexe ? En voiture,
pourquoi ne pas emprunter des chemins moins connus ?

21. Mihaly Csikszentmihalyi, Vivre. La psychologie du bonheur , Paris, Pocket, 2007.


11
S’exercer à la gratitude
Tous nos tourments sur ce qui nous manque
me semblent procéder du défaut de gratitude
pour ce que nous avons.
(DANIEL DEFOE)
La gratitude est ce sentiment qui fait apprécier la vie et que vous devriez entretenir régulièrement, un peu comme vous prendriez une
bonne vitamine. En fait, pas une journée ne devrait passer sans que vous vous arrêtiez un moment pour estimer la valeur de ce que
vous avez, pour entrer en contact avec les bienfaits et les bénédictions qui parsèment déjà votre existence.
La gratitude aide à jeter un œil derrière soi pour reconnaître le chemin parcouru et reprendre votre souffle dans votre quête incessante
d’objectifs. C’est aussi un ingrédient essentiel du bien-être et du bonheur et une belle manière de porter ailleurs votre attention, d’où
son grand intérêt pour lâcher prise.
Avez-vous remarqué combien, quotidiennement, vous pouvez être préoccupé par ce qui vous manque ou par la peur de manquer de
quelque chose ? Manque de temps, de ressources, d’argent, de santé, de compétence, de capacités, d’énergie. Manque de contacts, de
contrôle, de motivation, de plaisir, de préparation, de support, de maîtrise, de succès, de valorisation, de confiance, de certitude, de
direction, d’amour, de sens, de reconnaissance. Ce sentiment de manque commence par une impression qui, à force d’être entretenue
dans vos conversations et vos pensées, se change progressivement en conviction.
Prendre conscience de ce qui vous fait défaut n’est pas mauvais en soi. C’est un moteur important de vos désirs et de votre motivation
à agir. Mais quand vous vous sentez, à tort ou à raison, impuissant à combler ce manque, c’est la réponse de stress qui s’installe en
vous, avec tous les effets pervers que cela implique. C’est bien connu, vous devenez ce à quoi vous accordez votre attention de façon
régulière.
La gratitude, quant à elle, modifie votre état d’esprit positivement, réduit le stress et l’anxiété et vous aide à lâcher prise. D’ailleurs,
les recherches en psychologie ne cessent de démontrer les effets bénéfiques des exercices de gratitude sur la santé émotionnelle et
physique. On a demandé à des personnes de tenir un journal et d’y consigner, une fois par semaine, ce pour quoi elles éprouvaient de la
reconnaissance. Comparativement à un groupe contrôle, elles ont vu augmenter significativement leur taux de satisfaction par rapport à
la vie et ont rapporté moins de symptômes physiques et de fatigue 22 .

Pourquoi cela fonctionne-t-il ?


Vous le savez maintenant, votre état d’esprit et votre bien-être dépendent beaucoup de ce à quoi vous accordez votre attention. Il suffit
parfois qu’une personne, bien intentionnée par ailleurs, vous demande si vous pensez encore à un événement douloureux pour que
vous ressentiez aussitôt un malaise, tout simplement parce que ces souvenirs repassent dans votre cinéma intérieur. Votre état d’esprit
s’est modifié en un instant quand vous avez changé le focus de votre attention.
C’est cette même mécanique qui explique que la gratitude fait naître des émotions positives. En guidant votre attention vers le beau,
le bon, l’abondance, votre état d’esprit se modifie pour le mieux et, par voie de conséquence, vos comportements aussi.
Ici comme ailleurs, il ne faut pas viser un saut quantique et vouloir passer d’un état de dépression à l’euphorie totale ou de la
frustration à l’enthousiasme. Allez-y un pas à la fois. Trouvez une pensée plus agréable qui, à son tour, entraînera une autre pensée du
même genre, et ainsi de suite.

L’exercice de la gratitude
Vous pouvez commencer, de manière plus générale, en vous demandant de quoi vous êtes reconnaissant dans votre vie. Vous pouvez
aussi y aller plus spécifiquement, comme vous le verrez plus bas avec nos suggestions. Il s’agit ici de vous associer au sentiment du
plein, de l’abondance dans laquelle vous baignez, du positif qui vous entoure, de toutes ces choses et de tous ces gens qui enrichissent
votre existence. Si vous éprouvez de la résistance, demandez-vous : de quoi pourrais-je être reconnaissant dans ma vie si je le voulais
vraiment ?
Vous pouvez faire cet exercice le matin juste avant de vous lever, en vous rasant ou en prenant une douche, en marchant, en vous
rendant au boulot en voiture ou en métro, en revenant du travail, au moment d’aller au lit. Quelques minutes suffisent pour chercher
mentalement ce pour quoi vous éprouvez de la reconnaissance, pour vous associer aux sentiments provoqués par les images ou les
souvenirs mis au jour et vous laisser inonder par eux.
Vous pouvez repasser rapidement les domaines importants de votre existence. Qu’est-ce que vous aimez de votre vie familiale, de
votre relation avec votre conjoint, de vos enfants, de votre rapport avec vous-même ? De quoi êtes-vous reconnaissant quand vous
pensez à votre santé physique et à votre vitalité, à vos finances, à votre engagement personnel, à votre engagement professionnel, ou
lorsque vous regardez vos réussites personnelles ou professionnelles, vos relations avec vos collègues et amis ?
Commencez l’exercice en songeant à la chance que vous avez d’être vivant, de pouvoir respirer, d’être une étincelle de vie et d’avoir
encore une journée devant vous pour profiter de l’existence. Savourez les bienfaits que vous apportent vos sens. N’est-ce pas un
bonheur de pouvoir admirer les beautés de la nature, les œuvres des grands peintres, les sourires des gens ? De pouvoir sentir les
odeurs des mets et les meilleurs parfums, de vous laisser toucher par le soleil ou le vent, par une autre personne ? N’êtes-vous pas
comblé de goûter les aliments, d’entendre les musiques que vous préférez, les voix des gens que vous aimez, le bruit de la rivière et du
vent dans les feuilles ?

Soyez reconnaissant pour votre santé, pour l’énergie qui vous anime et qui vous permet d’accomplir tellement de choses,
d’entreprendre des projets, de relever des défis, de créer.
Pensez ensuite aux personnes que vous aimez, qui vous aiment et dont la présence est une vraie bénédiction, que ce soit votre
conjoint, vos enfants, vos petits-enfants, votre famille, vos amis. Imaginez leur visage en vous rappelant ce que vous appréciez
le plus d’elles.
Mesurez la chance que vous avez de voyager et revoyez les images des endroits que vous avez beaucoup aimés. Songez au
confort dans lequel vous vivez au quotidien, à votre maison chaleureuse où vous recevez vos enfants, vos amis.
Pensez à la nature qui n’est jamais bien loin et dans laquelle vous pouvez vous promener à l’occasion.
Considérez à quel point vous êtes fortuné de pouvoir vivre dans un pays en paix, de pouvoir profiter de connaissances
inépuisables et si accessibles pour en apprendre sur tout ce qui vous intéresse et tout ce qui vous passionne.
Reconnaissez les facilités incroyables mises à votre service par la technologie.
Rendez grâce pour cette chance que vous avez de faire un travail que vous aimez et qui vous anime. Repensez à ces gens qui
vous ont donné l’occasion d’avancer personnellement et professionnellement. Ayez de la gratitude pour les qualités et les
talents qui sont les vôtres.
Bénissez tout simplement l’instant présent.

Bien sûr, ce qui n’allait pas est encore là. Mais ces quelques minutes pendant lesquelles vous vous êtes concentré sur les richesses de
votre vie auront été suffisantes pour distraire votre attention et faire naître des états d’esprit positifs.
C’est le bon moment pour regarder ce que vous appréciez de la personne avec qui vous éprouvez des difficultés, ou ce que vous
estimez dans votre travail, même si vous y vivez des heures plus graves.
En reprenant contact régulièrement et même quotidiennement avec les nombreux bienfaits de votre existence, vous ne faites que
reconquérir une grande partie de celle-ci et vous permettez à votre esprit de lâcher prise plus aisément.
22. Sonja Lyubomirsky, Kennon Sheldon, David Schkader, « Pursuing Happiness: The Architecture of Sustainable Change », Review of General Psychology , 9, 2005, p. 111-131.
12
Comment améliorer et maintenir son estime de soi
Plus vous vous aimez, moins vous êtes comme
tout le monde, ce qui vous rend unique.
(WALT DISNEY)
La plupart des problèmes de santé mentale et beaucoup d’ennuis physiques sont reliés, d’une façon ou d’une autre, au manque
d’estime de soi. Le peu de considération que vous avez pour vous-même peut, en effet, vous conduire à outrepasser vos limites, à mal
gérer votre temps, à prendre de mauvaises décisions et à vous précipiter, à plus ou moins brève échéance, dans le stress et
l’épuisement.
Au travail, dans votre vie de couple ou familiale, dans vos relations interpersonnelles, le niveau d’estime que vous avez envers vous-
même se reflétera dans vos choix et fera qu’ils seront plus ou moins heureux. Or à long terme, les conséquences de choix malheureux
peuvent être dévastatrices. À moins d’en prendre conscience et d’agir en conséquence, le manque d’estime de soi peut donc modifier
négativement le cours de votre vie. Plus encore, vous risquez de transmettre les racines de ce mal à la génération suivante. La famille
est en effet le terreau où naît et se développe l’estime de soi.
Nous présenterons donc ici certaines stratégies qui, si elles sont pratiquées régulièrement, peuvent contribuer à développer et à
maintenir une bonne estime de soi-même et une attitude plus constructive à l’égard de soi.

La place de l’estime de soi dans votre échelle de valeurs


Les valeurs constituent la motivation la plus puissante qui soit et expliquent tous vos comportements, qu’ils soient conscients ou non.
Comme chacun possède une hiérarchie de valeurs qui lui est bien personnelle, nous faisons donc tous des choix différents. L’estime de
soi devrait nécessairement faire partie de vos valeurs importantes. C’est par elle que passe le chemin qui mène à la réalisation de soi et
au lâcher-prise. Et elle est aussi la conséquence du respect de vos autres valeurs.
Les conflits interpersonnels sont souvent le fait de hiérarchies de valeurs différentes, tout comme les tiraillements intérieurs résultent
de votre difficulté à choisir entre des valeurs de même poids. Si une situation vous conduit à enfreindre une valeur importante – dont
l’estime de soi, par exemple –, vous vivez une souffrance psychologique et un déséquilibre majeur. Bien que l’incohérence, dans une
certaine mesure, fasse partie de la nature humaine, personne n’aime se sentir incommodé ou en situation de malaise.
Personne ne devrait non plus tolérer les conséquences chroniques du manque d’estime de soi-même sur sa vie affective. En effet, le
plaisir sous toutes ses formes est relié à votre capacité de vous aimer comme être humain. Chaque fois que vous vous abandonnez, que
vous cessez de résister, que vos choix vont dans le sens de vos valeurs et de votre unicité, vous éprouvez une satisfaction personnelle
intense. Rappelez-vous, par exemple, ce que vous avez ressenti après avoir fait un choix vraiment dicté par un besoin profond, comme
celui d’accepter ou de refuser une promotion, de prendre ou de quitter un partenaire de vie, ou même de préparer un itinéraire de
voyage dans ses moindres détails.
Être bien dans votre peau, c’est être fier de vous-même, de vos compétences, de vos réalisations, mais aussi de votre potentiel, de vos
capacités : pouvoir apprendre, comprendre, progresser, aimer et l’être en retour, éprouver des émotions d’ordre supérieur (justice,
bonté, esthétique…), apprécier vos talents et vos choix.
Il y a des différences subtiles entre le sentiment de compétence – ce que vous faites – et l’identité – ce que vous êtes. Ces deux
concepts, bien que reliés, sont fort distincts. Si l’estime de soi s’enracine profondément dans vos succès, vos réalisations, il ne faut pas
pour autant négliger la considération que vous devez avoir pour votre personne, votre originalité, votre droit à la vie et vos émotions,
quelles qu’elles soient.
Bref, l’estime de soi puise dans l’amour et la compassion pour vous-même, tout autant sinon plus que dans la reconnaissance de vos
compétences par autrui. Bien que cette dernière soit un réconfort de prix, vous n’avez pas vraiment de contrôle sur elle. C’est pourquoi
il est essentiel de développer par vous-même votre estime de soi.
Avoir le sentiment de votre propre valeur, c’est vous faire confiance, croire suffisamment en vous pour oser dire ce que vous pensez,
faire ce que vous jugez devoir faire et en assumer sereinement les conséquences. C’est vous investir dans des buts signifiants, respecter
vos valeurs et gérer votre temps en fonction de celles-ci. Tout un programme dont l’application, souvent, reste dans la seule intention
sans déboucher sur l’action.
Voyons donc quelques stratégies pour développer des attitudes allant dans le sens de cette estime de soi.

Ressentir le malaise
Vos émotions, vos sentiments et vos pensées s’inscrivent physiquement dans votre corps. À tout moment, celui-ci vous fournit des
indices, des signaux, de ce qui se passe en vous. Encore faut-il en être conscient, accueillir favorablement cette sagesse et ne pas mettre
de côté ces signes en vous disant que vous vous trompez sûrement sur leur signification. Il y a dans ces réactions du corps une
intelligence que vous avez intérêt à respecter.
Il peut arriver, en effet, que vous décidiez de passer outre par manque de confiance dans vos propres sensations, faisant ainsi fi d’une
grande richesse que vous partagez avec le règne animal, c’est-à-dire l’instinct. Songez à cette occasion où vous vous êtes forcé à rester
en compagnie d’une personne qui menaçait votre estime de soi en vous disant que c’était vous le problème et que vous étiez mal
disposé. Finalement, la rencontre a été presque une torture. Vous avez invalidé votre ressenti en trouvant des excuses à l’autre, ou pire,
en lui abandonnant votre pouvoir, et vous vous êtes aperçu plus tard que vous auriez eu avantage à vous faire confiance.
L’émotion est parfois plus juste et plus authentique que la raison. Elle est la voie privilégiée pour accéder à un niveau plus profond.
Avoir une bonne estime de soi, c’est vous reposer sur vous-même et respecter votre instinct. C’est vous permettre d’exercer votre
pouvoir, celui de mettre fin à un tête-à-tête désagréable par exemple, comme dans la situation décrite précédemment.
Évidemment, pour créer cette nouvelle habitude, vous devez tout d’abord vous arrêter pour prendre conscience de votre état
émotionnel et décider de vous faire confiance.

Aller dans le sens du ressenti


Être capable de dire non est une façon de prendre soin de vous-même. Ce n’est pas toujours facile, car vous pouvez craindre la
critique, les remarques de manipulation, deux répercussions possibles au refus d’exprimer ce que vous voulez vraiment. Il faut
surmonter la peur du rejet, de la désapprobation et de la non-acceptation. Ce vieux conditionnement est si fort qu’il vous suggère
presque que ne pas déplaire est essentiel à votre survie.
Pourtant, rappelez-vous cette fois où, poussé dans vos derniers retranchements, vous n’avez pu faire autrement que de vous affirmer.
Quelle sensation de pouvoir, quelle satisfaction, quelle délivrance !
De la même manière, il est inacceptable de vous laisser critiquer parce que vous éprouvez telle émotion ou tel sentiment particulier.
Toutes les émotions sont légitimes et valables. C’est le comportement qui peut être discutable. Vous n’avez pas à être conformiste dans
le seul but d’avoir la paix. Au contraire, vous refuser le droit de vivre votre peur, votre colère ou vos valeurs est le meilleur moyen
d’être en conflit avec vous-même. Les adultes qui ont une bonne estime d’eux-mêmes sont capables de s’exprimer librement, quelles
que soient les réactions des autres. Ils peuvent aussi dire leur désaccord lorsque la situation exige de poser leurs limites et de garder un
sens du moi fort.
Lorsque vous sentez qu’il le faut, vous avez le droit de changer d’idée et, à tout moment, d’exprimer votre désaccord. Développer de
telles attitudes demande du courage. Encore une fois, le recul est nécessaire pour prendre conscience des occasions où vous dites un
oui alors qu’il aurait fallu un non.
Vous devez aussi évaluer les conséquences possibles du fait de dire non et les bienfaits que vous pouvez tirer d’un oui à vous-même.
Vous devez vous aimer suffisamment pour le faire et, enfin, savourer les résultats. Une bonne décision devrait toujours mettre fin aux
tergiversations de l’ambivalence et entraîner, sinon un grand plaisir, au moins une satisfaction certaine. Et vous devez le faire sur une
base régulière, en commençant peut-être par de simples événements, de petites décisions, au risque d’être taxé d’instable.
Dans le même ordre d’idées, toujours dire oui aux autres peut vous entraîner à donner au-delà de vos capacités. Connaître votre limite
et ressentir votre besoin d’autopréservation sont les bonnes manières de prévenir la dépression et l’épuisement et de rester sain de
corps et d’esprit. Ce n’est pas de l’égoïsme de ménager vos réserves d’énergie. Le désir d’aider les autres, de leur faire plaisir, de les
protéger, ne devrait jamais entraîner de dommages à votre intégrité personnelle, à l’estime que vous avez de vous-même.
La personne qui s’estime ressent le besoin de rendre service et de faire sa part, mais jamais au-delà d’une certaine limite. Pour
beaucoup de personnes, savoir s’arrêter peut être difficile à cause de leur éducation religieuse, de leurs croyances, de leurs autres
valeurs, de leur manque de considération ou de sensibilité envers elles-mêmes. Pourtant, établir des priorités et prendre soin de leur
énergie feraient d’elles des aidants beaucoup plus efficaces.
Nous pourrions, métaphoriquement parlant, comparer votre moi physique, mental, spirituel et émotionnel à un compte bancaire.
Avant de débiter une somme, il vaut mieux vérifier votre solde. Comme il est avisé également de faire des versements de temps à autre
si vous voulez rendre service à autrui. Pour cela, vous devez croire en la nécessité de vous ressourcer, d’établir des priorités et de
réserver de l’énergie pour vous-même.

Vivre le moment présent


Il est plus facile de prendre conscience de vos émotions et de vos sentiments lorsque vous êtes bien ancré dans le moment présent
plutôt que dans les souvenirs du passé ou l’anticipation de l’avenir. Une estime de soi insuffisante se reflète aussi dans l’incapacité de
profiter de l’ici et maintenant.
Les personnes peu sûres d’elles et qui se mésestiment doutent constamment de leurs choix, entretiennent la croyance qu’il manque
toujours quelque chose à leur bonheur, qu’elles ne sont jamais à la bonne place au bon moment, que le gazon est plus vert chez le
voisin. Elles sont souvent à la recherche de ce qu’elles ont déjà, étant incapables d’en jouir, et ne trouvent jamais. Elles sont alors
insatisfaites, malheureuses et, au final, elles renforcent leur mésestime d’elles-mêmes.
Elles auraient intérêt à développer des croyances plus aidantes, entre autres celle qu’elles sont à la bonne place et au bon moment.
Cela requiert, bien sûr, de la flexibilité, c’est-à-dire la capacité de faire face aux situations inconfortables et de les intégrer rapidement
en les réinterprétant autrement. L’estime de soi-même est un indice de cette capacité à affronter les changements, qu’ils soient ou non
souhaités.

Estime de soi et rapport avec les autres


Votre capacité à réagir adéquatement dans les situations sociales, quelles qu’elles soient, constitue un bon indice de votre estime de
vous-même. Certaines règles sont à même de vous guider dans ce domaine. C’est dans les moments où vous manquez de confiance en
vous que vous laissez les autres empiéter sur votre territoire. Vous leur donnez alors une marge de manœuvre trop grande, sans tenir
compte de votre compréhension émotionnelle de la situation. Vous réagissez un peu comme vous le faisiez, enfant, par la crainte, en
donnant raison à l’autre, en croyant peut-être à tort qu’il a une connaissance plus éclairée du problème ou de la situation. Bref, vous
invalidez votre propre discernement.
Certaines personnes ont le don de vous rabaisser et, avec elles, vous vous percevez moindre que vous n’êtes. D’autres, au contraire,
vous font sentir bien, vous valorisent, vous écoutent avec intérêt et vous apprécient pour la seule raison que vous existez. Alors qu’en
compagnie des premières, vous doutez de vous-même, vous avez plaisir à côtoyer les secondes, vous vous sentez plein d’énergie en
leur présence. Pourquoi ne pas vous permettre de choisir les gens avec qui vous passez du temps ? Bien sûr, il faut du courage pour
couper les ponts avec les personnes négatives, pour s’en protéger, surtout si ce sont des proches.
Ici, il est important de faire quelques distinctions, car les apparences peuvent être trompeuses. Si un ami véritable peut parfois, pour
votre bien, ne pas toujours être agréable, il peut arriver aussi que quelqu’un se montre très sympathique et que son attitude masque une
intention qui l’est moins. D’où l’importance d’en référer à votre sensibilité personnelle et de vous faire confiance. Parmi les solutions
possibles : vous exprimer, interroger la relation dans le but de la transformer, ou tout simplement prendre physiquement ou
émotionnellement vos distances.
Il arrive aussi que vous deviez faire face à des réactions des autres tout à fait inintelligibles, disproportionnées, hystériques ou
insensées. Vos vieux conditionnements à l’égard de figures d’autorité du passé peuvent alors remonter à la surface. Vous pouvez par
exemple éprouver de la culpabilité, sentir le besoin de comprendre l’autre, voire de l’aider, en dépensant une énergie démesurée. Vous
pouvez aussi, au contraire, envenimer les choses en entrant dans son jeu. Voilà des attitudes stériles.
Il est plus raisonnable de reconnaître que certains comportements, notamment ceux des personnes alcooliques et violentes, des
fanatiques ou des perfectionnistes, ont des racines très profondes et que vouloir les aider relève des services d’un professionnel. Il est
nettement préférable, même si c’est délicat, de vous détacher le plus rapidement possible de ces situations, de répondre,
rationnellement ou pas du tout, aux provocations et de ne pas vous sentir concerné par de telles attitudes.
Dans la même optique, choisir vos amis et vos relations requiert un effort conscient. Les liens avec les autres, quand vous devenez
adulte, sont plus difficiles à créer que lorsque vous étiez enfant. En effet, vos valeurs sont plus stables, individualisées et différentes. Si
certaines amitiés sont tout de même possibles et gratifiantes, il en est d’autres, moins compatibles avec ce que vous êtes, qui peuvent
influer négativement sur votre estime de vous-même.
Un lien d’amitié ne devrait jamais n’être qu’à sens unique. Bien sûr, il peut être nécessaire à l’occasion d’aider, d’écouter, de rendre
service, voire de gérer une crise. Mais toujours vous retrouver à mettre en pratique ces capacités relationnelles exceptionnelles ne peut
déboucher que sur la négligence de vos propres besoins. Finalement, il faut vous aimer suffisamment pour choisir d’entretenir des liens
avec des personnes en aussi bonne santé psychologique que vous afin d’en retirer énergie et partage. Il s’agit donc de connaître vos
besoins et vos valeurs.
Dans une large mesure également, il ne faut pas trop tenir compte de l’avis des autres. Vous êtes, et c’est humain, préoccupé par
l’opinion qu’ils peuvent avoir de vous. Vous pouvez prétendre le contraire sur le plan de la pensée, mais l’émotion est plus difficile à
nier. La critique peut faire mal insidieusement, et encore plus si vous la ressassez. Encore une fois, vous êtes victime de multiples
conditionnements hérités de l’éducation parentale, des enseignants, des amis, des normes de groupe, de la société, voire des médias.
Avant de prendre en compte l’opinion de quelqu’un sur vous, vous devriez vous demander quels en seront les effets sur vous-même,
sur vos succès, sur vos échecs. Il est nettement plus profitable pour vous de miser sur la confiance que vous avez en vous-même.
Si vous pouvez apprendre des autres, cela ne devrait jamais se faire en vous laissant blesser. La personne qui a vos intérêts à cœur n’a
pas à décharger sur vous ses propres problèmes et frustrations. Vous avez le pouvoir et surtout le devoir envers vous-même de choisir
entre les critiques saines et celles qui le sont moins. La différence, c’est votre ressenti face à l’intention de l’autre.
La personne qui a une bonne estime d’elle-même opte pour quelqu’un qui l’écoute et s’intéresse à elle, et ignore ceux qui nuisent à
son moi profond. Plus elle le fait, plus elle renforce le sentiment de sa propre valeur.

Développer votre Protecteur


Finalement, nous vous invitons à une petite prise de conscience. Il vous apparaît naturel de donner crédit aux autres pour leurs talents
et leurs créations ou de faire l’éloge de tel film ou de tel restaurant. Mais vous êtes souvent mal à l’aise à l’idée de parler de vos
propres réalisations. C’est encore là un produit de l’éducation où l’amour de soi se conjugue avec orgueil.
Et pourtant, c’est un prérequis à l’amour des autres. Comme vous avez appris à vous critiquer, vous pouvez apprendre à faire taire en
vous la voix du blâme et, surtout, vous pouvez développer celle de votre Protecteur. Il vous aime inconditionnellement, un peu comme
cette bonne grand-mère que vous adoriez parce qu’elle vous soutenait, vous rappelait vos talents, vos qualités, votre caractère unique.
Autant la voix du Critique interne que celle du Protecteur sont des créations nées de l’habitude. Vous avez le choix de développer
l’une pour voir s’éteindre l’autre avec le temps.
Comme vous le constatez, il est possible de changer des conditionnements et de ne pas rester prisonnier de votre éducation. Cette
métamorphose se fera dans la majorité des cas sans l’intervention d’un thérapeute, si vous êtes conscient, motivé, et désireux de passer
à l’action. Mais il n’y a pas de honte à vous faire aider.

Questionnaire sur l’estime de soi


Le questionnaire qui suit comporte 21 affirmations. Il vous donnera un aperçu de cet important facteur de santé mentale dans trois
sphères en particulier :

dans votre relation à vous-même ;


dans votre rapport à l’action ;
dans votre lien aux autres.

Vos résultats devraient vous préciser l’intérêt d’un effort de changement et le domaine dans lequel l’entreprendre 23 .
Répondez spontanément et rapidement en choisissant la réponse qui se rapproche le plus de votre point de vue actuel. Quel que soit le
score obtenu, comparez-le à votre avis personnel et à celui de proches.

1. J’ai du mal à prendre des décisions.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

2. J’évite les situations où je ne suis pas à l’aise.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

3. Je ne persévère pas si je rencontre des difficultés.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

4. Je me sens insatisfait.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

5. Je ne m’aime pas beaucoup.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

6. Parfois, j’ai l’impression que je provoque moi-même inconsciemment les ruptures ou les conflits.
A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

7. Je suis souvent trop agressif et critique envers les autres.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

8. Je repousse souvent à plus tard des choses importantes que je devrais faire rapidement.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

9. J’échoue dans ma vie sentimentale.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

10. Je me sens souvent jaloux, j’éprouve fréquemment du ressentiment envers certaines personnes.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

11. Je suis trop dépendant du regard que l’on porte sur moi.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

12. On m’a souvent reproché de fuir dans l’action et d’en faire trop.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

13. Je me laisse trop envahir par les autres.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

14. Je ne fais pas les bons choix dans ma vie.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

15. Même quand les choses vont plutôt bien, je me sens inquiet.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

16. Je ne sais pas vraiment ce que je vaux.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

17. Je ne suis pas apprécié et reconnu par les autres comme je le voudrais.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

18. Je supporte mal l’échec ou la critique sur ce que je fais.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

19. J’ai du mal à me trouver des qualités.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

20. Je me mets souvent en échec, je me sabote moi-même.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux
21. Quand j’ai des difficultés, je m’en prends souvent à moi-même et il m’arrive même de me détester.

A. Plutôt vrai
B. Plutôt faux

Interprétation
Comptez 1 point pour chaque réponse Plutôt vrai et calculez le total.

de 0 à 7, votre besoin de changement est limité. Vous pouvez vous contenter de faire fructifier votre capital d’estime de soi.
de 8 à 15 , votre besoin global de changement est moyen. Vous avez certainement quelques efforts à accomplir en matière
d’estime de soi.
de 16 à 21 , il semble que vous ayez intérêt à entreprendre des efforts de changement. Parlez-en avec quelques personnes de
confiance de votre entourage pour recueillir leur avis.

Votre score dans chacune des sphères de changement ci-dessous peut varier de 0 à 7 points. Plus la note est importante, plus c’est un
domaine vers lequel vous devriez orienter vos efforts. Comptez 1 point pour chaque réponse Plutôt vrai .

Dans votre relation à vous-même : faites le total des points aux questions 1, 4, 7, 10, 13, 16, 19.
Dans votre rapport à l’action : faites le total des points aux questions 2, 5, 8, 11, 14, 17, 20.
Dans votre lien aux autres : faites le total des points aux questions 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21.

23. Vous pouvez remplir ce questionnaire en ligne sur notre site OSERChanger.com, http://oserchanger.com/blogue_2/2013/06/02/test-estime-de-soi. Vos résultats seront calculés automatiquement.
13
Aller en psychothérapie ou non
Rester en colère, c’est comme saisir un charbon
ardent avec l’intention de le jeter sur quelqu’un ;
c’est vous que vous brûlez.
(BOUDDHA)
Dans la plupart des situations dérangeantes de la vie courante, et même dans les cas de bouleversements émotionnels plus grands,
comme l’inquiétude chronique pour ses enfants ou une séparation difficile, les outils présentés dans ce livre peuvent très bien suffire.
Mais il peut vous arriver d’être aux prises avec des blessures plus profondes, traumatisantes et marquantes, ou de vous sentir tout
simplement dépassé par une situation.
Nous avons déjà parlé au chapitre 5 de l’aide que peut apporter une personne de confiance. Le soutien peut aussi venir de
regroupements d’hommes et de femmes ayant vécu des épreuves comparables à la vôtre, par exemple le suicide d’un membre de la
famille ou d’un proche, la présence d’une maladie chronique invalidante, le fait d’avoir été victime d’un acte criminel, etc.
La psychothérapie, quant à elle, ne change ni les gens ni les événements. Elle est en quelque sorte un accélérateur de développement
personnel, en ce sens qu’elle peut faire avancer plus rapidement le travail de deuil inhérent aux épreuves et donner des outils pour tenir
la souffrance à distance. La thérapie aide à éviter les errances souvent indissociables de la recherche d’un mieux-être.
Une personne de confiance, qui possède en plus une formation adéquate et reconnue, peut, par son accompagnement, son objectivité,
sa capacité d’observation, ses confrontations avisées et éclairées, vous aider à regagner plus rapidement le plaisir d’être vous-même et
celui de vivre. La relation de confiance permet de mieux apprendre, d’aimer aussi ce que vous apprenez, et vous rend susceptible
d’expérimenter de nouvelles manières de penser et d’agir.
Le psychiatre Fred Luskin, à titre d’exemple, a beaucoup travaillé avec des personnes ayant vécu de graves tragédies, comme
l’assassinat de proches lors de la guerre civile qui a déchiré l’Irlande du Nord. Le programme qu’il a mis au point en a aidé plusieurs à
retrouver l’équilibre et à pardonner, de façon à reprendre leur vie en main et à se recentrer sur leurs objectifs, c’est-à-dire à tourner la
page sur leurs souffrances.
Même si le propos ne se rapporte pas nécessairement à votre cas et que sa démarche peut sembler difficile, mais non impossible à
mettre en pratique, nous trouvons pertinent de vous en présenter les grandes lignes 24 .

La méthode HEAL
La démarche du Fred Luskin se résume à l’acronyme HEAL, mot anglais qui signifie guérir. Il s’agit de l’abréviation de hope
(« espérer »), educate (« s’entraîner à penser autrement »), affirm (« affirmer son intention positive ») et long-term (« le long terme »).
D’abord, il faut se rappeler que ce type de lâcher-prise est rarement rapide. Une profonde blessure émotionnelle, tout comme une
grave atteinte physique, nécessite un temps de guérison conséquent. Une hanche fracturée met plusieurs semaines, sinon des mois, à se
réparer. Encore faut-il qu’elle reçoive les traitements appropriés, sans quoi elle risque de vous faire souffrir le restant de votre vie. Au
sens figuré, un cœur fracturé par une grande épreuve a également besoin de soins adéquats et de temps pour se remettre.
Ajoutons que chaque blessure de ce type est subjective, quoique bien réelle pour celui qui la vit. Aussi, son impact ne doit pas être
jugé par un tiers. Nous croyons par ailleurs que les cicatrices, qui peuvent demeurer bien tapies au fond de vous, ne doivent pas être
constamment réactivées ou stimulées par la suite. Le passé ne s’efface pas. Mais il revient à chacun, avec ou sans aide extérieure,
d’apprendre à s’en protéger d’une manière qui ne sera ni du déni ni du refoulement. D’où, parfois, la nécessité de la psychothérapie et
du lâcher-prise bien compris.
Les deux premières étapes de la méthode HEAL, espérer et s’entraîner à penser autrement, ne doivent jamais être escamotées. De
plus, elles doivent respecter l’intention de la thérapie. Elles seront pour un temps axées sur ce passé envahissant qui gêne à la fois le
présent et l’avenir. S’y centrer ne signifie pas s’y complaire mais, comme nous l’avons expliqué ailleurs, il s’avère nécessaire de
nommer ses émotions, de vérifier si ses croyances sont paralysantes ou non et ses règles applicables ou pas.
Une telle démarche ne peut être entreprise quand vous êtes submergé par une tempête émotionnelle. Il sera alors plus qu’utile de
trouver ou de retrouver un état d’esprit positif, ouvert, centré sur le cœur. Pour accéder à un état de réceptivité, vous pourrez par
exemple penser à une personne que vous estimez ou qui vous aime, à une expérience passée gratifiante, vous concentrer sur votre
respiration, méditer, etc.

Espérer
Espérer est différent de compter sur quelque chose. S’attendre au respect des autres, à la fidélité d’un conjoint, à une vie sans
blessures, tout cela renvoie à des règles inapplicables et qui ne sont pas sous votre contrôle.
Si vous avez été atteint, peu importe de quelle manière, vous pourriez toutefois dire que vous auriez espéré être mieux traité et
respecté, que vous auriez espéré avoir une vie plus douce, etc. Il est légitime de souffrir d’un espoir déçu. Notez cependant la nuance
entre dire : « Mes parents auraient dû m’aimer et me traiter autrement » et : « J’aurais espéré, comme enfant, être mieux entouré, aimé,
aidé. » La charge émotionnelle est très différente.
Cette première étape est ainsi centrée sur ce que vous avez vécu dans le passé, précisément et personnellement. Il est nettement
préférable ici d’éviter les généralisations et de formuler votre énoncé d’espoir déçu en termes positifs. Au lieu de dire : « Mon mari
n’aurait pas dû me tromper » ou : « J’espérais que ma conjointe ne soit pas infidèle », l’énoncé positif deviendra : « J’espérais la
fidélité de la part de mon conjoint. » Cette phrase met en perspective le sentiment de déception, mais aussi l’intention, le but positif qui
était recherché dans votre union.
Cette formulation sous-entend également que tous les souhaits ou les espoirs ne se réalisent pas nécessairement, ni toujours, mais
qu’il arrive aussi qu’ils le soient. Être déçu ne signifie pas que toutes vos expériences futures seront désolantes.

S’entraîner à penser autrement


Une fois que vous avez franchi la première étape et que vous êtes passé d’une règle inapplicable à un constat d’espoir déçu intégré, il
est possible de nuancer encore plus votre expérience. Sans doute est-il préférable encore une fois de ne pas trop précipiter les choses.
Nous l’avons dit et répété, le processus de deuil est rarement instantané. Sa durée dépend de plusieurs facteurs : le type d’épreuve
vécue, le genre de personne que vous êtes, vos plus ou moins grandes difficultés à lâcher prise, et même vos propres opinions sur le
temps qu’il faut pour traverser un deuil.
Votre formulation en termes d’espoir déçu revêt un caractère très personnel. L’énoncé de la première étape renvoyait à votre
souffrance individuelle, à votre profonde blessure. Il n’était pas trop difficile à admettre, car il s’agissait de reconnaître une évidence,
c’est-à-dire que chaque espoir comporte une possibilité d’échec, et ce pour tout le monde.
L’énoncé de cette deuxième étape devrait vous permettre de passer du stade personnel à un autre plus impersonnel, à une façon plus
générale de voir et de comprendre. Il rencontrera souvent votre résistance, car il s’agit d’accepter ou, si le terme « acceptation » vous
rebute trop, de saisir cette incertitude inhérente à l’expérience humaine.
La personne blessée pourrait formuler son énoncé de la manière suivante : « Il arrive que, malgré leurs intentions, certains parents
soient incompétents. Il arrive que certains conjoints soient incapables de loyauté et de fidélité. Je l’accepte ou le comprends. »
Cette étape est cruciale au lâcher-prise. Son grand mérite est de vous permettre de réaliser que vous n’êtes pas seul à souffrir, que
votre expérience est commune à beaucoup d’êtres humains, mais surtout qu’il est encore possible d’être heureux malgré un passé que
vous ne pouvez modifier.
Après ces deux premières étapes, vous devriez avoir pris conscience qu’il n’est ni utile ni nécessaire de continuer de souffrir de ce
que vous ne pouvez changer, et que votre attention et vos efforts devraient porter sur la guérison ou, comme le dit si bien Fred Luskin,
sur l’adoucissement de la douleur morale.
Si les deux premières étapes étaient davantage centrées sur le passé, les deux suivantes seront résolument orientées vers l’avenir.

Affirmer son intention positive, adoucir la souffrance


C’est à cette étape que vous devez recontacter votre intention de départ et vous recentrer sur les buts et objectifs de votre vie dont
vous vous êtes écarté à cause de votre épreuve. Vous les avez sans doute mis de côté, parfois même tout à fait oubliés, en donnant une
importance démesurée à un événement précis, en lui laissant trop de place ou toute la place.
En tournant votre attention vers l’avenir, vous pouvez vous servir de ce que vous avez vécu pour devenir plus fort, pour mieux choisir.
Peut-être même arriverez-vous un jour, sinon à remercier le ciel, du moins à voir les avantages que vous retirez de cette expérience de
vie.
Ne pas être rempli de ressentiment envers une mauvaise expérience vous gardera de teinter de négatif une nouvelle rencontre, par
exemple, et de répéter un même modèle. Et faire la paix avec votre enfance vous amènera à devenir, pour vous-même, ce parent
aimant et compréhensif que vous auriez souhaité avoir.

Le long terme : s’exercer


Fred Luskin termine son approche avec les personnes qu’il accompagne en leur suggérant de s’engager à ne plus perdre de vue leur
intention positive et à revenir à cette démarche dans toutes les occasions où cela s’avérera nécessaire. En bref, il leur demande de
s’exercer.
Il souhaite qu’elles continuent à développer leurs compétences, à apprendre, qu’elles lisent des histoires inspirantes, des témoignages
de personnes résilientes. Bref, qu’elles passent le plus souvent possible de la position de victime à celle de héros de leur propre vie,
pour elles-mêmes.
Si la démarche du lâcher-prise est difficile, elle reste faisable. La psychothérapie n’est pas autre chose que l’occasion de vivre ce
cheminement accompagné. Elle n’est pas là pour faire de vous des personnes différentes ; elle vous permet seulement de retrouver plus
rapidement votre boussole.
24. Fred Luskin, Pardonner pour de bon. Le secret d’une vie heureuse et en santé , Montréal, Fides, 2008.
14
Un bel exercice pour apprendre le lâcher-prise
Dans le processus du lâcher-prise, vous allez perdre beaucoup de choses du passé, mais vous allez vous trouver vous-même.
Il y a certainement des lâcher-prise plus faciles à faire que d’autres. Le grand ménage est une belle occasion pour s’exercer sur des
choses moins importantes et pour illustrer l’effet paralysant de certaines croyances. Peut-être allez-vous vous reconnaître dans cet
amusant témoignage.
Parfois, il me prend un goût de jeter, de donner, de faire de la place, d’aérer les étagères de mes armoires. Non, je ne suis pas affecté
du syndrome du grand ménage pour contrer mon stress, mon vague à l’âme ou combler mon vide existentiel. C’est juste que, partout
où mon regard se tourne (j’exagère, le dessous de mon lit est encore libre… pour le moment…), je vois plein de choses qui
m’encombrent et dont je pourrais me départir. C’est vrai, je ne veux pas m’en séparer, ça pourrait toujours servir…
J’ouvre ma penderie ? J’aperçois quantité de vêtements que je ne mets plus depuis longtemps, usés, passés de mode, inutiles ou
simplement laids. Oui, mais je peux conserver certains d’entre eux pour faire de la peinture, de la poterie, travailler au jardin, que sais-
je encore ? En fait, j’en aurais suffisamment pour ouvrir un magasin de vêtements d’atelier.
Les tiroirs de ma commode débordent de tee-shirts, de chandails, de chaussettes (j’en ai, des chaussettes !). Oui, mais je pourrais
transformer mes vieux maillots de corps en chiffons pour faire de la peinture, de la poterie, pour laver la voiture…
Je descends au sous-sol et les armoires de rangement débordent de décorations de Noël inutilisables, de vieux contenants de peinture,
de boîtes d’emballage vides, de raquettes de badminton trouées, d’appareils électroniques dépassés, etc. Et c’est sans parler de mes
bibliothèques chargées de livres, mes classeurs bourrés de papiers inutiles (vous conservez toujours vos notes de cours, vous ?), mes
tablettes et tiroirs remplis de d’objets et autres machins dont j’ignore le nom ou même la fonction. Et je ne vous ai pas encore parlé de
ma remise de jardin – ah ! mon Dieu !
En voyant tout cela, je me dis : « Quelle belle occasion d’appliquer ce que je prêche et de faire un exercice de lâcher-prise. » Je
remplis au moins une condition pour y arriver : je prends conscience de la situation. Mais je me heurte à la deuxième : accepter de faire
le deuil de quelque chose auquel je tiens. Pourtant, je n’y suis pas attaché autant que ça. Un peu quand même, puisque je les
conserve…
Et voilà qu’un petit diable me fredonne une chanson du poète Sylvain Lelièvre : « J’aime les choses inutiles… Les bibelots débiles…
J’aime les choses inutiles… qui nous font du bien… 25 »
Mais qu’est-ce que cela a à voir avec mes chaussettes orphelines, mes chemises trouées, mes jeans déchirés (même si c’est la mode
tout de même) ou les guirlandes électriques brisées ? Rien ! Pourtant nous avons bien écrit que lâcher prise implique parfois de faire le
deuil de croyances. Mais lesquelles ?

Trouver les croyances paralysantes


En réfléchissant, je trouve au moins quatre croyances paralysantes qui viennent me mettre des bâtons dans les roues au moment
d’appliquer une diète minceur à mon amoncellement de choses superflues. Des phrases toutes faites qui surgissent dans mon esprit
quand je suis sur le point de faire de l’espace, d’aérer, de jeter.

A. La première, c’est justement que ce n’est pas inutile. Je m’entends dire que ça pourrait bien servir un jour. Ou encore, que je
pourrais en avoir besoin un de ces quatre, ou que quelqu’un d’autre pourrait en vouloir. C’est vrai, non ? Ça l’est sans doute
seulement parce que je me répète cette idée chaque fois que je souhaite en disposer. On ne sait jamais… Alors je garde tout.
B. La deuxième croyance, et pas la moindre, c’est : j’ai payé pour ça, et même très cher dans certains cas. Réalisez-vous que ce
magnétoscope Panasonic m’a coûté 1 500 $ à l’époque et que c’était l’un des premiers du genre ? Bon, je sais, il ne fonctionne
plus.
Et cette vieille caméra valait au moins 1 200 $. Il est certain que je peux maintenant m’en procurer une hi-tech pour moins de
400 $, mais quand même. Et que dire de ce Mac qui date de 1986 et qui m’a coûté près de 2 000 $ ? C’est presque une
antiquité ça, mon ami.
C. Ce qui m’amène à la troisième croyance qui m’empêche de lâcher prise : je pourrais gagner des sous en bradant ces vieux
objets, sur eBay ou ailleurs. Tiens, je pourrais en profiter pour liquider tout ce qui ne sert plus et me faire un peu d’argent
pour… m’acheter d’autres choses inutiles.
D. Et voici ma quatrième idée paralysante : je ne peux pas me départir de cet objet. C’est Jules, mon beau-frère, qui me l’a
offert… Un cadeau, c’est un cadeau, et puis je ne voudrais surtout pas l’insulter.

Mettre en doute mes croyances paralysantes


Il paraît qu’il faut mettre en doute une croyance paralysante pour la dépasser. J’ai cherché comment ébranler ces quatre idées qui, à
mon humble avis, sont très sensées, mais qui m’empêchent de me départir d’objets inutiles, de faire de la place, d’aérer mes armoires,
en un mot de lâcher prise.
Quoi de mieux pour les contester que de trouver en moi un avocat du diable qui va m’aider à sortir quelques boîtes en me posant les
bonnes questions, comme savent si bien le faire les avocats. Choisissons d’abord l’emplacement de mon laboratoire de lâcher-prise,
pour éviter de tout entreprendre en même temps et de me décourager. C’est toujours une bonne idée de fractionner un grand ménage,
ou un gros projet. J’opte pour ma penderie. Euh… je commence par la partie gauche ou par la droite ? D’accord, je sais, je fais de la
procrastination. Commençons par la partie gauche : il faut bien prendre des décisions dans la vie.

A. Tiens ! Je ne me rappelais pas que j’avais autant de costumes. Et moi qui porte presque toujours des jeans. Si je commençais
par ce dont il me sera le plus facile de me défaire ? Voilà deux vestes grises. Celle-ci ne me va plus, alors je l’élimine sans
problème. Ensuite, deux costumes bleus passablement démodés. D’accord, je les enlève.
Oups ! Mon costume de mariage. Ça fait 45 ans qu’il est là, suspendu, attendant une occasion. C’est plus difficile, ça…
Voyons ce que répond mon avocat quand je lui dis qu’il peut toujours servir.
¾ Tu crois vraiment ? Mais QUAND vas-tu réellement en avoir besoin ? Et puis, as-tu porté ton vieux costume de mariage
neuf (!) ces 40 dernières années ?
¾ Oui, une fois.
¾ Et tu avais l’air d’une photo poussiéreuse avec quelques kilos en trop. En plus, il est brun… Franchement !
¾ Oui, mais je pourrais en avoir besoin.
¾ C’est vrai, tu vas régulièrement à des bals rétro.
¾ Non, mais quelqu’un pourrait en avoir besoin. Cela ferait un beau costume de théâtre. Un jour, mes petits-enfants vont
vouloir se déguiser, non ?
¾ Quand bien même tu le donnerais à une friperie, il n’y aurait personne pour l’acheter. Ce n’est pas sérieux, voyons !
D’accord, je te laisse une chance. Tu le mets dans une boîte sur laquelle tu écris la date au stylo-feutre. Si dans six mois ce
magnifique vêtement démodé et brun n’a pas servi, tu seras libre de l’envoyer vivre sa vie sous d’autres cieux. On continue ?
Bon, je ne passerai pas toute ma garde-robe en revue. Permettez-moi de me garder un peu d’intimité. J’ai compris le principe.
Voyons ma deuxième croyance.
B. Me voilà dans mon bureau. Dans une armoire, un lecteur VHS débranché gît sur un tourne-disque, déconnecté lui aussi, à côté
d’un émetteur radio inutilisé, acheté d’occasion il y a des lustres. Sur ma table de travail, un gros ordinateur (je ne me
rappelais pas que ces appareils étaient si volumineux), deux imprimantes (une sans encre), un scanner qui n’a rien numérisé
depuis belle lurette.
Je n’ose plus dire que ça pourrait servir un jour. Par contre, j’ai payé pour ça, et une belle somme en plus. Qu’as-tu à dire là-
dessus, cher défenseur du lâcher-prise ?
¾ Quand bien même tu resterais accroché à ces objets, ça ne ramènera pas ce que tu as payé pour te les procurer. Je suis
désolé de t’annoncer ça, mais cet argent est parti, POUR TOUJOURS.
¾ Hum… tu es dur avec moi. Tu ne vois donc pas que je me sens coupable ?
¾ Crois-tu vraiment que ton sentiment de culpabilité va faire revenir l’argent dépensé ou t’inciter à utiliser encore ces objets ?
Non. Tu vas les laisser croupir là et continuer à te sentir fautif. C’est un prix beaucoup trop cher à payer. En plus, tu paies
quelqu’un pour épousseter tout ça…
Je comprends que pour lâcher prise, je dois accepter l’idée que l’argent a été dépensé et qu’il ne reviendra pas. Mais tout de
même…
C. … je pourrais gagner des sous en bradant ces objets. Qu’en penses-tu, cher apôtre du lâcher-prise ?
¾ Je l’attendais, celle-là ! Te voilà pris du syndrome de la vente de garage, du vide-greniers, du troc et puces. Je suis
convaincu que ça va faire partie de la sixième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux . Les signes
cliniques sont faciles à observer : un individu décide de se débarrasser de certains objets, mais il les conserve en vue de
l’éventuelle grande vente sur gazon devant la maison, ou aux puces. Bon ! Je concède que ça peut te rapporter des sous. Mais
pense à l’investissement émotif. Tu trouves difficile de lâcher prise et tu ne feras qu’allonger la période de souffrance. C’est
pire que le supplice de la goutte d’eau. Pourquoi ne pas donner le tout à une association qui en fera bon usage, qui donnera une
seconde vie à tes objets ? Non seulement tu vas te sentir bien en faisant la charité, mais tu pourras dire à tout le monde : je
recycle moi, Monsieur !
D. Oui, mais… je ne peux m’en défaire, c’est un cadeau de Jules. Et toc ! Déjoué, l’avocat !
¾ Hum ! On me met au défi ? Si tu n’aimes pas la personne qui te l’a donné, le problème ne se pose pas, puisque la chose a
déjà pris la direction de la poubelle. Mais comme tu apprécies bien Jules, tu étends ce sentiment au bidule inutile dont il est
question et tu as l’impression de l’offenser. « Et si jamais il s’apercevait que je n’ai plus l’horreur qu’il m’a donnée il y a dix
ans… ? » Là-dessus, je pourrais te dire : « Oui, et après ? » Mais je vais me retenir et te proposer de bonnes questions.
Prends l’objet dans tes mains, ou regarde-le dans le blanc des yeux, et demande-lui froidement : « Est-ce que j’ai besoin de
toi ? Est-ce que je t’utilise ? Et surtout, est-ce que je t’aime ? » Dans la négative, tu n’as pas à le conserver.
Si tu y tiens vraiment, prends-le en photo et… non, ce n’est pas une bonne idée de la mettre sur Facebook avec la légende :
« J’ai enfin lâché prise. » Place-la dans un album virtuel que tu vas intituler « Mes horreurs », avec un code d’accès secret et
compliqué que tu vas oublier. Et centre plutôt ton attention sur la personne qui t’en a fait cadeau et sur les raisons qui font
qu’elle est précieuse pour toi (bien plus que l’objet). C’est le lien avec cette personne qui importe, pas celui avec la chose. Et
suggère donc à tes amis de te donner du chocolat ou du vin à l’avenir.
Il commence à m’énerver un peu, mais il fait bien son travail, mon avocat.
Si se détacher d’objets est difficile, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est encore plus compliqué de lâcher prise à des
occasions plus importantes de sa vie. Il y a des deuils plus grands que d’autres, c’est certain. Mais est-ce qu’un tel
interlocuteur ne pourrait pas s’avérer utile encore une fois si nous lui donnions la parole et que nous acceptions de l’écouter ?
Surtout s’il a de bonnes questions à poser.

25. Sylvain Lelièvre (1943-2002) est un auteur-compositeur-interprète québécois.


15
Pardonner : le sport extrême du lâcher-prise
Un sage s’empresse de pardonner parce qu’il
connaît la valeur du temps et ne peut souffrir
de le voir s’écouler en vaine douleur.
(SAMUEL JOHNSON)
Pardonner est une autre forme de lâcher-prise. C’est sans doute aussi l’une des plus difficiles. D’autant plus que la définition du
pardon est complexe et que nous le confondons souvent avec le fait d’excuser l’offense, d’oublier, de se réconcilier, ou même de
laisser tomber de justes demandes de réparation, de dédommagement, de justice. De plus, vous pouvez objecter que certaines fautes
sont impardonnables ou que le temps nécessaire au pardon est au moins proportionnel à l’offense.
Au-delà de toutes ces considérations, pourtant, la démarche pour pardonner est la même que pour lâcher prise. La faute appartient au
passé et affecte votre présent, par une souffrance de tous les instants ou presque. Vous entretenez aussi parfois des croyances
paralysantes sur les affronts ou sur votre incapacité à les pardonner. Vous vous référez à des règles inapplicables, car vous n’avez pas
de contrôle sur ce qui vous a profondément blessé ou ceux qui l’ont fait.
Votre motivation face à la souffrance est liée à l’évitement de cette souffrance, et non à l’intention positive centrée sur le présent ou
l’avenir. De plus, certains des outils que vous utilisez sont inefficaces, mais ce sont les seuls auxquels vous faites appel encore et
encore.

Qu’est-ce que le pardon ?


Les définitions des dictionnaires sont rébarbatives pour quiconque est atterré par une offense, une blessure physique ou
psychologique, une injustice. Selon ces ouvrages, le pardon serait la rémission d’une faute, le renoncement à l’idée de se venger, de
punir, de ressentir de la rancune. Au bout du compte, pardonner serait le fait de tenir une faute comme nulle et non avenue.
Le contexte judéo-chrétien qui prône l’absolution, et même le fait de tendre l’autre joue, n’est pas très attirant non plus. Pourtant, il
est possible de concevoir le pardon psychologique comme un lâcher-prise sur une souffrance qui peut, à la limite, rendre malade en
nourrissant et en amplifiant un événement du passé. Car une telle expérience ancienne peut continuer d’envahir votre présent et,
malheureusement, teinter votre futur, d’autres relations, d’autres expériences, et gâcher le précieux temps qu’il vous reste à vivre.
Afin de mieux comprendre, voici un exemple de situation courante. Après une séparation ou un divorce difficile, la rancune et
l’amertume envers l’autre peuvent s’installer à demeure. Or, une nouvelle relation peut difficilement se construire sur des ruines
fumantes. Abreuver un nouveau conjoint de notre ressentiment envers celui ou celle qui l’a précédé dans notre vie peut soulager dans
l’immédiat, car s’épancher fait du bien. Mais ne pas décolérer et revenir sans cesse là-dessus n’alimentent en rien notre nouvelle
relation. Nous pouvons même, sans trop nous en rendre compte, projeter sur l’autre nos sentiments négatifs, nous en méfier, être
incapables de nous abandonner et, même si ce n’est pas notre intention, lui faire payer le prix de notre expérience passée non liquidée.
Se concentrer sur la rancune, la vengeance, l’apitoiement sur soi, ne changera pas le passé, mais à coup sûr l’avenir. Reconnaissons la
pérennité du passé. Nul ne peut l’effacer. Il a eu lieu. Les événements ne disparaîtront pas par magie.

Les étapes du pardon


Pardonner requiert parfois du temps. Cela dépend bien sûr de l’offense, de notre motivation, de notre tempérament, de notre
personnalité et, comme nous l’avons vu, de nos croyances et de nos règles. Les étapes du pardon, vous le constaterez, sont
sensiblement les mêmes que celles que nous avons expliquées précédemment par rapport au lâcher-prise.
Les éléments qui suivent sont inspirés du travail de Joëlle Gaillard-Wasser 26 qui s’est aussi intéressée à la démarche propre au pardon.
S’ils sont spécifiques à celui-ci, il est très facile de réviser à travers eux toute la méthode du lâcher-prise.

Vous soustraire à l’offense


Pour vous dégager d’une souffrance, vous devez tout d’abord vous protéger de l’agression ou de l’agresseur. Il serait bien difficile de
lâcher prise d’une situation intenable en continuant de la subir.
Simple logique, même s’il arrive qu’on se demande l’impossible. Poursuivre un travail qui menace une valeur personnelle, votre
intégrité par exemple, relèverait davantage de l’aveuglement volontaire ou du refoulement que du pardon ou du lâcher-prise. De même
que demeurer dans une relation de couple où l’un des partenaires inflige une violence à l’autre.

Prendre conscience de votre souffrance


Il est nécessaire de prendre conscience de votre souffrance et pas seulement d’en prendre connaissance. La présence au corps,
l’émotion ressentie, vous rappelle la blessure subie. Il ne s’agit surtout pas d’oublier, de nier les coups, mais de faire la différence entre
ce qui vous appartient et ce qui revient à l’agresseur ou aux circonstances.
Souvenez-vous que vous avez le contrôle sur vous-même, sur vos émotions, mais pas sur les intentions des autres ou sur leurs
comportements, à moins d’avoir déclenché ceux-ci, volontairement ou non.

Dire votre souffrance


Il est parfois nécessaire de dire votre souffrance. Vous ouvrir à quelqu’un permet de vous écouter vous-même. Ici, vous révéler est
fort différent de vous répandre auprès de tout un chacun. Ruminer à voix haute, loin d’être salutaire, envenime et amplifie le problème.
Une personne de confiance, sachant garder son objectivité et recevoir sans juger, ni dans un sens ni dans l’autre, vous aidera à clarifier
la situation ou tout au moins à la sortir de vous. Cela vous procurera la plupart du temps un grand soulagement. Mais s’il est important
de vous confier, il est risqué de le faire sans bien choisir celui ou celle qui sera votre confident. Parfois, il sera indiqué de consulter un
professionnel de l’aide.

Nommer les émotions ressenties


La première étape du deuil consiste à recevoir et à nommer les émotions ressenties. Il est clair que vos préoccupations, vos malaises
physiques et, le cas échéant, l’atteinte à votre estime personnelle sont perturbants et ternissent éventuellement votre plaisir de vivre.
Il arrive que la situation actuelle soit un cuisant rappel d’événements passés mal résolus, ce qui peut vous aveugler sur ce qui se
déroule dans le moment présent et amplifier votre douleur. Comment démêler ce qui vous appartient dans l’offense et comment
également voir la situation sous un autre jour ou un angle différent ? C’est ici que le rôle d’une tierce personne s’avère intéressant. Si
elle est suffisamment détachée, objective, elle peut être en effet d’un grand secours en apportant un autre éclairage.

Prendre le temps avant d’agir


Le deuil, nous l’avons vu ailleurs, fait surgir beaucoup d’émotions, dans l’ordre ou le désordre : colère, peine, déni, etc. La colère
n’est pas mauvaise en soi, en ce sens qu’elle nous signale que quelque chose est en train d’arriver. Elle est une forme de contre-attaque,
l’une des deux façons, avec la fuite, dont nous répondons naturellement à un stress.
Cependant, cette réponse de notre cerveau reptilien est rarement adéquate dans les circonstances de la vie quotidienne. Elle est
adaptée aux seules situations où elle permet vraiment de régler le problème. Considérez-la comme un réflexe qui permet de réagir avec
énergie pour vous protéger et, même si cela demande beaucoup de sang-froid, prenez le temps nécessaire pour réfléchir à la meilleure
action possible. Comme le dit un proverbe arabe : « Ne fais jamais rien dans la colère : hisserais-tu les voiles dans la tempête ? »
Colette Portelance, thérapeute en relation d’aide et auteure, utilise pour sa part l’analogie suivante : « Que diriez-vous d’un père ou
d’une mère qui abandonnerait son enfant en souffrance pour se centrer sur celui qui l’a blessé ? Vous le jugeriez probablement
sévèrement. Pourtant, vous agissez de cette manière quotidiennement avec votre souffrance. Vous la délaissez complètement pour vous
occuper de celui ou celle qui l’a réveillée 27 . »
En vous centrant sur vous-même, il y a fort à parier que votre attention se portera là où elle a le plus de chances de faire diminuer
votre souffrance.

Vous interroger sur vos intentions respectives


Quand c’est possible, vous pouvez essayer de voir le point de vue de l’autre personne, de l’agresseur s’il y a lieu. Il s’agit d’une
démarche qui peut être très difficile et qui ne se met pas en œuvre à chaud. Et son but n’est aucunement d’absoudre, d’excuser. Nous
aimons croire, bien que ce soit parfois laborieux, que la majorité des gens ont de bonnes intentions. Par exemple, un conflit peut naître
du seul désir de l’autre personne de se sentir mieux, même si elle s’y prend de façon maladroite. Bien sûr, ce n’est pas toujours le cas.
Il est utile de mettre les faits en contexte. Pas pour les minimiser, mais pour comprendre.
Soulignons cependant que vous n’avez pas du tout à faire de la psychologie ou de la psychanalyse et que les motivations des autres
peuvent demeurer secrètes, malsaines, perturbées. Il ne vous appartient pas, il ne relève pas de vous, de soigner ceux qui ont de graves
problèmes personnels ou des difficultés psychiatriques.
Par la même occasion, demandez-vous quelle est votre propre intention positive dans toute cette souffrance que vous acceptez de
porter. En quoi consistait votre espoir, votre recherche, votre souhait, dans ce qui s’est produit ? Pardonner n’est-il pas le seul moyen
de retrouver le sens de votre vie sans vous laisser détruire à chaque instant par ce qui vous blesse ?

Trouver un sens
Ce qui vous appartient cependant, c’est ce que vous ferez de votre blessure. Peut-elle vous enseigner quelque chose, faire de vous un
individu plus fort ? Il n’est pas rare qu’une personne, quelques années après une épreuve, remercie presque le ciel pour un divorce, une
maladie, un handicap, qui a changé sa vie pour mieux. Ou que des parents touchés par un malheur lui donnent un sens en œuvrant pour
une association qui vient en aide à d’autres personnes qui ont rencontré les mêmes difficultés.
Bien sûr, il n’est pas nécessaire que votre vécu s’apparente à une catastrophe pour grandir. Mais avouez qu’il est préférable d’investir
votre énergie dans votre santé émotionnelle plutôt que dans une éventuelle vengeance. Molière, il y a quelques centaines d’années,
disait, en grand sage de la nature humaine : « La vengeance la plus noble est le pardon. »

Faire un choix
C’est à cette étape qu’il est facile de trébucher. Pourquoi ? La tentation, inconsciente bien sûr, est grande de vous attacher au malheur
vécu, de vous servir de celui-ci pour obtenir considération, consolation, attention, avantages. Grandir veut aussi dire renoncer aux
bénéfices secondaires du malheur et assumer votre responsabilité, renoncer à la dépendance des autres, famille, amis, thérapeute,
médecin, au-delà du temps nécessaire, ne l’oublions pas, à l’expression des émotions.
Choisir de regarder en avant, c’est à coup sûr tourner la page sur ce passé qui envahit votre présent. Vous poser en victime, nourrir
une vengeance, c’est permettre à ce même passé de continuer à vous faire du mal. C’est donner à une situation ou à une personne le
pouvoir de vous faire souffrir et de décider de votre avenir. Pardonner, ce n’est pas approuver ce qui est arrivé ou libérer l’autre de sa
responsabilité, c’est choisir de mettre un terme à la souffrance qui vous a été infligée.

Le rapport entre pardonner aux autres et se pardonner


Dans un autre ordre d’idée, nous avons tous entendu un jour cette expression : pour être capable d’amour envers autrui, il faut pouvoir
s’aimer soi-même. Le pardon lui aussi s’inscrit dans cette dynamique d’estime de soi. La compassion pour les autres n’est possible que
dans cette certitude de notre profonde humanité.
Nous avons traité, au chapitre 12, de l’importance de l’estime de soi dans le vaste domaine de la santé mentale. Pour certains d’entre
vous, les expériences du passé ont mis à mal votre capacité de vous aimer vous-même. L’enfant que vous étiez a reçu, c’est à espérer
en tout cas, des messages d’amour. Mais il a aussi perçu dans le regard des autres, parents, éducateurs et amis, de la désapprobation,
des reproches, des communications négatives, des doubles messages, qui ont plus ou moins nourri un sentiment d’infériorité, voire une
grande déception face à vous-même. S’accepter dans un regard désapprobateur est tout un défi, surtout lorsqu’on est enfant ou
adolescent.
Vous pardonner de ne pas être à la hauteur de votre idéal et de vos attentes peut être ressenti comme un certain échec que vous
préférez parfois ne pas voir, ne pas trop analyser. Vouloir être parfait, irréprochable, n’est pas un mal en soi. Mais ne pas vous
pardonner de ne pas l’être, ne pas accepter vos imperfections, vous rend par le fait même incapable d’accepter celles des autres.
Au contraire, si vous pouvez y arriver pour vous-même, par une meilleure estime de vous-même, vous serez alors capable d’adopter
cette même attitude envers les failles des autres, envers cette humanité que vous partagez avec eux.
Cela n’est pas toujours facile, mais c’est la voie, le chemin peu fréquenté de ceux qui y arrivent, et il y en a. Les personnes résilientes
qui sont passées à travers de grandes épreuves, que ce soit le suicide d’un proche, les camps de concentration, la torture, en sont des
exemples lumineux.

Pardonner veut-il dire se réconcilier ?


Non, pardonner ne signifie pas nécessairement vous réconcilier. Il vous appartient de décider. Faire la paix avec le passé et ne plus
blâmer l’autre pour vos propres émotions ne passent pas forcément par la poursuite de la relation. Parfois, cela peut être possible,
d’autres fois, non. Les questions suivantes, et surtout les réponses que vous y donnerez, peuvent vous aider à prendre cette décision.
Est-ce que vous tenez à ce lien ? Avez-vous le désir d’y réinvestir temps et énergie ? Le coût en vaut-il la peine ? Pouvez-vous garder
un bon contact, malgré le deuil de certains aspects de cette relation ?
Il est tout à fait possible, dans le pardon réel, de quitter une relation qui vous empêche d’être vous-même.
La souffrance n’est bénéfique pour personne. Prendre une distance est parfois la seule façon de vous rapprocher de vous-même.
Exiger réparation ou justice pour les conséquences d’un drame, d’un événement funeste, d’une séparation ou d’un divorce est fort
différent de nourrir ressentiment ou vengeance. Vous pouvez très bien tourner la page sur un mariage malheureux et réclamer aussi de
votre ex-conjoint une pension alimentaire décente pour votre famille.
Vous le constatez à la lecture de ce chapitre, il y a beaucoup de rapprochements entre la démarche du lâcher-prise et celle du pardon.
Clarifier ce que nous entendons par « pardon » rend cette démarche plus abordable.
De la même façon, nous pouvons faire des liens entre le pardon et la résilience. Puisque vous ne pouvez changer un vécu dont, à coup
sûr, vous auriez pu vous passer, ni effacer des expériences anciennes, pourquoi ne pas au moins saisir l’occasion de transformer cette
crise en occasion de progresser ?

Le pardon à soi-même
Si vous ne vous êtes pas pardonné
quelque chose, comment pouvez-vous
pardonner aux autres ?
(DOLORES HUERTA)
Il y a plusieurs choses que vous auriez intérêt à vous pardonner pour, dans un premier temps, vous libérer du passé et vous centrer
davantage sur vos buts, sur l’intention positive qui a toujours été derrière vos attitudes et vos actions. Et aussi, dans un second temps,
pour vous rendre plus apte à accepter l’humanité des autres, à admettre le fait qu’ils peuvent aussi se tromper et avoir besoin de se faire
pardonner. Edward Herbert a écrit il y a très longtemps : « Celui qui ne peut pas pardonner aux autres détruit le pont sur lequel il doit
lui-même passer, car chaque personne a besoin du pardon des autres. » À la limite, pardonner est presque un geste égoïste.
Quelles sont donc ces choses que vous devriez pouvoir vous pardonner ? Les regrets, pour commencer, qui peuvent empoisonner
votre existence et qui sont stériles. Regret de ne pas avoir eu d’enfant, d’avoir vendu le chalet familial, de ne pas avoir fait d’études, de
ne pas avoir réalisé tel ou tel rêve de jeunesse, etc. Vous pouvez aussi vous en vouloir de ne pas avoir saisi une occasion, de ne pas
avoir agi dans certaines situations qui se sont présentées à vous, de ne pas avoir aidé ou soutenu quelqu’un, d’avoir fermé votre porte à
autrui ou encore de l’avoir sciemment blessé. Certains en arrivent à se détester pour leurs comportements autodestructeurs comme
l’alcoolisme, la dépendance pathologique aux drogues, au jeu ou à de mauvaises habitudes.
Les différences entre le pardon aux autres et celui à soi-même ne sont pas si grandes. Derrière la faute que vous vous reprochez, il y a
cette intention positive qui est bien cachée et qui vous a alors motivé. Quelle était-elle, maintenant dissimulée par le regret ou même le
remords ?
Fred Luskin prétend qu’il est plus facile de se pardonner à soi-même qu’aux autres, car vous avez le contrôle sur l’offenseur qui est
vous-même. Il est ainsi plus à votre portée de modifier vos actions que de changer celles des autres.
Les obstacles que vous rencontrez sont vos habitudes, vos conditionnements, vos croyances, vos règles. Nous avons vu ailleurs qu’il
est possible de les modifier et d’en développer de plus aidants. Vous devriez savoir, à ce point de votre lecture, que vouloir être parfait
est un objectif irréaliste.
Vous pardonner à vous-même rend envisageable la réparation, ce que ne garantit pas le pardon à autrui. C’est un avantage. En
revanche, si vous réconcilier avec l’autre est optionnel, avec vous-même, c’est obligatoire, car la cohabitation avec l’offenseur ne se
négocie pas vraiment.
La même démarche s’applique donc pour le pardon à soi-même. Le passé ne se change pas. Vous pouvez par contre en faire une
relecture à la lumière de votre intention positive. Il est possible de tourner la page sur votre souffrance. Pour y arriver, vous devez
assumer votre responsabilité, l’expression et l’acceptation de vos émotions, et porter à nouveau votre attention sur votre intention
positive et vos objectifs.
Ici comme ailleurs, vos principaux obstacles ne sont pas les offenses, mais le manque d’outils. La rumination, la centration sur ce qui
va mal ne font que vous éloigner de vous-même et de vos buts.
26. Joëlle Gaillard-Wasser, « Chemins de pardon, voies de guérison », novembre 2003,
http://www.lueur.org/textes/pardon-sante.html
27. Colette Portelance, Les 7 Étapes du lâcher-prise , Montréal, Éditions du Cram, 2009, p. 42-43.
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http://bbc.com/news/magazine-24444431

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Sommaire
1. Introduction
2. 1
3. Première partie
4. 2
5. 3
6. 4
7. Deuxième partie
8. 5
9. Troisième partie
10. 6
11. Quatrième partie
12. 7
13. 8
14. 9
15. 10
16. 11
17. 12
18. 13
19. 14
20. 15
21. Bibliographie

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