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MÉDICO--SOCIALE
Marcel Jaeger
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2017/2 n° 18 | pages 45 à 56
ISSN 0042-5605
ISBN 9782749255408
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2017-2-page-45.htm
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Marcel Jaeger
Marcel Jaeger est titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale au Cnam.
1. Le rapport d’Alain Milon au Sénat, en décembre 2012, « relatif à la prise en charge psychia-
trique des personnes atteintes de troubles mentaux », identifiait quatorze rapports officiels
prônant le décloisonnement entre 2002 et 2009 ; parmi eux, le rapport du Conseil supérieur
du travail social, Le décloisonnement et l’articulation du sanitaire et du social, Éditions de
l’ensp, 2007.
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début des années 2000, cette fois d’ouverture d’une logique purement
sanitaire à une logique de santé publique au sens de la charte d’Ottawa 2,
pour aller enfin vers la référence au droit commun, à travers les notions
de projet de vie et de parcours de vie, où se rejoignent, parmi d’autres, les
préoccupations de santé et les problématiques relevant de l’action sociale.
Or, chacun sait que les écarts entre un projet et sa réalisation peuvent
être considérables, qu’ils interrogent alors les compétences, les conditions
organisationnelles ; au demeurant, c’est le principal enjeu de l’évalua-
tion de l’activité. Pour beaucoup de personnes, l’idée de projet est même
difficile à penser si, au-delà d’un projet d’ampleur limitée (tel projet de
soins, projet de déplacement, de rencontre…), il s’agit de se préoccuper
d’un « projet de vie », par nature plus ambitieux. Or, tel est précisé-
ment le nom du document attendu par les Maisons départementales des
personnes handicapées (mdph) pour décider d’une orientation sur une
durée limitée… D’autre part, la notion de projet rend plus difficile la
2. La charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, adoptée par l’Organisation mondiale
de la santé le 21 novembre 1986, indiquait déjà que « la promotion de la santé ne relève pas
seulement du secteur sanitaire ».
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– les ruptures dans le cours de l’existence suite à des événements person-
nels (maladie, accident…) ou familiaux (séparation…) ;
– les ruptures avec le monde ordinaire caractéristiques de publics exclus
ou de territoires négligés ;
– les ruptures entre les institutions ou les professionnels et l’environne-
ment social qui n’en perçoit pas toujours la légitimité ;
– enfin, les ruptures entre les savoirs savants et les savoirs profanes, qui
interrogent la prétention à élaborer des projets cohérents et crédibles.
La même idée se retrouve dans chacun des cinq rapports issus des
États généraux du travail social remis en février 2015. Au demeurant,
c’est elle qui leur donne une cohérence, si tant est que le rapport aux
personnes accompagnées en constitue le fil rouge, à l’exception du rapport
sur la formation initiale et la formation continue qui traite uniquement des
parcours de professionnalisation, comme s’il était possible d’en faire une
question distincte, déconnectée de celle des publics de l’action sociale et
médico-sociale…
• En premier lieu, le rapport sur La place des usagers, dans la même
perspective que le rapport du Conseil supérieur du travail social, Refonder le
rapport aux personnes, « Merci de ne plus nous appeler usagers », introduit
l’idée d’un changement dans le rapport au temps : « Les travailleurs sociaux
ne doivent pas être réduits à activer dans l’urgence des dispositifs adminis-
tratifs et financiers, mais doivent pouvoir mettre en œuvre des stratégies
prenant en compte les parcours individuels. » Cela implique, indique ce
rapport, « de passer d’une logique de dispositifs à une logique de parcours ;
de penser et d’organiser la globalité et la coordination des accompagnements
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• Le rapport Métiers et complémentarités aborde aussi les parcours
de formation, mais il associe la notion de parcours pour les personnes
accompagnées à celle d’accompagnement global. Or, ce dernier, précise ce
rapport, « doit être pensé en termes de parcours de vie et non pas comme
la somme des accompagnements spécifiques ». Il introduit d’autre part
le principe de l’ancrage dans des territoires, moins pour les y restreindre
que pour sortir d’une vision individualisante. Ainsi prend sens le rôle d’un
chef de file ou d’un référent de parcours : « Privilégier une gouvernance
institutionnelle avec chef de file et/ou travail en réseau doit contribuer à
réduire les cloisonnements entre organisations, financeurs, dispositifs,
48 associations et collectivités territoriales. Enfin, pour que les institutions
et les professionnels se positionnent correctement dans un but de complé-
mentarité, il est nécessaire de prendre en compte la diversité du rôle des
acteurs, mais également de mettre en évidence les points de convergence.
Les pistes concrètes évoquent la création de lieux d’accueil de proximité
inconditionnels, le recours à un référent social unique ou à un référent en
charge de la coordination des interventions. »
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En tout cas, concernant le référent de parcours, le rapport Coordination
institutionnelle des acteurs pose une série de questions à propos desquelles
le groupe de travail admet qu’il n’est pas parvenu à un consensus : qui
choisit le référent ? La personne directement concernée elle-même,
comme cela s’est fait en Isère ? La famille ? Mais l’une ou l’autre a-t-elle la
compétence pour apprécier si le travailleur social choisi est apte à devenir
référent ? Faut-il se fier à une « délibération collective » ? Or, s’il faut faire
un choix de référent pour un nombre important de personnes, la formule
risque d’être coûteuse en temps. Comme le dit le rapport, ce n’est plus
une question de compétences, mais de capacités, dans un contexte de
limitation de moyens en personnels. Il faut également imaginer que les 49
choix puissent, heureusement pour les personnes, ne pas être définitifs,
ne serait-ce qu’en raison de la mobilité des professionnels qui sont, eux
aussi, en droit d’avoir des parcours plus ou moins complexes et aléatoires.
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surtout depuis les années 1970, de réduire le clivage entre la « prise en
charge » en institution et ce qui passe pour la « vraie vie », à l’extérieur,
en milieu dit ordinaire. Le premier mouvement a été de rappeler que la
vie est partout, y compris dedans, pour mieux mettre en avant ce qu’elle
devait impulser. D’où l’intérêt pour la notion de « qualité de vie », avant
même de parler de « projet de vie ». En 1994, l’Organisation mondiale
de la santé définit la « qualité de la vie » comme « la perception qu’a un
individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du
système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses
attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ concep-
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tuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne,
son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales,
ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son envi-
ronnement ». Elle anticipe sur l’approche interactionniste et environne-
mentaliste à l’œuvre dans la Classification du fonctionnement humain, du
handicap et de la santé qu’elle adopte en 2001. La vie devient une valeur
centrale de référence pour penser la liberté et la démocratie, notamment
là où elle est le moins facile à installer. Cette nouvelle approche entraîne
un changement supplémentaire assez radical en termes de temporalité de
l’action et de sémantique.
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sa famille l’aide nécessaire à la formulation de son projet de vie, l’aide
nécessaire à la mise en œuvre des décisions prises par la commission des
droits et de l’autonomie des personnes handicapées, l’accompagnement
et les médiations que cette mise en œuvre peut requérir ».
4. Voir Marcel Jaeger, « Quand le législateur découvre la notion de projet de vie », Informations
sociales, n° 156, novembre-décembre 2009, p. 142-144.
5. Jean-Jacques Amyot et Annie Mollier, Mettre en œuvre le projet de vie dans les établisse-
ments pour personnes âgées, Paris, Dunod, 2002, p. 209.
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– le parcours de santé (impliquant la prévention, des liens avec le secteur
social et médico-social, avec un objectif de maintien ou de retour à
domicile) ;
– le parcours de vie (dans une dynamique d’inclusion qui concerne toute
personne qui, par principe, ne saurait être réduite à un statut de « patient »,
voire d’« usager »).
Le parcours de soins
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soins et des dépenses de l’assurance maladie, la fonction de coordination
était accordée aux seuls médecins. Quant aux bénéficiaires, plusieurs cas
d’exclusion étaient énoncés : les enfants de moins de 16 ans, les migrants
dits « de passage », les bénéficiaires de l’Aide médicale d’État. Le dispo-
sitif était pensé pour des assurés sociaux ayant déclaré un médecin traitant
et devant faire appel à plusieurs spécialités pour une même pathologie. Ce
n’était, à l’époque, qu’une amorce, dans un périmètre restreint.
Le parcours de santé
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Avec un spectre plus large que le parcours de soins, le parcours de
santé articule les soins avec, en amont, la prévention en santé et sociale
et, en aval, l’accompagnement médico-social et social, le maintien et le
retour à domicile. La personne soignée est considérée dans un environ-
nement large, professionnel, social, familial… D’autre part, les parcours
de santé impliquent la participation et l’implication des personnes, sur
l’intervention efficace et coordonnée des acteurs du système de soins,
des établissements médico-sociaux et sociaux, des collectivités locales,
des organismes de protection sociale… Ils ont une dimension temporelle
– organiser une prise en charge du patient coordonnée dans le temps – et
une dimension spatiale – un territoire et la proximité du domicile 8.
8. Secrétariat général des ministères chargés des Affaires sociales (sgmcas), Agence régio-
nale de santé, Parcours de soins. Parcours de santé. Parcours de vie. Lexique des parcours.
Pour une prise en charge adaptée des patients et des usagers. Lexique des parcours de A à Z,
janvier 2016.
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Il s’agit de dispositions, plus que d’un dispositif, fondées sur des préoc-
cupations partagées, en particulier le renforcement des possibilités de
maintien à domicile tout en permettant, selon les demandes et les besoins
de la personne, des réponses institutionnelles temporaires ou définitives.
Cela implique de renforcer les coopérations entre les professionnels, tant
les travailleurs sociaux que les personnels de santé, et des aidants, voire
d’autres acteurs de la vie civile, et d’expérimenter des modalités de coor-
dination acceptées par les uns et par les autres : un numéro de téléphone
unique accessible aux personnes âgées et à leurs aidants ainsi qu’aux
54 professionnels, et plus particulièrement aux professionnels de santé libé-
raux, une plateforme d’information et d’orientation recensant les différents
dispositifs/structures existants des territoires à destination des personnes,
une préparation de l’entrée et de la sortie d’hôpital avec des transitions
et une circulation des informations entre les professionnels… Mais là
encore, nous sommes face à des réponses limitées à une problématique
particulière pour une catégorie de public et d’âge très restreinte.
Le parcours de vie
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dination, mais que, surtout, tout ce qui peut être mis en place en faveur de
la personne avec un plateau technique élargi à d’autres intervenants que
les soignants doit, de la même façon, être pensé en lien avec l’ensemble
du parcours de vie des personnes. D’où la question des enchaînements
entre des périodes de soins et des périodes de vie ordinaire, voire des
périodes de vide, d’abandon subi ou voulu. Cela donne souvent tout son
sens au mot « galère », qui signe les parcours du combattant, en général
pas très glorieux.
9. Denis Piveteau (sous la direction de), « Zéro sans solution » : le devoir collectif de permettre
un parcours sans ruptures pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches,
rapport du Conseil d’État, tome I, 10 juin 2014.
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d’une implication sur des suivis de longue durée justifiés par la recon-
naissance que les personnes en difficulté ont une histoire, des parcours
et, puisqu’ils ont aussi des ressources, un droit ouvert à « faire leur vie ».
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10. Dossier « Parcours de vie des personnes âgées immigrées », Vie sociale, n° 16, 2016.
11. Fatima Mezzouj, Parcours migratoire de personnes âgées immigrées. Trajectoires de vie
et accompagnement social, thèse de sociologie, université de Grenoble, 2016.