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Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 3 à 7
ISBN 978274920369
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Éducation et handicap
Page 3
9:31
31/07/09
00 Premières pages

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CONNAISSANCES DE L’ÉDUCATION
Collection dirigée par Charles Gardou
La collection « Connaissances de l’éducation » offre un espace de réflexion, d’ex-
pression, de questionnement, de débat à tous ceux qui sont en charge d’éducation,
quel que soit leur niveau d’intervention.

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Comme la société qui l’environne, le système d’éducation et de formation est
multiforme et instable. Rien n’y est désormais permanent sauf la diversité et le chan-
gement. Plus que jamais l’heure est aux métissages, aux discordances, aux ruptures, aux
différences, à la marginalité, dont la prise en compte constitue un enjeu essentiel.
Les ouvrages de cette collection s’efforcent de poser les problèmes éducatifs en
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intégrant la triple dimension de la mouvance, de la pluralité (sociale, culturelle…) et


de l’altérité (parfois radicale comme dans le cas du handicap). À ce titre, ils s’intéres-
sent tant à l’éducation interculturelle et à celle que l’on dit spécialisée qu’à l’éducation
généraliste, tant au travail social qu’à la formation des adultes.
C’est à la fois par la confrontation de ses différentes logiques et pratiques et par la
reconnaissance de la différence comme essence de l’humain que, paradoxalement,
l’éducation trouve sens et unité.

Voir les titres déjà parus en fin d’ouvrage


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Sous la direction de
Denis Poizat

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Éducation et handicap
D’une pensée territoire
à une pensée monde

connaissances de l’éducation
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NOUS SOMMES PLUS GRANDS DE TOUTES LES VARIANCES DU MONDE


Ce livre n’aurait peut-être pas vu le jour sans la rencontre, trop rare, de deux univers :
la comparaison internationale en éducation et la recherche sur le handicap.
L’Association francophone d’éducation comparée (AFEC http://afecinfo.free.fr/afec/)
conduit depuis 1972 des travaux de portée internationale. Ces trente années consacrées
à l’analyse des systèmes éducatifs l’amènent à considérer sans complaisance les enjeux
contemporains en éducation. Mariane Frenay, de l’université de Bruxelles, et Alain
Carry, chargé de recherche au CNRS, présidents de l’AFEC, ont très utilement favorisé ce
travail en stimulant l’organisation du colloque de l’AFEC à l’université Lumière-Lyon 2
en mai 2003 : « Situations de handicap et systèmes éducatifs, analyses comparatives. »

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Il a été accueilli au sein de l’Institut des sciences et pratiques d’éducation et de forma-
tion, un des rares départements de sciences de l’éducation français à développer des
recherches sur le handicap, dirigé par le professeur Charles Gardou. Ses nombreux tra-
vaux sur le handicap ne sont pas étrangers au choix de cette thématique. Par l’impul-
sion qu’il a contribué à donner à la recherche française en éducation, notamment en
créant à l’université Lumière-Lyon 2, en 1995, le Collectif de recherches « situations de
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handicap, éducation, sociétés » (CRHES http://crhes.free.fr/) qui, depuis, a pris l’ampleur


que réclamait la tâche aux niveaux national et international, il a renforcé la recherche
en associant les personnes en situation de handicap peu présentes au sein de la sphère
universitaire. Cette inflexion annonçait au fond le message : « Rien sur nous sans
nous ! », revendication impérieuse des personnes en situation de handicap soucieuses de
n’être pas prises comme objet d’étude exotique. Il semblait donc cohérent de croiser les
regards par une dimension comparative indépendante des organisations internationales
publiques qui produisent par ailleurs d’excellents travaux, susceptible également de
contribuer à mieux asseoir un champ de recherche universitaire en éducation compa-
rée. Lorsque je proposai à l’AFEC cette thématique nouvelle, c’est un domaine ouvert, en
friche par certains aspects, qu’il s’agissait d’explorer sans se cantonner à l’entre-soi des
pays industrialisés mais en dirigeant l’attention vers les États pour lesquels le handicap
interroge les systèmes éducatifs de façon plus récente. Dans cette optique, la pensée d’É-
douard Glissant offre naturellement de le suivre : « Nous sommes plus grands de toutes
les variances du monde. » C’est à chacun des contributeurs de ces horizons chamarrés
que vont d’abord mes remerciements, ils s’adressent ensuite aux responsables de l’AFEC
et du CRHES, et à l’ensemble des collaborateurs ayant, par leur disponibilité et leurs
conseils, contribué à la réussite de cette manifestation scientifique.
Denis Poizat
Maître de conférences à l’université Lumière-Lyon 2,
vice-président du CRHES,
responsable scientifique du colloque.

Conception de la couverture :
Anne Hébert
Ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre
ISBN : 2-7492-0369-4
CF – 1500
© Éditions érès 2004
11, rue des Alouettes, 31520 Ramonville Saint-Agne
www.edition-eres.com

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Méditer en philosophe,
c’est revenir du familier à l’étrange
et dans l’étrange affronter le réel.
Paul Valéry
DES TERRITOIRES RÉSERVÉS AUX UNIVERS PARTAGÉS
Denis Poizat

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 9 à 18
ISBN 978274920369
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01 Chap. 01 31/07/09 9:32 Page 9

Denis Poizat

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Des territoires réservés
aux univers partagés
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Comment passer d’une pensée territoire à une pensée monde ? Cet


enjeu commande une mutation des territoires clos vers les univers par-
tagés pour ceux que les systèmes d’éducation et de formation
accueillent encore avec peine en certains endroits, exceptionnellement
en d’autres.
Mon propos est balisé par trois réflexions. La première puise dans
le dynamisme intellectuel, politique et commercial européen du
XVIe siècle qui, explorant le monde et découvrant ses habitants, a anti-
cipé le parti pris scientifique des XVIIIe et XIXe siècles. Sa description
méticuleuse structura la connaissance de l’homme selon une logique
de la place et une pensée du territoire réservé. Cette partition territo-
riale et humaine, qui a fait de la différence un instrument de décodage
de notre monde, a constitué à n’en pas douter un outil de maîtrise par-
fois forcenée des peuples allogènes, façonnant de surcroît le sentiment
de supériorité de certains groupes. Elle a sculpté, en creux, la croyance
en l’infériorité d’autres groupes humains. La deuxième réflexion s’ins-
pire d’un fait concomitant de la partition de l’humain : nous avons
édifié et généralisé les espaces protégés dans les sociétés préindustriali-
sées et industrialisées pour des populations vivant le handicap.
Donner une place à chacun dans une société, l’organiser, la contrôler
et la limiter au sein d’un territoire quadrillé et codifié au nom d’un
pseudo-projet charitable, pareil héritage a marqué les mémoires des
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Éducation et handicap
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sociétés. Enfin, je montrerai en quoi ces deux éléments se trouvent


aujourd’hui en butte à la revendication internationale pour l’inclusion
scolaire. Elle adresse, depuis la fin du XXe siècle, des messages aux poli-
tiques d’éducation. Elle le fait de manière non pas individuelle et
éparse, mais fédérée, en sorte que l’univers du handicap se glisse désor-
mais dans un modèle de la pensée monde, s’éloignant progressivement

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de l’insularisation 1 en laquelle ont parfois été tenus la pensée, la
recherche et les pratiques autour du handicap pour rejoindre la diver-
sité géopolitique et culturelle. Je l’appellerai, en me référant à Édouard
Glissant, la pensée archipélique. Cette métaphore de l’archipel est un
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passage vers la construction d’une pensée monde. Elle n’est pas un


commentaire de plus sur la mondialisation, mais une pensée où s’éla-
borent bien davantage que le flux ou l’échange : une empreinte s’en-
grammant dans notre conscience collective du monde.

LES TERRITOIRES RÉSERVÉS

J’appelle Chaos-monde le choc actuel


de tant de cultures qui s’embrasent, se repoussent, disparaissent,
subsistent pourtant, s’endorment ou se transforment […] :
ces éclats, ces éclatements dont nous n’avons pas saisi l’économie
et dont nous ne pouvons pas prévoir l’emportement.
E. Glissant 2

Au XIXe siècle, la Suisse a été le théâtre d’un conflit entre un pas-


teur et un savant. Karl Vogt, professeur à l’université de Genève,
auteur de nombreux ouvrages 3, ne fait pas l’unanimité chez les pro-
testants clamant leurs convictions égalitaristes. Alors qu’il est apostro-
phé par cette communauté religieuse à propos de ses conceptions de
la graduation de l’espèce humaine, le savant répond : « Il vaut mieux
être un singe perfectionné qu’un Adam dégénéré. »

1. On doit le concept d’insularisation du handicap à Charles Gardou, Connaître le han-


dicap, reconnaître la personne, Toulouse, érès, 2e édition, 2002.
2. E. Glissant, Le traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997, p. 22.
3. K. Vogt, Leçons sur l’homme, sa place dans la création et dans l’histoire de la terre, tra-
duction de J.-J. Moulinié, Reinwald, Paris, 1878.
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Des territoires réservés aux univers partagés


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L’historien André Pichot 4 souligne que le rêve de pureté si vivace


dans certaines sociétés s’est établi sur la fortune de la classification de
l’homme. « Le tableau taxonomique des douze espèces et des trente-
six races humaines » édifié au XIXe siècle par Ernst Haeckel 5 permet
de distinguer approximativement les supposées différentes espèces
humaines : l’espèce Papou (homo papua), subdivisée en quatre races,

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l’espèce Hottentot (homo hottentus) composée des célèbres Boschi-
mans du Cap de Bonne Espérance ; l’espèce Caffre (homo cafer), qu’il
situe en Afrique sud-orientale, au sud de l’Afrique centrale ou en
Afrique sud-continentale alors qu’au contraire, l’espèce Nègre (homo
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niger) se rencontre au Pays de Tibou, au Soudan, en Sénégambie et en


Nigritie.
Ainsi aurait pu aller le partage du monde opéré par des représen-
tants de la science de l’époque, traduits en plusieurs langues : Darwin,
Gobineau, Vacher de Lapouge et bien d’autres. Bien entendu, le
tableau taxonomique des douze espèces et des trente-six races humaines
selon Ernst Haeckel est scientifiquement faux, mais le classement de
l’homme sur la base d’un morphotype demeure bien vivant et
témoigne de l’idéologie socio-darwinienne du XIXe siècle. Elle subsiste
au sein de certaines sociétés où l’on continue d’attribuer à un supposé
type morphologique une valeur intrinsèque puissante.
Mais à bien lire ce rêve de la société pure, on y décèle clairement
la relation entre la classification des êtres humains et le territoire qu’ils
occupent. La catégorisation des hommes en espèces, races ou autres
attributs n’est pas flottante dans l’espace. À chaque genre, à chaque
type, à chaque catégorie son territoire. La race hyperboréenne de l’es-
pèce homo-articus se trouve, selon Ernst Haeckel, au nord-est de
l’Asie, et surtout pas au sud-est. Territoire et race sont ainsi indisso-
ciables et ont constitué longtemps un fait peu contesté de l’agence-
ment humain dans une logique fruste de l’appartenance à la fois ter-
ritoriale et raciale.
Mais dans ces territoires réservés, marqués par le racialisme, on
oublie l’assignation concomitante et prolongée des personnes en situa-

4. A. Pichot, La société pure, de Darwin à Hitler, Paris, Flammarion, 2000.


5. E. Haeckel, Histoire de la création des êtres organisés d’après les lois naturelles, 1868, tra-
duction C. Létourneau, Reinwald, Paris, 1874.
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Éducation et handicap
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tion de handicap à des territoires spécifiés, qu’on supporte dès lors


qu’elles vivent en résidence « protégée ».

LES ESPACES PROTÉGÉS

Pour la première fois, les cultures humaines en leur semi-totalité

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sont entièrement et simultanément mises en contact
et en effervescence de réaction les unes avec les autres […]
Mais il est encore des lieux et des temps différents.
E. Glissant 6
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L’assignation des individus à résidence s’est longtemps cachée sous


les traits d’un projet altruiste. Au cours du XVIIe siècle français, on a
mieux voulu connaître les causes de ce qu’on considérait alors comme
la monstruosité. À cette époque, la difformité intègre un espace qui lui
est clairement désigné, par charité pensait-on alors. L’historien Henri-
Jacques Stiker 7, affirmant que « dans cet âge classique, tout pouvoir se
nomme charité, car tout le déploiement de la charité a concouru, en
fait sinon en intention, à cette action du pouvoir politique d’encadrer
la déviance », se montre très proche des analyses de Michel Foucault 8.
Le philosophe rappelle en effet que l’art de la répartition des individus
dans l’espace est d’abord un fait disciplinaire. Il dresse une clôture,
édifie un espace hétérogène à tous les autres, fermé sur lui-même et sur
ses occupants. À la clôture s’ajoutent le quadrillage, la surspécification
des individus, la lutte constante contre l’agglomération et la circula-
tion diffuse des personnes. Cette gestion de l’espace est en outre codée
par l’édification d’emplacements fonctionnels, propices à maximiser la
productivité des tâches auxquelles sont soumis les individus.
La description des espaces concentrationnaires vaut aujourd’hui
principalement pour la prison dans les sociétés contemporaines mais
l’analyse d’Henri-Jacques Stiker à propos du mouvement aliéniste du
début du XIXe siècle et de la réadaptation dans l’après-Seconde Guerre
mondiale en Europe n’en est pas totalement éloignée, à une différence
près toutefois : cette assignation à un territoire relève non plus d’un

6. E. Glissant, Le traité du Tout-Monde, op. cit., p. 23.


7. H.-J. Stiker, Corps infirmes et sociétés, Paris, Dunod, 1997, p. 101.
8. M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1995, p. 166 et suiv.
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Des territoires réservés aux univers partagés


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prétexte charitable mais d’une logique de redressement au sein de ter-


ritoires spécifiés. Ces formes d’assignation des individus à des lieux
hétérogènes à la vie commune est, dit-on parfois, un moindre mal.
Cependant, rappelle Vladimir Jankelevitch 9, un mal, même moindre,
reste un mal. Rien d’étonnant que sur cet obstacle vienne buter la
revendication des parents pour une éducation plus inclusive.

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LES UNIVERS PARTAGÉS

La pensée archipélique convient à l’allure de nos mondes […]


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Est-ce-là renoncer à se gouverner ?


Non, c’est s’accorder à ce qui du monde
s’est diffusé en archipels précisément,
ces sortes de diversités dans l’étendue,
qui pourtant rallient des rives et marient des horizons.
E. Glissant 10

La demande d’inclusion des enfants et des adolescents en situation


de handicap au sein des mainstreamschools, ces écoles du tout-venant,
ordinaires et communes, révèle une distorsion entre les territoires clos
et les terres ouvertes. Elle apparaît comme un nouveau cri du monde,
pour citer encore Édouard Glissant.
Ce cri refuse toute intention pouvant ressembler, de près ou de
loin, à une tentative de mise à l’écart des enfants en situation de han-
dicap lorsqu’ils peuvent objectivement bénéficier de l’offre scolaire. Cet
espace protégé, représenté par la classe spécialisée, l’établissement pour
enfants différents, tout cela est parfois perçu comme une agression
oblique. Cette plainte appelle l’effondrement d’une ligne de démarca-
tion entre espace partagé et espace protégé, elle est une marche vers une
véritable présence au monde. L’anthropologue américain Ward Goo-
denough rappelait ceci : habiter, c’est être membre. Dans son sens pre-
mier, le territoire est une étendue où vit un groupe humain soumis à
une juridiction. Or, certains espaces demeurent encore inhabités par
ceux qui, en droit, y peuvent vivre et apprendre. Alors il est normal,
prévisible, souhaitable même, que s’affirme et parfois gronde cette

9. V. Jankelevitch, Le pur et l’impur, Paris, Flammarion, 1993.


10. E. Glissant, Le traité du Tout-Monde, ibid.
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Éducation et handicap
14

demande. Pour certains, l’école est encore un horizon lointain. Pour


trop d’étudiants, l’accès à l’université reste refusé parce qu’il arrive
encore que ni les locaux, ni les volontés individuelles ne s’y prêtent. On
sait bien que les procédures d’accès pour les élèves en situation de han-
dicap sont minutieusement mises en œuvre dans les pays à filières sco-
laires séparées, que les commissions statuent selon la « métro-manie »

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des tests et mesures. Pour autant, de trop nombreux parents connais-
sent encore les difficultés d’inscription de leur enfant dans un établis-
sement scolaire. Ils sont contraints, parfois, à entrer dans une logique
ouverte de conflit avec les institutions.
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Le conflit entre individus et institutions ne concerne pas la seule


scolarisation des enfants et des adolescents. Les progrès dans ce
domaine, s’ils restent certes insuffisants, sont réels dans les pays indus-
trialisés. La demande des familles vise aussi la mise en œuvre du droit
à l’éducation dans un espace partagé. Il n’est pas étonnant que les
familles à qui est refusée l’inscription d’un enfant se lancent dans des
batailles ouvertes, plus frontales et plus nombreuses. Soutenue par des
associations, leur action consiste souvent dans un premier temps en
une recherche d’information et une demande d’appui. Cet engagement
se situe dans la suite des lobbystes anglais du XVIIIe siècle, assiégeant la
chambre des Lords dans le corridor du pouvoir. Mais lorsque le lobby
ne suffit pas, le conflit devient parfois nécessaire. Il faut y voir quelque
chose qui va bien au-delà de la recherche d’un simple règlement arbi-
tré par le droit. Il est une forme socialisatrice entre une société et ses
membres. En dénonçant le scandale, les familles montrent la nécessité
d’un passage vers une société socialisée sur les fondements d’un nou-
veau contrat. En cela, la mobilisation des connaissances dans ce qui
devient une bataille juridique, médiatique et politique, va croissant.
Toujours, la dénonciation du scandale s’accompagne d’un savoir. Les
familles et les associations de parents enquêtent. Elles instruisent
leur demande par les rapports des organismes internationaux. Dès
lors, le différend et son règlement apparaissent comme une force
régulatrice. Prenant le contre-pied du conflit pensé dans une seule
optique destructrice, le sociologue Georg Simmel 11 rappelle que la
paix est toujours latente dans la bataille. Son caractère polyvalent

11. G. Simmel, Le conflit, Paris, Circé, 1995.


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Des territoires réservés aux univers partagés


15

exerce, dans le langage partagé du droit, une forme paradoxale de solu-


tion pacificatrice.
Dans cet esprit, on peut être frappé par l’ample modification sur-
venue depuis les années 1990. Outre la revendication et le conflit, c’est
l’élargissement d’une demande d’inclusion au niveau international qui
se fait jour. Elle n’est plus seulement celle des familles isolées, mais des

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familles regroupées, elle ne fédère plus uniquement des groupes privés
mais des États et des institutions internationales. C’est dans cette direc-
tion que s’élabore aujourd’hui la pensée monde. Elle s’appuie sur une
nouvelle labilité de la demande ; elle est organisée mais elle est mou-
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vante ; elle s’adresse aux systèmes éducatifs, s’incarne au sein d’un sys-
tème stable de pratiques revendicatives ; elle est à la fois plus précise et
plus solidaire, et constitue une forme d’injonction aux responsables des
systèmes éducatifs désormais condamnés à adopter des cadres d’action
renouvelés pour les politiques publiques. Contraintes de justifier clai-
rement leurs décisions, celles-ci ne peuvent se satisfaire d’un pilotage à
vue lointaine, mais doivent s’efforcer d’être plus proches des difficultés
des familles et des enseignants.
Or, une politique publique est le résultat de diverses influences, de
représentations des enjeux sociopolitiques, d’ajustements et de négo-
ciations. Les actions finalement retenues sont sous-tendues par ce qu’il
est convenu d’appeler, en matière d’analyse de politique publique,
« l’énoncé d’une théorie générale d’action ». On a longtemps cru, à
propos du handicap, que l’ambition des hommes ne pouvait aller
contre la puissance d’un destin biologique. Le responsable politique,
dans ce domaine, peine parfois à considérer le potentiel de son action
face aux forces implacables de la biologie, de l’hérédité ou, plus géné-
ralement, des limitations du corps et de l’esprit. Charles Gardou 12
rappelle qu’avant 1965, en France, on déclarait incapables d’ap-
prendre à lire et à écrire les enfants porteurs de trisomie 21. Devant
cette incapacité supposée d’autrui, placée dans l’ordre de l’inéluctable,
« les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer les désordres
de l’Univers qu’ils ont pour devoir de gouverner », rappelait Romain
Rolland en 1914 13. Comment en effet gouverner les systèmes éduca-
tifs dans le sens des progrès de l’inclusion ? La diversité des niveaux de

12. C. Gardou, Connaître le handicap, reconnaître la personne, op. cit.


13. R. Rolland, Au-dessus de la mêlée, Journal de Genève, septembre 1914.
01 Chap. 01 31/07/09 9:32 Page 16

Éducation et handicap
16

développement économique et le volontarisme plus ou moins marqué


des politiques publiques apparaissent comme les facteurs les plus
visibles de cette marche, alors que d’autres éléments, plus profonds,
d’ordre anthropologique, historique ou psychologique, contrarient
cette perspective.
Le paysage contemporain marqué par le décalage entre les systèmes

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éducatifs ne paraît-il pas, au fond, ingouvernable ? La mondialisation,
perçue par les uns comme une menace, considérée par d’autres comme
un puissant levier de développement par les échanges économiques et
culturels qu’elle suscite, joue un rôle encore opaque dans la mise en
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œuvre de l’éducation inclusive. D’abord appliquée à l’évolution de


l’économie avec la mise en place d’un libre échange généralisé, c’est à
la circulation des idées qu’elle s’est aussi naturellement dédiée. L’appa-
rent dépassement de l’État-nation au profit d’une société civile mon-
diale émergente n’est sans doute qu’un leurre un peu naïf. La mondia-
lisation que nous connaissons n’est que le dernier développement d’un
processus ancien, celui de l’ère industrielle européenne du XVIIIe siècle,
et de façon bien antérieure, celui du début des temps modernes, au
XVe siècle. Phénomène historique devenu sujet d’actualité, la mondia-
lisation constitue davantage un changement de rythme qu’une rupture
historique radicale. Les analyses géopolitiques récentes 14 montrent que
les sociétés se structurent selon la forme d’un sablier, où les parties infé-
rieures et supérieures communiquent par un lien ténu, alors qu’elles
étaient autrefois davantage structurées par une forme pyramidale
moins inéquitable. Face à cela, en lieu et place de l’installation de socié-
tés clivées, la mondialisation contemporaine doit répondre au défi de
« l’utopie du cercle et de la circulation », à l’intérieur desquels les sys-
tèmes éducatifs semblent contraints d’organiser leurs filières sur le
mode de la circulation douce plutôt que sur celui des cloisons étanches.
À la fin du XIXe siècle, le marché que constitue l’éducation, s’élevant
à plus de 2 000 milliards de dollars 15 – le vingtième du PIB planétaire ! –

14. Celles de Thierry de Montbrial, développées dans L’action et le système du monde,


Paris, PUF, 2002, sur un plan général, ou celles de Cecilia Braslavsky, dans « Les enjeux
de la mondialisation, Les grands débats éducatifs aujourd’hui », Revue de Sèvres, n° 27,
octobre 2000, p. 33-49.
15. « Éducation, un marché de 2000 milliards de dollars », titrait Le courrier de l’Unesco,
n° 11, 2000/11, p. 13-85.
01 Chap. 01 31/07/09 9:32 Page 17

Des territoires réservés aux univers partagés


17

dont le cinquième était capté par le secteur privé, peut laisser craindre
trois orientations possibles. Mise en œuvre de manière croissante par le
secteur privé, associatif notamment, la scolarisation des enfants et des
adolescents en situation de handicap restera trop souvent du ressort des
volontés privées dans les pays en développement et sera marquée par
l’effacement des politiques publiques. Une autre hypothèse, qui me

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semble la plus crédible, tient à un niveau de développement des sys-
tèmes éducatifs extrêmement lent dans les prochaines décennies dans les
pays à faibles revenus, avec, en parallèle, une décroissance du dévelop-
pement de l’éducation inclusive dans les pays en développement qui ne
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sera pas rattrapée par le secteur privé du fait de l’organisation croissante


des sociétés en sablier. Les solidarités interclasses sociales qui ont pu
jouer un rôle dans les sociétés pyramidales sont maintenant remises en
cause, y compris dans les sociétés de social welfare du nord de l’Europe.
Enfin, il est possible que la réflexion internationale sur l’équité en
éducation ne prenne pas suffisamment en compte les publics touchés
par le handicap, par méconnaissance du problème le plus souvent,
plus attentive à d’autres revendications mieux médiatisées, et détermi-
nant du même coup certaines des réflexions fondamentales sur la jus-
tice en éducation 16.
C’est en ayant conscience de ces enjeux considérables qu’il
convient d’aborder la diversité des contributions contenues de cet
ouvrage. Elles s’insèrent dans un cheminement de la pensée territoire
vers la pensée monde.
Dans une première partie, l’étude de Felicity Armstrong montre
de quelle manière le discours dans les écoles anglaises peut masquer
des réalités sombres. Malika Tefiani nous conduit dans la wilaya
d’Alger où la prise en compte des enfants en situation de handicap
souligne d’autres facteurs d’exclusion. Nous serons ensuite conviés par
Marie-Françoise Crouzier à comprendre en quoi la pensée du terri-
toire se mute en pensée du réseau, et particulièrement du réseau
d’aide, expérience novatrice en Europe. Mais le réseau appelle la col-
laboration, c’est ce que décrivent Brigitte Belmont et Aliette Vérillon

16. D. Poizat, « Légitimité et illégitimité des catégories de population dans la réflexion


internationale sur l’équité en éducation. Cas de la catégorisation “ethnique” et des per-
sonnes en situation de handicap », Colloque international, Droit à l’éducation, Ouga-
dougou, Burkina Faso, actes à paraître, AFEC, 2004.
01 Chap. 01 31/07/09 9:32 Page 18

Éducation et handicap
18

dans leur réflexion sur la régulation nécessaire à la mise en œuvre de


l’éducation inclusive.
Au fil d’une deuxième partie, c’est dans l’archipel des Antilles que
Fernand Sainte-Rose illustre ce passage des territoires de la contention
vers les espaces éducatifs plus ouverts, tandis que Lin Kuei Mei et Éric
Plaisance montrent qu’à Taiwan, pourtant à grande distance du

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monde européen, on a su se tourner vers les expériences étrangères.
Andrea Canevaro s’applique à montrer comment, au sein d’un terri-
toire plus vaste, celui de la péninsule italienne, se sont opérées les
transformations pour une école inclusive. Marjolaine Saint-Pierre
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considère les dimensions politiques et organisationnelles liées à la


nouvelle réalité québécoise de l’inclusion alors que, dans un cadre
réputé pour son inégalitarisme, le Brésil, Adriana Limaverde Gomes et
Rita Vieira de Figueiredo envisagent les perspectives d’apprentissage
des enfants porteurs de difficultés intellectuelles.
Dans une troisième et dernière partie, les horizons lointains,
constitutifs peut-être d’une sorte d’utopie, sont dessinés par Pierre
Fonkoua, qui s’empare de l’exigence d’éducation permanente pour les
personnes âgées au Cameroun. Pour sa part, Éric Plaisance présente
dans le contexte international brouillé les difficultés auxquelles se
heurte la production d’indicateurs pour l’éducation inclusive. Enfin,
nous explorerons avec Charles Gardou les ruptures requises pour éla-
borer les voies de l’inclusion scolaire.
DÉBUSQUER L'IDÉOLOGIE : L'EXEMPLE D'UNE ÉCOLE EN
ANGLETERRE
Felicity Armstrong

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 19 à 32
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ISBN 978274920369
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/education-et-handicap--978274920369-page-19.htm
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De la clôture à l’ouverture : l’école
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Felicity Armstrong 1

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Débusquer l’idéologie :
l’exemple d’une école en Angleterre
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DU CENTRALISME À LA DÉCENTRALISATION

Suite à une politique complexe et contradictoire conduite depuis


quinze ans par les gouvernements des Conservateurs et du « New »
Labour concernant les droits à la participation des enfants « handica-
pés » en Angleterre, ce n’est que très récemment que l’on a constaté
une diminution du nombre d’élèves accueillis au sein des écoles spé-
ciales. En effet, en moyenne, 1,39 % des enfants sont pris en charge
au sein des écoles spécialisées. Le pourcentage varie plutôt entre
0,35 % et 2,64 % selon le Local Education Authority 2 (Norwich,

Felicity ARMSTRONG, professeure à l’Institute of Education, Université de Londres.


1. Cette contribution a fait l’objet, sous une autre forme, d’une publication au sein de
la revue Politiques d’éducation et de formation, Poizat D. (dir.), « Situations de handicap
et systèmes éducatifs », Bruxelles, De Boeck, 2004.
http://www.ieeps.org/french/journals/politiques.html.
2. Le Local Education Authorities (LEA) désigne les instances éducatives des gouverne-
ments locaux.
Éducation et handicap
22

2002 ; Ainscow, 2003). La loi sur l’éducation, votée en 1981 (The


Education Act), a introduit une politique en faveur de l’intégration des
élèves « handicapés » ou en difficulté pour diverses raisons au sein des
structures ordinaires. Elle est conditionnée par l’accord parental et par
l’absence de nuisance à l’éducation des autres enfants « non handica-
pés ». Enfin, il importe que son coût ne soit pas déraisonnable. De

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plus, la loi de 1981 consécutive au Rapport Warnock (Warnock
Report) de 1978 a tenté d’abolir la terminologie marginalisante en
remplaçant les catégorisations d’origine médicale par une nouvelle
nomenclature liée aux besoins éducatifs spéciaux (special educational
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needs). Cette expression, qui connaît aujourd’hui un ample succès,


désigne une large catégorie englobant les enfants en situation d’échec
scolaire ou perçus comme ayant des problèmes les plaçant potentielle-
ment en danger pour de multiples raisons. Parmi elles, figure la pré-
sence d’une déficience physique, intellectuelle ou sensorielle. La poli-
tique des quinze dernières années encourageant la performance
académique, la sélection et la compétition entre les écoles, il n’est pas
surprenant que les élèves que l’on estime moins performants ne soient
pas chaudement accueillis au sein de certains établissements. On peut
y voir une des raisons du maintien des écoles spéciales. On observe
aujourd’hui l’ouverture de certains types d’établissements dédiés à
l’accueil des élèves au comportement dérangeant. Le système public
d’éducation est centralisé au niveau du programme scolaire et des
modalités d’évaluation, mais ce sont les municipalités qui contrôlent
le système d’éducation dans leurs régions respectives. À l’intérieur de
ce cadre, les directeurs d’établissement et les conseils d’écoles optent
pour certaines politiques d’établissement. À l’instar des municipalités,
dirigées par des élus, les conseils d’écoles accueillent des représentants
de partis politiques (de niveau municipal), des représentants des
parents d’élèves, des enseignants, ainsi que des membres de la com-
munauté locale. Cet engagement politique révèle des différences
importantes dans la manière dont est interprétée la politique gouver-
nementale. La situation est rendue plus complexe encore du fait des
lignes de démarcation observées entre les différents fonctionnaires et
professionnels qui sont ainsi poussés à défendre les intérêts, notam-
ment budgétaires, de leur secteur.
S’attachant à la proposition de fermeture d’une école spécialisée
dans un Local Education Authority (bureau responsable de gestion du
service d’éducation) au cœur d’une municipalité située au nord de
Débusquer l’idéologie : l’exemple d’une école en Angleterre
23

l’Angleterre, cette contribution envisage le processus par lequel se


dévoile une politique d’inclusion au niveau microscopique. Il
convient d’abord d’apporter quelques précisions terminologiques.
Depuis une dizaine d’années, on emploie communément le mot
inclusion au lieu de celui d’intégration. Ils ne sont pourtant pas inter-
changeables (Armstrong, 2003). Ainsi que l’expliquent Plaisance et

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Gardou (2001, p. 11), il y a « une forte opposition entre une politique
d’intégration dans la continuité des politiques anciennes d’éducation
spéciale, et une politique d’inclusion, impliquant un changement
radical des écoles ordinaires en faveur de l’accueil des diversités,
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quelles qu’elles soient ».


Ce changement radical apparaît dans l’Index for Inclusion (Booth,
Ainscow et al., 2000, 2002), manuel destiné aux écoles s’engageant à
transformer leur culture et leurs pratiques afin de devenir des écoles
pour tous. Ce document, produit par un groupe de chercheurs et pra-
ticiens liés au Centre for Studies in Inclusive Education (CSIE) – le
Centre d’études en éducation inclusive –, a été adopté par certaines
écoles anglaises tentant de l’adapter à leurs particularismes. Son utili-
sation est amorcée au sein de quelques écoles dans plusieurs pays,
notamment en Inde et au Canada. Selon l’Index for Inclusion, une
école inclusive est une école en mouvement, quel que soit son point de
départ (Booth, 2003) et qui s’est engagée dans une lutte de transfor-
mation pour devenir une école démocratique et égalitaire, faisant bon
accueil à tous les enfants et à tout membre de la communauté. Le
terme d’inclusion concerne non seulement les personnes handicapées,
mais tout un chacun, y compris les enfants en danger d’être margina-
lisés pour des raisons sociales, économiques ou politiques, du fait d’at-
titudes discriminatoires.
Si cette contribution s’attache aux processus politiques relatifs à
l’avenir d’une école spéciale destinée aux enfants en situation de han-
dicap, son point de départ réside dans l’idée selon laquelle l’inclusion
concerne tout le monde. Il est évident que dans cette conception large
du terme inclusion, le système général d’éducation et les écoles au
niveau local doivent accomplir un immense travail, a fortiori au sein
d’un pays où les distinctions sociales et la conception du normal sont
très fortement enracinées dans une culture de plus en plus préoccupée
par la réussite, marquée par des mesures fortement normalisantes sur
le plan de la performance académique, la consommation et le style de
vie (life style).
Éducation et handicap
24

Pour mieux comprendre la complexité et les contradictions de la


politique anglaise actuelle en matière d’éducation spécialisée et d’in-
clusion, il est nécessaire de prendre en compte quelques-unes de ses
origines assez récentes. Elles remontent à un quart de siècle. Le rap-
port Warnock de 1978, précédant la loi sur l’éducation de 1981, indi-
quait un changement de climat social et politique majeur pour le droit

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à la participation aux structures scolaires ordinaires pour tous. À partir
de la loi d’éducation de 1970, tous les enfants relevaient de la juridic-
tion du ministère de l’Éducation et étaient considérés comme édu-
cables. Il n’existait donc plus de structures médicales destinées aux
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enfants handicapés. Avant cela, on acceptait que les enfants ayant de


lourdes difficultés soient scolarisés dans les écoles spéciales. Ils y rece-
vaient des soins et suivaient un programme d’études qui – pour beau-
coup – n’avait rien de commun avec ce que connaissaient les enfants
scolarisés au sein des établissements ordinaires. Ainsi, souvent, perdu-
rait un régime médicalisé semblable à celui des anciennes institutions
ségrégatives. L’importance du Rapport Warnock et de la loi de 1981
fit qu’au lieu de se concentrer uniquement sur les déficits des enfants
comme justification d’une ségrégation inévitable, l’on commença à
admettre que l’école elle-même pouvait contribuer aux difficultés
d’apprentissage chez l’enfant. Dès lors, dans la mesure de ses moyens,
l’école ne pouvait se dérober à sa nécessaire adaptation aux diversités
des élèves.
Le rapport Warnock reconnaissant également qu’environ 18 %
des élèves scolarisés dans l’école ordinaire rencontreraient, pour des
raisons diverses, des difficultés d’apprentissage au cours de leur car-
rière scolaire ; l’existence de l’incapacité n’entraînerait pas nécessaire-
ment des problèmes d’apprentissage et l’absence apparente de l’inca-
pacité chez l’enfant n’impliquerait pas, non plus, qu’il ne puisse pas
rencontrer de problème. L’école spécialisée n’était plus a priori le lieu
naturel de prise en charge des enfants porteurs d’incapacités ou ayant
des difficultés d’apprentissage. Insistant sur le principe de responsabi-
lité des écoles ordinaires dans l’accueil des enfants vivant dans un
proche environnement, le rapport Warnock et la loi de 1981 ont tenté
de se démettre des catégories du handicap en les remplaçant par le
terme special educational needs (besoins éducatifs particuliers). Cette
expression désigne les difficultés d’apprentissage appelant la mise en
œuvre de mesures d’éducation spécialisée (Ainscow, 2003). Mais la
nomenclature des termes utilisés par les professionnels pour désigner
Débusquer l’idéologie : l’exemple d’une école en Angleterre
25

les enfants selon des critères médicaux s’est montrée très fortement
enracinée dans les discours, et au cœur des pratiques et des structures
spécialisées.
La loi de 1981 a ainsi établi un cadre novateur pour le dépistage des
problèmes de l’enfant et pour l’administration de l’enseignement des
enfants à besoins éducatifs particuliers. Elle a insufflé une nouvelle

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idéologie dans l’acceptation de la diversité et le rôle de la différentia-
tion pédagogique. Elle a stimulé la consultation des parents mais, en
essayant d’encadrer le dépistage et la prise en charge des enfants, on
observe qu’elle a favorisé un système d’évaluation bureaucratique géné-
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rant des résultats contre-productifs. En effet, ce système s’est concrétisé


sous la forme du statement of special educational needs (déclaration des
besoins particuliers) fondés sur les évaluations des professionnels qui,
souvent, utilisent des procédures de dépistage classiques ; outils dia-
gnostiques en rapport étroit avec les catégories médicalisées.

DE L’ÉTIQUETAGE AUX MACRO-CATÉGORIES

En principe, le concept de « besoins éducatifs particuliers » devait


amoindrir la pratique de l’étiquetage. Mais le nouveau terme s’est rapi-
dement transformé en une « super-étiquette » désignant les élèves à
problèmes dans les école ordinaires. De plus, dans le but de bénéficier
de ressources financières supplémentaires, il fallait démontrer, par le
biais du statement, qu’un élève présentait des difficultés tout à fait spé-
cifiques justifiant un traitement hors de l’ordinaire. Cette situation a
encouragé l’utilisation persistante des étiquettes et des catégories.
Mary Warnock, auteure principale du rapport qui porte son nom, s’est
montrée très inquiète par certains résultats de la loi de 1981, notam-
ment par l’explosion de statements et la prolifération de catégories
d’enfants désignés comme ayant des besoins éducatifs spécifiques
(Warnock, 1999 ; Clough et Corbett, 2000). Plus récemment, la
législation sur l’inclusion est apparue parfois très contradictoire sur la
question de l’égalité des chances. En effet, d’autres préoccupations
relatives à « la promotion de la réussite, au rapport coût-qualité, à l’ef-
ficacité scolaire, au testing et à l’inspection, enfin au choix
parental d’éducation, a créé une situation de compétition entre des
objectifs politiques opposés » (Armstrong, 2001).
Nous avons conduit une recherche ethnographique large, s’ap-
puyant sur des méthodologies multiples (Armstrong, 2003). Son but
Éducation et handicap
26

a consisté en un accompagnement des processus et des développe-


ments de la politique en faveur de l’inclusion par le biais d’un examen
de la politique telle qu’elle se met en œuvre dans des pratiques
sociales. Il s’agissait d’identifier les obstacles et les potentialités se pré-
sentant au cours de la mise en œuvre de la politique, en nous centrant
notamment sur l’aspect sociolinguistique de la politique en train de se

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concrétiser. Le contexte est le suivant : il s’agit des processus de consul-
tation et de planning autour de la proposition de fermer une école
spéciale dans une Local Education Authority au nord de l’Angleterre.
Nous avons effectué le suivi du déroulement de ce processus au jour
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le jour pendant une période de quatorze mois. Pendant cette période,


nous avons assisté aux réunions d’enseignants, de parents d’élèves, de
représentants du gouvernement régional, comme à celles des respon-
sables des services financiers et administratifs. Au cours de ces ren-
contres, la proposition de fermer l’école et la politique générale d’in-
clusion ont été débattues. Nous avons alors enregistré les participants,
particulièrement à l’occasion des luttes à propos des principes et des
pratiques de l’inclusion des élèves en situation de handicap. Nous
avons ensuite soumis ce matériau à une analyse linguistique (discourse
analysis), qui a mis en lumière les manières de déployer des tactiques
discursives pour parvenir aux fins escomptées. Ainsi, les aspirations et
les stratégies utilisées se différencient au niveau des rôles professionnels
et des intérêts présumés des groupes différents : parents d’enfants en
situation de handicap, parents d’enfants « non handicapés », élèves,
enseignants au sein de l’école spéciale, enseignants travaillant dans le
secteur ordinaire, responsables du planning et du financement de
l’éducation au niveau municipal. On a constaté que le déroulement de
la consultation et des prises de décision politiques, comme les discours,
présentaient des obstacles importants sur le chemin de l’inclusion.

DU DISCOURS AUX PRATIQUES

Au cours des quarante dernières années, on observe un éclatement


de l’intérêt pour le rôle du discours à travers les disciplines scienti-
fiques. Au sein du propos politique sur l’environnement urbain, Has-
tings (1999) remarque que le processus engagé dans la construction et
l’interprétation de significations partagées, négociées ou imposées, est
intrinsèque aux processus de reproduction sociale, de contestation et
de changement. Le rôle du langage dans le dévoilement de la politique
Débusquer l’idéologie : l’exemple d’une école en Angleterre
27

est central. De la même façon, le discours joue un rôle primordial


dans la construction et l’interprétation à tous les niveaux de la poli-
tique d’éducation. Le langage politique est ainsi souvent traité comme
ayant un statut neutre, mais il convient, au contraire, d’analyser les
multiples manières par lesquelles les discours sont employés tactique-
ment par des acteurs différents, y compris ceux du gouvernement,

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pour arriver aux buts souhaités. Dans la section suivante, nous consi-
dérons deux scénarios au sein desquels les discours des acteurs veulent
atteindre certains buts à l’occasion d’une lutte acharnée à propos de la
proposition de fermer une école spécialisée (Freelands School) et d’ac-
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cueillir les élèves en situation de handicap dans deux écoles ordinaires :


une école primaire (Hillbank School) et une école secondaire. Il s’agis-
sait ici de faire en sorte que trente-huit élèves, dont l’âge se situait
entre 4 et 16 ans, ayant des difficultés complexes, physiques et intel-
lectuelles, soient correctement accueillis dans l’une des deux écoles.
Les deux écoles en question ont été identifiées du fait de places ren-
dues disponibles d’une part pour des raisons de diminution d’effectif,
et d’autre part parce que leurs bâtiments pouvaient être adaptés assez
facilement. Dans les sélections de matériaux discursifs présentées ici,
nous ne traitons que le secteur primaire, c’est-à-dire les rapports qui
concernent l’école spécialisée (Freelands School) et l’école primaire
(Hillbank School) choisies par le Local Education Authority (LEA)
comme écoles d’accueil. Nous présentons quelques courts extraits
d’une quantité assez importante de transcriptions (cent pages envi-
ron), à titre d’illustration.

Scénario 1

Lieu : Hillbank School.


Situation : Réunion (présentée comme réunion de consultation,
organisé par le LEA) concernant la proposition d’accueil par Hillbank
School d’enfants en âge primaire en provenance de Freelands School,
ainsi que leurs enseignants et personnels de soutien (à l’exception des
professionnels tels que les physiothérapeutes qui seraient itinérants).
Personnes présentes : conseillère du LEA, ayant mission de mener le
projet de fermeture de Freelands ; fonctionnaire du LEA avec un res-
ponsable du versant financier pour le planning relatif aux bâtiments ;
directeur de Hillbank School ; enseignants de Hillbank School ;
directrice de Freelands School.
Éducation et handicap
28

Fonctionnaire : « Bonsoir. Mon département a le devoir de rappor-


ter autant de subsides que possible pour améliorer nos bâtiments.
Dès que nous aurons les fonds, nous pourrons continuer notre pro-
gramme d’architecture. Mon équipe s’occupe de toutes les questions
concernant le planning et la construction au sein de l’Authority. Il y
a des conseils et des règles au niveau national que nous suivons, bien-
sûr, mais nous souhaitons consulter les praticiens si possible – c’est-

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à-dire ceux qui travaillent dans nos écoles. Je sais qu’existent cer-
taines habitudes, ici, dans l’école, qui se sont développées au cours
des années, mais ma façon d’aborder la situation est de calculer la
proportion d’élèves en fonction des mètres carrés de l’école et de voir
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combien de place disponibles il nous reste… Il faut calculer, bien-


sûr, l’espace qu’il nous faut pour les chaises roulantes, pour qu’elles
puissent tourner… »
Ici, on emploie un discours technique pour résoudre un problème
se posant de la manière suivante : comment faire entrer un groupe
nouveau, pour lequel il faut créer des conditions particulières, dans
une école existante de façon à ce que les ressources soient déployées le
plus efficacement ? Les enseignants de Hillbank s’inquiètent. Ils
essaient d’expliquer à la fonctionnaire, dont le rôle est essentiellement
bureaucratique et qui n’a pas de formation à l’éducation, que toutes
les salles de classe et les deux grandes salles sont utilisées. La colère
gagne progressivement les enseignants et le directeur (plus timide que
les enseignants).
Directeur : « Excusez-moi, madame, mais vous ne m’avez pas expliqué
qu’on allait perdre une de nos grande salles. On pourrait envisager, peut-
être, d’ajouter une unité spécialisée, mais prendre une de nos grandes
salles ! »
Enseignant 1 : « Oui, il y a un emploi du temps toute la semaine pour
les salles. Si vous prenez notre salle de classe, vous allez désorganiser
l’éducation de nos élèves. »
Fonctionnaire : « Tout ce qui me préoccupe, c’est que les impôts payés
par les contribuables soient utilisés efficacement. Il faut qu’on puisse se
justifier auprès des contribuables, après tout ! »
Enseignant 2 : « Vous avez dit que lorsque les enfants de Freelands vien-
dront ici, il y aura des avantages pour nos élèves. Quels seront ces avan-
tages ? »
Fonctionnaire : (hésitant) « On pense peut-être qu’on pourra réaména-
ger toutes les toilettes, mais je ne peux parler que des bâtiments. Je ne
peux pas parler de toutes les autres questions à propos de l’inclusion.
Débusquer l’idéologie : l’exemple d’une école en Angleterre
29

Pour vous, les enseignants, il y aura une nouvelle salle des professeurs et
toutes sortes de choses. »
(Plus tard dans le débat, elle ajoute : « De toute façon, si on ne met pas
les enfants handicapés dans votre école, on peut toujours démolir une
partie de l’école ou fermer l’école, carrément ! Ou bien, on pourrait ins-
taller un centre pour les personnes sans domicile ou un centre pour la
jeunesse… »

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Cet extrait montre que les luttes au sujet des intérêts divergents
se produisent au niveau des discours. La fonctionnaire adresse des
menaces aux enseignants, s’appuyant sur la puissance supérieure du
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bureaucrate ; elle leur rappelle qu’il n’est pas dans ses attributions de
trouver des solutions aux questions scolaires et qu’il n’est pas obliga-
toire de demander l’avis des enseignants. Elle interprète la question
des avantages éventuels de l’arrivée des enfants « handicapés » en
termes d’« amélioration des toilettes » et d’« installation d’une salle
de professeurs ». Les enseignants, en revanche, adoptent un discours
professionnel mettant en avant des questions liées au programme
scolaire et aux « intérêts » des élèves de Hillbank School.
Après cette réunion, une enseignante (silencieuse pendant la ren-
contre) nous a proposé de nous conduire en voiture. Pendant le
trajet, elle nous a expliqué que les enseignants qui se sont exprimés
pendant la réunion, et quelques membres du conseil de l’école, s’op-
posaient résolument à la proposition d’accueil des enfants handica-
pés à Hillside School en raison du fait que cela changerait le carac-
tère de l’école et ne serait pas dans l’intérêt des élèves non
handicapés. Les enseignants ont préféré employer des arguments liés
à la pédagogie et à l’organisation de l’école, plutôt que d’exprimer
leurs véritables sentiments. Ils ont dissimulé les idées qui pourraient
être perçues comme discriminatoires derrière un discours profes-
sionnel. La fonctionnaire a manipulé un discours technocratique
d’efficacité pour la bonne utilisation de l’espace et des ressources. Ce
sont deux exemples de l’utilisation du discours comme « tactique
dont le but est d’avoir gain de cause et comme instrument de pou-
voir » (Fuchler, 1999, p. 4).

Scénario 2

Lieu : Hillbank School.


Situation : Réunion du conseil d’école (présenté comme réunion de
consultation, organisée par le LEA).
Éducation et handicap
30

Personnes présentes : chef du service pour enfants « à besoins spéciaux »


dans la municipalité ; conseillère de LEA chargée de la fermeture de Free-
lands ; directeur de Hillbank School ; trois représentants des enseignants
de Hillbank School ; trois réprésentants des parents d’élèves de Hillbank
School ; président du conseil d’école (et conseiller municipal).
À l’occasion de cette réunion, le chef du service et la conseillère de LEA
(responsable de la fermeture de Freelands School) ont adopté une stra-

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tégie de conciliation. La décision de fermeture de Freelands School avait
déjà été prise par le comité de l’éducation de la municipalité. Il fallait
donc trouver une école de toute urgence. Hillbank School étant la seule
école présentant des place disponibles, susceptible de surcroît de bénéfi-
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cier des adaptations nécessaire n’occasionnant pas de trop fortes


dépenses, il n’était pas du tout certain cependant que le conseil d’école
fût d’accord, notamment du fait d’un petit groupe d’enseignants (com-
prenant la directrice adjointe de l’école) et de quelques parents d’élèves
très bruyants. La stratégie du chef de service et la conseillère du LEA
consista alors en une tentative de convaincre les membres de la future
réunion qu’elles prendraient au sérieux leurs inquiétudes au sujet de la
présence éventuelle d’enfants en situation de handicap à Hillbank. Un
des résultats de cette décision stratégique a tenu au fait que les principes
relatifs aux droits des enfants handicapés, par exemple, ou l’expérience
d’autre écoles, n’ont pas été discutés. Rassurant le conseil d’école, la
conseillère du LEA a ouvert la réunion, rappelant que le LEA cherchait à
intégrer les enfants en situation de handicap sans nuire aux autres
enfants. Cette position a semblé donner raison aux arguments selon les-
quels il faut protéger les enfants normaux de la présence d’enfants vivant
le handicap. De plus, le terme « intégration » plutôt que celui d’« inclu-
sion » a été utilisé, malgré le fait que le LEA ait soutenu le principe d’in-
clusion en d’autres occasions. Peu après l’ouverture de la réunion un
parent a lancé :
« On a beaucoup parlé d’enfants handicapés physiques – mais je ne suis
pas très d’accord avec ce terme. Beaucoup d’entre eux ont des problèmes
graves supplémentaires, tels que les problèmes d’articulation. Il ne s’agit
pas seulement de leurs membres (du corps). En tant que représentant
des parents, je dois dire que je suis allé là-bas et je les ai vus. Ces enfants
ne sont pas comme nos enfants. Pas du tout. »
Président du conseil : « Est-ce que j’ai raison ou pas de dire que les
parents des enfants handicapés s’intéresseront à l’éducation de leur
propres enfants, plutôt qu’à l’éducation de nos élèves ? Est-ce qu’il faut
prendre cela en compte ? C’est-à-dire est-ce que ces parents d’élèves han-
dicapés vont venir demander à être membres de notre conseil d’école ?
Enfin, ce conseil est bien trop grand déjà. »
Débusquer l’idéologie : l’exemple d’une école en Angleterre
31

Chef du service : (tergiversant) « Il faut que vous, les conseillers d’école,


preniez une décision sur cette question, mais je crois qu’il serait mieux
d’avoir un membre coopté des parents d’enfants handicapés. »
Ici, la personnalité officielle la plus puissante au niveau de la municipa-
lité pour l’éducation des enfants en situation de handicap accepte que
leurs familles soient légitimement traitées de manière inéquitable dans la

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représentation démocratique au sein du conseil d’administration de
l’école. Cette personnalité avait pourtant adopté des positions fortement
démocratiques en d’autres circonstances, en soutenant le principe
d’équité pour les enfants en situation de handicap et leurs familles. Il
faut noter que depuis l’adoption du Special Educational Needs and Disa-
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bility Act, en septembre 2001, il est illégal d’établir une distinction entre
des élèves, engendrant un traitement défavorable aux enfants touchés
par le handicap. Il est encore trop tôt pour tirer les conclusions de sa
mise en œuvre.
Dans les deux courts extraits présentés ci-dessus, nous avons tenté
de montrer quelques exemples des différents discours, souvent camou-
flés, apparaissant comme des manœuvres poursuivant des buts poli-
tiques et idéologiques (Brighton, 2002 ; Fulcher, 1999). Dans son
étude sur les émissions d’information, Cambrouze (2000) a montré
que, malgré l’utilisation des discours jugés non discriminatoires
(Cambrouze les décrit comme un vocabulaire politically correct), les
discours demeurent porteurs de connotations mettant les personnes
en situation de handicap à l’écart de la communauté générale, les
décrivant comme radicalement autres. La méthode adoptée dans cette
recherche est différente de celle de Cambrouze, qui s’est servi en partie
d’une analyse quantitative, parce que les données sont issues de
champs de recherche beaucoup moins homogènes. Pourtant, il appa-
raît de façon semblable que les discours marginalisants restent puis-
samment enracinés au cœur des processus micro-politiques en éduca-
tion. De plus, ces discours sont utilisés de manière délibérée et
opportuniste (Armstrong, 2002).
Il est enfin exact que toute tentative de déconstruction du discours
d’autrui dans des contextes peu familiers génère une interprétation
nourrie des présupposés du chercheur. L’analyse du discours en tant
que champ de recherche dans le domaine des processus de dévoilement
d’une politique portant sur l’inclusion et l’exclusion mérite une explo-
ration plus profonde. Comme l’explique Corker (1999, p. 193), « le
langage est lié d’une façon critique aux questions de savoir [knowledge]
Éducation et handicap
32

et de pouvoir, parce que certaines formes de savoir sont privilégiées ».


Deux arguments avancés ici sont liés. Le premier indique que le sys-
tème d’éducation en Angleterre est sous l’emprise d’une culture de la
performance (Ball, 2002), dominée par les résultats aux examens et une
rationalisation à la fois économique et morale attribuant les récom-
penses financières à ceux qui sont les plus rentables. Tout en prétendant

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promouvoir le principe d’inclusion, on accepte encore le maintien de
certains enfants à l’écart de la vie sociale. Un deuxième argument tient
au fait que cette situation est renforcée par les procédures et les proces-
sus adoptés sous le prétexte dévoyé de consultation démocratique. La
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manière avec laquelle la consultation a pris place dans le cas cité ici a
permis qu’un groupe d’élèves soit exclu d’une école ordinaire du fait
des peurs et des préjugés de certains acteurs, du fait également d’un rai-
sonnement persuasif portant sur l’atteinte portée au niveau scolaire et
à la productivité de l’école ordinaire par la simple présence d’enfants en
situation de handicap.
Quittons le nord de l’Angleterre où, on le constate au niveau local,
les politiques publiques d’éducation peuvent diverger des volontés
nationales, pour rejoindre un autre territoire en compagnie de Malika
Tefiani : l’Algérie en proie à de graves difficultés.
INTÉGRER DANS LA WILAYA D'ALGER
Malika Tefiani

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 33 à 41
ISBN 978274920369
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02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 33

Malika Tefiani

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Intégrer dans la wilaya d’Alger 1
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Les enfants en situation de handicap furent longtemps considérés


comme inéducables. Le combat récent des associations de parents
ainsi que l’évolution des conceptions et des pratiques concernant cette
population conduisent aujourd’hui à la considérer différemment. Où
en est la situation des institutions spécialisées ? Quelle part accorde-
t-on à l’éducation dans la prise en compte de ces enfants ? Quelles sont
les démarches et les méthodologies mises en œuvre ? Cette série de
questionnements réfracte l’actualité algérienne en matière d’inclusion.
Il apparaît que l’intégration de l’enfant porteur de handicap repré-
sente pour les parents un enjeu fondamental : sa place est-elle parmi
les autres enfants ? Les enseignants se voient enfermés dans une
contradiction : comment intégrer l’enfant handicapé dans une école
qui exclut par ailleurs l’enfant en échec scolaire ?

Malika TEFIANI, professeure à l’université d’Alger.


1. La wilaya est une entité territoriale administrative.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 34

Éducation et handicap
34

Avant d’aborder le problème du handicap en milieu scolaire et de


sa prise en charge, tentons de donner un aperçu de la population tou-
chée par le handicap en Algérie.

UNE POPULATION BIGARRÉE POUR UNE PRISE EN CHARGE


ENCORE INSUFFISANTE

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Le dernier recensement de la population et de l’habitat, effectué
par l’Office national des statistiques (ONS) en 1998, a dénombré
1 590 466 personnes en situation de handicap, soit 5,3 % de la popu-
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lation totale. Cette étude a révélé qu’en dix ans, cette population a
augmenté deux fois plus vite que la population totale (le recensement
précédent avait été réalisé en 1987).

Tableau 1 : Population en situation de handicap en Algérie 2.

Nature du handicap Nombre % nombre total


Maladies chroniques 512 972 32,25
Handicap moteur 226 053 14,21
Handicap visuel 1470100 9,24
Handicap mental 139 478 8,76
Handicap auditif 77 098 4,84
Polyhandicap 63 963 4,02
Autres 423 802 26,64
Total 1 570 466

Par ailleurs, on observe que 70,2 % de la population handicapée vit


dans un cadre urbain. L’Algérie, comme l’ensemble des pays du Magh-
reb, est confrontée au problème des enfants en situation de handicap
dans le système scolaire. Les textes fondamentaux du pays, la Charte
nationale et le Code de la santé notamment, tracent clairement les
grands axes d’action dans les domaines de la prévention, de l’éducation,
de la promotion, de la réadaptation et de l’insertion socioprofession-
nelle. La Charte nationale, dont les grands principes sont toujours en

2. Statistiques du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Alger, 1998.


02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 35

Intégrer dans la wilaya d’Alger


35

vigueur, insiste sur la nécessité « d’assurer l’existence de ceux qui ne peu-


vent pas, ne peuvent plus ou ne pourront jamais travailler 3 ».
Sur le plan philosophique, culturel et religieux, l’Islam accorde une
très grande importance à la tolérance, au progrès et à la fraternité. Il
énonce, entre autres, des principes relatifs à la protection des popula-
tions en situation de handicap. Par ailleurs, l’intervention de l’État

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dans ce domaine est relativement récente et ne peut, de ce fait, embras-
ser l’ensemble des aspects du problème. La nécessité d’agir rapidement
s’est imposée au détriment d’une réflexion globale quant aux modali-
tés d’intervention de l’État en conformité avec les grands axes d’orien-
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tation du pouvoir politique, ce qui ne va pas sans poser problème dans


la prise en compte du handicap. On constate en effet combien la prise
de conscience des autorités dans ce domaine est récente. Les directives
officielles préconisent l’intégration des enfants en situation de handi-
cap mais insistent surtout sur la diffusion de l’information auprès des
familles et des partenaires sociaux. Le dépistage, l’évaluation, l’inter-
vention précoce et l’organisation de campagnes d’information figurent
parmi les objectifs affichés. Quant à l’ouverture de classes spéciales, elle
est prévue au sein des établissements scolaires relevant du ministère de
l’Éducation nationale. Leur effectif ne doit pas excéder dix élèves pour
les enfants déficients auditifs, et quatorze pour les enfants déficients
visuels. S’agissant des élèves déficients auditifs ayant effectué une
démutisation précoce, il a été jugé indispensable d’adjoindre au
contenu du programme de l’enseignement fondamental les disciplines
suivantes : rythme corporel et musical, graphisme phonétique, réédu-
cation auditive et orthophonique.
Ces éléments curriculaires visent le renforcement, l’assimilation et
la compréhension, et favorisent la mémorisation. Lorsque l’enfant
déficient visuel est admis en première année d’école fondamentale
dans une classe spéciale travaillant avec la technique du Braille, l’en-
seignement du programme est soutenu par les techniques éducatives
et rééducatives visant essentiellement le développement de l’ouïe et du
toucher, la mémorisation et la compréhension. Les activités éducatives
(activités ludiques, sports, activités récréatives) sont mises à profit
dans l’exploitation et l’utilisation de l’environnement, l’adhésion du
groupe et la socialisation. À cet égard, l’intervention des rééducateurs

3. Charte nationale, 1976.


02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 36

Éducation et handicap
36

– qu’ils soient psychologues, pédagogues, orthophonistes ou psycho-


motriciens – s’organise de concert avec l’enseignant grâce à l’élabora-
tion de tests de niveau (bilan, observation, évaluation). Cette inter-
vention se traduit ensuite par des exercices de stimulation et/ou de
relaxation, tenant compte des aptitudes et des potentialités de l’enfant
déficient sensoriel. L’assurance et la confiance en soi, l’atténuation des

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troubles liés (inhibition, timidité ou instabilité psychomotrice) en
sont les visées les plus notables.
En sus de l’enseignement, les différents intervenants de l’équipe
pédagogique sont tenus d’effectuer leurs tâches en dehors des heures
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de cours, en fonction du programme enseigné, et en respectant la pro-


gression et le rythme de l’élève. Des réunions de coordination et d’éva-
luation hebdomadaires regroupent l’ensemble du corps pédagogique.
Leur mission consiste en une évaluation de la progression individuelle
de l’enfant à l’intérieur de la classe. Par ailleurs, les élèves déficients
sensoriels des classes spéciales participent à toutes les activités éduca-
tives ludiques, sportives, récréatives et culturelles, organisées par l’éta-
blissement scolaire.
Les outils pédagogiques en usage dans les classes spéciales sont iden-
tiques à ceux des classes normales (manuels scolaires, figures, gravures,
jetons, bûchettes…). Ils sont complétés par un appareillage spécifique
indispensable à l’enseignement. Il s’agit d’un équipement pour élèves
déficients auditifs (appareil collectif de type SUVAG). Mais bien qu’ap-
pareillés de prothèses individuelles, les élèves déficients visuels utilisent
tablettes, poinçons, cubarithmes, manuels scolaires en Braille, ou encore
matériel en relief pour l’enseignement de l’histoire, de la géographie et
des matières scientifiques. Les programmes sont fréquemment importés
mais les moyens demeurent insuffisants et l’encadrement étique : les
maîtres spécialisés sont rares, en raison d’une absence de formation
notamment. Les élèves atteints de déficiences sensorielles scolarisés dans
une classe spéciale ouverte au sein d’un établissement scolaire ordinaire
sont astreints à l’horaire hebdomadaire commun. Cependant, il existe
deux types d’intégration scolaire : une intégration partielle et une inté-
gration totale. L’intégration partielle consiste à intégrer un ou deux
élèves dans une classe ordinaire de l’établissement scolaire. Par exemple,
l’enfant porteur de déficience auditive a la possibilité de suivre certaines
matières (mathématiques, lecture, français, dessin) avec ses camarades
entendants dans une classe ordinaire. Quant aux autres disciplines, elles
sont dispensées au sein d’une classe spéciale. Si les résultats obtenus sont
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 37

Intégrer dans la wilaya d’Alger


37

satisfaisants, l’élève est alors orienté vers une classe ordinaire en vue
d’une intégration totale. Il s’agit de la phase finale de la prise en charge
dans une classe ordinaire. Toutefois, les structures restent trop rares
selon les indications fournies par le ministère de l’Emploi et de la Soli-
darité. Il existe en effet 213 établissements souvent mal implantés, pou-
vant recevoir en théorie 221 145 enfants. Pour l’instant, ils n’en

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accueillent que 15 600. Malheureusement, les parents ne s’adressent pas
toujours à ces établissements et gardent leurs enfants à la maison. Dans
les pays du Maghreb, encore marqués par la culture traditionnelle, on a
recours fréquemment aux pratiques anciennes quelle que soit l’origine
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socio-économique des familles.

LES ENFANTS AUX TRAJECTOIRES TROUBLÉES

Soixante-huit établissements médico-pédagogiques répartis à travers


les différentes wilayas du pays accueillent les enfants touchés par le han-
dicap mental. Leur âge varie entre 5 et 18 ans. Encadrés par des ensei-
gnants spécialisés, divers centres de quartier ou foyers éducatifs prépa-
rent ces enfants à leur vie d’adulte en favorisant leur autonomie et leur
socialisation. Insérés dans un cadre général de santé publique, ils ont
pour but non pas de dispenser un enseignement scolaire, mais d’offrir
aux enfants une pédagogie d’éveil de leur personnalité. Il s’agit le plus
souvent de structures psychopédagogiques dites « de jour », installées
dans des locaux modestes, pourvues d’un équipement simple mais fonc-
tionnel. Outre les établissements spécialisés sous tutelle du ministère de
l’Emploi et de la Solidarité, des associations « d’aide aux inadaptés »
prennent le relais (500 enfants sont ainsi suivis dans la wilaya d’Alger).
Les enfants porteurs de troubles moteurs âgés de 6 à 18 ans sont
pris en charge par des centres médico-pédagogiques. En 2001, trois
centres régionaux assuraient une scolarité soutenue par un suivi admi-
nistratif, éducatif, rééducatif, psychomoteur et médical. Seize écoles
implantées à travers tout le territoire accueillent les enfants et les
jeunes atteints de cécité partielle ou totale. Une équipe pluridiscipli-
naire accompagne le jeune atteint de déficience visuelle tout au long
de son parcours scolaire et l’aide à s’intégrer.
Les enfants et les adolescents souffrant de déficiences auditives
sont accueillis au sein de trente et une écoles implantées dans l’en-
semble du territoire. Parallèlement à l’enseignement spécialisé, une
prise en charge médico-psycho-pédagogique est assurée, les enfants en
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Éducation et handicap
38

difficulté scolaire reçoivent une préformation professionnelle. Quant


aux vingt-huit classes intégrées ouvertes au sein des établissements
scolaires, elles témoignent encore d’une progression à petits pas, tandis
que six autres établissements accueillent les enfants souffrant d’insuf-
fisance respiratoire. Il s’agit d’écoles ordinaires soutenues par un pro-
gramme psychopédagogique et médical.

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Alors que nous avons évoqué les enfants à la trajectoire marquée par
le handicap, d’autres, nommés « enfants assistés », dont l’âge varie entre
6 et 18 ans, sont pris en charge dans vingt-huit foyers répartis à travers
les différentes wilayas. Ce sont les enfants privés de famille, accueillis au
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sein de deux types de foyers : les pouponnières prenant en charge les


enfants de la naissance à 6 ans, et le foyer pour enfants de 6 à 18 ans. Les
enfants en âge d’être scolarisés fréquentent les établissements scolaires de
la localité d’implantation du foyer.
Quatre wilayas (Alger, Bouira, Oum-el-Bouaghi, Relizane) comp-
tent quatre établissements destinés à la prise en charge d’enfants
orphelins, victimes du terrorisme, accueillis en pensionnat complet.
Ils bénéficient d’un soutien psychologique et fréquentent les écoles
ordinaires. Quant aux mineurs « en danger moral », âgés de 12 à
18 ans, ils sont pris en charge par les centres spécialisés organisés par
l’Institution de la sauvegarde de la jeunesse. Actuellement au nombre
de trente-cinq, dont dix-huit accueillent les jeunes filles mineures, ils
reçoivent les enfants placés suite à une décision judiciaire. Des pro-
grammes fondés sur le travail visant la réinsertion familiale et/ou sco-
laire permettent à ces jeunes en situation d’échec ou de retard scolaire
de bénéficier d’un projet pédagogique individualisé. Ces 213 établis-
sements publics, dotés d’une personnalité morale et d’une autonomie
financière, sont placés sous la tutelle du ministère de l’Emploi et de la
Solidarité nationale.
Dans le contexte de la wilaya d’Alger, deux exemples de prise en
charge ont retenu notre attention : l’une concerne les enfants porteurs
de déficiences auditives, l’autre des enfants atteints de trisomie 21.
Dans la région d’Alger (Alger, Blida, Tipaza, Boumerdès), au sein
des crèches, des jardins d’enfants et des établissements scolaires dépen-
dant du ministère de l’Éducation nationale, une expérience a permis
l’intégration de 180 enfants répartis dans sept classes du préscolaire et
quinze classes dans les écoles fondamentales. Trente-cinq élèves sont
ainsi intégrés dans des classes ordinaires, répartis dans les cycles moyen
et secondaire. Quant aux enfants porteurs de déficiences visuelles,
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Intégrer dans la wilaya d’Alger


39

aucune réalisation dans ce domaine n’a été initiée à leur intention. Si


de nombreux élèves ont atteint un niveau supérieur, leur intégration
s’effectue généralement à partir du niveau secondaire. Un des objectifs
de cette structure éducative consiste à atteindre l’intégration des
enfants sourds au sein de la société des entendants, en œuvrant plus
particulièrement aux niveaux préscolaire et scolaire. Des ajustements

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ont été nécessaires et effectués en plein accord avec les parents et le
mouvement associatif.

DES OBJECTIFS D’INTÉGRATION SOCIALE


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ET D’ÉDUCATION GÉNÉRALE : LE CENTRE ALI REMLI

Cette intégration s’opère par le biais de la participation des enfants


porteurs de déficiences auditives à la vie d’une communauté scolaire (au
niveau préscolaire, six classes intégrées de quarante-huit élèves chacune,
participant à de nombreuses activités dans les classes du préscolaire
d’enfants entendants). Partant de l’idée qu’il est plus facile pour des
enfants jeunes qui n’ont pas encore pleinement conscience de leur han-
dicap de se mêler sans complexe à leurs camarades entendants, les fré-
quentations régulières des deux groupes d’enfants favorisent des habi-
tudes de conduite socialisée. L’intégration est parfois limitée aux
moments de jeu, aux repas et à certaines activités scolaires pour les-
quelles la communication verbale n’est pas indispensable à la compré-
hension des règles et des consignes : éducation physique, dessin…
Quant à l’intégration physique, elle permet d’apprendre les comporte-
ments mutuels, de reconnaître l’autre en tant que personne différente
par certains traits comportementaux. Au sein de ces structures, l’enfant
déficient auditif constitue un élément de la dynamique du groupe sup-
posant une activité commune. S’agissant du développement du langage
et de l’intégration de l’enfant malentendant, les enseignantes pensent
que l’enfant peut développer son langage grâce au contact avec les
enfants entendants. Il s’agit alors d’« intégration fonctionnelle d’ap-
prentissage », où l’enfant apprend en suivant les programmes et les
rythmes des enfants entendants. Il est cependant accompagné par des
soutiens pédagogiques, psychologiques, orthophoniques.
Des efforts sont accomplis pour parvenir à une intégration phy-
sique, pédagogique et sociale. Dans cet esprit, le mouvement associa-
tif, surtout dans les grands centres urbains, apporte une aide impor-
tante. Elle consiste essentiellement en une structure parentale en
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Éducation et handicap
40

dehors de toute organisation de soutien officiellement organisée. Des


mesures logopédiques et pédagogiques sont mises en place, soit en
complément de l’aide apportée par les parents, soit en substitution à
celle-ci ; des enseignantes spécialisées sont alors détachées pour assu-
rer cette aide concrète. Un soutien pédagogique et l’aide d’une ortho-
phoniste ont été envisagés, afin d’aider les adolescents déficients audi-

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tifs scolarisés dans l’enseignement moyen et secondaire, compte tenu
de la diversité des cours. Actuellement, deux élèves seulement se trou-
vent en classe intégrée dans un lycée, et trente-sept élèves en intégra-
tion totale sont répartis dans onze centres éducatifs moyens. Bien
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entendu, l’intégration exige la collaboration d’une équipe multidisci-


plinaire spécialisée pour l’appréciation de chaque paramètre.
Depuis 1992, le centre Ali Remli a pris en charge trente enfants à
raison de cinq ou six enfants intégrés chaque année dans des classes
ordinaires. Il s’agit d’un centre d’adaptation scolaire situé dans le quar-
tier Ben Aknoun à Alger, accueillant des enfants présentant une défi-
cience mentale ou physique légère. Trois types de classes le caractéri-
sent ; des classes d’adaptation du premier et second palier de l’école
fondamentale (elles concernent les enfants présentant un retard sco-
laire simple sans atteinte intellectuelle) ; des classes de troisième palier
constituent le prolongement des classes d’adaptation ; des classes spé-
cialisées accueillent des enfants présentant un retard intellectuel léger
pour lesquels les objectifs principaux sont la socialisation et l’alphabé-
tisation.
Intégrés au sein de classes spécialisées, les enfants porteurs de tri-
somie bénéficient du soutien d’une équipe pluridisciplinaire compo-
sée de psychologues, d’enseignants spécialisés et d’éducatrices, met-
tant en œuvre une méthode de travail personnalisée qui permet à
l’enfant d’avoir son propre rythme de travail. La prise en charge sco-
laire ne commence qu’à 7 ans, après un recrutement sur présentation
d’un bilan psychologique. Seuls les enfants présentant un déficit intel-
lectuel léger et de bonnes capacités d’apprentissage y sont admis. À
partir des années 1991-1992, compte tenu du nombre croissant d’en-
fants souffrant de trisomie, le milieu familial n’en concevant peut-être
plus un tabou, les responsables du centre ont tenté l’expérience de la
socialisation de ces enfants par le biais de l’alphabétisation. Actuelle-
ment, trente enfants, soutenus par les parents, bénéficient d’une prise
en charge orthophonique et psychomotrice précoce continue ainsi que
d’un suivi médical.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 41

Intégrer dans la wilaya d’Alger


41

Constituées en fonction du niveau mental de l’enfant et de ses


capacités d’apprentissage, les classes spécialisées reçoivent deux à trois
enfants porteurs de trisomie. Elles sont partagées en quatre niveaux.
Au niveau préscolaire, l’objectif principal réside dans l’acquisition des
notions de base et les activités d’autonomie ; les notions enseignées
sont la propreté, l’acquisition des couleurs et des formes, les exercices

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de motricité, la structuration de l’espace et du temps, l’étude du
schéma corporel, le rythme et les exercices de langage, d’observation
et de logique. Une fois acquises ces diverses notions et lorsque l’enfant
devient plus autonome en parvenant à s’intégrer à la vie du groupe, la
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prélecture est abordée ; elle se concrétise par le dessin, les graphismes,


les rythmes puis l’ébauche de la lettre. Le deuxième niveau débute à
ce stade : il s’agit d’une progression scolaire très lente. Des exercices de
précalcul tels que l’étude des similitudes, des équivalences, de la clas-
sification ou de la numération, permettent l’acquisition du nombre.
Chacune de ces activités est conduite suivant un enchaînement et une
difficulté croissants, au rythme du groupe. Le troisième niveau vise
l’apprentissage de la lettre et le développement du raisonnement
mathématique par l’introduction des exercices de logique, d’observa-
tion, d’attention, de concentration et de raisonnement. Il peut com-
porter deux à trois années, l’enfant est alphabétisé : il sait lire, écrire,
compter et fait les quatre opérations. Enfin, à l’occasion du quatrième
niveau, alors que l’enfant a généralement atteint l’âge de 14 ans,
d’autres activités sont introduites. Elles consistent à faciliter l’appro-
priation d’une culture générale pour une meilleure socialisation. Le
versant scolaire est en voie de consolidation. Les activités manuelles
acquièrent un caractère fondamental, permettant à l’enfant de passer
de la vie d’enfant à celle d’adulte.
Ainsi commence la préparation à la vie professionnelle, qui se fait
par le biais d’ateliers protégés, dotés de personnels qualifiés et d’im-
portants équipements. Malheureusement, ces ateliers protégés sont
rares et le système éducatif n’a rien prévu pour ces enfants. À partir de
16 ans, les enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes. Les enseignants
pensent que les programmes de l’école fondamentale ne peuvent être
appliqués en dépit de quelques CAT (centres d’aide par le travail) qui
fonctionnent dans la région d’Alger, mais en nombre insuffisant.
La diversité des initiatives dans le contexte algérien montre la néces-
sité d’une mise en réseau des compétences. C’est à ce projet que nous
convie maintenant, en France, l’analyse de Marie-Françoise Crouzier.
PASSER DU TERRITOIRE CLOS AU RÉSEAU D'AIDE
Marie-Françoise Crouzier

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 43 à 55
ISBN 978274920369
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02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 43

Marie-Françoise Crouzier

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Passer du territoire clos au réseau d’aide
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Depuis une cinquantaine d’année, la prise en compte des besoins


éducatifs des personnes en situation de handicap fait l’objet de nom-
breuses prescriptions éthiques et législatives. Un consensus européen,
appuyé sur des orientations internationales, préconise actuellement le
passage d’une éducation spécialisée à une éducation pour tous. Après
avoir souligné les étapes marquantes de ce changement dans les textes
officiels, nous analyserons le fonctionnement d’un dispositif français
d’adaptation et d’intégration scolaire, appelé « Réseau d’aides spéciali-
sées aux élèves en difficulté » (RASED). L’étude 1 montre que, dans ce
cadre, les tentatives d’intégration sont entravées par de multiples fac-
teurs. La modélisation des résultats, rapportée aux recommandations
européennes, conduit à des propositions de rénovation des services
d’appui actuels.

Marie-Françoise CROUZIER, chargée de cours à l’université Lumière-Lyon 2.


1. M.-F. Crouzier, La mise en réseau des aides spécialisées à l’école primaire, du cadre orga-
nisationnel à la circulation de la parole, université Lyon 2, thèse de doctorat, 2003.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 44

Éducation et handicap
44

LE DROIT À L’ÉDUCATION POUR TOUS

Le droit de tout enfant à l’éducation apparaît en 1948. Inclus dans


la Déclaration universelle des droits de l’homme 2, il figure plus parti-
culièrement dans la Convention sur les droits de l’enfant 3 entrée en
vigueur le 2 septembre 1990. En Europe, ce droit est précisé en 1999

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par le Traité d’Amsterdam 4 qui pose les bases d’une non-discrimina-
tion, notamment en faveur des personnes handicapées.
Pour compléter ces textes juridiques, de nombreuses déclarations
et recommandations exhortent les gouvernements à améliorer les
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systèmes éducatifs : tous les enfants, indépendamment de leurs dif-


férences ou de leurs difficultés individuelles, doivent pouvoir béné-
ficier d’une éducation optimale. En 1990, la Déclaration mondiale
sur l’éducation pour tous, dite Déclaration de Jomtien 5, affirme que
« les besoins éducatifs des handicapés exigent une attention spéciale.
Il est nécessaire de prendre des mesures pour assurer, dans le cadre
même du système éducatif, l’égalité d’accès à l’éducation de toutes
les catégories de personnes handicapées ». Conjointement, en
Europe, la résolution du Conseil et des ministres de l’Éducation 6
concernant l’intégration des enfants et des jeunes affectés d’un han-
dicap dans les systèmes d’enseignement ordinaires encourage les
États membres à promouvoir l’enseignement intégré. En 1994, la
Déclaration de Salamanque et le Cadre d’action pour l’éducation et
les besoins spéciaux 7 établissent des règles quant à l’égalisation des
chances des handicapés : les différences d’un enfant à l’autre sont

2. Texte fondateur du droit international adopté par l’Assemblée générale de l’Organi-


sation des Nations Unies le 10 décembre 1948.
3. Adoptée par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989.
4. Cf. article 13. Le principe de non-discrimination, pouvant être étendue au champ de
l’école, plaide pour une société sans entraves pour les personnes handicapées en Europe.
Il annonce la déclaration du Parlement européen du 12 mai 2000.
5. La Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous s’accompagne d’un « Cadre d’action
pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux ». Ces deux textes ont été adoptés
par la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous, qui s’est tenue à Jomtien, en
Thaïlande, du 5 au 9 mars 1990, sous l’égide de l’UNESCO.
6. Conseil de l’Europe du 31 mai 1990.
7. Ces textes ont été adoptés par la Conférence mondiale sur l’éducation et les besoins
éducatifs spéciaux, tenue à Salamanque, en Espagne, du 7 au 10 juin 1994, sous l’égide
de l’UNESCO.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 45

Passer du territoire clos au réseau d’aide


45

normales ; c’est l’école qui doit s’adapter aux besoins de l’enfant et


non l’enfant qui doit s’intégrer dans un schéma didactique préala-
blement établi. Il s’agit ainsi de constituer des communautés éduca-
tives accueillantes dans une société intégratrice. En 1996, la Charte
de Luxembourg 8 reprend et renforce les principes relatifs à l’intégra-
tion scolaire énoncés dans la résolution de Salamanque. Elle émet des

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recommandations suite aux bonnes pratiques repérées à l’aide du pro-
gramme Hélios. En 2000, le Parlement européen adopte une résolu-
tion intitulée « Vers une Europe sans entraves pour les personnes han-
dicapées 9 ». Il propose de réduire les obstacles environnementaux par
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l’instauration de services d’aides aux apprentissages, destinés aux


élèves en situation de handicap.
Les termes « handicap » et « besoins éducatifs spéciaux » utilisés dans
les divers textes doivent être explicités. Cette terminologie, dont l’em-
ploi varie d’un pays à l’autre 10, souligne des écarts conceptuels persis-
tants. Pour certains 11, la notion de handicap reste centrale. L’accent est
alors mis sur l’incapacité ou la déficience. Pour d’autres 12, la centration
doit s’effectuer non sur l’état négatif constaté chez l’individu mais sur les
« besoins éducatifs spéciaux » impliquant des réponses à apporter. Cette
approche positive, qui tend à se généraliser, présente cependant
quelques écueils. Le besoin constitue en lui-même un manque à com-
bler. Il peut encore empêcher de considérer l’élève dans sa dimension de
personne capable de demande et de désir. De plus, cette notion globa-
lisante couvre une large échelle de difficultés d’apprentissages dont l’ori-
gine tient autant à des critères socioculturels qu’à des critères sanitaires.
Elle présente ainsi le « risque majeur de diluer les problèmes spécifique-

8. Cette charte porte sur l’intégration scolaire des enfants et des adolescents handicapés.
Elle a été adoptée en novembre 1996 par la Commission DG XXII – Éducation, forma-
tion et jeunesse de la Communauté européenne. Ce n’est pas un document juridique
au sens propre, mais un ensemble de recommandations aux pays membres. Elle est
l’aboutissement du travail et des séminaires organisés dans le cadre du programme d’ac-
tion communautaire Hélios II (février 1993-décembre 1996).
9. Résolution datée du 12 mai 2000.
10. OCDE, L’insertion scolaire des handicapés, Paris, OCDE, 244 p., 1999.
11. C’est le cas notamment de l’Allemagne, de l’Autriche, des Pays-Bas, des États-Unis.
Les catégories de handicap sont identifiées selon des critères propres à chaque pays (dix
en Allemagne, quatorze aux Pays-Bas, onze aux États-Unis…).
12. C’est le cas de la Grande-Bretagne, du Canada (nouveau Brunswick), de l’Italie où
l’on parle « d’enfants à BEP », c’est-à-dire présentant des besoins éducatifs particuliers.
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Éducation et handicap
46

ment liés au handicap 13 ». La base législative d’une « éducation pour


tous » complétée par de nombreuses déclarations de principe, affiche
deux grandes orientations complémentaires : la promotion d’une école
intégratrice et le développement d’une coopération entre tous les acteurs
concernés.

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LA PROMOTION D’UNE ÉCOLE INTÉGRATRICE
SOUTENUE PAR DES SERVICES D’APPUI

Le vocabulaire lié à l’intégration appelle quelques précisions. Dans


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certains pays, par exemple en Italie ou aux États-Unis, un élève est


considéré comme intégré lorsqu’il a une place dans une classe généra-
liste. Dans d’autres pays, la notion d’intégration déborde cette condi-
tion et se définit comme un processus. L’enfant intégré bénéficie alors
« d’une éducation dans un cadre le plus proche de la normale, passant
d’une structure ségrégative à une situation moins ségrégative le rap-
prochant de la normale 14 ». Cette approche englobe des formes inter-
médiaires d’intégration, collective 15 ou à temps partiel. Ainsi l’école
est-elle dite intégratrice quand elle trouve les moyens de réussir l’édu-
cation de tous les enfants, y compris ceux qui sont gravement défavo-
risés. La Déclaration de Salamanque et la Charte de Luxembourg
appellent très explicitement chaque gouvernement à défendre la for-
mule d’une telle école et à favoriser la mise en place de services répon-
dant aux besoins éducatifs spéciaux : « Les États membres doivent
adopter une législation garantissant à tous les enfants en âge scolaire
et à tous les adultes le droit d’accéder à un système d’enseignement
ordinaire. La législation doit être accompagnée de toutes les ressources
appropriées 16. » Le principe directeur est de donner à tous les élèves la
même éducation en fournissant une aide et un soutien supplémen-
taires à ceux qui en ont besoin : « Les enfants qui ont des besoins édu-

13. M. Fardeau, Rapport au ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au secrétaire


d’État à la Santé, à l’Action sociale et aux Handicaps sur une analyse comparative et
prospective du système français de prise en charge des personnes handicapées, publié le
11 janvier 2001, http://www.handica.com.
14. Ibid.
15. Comme en classe d’intégration scolaire (CLIS).
16. Charte de Luxembourg, 1996.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 47

Passer du territoire clos au réseau d’aide


47

catifs spéciaux devraient pouvoir recevoir un soutien continu selon des


modalités diverses, allant d’une assistance minimale en classe à des
activités complémentaires de soutien pédagogique, faisant appel, pro-
gressivement, à des éducateurs spécialisés et à d’autres personnels d’ap-
pui, lorsque cela est nécessaire 17. » Les ressources complémentaires
proposées aux écoles ont des origines très diverses. Elles peuvent pro-

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venir d’un transfert de services spécialisés vers le milieu généraliste et
leur transformation en centres publics de compétences 18. Elles peu-
vent résulter de créations anciennes ou plus récentes tels les réseaux
d’aides spécialisées aux élèves en difficulté 19, les services d’enseignants
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itinérants 20 ou les services d’aides aux apprentissages.

LA MISE EN RÉSEAU DES RESSOURCES EN MATIÈRE D’AIDES,


DE FORMATION ET DE RECHERCHE

L’application du droit d’apprendre ensemble implique de passer


d’une éducation spécialisée à une éducation généraliste suffisamment
étayée. Cet étaiement, pour être efficace, requiert collaboration et
coordination entre acteurs, formation et recherche. La dimension par-
tenariale est vivement affirmée entre l’administration scolaire, les
enseignants, les services extérieurs à l’école et les familles. Les maîtres
généralistes sont les premiers concernés : « Il faudrait particulièrement
veiller à préparer tous les maîtres à collaborer avec les spécialistes et à

17. Déclaration de Salamanque (1994) et Cadre d’action pour les besoins éducatifs spé-
ciaux, article 32.
18. La fermeture d’établissements ou de classes spécialisés en Norvège et en Italie par
exemple a permis de créer des centres de ressources ou de dialogue. À partir de ces expé-
riences, l’article 50 de la Déclaration de Salamanque propose : « Le soutien aux écoles
ordinaires pourrait être assuré et par les établissements de formation des maîtres et par
des membres du personnel des écoles spéciales. Ces dernières devraient de plus en plus
servir de centres de ressources pour les écoles ordinaires, fournissant un soutien direct
aux enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux. Tant les établissements de formation
que les écoles spéciales peuvent fournir des appareils et matériels pédagogiques spéci-
fiques ainsi qu’une préparation à des stratégies d’enseignement qui ne sont générale-
ment pas utilisées dans les écoles ordinaires. »
19. Les RASED, créés en France par la circulaire du 9 avril 1990, font figure de pion-
niers dans ce domaine.
20. Comme en Finlande.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 48

Éducation et handicap
48

coopérer avec les parents 21. » La collaboration entre tous les acteurs
nécessite d’être planifiée et synchronisée 22 : « L’utilisation des services
existants de manière coordonnée est indispensable 23 » ; « les services
fournis par des personnes ressources externes, mises à disposition par
divers organismes, agences ou institutions, tels que conseillers péda-
gogiques, psychologues scolaires, orthophonistes ergothérapeutes, etc.

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devraient être coordonnés à l’échelon local 24. » La mise en réseau des
compétences spécialisées améliore l’efficacité des actions entreprises.
Le domaine de la formation et de la recherche polarise également les
préoccupations. Tous les acteurs impliqués par le processus d’intégra-
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tion « doivent bénéficier d’une formation permanente appropriée et


détenir tous les outils et supports nécessaires à la réalisation de leur
tâche 25 ». Cette formation, liée à la recherche conduite au sein des
universités 26, centres de recherches et instituts pédagogiques, associe
usagers, enseignants, prestataires de services, etc. Elle est invitée à tra-
verser les frontières : « Une coopération internationale des profession-
nels dans le domaine de l’intégration est une condition importante
qui peut aider les établissements d’éducation en marche vers l’intégra-
tion 27. » Pour ce faire, le changement de mentalité envers les per-

21. L’article 41 de la déclaration de Salamanque précise également que “les programmes


de formation initiale devraient transmettre à tous les élèves maîtres, du primaire comme
du secondaire, une approche positive du handicap et leur faire prendre conscience de ce
qui peut être accompli à l’école avec des services de soutien disponibles sur place. Les
connaissances et les compétences requises sont essentiellement celles qu’on attend d’un
bon enseignant ; elles comprennent les capacités nécessaires pour identifier les besoins
éducatifs spéciaux, adapter les contenus, utiliser des techniques de soutien et indivi-
dualiser les méthodes d’enseignement en fonction des aptitudes de chacun, etc.
22. À ce propos, selon la charte de Luxembourg, « les centres de ressources constituent
un modèle de coordination et de coopération ».
23. Charte de Luxembourg, 1996.
24. Article 52 de la déclaration de Salamanque.
25. Charte de Luxembourg, 1996.
26. « Les universités ont un rôle consultatif majeur à jouer dans le développement de la
scolarisation des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux, notamment en ce qui
concerne la recherche, l’évaluation, la formation des formateurs d’enseignants et la
conception des programmes et des matériels de formation. Il conviendrait aussi de pro-
mouvoir la constitution de réseaux entre universités et établissements d’enseignement
supérieur des pays développés et des pays en développement », article 48, Déclaration
de Salamanque.
27. Charte de Luxembourg, 1996.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 49

Passer du territoire clos au réseau d’aide


49

sonnes ayant des besoins spécifiques constitue une priorité. Les


médias, par exemple, ont un rôle important à jouer dans la promotion
d’attitudes positives à l’égard de l’intégration. Ils « devraient être uti-
lisés pour familiariser le public avec des nouvelles approches éduca-
tives, notamment en ce qui concerne la mise en place de services
d’éducation spéciale dans les écoles ordinaires, et en faisant connaître

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des exemples d’action bien conduites et d’expériences réussies 28 ».
L’analyse des principaux textes internationaux et européens
permet ainsi de dégager les originalités mais aussi les lacunes de la
situation française dans le domaine de l’intégration et des services
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d’appui qui l’accompagnent. Nous limiterons notre propos à l’étude


du dispositif RASED implanté dans les écoles primaires.
Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté apparaissent
comme un service d’appui pionnier mais perfectible. Les RASED
constituent en effet un dispositif de l’adaptation et de l’intégration
scolaires dans l’enseignement du premier degré, aux niveaux mater-
nelle et élémentaire. Créés en France par la circulaire du 9 avril 1990,
ils sont composés de trois catégories de professionnels : les maîtres
chargés d’aide à dominante rééducative, les maîtres chargés d’aide à
dominante rééducative et les psychologues scolaires. Ces dispositifs
destinés aux élèves dits « en difficulté 29 » répondent à leurs besoins
éducatifs particuliers ou, le cas échéant, assurent l’interface avec des
services externes à l’Éducation nationale 30. Ils ont pour mission de
permettre à chaque enfant d’occuper sa place d’élève apprenant, « un
parmi d’autres 31 », à l’école. Cette visée intégratrice requiert une
étroite collaboration avec les familles et tous les partenaires concer-
nés : équipes de maîtres, équipe de circonscription, commission de
circonscription préélémentaire et élémentaire (CCPE), services de
santé, services sociaux, collectivités territoriales, etc.

28. Article 69, Déclaration de Salamanque, 1994.


29. Certains élèves en effet nécessitent une attention plus soutenue en raison soit de dif-
ficultés marquées, exigeant une analyse approfondie et un accompagnement spécifique,
soit d’un handicap avéré se traduisant par une déficience sensorielle, motrice ou men-
tale.
30. Tels les services d’éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD), les centres
d’accueil médico-psychologique (CAMPS), les centres médico-psychologiques pour
enfants (CMPE), etc.
31. Titre d’un ouvrage de Denis Vasse, Un parmi d’autres, Paris, Le Seuil, 1978.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 50

Éducation et handicap
50

La première prise en compte des besoins éducatifs particuliers


incombe aux enseignants généralistes. C’est seulement quand elle
s’avère insuffisante que peut être apportée, selon un modèle collégial,
une aide spécialisée proposée dans l’école par le RASED ou en dehors
de l’école par un service extérieur. L’aide à dominante pédagogique,
dite « E », vise le dépassement des difficultés chez l’élève par la maî-

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trise de méthodes et d’outils de travail, la prise de conscience des pro-
grès, etc. Elle cherche avant tout à améliorer « techniquement » les
processus d’apprentissage pour permettre aux élèves de tirer profit de
l’enseignement proposé par le maître. L’autre, à dominante rééduca-
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tive, dite « G », tend d’une part à restaurer l’estime de soi et le désir


d’apprendre, d’autre part à favoriser l’ajustement du comportement et
l’efficience scolaire. Elle travaille sur les préalables à une acquisition
possible et s’attache davantage aux phénomènes relationnels. Elle vise
à transformer le « refus d’apprendre » en acceptation du don de l’ob-
jet-savoir. Enfin, l’aide psychologique cherche à mettre en relation les
processus psychologiques et les capacités d’apprentissages des élèves.
Elle apporte un éclairage particulier dans des situations conflictuelles
ou bloquées sans se traduire dans des actions régulières de restaura-
tion. La totalité de ces aides internes à l’école n’est pas conçue comme
une juxtaposition de recours supplétifs possibles. Elle implique une
réflexion commune entre enseignants spécialisés et généralistes, un
accord sur les finalités à poursuivre, une négociation des interventions
de chacun des intéressés, ce qui représente la mise en œuvre d’une
coopération et d’une coordination effectives.
Au regard des recommandations internationales et européennes,
les RASED constituent des services d’appui pluridisciplinaires. Ils
apparaissent utiles à la diffusion des compétences spécialisées et à la
coordination de toutes les ressources existantes. Si ce projet semble
théoriquement opératoire, sa réalisation sur le terrain laisse deviner
des zones d’ombre importantes.
Des pratiques disparates et controversées, tel est le constat que
nous pouvons établir. Pour être intégratrice, l’école française doit pou-
voir s’appuyer sur les RASED. L’intégration des élèves, c’est-à-dire la
réussite de l’éducation de tous, est dépendante de l’intégration des
diverses équipes entre elles. Notre recherche met en lumière une insuf-
fisance de collaboration entre professionnels. L’ensemble des acteurs
témoignent de pratiques mal identifiées et/ou contestées.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 51

Passer du territoire clos au réseau d’aide


51

Les attentes institutionnelles en ce domaine restent ambivalentes.


Autant le discours dans les circulaires impose le partenariat comme
une nécessité, autant le contrôle de son assimilation 32 et de sa mise en
application durant la période de formation semble négligé. L’encadre-
ment préconise une mise en réseau des aides sans se donner les moyens
de la susciter et de la certifier. L’analyse statistique des représentations

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recueillies chez les professionnels interviewés 33 fait apparaître deux
caractéristiques essentielles : la disparité des connaissances relatives
aux aides spécialisées et le manque d’images positives liées au partena-
riat. Si quelques acteurs possèdent un savoir à la fois concret et
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conceptualisé, d’autres avouent leur ignorance parfois quasi totale en


ce domaine. Ce déficit rend difficile l’identification des partenaires
potentiels, alimente des opinions non fondées et nuit inéluctablement
à la qualité du travail commun. De plus, dans l’imaginaire collectif, le
RASED est souvent perçu comme une équipe parallèle non intégrée
aux équipes d’enseignants. Ce dispositif semble aussi non intégratif,
autrement dit cultivant son identité et ses prérogatives tout comme le
font aussi nombre de généralistes. Le thème de la collaboration oppose
alors de façon plus ou moins marquée ceux qui s’en désintéressent et
ceux qui cherchent à la mettre en place. En contrepoint surgit une
autre préoccupation d’importance. Les évocations liées à la population
aidée font émerger un axe éthique classant les réponses selon la
manière de considérer autrui. La posture adoptée détermine la qualité
des échanges professionnels et laisse entrevoir la question de la parole
au cœur du partenariat.
L’analyse qualitative des représentations individuelles affine le
repérage précédent. Les insuffisances réticulaires 34 vont jusqu’à

32. Lors de la certification écrite des CAPSAIS (certificat d’aptitude aux actions spécia-
lisées d’adaptation et d’intégration scolaire). L’étude des sujets d’examen de CAPSAIS
options E et G de 1988 à 2002 montre les attendus de l’institution à l’égard des impé-
trants. Le thème du partenariat y est négligeable (moins de 10 % des sujets).
33. Soixante-dix-huit entretiens ont été conduits. L’échantillon regroupe toutes les pro-
fessions directement concernées par les aides à l’école : enseignants généralistes, ensei-
gnants de RASED, formateurs d’enseignants spécialisés, inspecteurs (à tous les niveaux
hiérarchiques).
34. Un réseau se caractérise par des nœuds clairement identifiés et des connexions suffi-
samment nombreuses. Le manque de personnel de RASED gêne la connaissance des pra-
tiques d’aide spécialisées et la prise en considération des fonctions qui leur sont attachées.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 52

Éducation et handicap
52

remettre en question la faisabilité même de la mise en réseau. L’évolu-


tion nationale du nombre de postes en RASED dissimule d’impor-
tantes disparités locales. L’écart de dotation pour dix mille élèves varie
considérablement selon les fonctions et les implantations géogra-
phiques. La composition du dispositif est de ce fait très contrastée.
Subissant la préférence donnée à l’une ou l’autre des spécialisations, le

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RASED ne regroupe pas toujours au moins un représentant de chaque
spécialité : maître E, rééducateur et psychologue scolaire. De plus, un
nombre trop élevé de demandes potentielles, ajouté parfois aux
contraintes territoriales, met en péril la gestion concrète d’une colla-
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boration suffisante.
Des valeurs et des attentes discordantes opposent les acteurs du
système éducatifs et freinent également leur travail en commun. Ces
divergences s’articulent essentiellement autour de la place accordée à
l’élève, la foi en son éducabilité et le désir d’intégration. Elles condui-
sent à des positionnements professionnels incompatibles, qui appa-
raissent plus fortement encore à propos des aides. Trois sortes de
conflits, pouvant se combiner les uns aux autres, sont repérables entre
les partisans et les détracteurs des affirmations suivantes : toute aide
est bonne à prendre ; tout soutien n’est pas obligatoirement béné-
fique ; le dispositif remplit sa mission d’aide ; il alimente l’exclusion ;
les aides E ou G sont utiles et fructueuses ; elles sont contestables.
Ces conflits nourrissent l’écart entre les attentes concrètes des géné-
ralistes et les réponses des spécialisés, et nuisent à la qualité de la
coopération officiellement exigée. Le pilotage des RASED apparaît
conjointement comme une autre source de mésentente entre profes-
sionnels. Oscillant d’un désintérêt total à un contrôle autocratique,
les inspecteurs de l’Éducation nationale ne semblent pas toujours
assurer un encadrement compatible avec les besoins du dispositif
comprenant à la fois étayage et souplesse de fonctionnement. Les
RASED, livrés à eux-mêmes ou surveillés dans leurs moindres déci-
sions, peuvent développer des résistances réactionnelles et détériorer
toute relation.
L’analyse de la communication entre acteurs montre enfin des
lacunes en matière de parole. Quand l’imaginaire devient prévalent, il
étouffe toute irruption du symbolique, statufie les représentations et
dévitalise les échanges. Ce déséquilibre est renforcé par le déficit
global d’évaluation du travail des RASED. L’évaluation externe, de la
responsabilité de l’encadrement hiérarchique, et interne, effectuée par
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 53

Passer du territoire clos au réseau d’aide


53

les personnels eux-mêmes, apparaît comme une question non résolue


qui favorise les réactions passionnelles à l’égard des aides – déprécia-
tion, rejet, défense inconditionnelle, etc. La quasi-absence de juge-
ments fondés sur des critères faisant l’unanimité entraîne un climat de
suspicion contraire à toute coopération. La non-prise en compte des
phénomènes transférentiels, attisés par les situations de difficulté,

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ajoute encore aux heurts. La confusion des places, la recherche de cou-
pables et la fermeture à l’autre perturbent l’établissement des liens
intersubjectifs. Le savoir détourné de sa fonction d’objet d’échange
porte également atteinte à la qualité des relations. L’inculture fré-
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quente des personnels en matière d’intégration et de partenariat est


trop souvent laissée en l’état par l’institution. À l’opposé, les connais-
sances professionnelles sont parfois jalousement gardées et utilisées
comme instruments de pouvoir.
Les premières conditions indispensables à la collaboration s’as-
semblent en une dominante d’ordre matériel centrée sur la faisabilité
des échanges. Celle-ci s’impose comme l’élément fondamental sans
lequel rien n’est possible. Comme la circulaire du 30 avril 2002 35 le
prévoit, le dispositif RASED devrait regrouper désormais les trois types
de professionnels. Avec des pôles spécialisés consistants, c’est-à-dire
des postes effectivement pourvus et identifiés dans leurs spécificités, le
nombre de connexions pourrait devenir humainement gérable. Ce
choix éminemment politique résulte de la conciliation de logiques qui
tendent à se limiter mutuellement. C’est pourtant l’accord entre l’ac-
croissement des moyens, la recherche d’efficacité à moindre coût et
l’attention prioritaire portée aux personnes – élèves et enseignants –
qui doit permettre d’obtenir les conditions vitales à l’organisation en
réseau.
Une deuxième série de conditions nécessaires à l’établissement
d’une collaboration entre enseignants spécialisés et enseignants géné-
ralistes forme une dominante de nature fonctionnelle. Elle recouvre
les facteurs permettant aux connexions de s’établir avec congruence. Il
s’agit de clarifier les conceptions éducatives et les positions partena-
riales, de soutenir l’engagement participatif de chacun et de dévelop-
per une culture commune. Les positions partenariales demandent tout

35. Circulaire n° 2002-113.


02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 54

Éducation et handicap
54

d’abord à être précisées relativement aux buts poursuivis. L’établisse-


ment de principes communs tels le droit de tout enfant à une éducation
suffisamment bonne, le devoir de chaque professionnel pour sa mise en
œuvre, permet d’aboutir à des consensus en matière de valeurs éduca-
tives. Dans cette perspective, la division du travail, autrement dit la
fragmentation des aides, mérite d’être explicitée selon les dernières

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précisions ministérielles. Acceptée, elle se doit également d’être appli-
quée dans le respect des procédures de travail préconisées. Par ailleurs,
l’engagement des acteurs dans un travail d’équipe doit être régulière-
ment nourri par de la bientraitance, c’est-à-dire des marques de recon-
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naissance : considération, évaluation des actions conduites, rétribu-


tion psychique et pécuniaire des résultats obtenus. De plus, le
développement d’une culture commune, au moyen d’actions de for-
mation et de programmes de recherches – nationaux et internatio-
naux – s’avère indispensable. Elle se rapporte essentiellement aux pra-
tiques de travail en équipe et à l’intégration. La notion d’équipe à
l’école fait intervenir de nombreux éléments organisationnels : plani-
fication, conduite de réunion, conception et suivi de projets,
méthodes utilisées, évaluation, etc. Elle met aussi en jeu des choix
d’ordre éthique liés au contenu des échanges et au savoir à déployer.
L’intégration apparaît comme une autre dimension culturelle à façon-
ner, non pas au bénéfice des seuls élèves porteurs de handicap, mais au
profit de tous ceux qui connaissent des difficultés.
Enfin, un dernier ensemble de conditions indispensables à la mise
en place de toute collaboration constitue une dominante de nature
symbolique, typique de toute humanité. Elle comprend les facteurs
autorisant une véritable rencontre. Ceux-ci relèvent de la reconnais-
sance de l’altérité, et de l’introduction d’une dimension de parole
envers un imaginaire totalitaire. La nécessité de la prise en compte
d’autrui comme radicalement autre apparaît de façon récurrente. La
difficulté, objet du travail commun RASED/École, fait signe dans la
mesure où elle invite chacun à reconnaître l’autre dans son irréduc-
tible altérité. Le dispositif d’aides lui-même, comme lieu des conflits,
redouble cet appel. La place particulière des personnels spécialisés
peut être l’occasion de réintroduire du symbolique dans des relations
grippées par un imaginaire envahissant. Le RASED, dans son rôle de
« porte-croyance » ou de « porte-question », déplace inlassablement les
interrogations et désigne l’unique voie d’un changement possible : le
« faire ensemble ». Les professionnels de RASED ont enfin la mission
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 55

Passer du territoire clos au réseau d’aide


55

de réunir les conditions favorables à cette coopération. Par leur pré-


sence, ils rappellent l’urgence de l’écoute et de l’expression de tous et
de chacun. Médiateurs, accompagnateurs, ils sont chargés de préparer
et de guider au mieux le travail d’équipe, dans l’espérance d’une parole
échangée et de ses effets de créativité. Leur travail, relayé par les
médias, mériterait d’être largement diffusé pour familiariser le public

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aux pratiques éducatives actuelles et promouvoir ainsi une société
intégratrice. Ces jalons montrent que les conditions nécessaires à la
collaboration entre enseignants généralistes et maîtres de RASED résul-
tent de facteurs multiples. Les dominantes précédemment dégagées
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rendent intelligible une situation confuse et complexe, entravée par


des intentions institutionnelles mal élucidées et des injonctions hié-
rarchiques contradictoires. Elles ne peuvent dicter de solution mais
peuvent seulement éclairer des choix personnels et politiques dans la
perspective d’un traitement plus approprié des difficultés de chacun.
L’instauration d’une collaboration efficiente entre les différents acteurs
concernés par l’aide constitue la première étape indispensable d’une
intégration en faveur des élèves. Les recommandations européennes
contiennent en substance la trame des mesures à suivre pour per-
mettre à l’école de devenir pleinement intégratrice. En France, les ser-
vices d’appui préconisés existent déjà, mais des améliorations s’impo-
sent pour qu’ils deviennent de véritables centres de ressources.
Plusieurs pistes de transformation se dessinent d’ores et déjà : aug-
menter leur nombre et leur efficacité ; intensifier la formation initiale
et continue des personnels ; amplifier les programmes de recherche
internationaux ; développer une culture commune concernant essen-
tiellement les pratiques d’aide et leur évaluation, le travail en équipe,
l’intégration, etc. La mise en œuvre du droit à l’éducation pour tous
demande des efforts importants aux niveaux individuel et collectif ;
elle ouvre aussi l’espérance d’une société plus humaine.
Là encore, le réseau qui semble s’installer comme une nouvelle
modalité de partage des territoires éducatifs ne peut avoir d’existence
concrète et efficiente qu’à la mesure d’une véritable collaboration
entre les acteurs de l’éducation. Cette dimension nous est maintenant
présentée par Brigitte Belmont et Aliette Verillon.
RELIER LES TERRITOIRES PAR LA COLLABORATION DES ACTEURS
Brigitte Belmont et Aliette Vérillon

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 57 à 66
ISBN 978274920369
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02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 57

Brigitte Belmont
Aliette Vérillon

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Relier les territoires
par la collaboration des acteurs
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Après une période ayant largement fait place au développement des


structures spécialisées, la tendance actuelle, au plan international, pro-
meut l’accueil dans les structures scolaires ordinaires des enfants en
situation de handicap ou présentant des besoins particuliers. Cette
orientation, développée depuis une trentaine d’années, est considérée
comme un moyen privilégié d’insertion sociale pour ces jeunes. Elle est
notamment soutenue par l’UNESCO à travers la Déclaration de Sala-
manque adoptée en 1994. De façon générale, les pays se sont dotés de
dispositifs en vue de favoriser la mise en œuvre de l’intégration.
En France, le droit pour tous à l’éducation prioritairement en
milieu ordinaire est reconnu par la loi de 1975 et, depuis la loi
d’orientation sur l’éducation de 1989, l’intégration des enfants handi-

Brigitte BELMONT, Aliette VÉRILLON, chercheurs à l’INRP-CRESAS (Centre de


recherche de l’éducation spéciale et de l’adaptation scolaire), à l’Institut national de
recherche pédagogique.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 58

Éducation et handicap
58

capés ou en difficulté prend place parmi les missions prioritaires de


l’Éducation nationale. Cependant, malgré l’ensemble du dispositif
législatif mis en place et les efforts déployés par de nombreux acteurs
sur le terrain, les possibilités d’accueil sont loin de répondre à une
demande sociale de plus en plus pressante. Plusieurs rapports récents
mettent en avant ces insuffisances et font état de nombreux obstacles,

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certains ayant trait aux peurs et aux résistances des différents acteurs
eux-mêmes, d’autres provenant de cloisonnements et de dysfonction-
nements institutionnels 1.
Dans les différents pays, l’intervention des structures spécialisées,
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en soutien à l’intégration, est considérée comme un facteur détermi-


nant de sa mise en œuvre (réseau Eurydice, rapport OCDE). Les cir-
culaires françaises dans ce domaine préconisent l’établissement d’un
partenariat entre les différents acteurs impliqués – école, parents et
structures spécialisées – afin d’assurer une complémentarité des
actions éducatives et thérapeutiques 2. Elles incitent notamment à
l’élaboration concertée de projets individuels d’intégration pour
chaque enfant. Une mission de soutien à l’intégration est officielle-
ment attribuée aux services de soins spécialisés 3. Les directives
récentes réaffirment l’importance de la mise en œuvre d’une démarche
de projet, conjuguant « les attentes du jeune et de sa famille, l’action
des enseignants et celle des services de soins et d’accompagnement 4 ».
Ces dispositions supposent l’engagement de l’école ordinaire et des
structures spécialisées dans une démarche d’intégration, ainsi que le
développement de pratiques partenariales.
Dans la plupart des dispositifs de soutien à l’intégration, l’aide
apportée par les structures d’éducation spéciale ne se limite pas à une
prise en charge des enfants intégrés. Elle consiste également en un
appui aux enseignants. Celui-ci correspond aux attentes des ensei-

1. IGEN et IGAS, Rapport sur l’accès à l’enseignement des enfants et adolescents handicapés,
ministère de l’Éducation nationale, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 1999 ; V.
Assante, Situations de handicap et cadre de vie, rapport au Conseil économique et social,
2000 ; M. Fardeau, Comme vous, comme nous, tout simplement, rapport au ministère de
l’Emploi et de la Solidarité, 2000.
2. Circulaires n° 82-2 et 82-048 du 29 janvier 1982, n° 83-082 du 29 janvier 1983 et
n° 91-304 du 18 novembre 1991.
3. Circulaire n° 90-091 du 23 avril 1990.
4. Circulaire n° 99-197 du 19 novembre 1999.
02 Première partie 31/07/09 9:34 Page 59

Relier les territoires par la collaboration des acteurs


59

gnants pour la mise en œuvre des nécessaires adaptations pédago-


giques impliquées par l’accueil d’un enfant présentant un handicap
dans une classe (Lantier et al., 1994). Actuellement, en France, on
constate une évolution des relations entre écoles et structures spéciali-
sées, jusque-là marquées notamment par un cloisonnement institu-
tionnel et le développement de cultures professionnelles différentes.

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Avec le développement des projets d’intégration, les contacts entre
enseignants et professionnels spécialisés tendent à se généraliser. En
revanche, les rencontres restent peu fréquentes, le plus souvent tri-
mestrielles, ce qui ne favorise pas les échanges sur les solutions péda-
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gogiques à mettre en œuvre pour répondre aux problèmes qui se


posent quotidiennement, à l’école (Belmont et Vérillon, 1997).
La recherche présentée analyse les modes de collaboration qui peu-
vent s’instaurer dans des situations d’intégration, peu courantes, où
enseignants et professionnels du secteur spécialisé ont pu établir des
relations suivies (une fois par semaine ou davantage). Elle concerne
l’accueil d’enfants présentant une déficience sensorielle ou motrice, ou
des difficultés d’ordre psychologique. Elle s’appuie sur des entretiens
auprès des enseignants d’accueil et de leurs partenaires spécialisés. Ces
contacts réguliers s’instaurent surtout avec des professionnels ayant
une action éducative avec les enfants, dont on peut penser que les pré-
occupations sont proches de celles des enseignants : essentiellement
des éducateurs et des instituteurs spécialisés, mais aussi des rééduca-
teurs : orthophoniste, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotri-
cien (Belmont et Vérillon, 1999).

DIVERS MODES DE COLLABORATION

La collaboration se développe selon des modalités diverses, portant


sur différents aspects du travail d’intégration : la prise en charge de
l’enfant par le spécialiste ; les décisions relatives au projet individualisé
d’intégration ; la manière de s’occuper de l’enfant dans le cadre de la
gestion de la classe ainsi que les relations avec ses parents. Pour chacun
de ces aspects, on distingue plusieurs modes de fonctionnement enga-
geant, à des degrés divers, les partenaires dans un travail commun et
se combinant souvent dans une même situation d’intégration selon les
moments ou les sujets abordés.
De façon générale, la collaboration consiste d’abord en une mise
en commun d’informations, de savoirs, d’expériences, de pratiques,
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Éducation et handicap
60

dont chaque partenaire peut tirer profit dans son propre travail avec
l’enfant : indications données par un enseignant spécialisé sur la façon
de gérer la fatigabilité d’un enfant liée à sa maladie ; situation éduca-
tive dans la classe ; soutien par un enseignant spécialisé.
Il s’agit également de s’accorder sur les démarches de travail avec
l’enfant intégré : activités pour susciter son investissement, attitudes

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de stimulation ou d’encouragement. La collaboration peut aller jus-
qu’à la conception et à la mise en œuvre communes d’actions ou de
démarches conjointes auprès des parents afin de susciter leur implica-
tion dans le projet ou le soutien scolaire ou encore la préparation
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d’animations communes. Parfois, ces actions s’adressent à l’ensemble


des élèves. Ainsi, l’organisation de séquences de travail en petits
groupes peut bénéficier aussi bien à l’enfant intégré qu’aux autres
élèves de la classe. Dans ce cas, les partenaires prennent en compte des
besoins éducatifs semblables chez les enfants intégrés et chez d’autres
élèves. Ils mettent en commun leurs compétences dans la recherche
des progrès au sein de la classe. Cette dernière forme de travail se
révèle particulièrement favorable à une évolution vers des pratiques
plus intégratives. Elle évite de marginaliser ces enfants par la mise en
œuvre de mesures spécifiques.

UNE DYNAMIQUE D’ÉCHANGE CONSTRUCTIVE

Ces formes de collaboration se développent grâce à une dynamique


interactive des partenaires, motivée par un enjeu partagé visant la par-
ticipation de l’enfant intégré aux activités de la classe. Enseignant et
spécialiste s’engagent dans une réflexion sur les moyens susceptibles de
favoriser ses progrès. Cette réflexion s’appuie sur une confrontation de
leurs observations sur l’enfant. Elles se confortent, se complètent ou, en
cas de divergences, suscitent des vérifications par le recours à de nou-
velles observations. Les enseignants parviennent ainsi à une évaluation
partagée, plus fiable et plus précise, des difficultés et des potentialités
de l’enfant. Partant de cette appréciation, ils s’attachent à déterminer
ses besoins en situation scolaire et à concevoir des actions éducatives
adaptées à ces besoins. Pour s’accorder sur des orientations de travail,
ils sont conduits à clarifier les objectifs de socialisation et d’apprentis-
sage, à les préciser et à les réajuster en fonction de son évolution. Ils
sont également incités à expliciter leurs façons de travailler. La mise en
regard de leurs pratiques respectives, constituant à la fois un apport
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Relier les territoires par la collaboration des acteurs


61

d’idées nouvelles et l’occasion d’une prise de recul, favorise l’introduc-


tion de réaménagements. Cette dynamique peut par exemple être
observée entre une enseignante et l’éducatrice spécialisée apportant un
soutien à un enfant intégré à l’extérieur de l’école. Elles se rencontrent
régulièrement pour s’informer mutuellement de leur travail avec lui.
Confrontant leurs observations respectives, elles s’accordent sur son

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besoin d’être encouragé et rassuré, et s’attachent l’une et l’autre à sus-
citer une démarche active de sa part. Constatant ses difficultés à s’en-
gager dans des situations de travail nouvelles – notamment en mathé-
matiques –, qu’elles interprètent comme un « blocage », elles estiment
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important d’aborder avec lui différentes notions par la manipulation et


l’expérience concrète. L’éducatrice explique sa méthode de travail lors
des séances de soutien à partir de matériels divers, permettant une vaste
gamme d’expérimentations. Ces échanges conduisent l’institutrice à
travailler dans la même direction, s’efforçant d’introduire les notions à
partir de situations de vie concrètes, non seulement pour cet enfant,
mais pour l’ensemble de la classe. Dans la mise en œuvre des actions
éducatives, on constate que des professionnels de statuts différents peu-
vent assumer des fonctions comparables : un enseignant spécialisé, un
éducateur spécialisé ou un orthophoniste peuvent apporter un soutien
scolaire particulier à un enfant. On observe ainsi que l’intervention et
le rôle des partenaires sont envisagés avec souplesse, de façon à
répondre au mieux aux besoins de l’enfant, tout en tenant compte des
compétences et des conceptions de travail de chacun. Dans la détermi-
nation de leurs modalités d’intervention, les partenaires sont conduits
à clarifier leurs conceptions du travail d’intégration et à délimiter leurs
champs de compétences respectifs : gestion pédagogique de la classe
pour un enseignant ; connaissances sur le handicap et savoir-faire spé-
cifiques pour un enseignant spécialisé ; connaissance globale de l’enfant
pour un éducateur. Ils en viennent alors à préciser ce qui les distingue
mais aussi ce qui les rapproche : même culture professionnelle entre
instituteur et enseignant spécialisé ; abord éducatif proche entre ensei-
gnant et éducateur. Ainsi, contrairement aux craintes souvent suscitées
par la perspective d’une collaboration, les interactions des partenaires
ne remettent pas en cause les identités professionnelles, mais sont
plutôt l’occasion de les clarifier, voire de les renforcer.
Un exemple illustre cet ajustement des rôles ainsi que l’élaboration
commune de situations éducatives. Il concerne un enfant présentant
une surdité profonde associée à des difficultés motrices et un retard
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Éducation et handicap
62

mental, intégré en petite section de maternelle et bénéficiant d’un


accompagnement quotidien assuré par une assistante maternelle
formée à la langue des signes. L’institutrice et l’assistante s’entendent
préalablement sur leurs rôles respectifs et leurs modes d’intervention
dans la classe. L’assistante a la charge de la communication avec l’en-
fant et doit l’aider à participer aux activités organisées par l’ensei-

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gnante qui en a la responsabilité pédagogique. Elles conviennent que
l’assistante s’occupera de Pierre en gérant l’activité du groupe dans
lequel il se trouve. Pour faciliter son insertion dans la classe, l’ensei-
gnante propose à l’assistante une période d’observation et explicite ses
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conceptions pédagogiques : encourager l’expérimentation des enfants


et valoriser leurs réalisations. Le travail permet à l’assistante de s’ap-
proprier sa démarche, si bien que c’est parfois l’enseignante qui gère
l’atelier auquel Pierre participe, l’assistante prenant la relève auprès du
reste de la classe. Chaque jour, elles confrontent leurs observations sur
les réactions de Pierre, ses réussites, ses difficultés et recherchent les
moyens de le faire progresser, en fonction des objectifs qu’elles se sont
fixés pour lui : développement de l’autonomie et de la communica-
tion. Elles imaginent ensemble des situations ou des supports de tra-
vail, confectionnant par exemple un livre d’images personnalisé, à
partir de photos de personnes et d’objets familiers. S’inspirant de la
pratique de l’assistante, l’enseignante développe la communication
non verbale dans la classe, qui lui semble susceptible de stimuler l’ac-
quisition du langage chez de jeunes enfants.

D’UN PROCESSUS DE COCONSTRUCTION


À UNE DÉMARCHE D’AJUSTEMENT RÉCIPROQUE

Les nouvelles pratiques qui s’élaborent grâce à cette dynamique


d’échanges entre partenaires sont le fruit d’une construction com-
mune à laquelle chacun contribue à partir de sa propre expérience
professionnelle. Les informations ou les conseils donnés par les spé-
cialistes ne sont pas toujours directement applicables, ils ont à prendre
place dans une pratique préexistante. Ils viennent souvent conforter
des démarches déjà engagées, ou envisagées par les enseignants. Ils exi-
gent de leur part, dans tous les cas, un travail de reconstruction pour
les traduire concrètement et les intégrer dans leur fonctionnement
habituel. Ainsi, dans le cas de l’intégration d’un enfant aveugle, l’ins-
titutrice spécialisée intervenant dans la classe pour l’aider dans les acti-
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Relier les territoires par la collaboration des acteurs


63

vités propose des adaptations d’exercices et explicite sa façon de pro-


céder. Cela donne la possibilité à l’enseignante de s’approprier une
démarche qui, à son avis, lui permet d’adapter elle-même les activités
de la classe pour les rendre accessibles à cet enfant.
Par ailleurs, différents professionnels spécialisés sont conduits à
relativiser leurs propres compétences. Ils considèrent qu’ils ont bien

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sûr des connaissances spécifiques mais qu’elles restent générales, alors
que chaque enfant a des réactions et pose des problèmes qui lui sont
propres. Ils peuvent donc indiquer des orientations de travail plutôt
que de donner des conseils précis, et il leur apparaît nécessaire, pour
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envisager des démarches adéquates, d’observer l’enfant concerné en


situation scolaire et d’en parler avec l’enseignant. Ils n’ont pas non
plus de « recette miracle » ou de réponse toute faite à apporter à l’école
sur la manière de prendre en compte l’enfant intégré. Les pratiques à
mettre en œuvre ne peuvent être la transposition directe de leur tra-
vail développé dans le cadre de leur structure spécialisée, elles sont à
inventer, et c’est à l’occasion des échanges avec les enseignants qu’ils
pensent pouvoir contribuer à la recherche de solutions. Ils se placent
ainsi dans une démarche de construction commune : de la discussion
surgissent les idées. De leur côté, des enseignants mentionnent égale-
ment l’intérêt de confronter leurs observations avec celles de leur par-
tenaire, pour préciser leurs appréciations sur l’évolution de l’enfant et
ses besoins, ainsi que l’importance des échanges pour déterminer des
propositions concrètes d’actions. Ils évoquent notamment comment
la découverte de l’expérience d’autres professionnels leur offre la pos-
sibilité de prendre du recul sur leur pratique, ou encore la façon dont
les suggestions de chacun s’enchaînent et se complètent leur permet-
tant d’aboutir à une solution qui leur semble satisfaisante pour l’en-
fant. Ces modes de collaboration étroite sont jugés positifs par les par-
tenaires, enseignants comme spécialistes. Ils en acquièrent une
meilleure maîtrise du travail d’intégration. Les enseignants bénéficient
d’informations sur le handicap de l’enfant intégré et ses répercussions
dans les apprentissages, sur ses conditions de vie et son comportement
hors du cadre scolaire. Les spécialistes, nourris des échanges ou de
leurs propres observations, découvrent les réactions de l’enfant dans le
cadre scolaire et ses possibilités d’adaptation en milieu ordinaire. Les
uns et les autres en retirent une meilleure connaissance et une
meilleure compréhension de l’enfant, qui permettent à chacun de
réajuster attitudes et attentes à son égard. Le travail commun établit
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Éducation et handicap
64

alors un partage des responsabilités dans les actions engagées. Il


permet aux partenaires de ne pas se trouver seuls face aux difficultés,
de rechercher ensemble des solutions, d’assumer des décisions com-
munes. Les appréciations partagées sur l’évolution de l’enfant, l’accord
sur des orientations de travail leur apportent plus d’assurance dans
leur travail avec l’enfant. Ils estiment être en mesure de faire face à la

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situation d’intégration avec plus d’efficacité. Cette collaboration
étroite est également une source de perfectionnement professionnel.
Les échanges d’informations, la possibilité de partager des idées d’ac-
tivités, et de réfléchir ensemble à des démarches éducatives appro-
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priées, permettent aux enseignants comme aux spécialistes de déve-


lopper leurs compétences à faire progresser des enfants en intégration.
La collaboration peut également susciter une réflexion sur les condi-
tions favorisant les apprentissages pour tous. Les partenaires relèvent
en effet des similitudes dans des difficultés rencontrées par les enfants
intégrés et par d’autres élèves. Cela les conduit parfois à concevoir des
aménagements au bénéfice de tous. Il en va ainsi de nouvelles compé-
tences professionnelles construites dans l’interaction, qui concernent
la façon de prendre en compte les besoins d’un élève en particulier,
mais aussi de l’ensemble des enfants.
Cependant, ces modalités de collaboration satisfaisantes pour les
partenaires ne sont pas acquises d’emblée. Elles s’élaborent progressi-
vement et relèvent d’un processus de construction commune. Même
si l’existence d’affinités personnelles ou professionnelles facilite une
entente, il faut apprendre à se connaître et comprendre les façons res-
pectives de travailler. De plus, l’idée de se confronter à une personne
nouvelle suscite toujours au départ des appréhensions : peur d’un
jugement sur sa pratique, de remise en cause de ses habitudes, d’un
empiètement de prérogatives, surtout lorsqu’une présence commune
dans la classe est envisagée. Ces craintes sont ressenties aussi bien par
les spécialistes que par les enseignants, même chez ceux qui en ont
déjà l’expérience. Un ajustement réciproque entre les partenaires
s’avère nécessaire pour accorder les modes de travail et surmonter les
problèmes. La confiance mutuelle, la liberté de parole, que certains
considèrent comme des critères de qualité de leurs relations, résultent
d’une meilleure connaissance réciproque qui s’est développée au cours
de leur travail commun. Cette adaptation progressive implique une
démarche de négociation entre les partenaires, qui prenne en compte
les attentes mutuelles, les conceptions de travail et les réticences de
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Relier les territoires par la collaboration des acteurs


65

chacun. Chacun, en effet, en fonction de ses expériences personnelles


et professionnelles, est différemment disposé par rapport à l’engage-
ment dans un travail commun. Par exemple, certains enseignants ou
certains spécialistes souhaitent que le soutien à l’enfant intégré se fasse
à l’extérieur de la classe ; d’autres préfèrent qu’il ait lieu en classe.
Cette démarche est à envisager comme un processus évolutif. À partir

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d’une entente sur une première proposition, même limitée, le travail
commun peut évoluer et se développer, en s’appuyant sur la mise en
commun des observations sur l’enfant, dans le but de répondre à ses
besoins en fonction de son évolution. C’est cette démarche que met
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en œuvre l’institutrice spécialisée d’un service de soins qui suit un


enfant intégré. En début d’année, elle rencontre l’enseignante pour
l’informer des difficultés et lui proposer une aide. Celle-ci ne retient
pas cette offre dans un premier temps, les difficultés en lecture de cet
élève lui paraissant comparables à celles d’autres élèves en cette
période de l’année. Elles s’accordent cependant sur le principe de ren-
contres régulières pour faire le point sur son évolution. Les difficultés
de l’enfant s’accentuant, l’institutrice accepte l’aide de sa collègue spé-
cialisée. Elles s’entendent alors sur l’organisation d’un soutien à l’en-
fant, assuré par l’institutrice spécialisée, en classe, en compagnie de
deux autres élèves ayant également des difficultés en lecture. Ces
modalités visent à éviter de marginaliser cet élève par rapport à ses
camarades. C’est l’enseignante qui prépare le travail pour ce groupe de
soutien. L’institutrice spécialisée suggère la possibilité de participer à
la préparation des séances. Devant la réserve de l’enseignant, elle pré-
cise que cela lui semblerait envisageable ultérieurement, lorsqu’elles
auront une plus grande expérience de travail commun et une
meilleure connaissance de l’enfant.
En guise de conclusion, il apparaît que dans des conditions de ren-
contres fréquentes, des modalités de collaboration jugées efficaces et
satisfaisantes du point de vue des acteurs impliqués dans un travail
d’intégration peuvent se développer. Elles facilitent de façon appré-
ciable la recherche de solutions pédagogiques adaptées aux besoins des
enfants concernés. Elles se fondent sur la mise en œuvre d’une
démarche de construction commune de situations éducatives, prenant
appui sur la confrontation des observations des enfants, ainsi que sur
les connaissances et les compétences respectives des partenaires. Ce
processus se démarque des représentations établies sur les pratiques
professionnelles. En effet, si, de façon générale, l’intervention de pro-
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Éducation et handicap
66

fessionnels spécialisés pour apporter un soutien aux écoles est jugée


indispensable, elle est souvent envisagée selon un modèle de transmis-
sion de savoirs : il s’agit d’apporter aux enseignants des informations et
des savoir-faire spécifiques pour les aider à s’occuper des enfants inté-
grés dans leur classe. Dans la perspective d’accueillir tous les enfants
dans leur diversité, se dégage l’idée que le soutien aux écoles devrait

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viser le développement de compétences pour adapter leurs pratiques
aux besoins des différents enfants (OCDE, 1999). Concevoir la colla-
boration sur un modèle de coconstruction engageant les enseignants
dans une démarche de recherche de solutions, en interaction avec
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d’autres professionnels, paraît plus ajusté à cette orientation. Cepen-


dant, ces formes de travail entre partenaires impliquent des conditions
d’échanges satisfaisantes : non seulement la fréquence des rencontres,
mais aussi des modalités permettant une disponibilité suffisante pour
mener une réflexion approfondie. Une reconnaissance institutionnelle
de l’intérêt d’une réflexion commune est nécessaire pour que ces condi-
tions d’échanges soient prises en compte dans l’organisation des éta-
blissements éducatifs ordinaires et spécialisés. Ces démarches de colla-
boration, qui demeurent minoritaires, pourraient probablement être
plus répandues si leur intérêt était pris en compte dans la formation
tant des enseignants de l’école ordinaire que des professionnels spécia-
lisés. Des rencontres pourraient être organisées, leur donnant l’occasion
de se connaître et d’élaborer des projets en composant avec la diversité
de leurs cultures professionnelles. Au plan international, on souligne
l’importance de la formation des professionnels concernant la prise en
charge de jeunes en situation de handicap, dans le système éducatif
ordinaire. Dans de nombreux pays, on déplore des insuffisances dans
ce domaine. D’ores et déjà, des expériences sont tentées pour qu’une
des dimensions de la formation consiste à préparer à la collaboration.
Elles font une part importante au développement d’actions communes
entre écoles ordinaires et structures spécialisées, ainsi qu’à celui du tra-
vail commun au sein des équipes enseignantes. La diffusion de dispo-
sitifs innovants peut être une source d’inspiration pour améliorer la for-
mation et les conditions de l’intégration dans les différents pays, tout
en tenant compte de la singularité de leurs systèmes éducatifs.
Quelles sont les expériences conduites dans divers pays ? Quelle en
est la portée ? C’est à cet horizon élargi que nous invite la deuxième
partie de l’ouvrage, en nous conduisant d’abord dans les terres caraïbes
de la Martinique, en compagnie de Fernand Sainte-Rose.
NAVIGUER DES TERRES DE LA CONTENTION AUX ESPACES DE
L'ÉDUCATION
Fernand Sainte-Rose

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 67 à 82
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ISBN 978274920369
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/education-et-handicap--978274920369-page-67.htm
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aux transformations éducatives
De la mutation des territoires
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Fernand Sainte-Rose

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Naviguer des terres de la contention
aux espaces de l’éducation
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Si le secteur de l’éducation spéciale de la Martinique s’est structuré


et largement implanté depuis la fin des années 1970, il n’a pas donné
lieu à une évaluation scientifique de ses fondements et de ses pra-
tiques. L’absence de mémoire écrite en la matière constitue une pierre
d’achoppement contre l’analyse objective. C’est notamment pour
dépasser cet état de non-histoire de l’enfance inadaptée que nous avons
entrepris une thèse en sciences sociales sous le titre : « Conditions
d’émergence du secteur de l’enfance inadaptée à la Martinique. »
Ainsi, la présente contribution consiste en une analyse de l’évolution
des formes d’inadaptation de l’enfance au cours du temps et des
conditions de leur prise en charge, à travers l’étude de documents d’ar-
chives publiques et privées, mais aussi des délibérations du conseil
général, des journaux, périodiques d’obédiences religieuses et poli-
tiques diverses.

Fernand SAINTE-ROSE, chargé de cours à l’université des Antilles-Guyane (Martinique).


Éducation et handicap
70

Cette analyse prend en compte deux grandes périodes, 1850-1948


et 1950-1970, qui constituent des lieux de lectures plurielles et évolu-
tives des préoccupations sociopolitiques relatives aux inadaptations,
et plus largement à la protection de l’enfance. L’idée centrale postule
que l’indiscipline sociale est à l’origine d’une éducation spéciale
comme mesure de redressement moral et social. Le manque d’intérêt

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apparent pour la personne « handicapée mentale 1 » dans la société
martiniquaise d’avant 1950 signifie que la personne déviante et
dérangeante du contexte antillais n’est pas à chercher dans la seule
déficience mentale. Le paradigme médico-pédagogique apparaît,
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après-coup, avec la départementalisation, sous l’influence des poli-


tiques d’actions sanitaires et sociales, et la création des classes de per-
fectionnement.

LA SOCIÉTÉ COLONIALE
ET LES ENFANTS DE MILIEUX POPULAIRES

La société coloniale étant une société de plantation, les masses


populaires sont majoritairement absorbées par les champs de canne à
sucre où se développent divers petits métiers liés à l’usine : l’amarrage
de la canne et le transport de la bagasse occupent aussi bien les enfants
que les femmes. Toute l’industrie de la Martinique repose alors sur la
production sucrière et sur la monoculture de la canne, économie fra-
gile dépendant du cours du sucre que la Martinique ne peut contrô-
ler. C’est dire que les périodes de crise économique compromettent
lourdement les conditions sociales des couches populaires et engen-
drent des conflits sociaux entre ouvriers et usiniers. Ces situations se
soldent par de nombreuses manifestations de colère et par les ripostes
souvent sanglantes des forces de l’ordre. Toute la période coloniale sera
rythmée par des insurrections, grèves et manifestations de révolte,
contre des conditions de travail forcé, de frondes contre des propos et
des comportements racistes. D’où l’inquiétude de certains élus : « Il y
a dans notre pays une grande iniquité qui, si elle se prolongeait, ne
peut manquer d’y provoquer les plus graves perturbations 2. »

1. Terme employé ici de manière générique.


2. A. Nicolas, Histoire de la Martinique de 1848 à 1939, tome 2, Paris, L’Harmattan,
1996.
Naviguer des terres de la contention aux espaces de l’éducation
71

Tous les observateurs de la société martiniquaise, même après la


colonisation, font état d’une situation de misère effroyable. L’expres-
sion créole, presque personnifiée, « Lanmisè » (la misère) exprime la
condition humaine du pauvre « maléré 3 » : analphabétisme, malnu-
trition, maladie, mortalité. Les conditions de vie des personnes dites
déshéritées sont d’autant plus alarmantes que la colonie n’a prévu

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aucun équipement stable de protection sociale en faveur des plus
démunis. La plupart des commentateurs de la politique coloniale par-
lent de « politique de la main tendue », de désintérêt des pouvoirs
publics pour l’assistance sociale.
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Outre les deux guerres mondiales, c’est l’éruption volcanique de la


montagne « Pelée » en 1902 qui affecte le plus profondément la Mar-
tinique. Fort-de-France, nouvelle capitale commerciale, doit assumer,
avec des moyens dérisoires, l’afflux des déshérités de Saint-Pierre qui
provoque l’accroissement de sa population. Devant cette situation,
l’Assistance publique se présente comme une peau de chagrin ; la mise
en place d’une organisation médico-sociale se fait longtemps
attendre ; en dépit de tous les vœux pieux, aucun crédit conséquent
n’est libéré pour mettre en marche une politique d’action pouvant
offrir des espaces de soins, d’éducation et de culture aux personnes les
plus fragiles. Le contexte de misère généralisée des masses populaires,
les cataclysmes naturels, les épidémies de fièvre jaune, la faible cou-
verture médicale viennent fragiliser encore davantage les familles
pauvres. L’antienne de la misère qui crie sa complainte à travers la lit-
térature antillaise traduit bien les conditions d’existence de tous ceux
que la société coloniale relègue à la périphérie de la démocratie. Situa-
tion difficile que l’idéologie coloriste 4 et l’appartenance sociale vien-
nent renforcer. Tout au long de la période coloniale, et jusqu’au début
des années 1960, les enfants des milieux populaires souffrent de la
carence de politiques d’action culturelle et médico-sociale dans le
pays. À cet égard, une recherche sur les représentations de l’enfance
antillaise au cours de cette longue période pourrait être enrichissante.
La plupart des observateurs de la société coloniale décrivent des
enfants très jeunes, les « ti-bandes », dans les champs de canne à sucre

3. De malheureux.
4. J.-L. Bonniol, La couleur comme maléfice, une illustration créole de la généalogie des
blancs et des noirs, Paris, Albin Michel, 1992, p. 73.
Éducation et handicap
72

jusqu’en 1950. Le taux d’absentéisme scolaire est très élevé et de nom-


breux enfants des campagnes ne fréquentent jamais l’école. Remar-
quons que la loi de 1882 sur la fréquentation scolaire n’est pas appli-
quée dans la colonie, même après 1940. Les structures péri et
post-scolaires n’existent pas. Quant aux salles d’asile, elles sont trop
insuffisantes dans la colonie et généralement localisées dans les bourgs ;

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la plupart étant payantes, les enfants pauvres en sont exclus 5. Privé
d’enfance et d’assistance spécifique, le déshérité se livre à un jeu risqué
d’équilibre entre résignation et déviance. Sans repère et quelquefois
sans attache affective stable, l’enfant est aspiré par l’errance dans une
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société qui le somme d’être discipliné et conforme à ses normes. C’est


dans ce contexte social que l’initiative privée, majoritairement confes-
sionnelle, mettra en place des structures d’assistance à l’enfance.
Après 1848, apparaissent des maisons d’enfance ; elles sont suivies
en 1852 par la création d’un ouvroir des jeunes orphelines. En
1907, la société Saint-Vincent-de-Paul fonde le patronage Saint-Louis
pour « ramasser les enfants qui traînent dans les rues 6 ». Vers 1915, le
Comité des Dames martiniquaises crée un orphelinat pour recueillir
les enfants ou les pupilles des pères mobilisés pendant la Première
Guerre mondiale. Ces institutions accueillent des enfants de 1 à 7 ans,
certaines des filles poursuivent un apprentissage professionnel à l’ou-
vroir tandis que les garçons ont la possibilité d’aller au patronage.
Compte tenu de l’état d’indigence des familles populaires, on assiste à
une pression de la demande d’aide. Le foyer des enfants de pères
mobilisés est conduit à modifier son but initial pour recevoir un
public plus large. Ces maisons d’éducation, centres d’assistance maté-
rielle, de prévention et de soins sanitaires, assurent aussi la fonction de
salles d’asile. C’est dire que les institutions pratiquent une sélection de
la clientèle attendue.
Les enfants abandonnés sont considérés comme déshérités de la
fortune plus que de la morale, et à ce titre, bénéficient d’un accueil
moins mitigé ; plus victimes que coupables, on les considère comme
des enfants malléables donc éducables. Ce sont des enfants « orphe-

5. La question des subventions des salles d’asile a été soulevée au conseil général en
1892.
6. R.-P. Janin, La ville et la paroisse de Fort-de-France. Trois siècles d’une ville coloniale
française (1638 à 1924), Avignon, Aubanel, 1924, p. 188-209.
Naviguer des terres de la contention aux espaces de l’éducation
73

lins ou demi-orphelins matériellement ou moralement abandonnés


et qui ne sont pas encore tombés dans la catégorie des mauvais
sujets 7 ». Si tous les éducateurs inscrivent un programme d’éduca-
tion morale et catéchétique au patronage de ces enfants, ils parlent
davantage de les entretenir, les soigner, les éduquer, que de les tenir,
les régler, les corriger. Ceux-là ont droit à un minimum d’instruc-

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tion au XIXe siècle, composée essentiellement de lecture religieuse et
on ne craint pas d’implanter leurs centres à proximité ou au cœur de
la ville. Les délibérations du conseil général laissent apparaître une
attention bienveillante des élus envers les ouvroirs et les orphelinats
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qui entrent dans la catégorie des dépenses obligatoires. Le discours


laudatif des administrations et des familles à l’égard des promoteurs
de ces maisons et services de bienfaisance traduit bien leur fonction
de prévoyance. Faut-il ajouter que les centres d’apprentissage
annexés forment les ouvriers et les domestiques qui seront recrutés
par la classe bourgeoise ? Ainsi, ces institutions contribuent à la divi-
sion du travail par la pratique d’une forme d’insertion sociale dont
bénéficie une partie de la jeunesse assistée. En conséquence, les éta-
blissements de patronage de l’enfance abandonnée assurent la fonc-
tion de soupape de sûreté sociale, un système de régulation de la
déviance juvénile, palliatif contre les fléaux générateurs de désordre
social : la faim et la maladie. Par cette forme d’éducation, l’initiative
privée contribue à freiner un peu le paupérisme de nombreuses
populations d’enfants, s’inscrivant de ce fait dans une dynamique de
prévoyance sociale. Ce monde d’une enfance récupérable exprime
bien les représentations du « bon pauvre 8 » que la philanthropie
encadre volontiers. Cependant, elle reste malgré tout une popula-
tion d’enfants à la fois déshérités et protégés, mais marqués du sceau
de la misère.

DU NON-ÊTRE INOFFENSIF À L’ENFANCE VAGABONDE

Une autre catégorie, celle des enfants « handicapés mentaux », est


généralement cachée comme le fruit d’une malédiction et de la honte.
Les représentations et les conceptions populaires des troubles men-

7. Archives du centre Saint-Jean Bosco de l’évêché de la Guadeloupe.


8. J.-F. Wagniart, Le vagabond à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 1999.
Éducation et handicap
74

taux 9 renforcent le sentiment d’impuissance et de peur face aux diffé-


rents degrés de l’arriération. Recluse et associée à l’aliénation mentale
adulte, l’enfance handicapée ne semble pas préoccuper la colonie.
Après la disparition de la maison de santé à Saint-Pierre 10 après 1902,
les personnes aliénées sont logées pendant un quart de siècle au quar-
tier provisoire de la maison centrale, dans des conditions inhumaines.

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Les enfants débiles profonds sont hospitalisés à vie à l’asile des vieillards
sans véritables soins, dans des locaux vétustes et des conditions rudi-
mentaires. Accorde-t-on une enfance à l’aliéné ? Sous l’emprise de la
loi de 1838, il est condamné à une vie recluse, sans âge, une forme de
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végétation. La notion de non-être s’applique bien à cette enfance


atteinte de débilité moyenne et profonde. Avant 1949, l’expression
« enfance anormale » n’existe pas dans la société coloniale, ni d’ailleurs
celle « d’enfants arriérés » ; nous n’avons repéré aucune notion spéci-
fique désignant l’aliénation ou les divers degrés de l’arriération men-
tale. Seule l’expression créole permet d’en distinguer quelques varia-
tions comme les notions de ababa, désignant l’enfant trisomique ou
porteur d’un autre handicap mental associé à un trouble de la parole,
et de tèbè, correspondant à un état de démence vésanique ou à la débi-
lité. Dans tous les cas, l’enfance handicapée ne bénéficie d’aucune
recherche ou institution d’experts pouvant favoriser l’émergence de
discours et de nomenclatures adaptés. On remarque que l’éducation
des enfants anormaux n’affecte pas les préoccupations politiques et
médicales alors que cette problématique s’exprime avec effervescence
en Europe. La loi relative à l’enseignement spécial 11 n’a pas été suivie
d’effet à la Martinique ; l’école est pourtant sous l’autorité académique
de Bordeaux, lieu d’expérimentation des classes de perfectionnement.
Cette carence institutionnelle peut s’expliquer en partie par le carac-
tère spécifique de la constitution coloniale qui, en vertu du senatus-
consulte, n’applique pas tous les décrets promulgués en Métropole,
mais aussi par la faible popularité de la loi du 15 avril 1909 en France
et le coup d’arrêt des psychopédagogues aux réformes médico-péda-

9. Pour une étude plus approfondie de la question, voir C. Lesne, Cinq essais d’ethno-
psychiatrie antillaise, Paris, L’Harmattan, 1990.
10. G. Léti, Santé et société esclavagiste à la Martinique (1802-1848), Paris, L’Harmat-
tan, 1998.
11. Il s’agit de la loi du 15 avril 1909. Elle est appliquée aux Antilles-Guyane plus de
cinquante ans après.
Naviguer des terres de la contention aux espaces de l’éducation
75

gogiques amorcées par Bourneville 12. C’est dire que l’enfance anor-
male ne constitue pas outre-mer un danger majeur. Enfermée par
réflexe et de façon durable dans l’espace protégé et surveillé de l’hos-
pice et la prison, ne constituant pas l’archétype du dérangeant et du
turbulent social, elle n’est pas l’objet-cible des préoccupations poli-
tiques. Quelle est donc la figure du handicap qui mobilise la vigilance

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de la société jusqu’à la départementalisation ?
Les ouvroirs et les orphelinats rejettent les enfants jugés rebelles
« qu’il sera difficile pour ne pas dire impossible de modifier 13 ». Ne
répondant pas aux critères d’admission qu’exigent les comités de
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patronage, ils forment une catégorie hors normes, persona non grata
des maisons d’enfance. Ce sont des enfants vagabonds, abandonnés,
qui errent dans les rues ou à la campagne, sans encadrement scolaire
ni familial ; ils finissent souvent par être happés par une spirale de la
délinquance et échouent à la maison d’arrêt. Âgés de 11 à 18 ans, pro-
venant de tous les coins de l’île, ces mineurs sont généralement arrê-
tés pour vol 14. Les moins de 16 ans ayant agi sans discernement sont
acquittés et le plus souvent affectés en maison de correction, c’est-à-
dire détenus dans la maison centrale parmi des prisonniers adultes,
faute de place. Filles 15 comme garçons sont contraints à un séjour
dans la promiscuité morale, dans une carence hygiénique que dénon-
cent tous les rapports des commissions de surveillance des prisons 16.
Mais la prison est le lieu le plus sûr de contrôle des enfants délin-
quants. Les structures carcérales 17 des mineurs (ateliers de disciplines
et colonies agricoles) créées entre 1849 et 1880, baraquements de for-
tune établis sur des habitations domaniales pour favoriser le travail

12. Voir les travaux de J. Gâteaux.


13. M. de Lavigne de Sainte-Suzanne, Petite histoire religieuse de la Martinique à l’occa-
sion du centenaire de la création du diocèse en 1850, Fort-de-France, 1950, p. 61.
14. Ibrahima Thioub remarque cette même délinquance économique des mineurs au
Sénégal en 1892 : « Marginalité juvénile et enfermement », dans Enfermement, prison
et châtiments en Afrique au XIXe siècle à nos jours, Paris, Kartala, 1999, p. 205-225.
15. Dior Konate signale les conditions lamentables de détention des femmes et le
manque de volonté de la part des pouvoirs publics coloniaux concernant le traitement
des mineures dans les prisons du Sénégal, dans Enfermement, prison et châtiments en
Afrique au XIXe siècle à nos jours, op. cit.
16. Commission de surveillance du 30 juin 1921, lettre du Procureur général à Mon-
sieur le Gouverneur de la Martinique, ADM 2 Y 7314.
17. Bom de 1848, p. 610 ; Conseil privé, session ordinaire de 1848, p. 114-115.
Éducation et handicap
76

agricole, n’ont pas donné satisfaction à la colonie : mal surveillés par


les fermiers préoccupés par le rendement, les enfants ne recevaient
aucune instruction ni aucune éducation morale et s’évadaient fré-
quemment. L’assemblée locale régulièrement alertée par la situation de
nombreux enfants prévenus dit « qu’il faut les enlever au mal et trou-
ver le moyen d’en faire d’honnêtes hommes 18 ».

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En dépit des projets de création de colonies agricoles et de maisons
de correction, les pouvoirs publics ne parviennent pas à sortir les
enfants de la prison et de l’errance. Cet état de non-institution forge
les représentations d’une enfance impossible, intraitable et dange-
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reuse. C’est dans cet esprit que l’initiative privée fonde, en 1928, un
centre de protection de l’enfance coupable dirigé par des prêtres de la
Congrégation du Saint-Esprit.
Quels sont les pensionnaires de cette institution ? On distingue
trois catégories d’enfants : les mineurs condamnés à la correction, les
enfants abandonnés et les enfants confiés à l’œuvre par leurs parents.
Ce sont des enfants jugés rebelles que l’on met à la réforme moyen-
nant une modique somme. La maison de rééducation accueille qua-
rante-trois enfants en 1937 et plus de quatre-vingts en 1940. C’est le
seul établissement recevant les garçons difficiles ; les filles délinquantes
attendront, à l’ombre de la maison centrale, la création de leur pre-
mier centre de rééducation en 1965 ! On peut supposer que les
enfants exclus du système scolaire pour indiscipline, en rupture ou en
conflit avec la famille, sont des clients potentiels. Rappelons que de
nombreuses familles vivent sous le mode matrifocal, sans référence
paternelle. Notons, au passage, l’idée selon laquelle il faut élever dure-
ment le jeune garçon pour lui éviter les « mauvaises fréquentations »,
« les mauvais plis » et le maintenir dans le « droit chemin » sous la hou-
lette de la morale chrétienne.

CHEMINS VERS L’ADAPTATION

Les pensionnaires du centre La Tracée (du nom du quartier), tous


types confondus 19, sont perçus comme des enfants terribles, des nèg-

18. Délibérations du conseil général, chapitre Secours aux indigents, 1890.


19. Dans le sens où l’entend François Sicot dans son article : « Enfants d’immigrés
maghrébins, rapport au quartier et engagement dans la délinquance », Les Cahiers de la
sécurité intérieure, n° 42, 4e trimestre 2000, p. 87-108.
Naviguer des terres de la contention aux espaces de l’éducation
77

mawon, des « nègres marrons 20 », c’est-à-dire, dans les représentations


collectives, des voyous redoutables. Tous les fantasmes de la crimina-
lité se cristallisent dans l’appellation « garçons de la Tracée ». L’insti-
tution elle-même, nichée au cœur d’une forêt domaniale, est vue
comme un lieu terrible où des jeunes délinquants sont surveillés et
corrigés. En ce sens, La Tracée joue une fonction de dissuasion et le

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rappel permanent de la répression possible 21.
Les directeurs du centre décrivent les pensionnaires comme des
enfants « intenables et voués au crime » ; certains sont « ancrés dans
le vice », d’autres sont « déficients physiques ou mentaux 22 ». Crimi-
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nalité et déficience s’expriment dans le même registre du déficit


moral. Le handicap est essentiellement d’ordre social. À l’instar de
l’arriéré du XIXe siècle, l’enfant déviant est représenté comme un
danger social, un futur criminel. La caractéristique principale de
l’institution, c’est la correction du mineur, le redressement des durs
par le travail et la correction. « Il faut dompter les natures rebelles par
le travail, l’évangile le fer 23. » En dépit des vœux pieux, l’œuvre de la
protection de l’enfance coupable n’est qu’un centre de correction où
les labeurs agricoles et les rudiments catéchétiques phagocytent toute
idée de promotion de l’enfant par l’instruction scolaire. À cet égard,
certains théoriciens de l’étiquetage, dont Schur 24, pensent que les
institutions de réhabilitation et de conformation sociale participent
au mécanisme de stigmatisation et, de ce fait, de la fabrication d’une
nouvelle identité du déviant, comme outsider.

20. Marronner, pour l’esclave noir, c’est déserter l’habitation plantation, fuir, s’évader.
E. Glissant précise : « Il est significatif que peu à peu les colons et l’autorité [aidés par
l’Église] aient pu imposer à la population l’image du Nègre marron comme bandit vul-
gaire, assassin seulement soucieux de ne pas travailler […] Le Nègre marron finit par
être ce qu’on prétendait qu’il était, et qu’à partir d’un certain moment il se conduit en
effet comme un bandit ordinaire, tant et si bien que les derniers marrons sont des ban-
dits et que par la suite tout délinquant de droit commun en fuite est un marron », Le
discours antillais, 1981, p. 104.
21. M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Le Seuil, 1975.
22. Journal La Paix, 1954.
23. On voit bien que la mission éducative des Pères du Saint-Esprit ne change pas d’une
colonie à une autre. Enfermements, prison et châtiments, op. cit., p. 209.
24. « On understanding the process of schooling, the contribution of labelling theory »,
in J. Karabel and A.H. Halsey, Power and Ideology in education, New York, Oxford Uni-
versity Press, 1977, p. 294-295.
Éducation et handicap
78

La maison de correction ferme ses portes en 1948 mais le garçon


de La Tracée continue à hanter l’imaginaire social. En marge des autres
institutions, le centre de protection de l’enfance coupable s’est déve-
loppé comme un appendice du réseau d’assistance. C’est sur ce terreau
institutionnel et culturel que se construit l’inadaptation au début des
années 1950. C’est bien l’indiscipline qui est à l’origine d’une éduca-

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tion spéciale de l’enfance comme à la fois structure de redressement et
tentative de réinsertion du déviant par le travail de la terre. À travers
les différentes figures de l’inadaptation, l’enfant délinquant constitue
un « handicapé social » par son inconduite. « Non conformes à la
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norme sociale, hors du champ de la moyenne 25 », ces enfants indisci-


plinés dérangent. Ce sont eux qui, sous la nouvelle nomenclature
« enfance inadaptée » continuent à préoccuper et à mobiliser tous les
acteurs sociaux au début de la départementalisation 26. C’est donc sur
la base des représentations de l’enfance vagabonde que s’élaboreront
les premiers projets d’actions rééducatrices de l’enfance inadaptée.
À partir des années 1960, les politiques d’actions médico-sociales et,
dans leur sillage, l’implantation de la DDASS, conduisent à un chan-
gement de paradigme vers l’approche médico-pédagogique. C’est à
cette période que la loi du 15 avril 1909 est appliquée dans les dépar-
tements d’Outre-Mer, engendrant l’émergence d’une culture de prise
en charge de l’inadaptation mentale et scolaire. La Martinique entre
dans une ère médico-pédagogique ; l’heure n’est plus à une vision cha-
ritable et « scoutiste » de la prise en charge ; la rééducation de l’enfant
ne peut plus se contenter de la bonne volonté et du charisme du tra-
vailleur social ; le paradigme thérapeutique et pédagogique impose
une lecture plus technique et plus spécialisée dans l’approche de la
délinquance et du handicap mental.
Nous émettons l’hypothèse selon laquelle l’émergence de nouveaux
experts et de nouveaux espaces de traitement des inadaptations a favo-
risé la sortie de nombreux enfants de l’isolement cognitif et social, mais
a aussi créé de nouvelles étiquettes et une nouvelle sémiotique des han-
dicaps. Par exemple, il est intéressant d’observer l’exploitation locale du

25. C. Gardou, « Ce que les situations de handicap, l’adaptation et l’intégration scolaire


disent aux sciences de l’éducation », Revue française de pédagogie, n° 134, janvier-février-
mars 2000, p. 20.
26. La protection de l’enfance inadaptée, Rapport du préfet, 1951.
Naviguer des terres de la contention aux espaces de l’éducation
79

nouveau concept scolaire « classe de perfectionnement » dans les


années 1970. Que remarque-t-on ? La classe de perfectionnement
devient-elle modèle ? Quelles perspectives sociologiques peut-on en
déduire ? Du champ scolaire, le concept passe au domaine hospitalier :
une classe de perfectionnement 27 est établie dans la cellule des enfants
en hôpital psychiatrique en dépit du caractère purement éducatif de la

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prise en charge. Même observation au centre hospitalier des Hansé-
niens où des classes ordinaires sont transformées en classes spéciales ;
dans les foyers de l’enfance, publics et privés, toutes les classes de fin
d’études deviennent classes de perfectionnement. Ainsi se construisent
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non seulement de nouvelles structures de rééducation mais une nou-


velle figure de l’inadaptation, inexistante avant 1970 : la débilité
légère. Hormis pour les élèves hanséniens, toutes les classes mutant
vers le perfectionnement accueillent des enfants jugés instables ; la
classe de l’hôpital psychiatrique est composée d’enfants placés par
l’éducation surveillée et soignés pour troubles du comportement.
Nous pensons, à la suite de J. Gâteaux, que « les nouvelles désigna-
tions de la nosologie scolaire “arriéré”, “débile” et autres “déshérités de
l’intelligence”, sont des constructions sociales, notions trompe-l’œil,
masques pathologisants d’une perspective pénalisante de contention
de la déviance 28 ». Les notions d’inadaptation et de débilité sont bien
des constructions sociales qui, par la médiation de la prise en charge,
classent des individus dans des catégorisations qui les marquent socia-
lement. À une époque où se poursuit la réforme Berthoin relative à la
prolongation de la scolarité, les classes de perfectionnement, au même
titre que les enseignements ménagers et les SES au début des années
1980, donnent une forme contrastée au secteur de l’enfance inadap-
tée tandis que se dessinent subtilement les lignes de partage et d’étan-
chéité institutionnelles.
Ainsi que l’observent E. Plaisance et M. Chauvière, « le jeu des
intérêts professionnels ou stratégiques a pu créer de véritables ghettos

27. Cette classe est aussi présentée par l’académie comme « classe de plein air ». Préci-
sons que les écoles de plein air n’ont pas été développées en Martinique. Pour une
approche de ces structures voir D. Lerch (2003).
28. J. Gâteaux, « L’intégration : l’empire des mots, le discours des faits », La nouvelle
revue de l’AIS, n° 8, 4e trimestre 1999, p. 37.
Éducation et handicap
80

pour populations cibles 29 » renvoyant les différents acteurs du champ


de l’éducation spéciale dos à dos. Il nous semble même, pour ce qui
concerne la Martinique, que certaines institutions, dans le souci poli-
tique de verrouiller le secteur (craignant d’être phagocytées par telle ou
telle administration de culture et de philosophie différentes), ont contri-
bué à leur propre isolement et à la marginalisation des personnes prises

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en charge. Au moment où l’insécurité est devenue une priorité natio-
nale, où les programmes d’encadrement de la jeunesse délinquante se
dépouillent de leur couche sémantico-médicale, les institutions à carac-
tère social, déjà marginalisées géographiquement, risquent une plus
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grande stigmatisation et une plus grande exclusion de leurs pension-


naires. Quand des riverains se soulèvent unanimement contre l’ouver-
ture d’un centre éducatif fermé dans leurs quartiers, en dehors de la
ville, il ne s’agit pas d’une humeur passagère ; en analysant la ténacité
des représentations, il serait intéressant de rechercher quels effets réels
les discours et les notions ont sur elles au cours du temps. En ce sens, la
réflexion de Michel Chauvière nous semble très féconde : « Malgré l’im-
position savante de la notion d’inadaptation, en pratique, le modèle de
référence demeurera l’enfant délinquant ou en danger moral, dans un
cadre institutionnel pérenne, l’internat 30. »
L’histoire de l’enfance malheureuse suit une trajectoire sinueuse et
discontinue. Au gré de diverses mutations politiques, la société marti-
niquaise a tout de même laissé des traces plus ou moins visibles de
quadrillage de l’enfance dite inadaptée. Au cours de la période post-
abolitionniste, les autorités coloniales s’inspirent parcimonieusement
des législations françaises en matière de maisons de correction et de
colonies agricoles, mais en font de véritables camps de détention
expurgés de toute dimension curative. Les institutions ne développent
aucune idéologie rédemptrice en faveur du jeune déviant mais prati-
quent plutôt une logique d’enfermement au nom de l’ordre écono-
mique et social. La mouvance philanthropique et rééducatrice qui
anime les innovations et la législation de l’enfance coupable au
XIXe siècle en France ne perce pas les verrous coloniaux des Antilles
françaises. Les lois relatives aux institutions pénitentiaires des jeunes,

29. M. Chauvière, E. Plaisance (sous la direction de), L’école face aux handicaps. Éduca-
tion spéciale ou éducation intégrative, Paris, PUF, 2000, p. 5.
30. Ibid., p. 64.
Naviguer des terres de la contention aux espaces de l’éducation
81

vidées de leur dynamique rééducationnelle, n’accouchent en terre


coloniale que du renforcement carcéral et de la pérennisation de la
contention pénale. Ainsi les structures de patronage s’installeront-
elles, par à-coups, au gré des circonstances et des préoccupations
sociopolitiques. Il faut attendre les lois de départementalisation pour
qu’une politique de protection de l’enfance se développe et que le parc

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institutionnel de l’éducation spéciale se construise. L’application de la
loi du 15 avril 1909 relative aux classes de perfectionnement dans les
départements d’Outre-Mer inaugure pour l’enfant, naguère relégué
comme « non-être social 31 » à la réclusion correctionnelle ou hospita-
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lière, le droit à l’éducation et à une formation professionnelle (IMP-


IMPro, CAT). Autant d’offres institutionnelles 32 nouvelles au terme
desquelles tous les acteurs sociaux espèrent une insertion sociale opti-
male 33 de la personne en difficulté. Toutefois, au-delà de tout fonc-
tionnalisme rassurant, il y a lieu d’interroger les effets réels de ces légis-
lations en faveur de l’intégration et de l’insertion de l’enfance autrefois
désignée comme déshéritée et coupable.
En dépit de l’action louable des institutions de réadaptation, ces
dernières ne répondent-elles pas à une demande sociale de réforme de
l’individu différent, demande exprimée à des périodes plus anciennes
en termes de discipline, de patronage et de moralisation ? Quels sont
les résultats des actions et des politiques d’intégration et d’insertion ?
Quel est le poids des représentations sociales et culturelles sur leurs
réalisations ? F. Armstrong nous indique en la matière une intéressante
méthode d’observation et d’évaluation des mentalités : « Il importe de
porter notre regard au-delà des politiques formelles et des documents
officiels, et de s’intéresser aux milieux et aux pratiques à l’intérieur
desquels ces politiques sont mises en actes, de même qu’aux valeurs et
aux croyances sous-jacentes à la base des pratiques 34. » Cette grille
d’analyse peut permettre aux chercheurs et aux praticiens de lever le
voile des injonctions politiques et sociales, toutes normatives, pour
rencontrer le « background culturel » que l’on cache dans la clandesti-

31. J. Gâteaux-Mennecier, Bourneville et l’enfance aliénée, l’humanisation du déficient


mental au XIXe siècle, Paris, Le Centurion, 1989.
32. Expression employée à la suite d’E. Plaisance, dans L’enfant, la maternelle, la société,
Paris, PUF, 1986.
33. Droits consacrés par la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.
34. F. Armstrong, op. cit., p. 130.
Éducation et handicap
82

nité de sa conscience collective. Et si l’altérité et l’inclusion devenaient


des programmes hautement humains qui ne pourraient se réaliser
d’abord que dans la vérité avec son propre inside, sa propre histoire, sa
conscience et, peut-être, l’Histoire ?
C’est dire la pertinence et l’acuité que requièrent les analyses
expertes et scientifiques devant les jeux complexes d’inclusion/exclu-

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sion des populations ciblées. Dans cet esprit, l’éducation comparée
peut constituer à la fois un lieu d’échanges fructueux et d’ouverture,
et un laboratoire d’analyses de politiques et de pratiques éducatives ;
cela au service de la rencontre de tous comme de chacun, dans le
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champ partagé de l’humain.


La Martinique figure parmi les premiers territoires dont nous
observons les mutations. C’est presque aux antipodes, à Taïwan, que
nous nous dirigeons maintenant, en compagnie de Lin Kuei Mei et
d’Éric Plaisance.
EXPLORER LES PRATIQUES ET CROISER LES REGARDS : UNE
COMPARAISON FRANCE-TAIWAN
Lin Kuei Mei et Éric Plaisance

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 83 à 97
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ISBN 978274920369
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03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 83

Lin Kuei Mei 1


Éric Plaisance

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Explorer les pratiques et croiser les regards :
une comparaison France-Taiwan
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L’Éducation spécialisée au niveau primaire et secondaire a connu


un développement remarquable à Taiwan ces trente dernières années.
Cependant, l’éducation spécialisée des enfants d’âge préscolaire n’a
débuté que récemment. Bien que de nombreux spécialistes insistent
sur l’importance d’une intervention précoce, quantité de parents mal
informés laissent passer l’occasion du bénéfice d’une aide éducative
précoce pour leurs enfants. De plus, les enseignants des écoles ordi-
naires n’osent pas accepter les enfants en situation de handicap, pri-
vant un grand nombre d’enfants en bas âge du bienfait d’un traite-
ment éducatif et thérapeutique précoce. L’article 13 de la loi révisée

Lin KUEI MEI, professeur à l’École normale nationale de Taipei.


Éric PLAISANCE, professeur à l’université Paris 5.
1. On pourra se reporter également au numéro 9 de la revue Politiques d’éducation de
formation, sous la dir. de D. Poizat, « Situations de handicap et systèmes éducatifs »,
Bruxelles, De Boeck, 2004.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 84

Éducation et handicap
84

sur l’éducation spéciale, promulguée en mai 1997, stipule que « le pla-


cement éducatif des enfants handicapés doit se faire dans l’environne-
ment le moins restrictif possible ». L’article 14 précise que « chaque
structure administrative d’enseignement doit déterminer le principe
de placement des enfants handicapés dans des classes ordinaires ainsi
que des moyens d’aide ». D’autre part, l’article 7 du règlement sur

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l’application de la loi révisée sur l’éducation spéciale promulguée en
mai 1998 précise que « l’éducation des enfants inadaptés doit se faire
conjointement avec celle des enfants normaux ». Depuis lors, seules les
classes préscolaires des établissements publics et privés acceptent peu
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à peu les enfants affectés par le handicap.


Toutefois, d’après cette législation, la plupart des unités adminis-
tratives éducatives déterminent elles-mêmes les points importants de
l’intégration des enfants dans les classes ordinaires. Comment l’école
peut-elle offrir un environnement moins restrictif ? Quel enseigne-
ment approprié pourrait satisfaire les besoins particuliers des enfants
handicapés ? Tels sont les défis à relever pour les autorités scolaires et
les enseignants des classes ordinaires.
L’objet de cette recherche porte sur l’expérimentation de l’éduca-
tion inclusive dans six écoles maternelles attachées aux écoles pri-
maires publiques de la zone d’orientation de l’École normale de
Taipei. Nous nous inspirerons, pour accompagner notre réflexion, de
l’expérience française, notamment des choix pédagogiques opérés par
les enseignants pour l’application de l’éducation inclusive sur propo-
sition d’un programme pédagogique adapté aux particularités de
chaque enfant, enfin sur la procédure d’intégration et sur sa générali-
sation aux écoles ordinaires.
La recherche a de multiples objectifs. Si elle vise l’étude des pro-
blèmes rencontrés par les enseignants dans les écoles ainsi que l’expé-
rimentation de l’éducation inclusive dans une classe ordinaire, elle
met l’accent sur le type et le nombre de groupes de population consti-
tués au sein de l’éducation spéciale. Elle pointe également l’attitude
pédagogique des maîtres envers les enfants en situation de handicap.
Afin de conduire une étude comparative, les points relatifs aux lois et
aux règlements dans les deux cadres ont été étudiés. Enfin, les pro-
blèmes de placement, d’organisation des classes et de système de sou-
tien seront abordés.
Il nous faut en premier lieu préciser la terminologie utilisée à
Taiwan. Les enfants sont classés, dans l’esprit de l’article de la loi de
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 85

Explorer les pratiques et croiser les regards


85

1997 sur l’éducation spéciale, en douze catégories différentes : enfants


déficients visuels, déficients auditifs, déficients intellectuels, déficients
moteurs, enfants fragiles, enfants ayant de grands troubles caractériels
(seriously emotional disturbance), enfants avec troubles du langage,
enfants polyhandicapés, enfants autistiques, enfants retardés, enfants
présentant d’autres handicaps ou, ce qui revient au même, enfants

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atteints de troubles mentaux, sensoriels ou neuromusculaires, phy-
siques, émotionnels ou à comportement social déficient avec troubles
de communication associés.
Le mainstreaming se rapporte au fait selon lequel les enfants en
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situation de handicap qui s’adaptent et apprennent le mieux au sein


des classes spécialisées sont placés dans les classes ordinaires, à plein
temps ou à temps partiel, afin de favoriser le développement de leur
capacité à s’adapter à la vie en société.
L’éducation intégrée désigne l’idée selon laquelle, pour éviter une
ségrégation des enfants à besoins particuliers, il convient de les scola-
riser en classe ordinaire et, selon leurs besoins particuliers, de mettre
en œuvre une pédagogie spécialisée dans une salle de ressources
(resource room).
Enfin, l’éducation inclusive se rapporte d’une part à l’adaptation du
système éducatif ordinaire aux différences entre les élèves, et d’autre
part à l’offre de cours basée sur une pédagogie appropriée aux élèves à
besoins particuliers.

SIMILITUDES ET DIFFÉRENCES

Sur un plan très général, entre 1920 et 1960, l’éducation spéciale


s’est développée dans le monde au moyen de mesures ségrégatives.
Depuis 1960, dans une perspective idéologique renouvelée, les pays
occidentaux se sont efforcés de perfectionner l’éducation spécialisée.
Si le système éducatif ségrégatif a comme avantage principal de dis-
penser plus aisément des soins aux enfants présentant un handicap, il
ne facilite pas leur développement sur le plan éducatif. Récemment,
de nombreux spécialistes ont montré qu’un enseignement dispensé au
sein d’un environnement cognitif approprié est favorable aux enfants
porteurs de handicap. Aussi a-t-on proposé que ces enfants soient édu-
qués avec les autres enfants dans le cadre de l’enseignement ordinaire.
Ainsi, le système éducatif ségrégatif passé est maintenant jugé comme
une forme inacceptable de placement. Au cours des années 1970, le
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Éducation et handicap
86

retour à l’intégration dans les écoles ordinaires (mainstreaming) a été


encouragé.
Depuis une dizaine d’années, si les enfants en situation de handi-
cap bénéficient de façon croissante des conditions de vie et d’ensei-
gnement comparables à celles du système ordinaire, on observe néan-
moins que se perpétue la fourniture de services éducatifs spéciaux en

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fonction des besoins individuels. Elle tente de composer avec une édu-
cation inclusive devenue la tendance éducative actuelle mondiale.
S’agissant de la France, l’éducation spéciale a débuté par l’éduca-
tion des enfants déficients visuels et auditifs. La première école pour
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aveugles dans le monde a été fondée à Paris en 1784, juste avant la


création de l’Institut des sourds-muets. L’instruction primaire
publique obligatoire a débuté en 1882, mais les enfants « retardés
mentaux » ont dû attendre 1909 pour être autorisé à rejoindre les
classes de perfectionnement. À la même date, le certificat d’aptitude à
l’enseignement des enfants arriérés (CAEA) a été créé pour la spéciali-
sation des maîtres. En 1922, l’éducation spéciale étend son domaine
d’action, avec la création des écoles de plein air ouvertes aux enfants
faibles de corps et d’esprit. En 1939, on crée le certificat d’aptitude à
l’enseignement en écoles de plein air (CAEPA).
Le développement de l’éducation spéciale française suit de près
l’élaboration conceptuelle de l’éducation spéciale. En 1945, dans l’im-
médiat après-guerre, l’éducation spéciale est surtout orientée vers
l’éducation des enfants et des adolescents atteints de « troubles men-
taux », comme on disait alors. Entre 1945 et 1965, ce concept va
s’élargir jusqu’à des formes très variées d’inadaptation, entraînant la
création de l’expression « enfance inadaptée ». En conséquence, le cer-
tificat d’éducation spéciale devient le certificat d’aptitude à l’éduca-
tion des enfants et adolescents déficients ou inadaptés (CAEI). Cette
situation évoluera encore entre 1965 et 1975. L’accent sera mis sur
l’adaptation positive des élèves et on se préoccupera de l’adaptabilité
des enfants retardés au cadre de vie. Les concepts d’adaptation et
d’éducation spécialisée ont eu d’importantes répercussions sur la légis-
lation relative à l’éducation spéciale.
La loi d’orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées
précise que l’éducation spéciale doit s’associer aux secteurs éducatifs,
psycho-logiques, sociaux et médicaux, pour offrir des services de pré-
vention, de rééducation et d’insertion sociale susceptibles de faciliter
leur adaptation à un cadre scolaire, professionnel et de vie ordinaires.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 87

Explorer les pratiques et croiser les regards


87

Dès lors, différentes mesures concernant les services éducatifs, sociaux


et rééducatifs ont été adoptées, telles celles relatives aux classes d’adap-
tation et groupes d’aide psycho-pédagogique (GAPP) pour enfants
ayant des difficultés temporaires (1970). Elles affectèrent également
les centres médico-psycho-pédagogiques (1970). Pour les enfants
moyennement ou gravement déficients, on développa vigoureusement

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les hôpitaux de jour, les services d’hygiène et les centres d’action
médico-sociale précoce (CAMSP).
Au cours de la décennie 1980, émerge un nouvel élément : la poli-
tique d’éducation spéciale change à nouveau. On passe de l’idée
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d’adaptation et d’éducation spéciale à celle d’adaptation et d’intégra-


tion scolaire. Plusieurs différences séparent ces deux approches : le
respect dû à chacun, l’attention portée certes aux déficiences des
enfants mais aussi au développement de leur personnalité. La jouis-
sance de droits égaux et la même possibilité d’insertion sociale appa-
raissent comme des idées novatrices. Elles influencent la reconnais-
sance de nouveaux professionnels et la nécessité de transformer les
établissements éducatifs pour enfants et adolescents déficients. À cette
époque, les établissements éducatifs spéciaux accueillant les enfants
déficients moyens étaient encore trop isolés, clos et non adaptés à leur
développement. En préconisant alors une meilleure intégration des
enfants à la vie scolaire ordinaire, les mesures d’éducation spéciale pas-
sent du placement ségrégatif au placement intégratif. Elles insistent
également sur le fait que les personnels médicaux et de rééducation
doivent être présents à l’école pour offrir les services appropriés. En
1990, l’éducation spéciale évolue à nouveau : on insiste sur le carac-
tère fondamental et irréfragable de l’intégration scolaire pour les
enfants en situation de handicap. Les buts et les structures de l’éduca-
tion s’en modifient d’autant : les classes de perfectionnement devien-
nent classes d’intégration scolaire (CLIS). Les groupes d’aide psycho-
pédagogiques (GAPP) sont remplacés par les réseaux d’aides
spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Les sections d’éducation
spécialisée (SES) situées dans les collèges de l’enseignement secondaire
évoluent vers les sections d’enseignement général et professionnel
adapté (SEGPA). Ces mesures éducatives intégratives s’appliquent au
niveau de l’enseignement secondaire pour fournir, dans les SEGPA, à la
fois un enseignement général et une formation professionnelle. Pour
répondre au changement des structures d’enseignement spécialisé et
adapté, on crée un nouveau certificat d’aptitude en 1987 : le certificat
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Éducation et handicap
88

d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées de l’adaptation et de


l’intégration scolaires (CAPSAIS) comprenant sept options de diplôme.
De manière générale, la nouvelle politique de l’enseignement spécial
met l’accent sur l’interaction de l’individu avec l’environnement
social. Quel que soit le degré de la déficience, l’équipe éducative est
tenue à l’élaboration d’un projet individualisé d’intégration scolaire.

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Bien que l’expression « éducation inclusive » n’existe pas en
France, l’idée d’intégration scolaire a été précisée officiellement, dès
1982-1983, par le ministère de l’Education nationale et le ministère
de la Solidarité. On distingue alors le concept d’intégration indivi-
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duelle en classe ordinaire de celui d’intégration collective ou de groupe


(au sein d’une classe spéciale à l’intérieur d’une école ordinaire), à
temps partiel et à temps plein. Autant de concepts communs à l’édu-
cation intégrée et à l’éducation inclusive qui prennent le sens que lui
donne Hegarty (1993) : « Une même école pour des enfants différents
avec des projets différents », telle apparaît la conception française
actuelle.
Au niveau des structures d’accueil préscolaires, les enfants en situa-
tion de handicap, excepté en cas de handicap profond, sont actuelle-
ment placés dans les écoles maternelles et les crèches ordinaires, sans
catégorisation préalable en fonction de leur handicap. Il existe cepen-
dant des structures d’éducation spéciale liées à une offre médicale, sus-
ceptibles de favoriser l’intégration ultérieure en école ordinaire.
D’autres structures, enfin, sont destinées à l’accueil des enfants en
situation de handicap avéré nécessitant des soins médicaux pointus.
En principe, le placement est décidé par les CDES 2 et CCPE 3 ; l’école
a aussi la possibilité de consulter les services de santé scolaire, l’équipe
éducative et tous les autres acteurs de l’intégration avec l’aide du
réseau d’aides spécialisées. Les enfants peuvent être scolarisés à temps
plein en classe ordinaire. Le degré du handicap détermine la durée
hebdomadaire de leur fréquentation. Les centres d’action médico-
sociale précoce accueillent des enfants scolarisés à temps partiel où ils
bénéficient d’une action éducative. Lorsque le placement en milieu
partiel couplé avec les centres médico-sociaux ne donne pas satisfac-
tion, il est nécessaire d’envisager un placement au sein d’institutions

2. Commission départementale de l’éducation spéciale.


3. Commission de circonscription préélémentaire et élémentaire.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 89

Explorer les pratiques et croiser les regards


89

médico-sociales et médico-éducatives spécifiques, voire une offre de


services à domicile. Les types de placements sont multiples et jamais
définitifs. Une évaluation permanente est prévue de manière à réinté-
grer les classes ordinaires. Les structures de soutien les plus notables
offertes aux jeunes enfants intégrés dans les établissements ordinaires
et à leur famille sont les suivantes : centres d’action médico-sociale

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précoce (CAMSP), centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), ser-
vices d’éducation et de soins spécialisés à domicile (SESSAD), équipe
pluridisciplinaire à dominante médicale, enfin services sanitaires : les
hôpitaux de jour et les centres de santé mentale.
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Envisageons maintenant l’histoire et la situation actuelle de


Taiwan. Entre 1890 et 1945, se situent les prémisses de l’éducation
spéciale. Elle s’initie en 1890 avec la fondation d’un institut pour
aveugles à l’initiative d’un missionnaire anglais, le révérend William
Compbell. Cet institut fut par la suite administré par une association
de charité, la « Section de l’éducation pour aveugles ». En 1910, il
accueille les enfants sourds et prend le nom « d’Ecole des aveugles et
des sourds ». De 1922 à 1945, date à laquelle Taiwan devient la Répu-
blique de Chine, l’éducation spéciale est prise en charge par les gou-
vernements locaux. Cette étape du développement de l’éducation spé-
ciale à Taiwan présente les mêmes caractères qu’en France : mise en
place de l’éducation pour aveugles suivie par la mise en place de dis-
positifs dédiés aux enfants sourds ; gestion par des organismes reli-
gieux puis par des instituts publics ; formation professionnelle offerte
aux aveugles et aux sourds.
La période comprise entre 1945 et 1960 assure le développement
des tendances initiées lors de la période précédente. L’État assure la
gestion des services d’éducation spécialisée, mais il s’agit d’une période
de stagnation précédant l’accélération des transformations comprise
entre 1960 et 1975. En effet, en 1962, on crée au sein même des
écoles primaires des classes spéciales pour les enfants handicapés men-
taux. Forts de ce mouvement, on met sur pied, en 1966, une série de
projets d’éducation intégrative pour les élèves aveugles. Les premières
mesures intégratives pour les enfants déficients visuels sont adoptées.
Les écoles normales créent des programmes de formation à l’ensei-
gnement spécial pour aider les élèves placés en école ordinaire. En
1968, on édifie dans le centre de Taiwan une école d’éducation spé-
ciale pour accueillir les enfants et les adolescents déficients physiques
ou moteurs. C’est en 1970 que l’éducation spéciale pour les élèves
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 90

Éducation et handicap
90

déficients intellectuels est prolongée jusqu’au collège et l’École nor-


male nationale de Taipei initie la formation des maîtres pour « handi-
capés mentaux ». Enfin, le premier département d’éducation spéciali-
sée est créé à l’École normale provinciale de Changhwa en 1975. Il est
dédié à la formation des maîtres d’éducation spéciale amenés à ensei-
gner au sein des établissements primaires et secondaires. Ces forma-

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tions couvrent les déficiences visuelles, auditives, intellectuelles et
motrices.
Après 1975, l’évolution de l’éducation spéciale suit le rapide déve-
loppement économique. Le ministère de l’Éducation institue un
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règlement donnant droit à une éducation de niveau supérieur pour les


jeunes étudiants en situation de handicap et, en 1982, on construit la
première école de perfectionnement pour enfants et adolescents défi-
cients intellectuels profonds. La loi de 1984 sur l’éducation spéciale
prolonge le droit à l’éducation spéciale pour les enfants et adolescents,
en favorisant leur intégration du préscolaire au lycée. Elle insiste sur la
souplesse de l’enseignement. Suite à cette loi, l’offre constituée par les
instituts d’éducation spéciale est généralisée. L’assistance sociale et
l’offre de service interdisciplinaire se multiplient, et des outils techno-
logiques pour l’éducation spéciale sont rendus disponibles. En 1987,
sont créées les classes spéciales pour les enfants atteints par un handi-
cap profond ayant des troubles associés ; on édifie également
des « salles de ressources » pour les enfants en difficulté scolaire. Elles
aident les enfants à s’intégrer dans les classes ordinaires et, jusqu’à ce
jour, elles constituent le pilier de l’éducation intégrative taiwa-
naise. Les élèves bien adaptés à la classe spéciale peuvent entrer à
temps partiel dans les classes ordinaires (mainstream).
Dans les années 1990, sous l’influence internationale, les mesures
visent à élargir l’environnement éducatif au sein des établissements
scolaires. Elles favorisent l’éducation intégrée et l’élaboration d’un
projet pédagogique individuel pour chaque élève. Cette période a sti-
mulé l’amélioration du cadre éducatif, le développement du matériel
didactique et le renforcement des aptitudes pédagogiques des ensei-
gnants. L’efficacité de l’éducation en a été accrue. Depuis 1990,
Taiwan épouse l’idéal des pays industrialisés : « Surmonter les handi-
caps et créer l’égalité des chances. » L’éducation intégrée est mise en
place. Ces conceptions se retrouvent dans la loi révisée sur l’éducation
spéciale de 1997 et dans la rénovation des textes relatifs à l’application
de la loi sur l’éducation spéciale. On insiste sur l’éducation inclusive
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 91

Explorer les pratiques et croiser les regards


91

en demandant aux pouvoirs locaux d’implanter « des moyens pour


faciliter l’intégration des élèves handicapés dans les classes ordinaires
et leur assurer une éducation appropriée ». La nouvelle législation
réclame également que les écoles dispensent le meilleur enseignement
spécial possible et offrent les services d’équipes professionnelles
(groupes d’aide paramédicale) aux élèves porteurs de handicaps pro-

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fonds. Au niveau des structures d’accueil préscolaires, les classes inté-
gratives accueillant les enfants âgés de 3 à 6 ans sont optionnelles (elles
ne font encore pas l’objet d’une généralisation marquée) et gratuites
seulement pour les enfants en situation de handicap. L’intégration se
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fait toujours à plein temps et, comme en France, un ou deux enfants


sont scolarisés dans ces classes ordinaires. Les établissements présco-
laires sont dépourvus de salle de ressources et d’enseignants spécialisés
pour l’orientation et l’apprentissage. En plus des classes d’intégration à
temps plein, existent des structures d’éducation spéciale pour les
enfants handicapés. Les classes spéciales font, à l’instar des CLIS fran-
çaises, partie d’écoles maternelles rattachées aux écoles primaires et
accueillent les enfants de 3 à 6 ans présentant une large variété de défi-
ciences. Cependant, les établissements d’éducation spéciale continuent
d’accueillir les enfants souffrant de déficiences intellectuelles, visuelles,
auditives, motrices et présentant des troubles caractériels et émotion-
nels du niveau préscolaire au niveau secondaire au sein d’un environ-
nement ségrégratif. Récemment, des établissements ont mis en place
un projet d’intégration à contre-courant (reverse mainstreaming) au
niveau préscolaire et accueillent des enfants ordinaires pour rompre
cette situation ségrégative.
Les classes d’éducation spécialisée dans les instituts d’éducation
spéciale sont constituées de placements dans des structures « lourdes »,
gérées par la tutelle administrative des collectivités locales, parfois par
des associations privées. Les services d’éducation spéciale à domicile
consistent en une série d’équipes ambulatoires constituées de person-
nels d’éducation spéciale dispensant des services pédagogiques aux
familles des jeunes enfants déficients les plus profonds, très gravement
malades ou physiquement très faibles, et souvent hospitalisés.
Les centres d’intervention précoce sont des instituts placés sous la
tutelle administrative du ministère de l’Intérieur qui peut, en principe,
dispenser des soins médicaux, paramédicaux et rééducatifs aux jeunes
enfants jusqu’à l’âge de 3 ans. Une fois placés, les enfants en situation
de handicap ou à besoins particuliers ont droit à des assistants tech-
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 92

Éducation et handicap
92

niques et à une allocation d’éducation spéciale versée par les collecti-


vités locales.
De cette énumération, il ressort que les législations et les mesures
d’éducation intégrative en France et à Taiwan se ressemblent. Néan-
moins, le système d’éducation spéciale taiwanais présente de nom-
breuses insuffisances. Ainsi, certains élèves ne peuvent bénéficier de

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soins appropriés et leur droit à l’égalité des chances est nié ; pour
d’autres, les outils d’aide technologique à la scolarisation et à l’adap-
tation manquent. Par ailleurs, la procédure d’enregistrement des
enfants, le contrôle de leur effectif, l’évaluation clinique du handicap,
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le placement, la prévention, les soins médicaux précoces et la forma-


tion des maîtres pour une intervention précoce comportent encore
nombre d’imperfections et de lacunes par rapport au système français.

OBSERVATIONS CROISÉES DE TAIPEI ET DE PARIS

Nous avons conduit une recherche 4 selon la méthode de la


recherche-action (action research). Six écoles primaires, comprenant des
écoles maternelles accueillant des enfants porteurs de handicap, ont
constitué le terrain d’études. L’investigation a suivi les besoins indivi-
duels de chaque élève bénéficiant d’une pédagogie appropriée au sein
de ces écoles. Les informations ainsi obtenues ont révélé les problèmes
que les écoles et les enseignants rencontraient, et certaines des solutions
que nous avons proposées ont été expérimentées par les enseignants
sous l’orientation et les conseils des chercheurs. Nous avons ensuite
visité les écoles maternelles françaises pratiquant l’éducation intégra-
tive, nous y avons effectué une revue de la littérature et avons analysé,
comparé et discuté les informations ainsi rassemblées. Cette étude a
utilisé les méthodes d’analyse des documents et de recherche-action en
éducation (educational action research) pour comprendre et comparer
l’éducation intégrative au niveau préscolaire entre les deux pays. Les
phases successives en ont été les suivantes : visites des écoles maternelles
pratiquant l’éducation intégrative dans les deux pays pour saisir, analy-
ser et comparer la réalité des faits, organisation de discussions avec les
enseignants sur la politique de l’éducation spéciale et son application à
Taiwan et en France. L’étude a ensuite permis d’aider les enseignants à

4. Entre septembre 2000 et juin 2001.


03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 93

Explorer les pratiques et croiser les regards


93

résoudre certains des problèmes rencontrés, notamment dans l’élabo-


ration et la mise en place de projets pédagogiques individuels par le
biais de visites régulières d’orientation et de conseil. Éric Plaisance s’est
rendu à Taiwan pour guider les enseignants de chaque école. Les lieux
de recherche ont été circonscrits au Comté de Taipei, écoles primaires
Wan Xi et Houde, à la commune de Jilong, écoles primaires An Le et

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Jen Ai, et au Comté de Ilan, écoles primaires Jiao Xi et Su Aou.
La comparaison du développement de l’éducation spéciale entre
Taiwan et la France appelle certaines réflexions. D’abord, bien qu’à
des dates différentes (1784 pour la France, 1890 pour Taiwan), l’édu-
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cation spéciale a débuté par la création d’un institut des aveugles. Les
autres réalisations pour enfants sourds ou handicapés mentaux mon-
trent également un écart temporel important (1909 en France contre
1962 à Taiwan pour l’accueil des enfants porteurs d’un handicap
mental). Ainsi, alors qu’en France, dès 1922, l’école de plein air est
fondée pour les enfants physiquement faibles avec des enseignants
titulaires du certificat d’aptitude à l’enseignement des écoles de plein
air (CAEPA), un tel certificat n’a jamais existé à Taiwan. Taiwan accuse
par ailleurs une dizaine d’années de retard sur la France quant à la pro-
mulgation des règlements et des lois sur l’éducation intégrative. Si
l’éducation spéciale et les services d’aide médicale et de rééducation
pour les enfants et les adolescents handicapés en France sont très
variés – RASED, hôpitaux de jour, services d’éducation et de soins spé-
cialisés à domicile (SESSAD), centres d’action médico-sociale précoce
(CAMSO), etc. –, ces structures sont loin d’être aussi complètes et
diversifiées à Taiwan. L’importante loi promulguée en 1984 décrétant
l’âge concerné par l’éducation spéciale (3 à 18 ans) n’a été suivie que
récemment par la création des centres d’aide d’action médico-sociale
précoce, soit dix ans après la France.
En France, la loi d’orientation en faveur des personnes handica-
pées du 30 juin 1975 5 est complétée par les règlements sur l’éduca-
tion intégrative à partir de 1982. Encourageant l’intégration indivi-
duelle et collective à temps plein ou partiel, elle a radicalement changé
les classes de l’éducation spéciale telles que les CLIS. De plus, en 2000,
des subventions pour un environnement sans obstacle à domicile et

5. En cours de remplacement par un nouveau texte au moment de la conception de


l’ouvrage.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 94

Éducation et handicap
94

dans les endroits publics on été allouées. À Taiwan, l’accent sur l’édu-
cation intégrative et l’intégration à contre-courant (reverse mainstrea-
ming) porte essentiellement sur le projet pédagogique individuel. Ce
n’est qu’en 1997 que la loi de l’éducation spéciale a été révisée pour
comprendre l’éducation intégrative en tant que politique d’éducation
spéciale. Ainsi, de la comparaison des politiques de l’éducation inté-

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grative entre la France et Taiwan s’observent des mesures semblables :
établissement d’un environnement sans obstacles ; adoption de
méthodes et de contenus appropriés aux classes ; mise en place des
outils et technologies appropriées ; organisation de services d’assis-
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tance individuelle et d’assistance de groupes professionnels (groupe


d’aide et de prévention)… En outre, on observe des opportunités
comparables pour les parents dans le mode de participation aux déci-
sions pédagogiques. Dans les deux cadres, on observe l’accent mis sur
le projet pédagogique individuel, l’intervention médico-éducative pré-
coce, la création d’écoles et de classes intégratives, la création de for-
mations et de placements professionnels financés par les communau-
tés locales. Enfin, la nécessité d’un perfectionnement de la formation
des maîtres apparaît comme une préoccupation partagée. L’étude
montre cependant que la grande différence entre la France et Taiwan
réside dans le domaine de l’exécution des mesures. S’agissant de l’en-
vironnement sans obstacles, la France consent un budget important
pour l’amélioration des bâtiments et des équipements publics, et
dans la diffusion de logiciels d’information et de communication. En
revanche, malgré l’adoption des lois relatives à l’accessibilité de l’en-
vironnement, il reste à Taiwan des écoles n’ayant pas encore amélioré
l’accessibilité du parc immobilier. D’autre part, les professeurs des
écoles français doivent, en principe, obtenir des certificats d’aptitude
(en réalité, de nombreux enseignants ne sont pas spécialisés alors
qu’ils exercent des fonctions de maître spécialisé). À Taiwan, on
observe une difficulté comparable qui se traduit par un déficit du
contrôle des certificats professionnels des maîtres. En effet, l’intro-
duction et l’application de l’éducation intégrative dépendent des ins-
tituts de formation des maîtres mais il n’existe encore aucun cursus
pour l’éducation intégrative, limitant de fait son application au sein
des écoles ordinaires. Mais le problème le plus grave tient à l’insuffi-
sante formation des maîtres d’éducation spéciale qui ne bénéficient
ni du traitement ni du respect adéquat à leur profession, particuliè-
rement au niveau préscolaire.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 95

Explorer les pratiques et croiser les regards


95

Les mesures de placement et d’éducation appropriée sont, en


France, rigoureusement appliquées au niveau préscolaire. Le groupe
ambulatoire d’aide spécialisée participe aux choix pédagogiques et
apporte un soutien aux maîtres grâce aux services médico-sociaux. La
durée et la catégorie des services concernant l’éducation spéciale sont
placés sous le contrôle de la commission départementale de l’éduca-

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tion spéciale (CDES). Le rôle de cette commission dans le domaine de
l’éducation spéciale est donc essentiel. À Taiwan, le rôle de la com-
mission correspondante n’est pas aussi important.
La répartition du personnel au sein des organismes publics dans
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les classes spéciales et les classes d’intégration scolaire à Taiwan montre


qu’une classe spéciale possède deux maîtres d’éducation spéciale, plus
0,5 à 1 auxiliaire de vie pour 1,5 maître dans une classe d’intégration
scolaire. Il existe encore des maîtres d’éducation spéciale dans les salles
de ressources offrant une aide spécialisée, mais certaines écoles ne
bénéficient toujours pas de ce type de salle et les classes d’intégration
sont visitées par des maîtres de l’éducation spéciale qui proposent leur
soutien aux maîtres ou aident directement les élèves. D’autre part, les
services d’action médico-éducative précoce ne sont pas suffisants. Les
centres assurant ce service dépendent de structures administratives
sociales, et certains comtés qui manquent de personnel sont inca-
pables de satisfaire les besoins. En dépit des lois et des règlements
confiant la responsabilité de l’éducation intégrative à l’État, les gou-
vernements locaux manquent de crédits pour sa mise en place.
L’établissement de groupes professionnels et de réseaux d’aide spé-
cialisée aux enfants en difficulté est systématisé en France au niveau
préscolaire et offre des services variés et complets, couvrant les secteurs
éducatif, médico-éducatif, socio-éducatif et sanitaire. Le groupe d’ac-
tion médico-sociale précoce est également bien pourvu : pédiatres,
psychologues, neurologues, thérapeutes, kinésithérapeutes, assistants
de service social, maîtres d’éducation spéciale, etc. Au sein d’un centre
d’action médico-éducative précoce pour les enfants en difficulté
observé à Paris, trente-quatre professionnels travaillant à temps plein
ou partiel prennent soin de deux cents jeunes enfants. Dans ce
domaine, Taiwan accuse un véritable retard. Les structures de soutien
scolaire observées en France montrent que les outils pédagogiques et
les équipements offerts répondent aux besoins particuliers. Les réseaux
d’aide et les groupes de soutien sont proches des enfants et de leur
famille. En revanche, à Taiwan, l’aide reste limitée et accordée selon
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 96

Éducation et handicap
96

les conditions économiques des familles, ce qui montre combien le


système d’éducation intégrée doit encore progresser.
L’histoire de l’éducation spéciale en France a plus de deux cents
ans, elle nous enseigne que l’éducation spéciale est une mission
d’État, illustrée de surcroît par la coopération entre le ministère de
l’Éducation nationale, le ministère des Affaires sociales et le ministère

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de la Santé et de la Ville. Ainsi, les mesures d’intégration scolaire
mises en place, les systèmes d’aide, de prévention et de soins médi-
caux opèrent mieux que ceux de Taiwan où l’insuffisance de crédits
des collectivités locales empêche le déploiement de l’effectif de spé-
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cialistes requis. On observe la même difficulté dans le domaine social


où les allocations d’aide aux familles et les services mère-enfant doi-
vent être développés.
À Taiwan comme en France, en dépit de la mise en place de l’in-
tégration scolaire, survivent d’anciennes structures de l’éducation spé-
cialisée qui ne peuvent être supprimées. C’est pourquoi, à Taiwan, cer-
tains établissements d’éducation spécialisée de niveau préscolaire
accueillent, après avoir adapté les programmes, des enfants ordinaires
et les intègrent dans des classes spécialisées : c’est l’intégration à
contre-courant (reverse mainstreaming). Cette idée est peut-être accep-
table pour les enfants et le public mais a peu cheminé en France.
Les conditions absolues exigées pour mettre au point l’éducation
intégrée sont l’accueil des élèves handicapés en milieu ordinaire et
l’amélioration de la qualité de l’enseignement au sein des classes ordi-
naires. Concernant l’accueil, une scolarisation intégrée à temps plein
paraît souhaitable, mais certains élèves ne peuvent s’y adapter ; aussi
est-il nécessaire de continuer à envisager un placement partiel pour les
enfants les plus lourdement handicapés requerrant un soutien appro-
prié. Taiwan pourrait donc apprendre du système de soutien mis en
place en France : réseau local d’aide, équipe éducative, acteurs de l’in-
tégration, de l’aide et des soins. Pour une éducation intégrative réus-
sie, les enseignants des classes ordinaires et spécialisées ont besoin
d’une formation en éducation spécialisée et d’une forme de travail col-
laboratif. Dans le domaine de l’éducation intégrative, les maîtres de
l’éducation spécialisée doivent acquérir cette aptitude à exercer le
conseil pédagogique auprès de leurs collègues des classes ordinaires.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 97

Explorer les pratiques et croiser les regards


97

VERS UN CHANGEMENT

Cela nous amène à suggérer certaines modifications de l’éducation


spéciale à Taiwan. L’éducation intégrative apparaît comme un idéal
philosophique susceptible de réformer les concepts de l’éducation tra-
ditionnelle. S’appuyant sur le respect des différences individuelles, cet

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idéal mérite d’être encouragé et sa réalisation peut être rendue possible
par l’action des services éducatifs locaux. La constitution de groupes
d’aide mobiles doit être pluridisciplinaire. Il faut élargir le recrute-
ment aux spécialistes de l’éducation spécialisée pour dispenser l’aide
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pédagogique aux maîtres des classes ordinaires. On peut espérer


qu’ainsi, l’inquiétude des élèves handicapés et des enseignants dans les
classes ordinaires en sera diminuée. Une série d’objectifs peut ainsi
être déclinée. La procédure de placement multiple est à maintenir et
les classes d’éducation spécialisée doivent être concentrées dans cer-
tains écoles dont le nombre doit être multiplié. On peut espérer ainsi
qu’appliquant une politique de « zéro refus », les écoles ordinaires
accueilleront les élèves souffrant de handicaps moyens et profonds, et
leur dispenseront un enseignement avec l’aide d’un auxiliaire éducatif.
Les enfants gravement atteints seront confiés aux instituts médico-
éducatifs. Par ailleurs, les programmes seront conçus de manière à per-
mettre une intégration à temps partiel. Des séminaires seront propo-
sés aux maîtres des classes ordinaires et les compétences
professionnelles des maîtres de l’éducation spécialisée seront renfor-
cées. L’enseignement direct aux élèves par les maîtres de l’éducation
spécialisée dans les classes spéciales se doublera d’une formation des
maîtres des classes ordinaires. L’environnement et les outils d’assis-
tance aux élèves handicapés seront améliorés en vue de supprimer les
obstacles à une bonne adaptation à la vie scolaire. Les rapports
maîtres-parents seront améliorés. À l’instar de la France, des services
de consultation offriront une information sur l’éducation des enfants :
des services mère-enfant seront mis en place au sein des communau-
tés pour aider les enfants en situation de handicap et leur famille.
Quittons Taiwan pour revenir en Europe, en Italie, où Andrea
Canevaro montre par quels chemins la péninsule italienne a fait figure
de modèle intégratif alors même que les sociétés industrialisées pour-
suivaient de leur côté leur lente marche vers l’inclusion.
MÉTISSER LES POSTURES DE TRANSFORMATION AU SEIN DU
TERRITOIRE
Andrea Canevaro

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 99 à 112


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ISBN 978274920369
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/education-et-handicap--978274920369-page-99.htm
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03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 99

Andrea Canevaro 1

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Métisser les postures de transformation
au sein du territoire
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L’INTÉGRATION ITALIENNE COMME MOUVEMENT


DE PARTICIPATION ÉLARGIE

Le mot « intégration » paraît ambigu, il peut conduire en effet à


un processus de conformation des sujets et à la perte de la contribu-
tion originale que chacun est susceptible d’apporter à la communauté
sociale. C’est pour cette raison que l’UNESCO promeut le terme
d’« inclusion » qui, dans sa traduction italienne, n’a pas le même sens
que le terme intégration. En italien, nous soulignons la différence
entre le terme d’insertion (inserimento), qui a pour sens l’assimilation
conformante, et celui d’intégration impliquant une contribution

Andrea CANEVARO, professeur à l’université de Bologne, Italie.


1. On pourra se reporter également au numéro 9 de la revue Politiques d’éducation de
formation, sous la dir. de D. Poizat, « Situations de handicap et systèmes éducatifs »,
Bruxelles, De Boeck, 2004.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 100

Éducation et handicap
100

constructive du sujet à l’ensemble communautaire. L’intégration des


enfants en situation de handicap dans l’école ordinaire est parfois assi-
milée à la réforme italienne de la psychiatrie conduite notamment par
Franco Basaglia (la loi de réforme est parfois connue comme « loi
Basaglia »). Mais cette assimilation de l’intégration scolaire à la révo-
lution psychiatrique reviendrait à réunir deux réalités qui ont certes

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des points communs, mais qui demeurent toutefois fondamentale-
ment différentes, tant du point de vue des professions concernées que
des événements qui y sont liés et qui se sont déroulés de façon extrê-
mement différenciée.
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Dans le monde de la psychiatrie, Basaglia a été un personnage


important. Il a débuté l’accueil social des malades psychiatriques,
accompagné d’autres professionnels pour qui il devint rapidement une
référence. Mais le processus d’intégration au sein des divers échelons
scolaires, dès l’enseignement préscolaire, a connu une histoire bien dif-
férente. Elle a été le résultat de l’activité non pas d’une personne isolée
ou d’un noyau restreint, mais plutôt d’un mouvement d’ensemble, à
l’échelle de la quasi-totalité du pays. Il ne s’agit donc pas du fait d’un
pionnier, mais plutôt d’une pluralité d’initiatives qui se sont dévelop-
pées dans l’ensemble de la péninsule. Elles ont divulgué avec une rapi-
dité surprenante l’idée que l’intégration n’est pas seulement juste, mais
qu’elle doit être considérée aussi comme « un fait naturel », avec ce qu’il
comporte d’éléments positifs et de limites, une conscience historique
réduite par exemple. S’agissant d’une possible reconstitution histo-
rique, nous pensons que la coïncidence de grandes initiatives traduit
deux origines diverses. La première est municipale. En effet, en Italie,
les communes et les collectivités locales ont largement participé à la
transformation des structures préscolaires. Au cours des années 1970,
l’investissement des membres de l’administration des collectivités
locales est apparu comme particulièrement gratifiant du fait d’une
grande liberté d’action initiant une période d’importantes réalisations.
On inaugurait alors, au sens littéral du terme, de multiples crèches et
écoles maternelles avec le soutien, dans chaque commune, d’un adjoint
ou d’un responsable du monde de l’éducation, véritable référent dans
l’édification d’une nouvelle réalité éducative ouverte aux différences.
Les enfants en situation de handicap commencèrent à être reçus à la
crèche et à l’école maternelle comme les autres enfants du même âge.
Ensuite, au cours de la même période, de manière indépendante et
pour une raison que nous essaierons de comprendre, l’action des asso-
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 101

Métisser les postures de transformation au sein du territoire


101

ciations fut déterminante. Ainsi, l’AIAS 2, travaillant auprès des per-


sonnes handicapées sur le plan cérébro-moteur, rendit obsolètes en peu
de temps, à Cutrofiano notamment, et grâce à l’aide de techniciens, les
formes séparées d’éducation en institut. En effet, on exigea et on obtint
que les jeunes vivent, aillent à l’école, pratiquent les activités sportives
et récréatives avec leurs camarades du même âge.

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Cette sorte de « maladie contagieuse », peut-on dire d’une manière
paradoxale, généra une transformation extraordinairement rapide. Les
raisons en sont diverses et il n’est pas aisé de les déterminer toutes.
L’une d’entre elles paraît évidente et tient au grand nombre d’enfants
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systématiquement placés au sein de classes spéciales, offrant des par-


cours, en apparence seulement, différenciés. On pensait alors qu’ils
n’étaient pas en mesure de soutenir le rythme d’apprentissage des
enfants du même âge. On doit y voir la conséquence d’un important
phénomène migratoire interne : les familles se déplaçaient du sud au
nord, ou de la campagne vers les villes, passant d’une école sachant les
accueillir avec leur parler local proche du dialecte, à une école ayant
l’ambition de favoriser leur conformation immédiate à l’individu ita-
lien moyen et aux comportements urbains. L’aide scolaire que les
adultes d’une famille peuvent utilement apporter à leurs enfants en
dépit d’un faible niveau d’instruction parental n’a pu être mise en
œuvre du fait d’un dépaysement important et d’un tissu de relation
contenu au sein de cercles restreints tel que le milieu de travail.
Ainsi, jugés incapables de soutenir le rythme d’apprentissage,
parfois sur la foi de diagnostics de retard, non pas d’apprentissage,
mais mental, un nombre considérable d’enfants furent scolarisés au
sein de classes spéciales. De ce fait, les situations de handicap aug-
mentèrent démesurément de telle façon que cela provoqua parmi les
enseignants et les techniciens une réflexion parfois radicale : on
contesta l’emploi des tests sans penser qu’il s’agissait peut-être de
l’emploi incorrect d’un instrument qui, par ailleurs, pouvait être
juste. Un leitmotiv : le refus des tests. Un maître mot : accueillir.

2. Associazione Italiana Assistenza Spastici, Association italienne pur l’assistance des han-
dicapés moteurs.
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Éducation et handicap
102

REFUSER LA DIFFÉRENCE INDUISANT LA DISCRIMINATION

Ce moment du refus de la différence s’est produit dans une


conjoncture heureuse, à l’occasion de laquelle l’idée d’école secondaire
unique a renforcé le processus d’instruction obligatoire au sein d’une
école unique. En corollaire, ce mouvement facilita la réflexion sur la

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didactique et l’éducation scolaire. Partant du principe qu’il ne s’agis-
sait pas essentiellement d’opérer une orientation des enfants vers
d’autres structures scolaires et extrascolaires, mais qu’il fallait plutôt
revoir l’organisation de la qualité scolaire dans le respect d’un droit qui
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s’imposait, cette situation eut une retombée sur certaines initiatives


législatives. Mais elles ont concerné l’école seulement de manière indi-
recte. Cet aspect est intéressant, il est probable qu’abordant la ques-
tion scolaire a priori, cela eût généré un certain trouble. En revanche,
de manière non délibérée, on laissa se développer une expérience
interne au secteur éducatif, en particulier préscolaire. Les mesures
législatives concernèrent des éléments apparemment marginaux qui
confirmèrent les transformations en cours. Avec le temps, des mesures
législatives plus centrées sur l’organisation scolaire interne furent
adoptées.
Au sens premier, la racine folk veut dire « du peuple » ; ainsi, il est
probable qu’il existe au sein de cette réforme quelque chose qu’on
pourrait appeler, dans un sens non réducteur, folklore, que le peuple
accueillit comme une réalité « naturelle », avec ses qualités et ses
limites. Ses qualités tiennent à une participation populaire tandis que
les limites s’attachent davantage au fait suivant : en la considérant
comme naturelle, on adopta une pratique sans l’accompagner d’études
précises et rigoureuses qui auraient permis notamment l’introduction
d’un vocabulaire et d’un lexique plus adéquats aux ambitions et aux
réalités naissantes.
Nous avons hérité de cette étrange locution : « porteur de handi-
cap/handicapé ». Je me suis assigné comme « mission » personnelle le
fait d’en comprendre les erreurs : la distinction entre déficit et handi-
cap qui pouvait être établie alors ne le fut pas. Avec pragmatisme, on
accueillit généreusement les deux termes, sans faire l’effort d’une
nécessaire clarification conceptuelle. Ce fut une limite. Mais elle sti-
mula les recherches conduites par les personnes les plus avisées,
notamment la participation du monde syndical qui, au début, ne se
laissa pas emporter par les positions du secteur enseignant. En effet,
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Métisser les postures de transformation au sein du territoire


103

l’action syndicale n’aborda pas d’emblée le thème des droits des per-
sonnes handicapées du point de vue des enseignants, elle considéra au
contraire la population vivant le handicap comme le principal sujet
auquel dédier ses propres attentions. Par la suite, le panorama scolaire
fut modifié par des interventions malheureuses de la part des syndi-
cats scolaires, prenant la défense de catégories professionnelles dont les

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intérêts ne coïncidaient pas exactement avec les intérêts des sujets
atteints par le handicap. La possibilité donnée aux collectivités locales
d’alimenter la réflexion dans le domaine de l’intégration est par
ailleurs illustrée par l’important congrès organisé par la nouvelle
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région Émilie-Romagne à Forlì, en 1973. Ce congrès fut l’occasion


d’éclaircir la terminologie et de l’accompagner vers l’action concrète
en gardant présente à l’esprit la volonté d’indiquer exactement le type
d’action envisagée et en évitant du même coup le risque d’un parcours
purement spontanéiste. Alessandro Ancona, neuropsychiatre infantile,
fut l’un des personnages qui souligna avec vigueur l’importance de
cette organisation concrète et conceptuelle. Il s’engagea, avec le souci
constant de conserver le contact direct avec la réalité, dans une véri-
table mise en condition d’apprentissage. Pour ces techniciens – et
Ancona fut l’un des plus efficaces parmi une constellation de prati-
ciens –, il était clair qu’il fallait apprendre. Leur professionnalisme les
garda de s’illusionner sur leur niveau de connaissance face aux nou-
veaux développements. Ils guidèrent la réflexion dans la mesure de
leurs connaissances, mais surent se montrer réceptifs, capables à la fois
d’apprendre et d’agir. Ce fut là le grand mérite d’une catégorie pro-
fessionnelle qui n’a pas toujours bénéficié d’une reconnaissance pour-
tant légitime. En même temps, cette réflexion soucieuse d’apparaître
comme l’ « accompagnatrice » de l’action fit l’objet d’une critique.
Aux scientifiques italiens, on reproche en effet aujourd’hui d’avoir pris
des engagements trop peu rigoureux et de n’avoir pas fait usage des
tests 3. La période était celle du refus radical des instruments de
mesure, et il apparaissait difficile d’avoir la lucidité requise a posteriori.
Ainsi, le fait de ne pas avoir accompagné la réalité de l’intégration par
une recherche a pu faire penser à un type de recherche dans l’absolu.
Il existait, en revanche, l’envie et le désir de développer des formes de

3. Prove est le terme italien pour dire test.


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Éducation et handicap
104

recherche diverses, d’une certaine façon proches de la recherche-


action, qui requiert, elle aussi, une grande rigueur. Il ne s’agit donc pas
d’une histoire « à l’italienne » mais d’une intégration des plus
concrètes grâce au concours d’une multitude d’acteurs.

IRRUPTION OU LENTE MATURATION ?

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Trois décennies d’intégration, notamment scolaire, pourraient
apparaître comme une histoire brève. Si nous devions la parcourir
dans tous ses aspects, nous nous apercevrions que cette période fut
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celle d’un ample développement, faisant paradoxalement de cette his-


toire brève une histoire très longue. Comme c’est le cas pour les his-
toires longues, la mémoire finit par être un élément complexe néces-
sitant une organisation simplifiée ; mais elle doit rappeler – elle doit
en quelque sorte être une mémoire d’elle-même – que la simplifica-
tion cache quelque chose et renvoie à une articulation complexe.
L’aventure de l’intégration scolaire et non scolaire en est l’illustration.
Si nous employons le terme intégration, c’est qu’en italien, sa
signification est plus positive que celle proposée aujourd’hui avec
insistance par les agences internationales désireuses de le substituer par
le mot inclusion, terme qui, dans notre langage, a un sens exagéré.
Pour cette raison, il n’est pas possible d’adhérer pleinement à une tra-
duction littérale de la langue anglaise. Par conséquent, nous souhai-
tons le maintien du terme intégration tout en respectant le désir de
donner un signal linguistique à la nouvelle réalité : on ne naît pas en
dehors du contexte social pour y être ensuite intégré, on y est déjà
inclus. Sans nier l’intérêt de cette signification, nous connaissons
cependant les enjeux sémantiques d’un lexique trop vite adopté et
nous croyons qu’il est sensé de maintenir le terme intégration.
Alors, comment l’intégration s’est-elle réalisée ? En partie par le
concours de très nombreux sujets. Il est difficile de les citer tous, mais
il est clair qu’il faut conserver présent à l’esprit le rôle des familles et
des associations. L’intégration s’est développée grâce à la pleine adhé-
sion des familles, véritables promotrices de l’intégration. Les grandes
associations de familles – dont deux particulièrement importantes :
l’ANFFAS 4 et l’AIAS tracèrent une forme de « contour social », elles

4. L’acronyme faisait référence aux enfants arriérés : Associazione Nazionale Famiglie


Fanciulli Subnormali.
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Métisser les postures de transformation au sein du territoire


105

établirent un contexte de consensus sur cette question. Les familles


d’enfants non handicapés n’y virent pas d’élément contraire aux droits
relatifs à l’apprentissage et à l’éducation pour leurs propres enfants.
L’intégration fut donc perçue comme une qualité et un droit pour tous.
Avant d’apparaître comme un droit juridique affirmé dans un contexte
législatif précis, il était un droit vécu, un droit de la vie quotidienne.

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Au sein de ces familles réunies en associations, des histoires locales sont
particulièrement signifiantes. Chaque parcelle du territoire italien en
porte la trace, parfois couverte de poussière. Les événements se sont
succédé rapidement, faisant place à d’autres éléments à leur tour inté-
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ressants et importants. Cela se traduit parfois par un simple nom lié à


une initiative : une bibliothèque à laquelle fut donné le nom de per-
sonnages aujourd’hui inconnus mais dont l’histoire nous enseignera
peut-être qu’ils ont réalisé les premiers pas vers l’intégration.
Au côté des familles, ce sont des éducateurs et des enseignants qui
ont organisé des activités (à l’école et hors de l’école) stimulant la ren-
contre, la connaissance et le dépassement de l’exclusion due à la ségré-
gation. Face à la ségrégation observable au sein des instituts et des
écoles spéciales, on développa une activité qui permit la rencontre et
la connaissance de sujets en apparence tous égaux par le simple fait
qu’ils incarnaient les caractéristiques de l’exclusion. Mais, au
contraire, on découvrait des différences de caractère, de capacité et
aussi des différences dans leur besoin : ils n’étaient pas tous égaux et
n’étaient pas caractérisés par un besoin unique et commun. Il fut alors
nécessaire de trouver pour eux des réponses diversifiées.
Partout en Italie, la participation active des éducateurs scolaires et
extrascolaires fut complétée par l’action des responsables communaux,
du point de vue tant politique et technique qu’administratif. De ces
initiatives locales naquirent les expériences les plus novatrices.
Cependant, en interprétant cela dans une certaine logique poli-
tique, on serait démenti par la difficulté à trouver une grande partici-
pation, en comparaison des personnes pourvues d’une identité poli-
tico-administrative claire, des membres de la société italienne chargés
d’une sorte de « mission charismatique ». Les prêtres et les religieuses
s’improvisèrent organisateurs de réseaux de liaison et d’accueil. Par-
tout, on pouvait faire référence à des figures cléricales importantes qui,
sans être des figures novatrices dans le domaine de l’intégration,
étaient liées à leur histoire et à leur passé, notamment dans le domaine
de l’assistance à l’enfance abandonnée. Elles ont développé de ce fait
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Éducation et handicap
106

une capacité d’attraction locale pour éviter que des sujets handicapés
fussent acheminés vers un processus d’institutionnalisation éloigné.
Des dispositifs d’accueil naquirent avec des actions modestes. Pour
quelques-uns d’entre eux, on fut capable de mettre en commun avec
la population locale, notamment laïque, des moyens coopératifs qui
alimentent aujourd’hui encore ce qu’on appelle le troisième secteur.

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Celui-ci a des racines solides au sein d’une réalité intégrative naissante
qui tient son élan du passage de formes de ségrégation à des formes de
participation populaire poussées par des motivations religieuses ou
civiques. D’autre part, un fait important tient à la réelle contribution
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des hommes. Elle fut nécessaire au côté de celle des femmes pour
donner solidité à l’édifice intégratif. Le fait que des hommes et des
femmes travaillent ensemble – la présence masculine n’était pas
« féminisée » – donna consistance à cette réalité de l’intégration.
Des personnes en situation de handicap affirmèrent alors leur pré-
sence visible : les personnes qui publièrent des livres apparurent éga-
lement aux tribunes, firent entendre leur voix (sans même parfois en
être pourvues physiquement…) et trouvèrent un écho important.
Cette possibilité de réalisation de soi apparut pour la première fois
dans l’histoire italienne, peut-être européenne : voir des êtres capables,
d’une manière différente de certains tribuns bruyants du handicap,
d’être actifs, de se relier et d’ouvrir des horizons. Certes, le risque du
militantisme était et reste encore de vouloir occuper le terrain média-
tique en prenant des positions excessives pour conserver une position
avantageuse. Ces risques portent certains caractères positifs et
quelques éléments critiques qu’il serait dangereux de cacher. L’histoire
de cet engagement multiple dans les trois dernières décennies révèle
que les réflexions récentes étaient in corpore vivi, reliées aux événe-
ments. Chacun sentait la nécessité de réfléchir de manière plus appro-
fondie, mais les événements se succédaient rapidement : il fallait
construire, nouer des rapports, être en contact avec cette réalité en
marche. Dans la période que nous évoquons, certaines distinctions
furent établies par le psychiatre Luigi Cancrini 5 qui s’investit par la
suite dans les problèmes de toxicomanie. Il précisa quelques points
fondamentaux à propos des difficultés d’apprentissage et de compor-
tement. Cancrini précisa avec beaucoup de clarté et de pertinence

5. L. Cancrini, Bambini “diversi” a scuola, Torino, Bollati Boringhieri, 1976.


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Métisser les postures de transformation au sein du territoire


107

comment un système de relations au sein de la classe peut générer des


boucs émissaires.
S’agissant des difficultés de communication, il précisa quelques-
unes des situations que la réflexion sur la pragmatique de la commu-
nication faisait vivre en classe sans que nous en ayions une représen-
tation lucide. Luigi Cancrini nous permit alors d’opérer les

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distinctions judicieuses et de ne pas amalgamer sous le terme « diffi-
culté » des situations disparates générant de nouvelles exclusions. Il
nous fit comprendre qu’on devrait surveiller davantage l’exclusion
produite par la ségrégation. D’une certaine façon, la ségrégation
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paraissait vaincue de manière collective : on abandonnait les grands


« fourre-tout » pour commencer à vivre dans les situations réelles, au
sein des familles, avec la possibilité de fréquenter les structures pour
tous, l’école en premier lieu, mais aussi la vie associative et sociale. Il
est alors important de rappeler à quel point la vie sociale, et la vie des
paroisses notamment, n’était pas, par certains aspects, à la hauteur de
la situation. Nous passions, répétons-le, d’une situation d’exclusion
du fait de la ségrégation au risque d’une exclusion plus subtile. On
commença en effet à déterminer les barrières, non seulement archi-
tecturales mais aussi culturelles, qui n’existaient apparemment pas, qui
étaient invisibles mais parfois plus solides et profondes que les bar-
rières matérielles. Après une phase peuplée de pionniers enthousiastes,
les militants de l’intégration étaient gratifiés par leur élan de libéra-
tion, à l’instar de cette figure emblématique de l’histoire de la psy-
chiatrie française : Pinel. À la fin du XVIIIe siècle révolutionnaire,
Pinel, qui libéra les aliénés psychiatriques de leurs chaînes, fut stimulé
par une force gratifiante du fait des retombées immédiates de son
action. Après la période libératrice, les aspects du phénomène à orga-
niser deviennent plus affinés mais aussi plus complexes, plus subtils,
générant des gratifications plus réduites.

DES CORPS SÉPARÉS AUX DROITS CIVILS ÉLARGIS

Une difficulté importante résida dans l’idée qu’on résoudrait tous


les problèmes par la libération. Un membre du gouvernement laissa
exploser sa colère, à l’occasion d’une des nombreuses revendications,
dévoilant le sentiment que le plus gros avait été fait, et que les per-
sonnes handicapées n’avaient plus de crédit à demander encore de
l’aide. Apparut alors la nécessité d’agir avec davantage de délicatesse et
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Éducation et handicap
108

dans l’optique d’une construction pragmatique et stratégique attentive


à trouver des alliances avec tous, à ne pas isoler, à ne pas créer une
sorte de corps séparé de ceux qui « croyaient » en l’intégration. Cela
devait être une question non plus de foi dans l’intégration mais de
droits civils élargis. Il fallait trouver avec plus de spécificité les élé-
ments réciproquement avantageux. On se proposa alors de mettre en

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œuvre les instruments législatifs permettant de progresser dans la suite
des élans collectifs qui ont intéressé toutes les régions d’Italie, au sud et
au nord, régions riches comme régions pauvres. L’Italie, tout entière
mobilisée autour de la mise en ordre, de la programmation et de l’or-
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ganisation de l’intégration, n’a pas vécu ce moment comme le plus gra-


tifiant, pourtant essentiel pour passer de la phase où dominait l’esprit
de pionnier à celle de la mise en œuvre généralisée et opérationnelle.
Nous avons décrit le progrès de l’intégration des sujets en situation
de handicap comme un processus de réseau. Comme cela se passe à
l’intérieur des réseaux neuronaux, il existe des points importants rem-
plissant la fonction de synapse. L’intervalle entre un tronçon et un
autre au sein du réseau n’est pas neutre, il est actif et permet d’arran-
ger les différences sans les atténuer, mais en leur donnant cependant
un sens plus complexe.
Ce rôle a été joué efficacement par d’autres acteurs de l’intégra-
tion. Sergio Neri et Aldo Zelioli, deux inspecteurs du ministère de l’É-
ducation nationale, furent dans ce domaine des personnalités mar-
quantes qui illustrent la notion de synapse au sein d’un réseau. La
fonction de liaison, c’est-à-dire la synapse, consiste à activer des sens
plus complexes en arrangeant les différences, non pas en les atténuant,
mais en soulignant leur caractère constructif. Cette fonction est obser-
vable chez Sergio Neri et Aldo Zelioli, mais nous voudrions pouvoir
la reconnaître chez tous les acteurs de l’intégration. Cette capacité,
éducative et pédagogique, psychologique et sociologique, devrait être
maîtrisée à la fois par les techniciens, opérateurs, membres de la
famille, citoyens et citoyennes, jusqu’aux administrateurs et aux déci-
deurs politiques. En bref, il s’agit d’une capacité à saisir le sens
constructif des différences, à être attentif aux points de référence à
propos desquels réfléchir. L’ordre dans lequel nous hiérarchisons ces
points dépend généralement de notre sensibilité. Il y a, dans l’activité
synaptique, une capacité d’agir sur le cheminement des pratiques, avec
une double perspective : un lien avec la mémoire et une recherche
d’élargissement de l’horizon. Les travaux actuels sont liés à la nécessité
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Métisser les postures de transformation au sein du territoire


109

de faire avancer l’intégration durant toute la vie, et de développer des


propositions à partir de celles déjà en marche pour suivre les proces-
sus de vieillissement des personnes en situation de handicap. À ce
point, on doit répondre à la question posée, tantôt avec angoisse,
tantôt de façon plus sereine, par les familles ; elle peut se résumer
ainsi : « Et après nous ? » Des propositions organisationnelles et repro-

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ductibles variées permettant de ne pas faire obstacle à la reconnais-
sance des histoires individuelles. Elles peuvent faciliter l’intégration
pendant toute la vie. Ce fait, sans doute positif, souligne une respon-
sabilité contemporaine inédite.
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De nombreuses personnes en situation de handicap ne parvien-


nent pas à la vieillesse. Lorsqu’on ne se plaçait pas dans la perspective
de l’intégration, on considérait le vieillissement précoce comme le fait
de passer immédiatement de l’enfance à la vieillesse, c’était un aspect
coextensif du handicap. La confusion et l’indissociation entre déficit
et handicap permettait de vivre n’importe quel alourdissement du
handicap de façon presque imperceptible.
Une deuxième tâche consiste à redéfinir des professions, des for-
mations et des compétences professionnelles. Nous ne pouvons plus
nous contenter des images trop usées. Nous ne pouvons pas non plus
nous satisfaire des fonctions remplies par l’enseignant de soutien.
Cette figure d’éducateur scolaire a eu d’indéniables mérites, mais elle
risque d’être une réponse unique à de trop nombreux problèmes ; elle
peut être un instrument dont la fonction risque surtout d’assurer un
nouveau parcours de recrutement pour une filière scolaire particulari-
sée. Nous avons besoin de mieux définir la profession d’enseignant
spécialisé, et de circonscrire la nébuleuse d’intentions et de résultats
qui a été au principe de la formation des enseignants de soutien chez
qui, à côté des préoccupations de haut niveau, se rencontraient des
buts pécuniaires moins avouables en justifiant des présences bien
rémunérées.
Le troisième travail à accomplir est strictement lié à la possibilité
actuelle de rencontrer des situations de handicap plus rares, nécessi-
tant des études ponctuelles. Nous avons besoin de créer des complé-
mentarités entre des centres importants, transrégionaux et nationaux,
et des situations locales. Dans certaines situations de handicap, les
professionnels locaux n’ayant pas encore acquis une vaste expérience
manquent des ressources nécessaires à l’amélioration de la qualité de
l’offre intégrative. Il est donc essentiel de disposer d’un référent quali-
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Éducation et handicap
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fié, capable de travailler en complémentarité avec les acteurs territo-


riaux. Cette construction de complémentarités a débuté, mais elle
reste à perfectionner afin d’éviter les spéculations hâtives et de limiter
l’aspect parfois mercantile de l’intégration.
Ce sont ces trois chantiers sur lesquels nous devons travailler, en
lien avec d’autres, dans la perspective indiquée par les deux parcours

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professionnels et humains de Sergio Neri et Aldo Zelioli. Il naît de ces
expériences quelques points opérationnels importants que nous tente-
rons de mettre en perspective.
Une des dimensions de l’histoire de l’intégration en Italie a été le
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fait d’impulsions locales qui, comme l’enseignent Neri et Zelioli dans


le travail de synapse, traduit autre chose dont on doit tenir compte :
la dimension villageoise. On observe dans les villages une solidarité
importante. Cependant, dans cet espace, avoir « pris la mesure » d’un
individu génère une souffrance pour l’individu étalonné, et peu
importe qu’elle soit exacte ou inexacte. Seul compte le fait de ne plus
changer cette mesure. Pour ceux qui ont pris de nouvelles responsabi-
lités, ou qui sont apparus sur la scène politique avec un rôle impor-
tant, il y a, de la part des villageois, non seulement l’orgueil mais aussi
la critique tranchante éreintant toute ascension même modeste. Illus-
tration du dicton « nul n’est prophète en son pays », cet élément est
une sorte de « remise à sa place » dont nous tous avons besoin mais
qui, en même temps, rend inacceptable le fait de grandir et de chan-
ger. Dans la réflexion conduite sur les synapses, il faut se montrer
capable de ne pas s’arrêter à ces jugements et de conscientiser le fait
que la rencontre avec les situations de handicap est très souvent une
rencontre difficile, qui ne peut réussir qu’au prix d’un apprentissage et
d’une mobilisation de moyens intellectuels et techniques. Certes, cela
n’est pas toujours simple et il faut parfois se contenter du hasard et de
la proximité des moyens : tempérament et psychologie des acteurs,
culture… Il n’est pas certain que cette perspective soit commune aux
différents parcours des acteurs de l’intégration. Si certains ont débuté
leur engagement éducatif et psychologique avec des personnes en
situation de handicap en étant pourvus d’un certain équipement ins-
trumental et scientifique qui n’a pas été accepté par leur communauté,
d’autres ont eu la possibilité de le remettre en question, de le métisser,
de le nouer avec d’autres méthodologies, avec d’autres instruments.
Les limitations liées au ruralisme empêchent quelquefois de voir ces
changements. En revanche, la réflexion sur la synapse est en mesure
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Métisser les postures de transformation au sein du territoire


111

d’en montrer l’importance, voire de les stimuler. Ainsi, les éléments de


type régressif peuvent être métabolisés au sein d’éléments favorisant
une progression intégrative au sein d’un groupe, voire d’un individu.
Cette opération importante présente des analogies dans l’attitude et
dans l’aptitude requises pour aider un sujet en situation de handicap
à grandir, aptitude valable aux niveaux individuel et institutionnel.

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On comprend alors combien patience et détermination sont
nécessaires pour relier des diversités importantes. Ainsi, Aldo Zelioli,
chargé d’un rôle stratégiquement important au sein du ministère de
l’Éducation nationale, a eu une tâche décisive : il devait élargir les opé-
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rations à partir de l’école jusqu’à la société tout entière en facilitant la


prise de responsabilités grandissante de la part de l’école. Il en fut de
même pour Sergio Neri, chargé du lien avec les diverses municipalités
et les associations. Ces dernières se trouvant dans une telle phase de
croissance, il semblait qu’elle devait être lue uniquement sous le signe
du militantisme. Toute petite association construisait sa légitimité par
opposition aux autres. Toutefois, il fallait le lire non seulement dans
ce sens, mais encore dans le sens de la construction d’un réseau si bien
illustrée par le travail de Sergio Neri. Ces deux personnages de l’inté-
gration constituent à la fois des indicateurs et des témoins d’un par-
cours. Ils n’ont jamais travaillé seuls ; la synapse n’est jamais un élé-
ment isolé, elle est un élément d’un réseau.
En outre, il faut considérer que des conditions historiques pro-
gressives font remonter l’histoire européenne de l’intégration dans une
période comprise entre la moitié du XVIIIe et le début du XIXe siècle,
quand se rencontrent des sensibilités et des personnes en situation de
handicap, et quand commencent à s’entrevoir les possibilités offertes
dans ce domaine par l’éducation. Au sein de cette histoire, il faut
considérer le fait que chaque génération et presque chaque situation
de handicap s’apparente au recommencement d’une découverte, qui
fait penser à un nouveau balbutiement de l’histoire, sans que semblent
influer les expériences précédentes. L’attention que nous appelons
synaptique consiste à ne pas avoir une attitude négative envers ceux qui
se lancent dans le scénario de l’intégration et qui ont parfois la convic-
tion de pouvoir être un élément novateur absolu, tandis qu’ils mar-
chent sur des traces depuis longtemps parcourues. Ce sont la patience
et l’attention nécessaires à l’originalité qui caractérisent les débutants,
tout en les aidant à découvrir le sens plus large de l’intégration, en pri-
vilégiant la dimension de l’écoute et celle de la responsabilité éduca-
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 112

Éducation et handicap
112

tive. Il est essentiel de reconnaître que les horizons sont vastes, de


comprendre, tous ensemble, la valeur d’une multitude qui pense. Il
convient d’éviter l’esprit particulariste qui voudrait faire connaître
l’expérience singulière comme seule valable mais, au contraire, la lier
à d’autres ; c’est le gage de la mise en œuvre d’une diversité de situa-
tions intégratives de qualité. Cet élément atteste une forme de capa-

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cité synaptique. Cette organisation de la pensée liée au moment opé-
rationnel définit l’action synaptique et de réseau. Signifie-t-elle
l’ouverture à l’innovation ? Certainement ! Cependant, elle signifie
aussi lier innovation et conservation en évitant une attitude centrée sur
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les modes pédagogiques. Il s’agit de construire une réelle capacité de re-


parcourir une histoire longue et d’éviter de « la couper en tranches » au
risque d’un séparatisme historique contraire à l’intégration.
Si, au sein du mouvement intégratif, certains éléments novateurs
relativisent les contributions précédentes, ils aident à comprendre
comment les errements des débuts furent prometteurs. Cet élément
est fondamental pour les parcours de réhabilitation. Il s’agit là d’une
contribution résultant de l’avancement d’une prospective dont les
acteurs ont été capables de se tenir parfois à l’écart en jouant un rôle
de liaison extraordinairement vivant.
Voici l’intérêt d’un mode de fonctionnement que nous avons
appelé synapse : savoir demander, et non seulement savoir donner.
C’est un mode qui permet à chacun de devenir actif, de découvrir sa
propre valeur au sein une valeur collective, où chacun et le réseau
social grandissent ensemble.
Toujours, il nous faut repenser les organisations humaines, passer
de l’intention aux actes, de l’expérience pionnière à la généralisation,
telles sont les exigences qu’imposent aussi les systèmes scolaires. Pre-
nons-en maintenant la mesure au Québec, avec Marjolaine Saint-
Pierre.
REPENSER LE TERRITOIRE, PENSER L'ORGANISATION
Marjolaine Saint-Pierre

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 113 à 121


ISBN 978274920369
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03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 113

Marjolaine Saint-Pierre

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Repenser le territoire, penser l’organisation
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Le système éducatif québécois souffre d’une désertion croissante


au niveau secondaire. En effet, le phénomène du décrochage scolaire
constitue un handicap socio-éducatif ne cessant de prendre de l’am-
pleur de façon alarmante. Les élèves « décrocheurs », en nombre gran-
dissant, sont très souvent confrontés à des carences de divers ordres :
sociaux, familiaux, cognitifs, socio-affectifs, économiques, voire psy-
chologiques, elles-mêmes qualifiées de handicaps. Orienté par une
volonté ferme d’action et d’intervention afin de réduire la diminution
du nombre d’étudiants durant leur parcours d’études et de favoriser la
scolarisation de tous, le gouvernement québécois a préconisé une
approche politico-organisationnelle axée sur les résultats pour renfor-
cer la démarche pédagogique actuellement en refonte. La réussite édu-
cative englobe dorénavant tous les acteurs scolaires (directeur d’éta-

Marjolaine SAINT-PIERRE, professeure en administration scolaire, université Uqam,


Canada.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 114

Éducation et handicap
114

blissement, personnel enseignant, spécialistes, services sociaux et de


santé) et tous les services en lien direct ou indirect avec l’école. Dans
ce contexte, les gestionnaires pédagogiques et administratifs sont
directement interpellés et apparaissent comme une pierre angulaire du
système éducatif. Ils sont des partenaires essentiels à la réussite éduca-
tive, enjoints de constamment tenir compte des nouveaux défis édu-

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catifs. Ils évoluent toutefois dans un climat de mouvance organisa-
tionnelle difficilement saisissable et sont peu outillés face à l’enjeu de
la réussite éducative, qui s’ajoute aux impératifs de la collaboration, du
partenariat et de la concertation à l’intérieur des établissements sco-
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laires. La réforme de la gestion, née en 1997, poursuit son implanta-


tion. Ce nouveau type de gestion des écoles, visant en grande partie à
contrer le décrochage scolaire, oblige donc à une reconceptualisation
du rôle de l’école québécoise et de ses personnels. Ainsi, au plan théo-
rique, certains auteurs relient détresse scolaire et comportement orga-
nisationnel. Acker, Inzirillo et Lefebvre (2000), Pollack (1999) insis-
tent sur le lien entre la réussite éducative et l’organisation de l’école.
Sergiovanni et al. (1999), Crozier et Friedberg (1977), Derouet et
Dutercq (1997) prétendent que l’administration scolaire a été influen-
cée par les courants enracinés dans les concepts d’efficience, d’équité,
d’excellence et de choix. Certains considèrent l’importance du
contexte scolaire comme le lieu multiple où l’incertitude et le change-
ment non prédictible sont constants, où l’organisation se développe
en termes de partenariat entre les acteurs, où les réseaux intégrés sans
frontières dominent, et où les relations de confiance et de respect
mutuel s’établissent. Dans cet esprit, la planification stratégique visant
antérieurement des objectifs d’ordre organisationnel se double d’une
mission socio-éducative permettant d’anticiper l’atteinte d’objectifs
propres à contrer le décrochage scolaire. Cette démarche déjà com-
plexe dans le milieu de l’entreprise se complexifie en milieu scolaire
compte tenu principalement de deux dimensions : l’une d’ordre poli-
tique, l’autre d’ordre organisationnel. Le texte aborde ces deux dimen-
sions sous l’angle de l’action et de l’intervention mises en place par le
processus de planification stratégique.

ACTION ET DIMENSION POLITIQUE

L’action dans le domaine de l’administration publique, donc en


éducation, en suppose une représentation juste. On doit reconnaître
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 115

Repenser le territoire, penser l’organisation


115

que l’administration publique a été l’objet de transformations affec-


tant de multiples secteurs : économique privé et public, politique,
social, culturel, technologique, managérial. Cette nouvelle réalité a
généré des lois inédites pour la gestion publique. Destinées à assurer
l’imputabilité, la transparence et la reddition de compte, ces législa-
tions ont appuyé le mouvement de décentralisation administrative en

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tentant de développer la gestion partenariale et les compétences des
gestionnaires publics. Au niveau international, la Grande-Bretagne
(The Next Steps), la Nouvelle-Zélande (décentralisation massive), la
France (Comité interministériel pour la réforme de l’État/CIRÉ), l’Al-
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lemagne (gestion de la qualité/GQ), les États-Unis (National Partner-


ship for Reinventing Government/NPR/Rapport Gore), le Canada
(Fonction publique 2000), l’Alberta (Deficit Elimination Act), l’Onta-
rio (Accountability Directive), et le Québec (la loi sur l’administration
publique/projet de loi 82 de mai 2000) ont inscrit la performance
comme critère essentiel d’une gestion publique saine et ont favorisé
une approche d’action et d’intervention orientée par la gestion par
résultats (Leclerc, 2001). Dans ce contexte politique, en décembre
2002, le ministère de l’Éducation du Québec a modifié la loi de l’ins-
truction publique suite au projet de loi 124 afin d’être en accord avec
le nouveau cadre de gestion, axé sur l’atteinte de résultats et sur le
concept d’imputabilité. En amont de cette législation, dès 2000, le
ministère de l’Éducation, par la présentation de son plan stratégique
2000-2003, reconduit pour 2003-2006, avait déjà montré sa volonté
de contrer le décrochage scolaire par l’implantation, dans les commis-
sions scolaires et les établissements scolaires, d’une gestion axée sur les
résultats.
Plus spécifiquement, la persévérance et la réussite de l’ensemble
des élèves à tous les ordres (préscolaire/primaire, secondaire, collégial
et universitaire) furent préconisées et toutes les instances intéressées
par l’éducation furent interpellées avec l’obligation de souscrire au
processus de planification stratégique à tous les paliers du système sco-
laire québécois. On trouve, entre autres, au niveau des plans d’action
pédagogique, les références au document « Agir autrement », destiné
au niveau secondaire. Au plan de la gestion, c’est le document « Plan
stratégique du MEQ 2003-2006 » qui est utilisé tandis qu’au plan de
la recherche, le « Programme de recherche sur la persévérance et la
réussite scolaires » est en vigueur. L’un de ses axes de recherche traite
spécifiquement des approches de gestion, de formation et d’évaluation
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 116

Éducation et handicap
116

institutionnelle et pédagogique (MEQ, 2002). Bien que, sous un angle


fonctionnaliste, elle apparaisse relativement simple, réalisable et réa-
liste, la gestion axée sur les résultats devient complexe à mettre en
œuvre lorsqu’on doit l’inscrire dans un contexte de gestion participa-
tive ou partenariale comme le préconise la loi dans ses attendus rela-
tifs à la décentralisation.

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ACTION ET DIMENSION ORGANISATIONNELLE

Il convient de mentionner dans le contexte québécois que l’action


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et l’intervention éducative doivent être réalisées en prenant en compte


deux dimensions fondamentales pour la gestion scolaire : la participa-
tion et l’imputabilité, encore peu développées dans la culture organi-
sationnelle de l’établissement et du système scolaire général. Ces deux
domaines impliquent l’implantation de deux structures, l’une de
l’ordre de la formation, l’autre de celui des modèles de gestion. Ainsi,
la volonté politique d’orienter la gestion vers une approche centrée sur
les résultats a eu comme conséquence immédiate pour l’ensemble du
système éducatif la redéfinition des rôles et des modes d’intervention
des acteurs scolaires (directeurs, enseignants, parents…). Le renouvel-
lement de la gestion a donc exigé l’amplification de la formation des
directeurs d’établissements scolaires, rendant obligatoire l’obtention
d’un diplôme de second cycle en gestion scolaire pour toute personne
désirant devenir directeur(rice) d’établissement scolaire. Cette obliga-
tion de formation fit suite à un arrêté ministériel de 2001. Cette for-
mation universitaire, en plus de fournir les cadres de référence et les
études empiriques propres à aider le gestionnaire dans sa tâche de
direction d’école, permet aux individus en formation d’être instruits
des nouveaux modes de gestion préconisés par le MEQ, parmi lesquels
figure la gestion par résultats.
La gestion axée sur les résultats repose sur trois éléments organisa-
tionnels interdépendants : le plan stratégique, le plan de réussite et le
projet éducatif. Dans ce nouveau cadre de gestion, il est devenu impé-
rieux de mettre en évidence les handicaps scolaires propres à chaque
région québécoise. Le décrochage scolaire constitue un obstacle impor-
tant à l’efficacité du système scolaire, tenu de favoriser la réussite pro-
fessionnelle et personnelle des futurs adultes et de contrer les effets
néfastes d’une sous-diplômation : chômage, détresse psychologique,
manque de main-d’œuvre qualifiée. La planification stratégique vise
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 117

Repenser le territoire, penser l’organisation


117

Phase préalable Phase A Phase B Phase C

Mise en contexte Analyse de la situation Plan de réussite Révision


de l’école Actualisation

Bloc I Bloc II Bloc III Bloc IV Bloc V

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Sensibilisation Diagnostic et recueil Objectifs Obstacles Indicateurs Évaluation
et conscientisation de données et moyens

Caractéristiques Attentes de la
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communauté

À l’interne Apprentissage

À l’externe Cheminement

Tableau 1. La planification stratégique et le plan de réussite.


Modèle intégrateur (tous droits réservés : M. Saint-Pierre)

notamment à enrayer le décrochage scolaire, afin d’éviter la margina-


lisation d’une partie de la population adulte pouvant potentiellement
être infériorisée économiquement et socialement. Le Québec s’em-
ploie donc à outiller le système scolaire d’instruments inscrits dans le
cadre de l’apprentissage organisationnel visant l’amélioration
constante l’organisation par les processus d’amélioration continue et
de réingénérie tels que ceux définis par Atkinson (GRSP 04-17).
Ainsi, le processus de planification stratégique englobe les trois
paliers scolaires. Au niveau national, on retrouve le ministère de l’É-
ducation qui, dès 2000, a déposé un plan stratégique provincial dans
lequel est inscrite l’orientation de la gestion axée sur les résultats,
entrée en vigueur en 2003 pour toutes les commissions scolaires qué-
bécoises. Elles devront à leur tour élaborer leur plan stratégique au
niveau régional en accord avec les plans de réussite des établissement
scolaires du niveau local. Le modèle intégrateur des phases du cycle de
la gestion axée sur les résultats permet de saisir la complexité de la
démarche de planification stratégique. Ce modèle intégrateur
(tableau 1) propose quatre phases : la mise en contexte ; l’analyse de la
situation de l’école ; l’élaboration du plan stratégique ou de réussite ;
l’évaluation.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 118

Éducation et handicap
118

Chacune de ces phases ne peut être considérée indépendamment


de l’autre. Abordées dans une approche systémique, ces étapes consti-
tuent un processus évolutif en redéfinition constante, où l’identifica-
tion des composantes inhérentes à chacun des blocs ne peut jamais
être appréhendée comme définitive. En effet, la planification straté-
gique ne peut être conçue de manière linéaire et causale, car elle per-

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drait toute cohérence face à la complexité de la réalité scolaire dans ses
dimensions pédagogiques et organisationnelles.
La phase de mise en contexte (bloc I) ne fait toutefois pas partie
de la démarche proposée par le ministère de l’Éducation aux niveaux
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régional et local, mais si l’on se réfère au modèle de Bryson (1996,


dans Soubrier, 2000) elle constitue une phase de mobilisation des pro-
moteurs et des participants à la démarche où, par les rencontres explo-
ratoires, le but du processus, les étapes à suivre et le rôle des membres,
l’état des ressources sera exploré (Soubrier, 2000). Cette étape a été
volontairement placée en début de la démarche prescrite par le minis-
tère de l’Éducation lors de la tenue de séances de formation auprès de
directeurs d’établissements scolaires. Elle concrétise en effet la volonté
d’une démarche de gestion participative définie dans la loi de l’ins-
truction publique québécoise.
La phase d’analyse de la situation de l’école (bloc II) constitue le
lieu et le moment du diagnostic des forces et des faiblesses de l’école.
Selon Bryson (1996), cette phase de détermination des problèmes
stratégiques permet de saisir la réalité contextuelle de l’établissement
et de définir les éléments cruciaux à privilégier. Cela est rendu possible
par l’identification des caractéristiques du milieu, aux niveaux interne
et externe d’une part, au niveau des attentes de la communauté
d’autre part. Elle constitue l’étape majeure de la formulation de la
stratégie la plus adaptée à la réussite du projet éducatif de l’établisse-
ment scolaire.
La phase spécifique d’élaboration de la stratégie, qualifiée au
Québec par les termes de formulation du plan de réussite, est consti-
tuée de deux blocs : le bloc III traitant des objectifs à atteindre en
termes d’intention ou d’objectifs réalisables tout en prenant en
compte les obstacles potentiels ou réels ; le bloc IV, identifiant les indi-
cateurs de performance et les moyens envisagés pour la mise en œuvre
du plan. Toutefois, l’identification des indicateurs de performance
s’avère être une tâche difficile pour les milieux scolaires critiquant les
données quantitatives comme étant peu révélatrices de la complexité
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 119

Repenser le territoire, penser l’organisation


119

des réalités éducatives et scolaires québécoises. Il est en effet difficile


de transposer des indicateurs de performance de l’industrie dans l’uni-
vers pédagogique. Morin, Savoie et Beaudin (1994, cités dans Morin,
2002) ont en effet inventorié quatre dimensions aux indicateurs de
performance. Nous pourrions nous y référer afin d’alléger la tâche des
directeurs d’établissement lors de cette opération. Il s’agit de la péren-

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nité de l’organisation, de l’efficacité économique, de la valeur des res-
sources humaines et de la légitimité de l’organisation auprès des
groupes externes. Toutefois, nous sommes forcés d’admettre la difficile
application de cette catégorisation organisationnelle au milieu de
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l’éducation. Le ministère de l’Éducation a donc fourni une liste d’in-


dicateurs observables et mesurables auxquels les directeurs généraux
des commissions scolaires et les directeurs d’établissement peuvent se
référer. La dernière phase centrée sur la révision et l’actualisation du
plan stratégique ou du plan de réussite consiste en l’évaluation des
résultats obtenus et des stratégies utilisées. Cette phase (bloc V),
comme celle de la réalisation du plan (bloc IV), relève de la gestion
proprement dite de l’établissement scolaire (Bryson, 1996).

DÉCENTRALISATION ET LEADERSHIP SCOLAIRE

Cependant, le succès d’une telle stratégie organisationnelle sup-


pose une approche de gestion participative, voire partenariale. Elle est
inscrite dans la loi de l’instruction publique (LIP article 74, amendée
en 2002) par l’affirmation des pouvoirs d’une instance politique
locale appelée « conseil d’établissement » (CE). Sa responsabilité
consiste à analyser la situation de l’école dans le cadre de l’élaboration
du projet éducatif. Cette même analyse devra être considérée par tous
les acteurs scolaires comme point de départ de l’élaboration du plan
de réussite. Malgré le rôle du directeur formellement défini dans la
LIP comme coordonnateur du projet éducatif et du plan de réussite,
il reste que ce dernier doit démontrer un leadership participatif et
transformationnel essentiel aux périodes de décentralisation politique
et organisationnelle.
De nombreux pays tels que le Canada sont actuellement
conscients des nouveaux défis issus des nouvelles approches pédago-
giques et administratives incombant aux directeurs d’établissements
scolaires. Les gouvernements de Hong Kong, de Chine, d’Australie,
d’Écosse, d’Angleterre et de Thaïlande, notamment, travaillent à four-
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 120

Éducation et handicap
120

nir aux leaders scolaires la formation et les outils nécessaires à la mise


en œuvre des politiques éducatives et à l’amélioration de la qualité de
l’éducation (Ho-Ming et Kam-Cheung, 2001). Les leaders éducatifs
australiens et canadiens doivent développer un coleadership permet-
tant la construction de relations positives favorables à l’engagement et
la prise de décision en concertation (Boardman, 2001 ; Mulford et al.,

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2001). Il convient que le style de gestion consultatif se développe pour
permettre la décentralisation, affirme le gouvernement de Malte (Bez-
zina, 2002), rejoignant en cela les préoccupations sud-africaines face à
l’action et aux interventions du directeur d’établissement scolaire sou-
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cieux de gérer la décentralisation en éducation (Mestry et Gro-


bler, 2002). Le processus de planification stratégique face au défi de la
réussite éducative rejoint trois orientations organisationnelles liées. La
première vise l’identification et la valorisation de la mission éducative
en lien direct avec la diminution des handicaps scolaires. La seconde
propose d’inscrire le mode de gestion participative comme élément
central du processus de décentralisation administrative en éducation.
La dernière ajoute un élément nouvellement inscrit dans le cadre de la
gestion publique : l’imputabilité et la reddition de compte à tous les
niveaux du système éducatif.
En conclusion, nous constatons que la démarche de planification
stratégique initiée par le gouvernement québécois, propulsée vers les
commissions scolaires et les établissements, est un exercice de priori-
sation des handicaps ciblés, de cohérence et d’interventions intégrées
(santé, éducation, loisir…). L’élément central de cette démarche
demeure la volonté politique nationale enchâssée dans la loi sur l’ad-
ministration publique (loi 82) et la loi de l’instruction publique amen-
dée en 2002. Cette dernière confère une place prépondérante à la mis-
sion éducative qui constitue l’élément fondamental devant rallier
l’ensemble des acteurs scolaires.
Suite à ces législations, le système scolaire québécois, soucieux
d’assurer la cohérence entre les paliers politique et organisationnel en
éducation, est tenu d’adhérer au processus de planification national. Il
lui importe donc de cibler les handicaps ou les obstacles qui auront été
identifiés par les divers partenaires scolaires lors de l’analyse de l’envi-
ronnement interne et externe de la commission scolaire ou de l’éta-
blissement. Ces cibles permettront l’amélioration de la réussite éduca-
tive par l’élaboration de leur projet éducatif et de leur plan de réussite
respectifs. Nous constatons que le leadership initié au niveau central
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 121

Repenser le territoire, penser l’organisation


121

pour la mise en place d’un processus de planification stratégique favo-


rise l’émergence d’un leadership au niveau de l’établissement scolaire.
Celui-ci exige d’être partagé par l’ensemble de la communauté éduca-
tive dans un processus de gestion participative. Ce nouveau mode de
gestion met en lumière un changement paradigmatique organisation-
nel. Il sous-tend une gestion de la complexité des organisations sco-

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laires où la transparence et l’engagement des acteurs sont essentiels.
Dans ce contexte de planification stratégique et de gestion démo-
cratique, où le concept de cohérence est essentiel, il devient impératif
de se préoccuper des processus d’évaluation et de reddition de compte.
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Le souci de transparence les justifie car la démarche vise à démontrer


que les actions et les interventions initiées ont engendré une diminu-
tion réelle des handicaps. En regard de ce processus, les gestionnaires
doivent attester leurs compétences de leader afin d’assurer l’efficacité
et l’efficience des actions entreprises pour la réussite éducative de tous
les élèves québécois.
Après avoir analysé la complexité des nouvelles perspectives pour
l’organisation scolaire, tournons-nous vers ces mondes de l’école, par-
fois enchevêtrés, ceux qu’expose Jean-Marc Lesain-Delabarre, en
France, mais qui sans aucun doute peuvent être transposés dans
d’autres contextes.
SCOLARISER UN ENFANT HANDICAPÉ : DE LA CONFRONTATION À
LA RENCONTRE DES UNIVERS
Jean-Marc Lesain-Delabarre

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 123 à 135


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ISBN 978274920369
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Jean-Marc Lesain-Delabarre

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Scolariser un enfant handicapé :
de la confrontation
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à la rencontre des univers

Cette contribution part des principes qui prévalent au plan inter-


national, en matière d’éducation et de scolarisation des enfants handi-
capés (Lesain-Delabarre, 2002) et de politiques au bénéfice des special
educational needs children (Plaisance, 1999) : respect fondamental du
droit des personnes ; égalité des chances ; non-discrimination sociale ;
subsidiarité ; participation ; codécision, empowerment (Mériau, 2003),
accessibilité ; coéducation ; mainstreaming ; inclusion ; normalization,
welcoming. Plusieurs idées forces sont évoquées, qui rendent compte
des évolutions de ces trente dernières années : refus de la psychiatrisa-
tion ou de la médicalisation systématique des troubles ; évaluation de
la qualité des prises en charge et des services rendus ; nécessité de
garantir la qualité des enseignements ; passage d’une logique de prise
en charge à une logique de prise en compte ; réaffirmation des droits
des usagers et de leur famille ; facilitation de leur participation au pro-

Jean-Marc LESAIN-DELABARRE, Centre national d’études et de formation pour l’enfance


inadaptée (CNEFEI) de Suresnes.
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Éducation et handicap
124

cessus éducatif ; dénonciation des situations de maltraitance ; promo-


tion de la bientraitance (Detraux, 2002).
Bien que la France ait connu des évolutions sensibles en matière
de scolarisation des enfants handicapés, que l’on peut scander autour
de trois étapes de la production législative et réglementaire entre 1975
et 2003 (Lesain-Delabarre, 2003), force est de constater que de nom-

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breux facteurs viennent limiter la dynamique engagée. Partant de plu-
sieurs recherches conduites sur les résistances et les obstacles au pro-
cessus intégratif, et sur les stratégies des professionnels et des parents
pour les prendre en compte, ce texte propose de compléter ces travaux
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par une approche des argumentations développées par les protago-


nistes du processus d’intégration scolaire. Cette approche est fondée
sur la transposition des travaux de Boltanski et Thévenot (1991) rela-
tifs à la sociologie des régimes d’action. L’hypothèse heuristique pré-
sentée porte sur la distinction entre six problématiques de l’école, dont
on postule qu’il est possible de repérer la présence dans la variété des
argumentations développées pour favoriser ou contenir l’intégration
scolaire des enfants handicapés : école domestique ou encore école tra-
ditionnelle ; école de la norme ou des didactiques ; école citoyenne ou
école pour tous ; école inspirée ou alternative ; école de la renommée
ou de la réputation ; école marchande ou de la contrepartie.
Plusieurs principes prévalent actuellement au plan international,
en matière d’éducation et de scolarisation des enfants handicapés
(Lesain-Delabarre, 2002c). Certains principes sont généraux, d’autres
sont spécifiques aux politiques au bénéfice des special educational needs
children (Plaisance, 1999), certains sont explicitement présents dans
les textes ayant fait l’objet d’un vote au plan européen ou au plan
mondial, d’autre sont sous-jacents aux débats. En matière de politique
générale, on retiendra : respect fondamental du droit des personnes ;
égalité des chances ; non-discrimination sociale ; subsidiarité ; partici-
pation ; codécision, empowerment (Mériau, 2003). En matière de sco-
larisation des enfants à besoins éducatifs spécifiques, ces principes sont
les suivants : accessibilité ; coéducation ; mainstreaming ; inclusion ;
normalisation, welcoming.
Il faudrait ajouter quelques idées forces :
– refus de la psychiatrisation ou de la médicalisation systématique des
troubles ;
– évaluation de la qualité des prises en charge et des services rendus ;
– nécessité de garantir la qualité des enseignements ;
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Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation à la rencontre des univers


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– passage d’une logique de prise en charge à une logique de prise en


compte ;
– promotion des droits des usagers et de leur famille ;
– participation des familles au processus éducatif ;
– volonté de dénoncer les situations de maltraitance, et de favoriser
diverses formes de bientraitance, etc.

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Dans bien des cas, scolariser un enfant en situation de handicap va
conduire à une confrontation des univers de représentations des divers
interlocuteurs. Cette confrontation engendre ou réactive de nom-
breuses tensions, fait apparaître de nombreux écarts. Elle peut aussi,
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sous certaines conditions, se résoudre en la construction raisonnée


d’un bien commun, offrant aux parents, aux enseignants, aux profes-
sionnels, aux bénévoles et aux élèves, l’occasion d’exprimer leurs posi-
tions et de les faire évoluer.

ÉTAPES PRINCIPALES DE LA MARCHE


VERS L’INTÉGRATION SCOLAIRE EN FRANCE

Sur le plan des transformations du cadre législatif et réglementaire,


on peut évoquer trois étapes principales des évolutions vers une prio-
rité toujours plus nette donnée à l’intégration scolaire, fournissant des
points d’appui aux revendications en la matière.
1. De 1975 au début des années 1980, la précision des cadres
réglementaires de l’intégration scolaire : inscription dans la loi
d’orientation du 30 juin 1975 de l’obligation faite à la nation de favo-
riser l’accès du mineur handicapé aux institutions ouvertes à l’en-
semble de la population – le terme d’intégration n’est pas encore
employé, mais le concept est bien présent ; définition des cadres régle-
mentaires d’une politique d’intégration scolaire (circulaires du 29 jan-
vier 1982 et du 29 janvier1983).
2. De la fin des années 1980 au milieu des années 1990, la relance
de la politique d’intégration : affirmation des principes d’une prise en
charge combinant soins, éducation spécialisée, scolarité, fondée sur la
reconnaissance des besoins des usagers et de leur famille (décrets du
22 avril 1988 et du 27 octobre 1989 ) ; réaffirmation du droit à l’école
pour tous (loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation) ; créa-
tion des classes d’intégration scolaire (CLIS) dans le premier degré des
enseignements (18 novembre 1991) ; création des unités pédago-
giques d’intégration (UPI), dans le second degré (17 mai 1995).
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Éducation et handicap
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3. Depuis la fin des années 1990, l’accélération et la généralisation


prudente du processus d’intégration scolaire : définition par le conseil
national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) de vingt
mesures « pour améliorer la scolarisation des enfants et adolescents
handicapés » (1999) ; création des groupes de coordination départe-
mentaux « Handiscol » (19 novembre 1999) permettant aux parte-

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naires, dont les représentants des parents, de formuler des recomman-
dations ; rappel que la scolarisation est un droit et l’accueil des élèves
handicapés un devoir (circulaire du 19 novembre 1999) ; mise en
place de mesures favorisant l’intégration individuelle et collective dans
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le second degré (circulaires du 21 février 2001) ; réaffirmation d’une


volonté de promotion de la personne et de ses droits (loi du 2 janvier
2002) ; affirmation d’une exigence d’évaluation de la qualité des ser-
vices rendus par les institutions sociales et médico-sociales dans cette
perspective ; présentation synthétique des dispositifs d’aide et d’inté-
gration dans le premier et le second degrés, et de la philosophie qu’ils
incarnent (circulaire du 30 avril 2002).
La rénovation en cours de la loi 75-534 d’orientation en faveur des
personnes handicapées ne manquera pas de conforter le processus
d’intégration engagé, et d’en étendre la portée.
Mais aujourd’hui, comment rendre compte de la dynamique par-
ticulière du processus de scolarisation des enfants handicapés en
France ? Le volant de recherches que je conduis actuellement part du
fait que, presque trente ans après la promulgation de la loi 75-534 du
30 juin 1975, l’intégration scolaire des enfants handicapés en France
demeure en deçà de ce qu’elle pourrait être. La scolarité demeure une
forme seulement de leur éducation, et l’intégration scolaire indivi-
duelle à temps plein une forme seulement de l’intégration. Il est rai-
sonnable de penser que la confrontation des univers prime encore sur
leur convergence raisonnée. Malgré les évolutions constatées (Études et
résultats, n° 216, 2003), une minorité – certes en réelle croissance –
d’enfants et de jeunes gens d’âge scolaire profite d’une intégration
individuelle pleine et entière dans les classes ordinaires, une partie des
enfants handicapés bénéficiant de mesures d’intégration collective, de
formes diverses d’intégration à temps partiel, ou demeurant dans le
secteur spécialisé à distance de la scolarité banale (Mège-Courteix,
Lesain-Delabarre, 1998 ; Langouet, 1999 ; Gâteaux-Mennecier,
Mège-Courteix, 1999 ; Gossot et al., 1999). Il s’agit donc, pour le
chercheur, de tenter de rendre compte de la relative lenteur de l’évo-
lution vers une école inclusive.
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Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation à la rencontre des univers


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Je cherche principalement à comparer et à élucider, selon le statut


des protagonistes, les positions prises, les argumentations déployées,
les représentations principales et accessoires mobilisées, soit pour aller
dans le sens d’une intégration scolaire, soit au contraire pour en défi-
nir des limites et en contenir les effets estimés pervers. Après avoir
cherché à identifier les principaux obstacles et résistances au processus

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d’intégration scolaire, puis à repérer les stratégies d’innovation top
down, bottom-up et side to side mises en œuvre par des opérateurs
sociaux distincts (Lesain-Delabarre, 2000, 2001), il semble nécessaire
de mieux cerner la variété des conceptions de l’école mobilisées, et la
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façon dont se construisent des positions de compromis, entre des


acteurs aux vues et aux intérêts qui ne sont ni identiques, ni sponta-
nément convergents.

STRATÉGIES D’INTÉGRATION :
LES ANALYSES EXPERTES DES PROFESSIONNELS

Une recherche exploratoire par élaboration progressive (Lesain-


Delabarre, 2002a) conduite auprès de 264 professionnels (directeurs
d’établissements et de services d’éducation spécialisée, secrétaires de
commissions, psychologues, rééducateurs, enseignants spécialisés…)
a permis de faire ressortir des éléments favorables à la réussite de l’in-
tégration scolaire, individuelle ou collective, d’enfants et d’adoles-
cents handicapés. Une recherche utilisant le même protocole auprès
de 666 professionnels en a confirmé les principales conclusions.
Dix registres principaux ont permis de regrouper par unité thé-
matique les 262 items différents recueillis. Ils renvoient à des caracté-
ristiques généralement présentes lorsque des intégrations « fonction-
nent » :
– le volontariat (volonté d’intégration de la part de l’équipe ensei-
gnante, des parents des enfants handicapés, des enfants handicapés
eux-mêmes mais aussi des enfants « tout venant » et de leurs parents ;
volonté de construire une adhésion de la part des hiérarchies concer-
nées, etc.) ;
– la coopération entre différentes instances et la volonté de contrac-
tualiser les coopérations (définition de cadres, de calendriers, de
modalités de travail permettant aux partenaires de se rencontrer ;
développement de la collaboration entre institutions a priori « concur-
rentes » ; association des familles chaque fois que cela est envisageable ;
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Éducation et handicap
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définition conventionnelle des possibilités d’évolution, d’interrup-


tion, d’arrêt de l’intégration, etc.) ;
– la sensibilisation et la dédramatisation (sensibilisation de tous les
personnels ; banalisation de l’intégration dans l’école, dans le collège ;
communication à tous les niveaux et en direction de tous les
acteurs…) ;

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– l’aménagement réaliste des situations et la prise en compte des
contextes (aménagement matériel et équipement des locaux ; accessi-
bilité, mais aussi recherche d’objectifs atteignables ; acceptation des
échecs relatifs ; prise en compte de l’ensemble des contraintes et des
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possibilités liées aux locaux, aux personnels, aux compétences pré-


sentes ou susceptibles d’être rapidement acquises, etc.) ;
– la préparation de l’intégration (par exemple, permettre qu’un temps
important soit consacré aux rencontres préalables, être attentif aux
caractéristiques des locaux ; favoriser un temps d’essai ; mettre en
place un dispositif de suivi ; faire figurer l’enfant intégré sur la liste des
élèves de l’école intégrante chaque fois que cela s’avère possible, etc.) ;
– la mobilisation d’une variété de ressources et de soutiens (utilisation
et mise en place de tous les dispositifs et des multiples possibilités, tels
les auxiliaires d’intégration, les emplois jeunes, les éducateurs sco-
laires, les enseignants de soutien itinérants ; désignation d’une per-
sonne-ressource référent du projet d’intégration ; recherche des
moyens, notamment financiers, permettant la meilleure implication
de tous, etc.) ;
– l’individualisation de chacun des projets (différenciation des objec-
tifs pour chaque cas ; attention soutenue aux acquis, aux difficultés ou
aux régressions de l’enfant dans les situations d’intégration à temps
partiel ; refus d’une méthode a priori, modularité des horaires et évo-
lutivité des emplois du temps…) ;
– la formation des personnels (sensibilisation, voire formation initiale,
de tous les personnels de l’enseignement ordinaire ; formation conti-
nue des personnels volontaires, en particulier dans le second degré ;
formation commune de personnels qui ont à travailler ensemble ;
dégagement de temps et de moyens financiers pour l’autoformation,
etc.) ;
– la globalité de la démarche (une volonté d’intégration qui dépasse le
seul premier degré ; un projet d’ensemble qui mette en lien établisse-
ments spécialisés, services, établissements scolaires ordinaires, écoles,
collèges, voire lycées, etc.) ;
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Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation à la rencontre des univers


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– l’évaluation de l’ensemble du dispositif (évaluation formative du


processus d’intégration, mise en place d’une évaluation externe asso-
ciant notamment les CDES, etc.).

UNE APPROCHE DES STRATÉGIES PARENTALES

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Mes travaux récents portent par ailleurs sur les stratégies parentales
mobilisées pour favoriser l’intégration scolaire, stratégies dégagées à
partir d’entretiens semi-directifs auprès de parents ayant réussi à pro-
mouvoir l’intégration d’enfants et d’adolescents lourdement handica-
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pés (Lesain-Delabarre et Garel, 1999b ; Garel et Lesain-Delabarre,


1999 ; Lesain-Delabarre, 2002b).
Pour reprendre et transposer des hypothèses développées par Per-
renoud (1984), il y a quelque chose comme un « métier d’élève » et,
par extension, un « métier de parent » qui s’apprend, de façon large-
ment empirique, permettant de donner un peu plus de poids aux exi-
gences d’adaptation et de différenciation que suppose la scolarisation
d’un enfant handicapé.
Dans le monde du handicap de l’enfant, si l’on rencontre des
familles attentistes, voire résignées et démobilisées, bien des parents se
battent pour que leurs ambitions éducatives trouvent un écho dans
l’école en général, et auprès de tous ceux qui ont en main les moyens
d’une évolution de leur enfant.
Cette visée rencontre trois enjeux :
– privilégier, en toutes occasions, l’enfant handicapé en tant que per-
sonne, et donner la priorité à sa promotion, à son développement ;
– susciter l’implication des enseignants, et au-delà, de tous ceux qui
peuvent contribuer à la réussite de leur enfant ;
– obtenir la reconnaissance de leurs propres compétences, en tant que
parents, et de la compétence de tous ceux dont l’intervention peut,
directement ou indirectement, être bénéfique à l’enfant.
Cinq registres d’activités stratégiques parentales ont été dégagés
des entretiens conduits :
– connaître les éléments influant sur les prises de décision qui peuvent
affecter un enfant handicapé scolarisé ;
– développer des contacts avec divers interlocuteurs, dont le rôle
envers l’enfant peut être important, pour permettre une information
mutuelle ;
– construire des systèmes d’alliance pour négocier en position favorable ;
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Éducation et handicap
130

– infléchir les décisions dans le sens souhaité et obtenir des aménage-


ments de situations ;
– instaurer et maintenir un réseau de solidarité.
Il est apparu qu’un aspect important du « métier » de parent
d’élève handicapé relève non pas du type d’activités qui sont effec-
tuées, mais plutôt de la manière dont elles le sont. Quelques attitudes

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ont ainsi une importance particulière : oser s’exprimer et argumenter
dans des contextes intimidants, par exemple lors d’une réunion de la
CDES ; demeurer vigilant ; suivre particulièrement l’utilisation des
moyens spécifiques (humains, techniques et financiers), de leur pré-
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conisation à leur utilisation effective ; se montrer pugnace à l’occa-


sion ; être persévérant, ce qui suppose de ne pas se laisser envahir par
les émotions qui détourneraient du but poursuivi ; s’efforcer d’être
lucide ; moduler son insistance à obtenir satisfaction, c’est-à-dire éva-
luer le seuil de pression à ne pas dépasser auprès de professionnels qui
peuvent être agacés par les sollicitations récurrentes des familles, et
céder éventuellement sur certains points pour ne pas aboutir à un
échec total.
Quand on considère l’investissement des familles, en temps et en
énergie, la solidité qu’elles ont dû témoigner dans les épreuves traver-
sées, et le capital de connaissances et de compétences qu’elles ont
acquis, on ne peut qu’être admiratif mais perplexe : l’intégration sco-
laire serait-elle nécessairement à ce prix ? Si oui, il faut alors admettre
qu’il y a inégalité entre les enfants handicapés dotés par ailleurs des
mêmes possibilités. Ceux qui auront davantage de chances de réussir
sont ceux dont les familles auront pu se constituer un tel capital,
détenu le plus souvent par les plus favorisées sur le plan social, cultu-
rel et économique.
Les statistiques étudiées par Mormiche et al. (2000) sont à cet
égard assez parlantes : un enfant d’ouvrier a sept fois plus de probabi-
lité d’entrer dans une institution pour enfants handicapés qu’un
enfant de cadre ou profession libérale. À handicap de gravité équiva-
lente, la proportion d’enfants handicapés entrant en institutions est
trois fois plus élevée chez les ouvriers et employés que chez les cadres
et professions intermédiaires.
On peut ainsi constater un lien fort entre le destin scolaire d’un
enfant et son origine sociale, à tel point que l’on pourrait penser – trop
rapidement – que l’origine sociale est le prédicteur (ou un bon prédic-
teur) de la trajectoire scolaire de l’enfant : plutôt (et plus tôt) en inté-
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Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation à la rencontre des univers


131

gration scolaire lorsqu’il est issu des classes supérieures et moyennes,


plutôt en établissement spécialisé s’il est issu des classes populaires, à
type et niveau de handicap comparables.
On doit toutefois relever que de nombreuses variables intermé-
diaires peuvent être induites, qui influent sur le processus de scolari-
sation de chaque enfant handicapé : si un nombre important d’élèves

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handicapés en intégration scolaire proviennent de familles dans les-
quelles on détient certains « capitaux » – notamment la connaissance
fine des rouages institutionnels de l’école, du collège, des commissions
de l’éducation spéciale, des modes de décision, du rôle de chacun des
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acteurs (en particulier, des décideurs institués et de ceux qui empor-


tent les décisions de façon bien moins apparente)…, la seule détention
de ces « capitaux » ne semble pas suffire à enclencher et à soutenir le
processus de scolarisation en milieu ordinaire : il y a aussi à considé-
rer nombre de stratégies et d’attitudes – ce que P. Bourdieu désigne
par le terme d’habitus – permettant de jouer au sein d’un champ
(Lesain-Delabarre, Garel et al., 2002).
L’hypothèse selon laquelle l’intégration scolaire est d’abord un
processus dynamique, qui repose notamment sur les stratégies
déployées par les acteurs sociaux – professionnels, parents, bénévoles
et enfants concernés – pour faire face aux divers facteurs contraires
(Lesain-Delabarre, 2003) mérite ainsi pleine considération.
L’analyse du discours des parents qui appellent le service national
d’écoute « Handiscol », pour évoquer les problèmes rencontrés lors de
la scolarisation de leur enfant handicapé, conforte l’idée d’une variété
de positions (selon que l’on est enseignant, parent, professionnel
d’une structure d’éducation spécialisée, etc.) et d’un réel investisse-
ment des protagonistes pour aboutir à leurs fins (Lesain-Delabarre et
al., 2002). Une approche uniquement stratégique ne semble toutefois
pas suffisante pour décrire l’ensemble des éléments intervenant dans
un processus d’intégration scolaire : les conceptions que l’on se forme
de l’école et de la légitimité jouent très fortement dans les argumenta-
tions développées. Il semble en la matière que plusieurs apports de la
sociologie des régimes d’action sont de nature à permettre de mieux
cerner la dynamique du processus de scolarisation des enfants en
situation de handicap.
La sociologie des régimes d’action pour une étude fine de la scola-
risation des enfants handicapés montre l’accent particulier porté, dans
les travaux que je poursuis actuellement, sur la sociologie des régimes
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Éducation et handicap
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d’action, l’école des conventions et de la justification telles que défi-


nies par Boltanski et Thévenot (1991), et les problématiques de la tra-
duction telles que construites par Callon et Latour (1978).
Boltanski et Thévenot proposent de distinguer plusieurs modes
différents d’engagement des acteurs dans l’action, qu’ils appellent des
régimes d’action. La théorie des conventions met au centre de l’ana-

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lyse, non les acteurs et leurs conflits, mais « ce qui fait tenir », les coor-
dinations, les accords, fussent-ils négociés.
Ces auteurs ont identifié six principes de légitimité, qu’ils appel-
lent « natures », « cités » ou « mondes », lesquels fondent la justifica-
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tion des actions et des transactions entre protagonistes d’une situation


sociale. Les différends naissent de l’hétérogénéité de ces univers, et la
pérennité de la société tient à la construction d’accords et de ren-
contres à partir de principes distincts. Je présenterai d’abord briève-
ment les six univers définis par ces auteurs, avant de proposer une
transposition dans le champ éducatif de ces travaux de sociologie
générale. Je formule l’hypothèse de l’intérêt heuristique de ce modèle
pour penser les écarts entre les acteurs et les modes de leur réduction.
La cité domestique se fonde sur la prise en compte de relations per-
sonnalisées, « sur la proximité entre les gens et entre les choses, et sur
le gage que constituent pour des liens durables des attaches spéci-
fiques » (p. 20). La cité domestique « ne se traduit pas en efficacité
technique, mais s’exprime en termes de confiance, et repose sur des
traditions et des précédents qui font foi » (p. 21). Dans un tel univers
de légitimité, ce qui prime, c’est le poids assumé de la tradition, pour
autant que l’action y soit éclairée par le respect aux règles du groupe,
et l’attachement affirmé envers ces dernières.
La cité industrielle met en valeur un impératif d’efficacité, de pro-
ductivité. Dans cette forme particulière, sont légitimes la standardisa-
tion, l’anonymat des êtres réduits principalement à leur fonction dans
un processus. Toute acception des personnes, de l’histoire, de relations
privilégiées… sont supposées constituer des freins possibles à l’effica-
cité recherchée, fondée sur la recherche de « standards ».
La cité civique met au premier plan de la justification des actions
la recherche de l’intérêt général : « Elle substitue au mode de relations
personnelles un monde dans lequel toutes les relations doivent, pour
être légitimes, être médiatisées par la référence à des êtres collectifs
garantissant l’intérêt général, tels que associations, institutions démo-
cratiques, etc. » (p. 22). Les acteurs, pour être légitimes, « doivent se
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Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation à la rencontre des univers


133

dépouiller de leur nom et de leur corps propres pour revêtir les quali-
ficatifs qui marquent leur appartenance à des institutions ou à des
groupes ». Si les liens personnels étaient source de légitimité dans
l’univers domestique, ils sont au contraire sources de critiques déci-
sives dans l’univers civique, dans lequel ne valent que les postures
conformes à l’intérêt général.

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La cité inspirée est organisée selon le principe de créativité, et met au
premier plan l’enthousiasme créatif, quitte à faire fi du réalisme, des
règles communes (l’action est guidée par un principe supérieur d’inno-
vation, de nouveauté). Les modes d’expression sont orientés vers l’au-
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thenticité, quitte à s’affranchir des exigences de l’intérêt général.


La cité du renom a pour principal objet la reconnaissance sociale
(les relations publiques, le star system, l’opinion y jouent un rôle
majeur). Ce qui vaut, c’est la proximité avec les hommes et les thèmes
de premier plan, médiatisés et prestigieux, la notoriété des actions. Ni
le rendement, ni le respect des liens interpersonnels existants, ni la
recherche de l’intérêt général, ni l’authenticité ne sont au cœur des
argumentations : seuls les liens prestigieux actuels ont du sens.
La cité marchande, enfin, fonde une action sur une logique de
« donnant-donnant », et reconnaît la prééminence du contrat com-
mercial. Le principal intérêt d’une action est qu’elle trouve sa clientèle
solvable et qu’elle n’induise pas de coûts ou de surcoûts non compen-
sés. La justice s’y évalue à l’aune de la conformité au contrat initial
régulant les échanges.

TRANSPOSITION DE LA THÉORIE DES SIX MONDES


DE BOLTANSKI ET THÉVENOT DANS LE CHAMP ÉDUCATIF

Partant de ces hypothèses, je propose de distinguer entre six


conceptions dominantes de l’école, à partir desquelles sont argumen-
tées les positions des interlocuteurs. J’ai donc tenté de distinguer six
univers principaux de représentations, six mondes dotés de leur cohé-
rence, dont je postule qu’il est possible de repérer la présence dans la
variété des argumentations développées pour favoriser ou contenir
l’intégration scolaire des enfants handicapés.
Les questions en suspens pour valider la pertinence de la transpo-
sition proposée sont les suivantes : comment les parents d’un enfant
présentant des besoins éducatifs particuliers argumentent-ils leur
demande de scolarité et leur offre de contribution en la matière ?
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 134

Éducation et handicap
134

Chez B & T Transposition Justice des décisions et justesse des actions


JMLD

Cité domestique École Centration sur la reproduction des modes traditionnels de


domestique fonctionnement, sur les préoccupations de gestion quotidienne
ou de la classe, de l’école. Refus de perturber les consensus établis,
traditionnelle les relations interpersonnelles existantes, la confiance installée.

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Acceptation du principe de séparation ou de ségrégation pour
des raisons fonctionnelles.
Accord sur les aménagements à apporter pour que les institutions
existantes poursuivent leur action sans transformations radicales.
Accords fondés sur l’existence de relations privilégiées entre
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des personnes, prioritairement à d’autres considérations.

Cité industrielle École Priorité au respect des normes socioscolaires.


de la norme, Refus de faire acceptation de la personne.
des didactiques Centration sur les disciplines scolaires, sur la transmission
des connaissances dans le respect d’un programme, sur les
performances scolaires, sur le « niveau » scolaire
(cf. l’école « géomètre » chez D. Hameline).

Cité civique École Centration sur les vertus d’intégration politique et sociale
citoyenne, dont l’école est porteuse.
école Priorité donnée aux logiques non ségrégatives.
pour tous Appel au principe supérieur de démocratisation scolaire,
indice d’une démocratisation sociale.
Connaissance et respect des droits accordés (aux parents,
aux personnels, etc.).
Volonté de garantir l’équité des décisions et des actions.
Refus d’un malthusianisme social.
Engagement militant pour une cause civique.

Cité inspirée École Centration sur l’expérientiel, la vertu créatrice de l’école,


inspirée, la capacité à imaginer, à faire vivre des expériences à tous,
école à développer l’émotionnel, la culture dont chacun est
alternative personnellement porteur. Volonté de faire vivre ensemble
des liens qui ne sont pas foncièrement rationnels ou civiques
(cf. l’école « saltimbanque » chez D. Hameline).
Promotion d’expériences authentiques et singulières,
sans souci premier de la généralisation ou de l’équité.

Cité du renom École Centration sur les effets de reconnaissance symbolique.


de la renommée, Souci de se démarquer, d’affirmer des valeurs « à la mode » :
de la réputation la haute qualité des élèves, le niveau d’enseignement dispensé,
le niveau social, l’originalité d’un projet, l’esprit d’ouverture, etc.

Cité marchande École Centration sur une logique de donnant-donnant.


de la contrepartie, Promotion d’une contractualisation des actions.
école Mise en question des coûts ou des surcoûts engendrés
marchande par toute action.
Refus de l’implication sans contrepartie de la part des personnels.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 135

Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation à la rencontre des univers


135

Comment, a contrario, les responsables d’institutions spécialisées


argumentent-ils face aux demandes et aux propositions des parents
dans cette perspective ? Peut-on repérer des écarts dans les argumen-
taires sur la justice (ou l’injustice) des situations, et la justesse (ou l’in-
cohérence) des actions envisagées et mises en œuvre ? Ces écarts peu-
vent-ils être organisés en univers, au sens de Boltanski et Thévenot,

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qui seraient dominants et récurrents ? Le mouvement de requalifica-
tion des parents, les philosophies de l’empowerment, les visées géné-
rales de bientraitance, de participation concertée à un processus édu-
catif coconstruit et négocié… sont-ils perceptibles dans les discours
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provoqués ou attestés des professionnels et/ou dans les discours pro-


voqués ou attestés des parents ? Peut-on esquisser une typologie des
positions tenues explicitement en matière de coéducation, de respect
des responsabilités éducatives parentales, de droits explicitement
reconnus aux parents individuellement et collectivement ? Les argu-
ments présentés par les uns et les autres peuvent-ils être organisés
selon qu’ils renvoient à des modèles d’école domestique, d’école
citoyenne, d’école de la norme, d’école inspirée, d’école de la renom-
mée, d’école de la contrepartie ?
L’analyse d’un échantillon d’une centaine de mémoires d’ensei-
gnants spécialisés en vue de l’obtention du diplôme de directeur d’éta-
blissement d’éducation adaptée et spécialisée (DDEEAS), soutenus
entre 1975 et 2002 et portant spécifiquement sur l’intégration scolaire
d’enfants handicapés, devrait permettre d’apporter un premier
ensemble de réponses précises à ces questions vives.
Empowerment des parents, tutorat, accompagnement… Quelles
sont, dans d’autres contextes, les conditions permettant d’optimiser
les apprentissages pour les enfants porteurs de trisomie 21 ? Quelle
part tient l’appartenance à une classe sociale ? Quel rôle joue la sti-
mulation ? Pour le savoir, suivons Adriana Limaverde Gomes et Rita
Vieira de Figueiredo au Brésil.
APPRENDRE EN DÉPIT DES APPARTENANCES SOCIALES ?
Adriana Limaverde Gomes et Rita Vieira de Figueiredo

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 137 à 147


ISBN 978274920369
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03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 137

Adriana Limaverde Gomes


Rita Vieira de Figueiredo

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Apprendre
en dépit des appartenances sociales ?
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Le travail que nous présentons ici expose les données d’une ana-
lyse comparative entre dix élèves porteurs de déficience mentale de
deux classes sociales distinctes. Nous cherchons à savoir comment ces
sujets s’approprient le langage écrit. Cette recherche qualitative tente
d’analyser l’influence de divers milieux sur cette acquisition. Elle a été
conduite au sein de l’université fédérale du Ceará (Brésil) en collabo-
ration avec des sujets dont l’âge varie entre 10 et 24 ans. Cinq d’entre
eux proviennent de familles des classes moyennes et les cinq autres
sont issus de milieux sociaux défavorisés (parmi eux, deux résident
dans une institution caritative accueillant des enfants abandonnés,
n’ayant aucun contact avec leur famille d’origine). Parmi ces dix

Adriana LIMAVERDE GOMES, professeure à la faculté 7 de Setembro, doctorante à l’uni-


versité fédérale de Ceará (Brésil).
Rita VIEIRA DE FIGUEIREDO, professeure à la faculté 7 de Setembro, université fédérale
de Ceará (Brésil)
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 138

Éducation et handicap
138

sujets, sept peuvent être considérés comme étant des lecteurs auto-
nomes, les autres se trouvant encore au stade présyllabique et sylla-
bique de l’acquisition de l’écrit.
Quatre se trouvent dans des classes ordinaires, deux fréquentent
des classes spéciales dans une école ordinaire et trois sont accueillis au
sein d’une institution spéciale. L’un d’entre eux est intégré à un atelier

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de travail au sein d’une institution philanthropique. Cependant, sa
scolarisation s’est déroulée dans une classe régulière d’enseignement.
Les cinq sujets issus de la classe moyenne (Levi, Ana Paula, Felipe,
Mariana et Maria Luisa) ont bénéficié de riches expériences extrasco-
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laires. Ils ont participé à plusieurs championnats de natation, obte-


nant diverses médailles ; trois d’entre eux ont participé à une chorale
et à un groupe de théâtre, les filles ont suivi des cours de danse. Quatre
ont toujours suivi des séances d’orthophonie et de psychopédagogie.
Les sujets issus de milieux socioéconomiques défavorisés n’ont pas eu
l’occasion de vivre des expériences aussi riches et différenciées que les
cinq autres jeunes.
Deux (Miguel et Ricardo) résident dans une institution, ils sont
marqués par l’abandon et le rejet de leurs familles. Leur itinéraire de
vie est particulièrement rude. Cependant, ils cohabitent avec d’autres
enfants dits normaux et jouissent de l’attention et des soins des édu-
cateurs travaillant dans cette institution. Ils bénéficient par ailleurs
d’un appui et d’un suivi pédagogique pour leurs activités scolaires, et
participent à un projet d’intervention en lecture de l’université fédé-
rale du Ceará à l’occasion duquel ils sont fortement stimulés dans la
pratique de la lecture. Ils ont accès à une grande variété de livres de lit-
térature de jeunesse ainsi qu’à divers matériels pédagogiques. Ils ont
institué entre eux un lien affectif tel qu’ils se considèrent comme
frères. Les autres membres de ce groupe (Elizabeth, Sâmio et Joyce)
ont participé au même projet d’intervention en lecture. Ils ont tou-
jours étudié dans des institutions spécialisées. Cependant, Elisabeth
bénéficie dans son milieu familial de l’aide pédagogique de sa sœur
aînée qui a assumé et pris en charge la tâche de lui enseigner la lecture
et l’écriture. Comme Miguel, elle montre une motivation particulière
pour la lecture.
L’analyse de l’ensemble des données obtenues par le biais de diffé-
rentes sources d’informations révèle que la différence majeure en ce
qui concerne l’apprentissage de la lecture réside dans leur motivation
à apprendre à lire, dans le soutien pédagogique qu’ils reçoivent de
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 139

Apprendre en dépit des appartenances sociales ?


139

leurs familles ou du milieu scolaire, mais aussi dans la fréquence des


expériences de lecture et d’écriture. Les résultats incluent l’analyse
des usages et des pratiques de lecture et d’écriture vécus par les
membres du groupe dans leurs milieux respectifs. Ils se concentrent
sur l’influence des expériences d’apprentissage du milieu socioculturel,
familial et scolaire, dans la construction de la lecture et de l’écrit de ces

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sujets.
Sur le plan théorique, ce projet s’est appuyé sur les travaux de
Piaget et de Vigostky, mais également sur une vaste littérature relative
à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans le contexte social et
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scolaire. Ce travail s’adosse de surcroît aux études consacrées aux fonc-


tions sociales de la langue écrite.
La méthodologie a consisté en une série de visites d’écoles et d’ob-
servations conduites dans les classes. Elles ont été suivies d’entretiens
avec les parents, les responsables et les professeurs, ainsi que par des
sessions d’interventions pédagogiques. Les premières activités consis-
taient à appréhender l’insertion des enfants dans l’univers de l’écrit
pour évaluer leur acquisition. Les résultats de cette recherche se
concentrent donc sur les expériences du monde de l’écrit vécues par
les élèves, les milieux familiaux et les mondes scolaires, avec une cen-
tration sur les possibilités, le soutien pédagogique et la motivation à
apprendre à lire.

EXPÉRIENCES DE LECTURE ET D’ÉCRITURE


DANS LE MILIEU FAMILIAL

Les expériences de lecture et d’écriture des familles révèlent plu-


sieurs différences. Leur analyse met en lumière le fait que quatre des
cinq familles de classe moyenne permettaient aux jeunes un libre accès
aux activités de lecture. Les récits de ces familles montrent l’impor-
tance attribuée aux groupes de lecture, à la participation à des activi-
tés théâtrales, au chant, à la danse et à l’accès aux matériaux écrits dis-
ponibles au sein du foyer. D’après leurs témoignages, c’est très tôt que
les enfants manifestent leur intérêt et leurs préférences pour certains
textes. Au sein de ces milieux, l’exposition à la pratique de la lecture
et la cohabitation avec le monde de l’écrit est constante. En plus des
livres de nature didactique, on y trouve des ouvrages de littérature, des
écrits plus académiques appartenant aux parents, ou encore des publi-
cations périodiques.
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 140

Éducation et handicap
140

Les six autres participants de cette recherche, l’un issu de classe


moyenne (Felipe) et les autres provenant de milieux socio-écono-
miques défavorisés (Miguel, Ricardo, Elizabeth, Sâmio et Joyce) ne
profitent pas d’expériences aussi riches et diversifiées dans leurs cadres
respectifs. Cependant, ils ont accès à un enseignement formel de la
lecture et de l’écrit. Miguel et Ricardo fréquentent quotidiennement

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de nombreux lecteurs dans leur institution pour enfants abandonnés,
et leur processus d’apprentissage est encadré par le biais d’un soutien
scolaire réalisé par les adultes de l’institution. Elisabeth compte sur le
soutien permanent de sa sœur aînée qui l’aide pour ses devoirs et ses
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travaux scolaires. Felipe, lui, bénéficie de l’appui d’une personne tra-


vaillant chez lui. Il dispose également d’un appareil de karaoke qu’il
utilise pour chanter, le support écrit des paroles des chansons appa-
raissant à l’écran. Les frères et sœurs, Sâmio et Joyce, quant à eux,
vivent dans une situation moins confortable. Leur famille ne peut leur
offrir autant d’occasions de situations de confrontation à la langue
écrite. Bien que ces adolescents ne jouissent pas des mêmes expé-
riences que celles du premier groupe et qu’ils ne vivent pas dans leur
noyau familial à proximité d’abondants matériaux écrits, ils manifes-
tent pourtant un intérêt particulier pour la lecture, particulièrement
lorsqu’il s’agit de littérature pour enfants et de textes comportant des
paroles de chansons.
Nous employons le terme literacy qui se réfère d’une part à la
manière dont les sujets utilisent la langue écrite et d’autre part aux
pratiques sociales de la lecture et de l’écrit dans différents milieux.
Selon Soares, la literacy traduit une condition du sujet. Pour cet
auteur, il s’agit de l’état qu’assume celui qui apprend à lire et à écrire.
Ce concept désigne implicitement l’idée selon laquelle l’écrit entraîne
des conséquences sociales, culturelles, politiques, économiques, cogni-
tives et linguistiques, aussi bien pour le groupe dont le sujet est
membre, que pour l’ individu qui apprend à l’utiliser. Nous savons par
ailleurs que dans les contextes où s’utilisent des matériaux écrits, on
observe une plus grande participation et un plus grand intérêt pour le
matériel écrit, qu’il s’agisse de livres, de revues, de journaux ou de
bandes dessinées. Le processus ne s’est pas déroulé différemment pour
les participants à cette recherche. C’est bien au sein du noyau familial
qu’a eu lieu initialement l’éveil intellectuel de la plupart d’entre eux.
Il est décrit par leurs familles de la manière suivante :
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 141

Apprendre en dépit des appartenances sociales ?


141

– Mariana s’est toujours intéressée à la lecture, avant même d’aller à


l’école. Avant, il s’agissait plus de la lecture des dessins. Elle a toujours
eu beaucoup de livres. Je lui lisais des livres d’histoire, de littérature, par
exemple, elle s’intéressait plus aux histoires de Monteiro Lobato que sa
sœur (mère de Mariana).
– Elle a toujours voulu, elle a toujours eu envie de lire, elle choisissait

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n’importe quel livre et voulait aussitôt le lire. Elle me demandait de lire
avec elle, je lui montrais toujours le livre en couleurs et je lui racontais
la petite histoire du livre… Alors, elle avait une folle envie de lire (mère
de Luisa).
– Il prenait les livres et les traînait par terre. Il tirait les livres et en
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oubliait même ses jouets. C’est un « accro » de la lecture. Dès qu’il arrive
de l’école ou bien au moment où il se réveille, il veut déjà lire (mère de
Levi).
À travers les témoignages de ces mères, nous percevons le type de
relation qu’elles établissent avec leurs enfants (les trois enfants cités ci-
dessus sont porteurs du syndrome de Down). On conçoit l’écart, en
les présentant comme des personnes actives qui interagissent et
capables d’apprentissage, avec l’image répandue selon laquelle ces per-
sonnes reçoivent passivement les informations du milieu externe et
disposent de peu de capacités intellectuelles, d’élaboration et de
conscience critique.
L’importance attribuée à l’interaction et à la médiation comme
éléments essentiels à l’apprentissage de la lecture qui se dégage des
témoignages ne sont pas sans rappeler les travaux de Vigotsky. Selon
lui, l’apprentissage est basé sur une dimension sociale. L’individu se
développe et se constitue en tant qu’être humain dans sa relation avec
le monde social. L’idée de médiation permet de comprendre les
conceptions de l’auteur sur le développement humain. « Considéré
comme sujet de la connaissance, l’homme n’a pas un accès direct aux
objets, il y a accès par la médiation » (Kohl).
D’après le témoignage de ces familles, hormis celles de Miguel et
de Ricardo qui vivent dans une institution pour enfants abandonnés,
on constate l’importance de cette volonté d’investissement dans le
développement des enfants. Les lignes qui suivent illustrent la bonne
intégration familiale de ces enfants :
– À la maison, je l’ai traité comme j’ai traité le premier, je n’ai pas fait de
différence, sauf que lorsqu’elle est arrivée à l’âge de son frère, ça ne cor-
respondait pas ; il lui fallait plus de temps… C’était une petite fille très
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Éducation et handicap
142

active, vive. Elle regardait la télévision et elle adorait la musique (mère


de Maria Luisa).
– Il a commencé la stimulation précoce dès l’âge de quatre mois, et à la
maison, j’essayais toujours d’aider, d’être utile. Tout ce que les théra-
peutes m’enseignaient, j’essayais de l’appliquer à la maison. On a tou-
jours cherché à parler correctement pour qu’il puisse nous écouter et on

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le stimulait beaucoup, toute notre famille, même celle de son père (mère
de Levi).
– Tout le monde a participé à son éducation, tout tournait autour des
exercices qu’il avait à faire, on essayait vraiment de le traiter comme un
enfant normal et non comme un être exceptionnel (sœur de Felipe).
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À l’opposé de ces témoignages, la mère de Joyce et de Sâmio


explique les difficultés encourues pour faire face à la déficience men-
tale des deux adolescents depuis leur prime enfance. Selon elle, leurs
expériences sont assez limitées et leurs autres frères se montrent très
peu tolérants, laissant la mère de famille assez seule. Il subsiste entre
Sâmio et Joyce un décalage de possibilité d’accès aux espaces sociaux,
déjà assez limités dans cette famille, du fait que Joyce est une fille.
Ainsi, lorsque Sâmio a le droit de jouer dans la rue et de fréquenter un
cours de soutien pédagogique dans le quartier, Joyce doit rester à la
maison « parce qu’avec les filles il faut être plus attentif », indique-
t-elle. Tout dans son discours trahit un immense effort, solitaire et
quotidien, pour la scolarisation et le développement de ses enfants. La
difficile condition sociale et économique de cette famille est une des
causes de l’accès limité aux expériences sociales et de literacy dont souf-
frent les deux adolescents. S’ajoutent les facteurs aggravants que sont
le rejet des frères et l’absence du père, provoquant une surcharge de
travail pour la mère. Celle-ci déclare : « Ces enfants [Joyce et Sâmio]
sont un fardeau dans ma vie. »
La compréhension des difficultés et des possibilités de développe-
ment des personnes déficientes mentales manifestées par les familles
semble avoir une forte influence sur les progrès de leurs enfants. Les
discours des familles et des éducateurs permettent de réfléchir à l’im-
portance qu’ils attribuent aux expériences vécues au sein du foyer, et à
la préoccupation à l’égard des difficultés de développement et d’ap-
prentissage des personnes déficientes mentales. On observe que ces
familles se sentant mieux considérées, assument d’autant leurs res-
ponsabilités et tentent de surmonter les éventuelles difficultés occa-
sionnées par leurs enfants. On peut ainsi souligner ce que rapporte la
03 Deuxième partie 31/07/09 9:36 Page 143

Apprendre en dépit des appartenances sociales ?


143

mère d’Ana Paula sur l’importance des expériences familiales durant


son apprentissage de la lecture :
– Elle a suivi la méthode d’alphabétisation traditionnelle, mais je pense
que c’est son milieu qui l’a le plus influencée. En contact avec la famille,
les cousins, tout le monde l’emmenait en promenade et on s’est tout
d’un coup rendu compte qu’elle créait des histoires, en assemblant déjà

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les syllabes.
Si l’on considère le niveau d’apprentissage du langage écrit de ces
enfants, on peut supposer qu’existent des indices révélant le rôle pré-
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curseur des activités quotidiennes au sein des structures familiales.


Elles actionnent et éveillent la curiosité pour le monde de l’écrit. C’est
ainsi que les attentes nourries par les familles et les responsables à
l’égard de la capacité d’apprentissage des enfants ont exercé une
influence positive sur leurs résultats.
Comme nous avons pu le constater, parmi les sept lecteurs indé-
pendants, quatre appartiennent à des familles de classes moyennes et
trois à des familles de niveau socioéconomique défavorisé. Les quatre
sujets de classe moyenne ont bénéficié d’excellentes expériences sociales
de lecture générant des attentes positives de la part des parents et des
professeurs. Les trois autres n’ont pas eu accès à des situations de lite-
racy aussi riches et diverses, bien que l’un d’entre eux soit issu d’une
famille de classe moyenne. Cependant, tous trois pouvaient compter
sur l’appui pédagogique offert par leurs familles ou leurs éducateurs.
Miguel et Elisabeth participaient au programme d’intervention en lec-
ture à l’université fédérale du Ceará. S’agissant de Miguel, la vie quoti-
dienne dans un contexte pluriel et le soutien pédagogique reçu au sein
de son institution ont majoré son développement. Quant à Elizabeth,
l’aide apportée par sa sœur dans ses activités scolaires de lecture et
d’écriture a porté ses fruits. Ainsi, les différents contextes sociofami-
liaux de ces lecteurs indépendants, ont permis aux enfants d’accéder
aux divers langages disponibles dans le monde des lecteurs, ainsi qu’aux
fonctions et aux usages sociaux de la lecture et de l’écriture.
Les trois sujets n’ayant pas encore atteint le niveau alphabétique de
l’acquisition de l’écrit proviennent de milieux socioéconomiques défa-
vorisés. Deux d’entre eux (Joyce et Sâmio) ne bénéficient pas de sti-
mulations comparables à celles des autres enfants. Le troisième,
Ricardo, dispose des mêmes possibilités que l’un des lecteurs indé-
pendants (Miguel). Bien que Miguel et Ricardo habitent ensemble la
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Éducation et handicap
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même institution et qu’ils aient des expériences sociales semblables,


Miguel présente une évolution en lecture nettement supérieure à celle
de Ricardo. On peut observer que la motivation initiale pour la lec-
ture, puis la prise de conscience de l’utilité et des fonctions sociales de
l’écrit, n’étaient pas du tout comparables chez les deux enfants dès le
début de leur participation à cette recherche. Ainsi, Ricardo a néces-

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sité davantage de temps pour s’adapter aux comportements sociaux et
démontrer un certain intérêt pour la diversité du matériel graphique
qui lui était présenté, tandis que Miguel démontrait déjà un intérêt
pour la lecture. Cela dit, bien que Ricardo ne puisse pas être considéré
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comme un lecteur indépendant, il a déjà fait d’énormes progrès par


rapport au début de cette recherche. On peut encore souligner le fait
que Ricardo a cinq ans de moins que Miguel, ce qui signifie que leurs
expériences et leur vécu sont différents. Vraisemblablement, ces condi-
tions expliquent la différence d’évolution en lecture entre ces deux
sujets.

LES EXPÉRIENCES SCOLAIRES


ET L’ACQUISITION DE LA LECTURE ET DE L’ÉCRIT

Les dix participants à cette étude vivent diverses expériences sco-


laires et présentent différents résultats s’agissant de l’appropriation et
du développement de la lecture et de l’écrit. Les sept lecteurs indé-
pendants sont capables de lire et de produire des textes de manière
autonome. Les trois autres (Joyce, Sâmio et Ricardo) marquent égale-
ment leur différence face à cette acquisition, Ricardo est le plus
avancé.
Parmi les sept lecteurs indépendants, cinq bénéficient de riches sti-
mulations et d’attentes positives de la part de leurs professeurs. Parmi
eux, quatre proviennent de familles de classes moyennes. Quant à
Felipe et Miguel, le premier issu d’une famille de classe moyenne et le
second d’un milieu socio-économique défavorisé, leur expérience de
stimulation scolaire reste faible, même pour Felipe qui fréquente une
école privée. Cependant, ces lecteurs peuvent compter sur le soutien
pédagogique extrascolaire et l’un d’eux (Miguel) participe au pro-
gramme d’intervention en lecture.
Les autres enfants qui ont moins progressé font également partie
du groupe du programme de lecture, ayant ainsi la possibilité de par-
ticiper au moins une fois par semaine à des mises en situation. Cepen-
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Apprendre en dépit des appartenances sociales ?


145

dant, leur univers scolaire est peu stimulant et s’avère répétitif. Malgré
ce contexte scolaire, Ricardo manifeste un fort intérêt pour la lecture.
L’école, principal agent de production des connaissances, exerce un
rôle important dans le développement cognitif et l’apprentissage des
enfants porteurs ou non de déficiences mentales. Il est majoré par les
possibilités d’interactions qu’elle permet d’établir entre les individus

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exprimant leurs idées de différentes manières. Nous pouvons ainsi
déceler certaines différences qualitatives dans l’apprentissage de la lec-
ture et de l’écriture chez les enfants ayant fréquenté des écoles régu-
lières avec un soutien marqué de leur famille. Dans le groupe des lec-
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teurs indépendants, on note que des éléments tels que l’aisance, la


compréhension en lecture et la production de l’écrit présentent des
différences qualitatives selon les lecteurs. Les sujets qui fréquentent
des établissements privés, pourvus d’un meilleur soutien de leurs
familles et des expériences riches et diverses de l’univers de la lecture
et de l’écriture, sont justement ceux qui obtiennent les meilleurs résul-
tats. Ce point de vue privilégiant l’importance de la famille, l’inclu-
sion scolaire de l’élève déficient mental et l’influence de celle-ci sur
l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, a été exprimé par deux
professeurs :
– Je traitais Ana Paula comme les autres enfants, elle lisait bien, je n’ai pas
eu trop de difficultés, elle a très bien été préparée par sa famille, elle s’est
épanouie, il s’agissait d’une enfant complètement intégrée, ayant toujours
étudié dans des écoles pour enfants normaux (professeur de CP).
– Je travaillais avec Mariana dans une école régulière, elle se détachait
toujours du groupe, c’est une enfant qui a toujours eu un bon niveau de
langage oral, de compréhension, d’intérêt pour apprendre. Elle était
presque au niveau de la classe et était très stimulée par ses parents (ins-
titutrice d’alphabétisation en maternelle).
S’agissant du niveau initial d’apprentissage de la lecture et de
l’écrit des dix participants, sept étaient déjà lecteurs dès le début de la
recherche. Les trois autres se situaient à différents niveaux : Ricardo au
niveau syllabique, Joyce et Sâmio au niveau présyllabique, suivant la
description de Ferreiro (1987). Ces données confirment les recherches
antérieures (Boneti, 1995 ; Katims, 1991 ; Gomes, 2001) indiquant
que les enfants porteurs de déficiences mentales passent par un pro-
cessus similaire à celui des personnes considérées normales dans l’ac-
quisition du langage écrit. Le rythme de cet apprentissage apparaît
comme leur principale différence. Alors que les enfants dits « nor-
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Éducation et handicap
146

maux » construisent certains concepts spécifiques autour de la lecture


et de l’écriture aux alentours des trois ou quatre premières années sco-
laires, les enfants déficients mentaux, quant à eux, peuvent mettre plus
de temps pour ce genre d’élaboration. Ces progrès peuvent varier sui-
vant le degré de déficience, mais également selon la médiation réalisée
dans le domaine de l’apprentissage de la langue écrite et les occasions

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de literacy offertes à ces enfants.
L’étude de leur itinéraire scolaire révèle que les pratiques pédago-
giques d’enseignement de la lecture et de l’écriture ne diffèrent pas des
pratiques offertes aux élèves considérés normaux. Les conceptions de
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la lecture construites et présentées par les familles comme par les


enseignants, mais aussi la méthodologie utilisée durant le processus
d’apprentissage s’enracinent dans un discours destiné à l’ensemble des
enfants. Ainsi, scolarisés dans l’enseignement régulier ou ayant fré-
quenté des classes spéciales, ils ont été alphabétisés par le biais de
méthodes utilisées pour tous les élèves, sans distinction. Elles se diffé-
rencient en fonction des conceptions méthodologiques des professeurs
qui varient de l’option constructiviste aux méthodes analytico-synthé-
tiques et phonétiques, ce qui ne nous permet pas d’attribuer claire-
ment le développement cognitif de ces enfants à l’orientation
méthodo-logique choisie. Il semblerait que les facteurs déterminants
du processus d’apprentissage se situent plutôt au niveau des expé-
riences familiales et de l’investissement des professeurs. Tous les lec-
teurs indépendants mentionnent l’effort d’un ou de plusieurs institu-
teurs (des classes précédentes) qui les ont sollicités et ont cru en leur
potentiel. Maria Luisa, par exemple, affirme que c’est l’institutrice
Dorotéia qui lui a appris à lire. Lors d’un entretien avec cette institu-
trice, celle-ci fait allusion à l’enseignement du langage écrit dans la cas
de Maria Luisa de la manière suivante :
– Ce fut une très bonne expérience, dans le sens ou je comprenais de
plus en plus que l’élève porteur du syndrome de Down a des possibilités
d’apprentissage. Pour cela, il doivent être bien orientés par une méthode
pédagogique. Il faut être patient, attentif, compétent, observateur,
somme toute, cela demande un extraordinaire dévouement.
Ces témoignages fondent le principe de l’inclusion, ils mettent en
évidence le fait que les besoins et les processus d’apprentissage des
enfants et des adolescents porteurs de déficiences mentales sont au
fond similaires à ceux des personnes considérées comme normales.
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Apprendre en dépit des appartenances sociales ?


147

Bien que les acteurs de cette recherche présentent différents


niveaux de scolarité (classe spécialisée, institution, CE2, CM1, CM2),
les résultats montrent que ces différences ont eu peu, voire presque
pas, d’influence dans le domaine de la lecture et de l’écriture. Nous
avons pu constater que les progrès en lecture n’étaient pas directement
liés à la situation socioéconomique de leurs familles, ni à leurs niveaux

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de scolarité, mais plutôt à leurs expériences socioculturelles et à leurs
pratiques scolaires de lecture. Le lecteur devient expert durant un pro-
cessus d’apprentissage, et n’importe quel lecteur peut échouer à
atteindre ce niveau, qu’il souffre ou non d’une déficience. Ainsi,
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durant le processus d’apprentissage, il est important de prendre en


considération les pratiques de lecture disponibles au sein des milieux
social et scolaire.
Cette recherche souligne par ailleurs le fait que, malgré les diffi-
cultés d’apprentissage des enfants porteurs de déficiences mentales
tout au long de leur parcours scolaire, l’intervention éducative occupe
un rôle fondamental et exerce une influence significative sur cette
acquisition. Il est essentiel que les éducateurs créent diverses situations
scolaires favorisant le développement de ces personnes, en évitant de
les stigmatiser par leur supposée « incapacité ». Plus tôt ces jeunes
commencent à expérimenter et à vivre différentes occasions de literacy,
plus grandes seront leurs chances de réussir dans l’apprentissage de la
lecture et de l’écriture.
Cette recherche permet de montrer que l’inclusion des enfants
marqués par une déficience mentale au sein de l’enseignement ordi-
naire semble être moins complexe s’agissant du développement d’acti-
vités spécifiques pour ces élèves. En effet, les mêmes activités sont
aussi pertinentes pour ce groupe que pour celui des enfants dits nor-
maux. Il faut cependant s’assurer que les enfants déficients bénéficient
de plus de temps pour garantir les apprentissages.
Voilà, au fil de cet itinéraire, quelques-unes des étapes permettant
de jalonner la compréhension de l’inclusion. Quels contours permet-
tent-elles de dessiner ? Quelle ambition, dans la perspective d’une
pensée élargie de l’inclusion, pouvons-nous espérer ? Découvrons-le
au fil de la troisième partie de l’ouvrage : Vers la pensée monde.
RELEVER LES DÉFIS DE LA MARGINALISATION DE LA PERSONNE
ÂGÉE EN AFRIQUE
Pierre Fonkoua

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 149 à 162


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ISBN 978274920369
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/education-et-handicap--978274920369-page-149.htm
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Vers la pensée monde
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04 Troisième partie

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Pierre Fonkoua

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Relever les défis de la marginalisation
de la personne âgée en Afrique
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Le principe du droit à l’éducation ne saurait être limité à un quel-


conque âge ni à une quelconque période de la vie. Le besoin de se
mieux connaître, de découvrir les autres peuples, d’accéder à un stade
de réflexion de plus en plus élevé et de maîtriser son environnement
immédiat et lointain, pour ne pas subir les événements mais pour les
repérer et les gérer à l’avance afin de participer à l’évolution du
monde, est primordial de tout temps, pour tout individu. La Confé-
rence mondiale sur l’éducation pour tous, tenue à Jomtien en 1990, a
réaffirmé que « l’éducation est un droit fondamental pour tous,
femmes et hommes, à tout âge et dans le monde entier ».
Or, en Afrique, les conditions de vie difficile, le sentiment de l’in-
utilité qu’éprouvent les personnes âgées et le processus de vieillisse-
ment en lui-même font de la population de plus de 65 ans des per-
sonnes handicapées. Ce phénomène se développe au fur et à mesure

Pierre FONKOUA, professeur à l’université de Yaoundé I, Cameroun.


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Éducation et handicap
152

qu’on assiste à l’éclatement de la cellule familiale qui, jadis, maintenait


chaque Africain dans un climat psychosociologique sécurisant. Nous
appuyons notre réflexion sur une étude conduite auprès de cinq cents
personnes âgées résidant dans l’Ouest Cameroun, portant sur les pré-
dispositions physiques et psychologiques à recevoir une formation, les
besoins de formation, la capacité d’apprentissage, les rapports avec

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l’environnement, le contenu ou les thèmes de formation que les per-
sonnes âgées aimeraient aborder. Il s’agit d’identifier les besoins per-
sonnels et collectifs, puis de formuler un plan de formation pouvant
faciliter l’intégration des personnes âgées dans la société.
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Cette réflexion se situe dans le cadre de la recherche de la qualité


de l’éducation et porte sur la nécessité de développer, dans les pays du
Sud, des politiques et des plans d’action en faveur de l’éducation des
anciens. Mais auparavant, il s’agit de formuler quelques idées en guise
d’état de la recherche afin de donner une clarification sur le potentiel
de l’adulte vieillissant, le vieillissement et l’éducation, les principes et
les pratiques recherchées dans la formation pour les personnes du troi-
sième âge.
Il est nécessaire d’éclairer les acteurs du système éducatif sur les
possibilités psychopédagogiques de l’adulte vieillissant et d’interpeller
l’éducation en tant que système qui, poussée par la complexité des
temps modernes, se dérobe devant ses propres fonctions d’intégration.
En Afrique, l’espérance de vie moyenne, qui est de 45 ans, va croître
grâce aux progrès scientifiques et techniques qui donnent la possibi-
lité aux individus de vivre plus longtemps.
Cette réflexion suggère, comme stratégie de remédiation aux diffi-
cultés qu’engendre ce phénomène, la création de l’université des
anciens, qui sera non seulement un lieu d’enrichissement personnel
pour un meilleur accomplissement de soi dans toutes ses dimensions,
mais aussi un instrument de participation à la vie sociale et politique
du pays. L’institutionnalisation d’un espace de réflexion et d’action
peut devenir un moyen de combattre la marginalisation, la pauvreté et
l’exclusion, phénomènes associés à la période du troisième âge.

L’INCLUSION DES ANCIENS,


UN PLAIDOYER POUR LES PAYS DU SUD

Répondant à la question qui porte sur les concepts de l’intégration


et de l’inclusion, ce thème est un plaidoyer pour les pays du Sud qui,
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Relever les défis de la marginalisation de la personne âgée en Afrique


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chaque jour, engendrent et entretiennent le processus de production


de l’inadaptation aussi bien chez les jeunes enfants que chez les per-
sonnes âgées qui, hier, constituaient les éléments de force et les repères
dans la société. Parler du troisième âge suppose qu’on a délibérément
découpé la vie en trois périodes et qu’on a donné à chaque séquence
de vie des rôles ou des fonctions sociales définis. Ce découpage est

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accentué dans des pays industriels compte tenu des fonctions et des
rôles de production ou de consommation attribuées à chaque tranche
d’âge. Comme le souligne Carré (1981) : « Dans les sociétés indus-
trielles, la vie est communément divisée en trois phases dont chacune
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est caractérisée socialement et biologiquement : l’enfance est la


période du développement, de la préparation à la vie active, tournée
vers le futur, dominée par l’éducation ; la maturité ou âge “adulte”,
période de la “vie active”, est entièrement dévolue à la production et à
la consommation ; la vieillesse, ou troisième âge, est la période de
“retraite”, de repli sur soi et son passé, période de loisirs forcés et de
repos contraint. »
Dans cette perspective, on pense que le troisième âge correspond
à la vieillesse et à la retraite, mais face au phénomène de l’abaissement
de l’âge de la retraite au Cameroun (entre 55-65 ans), il est difficile
d’accepter d’être taxé de vieux et exclu du système de production.
Nous constatons que la génération accédant à la retraite aujourd’hui
est plus instruite et socialement mieux nantie que la précédente. Cela
instaure et modifie (Guillemard, 1980, dans Chene, 1989) à la fois
une nouvelle image de la génération de retraités mais également « le
modèle culturel de la vieillesse ». Nous avons raison d’espérer car la
mortalité infantile est en baisse, l’espérance de vie en hausse, la pro-
portion des adultes sachant lire et écrire progresse. Quant au Père
Graux, il définit le troisième âge, de la façon suivante : « On peut
considérer que le troisième âge commence à 65 ans, c’est-à-dire au
moment où la plupart des gens prennent leur retraite et conservent,
lorsqu’ils sont en bonne santé, leur liberté d’action. La vieillesse est dif-
férente du troisième âge dans la mesure où l’individu de plus de 65 ans
a subi une altération et, de ce fait a besoin de l’aide du conjoint, des
enfants, des voisins, c’est-à-dire de la collectivité. En un mot, la
vieillesse est un état de dépendance qui réclame un appui social impor-
tant de la part de la collectivité » (dans Chene).
Mais à une époque où les progrès médicaux, scientifiques et tech-
niques contribuent dans le champ social à assurer une plus grande lon-
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Éducation et handicap
154

gévité aux individus, il semble souhaitable que soit envisagé un mode


d’encadrement pour cette nouvelle catégorie de citoyens qui, peu à
peu, seront mis à l’écart de la vie active. Cette nouvelle catégorie de
personnes aux centres d’intérêt nouveaux et détenant déjà un capital
de prérequis de savoir, de savoir-faire, de savoir-être suffisamment éla-
boré par la force de l’expérience, va constituer la base de revendica-

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tions pour une nouvelle demande sociale de l’éducation au Came-
roun. C’est pour cela que le concept d’ouverture, observable dans la
réforme universitaire camerounaise du 19 janvier 1993, gagnerait à
être relu en faveur de cette population qui, de par son âge, est exclue
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du système de production. L’énoncé de la problématique de cette


réforme annonce clairement que « Le gouvernement du renouveau
considère d’ailleurs que l’éducation est un droit inaliénable du
citoyen. Le droit à l’éducation est illimité pour ceux qui manifestent
des aptitudes et des prédispositions ».
Cette déclaration nous autorise à croire que l’ouverture et le droit
à l’éducation s’adressent aux jeunes générations, mais également aux
personnes âgées capables de penser et de s’épanouir intellectuellement.
Cette ouverture et cet aménagement d’un espace de formation pour
les personnes âgées au sein de l’université devront viser avant tout l’en-
richissement personnel en vue de l’accomplissement de soi et de la
participation à la vie communautaire. L’extension et l’adaptation du
système public d’enseignement à toutes les tranches de la population
sont nécessaires. C’est à ce niveau que se poseront les problèmes rela-
tifs non seulement aux niveaux d’éducation à atteindre par les per-
sonnes âgées, mais également aux besoins d’éducation liés à l’acquisi-
tion de nouvelles connaissances pouvant permettre à chacun d’aller au
bout et au but de ses potentialités créatrices.
Parler de niveau, c’est assimiler éducation et connaissances. Or nous
savons que l’éducation correspond davantage ici à une forme de déve-
loppement personnel. Alors il sera question de penser en termes de
« perfectionnement » ou de « recyclage ». Cela contribuerait à soutenir
deux grandes idées :
– la première voudrait souligner que la vie active entraînerait une
perte des connaissances individuelles, acquises à l’école et non exploi-
tées par la suite, d’où la nécessité de les exploiter judicieusement au
moment du repos mérité qui est la retraite ;
– la deuxième poserait plus directement le problème de l’éducation
permanente en tant que philosophie mais également comme une pra-
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 155

Relever les défis de la marginalisation de la personne âgée en Afrique


155

tique. Dans cette dernière situation, il existe trois types de clientèles


possibles. Elles sont composées de ceux qui désirent obtenir un degré
universitaire plus avancé ou un certificat en vue d’une progression
professionnelle ; des diplômés d’universités qui ont besoin de se recy-
cler sous peine d’être professionnellement déclassés tels que médecins,
ingénieurs etc. ; des adultes ayant envie d’élargir le champ de leurs

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connaissances sans avoir à obtenir un diplôme où à revaloriser des
diplômes qu’ils possèdent déjà.
En effet, se pose le problème de la formation des adultes en géné-
ral et du troisième âge en particulier dans le cadre de l’université, lieu
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privilégié de création, d’expérimentation en laboratoire, d’élaboration


des stratégies de mise en application des actions de changement et de
développement. Cette forme d’éducation au sein de laquelle la forma-
tion des personnes du troisième âge devra être inscrite et offrir la pos-
sibilité à tous, jeunes et moins jeunes, instruits ou non, d’acquérir la
capacité d’adaptation constante aux nouvelles formes de vie, de cul-
ture et de civilisation qui se suivent et se chevauchent si rapidement
qu’on n’a que peu de temps pour assurer la transmission entre les
générations. Dans le cas particulier du Cameroun, nous nous interro-
geons sur les politiques et les mesures à adopter afin que cette période
de retraite s’accompagne d’un effort visant à donner à chacun un sen-
timent d’utilité, évitant l’exclusion et la marginalité.

LES PERSONNES ÂGÉES DANS LE DÉPARTEMENT DE LA MENOUA

Une étude conduite auprès de cinq cents personnes âgées dans le


département de la Menoua au Cameroun portant sur les prédisposi-
tions physiques et psychologiques à recevoir une formation, les besoins
de formation, la capacité d’apprentissage, les rapports avec l’environ-
nement, le contenu des programmes de formation, nous a amené à éta-
blir le constat suivant : 78 % de l’échantillon étudié possèdent une
bonne et assez bonne capacité de rétention. Cela signifie que l’âge n’in-
fluence pas forcément la mémoire, par conséquent les personnes âgées
sont en mesure de retenir des informations et de les restituer à la
demande. Il en va de même pour la perception, car 81 % des sujets étu-
diés présentent une bonne et assez bonne capacité de perception. Au
vu de ces données, les personnes âgées de la région étudiée ont une
prédisposition physique à la formation. Par ailleurs, 82 % des sujets
interrogés éprouvent un important besoin de se former encore davan-
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Éducation et handicap
156

tage. S’agissant de la relation avec l’environnement, 51 % de notre


échantillon expriment qu’ils sont bien considérés par l’entourage. Cela
peut conditionner le processus d’apprentissage chez les personnes âgées ;
53,7 % des sujets ont une bonne et assez bonne capacité en lecture.
Ce constat attire l’attention des gouvernants en matière d’élabora-
tion de la politique de l’éducation pour tous. Il s’agit d’y inclure les

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personnes du troisième âge porteuses d’une demande d’éducation spé-
cifique. Une telle exigence nécessite une réflexion sur les capacités
intellectuelles d’un adulte vieillissant et sur le processus du vieillisse-
ment et de l’éducation.
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Comme le précisent Chene et Painchaud (1986), « les recherches


récentes sur les capacités cognitives et le vieillissement permettent de
relativiser les positions pessimistes au sujet du développement cogni-
tif des adultes vieillissants et tracent quelques points de repère utiles
pour l’intervention de la formation ». Les données portant sur le
potentiel des adultes vieillissants s’organisent autour de ces trois points
que sont les capacités cognitives, le vieillissement et la formation.
S’agissant des capacités intellectuelles, Botwinick (1967, 1978)
Labouvie-Vief (1980) et Schaie (1979) reconnaissent qu’en général, le
déclin des capacités cognitives telles que l’intelligence, la mémoire, la
créativité ou la capacité à résoudre des problèmes est un phénomène
très individuel. Nous voulons ainsi souligner, comme l’a fait Botwi-
nick (1967), qu’il existe une distinction entre le potentiel d’intelli-
gence et l’habileté à penser, raisonner et s’adapter dans une situation
difficile. Ainsi, nous pensons que l’habileté peut être affectée par des
phénomènes personnels comme l’anxiété, la motivation et la santé. Il
ressort de ces travaux que les facteurs génétiques et physiologiques, le
niveau socioéconomique ou le niveau d’éducation peuvent accentuer
avec les années les différences individuelles. S’il y a déclin, celui-ci se
situe plutôt, comme l’affirment Chene et Painchaud (1986), au
niveau des « fonctions intellectuelles qui impliquent une vitesse dans
la réponse, des capacités de perception et de manipulation entre
autres ». En effet, ces auteurs affirment que le niveau de culture ou
d’éducation se présente comme un facteur-clé de la prévention du
déclin de ces capacités. Prenant en compte certains facteurs extérieurs
au talent comme le niveau d’instruction ou la fatigue des personnes
âgées, et certainement les contraintes du milieu social comme le
nombre de descendances et les multiples problèmes qui l’accompa-
gnent, Hendricks (1981) confirme les résultats des travaux de Schaie
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Relever les défis de la marginalisation de la personne âgée en Afrique


157

(1979) en déduisant que les déficits intellectuels associés depuis tou-


jours au vieillissement s’amenuiseront avec les générations futures plus
instruites et mieux protégées socialement. Nous ne pouvons pas abor-
der la question des capacités intellectuelles de l’adulte vieillissant sans
soulever le problème de mémoire, inséparable de l’apprentissage.
Comme l’indique Botwinick (1967), on distingue trois stades dans le

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processus de mémorisation : la phase de l’acquisition de l’information,
la consolidation de l’information et la récupération. Chez la personne
âgée, les déficits de mémoire peuvent être liés aussi bien à l’acquisition
qu’aux efforts de consolidation de l’information. Cette difficulté
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éprouvée par la personne âgée dans les efforts de mémorisation s’at-


teste au niveau neurochimique avec la perte, l’âge venant, de l’acide
ribonucléique et de l’acétylcholine, qui agissent sur le codage et le
stockage de l’information d’une part, et sur la transmission des mes-
sages aux synapses d’autre part. Sur le plan physiologique, il est égale-
ment nécessaire de souligner que le fonctionnement de la mémoire
chez la personne âgée est en corrélation avec l’état de santé général,
notamment sur le plan vasculaire et cérébral, également sur celui des
facteurs non cognitifs tels que la motivation, l’inquiétude dans les
situations de compétition, le stress, l’acuité sensorielle, l’image de soi,
le rapport au temps.
Il convient d’indiquer que la personne âgée possède un dévelop-
pement cognitif un peu différent de celui d’une personne jeune.
Labouvie-Vief développe les deux modes qui bornent le continuum du
développement cognitif de l’adulte : d’un côté, elle place « la pensée
logique formelle, relativement égocentrique qui caractérise la jeu-
nesse », et de l’autre « la pensée consciente des nombreux liens » qui
relient la réalité au contexte social et exigent la construction de syn-
thèses significatives au détriment des détails. Partant de ce constat,
nous pouvons dire que le développement cognitif des personnes âgées
utilise une approche très systémique et situe généralement les pro-
blèmes dans la complexité des réalités sociales.
Ainsi, selon Chene et Painchaud (1986), ce que la personne âgée
perd au niveau de ses capacités sensorielles ou mnémoniques semble
compensé par une vision d’ensemble qui s’adapte à une complexité
plus grande pour elle que pour le jeune adulte, à la fois du côté des
réseaux sociaux et du champ spatio-temporel. C’est pour cette raison
que la personne âgée est portée à avoir une vision globale des choses
au détriment de l’approche très segmentaire des événements que pos-
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 158

Éducation et handicap
158

sèdent les jeunes. C’est de là que naît le savoir d’avant-garde qui se


caractérise par la recherche de la cohérence et de la pertinence, la qua-
lité de synthèse et la réflexion philosophique dégagée. D’aucuns disent
que c’est la manifestation de la sagesse. Ainsi peut-on affirmer que les
personnes âgées possèdent un développement cognitif différent de
celui des jeunes. Il peut déterminer le processus d’intelligence, d’ap-

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prentissage, de la mémoire et des fonctions d’intégration. Il est donc
du ressort de l’éducation de chercher à stimuler et à maintenir, par des
méthodes et des techniques appropriées, le processus du développe-
ment cognitif des personnes âgées.
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ÉDUCABILITÉ CHEZ L’ADULTE VIEILLISSANT ?

Il s’agit de s’interroger sur le problème de l’éducabilité des adultes


âgés. Nous avons vu plus haut qu’il existe une tendance à invalider la
thèse du modèle régressif du fonctionnement des adultes vieillissants.
C’est ainsi qu’on attribue la lente dégénérescence cognitive chez
l’adulte âgé uniquement à une absence de stimulation. Schaie et Hert-
zog (1983) sont d’avis que le développement et le maintien de l’intel-
ligence chez l’adulte âgé dépendent de l’environnement, qui apparaît
comme un puissant agent éducatif aux facettes multiples. Ces auteurs
développent la notion de plasticité cognitive chez l’adulte vieillissant :
les adultes sont capables d’acquérir de nouvelles habiletés cognitives ou
de développer davantage les habiletés existantes. Cette plasticité cogni-
tive nous permet de penser que la détérioration des capacités intellec-
tuelles n’est pas irréversible chez les adultes âgés. Dans ce cas, l’éduca-
tion joue un rôle de socialisation en permettant aux personnes âgées de
s’adapter au nouvel espace vécu de la retraite. Ainsi, par la pratique
continue du dynamisme de contrôle de soi que peut engendrer le pro-
cessus d’enseignement-apprentissage, la personne âgée évitera la trop
grande diminution de sa mémoire, si sa santé est satisfaisante et si son
désir et sa volonté de continuer à développer ses potentialités créatrices
sont suffisamment excités. Il est de plus en plus admis que la vitesse, la
santé et la motivation affectent le processus d’apprentissage. Il va de soi
que la vitesse dans les réponses peut être un obstacle pour la personne
âgée dans son apprentissage. Ce déficit se manifeste réellement non pas
dans sa capacité à apprendre mais dans sa rapidité à apprendre.
D’une façon générale des recherches antérieures menées par
Monge et Hultsch (1971) signalent que la lenteur s’accentue avec l’âge
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Relever les défis de la marginalisation de la personne âgée en Afrique


159

dans l’acquisition de la réponse aux questions posées, et également


dans l’acquisition du vocabulaire. Il s’agit d’une sorte de rigidité
empêchant la personne âgée de modifier ses acquis. Mais l’existence
d’un déficit particulier sur l’apprentissage perceptuel, psychomoteur
et pratique, pouvant freiner l’aptitude à apprendre n’est pas encore
prouvée. En général, cinq styles d’apprentissage existent chez l’adulte

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vieillissant : le style intuitif et divergent, le style analytique et formel,
le style pratique et convergent, le style expérimentateur, le style syn-
thétique et créateur. Cependant, cette typologie n’est pas aussi simple
car chaque style se définit à partir de degrés et de niveaux d’appré-
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hension. Ainsi, pour chaque style, on observe un sens, une direction


ou une orientation, partant d’un point de l’hémisphère droit ou de
l’hémisphère gauche pour traiter l’information ou pour accomplir une
tâche spécifique.
Chez l’adulte vieillissant, il est important de tenir compte non seu-
lement de ses styles dominants d’apprentissage, mais également des
éléments susceptibles de les modifier. D’après E. et K. Dunn (1987),
dix-huit éléments et quatre stimuli fondamentaux peuvent influencer
la capacité d’apprendre et de retenir. Les stimuli auxquels réagissent les
individus au cours d’un apprentissage sont les suivants :
– l’environnement immédiat de la personne (le bruit, la lumière, la
température, la façon d’aménager le lieu de vie peuvent jouer sur les
efforts d’apprentissage de la personne âgée) ;
– l’état émotionnel (le degré de motivation et la conscience de la
propre responsabilité de la personne sur son apprentissage) ;
– les besoins sociologiques (une personne âgée peut refuser de recevoir
un cours donné par telle ou telle catégorie de personnes que son
milieu sociologique ne reconnaît pas, par exemple des professeurs
femmes ou des professeurs plus jeunes. Il est nécessaire de tenir
compte des éléments du milieu sociologique pour comprendre les
réactions des personnes âgées dans la situation d’apprentissage) ;
– les besoins physiques (capacités perceptuelles et diverses résistances
physiques sont à l’origine des difficultés d’apprentissage).
Les activités de formation des personnes âgées devront, en tenant
compte des milieux communautaires, être liées aux besoins d’appren-
tissage et à la recherche des contacts dans la perspective d’une valori-
sation de soi à travers les échanges d’expériences. L’expérimentation
suédoise concluante des cercles d’étude peut s’inscrire facilement dans
le mouvement d’éducation populaire à condition de savoir identifier
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 160

Éducation et handicap
160

Finalités Objectifs généraux Objectifs spécifiques Méthodes Domaines


et techniques

Épanouissement Entreprendre Poser des actes Travail Activité pratique


le commerce de commerce personnel à but lucratif

Apprendre Recevoir les cours Travail Comptabilité

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la comptabilité appropriés personnel
et en groupe

Comprendre Identifier Travail Psychologie


les relations les comportements en groupe Psychologie sociale
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humaines moraux sous forme


en déperdition de discussion

Enrichissement Connaître Définir Travail Juridique


personnel le droit les caractéristiques en groupe
d’un contrat d’affaire sous forme
Connaître ses droits de discussion
et ses devoirs

Comprendre Définit et identifier Travail Relation


la coopération les éléments de groupe internationale
internationale de la coopération
internationale

Comprendre S’informer Méthode Politique


la politique Se former de discussion
en politique

Tableau 1. Récapitulatif des éléments de formation


des personnes du troisième âge
identifiés dans l’arrondissement de la Menoua, Cameroun

les besoins personnels et collectifs de formation (finalités et objectifs


de formation), de savoir organiser la situation de formation (les for-
mateurs, le contenu, les moyens et l’espace de formation), d’évaluer
sur le plan social les résultats de la formation et sur le plan individuel
le processus accompli par chaque participant qui a le souci de contri-
buer au bien être social.
Au Cameroun comme ailleurs, les thèmes de formation sont géné-
ralement regroupés en cinq catégories. La connaissance du milieu
humain du point de vue biologique, nutritionnel et de la psychologie
du vieillissement est complétée par celle de la situation du retraité ali-
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 161

Relever les défis de la marginalisation de la personne âgée en Afrique


161

mentée par les données de la sociologie, de la physiologie, de l’épidé-


miologie et de la gérontologie sociale. D’autre part, les sciences de la
communication incluant la psychologie des groupes et le travail en
équipe, alliées aux arts et métiers développant les habiletés manuelles
et le développement, complètent cette gamme. S’y ajoute le domaine
de la spiritualité qui tente de répondre à une demande de sens de la

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vie, particulièrement chez des personnes hantée par la mort.
Toutefois, comme le précise Chene (1989), le modèle d’organisa-
tion des activités de formation des personnes âgées dépend en grande
partie des attitudes du formateur qui, en s’extrayant des stéréo-
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types, doit inspirer la confiance chez le public et clarifier son rapport


à la vieillesse avec la ferme conviction qu’il existe un potentiel des per-
sonnes âgées dans toute leur diversité. Ensuite, les principes de for-
mation devraient être susceptibles de faciliter l’émergence du sens.
Pour cela, l’utilisation du groupe, la problématisation du réel puisant
dans les intérêts des participants et le travail coopératif à l’écart de
toute compétition peuvent être d’utiles pistes. Enfin, les stratégies de
formation facilitant l’implication des personnes âgées dans la planifi-
cation, l’évaluation et l’organisation de l’information sont également
des facteurs favorisants pour préciser l’orientation de l’activité de for-
mation. Ces éléments ne peuvent cependant être mis en œuvre sans
une attention particulière aux différentes formes de handicap ainsi
qu’à la nécessité de conditions matérielles favorables.
Il y a urgence à penser à la création d’un programme de formation
pour les personnes atteintes par l’âge de la retraite. Par ailleurs, les
contenus subissent les influences du lieu de formation lorsque celle-ci
se déroule au sein d’un campus, dans une école du village ou dans un
collège urbain. C’est ainsi que dans un établissement conventionnel,
le contenu des cours peut se répartir selon les champs de savoir des
disciplines, tandis qu’un programme établi dans le cadre d’un centre
communautaire privilégierait la réponse à la demande sociale d’édu-
cation centrée sur des problèmes ou sur la conscientisation. Cette édu-
cation à orientation humaniste permet l’acquisition d’une meilleure
image de soi et une confiance accrue dans les capacités de création et
de prise de décisions. Elle participe réellement à la construction des
nouveaux savoirs et à la consolidation des savoirs déjà validés.
Cette intention pédagogique soulève par ailleurs des problèmes
politiques et économiques importants à l’heure où, de toute part, se
discutent les financements de la retraite. Dès lors, ce type de problème
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Éducation et handicap
162

se pose en d’autres termes : un investissement dans la formation des


personnes âgées serait-il bénéfique ou non à la société ?
Le bénéfice que les sociétés peuvent retirer des progrès accomplis
en matière d’éducation inclusive est encore difficile à analyser. C’est
en tout cas ce que nous montre Éric Plaisance, au fil de sa contribu-
tion consacrée aux indicateurs internationaux.

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COMPARER ET PRODUIRE DES INDICATEURS INTERNATIONAUX
Éric Plaisance

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 163 à 174


ISBN 978274920369
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Éric Plaisance

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Comparer et produire
des indicateurs internationaux 1
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Le rôle des échanges internationaux en matière d’éducation est


particulièrement sensible dans l’évolution des conceptions et des pra-
tiques du secteur traditionnellement appelé « éducation spéciale »,
destiné aux enfants et aux adolescents considérés comme « handica-
pés » ou en « grave difficulté ». Dans le cadre de l’Europe, tout au long
des années 1990, une accélération des réseaux d’échanges et des visites
réciproques a été opérée. Ce fut le cas du programme d’action com-
munautaire en faveur des personnes handicapées intitulé
« Helios II » (1993-1996), poursuivant des objectifs d’égalité des

Éric PLAISANCE, Université Paris 5-René Descartes, faculté des sciences humaines et
sociales, Centre de recherche sur les liens sociaux (associé au CNRS).
1. Avec l’aimable autorisation des éditions Peter Lang, article publié dans M. Caruso,
H.E. Tenorth (dir.), Internationalisierung, Internationalisation. Semantik und Bildung-
ssystem in vergleichender Perspektive. Comparing Educational Systems and Semantics,
Frankfurt am Main, Peter Lang, 2002, p. 305-315.
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Éducation et handicap
164

chances et d’intégration des personnes concernées. Les aspects éduca-


tifs et scolaires étaient particulièrement valorisés, non pour chercher à
aboutir à une uniformité des dispositions législatives entre les diffé-
rents pays membres, mais pour inciter à des activités d’information et
d’échange. Ainsi, des groupes d’experts se sont déplacés pour des
visites d’études dans les différents pays afin de repérer des pratiques

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novatrices. Des séminaires ont aussi été organisés. À la fin du pro-
gramme, en 1996, la Charte de Luxembourg a fait le bilan des idées
et des pratiques comparées, et a énoncé le principe d’une école pour
tous et pour chacun, devant s’adapter à la personne et tenir compte de
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ses éventuels « besoins éducatifs spécifiques ». C’est un processus d’in-


tégration des personnes handicapées qui était visé et les États membres
étaient invités à adopter une législation garantissant à tous le droit
d’accès au système d’enseignement ordinaire.
On voit donc clairement se confirmer ici ce que Jürgen Schriewer
appelle une « internationalisation » de l’éducation, à travers des
réseaux d’inter-relations et des partages d’expertise. En réalité, une
recherche approfondie devrait être menée pour apprécier plus exacte-
ment, dans le domaine considéré, la part prise par les experts, pour
mieux connaître leur identité (praticiens, administrateurs, chercheurs,
politiques…), leur influence véritable sur les orientations définies au
niveau communautaire et au niveau des pays respectifs. Notre propos
est plus modeste. Nous voudrions seulement examiner les travaux de
l’Organisation pour la coopération et le développement économiques
(OCDE), organisme certes plus large que les instances européennes,
mais qui présente l’intérêt d’avoir mené une réflexion approfondie sur
l’évolution internationale du secteur éducatif « spécial », en recueillant
puis en proposant des indicateurs chiffrés sur l’état du secteur dans
différents pays. C’est finalement cette question des indicateurs qui
retient le plus notre attention car elle offre la possibilité de comparer
les systèmes éducatifs des différents pays (ressemblances et différences
dans le « spécial ») et incite à une réflexion méthodologique indispen-
sable si l’on veut interpréter correctement les données.

NOUVELLES ORIENTATIONS, NOUVELLES DÉNOMINATIONS

La sociologue britannique Sally Tomlinson (1982) a clairement


identifié la construction historique d’un secteur « spécial » au sein
d’un système d’éducation de masse dans une société industrielle,
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Comparer et produire des indicateurs internationaux


165

comme ce fut le cas en Grande-Bretagne dès la fin du XIXe siècle. Elle


montrait que les déclarations humanitaires de l’époque masquaient
très peu la volonté politique de contrôle de groupes sociaux dominés,
à travers leur catégorisation dévalorisante et des pratiques de mise à
l’écart. En France, jusqu’à une période relativement récente (au moins
jusque dans les années 1970), un secteur « spécial » regroupait un

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ensemble de dispositifs éducatifs et médico-éducatifs destinés aux
enfants que l’on a désignés successivement comme des « anormaux »,
puis comme des « inadaptés », enfin comme des « handicapés ».
L’usage de l’adjectif « spécial » fonctionnait en jeu de miroirs, caracté-
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risant non seulement un secteur d’éducation ou de scolarisation, mais


aussi des institutions, des pratiques, voire des professionnels (les « spé-
cialisés »), l’ensemble étant sous-tendu par la conception d’une irré-
ductible différence des enfants concernés, des enfants eux-mêmes trop
spéciaux pour être acceptés dans l’enseignement normal. Au cours du
XXe siècle, mais surtout après la Deuxième Guerre mondiale, se sont
fortement développées des structures de « prise en charge » de ces
enfants, définis selon leur type d’inadaptation ou de handicap, struc-
tures publiques mais aussi privées (celles-ci principalement à l’initia-
tive d’associations de parents), à tel point que l’ensemble actuel est le
résultat complexe de sédimentations historiques diverses. Or, les
contextes nationaux et internationaux ont subi progressivement des
modifications, d’abord en faveur de la prévention des handicaps et de
difficultés scolaires (années 1960 et 1970), puis, plus récemment (à
partir de la deuxième moitié des années 1970), en faveur des poli-
tiques dites « d’intégration ». Au lieu de privilégier, comme ce fut
longtemps le cas, des institutions traditionnelles « spéciales » (établis-
sements séparés ou classes spéciales insérées dans les établissements
ordinaires), on s’est orienté vers la promotion de l’intégration scolaire
des enfants handicapés, ou encore, de manière plus ambitieuse, vers
une « éducation inclusive », au nom de la non-discrimination. Paral-
lèlement, dans certains pays, les enfants eux-mêmes ne sont plus sys-
tématiquement désignés comme handicapés mais comme ayant des
« besoins éducatifs particuliers » (special educational needs).
Les orientations que nous venons de résumer brièvement sont
explicitement l’objet de textes publiés par l’OCDE au début des années
1990. Auparavant, dans les années 1980, le même organisme (par le
biais de son Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseigne-
ment [CERI]) avait lancé un programme d’activités sur le passage des
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Éducation et handicap
166

adolescents handicapés à l’âge adulte et à la vie active, sans remettre en


question ni la notion de handicap (en anglais, handicap ou disability),
ni celle de structure spéciale. Or, le tournant des années 1990 est sen-
sible : l’OCDE propose de nouvelles perspectives, à partir de données
rassemblées dans les pays membres (en particulier par un question-
naire envoyé à des experts en 1988). D’abord, en se situant dans le

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cadre du processus d’intégration des personnes handicapées reconnu
comme quelque chose de plus qu’un simple « modèle pédagogique »,
c’est-à-dire comme « un mécanisme de formation aussi puissant que
les notions de démocratie, de justice sociale et d’égalité » (OCDE,
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1994). Mais le texte cité reconnaît la diversité des pratiques d’intégra-


tion selon les pays : certes, selon un processus général de « réduction
des distances », mais soit dans le domaine physique seulement (copré-
sence des personnes valides et des personnes handicapées), soit, de
manière plus ambitieuse, dans le domaine fonctionnel (par exemple
pour des activités communes en classe), soit encore dans le domaine
social, impliquant cette fois-ci des interactions entre les personnes
concernées. Ensuite, l’étude se situe dans la perspective d’un change-
ment de regard sur les personnes handicapées, en examinant les pro-
positions de nouvelles terminologies, comme celle de « besoin éduca-
tif particulier » (en référence au rapport Warnock de 1978). Selon
l’étude, la nouvelle approche « permet une nouvelle stratégie qui faci-
lite l’intégration », grâce à une banalisation de la situation de celui qui
était auparavant désigné comme handicapé, dans la mesure où le
besoin particulier peut s’étendre à des enfants très divers et à des
moments variés de la scolarité de la même personne. C’est aussi le pas-
sage du modèle médical du handicap à un modèle plus ouvert, de type
environnemental ou anthropologique. Peut-on cependant aller plus
loin et obtenir des indicateurs dignes de confiance sur la situation des
différents pays en matière de scolarisation des enfants avec « besoins
particuliers » ? La même étude de 1994 reste peu élaborée sur ce point,
se contentant de rassembler des données brutes en termes de classes et
d’établissements spécialisés, et d’enfants intégrés. Or, il est évident que
ces données partielles ne permettent pas de véritables comparaisons de
pays à pays, car elles ne sont pas pondérées en fonction de populations
de référence. Enfin, est évoquée la délicate question des coûts respec-
tifs de l’intégration et de l’institutionnalisation des enfants handica-
pés. Il est suggéré, mais sans démonstration véritable, que « les solu-
tions les plus ségrégatives sont les plus coûteuses ».
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 167

Comparer et produire des indicateurs internationaux


167

RECHERCHE D’INDICATEURS
SUR LES BESOINS ÉDUCATIFS PARTICULIERS

L’OCDE édite annuellement un gros volume sur les indicateurs de


l’enseignement dans les pays membres, sous le titre Regards sur l’édu-
cation. L’objectif immédiat est bien évidemment de fournir des don-

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nées quantitatives sur le fonctionnement des systèmes éducatifs et de
permettre des comparaisons. Mais l’organisme s’adresse en priorité
aux pouvoirs politiques des pays concernés afin de les aider à définir
leurs actions en matière d’éducation. Les « décideurs » peuvent avoir
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en mains des données comparées qui situent les faiblesses et les atouts
de leur propre système, et qui peuvent orienter leurs investissements
en ressources humaines et financières. Dans le domaine de l’enseigne-
ment « spécial », c’est seulement en 1998 que l’OCDE publie, parmi
les données sur les systèmes éducatifs, un bref chapitre sur un « indi-
cateur expérimental » concernant les besoins éducatifs particuliers.
Quelle a été la genèse de ce premier essai ?
En 1995, dans un volume intitulé L’intégration scolaire des élèves à
besoins particuliers, l’OCDE propose plusieurs analyses. Elle présente
des bilans thématiques des données communiquées par vingt-et-un
pays membres, et des « études de cas » réalisées par dix-neuf pays
(études portant sur des classes, des écoles, des services de soutien, des
programmes de formation). L’orientation générale est conforme au
titre du rapport : l’expression « besoins particuliers » est préférée à celle
de « handicap » ; l’intégration est définie comme le processus qui
permet « le maximum d’interaction » entre les élèves. C’est au sein de
cet ensemble que se situe un essai de bilan statistique international, à
partir des données collectées entre 1987 et 1991. D’emblée, les diffi-
cultés d’élaboration des données sont signalées du fait des grandes
variations selon les pays en ce qui concerne les classifications, les ter-
minologies, les méthodologies de collecte et les définitions de l’inté-
gration.
Sans retenir l’ensemble des informations recueillies, signalons les
traits les plus saillants. D’abord, un « formidable foisonnement termi-
nologique ». Les catégories effectivement retenues par les pays peuvent
aller d’une seule catégorie englobante (par exemple, « élèves avec
besoins éducatifs particuliers ») jusqu’à une douzaine de catégories,
utilisées dans certains pays mais pas dans d’autres (la catégorie
« autistes » est utilisée en Islande ou en Espagne, celle des « enfants
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Éducation et handicap
168

appartenant à la communauté des gens du voyage », en Irlande). De


même, des pays distinguent la cécité de la déficience visuelle, la sur-
dité de la déficience auditive, la déficience motrice de la déficience
physique (c’est le cas de la France). On retient ensuite l’intérêt des
données quantitatives proprement dites. Elles se situent non pas au
niveau des effectifs bruts des élèves concernés (difficilement interpré-

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tables du fait de la variation des populations de référence) mais, au
contraire, au niveau des pourcentages par rapport à l’ensemble de la
population scolaire. Les résultats sont cependant surprenants. Aux
pôles extrêmes, la Turquie signale 0,74 % d’enfants avec besoins édu-
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catifs particuliers et la Finlande 17 %. De plus, certains pays recen-


sent, parmi les enfants ayant des besoins éducatifs particuliers,
ceux qui se situent en dehors du système scolaire, c’est-à-dire dans des
institutions spéciales, et ne relèvent pas du ministère chargé de l’Édu-
cation. C’est le cas de la France qui signale 1,38 % d’enfants qui relè-
vent d’institutions sous la tutelle du ministère chargé des Affaires
sociales (pour un ensemble de 3,54 % d’enfants avec besoins particu-
liers). Par contraste, l’Italie a opté pour une mesure d’intégration sco-
laire radicale, dans les classes ordinaires, et ce pays signale un ensemble
de 1,27 % d’enfants avec besoins particuliers.
L’analyse détaillée peut être poussée plus loin. On peut être atten-
tif, pour chaque pays, à la répartition interne des différents types
d’élèves au sein de la catégorie générale des besoins particuliers. Le
rapport procède ainsi à l’analyse des déficiences visuelles, auditives et
motrices. Pour l’essentiel, il en ressort, comme précédemment, de
grandes variations dans les pourcentages des enfants reconnus comme
tels. L’interprétation la plus naïve consisterait à considérer ces varia-
tions comme le reflet direct de différences objectives de répartition des
déficiences dans les pays. En fait, on ne peut ignorer les processus
variables de repérage, de classement, voire d’attribution d’aides finan-
cières pour tel ou tel niveau de déficience, qui expliquent en partie les
différences constatées. En bref, la « politique du handicap », évidem-
ment variable selon les pays, en liaison avec la politique scolaire, est
responsable des processus de dépistage des enfants concernés, de leur
mode de prise en charge institutionnelle, et par conséquent, du chif-
frage de leur nombre.
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 169

Comparer et produire des indicateurs internationaux


169

UN NOUVEAU CLASSEMENT D’INDICATEURS

Le rapport OCDE de 1995 laisse entendre que de nouvelles opéra-


tions de collecte de données sont nécessaires pour dépasser les difficul-
tés méthodologiques constatées, dans la perspective de promouvoir
l’orientation vers l’intégration scolaire. Il s’agit donc de trouver un

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accord international pour un même système de classification appli-
cable dans les différents pays. Un nouvel instrument de collecte de
données est élaboré en 1996 et 1997, sous forme de questionnaire et
de tableaux. Il implique non seulement les experts de l’OCDE mais
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aussi des membres de l’UNESCO, de divers organismes européens


(Eurostat, Commission européenne), des représentants des différents
pays. Le principe opérationnel retenu est de définir les élèves ayant des
besoins éducatifs particuliers par les ressources supplémentaires,
publiques ou privées, fournies pour leur éducation, ces ressources
pouvant être humaines, matérielles et financières. Les pays sont alors
invités à classer leurs propres données dites « nationales » en trois
grandes catégories considérées comme « transnationales ». La catégo-
rie A désigne les élèves dont les « besoins éducatifs » font l’objet d’une
norme sur laquelle un large accord intervient ; leurs « besoins » sem-
blent liés à des déficiences reconnues, en particulier d’ordre orga-
nique. La catégorie B désigne les élèves en difficulté d’apprentissage
sans une raison qui serait imputable à une déficience organique ou à
un milieu social défavorisé. La catégorie C concerne des élèves dont
les difficultés semblent découler de facteurs socioéconomiques, cultu-
rels ou linguistiques.
Comme nous l’avons mentionné, une première présentation pro-
visoire de ce nouveau classement (indicateur expérimental) est publiée
en 1998, mais un volume spécifique consacré à ces nouvelles données
est disponible en 2000. Il concerne vingt-trois pays. Les constats à
nouveau établis sur les catégories nationales confirment les informa-
tions antérieures. Certains pays se contentent d’une seule grande caté-
gorie (Royaume-Uni), d’autres recourent à un grand nombre (dix-
neuf catégories en Suisse). Des catégories telles que les troubles du
comportement sont utilisées dans certains pays, dans d’autres non.
Cela renforce les auteurs dans leur conviction que seul un travail sur
des catégories fondées sur les ressources et qui transcendent les caté-
gories classiques peut faire progresser la comparaison. Le mode de
calcul fondé sur la nouvelle classification transnationale révèle pour
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 170

Éducation et handicap
170

chaque pays une proportion d’élèves plus importante que dans les
classifications nationales. Cela revient à dire que des moyens ou des
ressources supplémentaires sont mieux repérés que les catégories tra-
ditionnelles de handicaps ou d’incapacités fournies directement par les
pays. C’est ainsi qu’en France, on recense désormais dans la catégorie
transnationale C les enfants des « zones d’éducation prioritaires », ce

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qui n’est pas le cas lorsqu’on recense seulement les enfants relevant des
mesures de l’adaptation et de l’intégration scolaires, anciennement
enseignement « spécial ». Ce n’est pas pour autant que les différences
entre les pays s’estompent. La proportion d’élèves bénéficiant de
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moyens supplémentaires est de 33,5 % aux Pays-Bas, mais seulement


de 0,4 % en Turquie, tout en étant de 18 % en France, de 4,3 % en
Allemagne. De plus, les pays peuvent répartir différemment les
enfants dans les trois catégories transnationales A, B, C. Des pays tels
que l’Italie, la Turquie, et l’Espagne valorisent à peu près exclusive-
ment la catégorie A (déficiences généralement organiques), alors que
d’autres mettent l’accent sur les actions en direction des élèves défa-
vorisés pour des raisons socioéconomiques ou socioculturelles (caté-
gorie C). C’est le cas de nombreux pays dont les Pays-Bas, la France,
et dans une moindre mesure, la Hongrie, la Grèce, l’Allemagne (au
moins 60 % des élèves avec « besoins spéciaux » se trouvent cette caté-
gorie). Enfin, la catégorie B (difficultés d’apprentissage) est majori-
taire dans des pays comme la Finlande ou la Suisse, alors que l’Italie
ou la Hongrie ne comptabilisent aucun élève dans cette catégorie. La
question mérite à nouveau d’être posée : de tels élèves sont-ils réelle-
ment plus nombreux dans certains pays ? Ou sont-ils l’objet d’un
repérage particulièrement attentif, du fait de mesures éducatives sup-
plémentaires qui peuvent leur être appliquées, ce qui entraîne ipso
facto leur présence dans les données statistiques ?
Des analyses plus détaillées sont encore possibles sur les catégories
A, B, C, pour savoir par exemple dans quels types de structures les
élèves sont accueillis. Ainsi, pour la catégorie A (déficiences à domi-
nante organique ou handicaps), on peut se demander dans quelle
mesure est appliquée l’intégration dans les classes ordinaires. Là
encore, de forts contrastes apparaissent. Pour l’Italie, c’est la quasi-
totalité des enfants handicapés (environ 98 %), pour le Portugal et
l’Espagne, la proportion se situe aux environs de 80 % (respective-
ment 78 % et 81 %). À l’opposé, des pays misent plus sur des struc-
tures spéciales (classes ou établissements), au point de ne scolariser en
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 171

Comparer et produire des indicateurs internationaux


171

classes ordinaires que 6 % des enfants handicapés en France, 4 % en


Finlande, 5 % en Grèce, 12 % aux Pays-Bas. La plus forte part des
enfants concernés qui se trouvent en écoles spéciales est acquise par les
Pays-Bas (87 % de la catégorie).
En résumé, les auteurs du rapport considèrent que les données
recueillies par cette nouvelle méthode de classement en catégories

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transnationales permettent de meilleures comparaisons, du fait
qu’elles sont l’objet d’un cadrage commun aux différents pays. Cepen-
dant, les informations semblent beaucoup plus dignes de confiance
pour la catégorie A (déficiences ou handicaps) que pour les autres
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catégories. En effet, dès qu’il est question de difficultés d’apprentissage


(catégorie B) ou de difficultés d’ordre social (catégorie C), non seule-
ment les politiques varient selon les pays, mais surtout l’appréciation
de ces difficultés, et par conséquent les mesures qui sont prises en
termes de moyens supplémentaires, influent directement sur le repé-
rage même des enfants concernés.
Comment interpréter ces données ? Les essais que nous venons de
rapporter offrent des éléments nouveaux de comparaison entre les
pays en ce qui concerne leurs actions dans le cadre général de l’évolu-
tion de l’éducation « spéciale ». Avec le recueil de données en fonction
de catégories transnationales, le but explicitement recherché par les
auteurs consiste à peser sur l’évolution des politiques en faveur de l’in-
tégration scolaire, dont ils affirment un peu trop vite qu’elle coûte
moins cher que les mesures éducatives en classes ou en écoles spéciales.
Pour autant, peut-on dire que nous aboutissons ainsi à des données
plus objectives, moins entachées des variations de recueil selon les
pays ? On sait en effet l’illusion que procure toujours la production de
données quantitatives et l’influence de la magie du chiffre. À cet
égard, il faut sans doute considérer à la fois que les indicateurs chiffrés
fournissent un élément d’analyse indispensable aujourd’hui dans le
domaine des comparaisons éducatives et que les données doivent être
interprétées avec prudence en fonction des contextes nationaux et
internationaux. Pour éviter le « comparatisme abstrait », la contextua-
lisation demeure la démarche qui permet de retourner à la connais-
sance des processus de production des données, ce qui implique une
analyse plus sociologique (Groux, Porcher, 1997).
On doit en effet observer que le classement transnational demandé
par l’OCDE aux différents pays ne peut éliminer le fait que les pays
opèrent eux-mêmes à partir de leurs propres classements préalables de
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 172

Éducation et handicap
172

données, même si celles-ci sont désormais cadrées par la question des


« ressources supplémentaires ». Mais il est clair que toute production
de données reflète la manière dont une institution découpe la réalité,
instaure ses normes de repérage, accorde la priorité à telle question
plutôt qu’à telle autre. La production de statistiques est la manifesta-
tion, variable selon le temps, dont une institution (par exemple une

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administration d’État) veut présenter son propre fonctionnement
(Briand et Chapoulie, 1979). Au lieu de la présentation de données
objectivement « neutres », nous saisissons ici la combinaison complexe
du réel et de sa représentation, celle-ci étant soumise à de fortes trans-
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formations au cours du temps. Citons, à titre d’exemple pour la situa-


tion française, que les classes d’adaptation au sein de l’école primaire,
reconnues officiellement en 1970 pour venir en aide aux élèves dont
les difficultés étaient considérées comme temporaires (à la différence
des handicaps), ont d’abord été comptabilisées dans l’enseignement
spécial, puis répertoriées dans l’enseignement ordinaire à partir de
1979-1980, enfin réintroduites dans les données de la catégorisation
transnationale, au titre de la catégorie B basée sur les difficultés d’ap-
prentissage. De la même manière, des classes de l’enseignement fran-
çais du second degré instaurées en faveur de l’aide, du soutien et de
l’insertion professionnelle des élèves (classes de quatrième et de troi-
sième) sont répertoriées au sein de cette même catégorie B, mais ne
figurent pas dans les données nationales de l’enseignement « spécial ».
Le processus même de catégorisation ne va pas de soi. Les classements
selon les catégories nationales sont l’objet de débats parfois vifs sur la
pertinence de telle ou telle catégorie. Celle de dyslexie est actuelle-
ment revendiquée par des professionnels qui se réclament en général
de compétences médicales ou paramédicales, alors qu’elle est forte-
ment contestée dans son extension notionnelle par des éducateurs ou
des psychologues. Nous avons là une parfaite illustration des luttes de
classement dont la réalité sociale est intrinsèquement l’objet. Selon
Bourdieu (1982), il convient donc « d’appréhender la logique spéci-
fique du monde social », cette « réalité » qui est le lieu d’une lutte per-
manente pour définir la réalité. Les institutions françaises destinées
aux enfants en difficultés diverses sont issues d’une sédimentation his-
torique à long terme et relèvent de tutelles administratives différentes :
le ministère de l’Éducation nationale et le ministère chargé des
Affaires sociales (en 2002, c’est le ministère de l’Emploi et de la Soli-
darité), ce qui non seulement rend complexe une vision synthétique
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Comparer et produire des indicateurs internationaux


173

du dispositif, mais pose aussi de redoutables problèmes de bilan sta-


tistique. Des enquêtes régulières, souvent annuelles, auprès des direc-
teurs d’établissements, recueillent le nombre des enfants concernés qui
ne sont habituellement pas désignés par le terme « besoins éducatifs
particuliers » et qui sont répartis en catégories détaillées (déficiences,
handicaps, difficultés scolaires graves…). Mais le recueil de ces don-

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nées pose à son tour de nombreux problèmes qui ne sont qu’impar-
faitement résolus : difficultés à construire des séries de données homo-
gènes et comparables dans le temps ; manque de concordance entre les
données recueillies par différentes voies ; informations très insuffi-
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santes sur les enfants en attente de placement ou même non scolarisés


(qui sont estimés à plus de 20 000 en 2002). C’est dire que le reclas-
sement des données nationales selon le cadrage transnational de
l’OCDE repose en fait sur des modalités de recueil tributaires de l’his-
toire des institutions et des services spécialisés dans les différents pays,
de la manière dont les enquêtes statistiques sont menées, de la catégo-
risation qui est opérée à l’origine (par exemple dans les questionnaires
préétablis). La difficulté la plus importante, comme cela est bien
remarqué par les rapporteurs de l’OCDE, concerne la répartition des
enfants dans les catégories nouvelles B (apprentissages) et C (difficul-
tés sociales). Dans l’étape actuelle de ce reclassement des données, des
dispositifs pourtant existants dans ces deux domaines ne sont pas tou-
jours retenus. Ainsi, en France, les actions de rééducation menées par
les « réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté » à l’école pri-
maire ne sont pas prises en compte, pour la simple raison qu’un bilan
national du nombre d’élèves pris en charge par ces « réseaux » n’existe
pas. On pourrait certes envisager une amélioration générale et « trans-
nationale » du recueil de données, mais cela supposerait que chaque
pays transforme ses enquêtes de base pour les ajuster aux demandes de
classement international. La difficulté majeure réside à nos yeux dans
la grande part d’arbitraire qui intervient dans les classements au sein
des catégories les plus problématiques B et C. Comment ignorer que
les élèves qui ont les plus grandes difficultés d’apprentissage (B) sont
très généralement des élèves qui appartiennent aux classes sociales
défavorisées (C) ? Le classement transnational repose sur le présupposé
de la relative indépendance entre les questions d’apprentissage scolaire
et les appartenances sociales, ce qui est en complète contradiction avec
les données de base de la sociologie des inégalités scolaires. L’autono-
misation de la catégorie des apprentissages n’est-elle pas l’aboutisse-
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Éducation et handicap
174

ment réussi d’une lutte de classement qui revient à neutraliser le


contexte social des apprentissages ? En définitive, l’intérêt des compa-
raisons internationales dans le domaine des besoins éducatifs particu-
liers n’est pas démenti par la production d’indicateurs chiffrés qui per-
mettent de confronter les réalités des différents pays et de les situer par
rapport à des tendances fortement soutenues au niveau international,

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comme l’intégration scolaire des enfants porteurs de handicaps. Mais
la contextualisation des données est indispensable si l’on veut déve-
lopper des interprétations pertinentes. Cela implique d’analyser de
manière qualitative et non plus seulement quantitative la manière
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dont les pays ont développé telle ou telle institution pour tel type
d’enfant, et par conséquent, la manière dont ils ont établi leurs
propres repérages et défini leurs propres classements.
S’extraire des catégorisations lorsqu’elles sont inadéquates, tenter
de réfracter dans la comparaison la puissance des substrats culturels,
tel est en effet l’un des enjeux pour les perspectives internationales.
Elles appellent nécessairement à explorer collectivement des voies et
des chemins vers une nouvelle inclusion. Charles Gardou nous y
invite maintenant.
SUSCITER UNE RÉVOLUTION CULTURELLE POUR OUVRIR
L'ÉCOLE AUX ENFANTS ET AUX ADOLESCENTS EN SITUATION DE
HANDICAP
Charles Gardou

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Denis Poizat, Éducation et handicap

ERES | « Connaissances de la diversité »


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2004 | pages 175 à 191


ISBN 978274920369
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/education-et-handicap--978274920369-page-175.htm
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Charles Gardou

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Susciter une révolution culturelle
pour ouvrir l’école aux enfants
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et aux adolescents en situation de handicap

La question de l’inclusion scolaire des enfants et des adolescents en


situation de handicap est aussi décisive qu’exigeante. Décisive, car la
place que nos sociétés accordent aux victimes du handicap révèle
aujourd’hui, ici comme là, de coupables carences et soulève pour
demain de cruciales interrogations. Exigeante, car elle engage à de
profondes transformations de nos modes de penser et d’agir. En ce
domaine, où le futur est moins à découvrir qu’à inventer, il nous faut,
pour remplir le présent de tous les avenirs, lire la réalité présente (sco-
laire et sociale), au-delà des masques ou des voiles, tout en considérant
les avancées. Il ne s’agit en effet ni de négliger les progrès accomplis et
autres mesures ou pratiques positives, ni d’ignorer que des profession-
nels du monde médical, social et éducatif, œuvrent quotidiennement

Charles GARDOU, professeur à l’université Lumière-Lyon 2, directeur de l’Institut des


sciences et pratiques d’éducation et de formation (ISPEF), président fondateur du Collectif de
Recherche « situations de Handicap, Éducation, Sociétés » (CRHES).
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Éducation et handicap
176

pour l’essor et la réussite des pratiques intégratives, ni de sous-estimer


l’action inlassable des parents, comme leur détermination à faire recu-
ler les forces conservatrices, sinon rétrogrades. Ils font partie de ceux
qui ne se résignent pas et travaillent in medio, les pieds dans la glaise
et la tête dans les étoiles. Jean Cocteau se plaisait à dire que « l’avenir
n’appartient à personne : il n’y a pas de précurseurs, il n’existe que des

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retardataires 1 ». Et nous sommes retardataires quand prévaut la
logique de la séparation et de la relégation ; lorsque nous considérons
les situations de handicap avec une conception protectionniste ;
quand nous demeurons pris dans une culture de la standardisation ;
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tant que l’accès à l’enseignement des enfants affectés par un handicap


reste entravé et que nombre d’entre eux continuent à subir des formes
de discrimination et de ségrégation.
Aussi, comment, dans le contexte actuel, dynamiser le mouvement
inclusif ? Comment revitaliser les structures ? Comment éveiller la
conscience de chacun ? Comment résister à la culture ambiante qui,
souvent encore, n’accorde aux plus vulnérables qu’un droit de cité
marginal ? Peut-on croire aux effets de moyens nouveaux sans agir en
profondeur sur la culture ? Quels sont les changements de perspectives
à même de provoquer une révolution culturelle pacifique ? Quelles
voies emprunter pour accompagner cette mutation fondamentale ?

CHEMINS ET VARIATIONS

De la catégorisation à la prise en compte de la variabilité individuelle

La première voie obligée est celle de la pleine et entière reconnais-


sance de la variabilité individuelle des enfants touchés par une défi-
cience. Une erreur, entretenue par nos représentations et toujours
renouvelée, consiste à considérer qu’ils constituent un groupe homo-
gène, puisqu’ils présentent, comme dans le cas du syndrome de
Down, la même anomalie chromosomique, marquée par des signes
cliniques et des problèmes médicaux communs. Un étiquetage, fondé
sur des critères médicaux, les rassemble sous une désignation com-
mune et les voue à un même sort. Leur personnalité se trouve éludée
au profit d’une identité collective, réduite à quelques traits saillants ou

1. J. Cocteau, Le Potomak, Paris, Stock, 1913 et 1919.


04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 177

Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


177

caricaturaux, le plus souvent à leur quotient d’intelligence. Leurs


capacités originales sont occultées, au profit de comparaisons ou de
classifications hasardeuses. Et tout se passe comme si leur destin sco-
laire était préalablement dessiné.
L’expérience quotidienne auprès d’eux prouve que leurs aptitudes,
leurs attentes et leurs besoins sont extrêmement divers, selon leur his-

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toire personnelle, le climat familial, les ressources de leur milieu et
l’accompagnement dont ils bénéficient. Leur efficience intellectuelle
se montre elle-même très variable : si 94 % des enfants trisomiques
pris en charge, en France, par un établissement ou un service médico-
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éducatif, ont pour déficience principale un retard mental, celui-ci n’est


profond ou sévère que dans 31 % des cas environ 2. À considérer leurs
acquisitions instrumentales, leurs habiletés motrices, leur niveau de
raisonnement, le développement de leurs fonctions langagières, com-
municatives, sociales et affectives, on ne repère pas plus de similitudes
entre eux qu’entre des enfants non porteurs de handicap. Ils ne pré-
sentent que des figures singulières, incarnant autant de possibilités
d’apprentissage, d’adaptation et de création 3. D’un point de vue édu-
catif, la variabilité constitue leur seul point commun 4. D’où une
nécessaire relativisation des pronostics issus de savoirs de portée géné-
rale. D’où une indispensable différenciation dans les propositions
pédagogiques. Ce qui n’exclut pas la nécessité de jalons et de repères
pour orienter l’action. Le refus de la catégorisation commande la mise
en œuvre de pratiques garantes de la singularité de chacun, dont Kier-

2. A. Triomphe, Les personnes handicapées en France : données sociales, Paris, éditions


INSERM-CTNERHI, 1995, p. 50.
3. On connaît à ce propos la pertinence des travaux de Georges Canguilhem (Le normal
et le pathologique, Paris, PUF, 1966), de même que sa blessure de père d’un enfant por-
teur de trisomie 21. Il s’efforçait de faire appréhender les possibilités infiniment créa-
tives et adaptatives du vivant. L’existence du handicap, disait-il, « met en question la vie
quant au pouvoir qu’elle a de nous enseigner l’ordre. Cette mise en question est immé-
diate, si longue qu’ait été notre confiance antérieure, si solide qu’ait été notre habitude
de voir le même engendrer le même » (« La monstruosité et le monstre », Diogène, n°40,
1962, p. 29).
4. Cela exige de rompre définitivement avec les modèles qui cautionnent, de manière
implicite, des pratiques ségrégatives. Ces modèles sont issus de la médecine tradition-
nelle, tendant à assimiler l’identité personnelle au symptôme et au fait pathologique, ou
encore d’une certaine psychologie qui réduit les difficultés de l’enfant à l’évaluation
chiffrée de sa situation d’échec.
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Éducation et handicap
178

kegaard avait fait son drapeau 5. Or, l’éducation inclusive reconnaît-elle


vraiment l’enfant en situation de handicap comme réalisation unique ?
Lui permet-elle de devenir lui-même ? Quels dangers menacent ?
L’un d’eux est l’assimilation normalisatrice, déguisée en pratique
inclusive. Dans ce cas, l’enfant n’est toléré en milieu ordinaire qu’à
condition qu’il s’efface, se dissolve dans la classe ; qu’il devienne sem-

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blable, se mette au format de l’école. Dans ce processus unilatéral, son
rapport au savoir, ses relations avec les autres sont conçus sur la base
d’une conformation : son acceptation dépend de sa capacité à se plier
à un devoir-être standard. Ici, la domination du « même » écrase l’alté-
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rité : c’est le normocentrisme, par crispation sur la toise scolaire. Phé-


nomène qui rappelle en quelque sorte la force de gravité des grands
corps célestes : le système éducatif, avec sa culture normative et ses
élèves « bien-portants et conformes », correspond à une grande étoile ;
les enfants en situation de handicap sont de petits astéroïdes. La puis-
sance d’attraction du premier est telle que les seconds n’ont d’autre
choix que de s’y fondre, en noyant leur différence dans l’identique.
L’autre danger est le différentialisme ségrégateur, camouflé sous les
traits d’une prise en compte des spécificités. En ce cas, la différence
n’est plus un fait mais une construction, avec tout ce qu’elle a d’inau-
thentique dans l’invention de l’autre. On met des lentilles dénatu-
rantes pour observer les « postulants à la scolarisation », et on les
classe, à partir de ce que l’on présente comme des différences radicales
et insurmontables. On hypertrophie et on radicalise leurs particulari-
tés pour justifier la séparation. On en conclut abusivement que l’en-
fant affecté par une déficience, trop dissemblable, a tout à gagner à
être éduqué à part. Ici, la différenciation se transforme en intégrisme
de la différence. Dans la perspective d’une culture inclusive, nous
tenons pour essentielle cette prise de conscience des impasses que
représentent l’assimilation et le façonnage normatif qui lui correspond
d’une part, et le différentialisme avec les réductions ou les discrimina-
tions qui lui sont liées, d’autre part. En éducation, seul le singulier
constitue une catégorie décisive. Seule prévaut la prise en compte de
l’enfant réel, irréductible à nul autre.

5. « Si je devais demander qu’on mette une inscription sur mon tombeau, je n’en vou-
drais que celle-ci : il fut le singulier », écrivait Sören Kierkegaard.
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Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


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De l’enfermement dans un système à la flexibilité des itinéraires

La deuxième voie, celle de la flexibilité des itinéraires éducatifs,


s’articule étroitement à la précédente. Pour une large part, la réussite
d’un projet de scolarisation en dépend. Si nous sommes partisan de
l’inclusion, nous ne militons ni pour sa réalisation coûte que coûte ni

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pour une trajectoire unique. La fragilité et la complexité des situations
interdisent les positions dogmatiques, les parcours monolithiques, et
tout enfermement dans un système que Charles Péguy définissait à
raison comme « ce qui reste quand un systématique est passé par là ».
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La mosaïque des besoins implique la pluralité des itinéraires et des


formes. Chaque cas étant unique, pas de prêt-à-porter, mais du sur-
mesure, modelé par ajustements successifs. Un projet d’inclusion sco-
laire correspond à un parcours personnalisé, évolutif, souple, protéi-
forme, dans le milieu le moins restrictif possible. Aussi prend-il
nécessairement différents visages. Dans ce que nous pouvons appeler
l’« inclusion collective », l’enfant est scolarisé, à temps plein ou partiel,
dans une classe adaptée en établissement ordinaire, où il partage cer-
taines activités avec les autres élèves ; dans l’« inclusion individuelle »,
il participe à une classe ordinaire avec d’autres élèves du même âge,
avec ou sans auxiliaire ou soutien particulier. Si cette dernière est à pri-
vilégier, elle comporte néanmoins le risque majeur de priver de scola-
risation les moins performants, en particulier les enfants présentant
une déficience intellectuelle, encore rares à en bénéficier.
Mais qu’en est-il du bien-fondé et de la complémentarité de ces
diverses formes d’inclusion ? Les dispositifs collectifs font-ils obstacle
aux solutions individuelles ? Les situations de terrain montrent au
contraire qu’ils les favorisent, les impulsent, souvent les prolongent.
Certains enfants profitent des secondes après un détour par les pre-
miers. Inversement, d’autres bénéficient d’une « inclusion collective »,
au terme d’un itinéraire individuel devenu trop éprouvant. Cepen-
dant, nous ne méconnaissons ni le danger de recréer des enclaves dans
les murs de l’école ou du collège, ni l’hypocrisie entourant certaines
pratiques, notamment certaines classes, dites « inclusives », fonction-
nant en contradiction avec la philosophie qui les fonde.
Si les dispositifs ne sont et ne deviennent que ce que nous en fai-
sons, la réponse à l’exigence de personnalisation passe nécessairement
par l’élargissement optimal de la palette des possibilités offertes.
Diversifier davantage sans fragmenter ; exploiter, jusqu’aux confins, la
richesse pédagogique de la flexibilité : tel est le défi à relever.
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Éducation et handicap
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Des ruptures déstructurantes à la continuité éducative

La flexibilité n’exclut pas la continuité, qui constitue la troisième


voie. Est-il besoin de souligner les effets déstabilisants des ruptures de
scolarité ? Est-il nécessaire de rappeler que le développement intellec-
tuel d’un enfant, fût-il en situation de handicap, ne s’interrompt pas

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au terme de sa préscolarisation ? Or, lui permet-on vraiment de conti-
nuer à fréquenter l’école après la maternelle, le collège après l’école… ?
L’école maternelle, espace privilégié de socialisation encore pré-
servé de la dictature des programmes, assume globalement bien son
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rôle inclusif. C’est le seuil de l’école primaire qui inaugure une pre-
mière phase de turbulences : l’enfant s’y trouve en danger d’exclusion,
ses investissements antérieurs et ses espoirs souvent s’y anéantissent.
Le passage dans le second degré correspond à une deuxième étape de
tempête. Bien sûr, les textes officiels stipulent, en France comme dans
d’autres pays, que les droits sont identiques dans le secondaire et le
primaire. Il n’en demeure pas moins que la plupart des adolescents
victimes d’une déficience mentale ne trouvent pas leur place au col-
lège et au lycée. Quelles sont les raisons de cet état de fait ? D’un côté,
la carence de dispositifs adaptés ne permet pas d’assurer des parcours
cohérents. De l’autre, on continue majoritairement, malgré les expé-
riences réussies, à considérer que l’inclusion, au-delà des classes pri-
maires, relève de l’illusion, de l’effet de façade ou de l’action caritative.
Rien de surprenant à ce qu’elle devienne anecdotique en lycée. Rien
d’étonnant non plus à ce que les adolescents atteints de déficience
mentale y soient les premières victimes des effets de la suprématie des
résultats, des rythmes accélérés, de l’impréparation des professeurs, de
l’absence de dispositifs spécialisés et d’accompagnements par des ser-
vices de soins, etc. En réalité, le mouvement inclusif ne peut prendre
de l’ampleur qu’à partir de l’abandon d’une politique de sélection 6. Il
est de plus en plus admis que l’obligation éducative, à laquelle ont à
satisfaire les enfants et les adolescents en situation de handicap, doit se
réaliser, quel que soit le niveau d’enseignement, dans les classes ordi-
naires. Seuls ne méritent pas d’y être orientés ceux qui s’y trouveraient
en souffrance ou n’en tireraient aucun profit sur les plans personnel,

6. OCDE, L’intégration scolaire des enfants à besoins éducatifs particuliers, Paris, CERI,
1995.
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Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


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social ou intellectuel. Dans ces cas uniquement, et pour une durée


variable, il est légitime de préconiser le passage ou le retour en éta-
blissement spécialisé. L’Italie elle-même, malgré sa loi « tremblement
de terre » de 1977, admet cette nécessité de traiter différemment les
cas les plus graves. En tout état de cause, ce sont là les seules justifica-
tions de placement en milieu protégé. Il est clair que l’on n’assure

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aucunement la continuité éducative et pédagogique par des pratiques
en trompe-l’œil, où l’enfant en situation de handicap, présent physi-
quement dans une classe, demeure privé de toute occasion de partici-
pation et d’apprentissage. Je songe ici à un passage de L’enfant hallu-
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ciné de René-Jean Clot 7, qui traduit bien la solitude et la souffrance,


souvent inapparentes, de l’enfant faussement intégré parmi les autres :
« Immobile et silencieux, le dernier de la classe est vêtu d’une armure
d’acier noir, il garde à l’écart un château désert. Personne ne le visite.
Les portes sont munies de lourds verrous. Je disais aux autres : Bon-
jour ! Ils ne me répondaient pas, j’étais la nuit noire […] Des cordes
secrètes empêchaient les heures de l’horloge d’avancer. Pendant des
années, j’ai vécu dans l’armure du mépris et de la douleur inconnue
des gens malins […] Que me voulaient-ils ? Mon esprit battait en
retraite […] Pourquoi ma mère s’obstinait-elle à m’envoyer à l’école ?
Je ne comprenais pas. Plutôt ne rien apprendre que de savoir combien
j’étais bête. »
On ne traite pas l’enfant en situation de handicap à égalité avec les
autres lorsque, par des décisions arbitraires, on provoque des ruptures
dans son parcours. On intensifie sa vulnérabilité et on entrave son
devenir. On va à l’encontre de la culture inclusive appelée de nos
vœux.

ROUTES ENTRECROISÉES

D’un seul maître à bord à l’entrecroisement des compétences

L’entrecroisement des regards et des compétences représente la


quatrième voie. L’intégration souffre effectivement de notre difficulté
à entrecroiser. C’est un art très difficile. L’usage fréquent de certains

7. R.-J. Clot, L’enfant halluciné, Paris, Grasset, 1987.


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Éducation et handicap
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mots, comme ceux de collaboration, interaction, négociation, parte-


nariat, pourrait donner l’impression que la chose est, sinon acquise,
du moins en voie de l’être : comme si les divers professionnels auprès
de l’enfant en situation de handicap s’accordaient aisément pour unir
leurs efforts, dans la perspective d’un accompagnement harmonieux.
En réalité, la coopération ne règne pas plus sur l’ensemble des pra-

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tiques que la paix universelle sur les nations. Il se trouve certes des
« colombes » qui la pratiquent, mais nombreux sont ceux qui restent
arc-boutés sur leur territoire, à l’intérieur duquel il leur est plus facile
de faire valoir leurs compétences et d’exercer leur pouvoir. L’efficacité
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des pratiques s’évanouit alors en un traitement parcellisé. On frac-


tionne les réponses, on propose des projets distincts, voire opposés. Il
en résulte des incohérences entre les initiatives des différentes équipes,
ou entre celles des acteurs scolaires et des intervenants extérieurs.
L’éducation inclusive n’autorise pas davantage les attitudes de domi-
nation et les querelles de prépondérance ou de légitimité entre les
acteurs médicaux, sociaux ou éducatifs que les segmentations qui en
découlent. Au compartimentage, elle exige de substituer l’action d’un
plateau pluridisciplinaire de professionnels, aux cultures, aux res-
sources, aux missions et aux modes de fonctionnement différents.
C’est de la diversité de leurs points de vue que dépend directement
l’intégralité du développement de l’enfant : le kinésithérapeute lutte
contre l’hypotonie et les problèmes orthopédiques ; le psychomotri-
cien vise la maîtrise de l’espace et du schéma corporel, l’orthophoniste
tente de remédier aux difficultés de langage ; le psychologue s’efforce
de cerner les difficultés cognitives ou comportementales et travaille à
relier les parents et les professionnels, l’enseignant est responsable des
apprentissages scolaires, etc. Cette pluralité des interventions sous-
tend de profondes évolutions à la fois des pratiques institutionnelles et
de la fonction enseignante elle-même. Le maître n’est plus seul à
bord : son appartenance à une équipe et à un réseau le contraint à
abandonner une partie de ses prérogatives.
Simultanément, l’éducation inclusive implique la réaffirmation
du rôle unique et inégalable de la famille : la scolarisation d’un enfant
ne saurait être couronnée de succès sans le désir des parents et leur
volonté de nouer des liens avec l’équipe d’accueil. Premiers éduca-
teurs, ils sont des témoins et des « partenaires-clés qui ont le droit de
choisir le processus éducatif qui leur convient », rappelait la Charte de
Luxembourg de novembre 1996. Or, trop de familles, se sentant
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Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


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incomprises dans leur désarroi, vivent leurs relations avec l’école


comme une course d’obstacles. Au nom de leur « droit d’auteur », elles
demandent plus de participation, plus de proximité dans les décisions
prises, moins de soumission à l’égard de ce qui leur apparaît souvent
comme des mécanismes lourds et opaques, parfois comme des bureau-
craties. Dans sa théorie de l’agir communicationnel, Jurgën Habermas

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s’affronte à une question que l’on peut rapprocher du vécu de ces
parents dans leurs relations aux enseignants et, plus largement, aux
professionnels : comment agir ensemble, parvenir à un consensus, à
partir d’un débat entre acteurs qui acceptent de discuter la légitimité
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de leurs approches 8 ? Il nous faut relier au lieu de délier, répondent


Edgar Morin 9 et Marcel Bolle de Bal 10. Entrecroiser les regards.
Entrelacer les compétences et les savoirs. Travailler en réseau. Echan-
ger les expériences. Faire connaître les réussites. C’est un autre chemin
obligé pour une culture de l’inclusion.

De la seule vision des creux à la valorisation des reliefs

La cinquième voie, celle d’une promotion résolue des ressources


de l’enfant, même les plus ténues, est signifiée par les mots de
Sophocle dans Œdipe à Colone : « Accepte le destin, mais sache le
maudire 11 » ; ou semblablement par ceux de Vercors : « Désespoir est
mort 12. » Cette résignation, cette désespérance, perverses et stériles,
que l’un et l’autre dénonçaient, guettent les enseignants. Ils sont
tentés de se représenter l’enfant en négatif, de se polariser sur son défi-
cit objectif, de sombrer in fine dans le fatalisme face à la lenteur de ses
progrès et à l’incertitude de son avenir. De sorte que l’on a, par
exemple, longtemps nié le potentiel d’éducation des enfants atteints
du syndrome de Down. On les considérait inaptes à toute scolarisa-
tion. Et, jusqu’à une date relativement récente, on n’espérait pas plus

8. Jurgën Habermas oppose au monde vécu la domination grandissante du système,


fondé sur la raison technique, sans l’espace possible de discussion (La théorie de l’agir
communicationnel).
9. E. Morin, La tête bien faite, Paris, Le Seuil, 1999.
10. M. Bolle de Bal, Voyage au cœur des sciences humaines. De la reliance. Tome 1 :
Reliance et théories ; tome 2 : Reliance et pratiques, Paris, L’Harmattan, 1996.
11. Sophocle, Théâtre complet, Paris, Garnier-Flammarion, 1964.
12. Vercors, Le silence de la mer, Paris, Minuit, 1942.
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Éducation et handicap
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en leurs possibilités d’accès à la lecture ou à l’écriture qu’aux mathé-


matiques. On se contentait de ranger dans l’ordre de l’exception les
situations individuelles de scolarisation. Ils démontrent désormais leur
aptitude aux apprentissages scolaires et sociaux, grâce à un rythme
adapté et à des aides éducatives, pédagogiques et thérapeutiques. Pour
variables qu’elles soient, leurs possibilités de progrès n’en sont pas

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moins réelles.
Il n’empêche que leur éducation continue à se heurter à nos molles
résolutions et à nos objectifs incertains, comme à nos excès de pru-
dence et à la froideur de notre réalisme. Rien ne peut pourtant abou-
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tir, dans l’action pédagogique auprès d’un enfant en difficultés cogni-


tives, sans espérances exagérées. Ce qui interdit de (se) fixer des limites
a priori et suppose en même temps de savoir détecter ses émergences,
c’est-à-dire ce qui, encore en deçà des compétences, est en germe. Il
est question ici non pas de générosité, mais de défi à relever pour l’en-
seignant et d’ambition vitale pour l’enfant, de condition sine qua non
pour ses progrès. Comment pourrait-il manifester un désir d’avenir si
ses parents et ses maîtres n’en ont pas pour lui ? Comment pourrait-il
être stimulé à grandir si on le réduit à la plus petite partie de lui-même ?
Est-il besoin de rappeler l’influence de l’estime de soi sur l’envie
d’apprendre et l’investissement scolaire 13 ? S’il est désormais admis
que l’absence d’attentes positives paralyse tout processus d’apprentis-
sage, la question de leur ajustement aux possibilités réelles de l’appre-
nant interroge directement sur la posture pédagogique à adopter.
D’un côté, celle que nous qualifions d’ « attentiste », de paternaliste
ou de compassionnelle, présuppose que l’enfant doit être accepté tel
qu’il est, qu’il est vain d’espérer une évolution significative. Le profes-
seur conçoit, à son intention, une pédagogie et un environnement très
concrets, qui lui permettent d’acquérir les savoirs et les habiletés
nécessaires à quelques réussites immédiates, mais laissent entiers ses
problèmes d’adaptation. À l’inverse, la posture que nous appelons
« stimulatrice » considère l’enfant comme sujet légitime d’une action

13. S. Coopersmith définit l’estime de soi comme « l’expression d’une approbation ou


d’une désapprobation portée sur soi-même. Elle indique dans quelle mesure un indi-
vidu se croit capable, valable, important. C’est une expérience subjective qui se traduit
aussi bien verbalement que par des comportements significatifs » (Inventaire d’estime de
soi, Paris, ECPA, 1984).
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Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


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transformatrice. Refusant le déterminisme et toutes les formes de


démission, l’enseignant vise la représentation mentale et la concep-
tualisation, postulant que c’est au prix d’une élévation du niveau
d’exigence que l’enfant atteint le degré d’autonomie que requiert sa
vie sociale ultérieure.
Reconnaissons toutefois la difficulté à cerner les possibilités réelles

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des enfants affectés d’une déficience intellectuelle, compte tenu de
l’écart entre l’âge chronologique et le niveau de développement 14.
Admettons aussi l’aridité toute particulière de la tâche d’éducation
auprès d’eux. Ils grandissent à leur rythme propre et le fossé qui les
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sépare des autres se creuse, laissant les enseignants désemparés de


n’avoir pu atteindre l’objectif fixé. À l’instar de l’environnement
familial, ceux-ci se trouvent aux prises avec un vécu d’incompétence,
d’aliénation et de culpabilité. Aussi est-il bien difficile d’éviter la
propagation de la désespérance (« c’est trop difficile, il n’est pas à sa
place, il n’y parviendra pas…») ; d’empêcher que la pédagogie se
laisse détériorer par la confrontation au handicap ; de se prémunir
enfin contre l’angoisse de claustrum, ce sentiment d’incarcération
dans les limites de celui que l’on a la responsabilité de faire grandir
et de « libérer ». Quoi qu’il en soit, le passage de la vision des creux
à la valorisation des reliefs, l’espérance que quelque chose est pos-
sible sont les seules normes, assez virtuelles, pour que tous ceux qui
accompagnent le cheminement scolaire d’un enfant en situation de
handicap les poursuivent sans cesse et y ordonnent leurs pratiques 15.

De l’impérialisme du programme au droit à la compensation

La sixième voie passe par un droit fondamental, qui découle de


celui d’intégration et donne corps à la proclamation européenne du
principe de non-discrimination, contenue dans l’article 13 du Traité
d’Amsterdam. C’est le droit à la compensation qui recouvre, non seu-
lement les aides humaines ou techniques, les dispositions environne-
mentales, mais également l’ensemble des adaptations éducatives et
pédagogiques.

14. Cet ajustement renvoie à la zone proximale de développement si bien caractérisée


par Lev. S. Vigotsky.
15. Nous paraphrasons les propos de Michel Serres, dans son ouvrage, À visage différent,
Paris, Hermann, 1997.
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Éducation et handicap
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Il reste aux acteurs éducatifs à le traduire en actes, afin de per-


mettre aux enfants en situation de handicap de trouver durablement
leur place dans l’école et d’en tirer profit. Il procède concrètement de
la capacité de l’enseignant à ajuster les programmes, les méthodes et
les démarches ; à aménager les rythmes pour faciliter la construction
des savoirs ; à imaginer sans cesse de nouveaux « plans pédagogiques

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inclinés ». Songeons ici aux nombreux précurseurs, qui sont parvenus,
par une pédagogie à géométrie variable, à compenser les effets des
déficiences et à réveiller les capacités enfouies sous les blessures du
corps ou de l’esprit : Louis Braille, contestant l’amalgame entre cécité
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et aveuglement moral qui avait voué, jusque-là, les aveugles à l’igno-


rance ; Jean-Marc Itard s’appliquant, auprès de Victor, l’« enfant sau-
vage », à mettre à l’épreuve la perfectibilité humaine contre les dia-
gnostics pessimistes ; Maria Montessori s’efforçant de mettre en œuvre
une pédagogie scientifique ; Vygotski, initiateur de la médiation en
pédagogie, consacrant d’importants travaux au développement culturel
de l’enfant présentant une déficience mentale. Eux, et bien d’autres,
ont donné chair, par anticipation, aux idées de compensation et de dif-
férenciation pédagogiques. Ils ont démontré la nécessité de s’appuyer,
non sur un programme préétabli, mais sur une stratégie ajustée. Le pro-
gramme, reposant sur la détermination préalable d’actions guidées par
un objectif, tire son efficacité de conditions stables fixées avec préci-
sion. Des perturbations imprévues compromettent son exécution :
Jean-Marc Itard l’a payé de son « échec ». La stratégie, elle, choisit un
scénario parmi d’autres, en fonction d’un environnement incertain ; la
trajectoire d’apprentissage se modifie à partir des inattendus, des
hasards et des remodelages successifs. Notre représentation d’une école
normée et d’un enfant « moyen et bien portant » nous pousse au pro-
gramme, alors que l’éducation inclusive réclame de la stratégie 16. C’est
ainsi que certaines pratiques provoquent la destinerrance 17, c’est-à-dire
la déroute de la destination, le sentiment, pour l’enfant en situation de
handicap, d’être confronté à l’inaccessible, d’être anéanti, comme jeté
par-dessus bord. Quand le programme continue à régner en maître,
quand le droit à la compensation pédagogique est oublié, l’inclusion
scolaire prend le visage de la violence de l’échec.

16. E. Morin, op. cit., p. 68-69.


17. J. Derrida, Glas, Paris, Galilée, 1974.
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Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


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VOIES POUR L’UNIVERSEL

De l’exclusivité du savoir ou de la socialisation


à la socialisation par le savoir

La septième voie vise la conciliation entre les ambitions éduca-

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tives et les objectifs scolaires, afin de prévenir les deux excès suscep-
tibles de compromettre le processus intégratif. On peut, d’un côté,
socialiser sans enseigner. À trop prendre en compte le handicap, on
désinvestit le scolaire, pour privilégier les seuls apprentissages rela-
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tionnels. On ne reconnaît pas les savoirs fondamentaux comme via-


tiques indispensables à la reconnaissance et à l’insertion sociales. On
oublie que l’enfant en situation de handicap a besoin, autant que les
autres, d’accéder au lire et à l’écrire. Le rôle de l’enseignant est de lui
permettre d’émerger comme sujet de connaissance, afin qu’il ne reste
pas l’infans, celui qui ne pense pas, ni ne participe à la culture uni-
verselle. C’est par l’accès au savoir, même a minima, qu’il se rap-
proche des autres et partage avec eux des significations culturelles
communes. À l’inverse, on peut enseigner sans socialiser. On nie le
handicap et les difficultés réelles qui lui sont liées, pour n’admettre
que le savoir. L’objectif de réhabilitation de l’enfant se réalise à son
détriment : le « scolaire » envahit toute son existence et ses désirs de
sujet ne sont pas reconnus. Il y a alors danger de recourir à des
méthodes correctives ou behavioristes, génératrices de troubles com-
portementaux supplémentaires, ou de verser dans l’acharnement
pédagogique. La scolarisation en milieu ordinaire ne se réduit pas à
une accumulation de connaissances : il y est aussi fortement ques-
tion d’élaboration identitaire. À ce titre comme à bien d’autres, elle
est comparable à un rite de passage : c’est l’espace où l’enfant s’édi-
fie et s’autonomise par le savoir ; où il vit et se repère à travers les
autres ; où il noue les relations physiques, psychiques et sociales, qui
le relient à son environnement. Socialisation et acquisition de
savoirs fondamentaux y sont indissociables. À disjoindre ces dimen-
sions, naturellement imbriquées, et à négliger l’une d’elles, on com-
promet la réussite de l’inclusion que l’on prétend servir et on
brouille son image.
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 188

Éducation et handicap
188

Du bricolage informatif à une formation professionnalisante


et reliante

Si l’on attend de l’école qu’elle enseigne et socialise, on espère aussi


qu’elle s’ouvre plus largement. Or, quelle aide lui offre-t-on pour réus-
sir ce pari qui la concerne dans son entier, de la maternelle à l’univer-

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sité ? Cette question déterminante de la formation représente la hui-
tième voie.
L’absence de véritable projet formatif cohérent et volontariste
génère, chez nombre d’enseignants, des sentiments de solitude et
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d’incompétence, qui les conduisent parfois au burn-out. Chez


d’autres, elle explique, dans une large mesure, leur attitude contra-
dictoire : ils soutiennent le principe de l’inclusion tout en manifes-
tant des réticences face à une situation concrète. Les enquêtes de ter-
rain reflètent leur peur récurrente de ne pas savoir faire : « Je suis
favorable à l’accueil de cet enfant, mais que puis-je lui apporter ?
Comment parvenir à saisir ses modes de penser et d’agir ? Comment
m’occuper de lui, sans négliger les autres 18 ? » D’une part, l’insuffi-
sance de la formation personnelle rend difficile leur rapport à l’en-
fant « différent », laissant libre cours aux représentations erronées et
à leur angoisse d’un face-à-face éducatif insoutenable. D’autre part,
l’impréparation fonctionnelle sécrète leurs difficultés d’adaptation
didactique et pédagogique, d’où leur doute sur l’efficience des pra-
tiques d’inclusion, voire leur refus de s’y impliquer. La scolarisation
des élèves en situation de handicap sollicite des compétences profes-
sionnelles avérées, dépassant le dévouement, la vocation ou l’œuvre
de bienfaisance. On ne peut continuer à considérer les professeurs
comme des missionnaires laïcs, ni à oublier leurs difficultés
concrètes inhérentes à l’inclusion, leur donnant l’impression d’assu-
mer un rôle qui dépasse leur métier et, qui plus est, de s’en trouver
stigmatisés. Il y a urgence à former un enseignant professionnel et
médiateur de l’inclusion. La simple sensibilisation, le bricolage
informatif ne suffisent pas. Il faut consentir un effort multidirec-
tionnel, comprenant la mise au point d’un système fiable de recueil
de données pour concevoir des stratégies formatives adaptées ; le

18. Cette crainte se révèle globalement sincère, même si on ne peut exclure qu’elle sert
d’alibi aux plus résistants.
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 189

Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


189

développement aussi bien quantitatif que qualitatif des formations


initiale et continue ; l’implication forte de l’université (création de
nouveaux cours, intensification des travaux et recherches en anthro-
pologie, sociologie, psychologie, sciences de l’éducation…) ; la mise
en synergie des expériences de terrain et la diffusion des réussites ou
actions innovantes ; la conception de réseaux, de passerelles…

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La défaillance actuelle du système formatif se trouve en outre ren-
forcée par sa structuration en castes : la synthèse et la reliance y sont
sous-développées 19. Par suite, chacun tend à s’installer dans une sou-
veraineté liée à sa discipline, au niveau ou au type d’enseignement.
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Comment améliorer alors les interactions des acteurs potentiels du


changement ? Comment mettre en actes l’intégration sans avoir préa-
lablement réformé les esprits par une formation professionnalisante et
reliante, sachant que les enseignants non formés constituent l’obstacle
le plus puissant ? Comment réformer les esprits des futurs adultes si,
enfants, ils ont vécu dans des écoles aseptisées ? Les pouvoirs publics
n’ont plus droit à l’immobilisme, ni les enseignants à l’ignorance :
« l’enfant ne peut plus attendre : son nom est aujourd’hui », selon les
mots de Gabriela Mistral 20.

De l’imposture des discours à une posture congruente

« N’écoutez pas ce qu’ils disent, regardez ce qu’ils font » ; cette


belle phrase de Bergson, revenant plusieurs fois sous la plume de
Jankelevitch, dans les Deux sources de la morale et de la religion,
indique la dernière voie, qui détermine toutes les précédentes : l’ur-
gente nécessité d’une congruence entre les intentions, les textes, les
recommandations et leur traduction concrète dans la réalité. Si les
discours brillent souvent par leur générosité, la mise en actes reste
trop pâle et défaillante. Or les vieux démons de l’humanité ne recu-
lant à coups de formules magiques, des atteintes aux droits fonda-
mentaux de l’enfant et des dysfonctionnements graves se perpétuent.
Ceux-ci mettent à nu le fonctionnement de la machine scolaire
comme telle. Parce qu’elle repose sur une contradiction fondamen-
tale, l’école se trouve souvent en guerre avec elle-même. Elle incarne

19. D’après Edgar Morin, op. cit., p. 26-27.


20. Gabriela Mistral, femme poète chilienne.
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Éducation et handicap
190

au grand jour le mythe fondateur de l’idéal républicain, qui proscrit


toute forme de discrimination, mais joue, dans son fonctionnement
réel, un autre rôle plus souterrain : celui de produire de la différence
et de catégoriser ceux qu’elle accueille ou rejette… En n’accordant ni
l’attention ni la place requises aux enfants en situation de handicap,
elle amplifie la fracture sociale qu’elle est chargée d’atténuer. La cou-

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pure intérieur-extérieur y prend parfois une forme caricaturale : elle
milite pour l’égale reconnaissance de chacun dans la cité, tout en
protégeant son territoire de l’intrusion de la différence. Au nom de
la l’égalisation des chances, de la démocratisation, elle prône le
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« nous », mais développe prioritairement le « je ». On se paie fré-


quemment, disait Pierre Bourdieu, de la fausse monnaie de ses rêves.
Quelle est la crédibilité d’un système éducatif qui, en même temps,
exclut et se dit contre l’exclusion ? Or, rien n’autorise a priori à
priver un enfant de fréquenter l’école, avec les aides requises. Aucun
établissement scolaire ne peut s’exonérer de sa mission d’accueil.
Éducation et rejet ne peuvent aller de pair : la première, inscrite dans
une logique de vie, cherche à révéler et à déployer ; l’autre, qui
rabaisse et détruit, se rapproche d’une logique de mort. Aux propos
généreux et aux textes humanistes doivent correspondre des déci-
sions politiques volontaristes, traduites concrètement en termes de
compétences et de moyens : par exemple, par une réelle prise en
compte de l’équilibre du groupe-classe, par une adaptation des ins-
tallations pédagogiques et techniques, par l’accessibilité de l’espace
et des transports scolaires ; par une veille attentive au respect de l’in-
térêt supérieur des enfants et des adolescents en situation de handi-
cap et de l’excellence de leur éducation. Car c’est bien d’excellence
dont il convient dorénavant de parler. « Les idées ne sont pas faites
pour être pensées, mais pour être vécues », se plaisait à dire André
Malraux. On ne peut poser des règles et ne pas y croire, en prescrire
l’application et les laisser lettre morte. Il dépend de cette posture de
congruence que ne se perpétue pas sous les couleurs du futur les
carences que l’on déplore encore aujourd’hui.

POUR CONCLURE

Que pouvons-nous espérer ? Il y a une chose que nous ne pouvons


pas espérer, c’est de réussir l’inclusion scolaire, sans susciter une pro-
fonde transformation, dont nous avons tenté d’ébaucher quelques
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Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école…


191

contours. Nous ne parviendrons pas non plus à supprimer les vio-


lences à l’école sans éradiquer les violences de l’école : au premier chef,
celle que constitue la mise à l’écart des plus fragiles. Dans cette pers-
pective, il nous reste à triompher de la fragmentation qui organise
aujourd’hui notre matrice culturelle, en menaçant notre unité : ce sera
sans doute la grande conquête du XXIe siècle. Les enfants et les ado-

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lescents en situation de handicap n’en seront pas les seuls bénéficiaires.
Quelque chose d’autre peut advenir à travers ce mouvement qui
cherche, en hésitant, ses voies de réalisation : une mutation anthropo-
logique, venue de loin, portant très loin et débordant de toutes parts
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les murs de l’école. L’homo sapiens, apte à la pensée abstraite, s’enri-


chira de l’homo socians 21, capable de réunir, de relier, en refusant que
la promotion des uns se nourrisse de l’exclusion des autres.

21. Nous pourrions également utiliser l’expression voisine, homo concilians (homme qui
rapproche ses semblables, qui installe de la concorde), ou encore celle d’homo colligans
ou conligans (homme qui rassemble).
UN CHANTIER OUVERT…
Denis Poizat

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 193 à 194


ISBN 978274920369
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04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 193

Denis Poizat

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Un chantier ouvert…
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Sommes-nous à grande distance d’une meilleure prise en compte


du handicap dans les systèmes éducatifs ? Chaque génération ne
reconstruit-elle pas les expériences passées, ne renouvelle-t-elle pas les
erreurs, ne vit-elle pas les errances que connurent les générations pré-
cédentes ?
La vigilance s’impose en effet : celle des parents et des personnes
concernées par le handicap – et leur nombre est considérable –, mais
aussi vigilance scientifique et vigilance politique. Ces trois pôles de veille
et d’action en direction d’une meilleure inclusion au niveau internatio-
nal sont encore trop souvent disjoints. Les observatoires internationaux
du handicap restent naturellement dépendants des systèmes d’informa-
tion disponibles. Seuls les États industrialisés sont dotés aujourd’hui de
tels outils. Ils restent au demeurant bien imparfaits. En revanche, com-
bien d’États en sont dépourvus…
Il conviendrait donc d’inviter les organisations internationales,
celle des Nations-Unies notamment, à organiser la mise en place d’in-
dicateurs universels d’inclusion et à mettre en œuvre des réseaux sen-
tinelle ad hoc. La tâche est immense, mais elle n’est pas vaine. C’est un
des chantiers de la recherche en éducation comparée que de contri-
buer à établir les fondements techniques et politiques de ces indica-
teurs. Parce que l’éducation comparée a toujours à voir avec l’aide à la
décision en matière de politique publique d’éducation, l’existence de
04 Troisième partie 31/07/09 9:45 Page 194

Éducation et handicap
194

pareils instruments peut stimuler la coopération internationale


publique et privée dans ce domaine qui, on le sait, est très mince. Elle
peut surtout permettre aux États de mettre en œuvre les mesures
nécessaires à une meilleure prise en compte de cette question dans
leurs propres politiques.

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BIBLIOGRAPHIE

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 195 à 208


ISBN 978274920369
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PAGES DE FIN

Denis Poizat, Éducation et handicap

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ERES | « Connaissances de la diversité »

2004 | pages 209 à 214


ISBN 978274920369
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Table des matières
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Denis Poizat
Des territoires réservés aux univers partagés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Les territoires réservés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Les espaces protégés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Les univers partagés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

DE LA CLÔTURE À L’OUVERTURE : L’ÉCOLE

Felicity Armstrong
Débusquer l’idéologie : l’exemple d’une école en Angleterre . . . . . 21
Du centralisme à la décentralisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
De l’étiquetage aux macro-catégories . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Du discours aux pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Malika Tefiani
Intégrer dans la wilaya d’Alger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Une population bigarrée pour une prise en charge
encore insuffisante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Les enfants aux trajectoires troublées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Des objectifs d’intégration sociale et d’éducation générale :
le centre Ali Remli. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
06 Tab. Mat. 31/07/09 9:47 Page 210

Éducation et handicap
210

Marie-Françoise Crouzier
Passer du territoire clos au réseau d’aide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Le droit à l’éducation pour tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
La promotion d’une école intégratrice soutenue par des services
d’appui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
La mise en réseau des ressources en matière d’aides, de formation

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et de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Brigitte Belmont, Aliette Vérillon


Relier les territoires par la collaboration des acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
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Divers modes de collaboration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59


Une dynamique d’échange constructive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
D’un processus de coconstruction à une démarche d’ajustement
réciproque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

DE LA MUTATION DES TERRITOIRES


AUX TRANSFORMATIONS ÉDUCATIVES

Fernand Sainte Rose


Naviguer des terres de la contention
aux espaces de l’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
La société coloniale et les enfants de milieux populaires . . . . . . . . . . . . . 70
Du non-être inoffensif à l’enfance vagabonde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Chemins vers l’adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

Lin Kuei Mei, Éric Plaisance


Explorer les pratiques et croiser les regards :
une comparaison France-Taiwan. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Similitudes et différences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Observations croisées de Taipei et de Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Vers un changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

Andrea Canevaro
Métisser les postures de transformation au sein du territoire . . . . 99
L’intégration italienne comme mouvement de participation
élargie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Refuser la différence induisant la discrimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
06 Tab. Mat. 31/07/09 9:47 Page 211

Table des matières


211

Irruption ou lente maturation ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104


Des corps séparés aux droits civils élargis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

Marjolaine Saint-Pierre
Repenser le territoire, penser l’organisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Action et dimension politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

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Action et dimension organisationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Décentralisation et leadership scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

Jean-Marc Lesain-Delabarre
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Scolariser un enfant handicapé : de la confrontation


à la rencontre des univers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Étapes principales de la marche vers l’intégration scolaire
en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Stratégies d’intégration : les analyses expertes des professionnels. . . . 127
Une approche des stratégies parentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Transposition de la théorie des six Mondes de Boltanski et
Thévenot dans le champ éducatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

Adriana Limaverde Gomes, Rita Vieira de Figueiredo


Apprendre en dépit des appartenances sociales ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Expériences de lecture et d’écriture dans le milieu familial . . . . . . . . . 139
Les expériences scolaires et l’acquisition de la lecture et de l’écrit . . . 144

VERS LA PENSÉE MONDE

Pierre Fonkoua
Relever les défis de la marginalisation
de la personne âgée en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
L’inclusion des anciens, un plaidoyer pour les pays du Sud . . . . . . . . 152
Les personnes âgées dans le département de la Menoua . . . . . . . . . . . . . 155
Éducabilité chez l’adulte vieillissant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

Éric Plaisance
Comparer et produire des indicateurs internationaux . . . . . . . . . . . . . . . 163
Nouvelles orientations, nouvelles dénominations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
Recherche d’indicateurs sur les besoins éducatifs particuliers . . . . . . 167
Un nouveau classement d’indicateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
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Éducation et handicap
212

Charles Gardou
Susciter une révolution culturelle pour ouvrir l’école
aux enfants et aux adolescents en situation de handicap . . . . . . . . . . . 175
Chemins et variations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Routes entrecroisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Voies pour l’universel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

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Pour conclure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190

Denis Poizat
Un chantier ouvert… .............................................................. 193
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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
06 Tab. Mat. 31/07/09 9:47 Page 213

Déjà parus dans la collection


« Connaissances de l’éducation »

Thérèse-Adèle Husson Nicole Diederich et Danielle Moyse

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UNE JEUNE AVEUGLE LES PERSONNES HANDICAPÉES
DANS LA FRANCE DU XIXe SIÈCLE FACE AU DIAGNOSTIC PRÉNATAL
Éliminer avant la naissance ou accompagner ?
Sous la direction de Pierre Bonjour
Barbara Walter
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et Françoise Corvazier
REPÈRES DÉONTOLOGIQUES LA FAMILLE PEUT-ELLE ENCORE ÉDUQUER ?
POUR LES ACTEURS SOCIAUX
Le livre des avis du Comité national Philippe Gaberan
des avis déontologiques DE L’ENGAGEMENT EN ÉDUCATION

Pierre Bonjour, Michèle Lapeyre Sous la direction de Charles Gardou


LE PROJET INDIVIDUALISÉ, LA GESTION MENTALE EN QUESTIONS
CLÉ DE VOÛTE DE L’ÉCOLE INCLUSIVE ? A propos des travaux
Du discours à la méthode, le Sémaphore d’Antoine de la Garanderie

Charles Gardou et coll.


David Goode
CONNAÎTRE LE HANDICAP,
UN MONDE SANS LES MOTS RECONNAÎTRE LA PERSONNE
Comment l’identité sociale des enfants sourds
et aveugles est-elle construite ? Marie-Agnès Simon
ENSEIGNER AUX ÉLÈVES
Jean-Bernard Paturet À LA PENSÉE TROUBLÉE
DE LA RESPONSABILITÉ EN ÉDUCATION Analyse clinique de la relation d’enseignement.
La position enseignante des instituteurs spécialisés
Cécile Herrou et Simone Korff-Sausse en IMpro
INTÉGRATION COLLECTIVE
DE JEUNES ENFANTS HANDICAPÉS Marc Brzustowski
Semblables et différents L’ANNONCE DU HANDICAP
AU GRAND ACCIDENTÉ
Sous la direction d'Alain Blanc Pour une éthique de responsabilité partagée
et de Henri-Jacques Stiker
LE HANDICAP EN IMAGES Pierre Bonjour et Michèle Lapeyre
Des représentations de la défience L’INTÉGRATION SCOLAIRE DES ENFANTS
dans les œuvres d’art À BESOINS SPÉCIFIQUES
Des intentions aux actes
Nicole Diederich, Tim Greacen
SEXUALITÉ ET SIDA Jean-François Gomez
EN MILIEU SPÉCIALISÉ DÉFICIENCES MENTALES : LE DEVENIR ADULTE
Du tabou aux stratégies éducatives La personne en quête de sens
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Éducation et handicap
214

Charles Gardou et coll. Textes réunis par Suzanne Saisse


NAÎTRE OU DEVENIR HANDICAPÉ et Marie de Vals
Le handicap en visages – 1 ROGER COUSINET :
LA PROMOTION D’UNE AUTRE ÉCOLE
PARENTS D’ENFANT HANDICAPÉ
Le handicap en visages – 2 Jacques Marpeau
LE PROCESSUS ÉDUCATIF

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FRÈRES ET SŒURS DE PERSONNES
HANDICAPÉES La construction de la personne comme sujet
Le handicap en visages – 3 responsable de ses actes

PROFESSIONNELS AUPRÈS DES PERSONNES Gloria Laxer


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HANDICAPÉES DE L’ÉDUCATION
Le handicap en visages – 4 DES AUTISTES DÉFICITAIRES

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