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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL
Entre réalité et illusion

Caroline Desombre, Michaël Bailleul, Carole Baeza, Célénie Brasselet

Association pour la Recherche en Éducation | « Spirale - Revue de recherches en


éducation »

2017/1 N° 59 | pages 13 à 25
ISSN 0994-3722
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-
education-2017-1-page-13.htm
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Caroline DESOMBRE
Michaël BAILLEUL
Carole BAEZA
Célénie BRASSELET

MOTIVATION DES ÉLÈVES


DE LYCÉE PROFESSIONNEL

ENTRE RÉALITÉ ET ILLUSION

Résumé : L’enjeu de cet article est de questionner la motivation des élèves de lycée pro-
fessionnel. Les lycéens de LP ont la réputation d’être moins motivés que leurs camarades de
filières générales. Cette réputation serait connue à la fois des élèves et des enseignants. Dans cette
recherche, deux objectifs sont poursuivis. Tout d’abord, il s’agit d’analyser la motivation des élè-
ves de CAP en la comparant à celle des élèves de filière générale. Dans un second temps, nous
posons l’hypothèse selon laquelle les enseignants de LP surestiment les besoins motivationnels de
leurs élèves et que cette perception est susceptible de générer des conceptions de pratiques péda-
gogiques peu favorables aux apprentissages. Plus précisément, nous souhaitons montrer qu’en
s’emparant des problèmes motivationnels dans leur classe, les enseignants sont susceptibles de les
accentuer et/ou de limiter les apprentissages des élèves. À ces fins, nous nous appuierons à la fois
sur des analyses quantitatives et qualitatives.
Mots-clefs : Élèves, Lycée professionnel, Motivation, Perception sociale, Pratiques ensei-
gnantes.

La motivation scolaire est régulièrement évoquée par les acteurs de l’éducation


pour décrire et prédire la réussite scolaire (Bourgeois & Galand, 2006 ; Fenouillet,
2011). Elle permet en effet d’expliquer les comportements et les résultats scolaires des
élèves. L’intérêt porté à la motivation est centré essentiellement sur une question : com-
ment favoriser la motivation des élèves pour l’école ? Pour tenter de répondre à cette
question, des courants issus de la psychologie, de la sociologie ou encore des sciences
de l’éducation ont cherché à définir et comprendre le processus motivationnel et plus
particulièrement les facteurs permettant de décrire et d’expliquer les motifs d’engage-
ment, de persistance des élèves dans les activités scolaires. La motivation scolaire est
définie comme « un construit hypothétique permettant de décrire les forces internes
et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du
comportement » (Vallerand & Thill, 1993 : 18). Cette définition a l’intérêt d’appréhen-
der la motivation à partir des différentes raisons pour lesquelles les élèves initient et
persistent dans les activités scolaires. De nombreux travaux ont mis en évidence le rôle
de la motivation scolaire dans l’engagement, la persévérance et la réussite scolaires, et
plus largement dans le bien-être des élèves (Meuret & Marivain, 1997 ; pour une revue
voir Paquet, Carbonneau & Vallerand, 2016). Par ailleurs, les élèves en difficulté sont
perçus comme moins motivés que les élèves en réussite (Desombre et al., 2008). C’est
probablement une des raisons pour lesquelles les élèves de lycée professionnel (désor-
mais LP) sont considérés comme étant peu impliqués et peu investis. Dans cette recher-

Spirale – Revue de Recherches en Éducation – 2017 N° 59 (13-25)


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C. DESOMBRE, M. BAILLEUL, C. BAEZA & C. BRASSELET

che, nous explorerons d’éventuelles différences de motivation entre des élèves de LP


préparant un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et des élèves de lycée d’ensei-
gnement général et technologique (LEGT). Nous confronterons également le spectre
motivationnel des élèves de LP aux perceptions que les enseignants s’en font. Nous
compléterons ces résultats quantitatifs avec une analyse thématique de mémoires pro-
fessionnels.

LA MOTIVATION SCOLAIRE
La Théorie de l’AutoDétermination (TAD, Deci & Ryan, 1985, 2002) propose
une approche qualitative de la motivation. Différents types de motivation sont définis en
fonction des raisons pour lesquelles les individus s’engagent dans les comportements et
les activités.
Tout d’abord, la motivation intrinsèque correspond à l’engagement dans une ac-
tivité pour elle-même, pour sa réalisation, et non en raison de ses conséquences. Un élè-
ve s’engageant dans les activités scolaires pour le plaisir d’apprendre, de se surpasser
dans ses études est motivé intrinsèquement.
Mais ce ne sont pas là les uniques raisons de l’engagement des élèves dans les
activités scolaires. En effet, il est aussi fréquent que ces derniers invoquent des raisons
externes à leur engagement. Cette forme de motivation est extrinsèque. Le but de la
réalisation d’une activité n’est plus ici l’activité en elle-même, mais bien une ou plu-
sieurs de ses conséquences. La nature de ces conséquences étant variée, les auteurs ont
défini quatre régulations de la motivation extrinsèque. Ainsi, lorsque le comportement
ou l’activité est réalisé en raison de pressions externes, la régulation est dite externe.
Cette régulation externe est généralement assimilée à l’obtention de récompenses ou
l’évitement de punitions. Dans le cas de la régulation introjectée, l’activité est réalisée
en raison de pressions internes. Tel est le cas d’un élève qui réalise les exercices deman-
dés pour éviter un sentiment de culpabilité et/ou de l’anxiété, ou encore pour se prouver
à soi et aux autres qu’il est capable de réussir. La régulation identifiée est, quant à elle,
associée à un engagement dans une activité jugée et évaluée importante pour l’individu
(diplôme, insertion professionnelle, etc.). Un élève choisit de réaliser les activités pro-
posées par l’enseignant parce qu’il juge ces activités importantes pour son avenir. La
motivation extrinsèque peut prendre la forme d’une régulation intégrée. Celle-ci renvoie
aux comportements et activités qui sont effectués en raison de l’importance qui leur est
accordée et dont les valeurs sociales sont congruentes avec une partie des valeurs et des
buts de l’individu. Les activités sont effectuées en vue d’une contingence externe pre-
nant le dessus par rapport à l’intérêt et au plaisir inhérents à l’activité même. Cette
forme de motivation ne se retrouve que chez les étudiants (Guay, Morin, Litalien, Va-
lois & Vallerand, 2015). Elle est de ce fait absente des échelles de motivation scolaire
élaborées pour le primaire et le secondaire.
Enfin, dans certains cas, les élèves ne parviennent pas à définir les raisons pour
lesquelles ils vont à l’école. Ces comportements sont dits amotivés. Il n’y a ni motiva-
tion intrinsèque, ni motivation extrinsèque.
Ces différentes formes de motivation peuvent être regroupées en deux catégories
(Deci & Ryan, 2002) : la motivation autodéterminée qui inclut la motivation intrinsèque
et les régulations intégrée et identifiée et la motivation contrôlée qui correspond à une
synthèse des régulations introjectée et externe.
De nombreux travaux ont étudié le rôle de la motivation autodéterminée dans le
cadre scolaire. Notamment, il a été montré qu’une motivation autodéterminée a un im-
pact non négligeable sur les différents processus en jeu dans les apprentissages scolaires
comme le maintien attentionnel (Guerrien & Mansy-Dannay, 2003) et l’apprentissage

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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL

conceptuel (Grolnick & Ryan, 1987). De plus, elle est associée à la réussite et à la per-
sévérance dans les études (Alivernini & Lucidi, 2011). Dans le même ordre d’idées, des
travaux ont mis en évidence un lien négatif entre, d’une part, la motivation autodétermi-
née dans les apprentissages et d’autre part, l’abandon scolaire (Ricard & Pelletier, 2016)
et l’anxiété scolaire (Ratelle, Guay, Vallerand, Larose & Senécal, 2007).

LA FILIÈRE PROFESSIONNELLE :
UNE VOIE STIGMATISÉE
La filière professionnelle est une filière dominée dans la hiérarchie scolaire (Jel-
lab, 2005) et plus globalement stigmatisée dans la sphère éducative en véhiculant une
imagerie de « non-excellence » liée à l’étiquetage (Becker, 1985) de l’école des classes
populaires voire des « quartiers sensibles » (Van Zanten, 2012). Elle est généralement
caractérisée par un certain manque de motivation des élèves puisque ces derniers ont
rarement choisi leur orientation (Brasselet & Guerrien, 2015 ; Charlot, 1999 ; Jellab,
2001, 2003). Les élèves de LP ont été, le plus souvent, orientés dans cette filière sur la
base de leurs (faibles) résultats scolaires au collège (Duru-Bellat, 2007). Ils devraient
donc présenter une motivation scolaire plus faible que des élèves de filière générale
pour laquelle l’orientation est vécue davantage comme choisie.
Ces difficultés motivationnelles – imaginées ou réelles – sont perçues par les en-
seignants (Périer, 2008) qui se saisissent de cette question dans les situations de classe.
Ils proposent en effet des pratiques pédagogiques pour pallier les besoins motivation-
nels. Ces pratiques peuvent être contre-productives sur les apprentissages des élèves et
leur motivation (Cèbe & Goigoux, 1999). Il s’agit ici d’un réel paradoxe : les ensei-
gnants en s’emparant des problèmes motivationnels sont susceptibles de les accentuer et
de limiter les apprentissages des élèves. Dans cette recherche, nous interrogerons deux
aspects de ce paradoxe en explorant deux hypothèses complémentaires. À savoir, d’une
part que les élèves de LP présentent des niveaux de motivation plus faibles que les
élèves de LEGT. La question sera de savoir s’il existe des tensions remarquables de
motivation entre les élèves de LP et ceux de LEGT. D’autre part, nous posons l’hypo-
thèse complémentaire que les enseignants de LP surestiment les besoins motivationnels
de leurs élèves ce qui a des répercussions sur leurs pratiques pédagogiques.
Ces hypothèses feront l’objet d’une analyse quantitative et qualitative. L’analyse
quantitative vise à comparer la motivation des élèves de LP d’une part, à celle des
élèves de LEGT et d’autre part, aux perceptions que les enseignants en ont. D’un point
de vue qualitatif, nous analyserons, à partir de mémoires professionnels d’enseignants
de LP, leurs conceptions de la motivation des élèves de LP et leurs pratiques pédagogi-
ques afférentes.

ANALYSE QUANTITATIVE
ÉTUDE SUR LA MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LP :
MÉTHODE ET RÉSULTATS
Participants
Pour réaliser cette étude, nous avons interrogé, par le biais d’un questionnaire de
motivation, cinquante-cinq élèves âgés en moyenne de 16 ans (écart-type =69) : 26
élèves (6 garçons et 20 filles) de CAP et 29 (5 garçons et 24 filles) de seconde générale
et technologique (désormais : 2GT). En vue de l’analyse quantitative et de comparaison,
dix-huit professeurs de LP (6 hommes et 12 femmes) ont également renseigné le ques-
tionnaire de motivation.

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C. DESOMBRE, M. BAILLEUL, C. BAEZA & C. BRASSELET

Matériel
Nous avons utilisé l’Échelle de Motivation en Éducation - Études Secondaires
(EME-S 28, Vallerand, Blais, Brière & Pelletier, 1989, pour une dernière version voir
Guay et al., 2015). Cette échelle mesure les raisons pour lesquelles les élèves vont à
l’école. Elle comporte 28 items (4 items par dimensions) évaluant les différents types de
motivation décrits dans la TAD (Deci & Ryan, 1985, 2002). Les items ont été contex-
tualisés à la formation suivie par les élèves, à savoir l’enseignement général et technolo-
gique ou le CAP. La consigne était d’indiquer le degré d’accord avec chacun des items
(sur une échelle de Likert en 5 points ; 1 = pas du tout en accord, 5 = tout à fait d’ac-
cord), qui étaient des propositions de réponses à la question suivante : « Pourquoi vas-tu
au lycée ? ».
L’échelle permet de mesurer trois formes de motivation intrinsèque : la MI à la
connaissance (Mic) (exemple : « parce que j’éprouve du plaisir et de la satisfaction à
apprendre de nouvelles choses »), la MI à l’accomplissement (Mia) (exemple : « pour le
plaisir que je ressens à me surpasser dans mes études »), la MI à la stimulation (Mis)
(exemple : « parce que j’aime vraiment ça aller au lycée »). Par souci de clarté et parce
que la distinction des trois types de MI n’implique pas d’hypothèse particulière, nous
présenterons dans les analyses statistiques les résultats pour la variable « motivation
intrinsèque » qui correspond à la moyenne des scores à ces trois sous-échelles.
De même, les différentes régulations de la motivation extrinsèque sont évaluées
à partir d’items du type « parce que selon moi des études secondaires / en CAP vont
m’aider à mieux me préparer à la carrière que j’ai choisie » pour la régulation identi-
fiée (Rid) ; « pour me prouver à moi-même que je suis capable de réussir au lycée »
pour la régulation introjectée (Rin) ; et « parce qu’il me faut avoir le baccalauréat / le
CAP si je veux trouver un emploi avec un salaire satisfaisant » pour la régulation ex-
terne (Rex). Rappelons que la régulation intégrée ne peut être mesurée ici puisque cette
forme de motivation n’est pas retrouvée chez les plus jeunes élèves (Guay, et al. 2015).
Enfin, quatre items permettent d’estimer le degré d’amotivation (AM) des élèves
(exemple : « Honnêtement, je ne le sais pas ; j’ai l’impression de perdre mon temps au
lycée). Pour chaque item, les élèves devaient indiquer leur degré d’accord sur une échel-
le allant de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord). La consistance interne1 de
l’échelle a été vérifiée pour notre recueil de données. Les alphas de Cronbach issus des
analyses de fiabilité indiquent une cohérence interne satisfaisante pour chacune des
sous-échelles : 0.87 pour la motivation intrinsèque, 0.84 pour la régulation identifiée,
0.87 pour la régulation introjectée, 0.80 pour la régulation externe et 0.81 pour l’amoti-
vation.
Ce questionnaire était présenté de manière collective. Les élèves devaient répon-
dre le plus sincèrement possible au questionnaire. Les enseignants, quant à eux, avaient
pour consigne de remplir le questionnaire en se mettant à la place d’un élève de LP typi-
que. Ce paradigme correspond au paradigme d’identification en psychologie sociale et
permet de comparer puis de mettre en tension les perceptions de la motivation des élè-
ves par les enseignants et les déclarations des élèves. Le choix de cette méthodologie
différente entre élèves et enseignants a été motivé par l’objectif de la recherche. En
effet, notre intérêt se situe, non pas dans la motivation réelle des élèves mais dans les
perceptions que les enseignants s’en font. Les participants étaient assurés du respect de
l’anonymat et de la confidentialité des réponses. Les passations se terminaient par un
retour sur l’étude reprenant les objectifs de la recherche.

1
La consistance interne d’une échelle (ou d’une sous-échelle) renvoie au fait que les items mesurent bien
la dimension évaluée. Pour cela, il est possible de calculer l’indice Alpha de Cronbach. Plus cet indice s’ap-
proche de 1, plus les items mesurent un seul et même construit (Nunnally, 1978).

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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL

Résultats
Analyse préliminaire
Nous avons vérifié que le sexe n’avait pas d’effet sur les niveaux de motivation.
Les résultats indiquent qu’il n’y a pas de différence sur les multiples formes de motiva-
tion en fonction du sexe (p > .10 pour toutes les comparaisons)2.
Comparaison entre élèves de LP
et élèves de LEGT
Afin de comparer les scores de motivation des élèves de CAP à ceux de 2GT,
des analyses de comparaison de moyennes (t de Student)3 ont été réalisées. Les analyses
indiquent des différences entre les élèves de CAP et de 2GT pour les variables « régula-
tion identifiée » et « amotivation ». Ainsi, les élèves de 2GT ont des scores plus élevés
en régulation identifiée, t = -2.81, p <.01. Autrement dit, les élèves de 2GT (M = 4.46,
ET = 0.67)4 estiment davantage aller au lycée dans l’objectif d’accéder à un métier
qu’ils ont choisi que ne le font les élèves de CAP (M = 3.72, ET = 1.22). De plus, les
élèves de 2GT (M = 1.52, ET = 0.81) présentent des scores d’amotivation moins élevés
que ceux de CAP (M = 2.21, ET = 1), t = 2,84, p <.01. Les analyses n’indiquent pas de
différences significatives pour les autres types de motivation. En d’autres termes, les
lycéens de CAP et de 2GT ont des scores équivalents en motivation intrinsèque, en
régulation introjectée et en régulation externe ; les différences constatées étant le fruit
du hasard.
Comparaison entre les réponses des élèves de LP
et de l’estimation des enseignants
Concernant la comparaison entre les estimations de motivation de la part des en-
seignants et les reports des élèves, les analyses indiquent des différences significatives
pour l’ensemble des variables. Ainsi, les enseignants estiment chez les élèves de CAP
une motivation autodéterminée (motivation intrinsèque : t = 3.26, p <.01 ; régulation
identifiée : t = 2.09, p <.05) et une motivation contrôlée (régulation introjectée : t
= 2.76, p <.01 ; régulation externe : t = 3.44 p <.01) plus faibles que ne le reportent les
élèves eux-mêmes. De plus, les scores d’amotivation reportés par les enseignants sont
plus élevés (M = 2.92, ET = 1.17) que ceux des élèves (M = 2.21, ET = 1), t = -214, p
<.05.
Les résultats indiquent ainsi que les élèves préparant un CAP, comparativement
à des élèves du même âge de filière générale, sont moins motivés. Par ailleurs, les ensei-
gnants sous-estiment la motivation des élèves préparant un CAP. Cette sous-estimation
est susceptible de modifier la représentation que se font les enseignants de LP de leurs
pratiques pédagogiques. C’est ce que nous questionnerons dans l’analyse qualitative.

2
Pour tout test de comparaison de deux moyennes ou plus, on pose deux hypothèses, l’hypothèse nulle
(H0) pour laquelle on suppose aucune différence entre les groupes étudiés et l’hypothèse alternative (H1) pour
laquelle on suppose une différence entre les moyennes des groupes. Afin de déterminer le rejet de H0, le seuil
de signification (p) du test doit être inférieur à 0.05. Dans ce cas, il y a 5% de risque de se tromper en rejetant
H0 alors qu’elle est vraie. Le rejet de H0 amène à accepter l’hypothèse alternative.
3
Le t de Student permet de comparer deux échantillons à partir de leurs moyennes respectives et de leurs
variances.
4
M correspond à la moyenne obtenue par les participants sur l’échelle et ET à l’écart-type.

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ANALYSE QUALITATIVE
PERCEPTION DE LA MOTIVATION DES ÉLÈVES
ET PRATIQUES PÉDAGOGIQUES
L’objectif est d’identifier chez des enseignants en formation, leurs conceptions
de la motivation des élèves préparant un CAP et de leurs conséquences sur les pratiques
pédagogiques. Une recherche par mots-clés (motivation, lycée professionnel, CAP, situ-
ations éducatives, et/ou sentiment de compétence) a permis d’identifier une série de
mémoires comme relevant de notre problématique de recherche. Sur un corpus de 75
mémoires professionnels5, nous en avons retenu 6 (rédigés par trois enseignants et trois
enseignantes) traitant spécifiquement des perceptions que ceux-ci se font de la motiva-
tion des élèves et de leurs pratiques pédagogiques. Ces mémoires professionnels ont été
rédigés dans le cadre de la formation 2CA-SH (Certificat complémentaire pour l’adapta-
tion scolaire et la scolarisation des élèves handicapés ; en option F)6 durant les périodes
scolaires 2012-2015. Les disciplines d’enseignement des enquêtés correspondent aux
sciences et techniques médico-sociales, à l’économie et la gestion, à la carrosserie auto-
mobile, au français et l’histoire-géographie ainsi qu’à l’histoire et l’éducation civique.
Les problématiques et thématiques traitées dans les mémoires s’orientent autour du sen-
timent de compétence des élèves, des adaptations pédagogiques en lien avec la dyslexie
ou les TICE, de la place du jeu pédagogique et éducatif, de la gestion des comporte-
ments perturbateurs et enfin de la prise en considération des élèves à besoins éducatifs
particuliers.
La démarche méthodologique a impliqué l’analyse thématique de mémoires, do-
cuments que nous avons exploités à partir d’une lecture fine des perceptions de la moti-
vation des élèves et des adaptations que les enseignants déclarent mettre en place pour
favoriser les apprentissages. Pour cet aspect, nous avons anonymé les citations afin de
garantir la confidentialité des cas décrits. L’enjeu n’est pas seulement ici de vérifier
l’utilisation de procédures et d’outils favorisant la motivation mais aussi d’étudier les
démarches déployées par les enseignants pour évaluer et tester l’état motivationnel des
élèves.
Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à la manière dont les en-
seignants identifient les difficultés motivationnelles de leurs élèves préparant un CAP.
Nos résultats montrent une gradation des initiatives d’évaluation des professeurs de
l’enquête : de la plus étayée à la désignation brute. Pour autant, les analysés peuvent
rassembler des points de convergence dans leur mode d’analyse de la motivation. Au-
trement dit, il s’agit ici d’y dégager des tendances de perception de la motivation des
élèves chez les enseignants. En ce sens, deux typologies d’enseignants peuvent être dé-
gagées en fonction de la mobilisation ou non d’outils de mesure pour évaluer ledit
spectre motivationnel des élèves. Une première typologie regroupe des enseignants qui
déconstruisent les mécanismes d’étiquetage liés aux élèves de CAP. Une seconde typo-
logie renvoie à des enseignants qui font un lien systématique entre démotivation et
élèves de CAP sans forcément vérifier cette assertion.
La démotivation en LP,
une donnée à interroger
La moitié des mémoires (3/6) de notre corpus propose une analyse du degré de
motivation des élèves en mobilisant des outils de mesure tels que l’évaluation et l’obser-
vation systématiques. Soulignons néanmoins que tous les enseignants de l’enquête in-

5
Nous remercions le service des archives de l’ESPE Lille Nord de France et en particulier Coraline Pana-
roni pour l’aide dans la recherche des mémoires.
6
Le 2CA-SH vise à former les enseignants du second degré aux adaptations pédagogiques à destination
des élèves à besoins éducatifs particuliers et à la prévention des difficultés d’apprentissage.

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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL

terrogent la motivation des élèves, et ce même sans signe apparent de démotivation. La


mission des enseignants est de permettre aux élèves d’accéder aux apprentissages et
d’identifier les obstacles pour y accéder. Pour les caractériser, les enseignants observent
le comportement des élèves et évaluent leurs compétences disciplinaires et transver-
sales. C’est sur la base de ces observations que les enseignants identifient les éléments
facilitant ou entravant les apprentissages. Or, pour la motivation, son investigation se
fait généralement sans observation préalable. Malgré ce constat, cette catégorie d’ensei-
gnants cible l’objectivation des états d’implication de leurs élèves en se distanciant des
stéréotypes liés à l’imagerie de carence de motivation des élèves. Autrement dit, ils dé-
passent l’idée que les problèmes de motivation des élèves sont la (seule) source de leurs
difficultés.
Un parent d’élève cité dans un mémoire souligne par exemple l’intérêt des inves-
tigations diagnostiques en faveur de sa fille « on m’a toujours dit que mon enfant était
fainéant, c’est la première fois que l’on me dit que mon enfant a des compétences ».
Cette posture ouvre aussi la possibilité d’infirmer le lien entre difficulté d’apprentissage
et démotivation. Une professeure en histoire et éducation civique rapporte par exemple
la motivation d’une de ses élèves malgré les difficultés rencontrées : « Au premier tri-
mestre, je me suis vite rendue compte que l’élève était en difficulté, même si j’avais
l’impression qu’en classe, elle suivait, prenait la parole pour poser des questions. (…).
Une chose était établie pour moi, l’élève apprenait ses leçons mais n’arrivait pas à res-
tituer ses connaissances ».
Cette conception de la motivation fait écho à celles de plusieurs courants théo-
riques selon lesquelles la motivation résulte de l’interaction entre des facteurs disposi-
tionnels et des facteurs contextuels (Bourgeois & Galand, 2006 ; Cèbe & Goigoux,
1999 ; Deci & Ryan, 2002). Elle amène ces enseignants à penser une pédagogie adaptée
au besoin motivationnel, en proposant des situations pédagogiques et des activités adap-
tées en tenant compte des caractéristiques personnelles des élèves. Une professeure en
sciences et techniques médico-sociales rejoint cette idée lorsqu’elle décrit le cas d’une
élève atteinte de dyslexie : « Au début de chaque cours, je reprends le contexte général
de l’apprentissage. (…). J’utilise beaucoup l’évaluation formative à l’oral en fin de
séance. (…). Les problèmes qu’avait l’élève au collège venaient également du fait
qu’elle ne percevait pas l’intérêt d’avoir des enseignements n’ayant aucun lien entre
eux. Elle était un peu perdue dans toutes les matières enseignées alors qu’elle entrait
très facilement dans les démarches de projets interdisciplinaires et était particulière-
ment active dans ceux-ci ». L’enseignante propose ici des activités représentant un défi
pour ses élèves.
De même, l’utilisation de la pédagogie de projets tend à favoriser un engagement
actif de l’élève dans les apprentissages dans le sens où elle peut être un moyen de ré-
pondre à la fois aux besoins de motivation mais aussi de clarté cognitive (Downing &
Fijalkow, 1984). Un enseignant explique aussi mobiliser le jeu pédagogique afin de sus-
citer la motivation en accordant une valeur ludique à l’activité et ainsi évaluer les sa-
voirs acquis : « C’est donc un test pour savoir s’il a compris la leçon sur les châteaux
au point où il peut le reproduire ». Les apprentissages en tant que tels sont pour cette
catégorie d’enseignants, générateurs de motivation autodéterminée. Des objectifs ambi-
tieux sont ainsi des moyens de soutenir les élèves par la construction réelle de savoirs
scolaires et en les motivant.
Dans cette catégorie, la motivation, notamment dans le parcours d’orientation
des élèves, prend aussi forme en donnant du sens aux apprentissages par le lien entre la
classe et les ateliers professionnels ou les autres disciplines. En ce sens, le mémoire de
ce professeur d’histoire et géographie expose la manière dont il mobilise le partenariat
interdisciplinaire (à travers le jeu) afin de montrer l’intérêt des différentes matières pour

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C. DESOMBRE, M. BAILLEUL, C. BAEZA & C. BRASSELET

le futur métier des élèves : « C’est transversal avec d’autres matières. L’élève m’a
proposé de fabriquer des pions en atelier menuiserie. Pour ma part, je me suis rendu
compte que je pouvais doubler ce jeu avec d’autres matières comme l’anglais ou les
mathématiques. (…). Je me suis alors tourné vers mes collègues de mathématiques et
d’anglais pour voir quelle partie de leur programme ils pouvaient utiliser et mettre en
valeur au moment où j’allais mettre en place cette séance ». Ces pratiques visent à
soutenir la motivation autodéterminée, c’est-à-dire l’engagement dans une activité par
choix pour laquelle les élèves se perçoivent acteurs (Deci & Ryan, 2002), indépendam-
ment des raisons externes et internes liées à sa réalisation (notes, récompenses, puni-
tions, etc.). Ce résultat vient confirmer des recherches antérieures qui montrent que les
enseignants de LP déclarent accorder une attention toute particulière à bâtir des cours
intéressants, des supports concrets et pragmatiques pour répondre au besoin de clarté
cognitive des élèves (Jellab, 2005).
Les adaptations sont aussi réalisées à travers les conditions pédagogiques d’ap-
prentissage. C’est ce qu’on peut lire dans le mémoire de ce professeur en économie et
gestion lorsqu’il revisite le travail de groupe réservé plutôt aux travaux pratiques et en
l’expérimentant en classe complète. Il constate des changements positifs d’attitudes des
élèves :
« Après avoir déterminé les BEP (Besoins éducatifs particuliers) de mes élèves
en grandes difficultés, je suis conscient de devoir adapter mes supports, ma pédagogie.
Je dois également différencier. (…). Je décide de répartir les élèves par groupes de
trois ou quatre par rapport à leur niveau en lecture et en compréhension de documents.
(…). J’ai constaté des changements d’attitudes lors de cette séance : l’élève s’est mis au
travail et a échangé avec ses camarades de groupe. (…). Un autre élève s’est laissé
“entraîner” dans l’activité par deux autres membres de ce groupe. (…). Un troisième
élève a eu beaucoup moins besoin de perturber pour attirer l’attention. (…). Un qua-
trième élève qui habituellement a un comportement individualiste lorsqu’il est en réus-
site a dû composer avec le groupe. (…). Ce sont donc des changements positifs ».
In fine, le travail d’inventivité méthodologique fournit par ces enseignants, té-
moigne d’une certaine innovation pédagogique illustrant les moyens pour créer du lien
entre les élèves et les savoirs scolaires par la production d’outils et/ou de situations pé-
dagogiques.
La démotivation en LP :
une caractéristique récurrente
Dans les mémoires professionnels de cette seconde catégorie d’enseignants, la
démotivation des élèves préparant un CAP a tendance à être perçue comme « allant de
soi ». L’écrit de cette professeure en sciences et techniques médico-sociales illustre bien
cette idée : « Les élèves arrivant en lycée professionnel sont, pour la majorité d’entre
eux des élèves ayant des résultats plutôt moyens à l’école primaire et ayant assez mal
vécu leur scolarité au collège ». Ces élèves sont ainsi perçus comme étant potentielle-
ment en souffrance dans les apprentissages scolaires et en conséquence, moins motivés.
Les indices et comportements associés à la démotivation sont moins vérifiés que dans la
première catégorie.
Majoritairement les difficultés motivationnelles sont interprétées au prisme hé-
gémonique des comportements scolaires inadaptés ou déviants. Des extraits du mémoire
d’une professeure en économie et gestion illustrent cette idée : « L’élève est très peu in-
vesti dans les activités que je peux proposer, il se place souvent en position d’attente. Il
effectue son travail avec distance et désintérêt et ses devoirs en dilettante (…). Quand il
le souhaite, il effectue son travail aisément et a de réelles capacités. On a pu l’entendre
dire lors de la mise en place de [un dispositif contre le décrochage] : « Oui mais les

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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL

CCF [contrôles en cours de formation] c’est trop facile ! » ou encore « L’élève fait de
réels efforts lorsque bon lui semble. (…) Il est très appliqué mais son manque de travail
et de volonté face à la tâche l’handicapent ».
Pour cette seconde catégorie, c’est l’observation directe qui prévaut, assignant
les outils de mesures au second plan. Le mémoire d’un enseignant d’histoire et géogra-
phie renforce cette donne : « L’élève est en grande difficulté que ce soit en classe ou
lors des PFMP7 car il semble toujours “dans la lune” ». Les avis quant à la motivation
des élèves, sont en ce sens avancés sans ou avec peu d’étayage et souvent inscrits dans
des mécanismes d’étiquetage (involontaires). Une professeure de français conforte ces
dimensions dans son écrit : « Le public dans les classes de CAP est généralement con-
forme à l’idée que l’on s’en fait : sur le plan social, familles déstructurées, élèves qui
ont des problèmes au sein de leur famille et avec la justice (…) Les élèves de CAP sont
attachants ».
Dans leurs mémoires, ces enseignants déclarent proposer des adaptations qui ne
visent que peu les problématiques de motivation. Il s’agit davantage pour les ensei-
gnants de proposer des contenus simples et compréhensibles, accessibles à un public
perçu comme peu intéressé. L’enjeu principal est ici que les enseignements ne soient
pas trop difficiles afin d’éviter la perte de la motivation. Or, la simplification des activi-
tés peut amener l’effet inverse dans la mesure où elles ne représentent pas un défi cogni-
tif pour les élèves et qu’elles sont en deçà de leurs compétences réelles (Cèbe & Goi-
goux, 1999). Les trois strates des enjeux des savoirs ne sont pas toujours appréhendées ;
à savoir l’utilité des savoirs de la question scolaire (à long terme), l’importance des
savoirs, savoir-faire et des représentations (à moyen terme) et l’utilité de comprendre ce
qui doit être appris. C’est cette dernière strate à court terme qui semble être favorisée
par les enseignants. Autrement dit, c’est davantage l’aspect cognitif des savoirs qui est
travaillé que l’appropriation et l’automatisation de ceux-ci, utiles pour se sentir compé-
tents et par conséquent motivés pour soi-même afin de développer l’envie d’apprendre.
Un enseignant en carrosserie automobile présente sa pratique pédagogique de la ma-
nière suivante : « Je dois donc adapter mon discours, les consignes que je donne sont
simples et uniquement à l’oral. (…). De même je dois diviser les travaux pour les
rendre accessibles. (…) Je me propose donc de travailler à partir d’exemples concrets
le plus possible, sur des supports réels ». Ces pédagogies participent à un certain taris-
sement des apports culturels adossés aux contenus d’apprentissages et présentent le
risque d’une faible théorisation des savoirs.

CONCLUSION
Cette recherche en deux temps a permis de montrer que les élèves de LP ont des
niveaux de motivation plus bas que les élèves de LEGT. De plus, la motivation des
élèves de CAP est sous-estimée par les enseignants de LP. Ces résultats doivent néan-
moins être appréhendés avec prudence. En effet, la méthodologie employée dans notre
recherche ne nous permet pas de conclure que cette sous-estimation est spécifique aux
LP. Il est possible en effet que les enseignants, quel que soit leur lieu d’exercice, sous-
estiment la motivation des élèves et en particulier des adolescents. Par ailleurs, une
nouvelle étude serait à conduire auprès d’un échantillon plus important et avec une
composition genrée plus équilibrée. Le faible nombre de garçons rend en effet diffici-
lement interprétable l’analyse des résultats en fonction du sexe des participants. Or,
généralement, les filles reportent une motivation scolaire plus importante que les gar-
çons (Ryan, 2001). Dans le même ordre d’idées, les résultats devront être confortés en

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Périodes de formation en milieu professionnel.

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C. DESOMBRE, M. BAILLEUL, C. BAEZA & C. BRASSELET

tenant compte de la composition genrée des filières en raison de son influence sur la
motivation (Lemarchant & Tudoux, 2008).
Quoiqu’il en soit, la description que les enseignants font de leurs pratiques péda-
gogiques semble impactée par leurs conceptions de la motivation des élèves de CAP.
L’analyse des mémoires professionnels indique que l’ensemble des enseignants de notre
corpus explore la motivation de leurs élèves de CAP. Cela signifie que, sans signe de
démotivation qui pourrait expliquer les difficultés d’apprentissage, les enseignants inter-
rogent systématiquement cette donnée. Cette investigation, probablement liée aux repré-
sentations des élèves de CAP, prend deux formes. La moitié des enseignants utilise des
outils d’évaluation alors que l’autre ne les mobilise que de façon réduite. Pour une part
non négligeable, la démotivation des élèves en CAP constitue donc un élément récurrent
dans leur parcours scolaire.
Ces postures face à la démotivation mènent à des discours différenciés sur les
pratiques pédagogiques. Certaines pratiques apparaissent comme cherchant à favoriser
la motivation autodéterminée (connaissance et accomplissement) en rendant l’élève ac-
teur de ses apprentissages et en proposant des apprentissages ambitieux en lien entre au-
tres avec l’orientation des élèves. D’autres pratiques semblent viser la motivation con-
trôlée et notamment la recherche de valorisation artificiellement obtenue par la simplifi-
cation des savoirs et des activités proposées. Nous souhaiterions donc aller plus loin
dans l’analyse en confrontant nos résultats par des observations dans la classe. En effet,
notre recherche se base, non pas sur des pratiques effectives, mais sur les perceptions
que les enseignants ont de leur pratique voire des « bonnes pratiques » puisque le mé-
moire est destiné à être évalué. Ce type d’écrit peut donc être biaisé et empreint de ra-
tionalisation.
La réduction des exigences envers les élèves est probablement à mettre en lien
avec la volonté des enseignants de reconstruire l’identité personnelle des élèves de LP
suite à des échecs répétés (Vandelle, 2015). C’est d’ailleurs selon Gaillard et Kerner
(2005) le premier défi des LP. Selon Vandelle (2011), la remobilisation scolaire en LP
pose la question de la place à donner d’une part au savoir et d’autre part à la personne
de l’élève. Cette auteure souligne l’importance de la prise en compte de l’individu et de
son développement social et affectif. Les pratiques pédagogiques proposées pour favori-
ser l’estime de soi visent « à créer un climat de sécurité, de confiance, de compétence
scolaire, de valorisation, de compétence sociale, de tolérance, d’intérêt pour ce que sont
les élèves, de persévérance et de dépassement de soi » (Vandelle, 2015 : 339). Ces stra-
tégies de valorisation scolaire ne sont efficaces qu’à partir du moment où elles permet-
tent aux élèves de développer leurs apprentissages. Réconcilier un élève avec l’institu-
tion scolaire est avant tout lui permettre de se réaliser dans l’acquisition des compé-
tences. Tel est un des enjeux de la formation des enseignants sur ces questions.

Caroline DESOMBRE
ESPE Lille Nord de France et Univ. Lille
EA 4072 - PSITEC
Michaël BAILLEUL
ESPE Lille Nord de France et Univ. Lille
EA 4354 - CIREL
Carole BAEZA
Univ. Lille
EA 4354 - CIREL
Célénie BRASSELET
ESPE Lille Nord de France et Univ. Lille,
EA 4072 - PSITEC

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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL

Abstract : The aim of this survey is to question the motivation of vocational high school
students. Those students have a reputation for being less motivated than their peers in general
education. This reputation is known to both students and teachers. In this research two goals are
pursued. Firstly, it is to analyse the vocational training qualification student motivation (CAP di-
ploma in French) by comparing it to that of general education students. Secondly, we hypothesize
that teachers in vocational education overestimate the motivational needs of their students and
that this perception is likely to generate pedagogical practices designs unfavourable to learning.
Specifically, we want to show that dealing with motivational problems in the classroom, teachers
are likely to accentuate and / or limit student learning. To do this, we will rely on both quantita-
tive and qualitative analyses.
Keywords : Students, Vocational school, Motivation, Social perception, Teaching practic-
es.

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MOTIVATION DES ÉLÈVES DE LYCÉE PROFESSIONNEL

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