Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
TEXTE
Pour qu’on définisse enfin les règles de l’introduction de la dissertation et de
l’explication de texte à l’épreuve de philosophie du baccalauréat
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
Jean-Claude Lagarrigue
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
ET DE L’EXPLICATION DE TEXTE
Jean-Claude LAGARRIGUE
Lycée Marcel Rudloff, Strasbourg
réunions d’entente et d’harmonisation, et l’on s’entend dire qu’il faut être tolérant, car
il n’y a pas de méthodologie unique, et que de toute façon on ne doit pas séparer la
forme du fond. Autant de lieux communs, qui ont pour conséquence de laisser le cor-
recteur seul avec sa conscience.
Et si j’insiste avec impertinence, on me glisse à l’oreille qu’il est préférable de ne
pas se quereller pour si peu. Un peu comme dans les réunions de famille, les anciens
collègues semblent craindre les questions qui fâchent qu’oseraient poser des jeunes
sans expérience : qu’il y ait des désaccords de méthode entre collègues est une sorte
de secret de famille, qu’il vaut mieux passer sous silence. Et puis, à trop vouloir régle-
menter, il ne nous restera plus rien : comment fera-t-on alors pour distinguer entre un
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
bon professeur et un mauvais ? Le plus sage est donc de garder ses recettes pour soi,
comme des secrets de fabrication. Comment s’étonner dans ces conditions qu’on
n’aboutisse qu’à un simulacre d’harmonisation des corrections ?
N’est-il pas temps d’affronter les problèmes de méthode, après avoir réfléchi,
ces dernières années, au contenu des cours (avec les nouveaux programmes) ? N’est-il
pas temps d’assumer le caractère partiellement rhétorique de l’épreuve de philosophie
au baccalauréat ? A-t-on raison d’éliminer tout formalisme ? Refuser en effet de sépa-
rer la forme et le fond lorsqu’on élabore un plan est un excellent précepte ; mais est-
ce vrai au même degré lorsqu’il est question d’écrire une introduction (et une conclu-
sion) ? N’est-il pas urgent, par conséquent, de mettre sur la table les différentes
méthodes de l’introduction pour pouvoir enfin les discuter et préciser dans des ins-
tructions officielles ce qui est nécessaire et ce qui est possible ?
1. Jacqueline Russ, Les méthodes en philosophie, Paris, Armand Colin, 1992, p. 118.
2. Ibid., p. 116.
L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION ET DE L’EXPLICATION DE TEXTE 57
En pratique, cette façon de faire cause de grands soucis aux élèves. En effet,
ceux-ci ont bien du mal à fournir des définitions courtes, qui aient en outre un rap-
port avec le sujet posé. Jacqueline Russ, elle-même, fournit des exemples d’introduc-
tion, avec des amorces d’une vingtaine de lignes sur un total de quarante 3. C’est long.
Ainsi, celui qui réfléchit sur le « droit au bonheur » est parti pour une analyse intermi-
nable du droit et du bonheur. Plus grave, l’enchaînement avec la problématique est
très difficile voire impossible. Comment passer des définitions à l’interrogation sur le
sujet sauf de façon chronologique ? Après les définitions, le sujet ! Qui ne voit l’effet
désastreux de ce procédé ? Au lieu d’introduire au problème posé, on répète l’analyse
du sujet effectué au brouillon, et l’on fait attendre le correcteur. Lorsque le problème
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
finit par arriver, le correcteur a déjà dégainé son stylo rouge depuis longtemps et mis
dans la marge un « hors sujet » rageur.
Disons-le tout net : en philosophie, ces analyses conceptuelles initiales sont des
moyens et non des fins. L’essentiel est d’introduire au sujet (et non de le faire
attendre), dans son contenu le plus essentiel (son « noyau de sens ») ; or le sujet est
énoncé sous la forme d’un problème (à moins que ce soit à l’élève de le formuler sous
forme interrogative) ; donc amener le sujet c’est déjà entrer dans la problématique.
en effet éviter, par-dessus tout, les introductions retardatrices : entrer en matière c’est
percer le mur des réponses toutes faites. Commencer par poser une opinion illustrée,
pour pouvoir la détruire ensuite semble la stratégie la mieux appropriée. Elle est
prompte et efficace.
L’introduction comprend donc une phase d’amorce (1), comprenant une opi-
nion détaillée et illustrée, une problématique (2), qui critique l’opinion par des ques-
tions et qui rassemble ces questions sous un problème central, et éventuellement une
annonce de plan (3).
Cette formulation est, il est vrai, fort discutable, puisqu’on ne comprend pas
bien pourquoi on exclut toujours la phase d’amorce de la problématique. Pourquoi ne
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
pas aller jusqu’à dire que l’introduction, c’est la problématique ? Quitte à préciser ensui-
te, que celle-ci comprend une « mise en situation » (1) et une « mise en tension » (2),
et à rendre non obligatoire l’annonce du plan ?
Cela donnerait donc :
§ 1 : Opinion + exemple
§ 2 : Critique de l’opinion + problème central
[§ 3 : Annonce de plan]
On serait tenté de dire qu’un seul paragraphe est possible, mais souhaitable
uniquement si l’amorce est courte. Il faut néanmoins concéder qu’une généralisation
de la présentation en deux paragraphes semble conforme aux intentions (implicites
sinon explicites) des instructions officielles. Pourquoi ne pas rendre ces deux para-
graphes obligatoires ? Pourquoi ne pas préciser aussi qu’il est souhaitable que l’amorce
n’en reste pas à des généralités thématiques ou définitionnelles ?
problème du texte. Car nombreux sont ceux qui posent une question au texte, au lieu
de chercher la question à laquelle le texte répond. Ce travers est d’ailleurs encouragé
par les méthodologies qui exigent la recherche de l’enjeu du texte dès l’introduction.
Sommés de chercher l’intérêt existentiel du texte, les élèves se détachent du texte à
expliquer pour s’interroger sur leur rapport au texte. L’actualité de la pensée de l’au-
teur compte alors plus que son contenu précis. Jacqueline Russ, qui aime décidément
les longues introductions, recommande ainsi d’ajouter à une première partie consa-
crée au thème et à la thèse de l’auteur, une seconde consacrée au questionnement, au
problème et à l’enjeu ; et une troisième consacrée au plan du texte 7. Cette manière de
faire est embarrassante. Que veut dire ici « questionnement » ? Un questionnement
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
qui vient après la thèse de l’auteur a pour sens de la questionner : le but n’est pas de
présenter la thèse comme la réponse de l’auteur au problème du texte, mais de poser
des questions au texte pour en extraire le problème et l’enjeu 8. Tout se passe donc
comme si l’on essayait de faire coïncider artificiellement explication et dissertation,
en faisant un plan en trois phases : 1) on amène le texte par le thème et la thèse ; 2)
on énonce la problématique du texte, c’est-à-dire son problème et son enjeu ; et 3) on
énonce le plan du texte. Les risques de confusion sont grands. Comment questionner
en effet la thèse de l’auteur sans se perdre dans des questions sans rapport avec le
texte ?
L’annonce du plan du texte est la partie la plus facile en principe, puisqu’il
s’agit tout simplement d’énoncer les « moments » qui constituent le plan du texte.
L’expérience apprend cependant que, là encore, les élèves confondent souvent l’an-
nonce du plan du texte et celle du plan d’une dissertation. Ils annoncent en fait les
parties du texte, mais comme si c’était eux qui menaient la réflexion : « on étudiera
tout d’abord… » ; « on se demandera ensuite… » Parfois on mélange les deux
annonces, et l’on prend la peine d’ajouter, après l’énoncé du plan du texte que le plan
de l’explication suivra le celui du texte. Certes, mais cela va sans dire ! Le mieux est
donc de ne rien dire du plan de l’explication.
Une saine méthodologie de l’introduction exige donc de distinguer soigneuse-
ment explication et dissertation. Tel devrait être le premier principe, sans lequel aucu-
ne méthodologie n’est simple et efficace.
© Association des professeurs de philosophie de l?enseignement public | Téléchargé le 19/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.92.148.15)
§ 2 : annonce du plan du texte
Faut-il imposer cette structure comme une disposition obligatoire des copies
du baccalauréat ? Le mieux serait d’exiger les deux paragraphes, car il faut la problé-
matique et le plan du texte. Mais il serait préférable de laisser le contenu du para-
graphe 1 au libre choix des enseignants, tant les méthodes sont diverses. On peut
penser aussi que suivant le niveau des élèves, le schéma structurel évolue en com-
plexité et en densité.
CONCLUSION
Il est temps de prêter attention à la forme des introductions des devoirs de
philosophie au baccalauréat. Bien loin de détourner le regard de ces « passages obli-
gés », que beaucoup jugent rhétoriques et peu philosophiques, il faut les regarder de
près. Car, pour l’élève, la forme est beaucoup plus concrète que le fond. Il ne sert à
rien de dire qu’il faut faire une problématique si l’on ne précise pas comment il faut
faire en pratique ; et c’est là que la forme aide l’élève, qui a besoin qu’on lui dise de
faire des paragraphes, c’est-à-dire des alinéas, c’est-à-dire des retraits de deux carreaux
supplémentaires.
Un devoir correctement rédigé du point de vue formel ne pourrait-il pas
constituer une sorte de seuil minimal ? Une dissertation « dans les formes » peut-elle
être notée en dessous de cinq sur vingt ? Certes, il peut encore y avoir des problèmes
d’expression et d’orthographe, autorisant de descendre encore en dessous, mais il
serait peut-être temps d’interdire (ou du moins de déconseiller fortement) de noter
sur le fond en mettant en dessous de ce seuil. Cela suppose évidemment que l’on soit
d’accord sur la forme du devoir correct, ou du moins qu’on progresse suffisamment en
ce sens.
BIBLIOGRAPHIE
GOURINAT (Michel), Guide de la dissertation et du commentaire composé en philoso-
phie, Paris, Hachette, 1976.
PENA-RUIZ (Henri), Méthodologie philosophique : maîtrise de la dissertation, Paris,
Bordas, 1978.
SÈVE (Bernard), Exercices philosophiques, Paris, Hachette, 1979.
RUSS (Jacqueline), Les méthodes en philosophie, Paris, Armand Colin, 1992.
CHOULET (Philippe), FOLSCHEID (Dominique), WUNENBURGER (Jean-Jacques),
Méthodologie philosophique, Paris, PUF, 1992, 1996.
LEGUIL (Clotilde), La philosophie au bac. Un cahier pour s’entraîner, des sujets guidés,
des textes, Paris, Bordas, 2008.