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L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION ET DE L’EXPLICATION DE

TEXTE
Pour qu’on définisse enfin les règles de l’introduction de la dissertation et de
l’explication de texte à l’épreuve de philosophie du baccalauréat
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Jean-Claude Lagarrigue

Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public |


« L’Enseignement philosophique »

2009/4 59e Année | pages 55 à 60


ISSN 0986-1653
DOI 10.3917/eph.594.0055
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-l-enseignement-philosophique-2009-4-page-55.htm
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II – TÉMOIGNAGES ET SUGGESTIONS

L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION
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ET DE L’EXPLICATION DE TEXTE

Pour qu’on définisse enfin les règles de l’introduction


de la dissertation et de l’explication de texte
à l’épreuve de philosophie du baccalauréat

Jean-Claude LAGARRIGUE
Lycée Marcel Rudloff, Strasbourg

L’épreuve de philosophie au baccalauréat a acquis, avec le temps, une place


pérenne dans l’institution scolaire et l’imaginaire collectif des élèves. Que l’on soit
enseignant ou élève, chacun croit savoir ce qu’il en est de la dissertation et de l’expli-
cation, qui sont les exercices demandés. On sait bien qu’il y a des normes à respecter,
et l’on s’imagine les connaître.
Mais qu’il y ait des normes ne veut pas dire qu’il y ait des règles, car une
norme demeure implicite et usuelle tant qu’elle n’est pas reprise et corrigée pour en
faire une règle explicite et impérative. On sait bien que les élèves portent des baskets
et des jeans, parce que c’est la norme chez les adolescents ; mais on sait aussi qu’ils
doivent se lever en début de cours si le professeur l’exige, parce que c’est la règle qu’il
a fixée.
Or notre façon d’envisager les introductions de la dissertation et de l’explica-
tion semble correspondre assez bien au stade coutumier des normes en attente de
règles. Se tourne-t-on vers les instructions officielles, et l’on est surpris par leur carac-
tère sibyllin, en même temps qu’on est heureux de ne pas se voir imposer une métho-
dologie erronée. Ouvre-t-on des ouvrages de méthodologie, et l’on est déçu de consta-
ter autant de divergences de fond entre des méthodes, qui se présentent pourtant
comme évidentes. Ose-t-on partager son embarras avec ses collègues lors des
L'enseignement philosophique – 59e année – Numéro 4
56 JEAN-CLAUDE LAGARRIGUE

réunions d’entente et d’harmonisation, et l’on s’entend dire qu’il faut être tolérant, car
il n’y a pas de méthodologie unique, et que de toute façon on ne doit pas séparer la
forme du fond. Autant de lieux communs, qui ont pour conséquence de laisser le cor-
recteur seul avec sa conscience.
Et si j’insiste avec impertinence, on me glisse à l’oreille qu’il est préférable de ne
pas se quereller pour si peu. Un peu comme dans les réunions de famille, les anciens
collègues semblent craindre les questions qui fâchent qu’oseraient poser des jeunes
sans expérience : qu’il y ait des désaccords de méthode entre collègues est une sorte
de secret de famille, qu’il vaut mieux passer sous silence. Et puis, à trop vouloir régle-
menter, il ne nous restera plus rien : comment fera-t-on alors pour distinguer entre un
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bon professeur et un mauvais ? Le plus sage est donc de garder ses recettes pour soi,
comme des secrets de fabrication. Comment s’étonner dans ces conditions qu’on
n’aboutisse qu’à un simulacre d’harmonisation des corrections ?
N’est-il pas temps d’affronter les problèmes de méthode, après avoir réfléchi,
ces dernières années, au contenu des cours (avec les nouveaux programmes) ? N’est-il
pas temps d’assumer le caractère partiellement rhétorique de l’épreuve de philosophie
au baccalauréat ? A-t-on raison d’éliminer tout formalisme ? Refuser en effet de sépa-
rer la forme et le fond lorsqu’on élabore un plan est un excellent précepte ; mais est-
ce vrai au même degré lorsqu’il est question d’écrire une introduction (et une conclu-
sion) ? N’est-il pas urgent, par conséquent, de mettre sur la table les différentes
méthodes de l’introduction pour pouvoir enfin les discuter et préciser dans des ins-
tructions officielles ce qui est nécessaire et ce qui est possible ?

I. LE PROBLÈME DE « L’AMORCE » DANS L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION


a) Une entrée en matière retardée : l’introduction Maginot
Les élèves n’entrent pas vierges en cours de philosophie : la littérature et l’éco-
nomie, l’histoire et les langues vivantes sont passées avant, qui ont posé des jalons
méthodologiques. Ainsi les élèves répètent sans cesse (parce qu’on leur a répété sans
cesse), qu’il y a dans l’introduction de la dissertation une « amorce » qui « amène le
sujet » (1), une problématique qui pose le problème (2) et une annonce de plan (3).
On se demande évidemment en quoi consiste l’amorce, comme les élèves sans doute.
Comment en effet amener le sujet sans entrer du même coup dans la problématique ?
Comment éviter les généralités oiseuses ?
Amener le thème général ne suffit guère, c’est pourtant ce que les élèves font
d’ordinaire. Mais cela tourne court : une fois qu’on a énoncé la notion centrale du
sujet, accompagnée éventuellement d’une courte analyse conceptuelle, que dire de
plus ?
La tentation serait de gonfler l’analyse conceptuelle, en exigeant des élèves
qu’ils fournissent des définitions des notions principales. C’est leur demander en
quelque sorte de répéter l’analyse du sujet effectuée au brouillon. Jacqueline Russ ne
craint pas de recommander par exemple de commencer par l’élucidation de la « com-
préhension du sens des termes » et la « délimitation des concepts 1 ». L’amorce de l’in-
troduction serait donc comme « le reflet conceptuel de l’analyse conduite pour élabo-
rer et informer le sujet 2 ». Le bon sens demande en effet de savoir de quoi on parle
avant de réfléchir plus avant.

1. Jacqueline Russ, Les méthodes en philosophie, Paris, Armand Colin, 1992, p. 118.
2. Ibid., p. 116.
L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION ET DE L’EXPLICATION DE TEXTE 57

En pratique, cette façon de faire cause de grands soucis aux élèves. En effet,
ceux-ci ont bien du mal à fournir des définitions courtes, qui aient en outre un rap-
port avec le sujet posé. Jacqueline Russ, elle-même, fournit des exemples d’introduc-
tion, avec des amorces d’une vingtaine de lignes sur un total de quarante 3. C’est long.
Ainsi, celui qui réfléchit sur le « droit au bonheur » est parti pour une analyse intermi-
nable du droit et du bonheur. Plus grave, l’enchaînement avec la problématique est
très difficile voire impossible. Comment passer des définitions à l’interrogation sur le
sujet sauf de façon chronologique ? Après les définitions, le sujet ! Qui ne voit l’effet
désastreux de ce procédé ? Au lieu d’introduire au problème posé, on répète l’analyse
du sujet effectué au brouillon, et l’on fait attendre le correcteur. Lorsque le problème
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finit par arriver, le correcteur a déjà dégainé son stylo rouge depuis longtemps et mis
dans la marge un « hors sujet » rageur.
Disons-le tout net : en philosophie, ces analyses conceptuelles initiales sont des
moyens et non des fins. L’essentiel est d’introduire au sujet (et non de le faire
attendre), dans son contenu le plus essentiel (son « noyau de sens ») ; or le sujet est
énoncé sous la forme d’un problème (à moins que ce soit à l’élève de le formuler sous
forme interrogative) ; donc amener le sujet c’est déjà entrer dans la problématique.

b) Centrer l’introduction sur la problématique : l’introduction Blitzkrieg


Les instructions officielles paraissent éviter cet écueil d’une amorce trop
longue en distinguant, à propos du sujet de dissertation, une première phase consa-
crée à « une première définition de l’intérêt de cette question » (1), et une deuxième
chargée de « la formulation du ou des problèmes qui s’y trouvent impliqués 4 » (2). On
conserve, on le voit, l’idée des définitions initiales, mais au service d’une recherche de
l’intérêt philosophique du sujet, c’est-à-dire de son enjeu et de sa portée.
Ainsi formulées, les instructions suscitent toutefois un léger embarras, car on
ne voit pas bien comment l’on peut analyser savamment les implications historiques
et existentielles d’un problème avant même d’avoir posé ce dernier. De fait, il semble
plus logique d’énoncer enjeu et portée pendant ou après la problématique. Car il faut
bien distinguer entre susciter l’intérêt du lecteur et énoncer l’intérêt du sujet. Si l’amor-
ce du sujet attire l’attention et l’intérêt, elle ne saurait délimiter l’intérêt d’une ques-
tion qui n’a pas encore été posée.
Une « remarque paradoxale ou incisive » ou un « très bon exemple 5 » sont évi-
demment les bienvenus dans l’amorce. Mettre le sujet dans une situation concrète
aide en effet à mieux comprendre dans un premier temps de quoi l’on parle ; cela per-
met aussi de cerner le champ du sujet de façon élégante. Mais cela ne saurait suffire
tel quel, car on risque d’enfermer le sujet dans l’exemple, et de donner lieu à une
mise en crise du sujet qui critique l’exemple au lieu d’interroger le sujet. La probléma-
tique ne saurait en rester à un exemple suivi de contre-exemples.
Le mieux serait d’énoncer au préalable une opinion commune, détaillée briève-
ment, avant de l’illustrer concrètement par un exemple. La pensée serait ainsi placée
d’emblée sur le plan conceptuel d’une thèse et sur le plan concret d’un exemple. On
pourrait ensuite mieux enchaîner, en critiquant l’opinion plutôt que l’exemple. Il faut

3. Ibid., pp. 130, 138, 144


4. Programme d’enseignement de la philosophie en classe terminale des séries générales, Bulletin Officiel,
n° 25 de l’année 2003 (19 juin).
5. Voir Choulet, Folscheid, Wunenburger, Méthodologie philosophique, Paris, PUF, 1996, p. 206 ; Leguil, La phi-
losophie au bac, Paris, Bordas, 2008, p. 9.
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en effet éviter, par-dessus tout, les introductions retardatrices : entrer en matière c’est
percer le mur des réponses toutes faites. Commencer par poser une opinion illustrée,
pour pouvoir la détruire ensuite semble la stratégie la mieux appropriée. Elle est
prompte et efficace.
L’introduction comprend donc une phase d’amorce (1), comprenant une opi-
nion détaillée et illustrée, une problématique (2), qui critique l’opinion par des ques-
tions et qui rassemble ces questions sous un problème central, et éventuellement une
annonce de plan (3).
Cette formulation est, il est vrai, fort discutable, puisqu’on ne comprend pas
bien pourquoi on exclut toujours la phase d’amorce de la problématique. Pourquoi ne
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pas aller jusqu’à dire que l’introduction, c’est la problématique ? Quitte à préciser ensui-
te, que celle-ci comprend une « mise en situation » (1) et une « mise en tension » (2),
et à rendre non obligatoire l’annonce du plan ?
Cela donnerait donc :
§ 1 : Opinion + exemple
§ 2 : Critique de l’opinion + problème central
[§ 3 : Annonce de plan]
On serait tenté de dire qu’un seul paragraphe est possible, mais souhaitable
uniquement si l’amorce est courte. Il faut néanmoins concéder qu’une généralisation
de la présentation en deux paragraphes semble conforme aux intentions (implicites
sinon explicites) des instructions officielles. Pourquoi ne pas rendre ces deux para-
graphes obligatoires ? Pourquoi ne pas préciser aussi qu’il est souhaitable que l’amorce
n’en reste pas à des généralités thématiques ou définitionnelles ?

II) LE PROBLÈME DE L’AMALGAME ENTRE L’INTRODUCTION DE L’EXPLICATION ET


CELLE DE LA DISSERTATION
a) Énoncer la problématique du texte n’est pas problématiser le texte
Les problèmes rencontrés dans l’introduction de l’explication de texte ressem-
blent bien évidemment à ceux de la dissertation. Car les élèves ont très souvent ten-
dance à projeter sur l’explication ce qu’ils savent de la méthodologie de la disserta-
tion. Ainsi a-t-on assez souvent une mauvaise introduction de dissertation à la place
de l’introduction de l’explication. Pour l’élève, l’introduction de la dissertation com-
prend une amorce, une problématique et un plan ; donc l’introduction de l’explication
comprendra, elle aussi, une amorce, une problématique et une annonce de plan. C’est
tout simple, et c’est pourquoi l’amalgame s’enclenche si vite.
Cela commence par l’énoncé du thème du texte, qui donne lieu bien souvent à
une amorce de dissertation. Le nom de l’auteur intervient ensuite, pour dire que lui
aussi ? cela tombe bien ? traite de cette notion dans le texte à expliquer, justement.
Quel artifice ! Pourquoi ne pas commencer par le thème du texte, plutôt que de passer
péniblement du thème au texte écueil, de se contenter d’une « phrase très brève » plu-
tôt que de se lancer dans une « explication alambiquée 6 ». Cette remarque est bonne,
pour autant que cette phrase rattache explicitement le thème au texte.
L’usage veut ensuite qu’on énonce la thèse du texte, puis son enjeu ou son pro-
blème. Là encore, les élèves comprennent qu’il est temps de se lancer dans une pro-
blématique inspirée de la dissertation. Rares sont ceux qui « collent » à la probléma-
tique du texte ; plus rares encore ceux qui énoncent une question centrale qui soit le

6. Choulet et alii, Ibid., p. 38.


L’INTRODUCTION DE LA DISSERTATION ET DE L’EXPLICATION DE TEXTE 59

problème du texte. Car nombreux sont ceux qui posent une question au texte, au lieu
de chercher la question à laquelle le texte répond. Ce travers est d’ailleurs encouragé
par les méthodologies qui exigent la recherche de l’enjeu du texte dès l’introduction.
Sommés de chercher l’intérêt existentiel du texte, les élèves se détachent du texte à
expliquer pour s’interroger sur leur rapport au texte. L’actualité de la pensée de l’au-
teur compte alors plus que son contenu précis. Jacqueline Russ, qui aime décidément
les longues introductions, recommande ainsi d’ajouter à une première partie consa-
crée au thème et à la thèse de l’auteur, une seconde consacrée au questionnement, au
problème et à l’enjeu ; et une troisième consacrée au plan du texte 7. Cette manière de
faire est embarrassante. Que veut dire ici « questionnement » ? Un questionnement
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qui vient après la thèse de l’auteur a pour sens de la questionner : le but n’est pas de
présenter la thèse comme la réponse de l’auteur au problème du texte, mais de poser
des questions au texte pour en extraire le problème et l’enjeu 8. Tout se passe donc
comme si l’on essayait de faire coïncider artificiellement explication et dissertation,
en faisant un plan en trois phases : 1) on amène le texte par le thème et la thèse ; 2)
on énonce la problématique du texte, c’est-à-dire son problème et son enjeu ; et 3) on
énonce le plan du texte. Les risques de confusion sont grands. Comment questionner
en effet la thèse de l’auteur sans se perdre dans des questions sans rapport avec le
texte ?
L’annonce du plan du texte est la partie la plus facile en principe, puisqu’il
s’agit tout simplement d’énoncer les « moments » qui constituent le plan du texte.
L’expérience apprend cependant que, là encore, les élèves confondent souvent l’an-
nonce du plan du texte et celle du plan d’une dissertation. Ils annoncent en fait les
parties du texte, mais comme si c’était eux qui menaient la réflexion : « on étudiera
tout d’abord… » ; « on se demandera ensuite… » Parfois on mélange les deux
annonces, et l’on prend la peine d’ajouter, après l’énoncé du plan du texte que le plan
de l’explication suivra le celui du texte. Certes, mais cela va sans dire ! Le mieux est
donc de ne rien dire du plan de l’explication.
Une saine méthodologie de l’introduction exige donc de distinguer soigneuse-
ment explication et dissertation. Tel devrait être le premier principe, sans lequel aucu-
ne méthodologie n’est simple et efficace.

b) La place du problème dans la problématique du texte


Si l’on s’embarrasse ainsi dans des complications infinies, c’est que l’on essaie
artificiellement de superposer l’introduction de l’explication de texte et celle de la dis-
sertation. On est alors contraint de grossir l’amorce en y mettant le thème et la thèse,
puis à amplifier la problématique en y injectant l’enjeu, voire « les enjeux 9 ». Tout
cela aboutit à des introductions trop longues, qui mettent la charrue avant les bœufs,
en demandant aux élèves l’intérêt d’un texte qui n’a pas encore été expliqué. Le plus
logique, là encore, est d’énoncer l’enjeu et la portée pendant ou après l’explication.
Il faut donc réorganiser radicalement la structure de l’introduction, pour que
celle-ci soit véritablement une introduction à l’explication d’un texte. Le mieux paraît

7. Ibid., p. 169, 174.


8. Ibid., p. 168 : « C’est en questionnant le texte et l’idée générale que nous allons faire surgir le problème,
l’aporie centrale du texte. »
9. Choulet et alii, Ibid., p. 39. Selon cette méthodologie, l’introduction de l’explication comprendrait (1) la
problématique du texte, c’est-à-dire le thème, la thèse et les enjeux du texte, et (2) l’énoncé du plan du texte.
Mais que faut-il entendre par « enjeux ». Est-ce une façon de susciter l’intérêt du lecteur (par un problème
incisif et percutant) ou une façon d’énoncer formellement l’intérêt du texte ?
60 JEAN-CLAUDE LAGARRIGUE

être de changer l’ordre de l’énoncé classique de la thèse et du problème. Pourquoi ne


pas mettre le problème du texte avant la thèse ? La thèse du texte surgirait alors
comme une réponse au problème. Le risque de formuler un problème hors sujet est
donc limité, sinon conjuré. Étroitement encadré par le thème et la thèse de l’auteur,
le problème est contraint en effet de demeurer dans le texte.
Quant à l’intérêt philosophique du texte, sa place est dans l’explication, quoi-
qu’on puisse aussi finir élégamment la conclusion sur l’enjeu existentiel et la portée
historique.
On obtient donc cette structure canonique :
§ 1 : (a) thème du texte ; (b) problème du texte ; (c) thèse du texte.
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§ 2 : annonce du plan du texte
Faut-il imposer cette structure comme une disposition obligatoire des copies
du baccalauréat ? Le mieux serait d’exiger les deux paragraphes, car il faut la problé-
matique et le plan du texte. Mais il serait préférable de laisser le contenu du para-
graphe 1 au libre choix des enseignants, tant les méthodes sont diverses. On peut
penser aussi que suivant le niveau des élèves, le schéma structurel évolue en com-
plexité et en densité.

CONCLUSION
Il est temps de prêter attention à la forme des introductions des devoirs de
philosophie au baccalauréat. Bien loin de détourner le regard de ces « passages obli-
gés », que beaucoup jugent rhétoriques et peu philosophiques, il faut les regarder de
près. Car, pour l’élève, la forme est beaucoup plus concrète que le fond. Il ne sert à
rien de dire qu’il faut faire une problématique si l’on ne précise pas comment il faut
faire en pratique ; et c’est là que la forme aide l’élève, qui a besoin qu’on lui dise de
faire des paragraphes, c’est-à-dire des alinéas, c’est-à-dire des retraits de deux carreaux
supplémentaires.
Un devoir correctement rédigé du point de vue formel ne pourrait-il pas
constituer une sorte de seuil minimal ? Une dissertation « dans les formes » peut-elle
être notée en dessous de cinq sur vingt ? Certes, il peut encore y avoir des problèmes
d’expression et d’orthographe, autorisant de descendre encore en dessous, mais il
serait peut-être temps d’interdire (ou du moins de déconseiller fortement) de noter
sur le fond en mettant en dessous de ce seuil. Cela suppose évidemment que l’on soit
d’accord sur la forme du devoir correct, ou du moins qu’on progresse suffisamment en
ce sens.

BIBLIOGRAPHIE
GOURINAT (Michel), Guide de la dissertation et du commentaire composé en philoso-
phie, Paris, Hachette, 1976.
PENA-RUIZ (Henri), Méthodologie philosophique : maîtrise de la dissertation, Paris,
Bordas, 1978.
SÈVE (Bernard), Exercices philosophiques, Paris, Hachette, 1979.
RUSS (Jacqueline), Les méthodes en philosophie, Paris, Armand Colin, 1992.
CHOULET (Philippe), FOLSCHEID (Dominique), WUNENBURGER (Jean-Jacques),
Méthodologie philosophique, Paris, PUF, 1992, 1996.
LEGUIL (Clotilde), La philosophie au bac. Un cahier pour s’entraîner, des sujets guidés,
des textes, Paris, Bordas, 2008.

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