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Rac 011 0527
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LE RÉSUMÉ DE
COMMUNICATION
Analyse contrastive en didactique
du français et en formation
d’adultes
FRANCOISE BOCH
MARTINE PONS-DESOUTTER
RÉSUMÉ
Notre étude est consacrée à la description des différentes façons
de résumer un travail de recherche au sein de deux communautés
voisines qui relèvent du champ de l’éducation : les didacticiens
du français et les formateurs d’adultes. C’est à travers le genre
du résumé de communication que sont analysées ces pratiques
d’écriture. L’étude contrastive prend appui sur un corpus de 110
résumés acceptés dans le cadre de congrès récents, ancrés soit
en didactique du français, soit en formation d’adultes. Un premier
comptage des éléments composant la structure rhétorique des
résumés est assorti d’une analyse qualitative plus approfondie.
Cette double approche permet de montrer que l’appartenance à
l’une ou l’autre communauté de recherche constitue une variable
déterminante, notamment du point de vue de la présentation de
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1. INTRODUCTION
Cette étude1 s’inscrit dans la lignée des travaux cherchant à définir les routines
rhétoriques des écrits scientifiques au sein des disciplines (cf., par exemple,
les études réalisées dans le cadre du projet KIAP2, ainsi que les travaux de
Hyland, 1998). Ces travaux se centrent généralement sur les grandes tendances
disciplinaires, mises à jour par le biais d’études contrastives de grande ampleur
entre disciplines et familles de disciplines. Ainsi, dans sa livraison de 2006, Hyland
dresse un état des lieux des travaux anglo-saxons de ces vingt dernières années
ayant contribué à l’étude de ces différentes routines. Au-delà de la grande
diversité qui caractérise les méthodologies et les entrées retenues dans ces
nombreuses études, l’hypothèse commune qui les fédère est validée : selon les
disciplines et familles de disciplines, les chercheurs usent de différents moyens
pour présenter leur travail, se mettre en scène dans leur texte et guider leur
lecteur. Ainsi, la conception traditionnelle de l’écrit scientifique comme écrit
neutre, objectif et dépourvu de marques personnelles est fortement rediscutée.
Sans remettre en question l’intérêt et la portée de tels résultats au plan de
la connaissance épistémologique des disciplines, il nous semble nécessaire de
les compléter par des études décrivant la diversité des procédés rhétoriques
au sein d’un même champ de recherche. Décrire cette diversité nous semble
en effet utile pour dépasser des généralités qui peuvent s’avérer réductrices
lorsqu’on les confronte aux pratiques d’écriture réelles de chercheurs relevant
supposément d’une même communauté de recherche.
C’est dans cette perspective que s’inscrit la présente étude (qui fait suite à
plusieurs travaux conduits récemment3), en ce qu’elle consiste à repérer, dans
des écrits relevant d’un même domaine, en l’occurrence celui de l’éducation,
d’éventuelles tendances dans les pratiques scripturales, liées en particulier à
l’objet de recherche étudié par l’auteur-chercheur. Les travaux émanant
du champ de l’éducation nous apparaissent en effet relever de démarches
scientifiques potentiellement différentes, qui ont des répercussions sur les
pratiques d’écriture des chercheurs.
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2. DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET
FORMATION D’ADULTES : DEUX CHAMPS
MARQUÉS PAR LEUR HISTOIRE
La première partie de cet article sera consacrée à une présentation rapide de
la didactique du français et de la formation d’adultes, deux domaines à l’histoire
singulière et relativement récente.
4 Nous nous fondons dans ce chapitre sur un numéro (janvier 2008) de la lettre de l’AIRDF
(Association Internationale de Recherche en Didactique du Français), dédié à J.-F. Halté, décédé
en 2007 et pionnier dans la recherche en didactique du français qu’il a toujours alimentée de ses
travaux.
5 Cf. par exemple l’ouvrage collectif de Chiss, David & Reuter, 2005 : Didactique du français.
Fondements d’une discipline, ainsi que les trois tomes des Méthodes de recherche en didactique (2006,
2007, 2009) publiés conjointement par les deux équipes lilloises Théodile (didactique du français) et
Didirem (didactique des maths).
6 « Cette confusion possible n’est sans doute pas infondée puisque, par formation, une grande
partie des didacticiens du français se sont préoccupés, par nécessité disciplinaire, immédiatement et
structurellement, des rapports entre langages et savoirs » (Reuter, 2008, p. 20).
Revue d’anthropologie des connaissances – 2010/3 531
en déplorant le peu de reconnaissance dont elle fait encore l’objet. Ils sont
souvent considérés comme des « redoutables techniciens de l’enseignement »
(Dumortier, 2008, p. 2) ; les pédagogues leur reprocheraient d’être peu présents
sur le terrain, peu disposés à diffuser les résultats de leurs recherches auprès
des acteurs qui pourraient en bénéficier, peu enclins à mener des recherches-
actions en partenariat avec les enseignants, et, pis encore, peu attentifs aux
besoins de la formation des maitres, malgré le statut de formateur de bien des
chercheurs en didactique du français.
En résumé, concernant la didactique du français, tout se passe comme si la
volonté de légitimation scientifique et d’autonomisation de la discipline générait
en contrepartie un « technicisme et un encyclopédisme excessifs » (Laparra,
cité par Laurent, 2008, p. 6). Présentés caricaturalement ici, mais néanmoins
fortement épinglés dans le discours médiatique, ces travers sont peu propices
à la reconnaissance de la discipline comme contributoire à la réflexion sur les
pratiques pédagogiques des enseignants.
Le problème des chercheurs en formation d’adultes, on va le voir, est
quasiment inversé.
3. LE CHOIX DU RÉSUMÉ DE
COMMUNICATION
C’est à travers le genre du résumé de communication que sont observées
les pratiques d’écriture. Le résumé de communication accompagne l’article
soumis à l’expertise scientifique en vue d’une communication orale à un
colloque (article qui figurera dans les actes du colloque après sa tenue). En tant
qu’écrit dépendant d’un autre écrit (l’article), le résumé se distingue donc de la
proposition de communication, écrit autonome et autosuffisant.
Les consignes des organisateurs de colloques portant généralement sur
l’article à soumettre, et non sur le résumé qui l’accompagne, le genre du résumé
de communication est peu contraint. Toutefois, son enjeu est potentiellement
considérable : le résumé de communication, parcouru vraisemblablement
en premier par le comité d’expertise, doit susciter une impression positive
favorisant la sélection de l’article donnant lieu à la communication. Par ailleurs,
lors de la tenue du colloque, le résumé constitue souvent un repère fort auprès
des participants qui, en fonction de son contenu, choisissent d’assister ou non
à la communication orale lui correspondant. Enfin, au-delà de l’échéance du
colloque, le résumé (accompagné de son article) reste accessible sur internet,
constituant ainsi une porte d’entrée particulièrement efficace pour tout
chercheur en quête de documentation.
Le résumé exige donc de la part de son auteur de présenter dans un format
très court son objet de recherche le plus efficacement possible, en mettant
en relief les éléments qu’il juge pertinents pour sa communauté. On fait ici
l’hypothèse que cette relative liberté dont jouit le chercheur-auteur dans la
construction de son résumé fait de cet écrit un objet d’analyse privilégié pour
mieux cibler les caractéristiques rhétoriques propres à un champ de recherche
donné.
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L’étude a porté sur 110 résumés de communication issus de trois grands col-
loques internationaux qui se tiennent très régulièrement (annuellement ou tous
les deux ans), et réunissent des recherches liées à l’éducation :
• AIRDF : Association Internationale de Didactique du Français (Lille,
septembre 2007) ;
• AREF : Actualité de Recherche en Éducation et Formation
(Strasbourg, août 2007) ;
Revue d’anthropologie des connaissances – 2010/3 535
9 Les trois colloques sont connus pour fédérer des recherches du monde francophone ; on
remarquera d’ailleurs qu’en termes de représentants, la France est minoritaire par rapport au
Québec ou à la Belgique, du moins en ce qui concerne le colloque AIPU.
10 Nous rappelons que le résumé de l’article soumis n’a fait l’objet dans aucun des trois colloques
de consignes particulières, conformément, semble-t-il, aux habitudes éditoriales dans la publication
scientifique, du moins en sciences humaines et sociales.
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Le comptage de ces différents éléments dans les 110 résumés n’a pas été
effectué à l’aide d’un logiciel permettant d’effectuer des requêtes automatiques.
La nature du corpus nous a conduites à considérer qu’une simple liste de
patrons syntaxiques, indispensable à l’automatisation des requêtes, serait
fortement réductrice : l’exposition de la recherche passe en effet par des
modèles variés et difficilement prédictibles. Ainsi, si la présentation de l’objet de
recherche emprunte souvent une forme linguistique canonique telle que : « la
recherche interroge… » ou encore « nous proposons de décrire… », elle peut
également faire l’économie de termes relevant du lexique méthodologique, par
exemple quand elle prend la forme unique d’une question, dont on comprend
grâce au contexte qu’elle renvoie à l’objet principal de la recherche : « Quelles
représentations les enseignants/formateurs ont-ils des pratiques culturelles des
stagiaires au quotidien ? ». L’analyse a donc été réalisée manuellement, aidée en
cela par la taille réduite du corpus.
Le comptage est conçu principalement dans l’objectif de repérer d’éventuels
lieux de contraste ou de proximité entre les deux corpus afin de mener de
manière plus fine et approfondie une analyse qualitative. Ce premier balayage
quantitatif est donc volontairement grossier : pour chacun des items (cf.
tableau 1), un point a été compté par résumé y faisant référence, quel que soit
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10 2 4
0
Objet Méthodo. Cadre Hypothèse Résultats Perspectives
théorique
Graphique 1 : Présence des items dans les deux corpus de résumés (en %)
11 Pour la clarté de l’exposition de nos observations, ont été considérées arbitrairement comme
communes les pratiques connaissant un écart inférieur à 10 %, et comme divergentes celles
connaissant un écart supérieur à 10 %.
12 Ex. : « (Thyrion, 2005) (Lançon, 2002) » (DID18) ; « (Carré, 2006) » (FA25).
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25
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n
n
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(p
13 Ex. : « dans une visée descriptive-compréhensive » (DID1) ; « pour cela nous utiliserons des
outils issus de la psychologie sociale et de la didactique des sciences » (FA8).
14 Ex. : « Les études des dernières décennies ont démontré à maintes reprises » (DID50) ; « à la
lumière des approches théoriques » (FA7).
15 Cf. Rinck, Boch & Grossmann, 2007.
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70
60
50
40 DID
30 FA
20
10
0
indications méthodologiques en % de indications méthodologiques en % de
mots résumés
portant massivement sur la nature des données (cf. exemple 1) ou, très
marginalement (deux cas seulement en DID, aucun en FA), sur leur traitement
(cf. exemple 2) :
1. Les données sont constituées de différentes productions écrites
dans le cadre d’un journal de lecture dialogué, de verbatim collectés
dans des débats collectifs et d’entretiens individuels avec cinq élèves
représentatifs de la diversité de la socioculturelle de la classe (DID 34).
2. Il s’agira d’établir un tableau des corrélations croisées entre les disciplines,
auxquelles seront ajoutées les variables « demi-journées d’absences »
et les résultats au Test Paradigmatique-Syntagmatique (score P-S). Les
variables « sexe » et « niveau » (6e et 3e) seront également prises en
compte (DID 44).
Toutefois, la comparaison entre les deux corpus reste assez délicate à
mener, les indices quantitatifs n’étant pas toujours suffisants pour mesurer
finement la présence de la dimension méthodologique dans chaque série de
résumés. En effet, comme on le verra plus en détail infra (cf. 4.2.2.), le corpus FA
se caractérise par une problématisation de la recherche centrée sur un besoin
émergent en formation d’adultes, qui se traduit le plus souvent par l’élaboration
de dispositifs d’apprentissage particuliers venant répondre à ce besoin. De ce
fait, certains résumés prennent pour objet d’étude l’élaboration de ce dispositif
innovant. Dans ces cas-là, les aspects méthodologiques de la recherche tels
qu’on les entend habituellement (liés au recueil et au traitement des données)
n’ont plus lieu d’être, les « données » au sens de « matériau d’analyse » n’existant
pas à proprement parler ; cela étant, cette situation de recherche n’exclut pas
dans le résumé la présence de précisions techniques, mais celles-ci, étroitement
liées au dispositif, sont confondues avec les résultats de la recherche, comme
en témoigne l’exemple 3 :
3. Les diplômes sont assortis de suppléments (…). Le dispositif
d’apprentissage de l’ingénierie du logiciel par immersion s’organise
autour d’une année passée dans une entreprise virtuelle, sans cours
traditionnels, lors de laquelle les étudiant(e)s travaillent en équipe et dans
les règles de l’art pour concevoir et réaliser un système d’information
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17 Autres verbes de ce type relevés dans le corpus : s’interroger sur, porter sur, être centré sur, rendre
compte de, s’intéresser à, explorer le rôle de, examiner.
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5. CONCLUSION
L’analyse des résumés de communication a permis de mieux identifier ce
qui distingue les deux communautés étudiées dans leurs manières d’exposer
leurs recherches : les chercheurs en formation d’adultes apparaissent comme
un corps plus homogène dans la démarche de recherche elle-même mais
paradoxalement plus hétérogène dans la façon d’envisager globalement le
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BIBLIOGRAPHIE
Barré de Miniac C. (2004). Une pratique d’écriture scientifique : la proposition de
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