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Le tournant cognitif en pragmatique.

Un aller-retour
transatlantique et ses impacts philosophiques
Bruno Ambroise
Dans Revue d'Histoire des Sciences Humaines 2011/2 (n° 25) , pages 81 à 102
Éditions Éditions Sciences Humaines
ISSN 1622-468X
ISBN 9782361060237
DOI 10.3917/rhsh.025.0081
© Éditions Sciences Humaines | Téléchargé le 25/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 38.25.15.209)

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines, 2011, 25, 81-102.

Le tournant cognitif en pragmatique


Un aller-retour transatlantique
et ses impacts philosophiques
Bruno Ambroise

Résumé
Ce texte a pour objectif de retracer une double évolution, historique et conceptuelle,
au sein d’un champ disciplinaire récent  : la pragmatique. Communément qualifiée
« d’étude des effets du langage en contexte », celle-ci est née au milieu du xxe siècle
des réflexions convergentes d’anthropologues et de philosophes sur l’aspect actif du
langage, avant de devenir une discipline à part entière en se concentrant plus exclusi-
vement sur les effets de compréhension obtenus par l’usage du langage en contexte. On
est ainsi passé d’une considération – assez révolutionnaire – des capacités de modifi-
cation du monde que le langage pouvait avoir à une étude centrée sur un simple élar-
gissement de ce qu’il donne à comprendre en contexte. Nous soutenons, pour conclure,
que cette évolution s’est accomplie au prix d’un oubli de l’activité même réalisée par le
langage, qui est dommageable sur le plan conceptuel.

Mots-clés : Actes de parole – Anthropologie – Austin – Conventions – Esprit – Grice –


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Intentions – Langage – Linguistique – Philosophie – Pragmatique – Sciences cogntives
– Searle – Sperber & Wilson – Strawson.

Abstract : The cognitive turn in Pragmatics. Philosophical consequences of a tran-


satlantic round-trip
This paper aims at retracing a twofold evolution, both historical and conceptual, which
occurred in a recent scientific field : pragmatics. Often qualified as “the study of what
language does in context”, it was born in the middle of the 20th century from the
convergent thoughts of some anthropologists and philosophers concerning the actions
accomplished by means of language. Then it became an independent academic disci-
pline more exclusively focused on the cognitive effects of the use of language in context.
The focus is thus gone from an – quite revolutionary – examination of the capacities
language may have to modify states of affairs, to the mere analysis of the content it may
convey in context. To conclude, we argue that this evolution took place after sacrificing
the consideration of what the language does, which is probably a conceptual loss for
the study of language.

Key-words : Anthropology – Austin – Cognitive sciences – Conventions – Grice – In-


tentions – Language – Linguistics – Mind – Philosophy – Pragmatics – Searle – Speech
acts – perber & Wilson – Strawson.
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

Introduction

La pragmatique est une activité de recherche académique récente, au croisement


de plusieurs disciplines, dont, principalement, la philosophie du langage (dont elle est
originellement issue), la linguistique et, de plus en plus, les sciences cognitives. Jeune
discipline dont on peut dater l’apparition sur la scène philosophique, puis scientifique,
dans les années 1940-19501, elle consiste à rendre compte des phénomènes linguistiques
qui ne sont pas explicables de manière purement « interne », c’est-à-dire qui ne
semblent pas pouvoir se réduire à un pur fonctionnement linguistique, mais nécessitent
le recours à une analyse de l’usage du langage (pour faire certaines choses). À ce titre,
elle prend en compte différents paramètres externes au langage, que ce soit la situation
de communication, les rapports d’interlocution, le statut des locuteurs ou les intentions
et croyances de ces derniers – tous éléments qu’on regroupe souvent sous l’appellation
« contexte ». Il s’agit ainsi pour elle d’expliquer le langage tel qu’il se déploie en
usage, ou tel qu’on le pratique en situation2. Se développant, à l’origine, à côté et contre
les recherches purement formelles, elle vise à rendre compte de toute la richesse des
phénomènes du langage naturel, qui ne cadrent pas avec les explications logiques
que la philosophie analytique issue du premier tournant linguistique (avec G. Frege
et B. Russell) cherche à développer en se concentrant sur les aspects sémantiques et
syntaxiques du langage3. Parmi ces phénomènes longtemps ignorés par la philosophie
analytique du début du xxe siècle4, un des tout premiers à avoir été identifié est celui
qui consiste, non pas seulement à dire des choses par le langage, mais à en faire – ce
qu’on appelle le « speech act », indifféremment traduit par « acte de langage », « acte
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de parole », ou « acte de discours »5. L’idée, déjà présente chez Frege au travers de la
notion de « force » d’une assertion, ou de « force assertive »6, traverse souterrainement
la première moitié du xxe siècle dans des textes d’anthropologues7 et de linguistes pour
se retrouver pleinement explicitée, de manière presque simultanée, par le philosophe
J.L. Austin dans les années 1940 et par le linguiste E. Benveniste dans les années 19508 :
c’est l’idée que le langage agit dans et sur le monde. Issue de cette « découverte »,

1
On date souvent la pragmatique des premiers travaux de Ch. Morris (Morris, 1937) et de J.L. Austin
(Austin, 1962). Voir l’introduction dans Nerlich & Clarke, 1996.
2
On peut aussi dire qu’elle consiste à expliquer non plus le seul phénomène de la « signification », ne
nécessitant qu’un seul sujet parlant, sinon la langue seule, mais le phénomène de la « communication » au
moyen de la langue, qui implique au moins deux sujets parlant, une situation, etc.
3
Sur cette histoire, voir Récanati, 1979.
4
Il convient en effet de noter que ces phénomènes spécifiques, ne relevant pas clairement de l’ordre de
la sémantique ou de la syntaxe, avaient été explorés, pour certains d’entre eux, par la scolastique médiévale
(voir Rosier, 1994 et Rosier, 2007) et par un certain versant réaliste de la phénoménologie (voir Reinach,
1913).
5
En réalité, la traduction n’est pas tout à fait neutre et renvoie à des choix théoriques distincts, notamment
sur le point de savoir ce qui est efficace – ce qui a une efficacité proprement pragmatique : est-ce le langage,
la parole (considérée comme l’usage, en situation, du langage), ou le discours (considéré comme un usage
dialogique, donc accompli dans un contexte spécifique, du langage) ? Sur ce point, voir Vernant, 1997.
6
Voir Frege, 1919, et le commentaire de D. Vernant in « Genèse du concept d’assertion », in Vernant,
1997, 21-42.
7
De manière la plus explicite chez B. Malinowski. Voir Malinowski, 1935.
8
Voir Benvéniste, 1966.

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Bruno Ambroise

la pragmatique s’est pourtant progressivement développée et institutionnalisée9,


des années 1970 aux années 2000, en reléguant peu ou prou les études de ces effets
linguistiques singuliers et en se concentrant sur d’autres effets, plus « cognitifs »,
relatifs à la compréhension et l’interprétation liées aux usages contextuels du langage
dans la communication, tels les phénomènes de sous-entendus, d’argumentation dans
la langue ou d’implications pragmatiques, qui sont tous plutôt redevables d’une analyse
en termes de contenu, et non plus en termes de force, du langage.
Il s’agira ici de présenter rapidement10 cette histoire, d’un point de vue essentiellement
conceptuel11 – c’est-à-dire de retracer le processus par lequel la « théorie des actes de
parole » s’est progressivement transformée en « pragmatique » (qui l’a intégrée comme
une simple composante) et a, de ce fait, perdu une composante essentielle de son objet
même, à savoir, pour présenter immédiatement les choses, la découverte par Austin
des « performatifs » ou de « l’aspect illocutoire » du discours (l’idée, pour le dire
grossièrement, que parler, c’est agir ; ou que « dire, c’est faire »12). Il s’agira de voir
comment la pragmatique s’appuie désormais sur une compréhension très particulière
du « faire » réalisé par le « dire », qui n’était précisément pas celle identifiée par Austin,
puisqu’il entendait bien plutôt combattre cette conception même ! Il s’agira donc de
montrer que l’analyse de l’efficacité de la parole, en se transformant en pragmatique
visant à comprendre comment le locuteur, en utilisant le langage en contexte, en vient
à créer des effets de sens13 qui ne sont pas réductibles à la sémantique des énoncés
mais dépendent d’éléments contextuels, n’est pas resté fidèle à la conceptualisation
initiale des actes de parole, telle que Austin l’avait proposée, c’est-à-dire comme une
analyse de l’efficacité du langage en tant qu’il opère une modification (non purement
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sémantique) du monde ou dans le monde. Dès lors, comme le disait F. Récanati dans
les années 1980 – en y voyant une évolution bienvenue – « la pragmatique offre ainsi
un laboratoire privilégié du changement de paradigme qui affecte la scène intellectuelle
contemporaine14 ». Ce changement de cap n’est pas nécessairement problématique
et il a pu s’avérer fécond pour étudier certains phénomènes que l’analyse purement
sémantique n’arrivait pas à expliciter. Mais, suite à ce revirement, on pourra noter que la
pragmatique n’offre plus et (ce au moins depuis les travaux de H. P. Grice) n’entend pas
offrir une analyse permettant de rendre compte des mêmes phénomènes, perdant alors
de vue ce qui est véritablement accompli par un acte de parole, en abandonnant un point
de vue conventionnaliste pour adopter une conception tout d’abord véri-conditionnelle

9
Le plus souvent intégrée, en France, à la linguistique, elle a ses revues – notamment le Journal of
Pragmatics (créé en 1977) et le Journal of Historical Pragmatics (créé en 2000) – ses collections, notamment
chez J. Benjamins à Amsterdam (« Pragmatics and beyond » depuis 1980), et ses intitulés de postes
universitaires, relevant presque exclusivement de la section 7 du C.N.U. (« Sciences du langage ») et assez
rares (en 2011, on compte en France 2 postes – de Professeur – dont le profil affiché est « pragmatique »).
10
Cette présentation sera trop rapide et trop partielle pour ne pas être partiale. Il s’agit donc essentiellement
de présenter une perspective permettant de lire une certaine évolution, à partir de la découverte initiale qui
définit la problématique de cette nouvelle discipline. Nous nous attarderons plus longuement sur le point de
départ, pour mieux permettre de comprendre l’écart qui s’est construit par rapport à lui.
11
Même si quelques aspects de l’histoire institutionnelle seront également présentés.
12
Suivant la traduction française de Austin, 1962/1976.
13
Nous faisons ici allusion à Cornulier, 1985.
14
Récanati, 1988, p. 80.

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines

puis mentaliste des effets du langage, qui tend, dans ses derniers développements, à
rendre possible sa réintégration dans le cadre d’une sémantique étendue.
Or, en retraçant les jalons de cette évolution, nous entendons esquisser quelques
pistes montrant que la pragmatique contemporaine, en tant qu’elle s’allie à une
explication mentaliste (ou cognitive) des phénomènes linguistiques l’autorisant à aller
chercher l’aide des sciences cognitives, s’empêche en fait d’expliquer les phénomènes
mis au jour par Austin et la théorie des actes de parole, dont elle est incapable, nous
semble-t-il, de rendre compte conceptuellement15.

Les origines (modernes) de la pragmatique contemporaine :


les effets conventionnels des actes linguistiques

Il est assurément exact que la « théorie des actes de parole » et la « pragmatique »


partagent l’objectif d’expliquer ou d’analyser des phénomènes linguistiques dont
l’analyse logique ou grammaticale du langage ne parvient pas à rendre compte. Ce
type d’analyse constituait, dans les années 1940-1950, la conception orthodoxe dans
la philosophie du langage et reste encore prégnante dans la tradition « analytique »
(puisque ce qu’est devenue la pragmatique cherche à lui être complémentaire – et non
plus critique). Elle concentrait son attention sur les aspects « cognitifs » du langage,
en considérant que le langage consistait soit à décrire un état du monde (à dire le vrai
à son propos), soit à exprimer la pensée du locuteur à propos d’un état du monde. Et
elle rejetait les autres aspects, en considérant soit qu’ils étaient dérivés ou secondaires,
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soit qu’ils n’étaient pas importants (ou même qu’ils ne constituaient pas de véritables
usages du langage).
Ce type d’analyse du langage pouvait être soit directement issue, dans le champ
anglo-saxon, de la philosophie des idées de John Locke (qui est le premier à avoir
proposé une analyse du langage16), soit du positivisme logique et, plus lointainement,
de l’analyse logique initiée par Frege, quant à elle fortement marquée par l’anti-
psychologisme. Malgré les différences de ces doctrines, leur point commun était de
considérer que le langage était avant tout un véhicule de la connaissance et qu’à ce titre,
on pouvait en analyser la signification des énoncés en termes de « conditions de vérité »
permettant, le cas échéant, d’identifier leur «  référence  » (ou leur «  dénotation  ») –
permettant donc de comprendre comment ces énoncés parlaient du monde. L’idée
était ainsi qu’on pouvait rendre compte de la signification des énoncés de manière
intemporelle en les comprenant comme des instanciations de propositions dont on
pouvait déterminer le « contenu » par l’énumération de leurs conditions de vérité (que

15
Non pas qu’il s’agisse de dire que la question est conceptuellement résolue, mais que la recherche
conceptuelle sur le phénomène n’est précisément pas terminée et ne peut pas être ignorée de manière
innocente : il convient de circonscrire le phénomène qu’on entend étudier avant de bâtir une discipline qui
lui est consacrée.
16
Voir Locke, 1689, chap. 3. Locke proposait une conception qu’on peut appeler « mentaliste » de la
signification des mots, selon laquelle la signification linguistiques des mots dépend des idées qui leurs sont
associées. Parmi les philosophes analytiques, Jerry Fodor est probablement le plus proche de ses idées (voir
Fodor, 1975). Sur cette histoire, voir Laurier, 1980.

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Bruno Ambroise

ces propositions correspondent à des objets abstraits – les « pensées » au sens de Frege
– ou au contenu mental des locuteurs). Selon cette conception véri-conditionnelle du
sens, une phrase comme « Le chat est sur le tapis » exprime une proposition – la même
que celle exprimée par la phrase « The cat is on the mat » – qui s’identifie par l’unité de
sens qu’elle convoie, à savoir, en l’occurrence, le fait que le chat est sur le tapis. (Toutes
les instances de cette phrase ont toujours ce sens et expriment donc toujours la même
proposition.) Mais le problème de ce modèle est qu’il laisse beaucoup de phénomènes
linguistiques inexpliqués – certaines choses que les mots permettent de faire17.
Cet oubli avait déjà été repéré au début du xxe siècle en Europe par des théoriciens du
langage tels que A. Reinach, A. Gardiner ou Ch. Morris18 – et on peut même considérer
qu’on y avait déjà pallié au Moyen-Âge, mais que les réflexions de cette époque avaient
été oubliées en raison, probablement, des préoccupations d’ordre essentiellement
théologique qui les animaient19. C’est plutôt à Oxford20, dans les années 1950, qu’un
groupe de philosophes a souligné que le langage se caractérisait essentiellement en
fonction de ses usages et non pas (uniquement) en fonction de sa portée cognitive. Ces
« philosophies du langage ordinaire », ainsi dénommées parce qu’elles considéraient
que l’analyse du langage devait porter sur le langage usuel (ou naturel), tel qu’il était
utilisé dans la vie de tous les jours, et non pas sur un modèle idéal du langage à visée
normative, ont alors révélé (à nouveau) que le langage avait de multiples usages et
que – chose ignorée par la conception concurrente – il ne parvenait à avoir une portée
cognitive qu’à faire quelque chose, qu’à accomplir quelque chose dans le monde. Parmi
eux, figuraient Austin, bien sûr, mais aussi G. Ryle, J. O. Urmson, le premier « Grice »
et P.  F. Strawson21.
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Ce dernier a, au travers d’un débat au sein de la philosophie analytique anglaise,
porté un premier coup à la conception véri-conditionnelle selon laquelle une phrase
exprime une proposition analysable en termes de conditions de vérité, en s’attaquant,
dans un article célèbre22, à la conception logique de la signification et de la dénotation
que B. Russell avait défendue23. Pour le dire très rapidement, Strawson – alors « fellow »

17
Et on peut noter que, déjà au sein de ce modèle, la question de la référence (au monde) ne trouvait pas
une solution facile. Voir Vernant, 2010, chap. 2. Voir aussi, pour les prolongements contemporains, Perrin,
2011.
18
Tous avaient déjà considéré que, d’une manière ou d’une autre, la parole consistait à agir.
19
Voir les travaux d’I. Rosier, déjà cités.
20
Le département de philosophie d’Oxford se distinguant alors de son rival à Cambridge, qui, héritier
d’une histoire différente, avait accueilli plus favorablement les défenseurs de l’analyse logique du langage.
Cambridge avait en effet été fortement marqué par la philosophie de l’atomisme logique de B. Russell,
l’analyse défendue par G.E.M. Moore et une certaine lecture du Tractatus Logico-Philosophicus de
L. Wittgenstein. Sous l’influence de G. Ryle, Oxford devait pour sa part devenir associée avec l’analyse du
langage ordinaire : A.J. Ayer, seul représentant de l’empirisme logique, y était bien seul et devait même subir
les foudres d’Austin. Sur ces questions, voir Al-Saleh & Laugier, 2011, ainsi que Kuklick, 2003.
21
La relation de la pensée de L. Wittgenstein à ce groupe dit de la « philosophie d’Oxford » n’est pas
chose évidente, même s’il est clair que des aspects de la « seconde philosophie » de Wittgenstein, philosophe
issu de Cambridge, sont très proches des idées défendues par le groupe d’Oxford. Mais celle-ci n’était pas
connue par tous, si ce n’est vaguement par Austin et plus précisément par Ryle. Sur ces questions, voir les
travaux de S. Laugier, notamment Laugier, 1999 et Al-Saleh & Laugier, 2011.
22
Strawson, 1950.
23
Russell, 1905.

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à l’Université d’Oxford – a montré qu’un énoncé ne pouvait faire référence – et ne


pouvait donc s’analyser en termes de valeur de vérité (ne pouvait être dit vrai ou faux)
– que si certaines présuppositions contextuelles étaient avérées, telles que l’existence
du sujet de l’énoncé (l’exemple utilisé était celui de l’énoncé « Le roi de France est
chauve »). Il montrait alors que cette existence n’était pas un présupposé sémantique
de la phrase – c’est-à-dire une condition implicitement signifiée par la phrase, comme
le pensait Russell – mais une condition hétérogène au discours : un présupposé
pragmatique qui venait le déterminer en fonction de l’usage qu’on en faisait dans une
situation donnée. Strawson notait là la dépendance contextuelle du langage en même
temps qu’il insistait sur l’idée qu’un énoncé ne prenait une certaine référence qu’en
fonction de certains usages. Pour lui, pour qu’une phrase donnée réfère, elle devait
être utilisée d’une certaine manière afin de donner lieu à un énoncé, prononcé dans
des circonstances où certaines présuppositions sont remplies (sans que celles-ci soient
assertées dans la phrase). Il donnait ainsi la primauté à l’usage sur la sémantique pour
ce qui était de déterminer ce dont on parle au moyen d’une certaine phrase, c’est-à-dire
la référence des énoncés24, et montrait donc que la question de la vérité d’un énoncé ne
pouvait se poser qu’au niveau de son usage. Ce faisant, il avançait décisivement vers
une conception « pragmatique » du langage25.
Toutefois, les réflexions pragmatiques ont vraiment fait leur entrée sur le devant
de la scène philosophiques avec les travaux d’Austin, alors titulaire d’une chaire de
philosophie morale à Oxford. Celui-ci développa en effet de nouveau concepts, celui de
« performatifs », qui apparaît pour la première fois en 1946 dans un texte sur la question
d’autrui26, et celui d’« actes de parole ». Le terme est alors introduit pour discuter des
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questions de responsabilité morale ou juridique, notamment la question des excuses27,
mais aussi pour traiter la question de la connaissance sous l’angle des engagements
pris. Toutefois, c’est véritablement dans ses leçons délivrées à l’Université d’Harvard
en 195528 que le concept est totalement défini. Selon Austin, la conception véri-
conditionnelle du langage est fautive en raison d’une « illusion descriptive » typique de
la « position scolastique » qui consiste à oublier les conditions concrètes des activités
intellectuelles et, plus spécifiquement, le caractère essentiellement pratique du langage,
pour ne se focaliser que sur sa dimension cognitive, en considérant alors que le langage
vise essentiellement à dire des choses vraies, c’est-à-dire convoie de l’information
à propos de quelque chose d’autre que lui-même – caractéristique que F. Récanati
a appelé sa « transparence »29. Or, Austin va montrer, ou révéler, que le langage
consiste non pas tant à dire des choses qu’à faire des choses. Plus précisément, il (re-)

24
Pour plus de détails sur cette analyse, nous nous permettons de renvoyer à notre article, Ambroise,
2005.
25
Voir encore Perrin, 2011.
26
Voir Austin, 1946.
27
Il faut ici rappeler que H. L. A. Hart, le fameux philosophe du droit, et Austin ont animé un séminaire
en commun sur cette question.
28
Issues de l’enseignement délivré à Oxford – et de la méthode propre que Austin y professait –, elle
furent publiées in Austin, 1962/1976.
29
Voir Récanati, 1979.

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Bruno Ambroise

découvre30 que le discours change des choses dans l’état du monde (et pas seulement
qu’il convoie des choses qui ne sont pas explicitement dites). En effet, il découvre ces
énoncés qualifiés de « performatifs » (comme la promesse, le serment ou le vœu) et la
catégorie plus générale des « actes de parole » (qui comprend les performatifs, mais
aussi d’autres énoncés). Ce faisant, il entend centrer l’attention philosophique sur ce
qui est véritablement fait plutôt que sur ce qui est dit (puisqu’en fait, selon lui, ce qui
est dit dépend pour une majeure partie de ce qui est fait).
Pour révéler ce caractère essentiellement actif du langage, il va s’intéresser au
langage tel qu’il est utilisé – c’est-à-dire au discours. Reprenant ainsi les distinctions de
Strawson, il distingue les phrases, appartenant à la langue et dont la correction dépend
de la grammaire, de la syntaxe, etc., et les énoncés, dont la correction va dépendre de
l’usage. Un énoncé est une phrase prononcée, c’est-à-dire utilisée pour un certain usage
dans certaines circonstances, en visant un certain effet. En ce sens, l’énoncé ne dépend
pas que de conditions de vérité – il n’est pas (ou pas seulement) évaluable en termes de
conditions de vérité – mais aussi de conditions de félicité. En effet, un énoncé, en tant
qu’il relève d’un certain usage de la langue, n’est pas (d’abord) vrai ou faux, il est réussi
ou raté – ou encore : utilisé, ou non, à bon escient. À chaque type d’énoncé correspond un
ensemble de conditions de félicités qui détermine (qui norme) sa réussite ou son échec.
Or, une condition de félicité n’est pas satisfaite quand le contenu d’un énoncé est vrai,
mais quand les circonstances, qui sont en parties appelées par des conventions31, sont
adéquates à son usage. Certaines de ces conventions concernent ainsi le contexte dans
lequel doit être prononcé l’énoncé, d’autres les personnes qui doivent être autorisées à
le faire, d’autres encore la sincérité du locuteur ou les suites que doit entraîner l’usage
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de cet énoncé. Ces conventions ont donc un caractère normatif, qui n’est pas généré
par le seul fait de dire quelque chose. Par exemple, si je dis « Je promets de faire la
vaisselle », je ne parviens à faire une promesse (à utiliser l’énoncé tel que je veux
l’utiliser, c’est-à-dire adéquatement selon mes objectifs) que si l’auditoire me fait
confiance, si j’utilise la formule sérieusement, si je peux faire ce que j’ai promis, et si
tout un ensemble d’autres conditions est rempli. Il ne suffit donc pas que je dise que je
promets pour promettre. Il en va de même avec les énoncés de baptême, de mariage,
tous les énoncés qui ont une dimension clairement institutionnelle : ils ne parviennent
à être utilisés correctement qu’à respecter certaines conditions qui ont peu à voir avec
des conditions de vérité, mais bien avec des conditions d’usage, puisqu’il ne leur suffit
pas d’être prononcés pour réussir32. C’est ce qu’on peut appeler la sous-détermination
sémantique de la pragmatique : le sens des phrases ne permet pas de déterminer leur
usage en tant qu’énoncés.
L’importance du propos d’Austin tient à ce qu’il montre que cette analyse vaut
également pour les énoncés déclaratifs, c’est-à-dire les énoncés qui ont précisément
pour fonction de dire ou rapporter l’état du monde, de le décrire – et pour lesquels
30
Austin était en effet conscient de ce que ses découvertes avaient déjà été identifiées, notamment par les
juristes, à qui il avait un moment envisagé de reprendre le terme « dispositif » (operative) pour qualifier ce
qu’il désignera par « performatif ». Voir Austin, 1962/1976, 4.
31
Voir l’énumération des 6 types de conditions de félicités in Austin, 1962/1976, 14-15.
32
On peut même considérer que, pour certains, la dimension de la vérité importe peu. Que serait, par
exemple, un énoncé de mariage vrai ? Quand est-il faux de dire : « J’accepte de te prendre pour épouse » ?

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines

l’analyse véri-conditionnelle était censée avoir été taillée sur mesure. Or, selon Austin,
ces énoncés, en tant qu’ils relèvent d’un usage (spécifique), ont aussi des conditions
pragmatiques de réussite, qui prévalent sur les conditions de vérité : je ne peux en
effet réussir à décrire le monde qu’à condition que j’y sois autorisé(e), que je sois
compétent(e) en la matière, que je sois dans une position telle que je puisse juger ainsi
ou voir les choses de cette manière – autant d’éléments qui ne dépendent pas de la
signification de la phrase utilisée mais qui, bien plutôt, l’affectent ou la modulent. Ainsi,
je ne peux dire « Il pleut », en prétendant éventuellement décrire l’état du monde, que
si les conditions sont réunies pour que je puisse le dire : je suis dehors (et pas sous mon
lit), je sens de la pluie (et ne suis pas à la piscine), je la vois (je ne l’ai pas entendu à la
radio), je sais la distinguer de l’engrais dispersé par les avions, etc. Il faut que, d’une
certaine façon, les circonstances soient telles que je puisse être légitimé(e) à utiliser le
langage pour faire telle ou telle chose (décrire le monde, promettre, etc.). Sinon, mon
énoncé n’est pas faux, mais il échoue.
Austin montre donc que tous les types d’énoncés, même ceux à vocation descriptive,
ont des conditions de félicités – puisqu’ils peuvent échouer – et qu’à ce titre, ils sont des
actions ou font quelque chose. En effet, seules des actions peuvent échouer – et non pas
des phrases signifiantes (qui par hypothèse sont soit vraies soit fausses). Ce pourquoi
Austin qualifiera tout énoncé réussi d’« acte de parole ». Un acte de parole est d’abord
un acte parce qu’il peut échouer et ne se réduit pas à l’éventuel contenu cognitif qu’il
véhicule. Dès lors, Austin montre bien que l’analyse classique échoue à rendre compte
de manière appropriée des phénomènes linguistiques en tant qu’ils sont susceptibles
d’échec.
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Mais la caractérisation en termes d’action ne s’arrête pas à ce niveau (négatif).
Un acte de parole sera également un acte parce qu’il aura des effets dans le réel – ces
effets ne se réduisant pas à la compréhension qu’en prennent les locuteurs. Revenons en
effet à la définition des actes de parole. Ceux-ci reprennent la catégorie des « énoncés
performatifs » pour l’intégrer. Les performatifs sont ces énoncés – souvent considérés
actuellement comme bien connus et clairement identifiés – dont l’énonciation explicite
permet de caractériser ce qui est fait par l’énoncé lui-même. Par exemple, l’énoncé « Je
promets de faire la vaisselle » explicite33 le fait que ce même énoncé fait une promesse,
au moyen d’une indication de l’action produite : la promesse. Mais il ne la décrit pas,
il l’indique seulement. Une première chose à comprendre ici est que l’énoncé « je
promets de » n’est pas performatif en ce sens que son action s’ensuivrait du fait qu’il dit
qu’il promet. Pour le dire autrement : sa performativité ne lui vient pas d’une supposée
réflexivité. Ce n’est pas parce qu’il dit qu’il promet qu’il promet – mais parce qu’il
respecte certaines conventions et certaines procédures définissant l’accomplissement
d’une promesse par l’usage de cet énoncé dans certaines circonstances. Autrement
dit, Austin a clairement mis en garde contre une lecture sémantique de l’efficacité
performative : accomplir un énoncé performatif, ce n’est pas dire que j’accomplis telle
ou telle chose – c’est l’accomplir.

33
Ou, du moins, peut être analysé de manière à l’expliciter.

88
Bruno Ambroise

Cette caractéristique tient à la définition conventionnelle du performatif – et,


par contrecoup, des actes de parole34. Promettre, par exemple, c’est accomplir une
promesse, en fonction de certaines conventions qui font que l’on tient tel énoncé comme
la réalisation d’une promesse. Il s’agit là d’un véritable accomplissement, en ce sens
que la réalisation de la promesse a des effets qu’on peut qualifier de « symboliques ».
Les plus notables sont : la prise d’obligation qui pèse sur le promettant et le droit qu’a
ensuite celui à qui on a promis d’exiger que la promesse soit tenue. Autrement dit,
des effets qu’on peut dire d’ordre déontique ou normatif35 s’ensuivent clairement de
l’accomplissement d’une promesse ; ils relèvent à ce titre des conventions régissant
leurs usages : ce sont des effets conventionnels. C’est en cela qu’il y a une modification
de l’état du monde quand on promet (en réussissant à le faire) et qu’il s’agit donc bien
d’un acte qui a des effets (qui ne sont pas seulement cognitifs).
Or, on peut généraliser cette caractérisation à l’ensemble des performatifs et à
l’ensemble des actes de parole – c’est le propre de ce qu’on appelle « l’effet illocutoire ».
Austin n’a jamais réalisé comme telle cette classification des types d’actes de parole en
fonction de leur efficacité déontique, il en a seulement esquissé le schéma (et, comme
on le voit, il a proposé un cadre théorique qui nous autorise à le faire). Mais certains
travaux récents en pragmatique s’y sont employés36.
Reste que l’on comprend alors bien en quoi la conceptualisation du langage opérée
par Austin allait contre toute tentative d’expliquer le fonctionnement du langage
soit en termes purement linguistiques, soit en recourant aux idées des locuteurs.
Pour Austin, le langage a des effets qu’on peut qualifier de «  sociaux  » parce qu’il
a des conditions de félicité socialement «  définies  ». La position d’Austin est donc
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radicalement conventionnaliste et on peut même considérer qu’il a identifié, à travers
les actes de parole, de véritables rituels37. Par conséquent, si jamais Austin avait pu
développer une discipline étudiant les effets propres de la parole, on peut avancer que
c’est probablement vers une sorte d’anthropologie qu’il se serait tourné38. Mais telle
n’est précisément pas la direction que les théoriciens travaillant sur les actes de parole
après la mort d’Austin vont prendre (à quelques très rares exceptions près).

34
En France, O. Ducrot est de ceux qui, reprenant la position d’Austin, ont défendu une telle lecture,
radicalement conventionnaliste, des actes de parole. Voir Ducrot, 1972/1980 et Ducrot, 1984.
35
Suivant en cela A. Reinach qui proposait de qualifier les effets des actes sociaux tels que la promesse
d’effets déontiques, en considérant que, par là, un certain type spécifique de réalité était mis au jour.
Naturellement, une telle approche ontologique, propre à la phénoménologie réaliste de Reinach, est assez
éloignée des préoccupations d’Austin.
36
Voir tous les travaux de M. Sbisà, une des premières éditrices d’Austin, notamment Sbisà, 2001 et
Sbisà, 2007.
37
Pour une discussion de ce point, d’un point de vue linguistique, voir Kerbrat-Orecchioni, 2001.
38
Les relations d’Austin avec l’ethnologie et l’anthropologie de son époque (B. Malinowski, R. Firth,
A. Radcliffe-Brown, E. Evans-Pritchard) restent obscures. On ne sait pas non plus s’il avait connaissance
des travaux de l’égyptologue A. Gardiner qui, suite à des discussions avec Russell et K. Bühler, a proposé
une proto-théorie des actes de parole, dans Gardiner, 1932. Mais il avait probablement lu les travaux de
l’école anglaise d’anthropologie et, surtout, il travaillait étroitement avec les juristes d’Oxford (notamment
H. L. A. Hart), grâce auxquels il avait précisément découvert l’efficacité performative. Celle-ci est en effet
clairement pensée par lui en étroite relation avec l’efficacité de type juridique.

89
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

Un premier tournant mentaliste :


J. R. Searle et la détermination mentale des effets de compréhension

La conception du langage en termes d’actes, initialement liée à la méthode de la


philosophie du langage ordinaire telle qu’elle était pratiquée à Oxford39, va commencer
à changer de nature en traversant l’océan lorsqu’elle s’implantera sur le campus de
Berkeley dans les années 1960, quand J. R. Searle, formé à l’Université d’Oxford de
1952 à 1959 (il y obtint son doctorat, mené sous la direction d’Austin et de Strawson),
sera recruté à l’Université de Californie (pour y devenir en 1967 « Slusser Professor of
Philosophy », occupant une chaire de philosophie de l’esprit et du langage). En effet,
celui qu’on considère souvent comme le successeur d’Austin, entreprendra d’établir
une théorie des actes de parole, fondée sur des bases assez différentes, en orientant ses
travaux dans une voie radicalement mentaliste et logiciste.
Car, si Austin combattait explicitement l’orthodoxie de l’analyse véri-conditionnelle,
Searle y revient résolument et s’attache à proposer une véritable théorie des actes de
parole, en accord avec cette orthodoxie, puisqu’il se situe explicitement dans la lignée
de Frege et de Russell40. Il transforme ainsi l’analyse du langage ordinaire en analyse
logique des actes de parole, compris comme des phénomènes sémantiques (d’où la
traduction française retenue de « speech act » par « acte de langage »)41. Pour Searle,
un acte de langage correspond ainsi à une entité linguistique composée d’un contenu
propositionnel et d’une force illocutoire au statut peu clair, puisqu’il n’en donne aucune
définition dans ses textes principaux42. Searle estime essentiellement qu’il faut parler
d’acte de langage parce que parler est un « comportement régi par des règles »43. Reste
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que, ce faisant, il ne nous dit pas en quoi le « comportement linguistique », d’une part,
est un comportement et, d’autre part, agit.
Pour ce qui est du contenu propositionnel, celui-ci peut, de manière classique, être
expliqué de manière extensionnelle, c’est-à-dire en termes de conditions de vérité. La
force illocutoire vient alors s’adjoindre au contenu propositionnel pour qualifier l’acte
de langage accompli – en fonction de la reconnaissance qu’on lui accorde – et modaliser
la façon dont il sera satisfait. Prenons l’exemple de la promesse faite par l’énoncé « Je
promets de faire la vaisselle » : l’énoncé a la force illocutoire de la promesse couplée au
contenu propositionnel « Je fais la vaisselle », qui est modalisé par la force illocutoire
(comme promesse, qui porte donc sur le futur). Si on considère la phrase « Le chat est
sur le tapis », dans un certain usage (modalisé par une certaine force illocutoire – celle
de l’affirmation), elle forme une assertion selon laquelle le chat est sur le tapis. Comme
on le voit, il est censé exister autant de forces illocutoires que de types d’actes de
langage, ayant chacun des conditions d’usage et de satisfaction (qui ne sont plus, dès

39
Sur cette méthode, voir Al-Saleh & Laugier, 2011 ; voir aussi notre article, Ambroise, 2011.
40
Voir notamment Searle, 1969, chap. 1., où il expose sa méthode.
41
Voir ainsi Searle & Vanderveken, 1985. Searle considère que l’études des « speech acts » est une
étude de la langue, en raison du principe d’exprimabilité, selon lequel on peut dire (to say) tout ce qu’on peut
signifier (ou vouloir dire) (to mean).
42
Soit Searle, 1962 et Searle, 1969.
43
Voir Searle, 1969, notamment le premier chapitre où la « force illocutoire » n’est jamais définie, mais
où sont seulement posés comme équivalents « actes de langage complet » et « acte illocutoire ».

90
Bruno Ambroise

lors, des « conditions de félicité »). Dans ce cadre, le contenu propositionnel s’analyse
classiquement en termes de conditions de vérité (qui redeviennent déterminantes), à ce
détail près que Searle considère que le fait de faire référence est un acte particulier44. Par
ailleurs, deux actes de langage différents peuvent avoir le même contenu propositionnel
et différentes forces illocutoires. Je peux par exemple utiliser le même contenu
propositionnel selon lequel « je fais la vaisselle » pour faire soit une promesse soit une
assertion, selon la force illocutoire qui lui est adjointe. Chaque type d’acte n’est alors
satisfait qu’en fonction à la fois de la vérification du contenu propositionnel et de la
satisfaction de l’acte de langage d’une façon qui est spécifiée par sa force illocutoire :
s’il s’agit d’une promesse, alors elle doit être tenue ; s’il s’agit d’une assertion, alors
elle doit être vraie.
Aussi, selon ce modèle, accomplir un acte de langage, c’est générer un contenu
propositionnel lié à une force illocutoire. Mais comment faire pour générer cette
force illocutoire ? Il faut suivre plusieurs règles d’ordre sémantique et qui, en ce sens,
sont, pour Searle, universelles – il s’agit de « catégories de l’esprit humain »45. Ces
règles sont censées reprendre les conditions de félicités mises au jour par Austin,
mais sont intégrées à l’ordre linguistique lui-même (alors que, chez Austin, elles
lui étaient extérieures en tant qu’elles relevaient de l’usage). Parmi elles, on trouve
des « conditions préparatoires », une « condition de sincérité » et une « condition
essentielle ». Les « conditions préparatoires » incluent les facteurs linguistiques et
contextuels, déjà notés par Austin. Ce qui est important – parce que Searle lui accorde
une importance nouvelle et décisive – c’est la « condition de sincérité », qui inclut
des facteurs intentionnels à propos du locuteur. Par exemple, si je veux faire un acte
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de langage de promesse, je dois nécessairement avoir l’intention de faire ce que je
dis. L’engagement pris dépend essentiellement du fait que j’ai l’intention de tenir ma
promesse, au moins à un certain niveau, puisque n’est une véritable promesse qu’une
promesse sincère, soit l’acte de langage de la promesse – son énonciation – accompagné
de l’intention de tenir la promesse exprimée46. Quant à la « condition essentielle », elle
reprend les caractérisations conventionnelles austiniennes : il s’agit d’une règle, à la
fois conventionnelle et constitutive (« définitionnelle ») autorisant à prendre certains
énoncés comme la performance d’un acte de langage (à la manière des règles d’un jeu).
Par exemple, si je veux faire une promesse, mon énoncé doit valoir, tel que je l’utilise,
comme une prise d’engagement. Ce type de règles détermine donc l’engagement pris
en faisant un acte de langage – cet engagement devant être explicite dans les intentions
du locuteur : pour accomplir un acte de langage donné, on doit certes respecter la
règles conventionnelle instituant la possibilité de cet acte, mais on doit également et
nécessairement avoir l’intention correspondante de prendre les obligations qui y sont
rattachées pour que cet acte soit véritablement accompli47.

44
Précisons en effet que Searle retient de Strawson l’idée que la référence d’un énoncé est elle-même le
produit d’un acte linguistique particulier, en renvoyant ainsi la question de la référence à celle de la pratique
du langage. Référer est un acte de langage particulier. Voir Searle, 1969, chap. 4.
45
Voir le projet évoqué dans l’introduction de Searle, 1979. Voir aussi Searle, 1981 et Searle &
Vanderveken, 1985.
46
Alors qu’il s’agit là d’une idée explicitement critiquée dans Austin, 1962/1976, 9-10.
47
Voir notamment les analyses de Vernant, 1997.

91
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

Aussi, avec Searle, l’analyse des actes de langage commence à se distinguer des
idées d’Austin. S’il garde, en l’internalisant à la langue, la dimension conventionnelle,
reste qu’il y ajoute des dimensions qui initient un changement assez radical de point de
vue. Outre la distinction rigide réintroduite entre « contenu propositionnel » et « force
illocutoire », prend une importance considérable la présence requise des intentions
du locuteur. L’analyse des actes de langage dépend alors étroitement d’une analyse
(mentaliste) des intentions du locuteur de faire tel ou tel acte – et de leur reconnaissance
par l’auditoire. En effet, selon Searle, on ne peut réaliser un acte de langage qu’en
rendant manifeste, par le langage, son intention de faire cet acte en utilisant tel énoncé,
et que si on manifeste par-là son intention de prendre tous les engagements liés à l’acte
de langage qu’on entend accomplir – toutes intentions qui doivent être comprises et
admises par l’auditoire. On voit donc que Searle propose une analyse des actes de
langage qui combine aspects conventionnels et intentionnels, pour avancer une nouvelle
conception sémantique du langage, en ce sens qu’il s’agit de manifester ses intentions
à travers le sens des énoncés utilisés pour faire un acte de langage : l’acte de langage
dépend alors d’un contenu cognitif plus que d’une procédure conventionnelle, qui se
borne en définitive à spécifier les contenus cognitifs pertinents. C’est d’ailleurs pourquoi
Searle en vient à défendre l’idée qu’une analyse du langage doit être soutenue par une
analyse de l’esprit et qu’il va proposer une théorie de l’esprit permettant d’expliquer et
de « fonder » sa théorie de l’« action » du langage48. Ce faisant, un véritable changement
conceptuel s’opère dans l’appréhension des actes fait par le langage : l’acte n’opère
plus vraiment un changement de l’état du monde, mais seulement une modification
dans l’esprit des locuteurs et des interlocuteurs. Faire une promesse, c’est être compris
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comme faisant une promesse et comme autorisé à faire une promesse. En ce sens, l’acte
réalisé a des effets purement internes à l’esprit des locuteurs49.

La pragmatique comme étude des effets communicationnels inférés :


de Grice50 à Sperber & Wilson

Or, à partir d’un tel point de vue intentionnaliste, d’autres conclusions peuvent
être tirées, qui vont encore « amoindrir » la « réalité » de l’acte réalisé par la parole,
en s’orientant dans une direction encore plus clairement mentaliste. Ce passage,
explicitement opéré par Searle au début des années 1980, trouve son origine dans une
conception du langage, elle aussi résolument pragmatique, mais sous une perspective
légèrement différente, qui le voit principalement comme un moyen de communication.

48
Voir Searle, 1983.
49
D’où, par la suite, chez Searle, de manière très cohérente, la dépendance de la réalité sociale par
rapport aux intentions des locuteurs. La réalité sociale n’est jamais qu’une croyance intentionnelle partagée,
stabilisée dans l’esprit des membres du corps social. Voir Searle, 1995.
50
Précisons que l’histoire ainsi retracée, opérant un passage de Searle à Grice, n’est pas tout à fait aussi
linéaire en réalité : Searle a lui-même construit sa théorie intentionaliste des actes de langage, dans les années
1960, en s’inspirant de l’analyse gricienne de la signification qui date de la même époque, mais qui n’était pas
publiée. Il y a donc une co-dépendance des deux conceptions, qui conduit historiquement à une pragmatique
résolument mentaliste.

92
Bruno Ambroise

Car si parler consiste à rendre explicite son intention d’accomplir un acte de langage,
comme le veut Searle, alors le fait de parler peut être rapporté à une communication
d’intention.
C’est précisément l’idée défendue par H. P. Grice, lui-même ancien collègue
d’Austin (et considéré comme son successeur naturel) et de Strawson à Oxford, qui
émigra également aux États-Unis en 1967 où il rejoint Searle comme éminent professeur
à Berkeley. Grice, dans une série d’études déterminantes, publiées de manière éparse
et réunies seulement en 1989 alors qu’elles influencèrent de manière décisive tout le
champ de la pragmatique51, entendait explicitement rompre avec l’analyse du langage
ordinaire défendue par Austin pour revenir à une véritable analyse52, et proposa
d’analyser le langage comme un moyen non-naturel de convoyer de la signification,
c’est-à-dire de convoyer des intentions communicatives53. Le changement conceptuel
proposé est, on le voit, clair. Il s’agit de rapporter les phénomènes linguistiques, en
tant qu’ils ne font pas partie du monde naturel, à des événements dépendant de l’esprit
humain, et de considérer, en revenant à une très vieille conception, que le langage
n’est qu’un médium entre deux esprits – d’où sa redéfinition comme pur moyen de
communication, de mise en rapport d’intentions.
En reprenant une distinction scolastique, Grice distingue ainsi entre signification
naturelle et signification non-naturelle, en considérant que cette dernière est
conventionnelle et intentionnelle. La signification non-naturelle inclut toutes les
significations «  conventionnelles  », dont font partie les significations linguistiques.
Mais, à la différence d’Austin, Grice entend proposer une explication fondationnelle
des significations linguistiques, en termes d’intentions, et non pas en termes de
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conventions. Bien plutôt, les conventions ne s’établissent que pour fixer du contenu
intentionnellement fixé. Ainsi, un locuteur signifie non-naturellement quelque chose
lorsqu’il utilise intentionnellement un élément pour véhiculer une certaine information
à un interlocuteur. Par exemple, en disant « Il pleut », j’aurais l’intention de produire
chez le locuteur la croyance qu’il pleut en faisant en sorte qu’il reconnaisse, dans mon
usage de cette phrase, mon intention de l’amener à croire qu’il pleut. Ce processus

51
De cet ensemble de textes décisifs pour la compréhension du devenir de la pragmatique depuis les
années 1970, tous sont inédits en français, sauf un, « Logique et conversation », traduit en 1979, par F. Berthet
et M. Bozon, dans le numéro 30 de Communications ! Il s’ensuit que tous les linguistes français travaillant
(ou pas) dans le champ de la pragmatique utilisent des concepts griciens, notamment celui d’implicitation,
sans avoir nécessairement eu accès, sinon en anglais, aux textes originaux dans lesquels ceux-ci étaient
travaillés et définis. Il est d’ailleurs à noter que, à l’exception très notable de F. Récanati, rares sont en France
les philosophes à travailler sur des questions de pragmatique au sens gricien du terme, ou à s’interroger sur
la portée philosophique des concepts usités – ce qui tient aussi à l’histoire de la réception de la philosophie
analytique en France –, et que ce sont plutôt les linguistes, notamment sous l’impulsion de Ducrot, puis de
D. Sperber ou J. Reboul et A. Moeschler dans les années 1980, qui développeront ce champ de recherche
en France, dans une perspective recherchant un développement très «  scientifique  », qui s’alliera très
naturellement avec les sciences cognitives en plein essor. Cette alliance se fera, dans le monde anglo-saxon
de la philosophie analytique, de manière tout aussi naturelle, en raison du « cognitive turn » des années 1970,
qui voit la philosophie de l’esprit prévaloir sur la philosophie du langage, notamment au travers des textes de
J. Fodor ou de N. Chomsky. Sur ce point, voir Roy, 2000, et pour une critique, Travis, 2000.
52
L’idée de Grice est de rompre avec l’idée, défendue par Austin et Wittgenstein, selon laquelle « le sens,
c’est l’usage ». Sur ce débat, voir Travis, 1991.
53
Voir tous les textes réunis in Grice, 1989.

93
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

expliquerait comment la phrase « il pleut » acquiert une signification. Ce serait ensuite
par conventionnalisation des significations ainsi déterminées par un usage intentionnel
que le langage deviendrait un code doté d’un contenu sémantique à décoder.
Or, le langage lui-même peut être utilisé de manière à véhiculer un autre contenu
que celui qui est codé. Si je dis « Il pleut » en voulant dire (meaning) par là « Je ne
vais pas sortir », ce que je signifie ou communique n’est pas inclus dans la signification
(linguistique : dans son contenu propositionnel) et ne peut donc pas être réduit à ce qui
est dit. Cela est bien plutôt inféré ou « implicité »54 par ce que j’ai dit. Il s’agit d’un sens
implicite qui est dérivé en fonction de la façon dont j’ai utilisé l’énoncé dans certaines
circonstances. Et ce sens implicite est précisément ce qui va être considéré comme
l’effet propre de l’usage du langage : le langage a pour effet, lorsqu’il est utilisé d’une
certaine façon, de communiquer un sens autre que celui qu’il véhicule en raison de ses
seuls composants linguistiques. Communiquer, c’est donc bien produire des effets : des
effets de sens impliqués, ou communicationnels.
Comment établir ce qui est ainsi inféré ou implicité  ? Ce processus est rendu
possible du fait que la communication est une pratique intrinsèquement55 coopérative,
déterminée par plusieurs principes conversationnels, dont certains sont universels
et d’autres conventionnels. Ces principes, tous rangés sous le principe général de
coopération, régissent les comportements linguistiques et gouvernent les inférences
linguistiques.
Si les inférences sont réalisées en fonction seulement de la signification
conventionnelle des mots utilisés et des éléments linguistiques de la phrase utilisée,
alors les implicitations sont dites « conventionnelles » (par exemple, l’opposition entre
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p et q est une implicitation conventionnelle des énoncés de la forme ‘p mais q’: si je dis
« Il pleut, mais je sors », on comprend, par l’usage du « mais », qu’il n’est pas usuel
pour moi de sortir lorsqu’il pleut). Si les inférences ne dérivent pas aussi directement
de la signification linguistique des termes utilisés, alors il s’agit d’implicitations
conversationnelles, réalisées cette fois en fonction de principes conversationnels : si,
par exemple, je dis « Y a-t-il des toilettes ? » à mon hôte durant une surprise-partie, ma
rationalité supposée, alliée au principe de coopération, permet à mon interlocuteur d’en
déduire que j’ai besoin de savoir où se trouvent les toilettes pour y aller (alors que ce
contenu n’est pas littéralement exprimé par mes mots).
Bien sûr, un locuteur peut toujours violer un ou plusieurs principes conversationnels ;
mais cette violation même permet à l’interlocuteur d’interpréter ce comportement
linguistique de manière rationnelle (puisqu’on suppose que je suis moi-même
rationnel(le) en participant à la conversation). Lorsque ce que je dis n’est pas pertinent,
alors mon interlocuteur peut, le cas échéant, interpréter cette absence de pertinence
comme signifiant quelque chose – quelque chose qu’il peut inférer, étant donnés
d’autres principes et le méta-principe de coopération. Mais on reste alors toujours
dans le domaine cognitif : ce qui est impliqué est toujours une signification particulière
(un « contenu »), dépendante des intentions que le locuteur a voulu exprimer. Les
seuls effets provoqués, aussi indirects soient-ils, relèvent de l’ordre cognitif (ils sont

54
De l’anglais « implicature » qu’on peut rendre en français par « implicitation ».
55
En ce sens qu’elle met en scène des interlocuteurs rationnels.

94
Bruno Ambroise

modalisés en termes de croyances ou d’intentions, même s’il ne sont pas directement


analysables, selon Grice, en termes véri-conditionnels).
Grice identifie ainsi de nouvelles façons d’analyser certains phénomènes dont
l’analyse linguistique traditionnelle ne parvenait pas à rendre compte – ceux que Austin
et Strawson appelaient en fait des « présuppositions »56. Il le fait en donnant un certain
rôle au contexte (l’inférence se fait toujours en fonction de certains traits contextuels à
retenir), mais il propose néanmoins une théorie de la communication humaine fondée
sur des principes rationnels (et non pas contextuels, ni purement conventionnels). Par
ailleurs, il donne une inflexion radicale à la pragmatique en lui donnant pour objet
d’étude les effets de sens produits par l’usage du langage – et non plus l’étude des actes
de parole réalisés, qui en sont réduits à n’être plus que des « actes communicationnels ».
L’analyse a maintenant pour objectif de prendre en compte le contexte, extérieur au
domaine linguistique, pour savoir comment des locuteurs communiquent un contenu
qui ne se trouve pas linguistiquement codé. Et la solution proposée est de recourir
aux intentions du locuteur57. On voit donc combien l’attention se concentre désormais
exclusivement sur le contenu cognitif contextualisé des énoncés, lui-même interprété
comme un contenu mental (en termes de croyances ou d’intentions), et non plus sur les
effets qu’ils peuvent éventuellement avoir sur le réel. Le domaine de la pragmatique
passe alors de l’étude des conditions pragmatiques de réalisation des actes de parole à
l’étude des déterminants mentaux permettant d’identifier le contenu que le locuteur a
entendu communiquer. L’analyse linguistique doit alors clairement mener à une analyse
de l’esprit.
Cette tendance s’est ensuite radicalisée avec l’approche proposée par D. Sperber et
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D. Wilson, qui reste encore le nec plus ultra en matière de pragmatique et qui structure
l’essentiel des débats actuels. Sperber, qui vient de l’anthropologie française, où il se fit
connaître comme critique du structuralisme58, et Wilson, qui a été formée en linguistique
et en psychologie au MIT, proposent en 198659 de prolonger les travaux de Grice en un
sens plus clairement mentaliste, en voulant rendre compte des phénomènes étudiés par
Grice en fonction d’un simple processus de « pertinence » cognitive, qui permettrait
d’expliquer aussi bien la communication du contenu explicite que celle du contenu
implicite. Leur « théorie de la pertinence » entend en effet expliquer la rationalité des
locuteurs (présupposée par Grice) d’une façon qui rend la théorie du langage étroitement
dépendante d’une théorie de l’esprit. Cette théorie considère que la communication
est plus un processus inférentiel que coopératif (c’est-à-dire se faisant selon des
principes). Lorsque des individus communiquent, ils ne décodent pas seulement un
langage codé, ni ne cherchent à respecter certaines règles conversationnelles, mais ils
en infèrent des hypothèses à propos du comportement cognitif de l’agent qui parle.

56
L’idée était d’ailleurs bien de proposer une analyse des phénomènes mis en avant par Strawson.
Strawson a ensuite collaboré avec Grice, même si ses analyses antérieures ne semblaient pas toutes
compatibles avec celles de ce dernier.
57
Précisons toutefois que la lecture (dominante) qui voit chez Grice une conception fortement mentaliste
du rôle donné aux intentions est contestée.
58
Il lui reprochait déjà de ne pas aller assez loin dans le naturalisme et proposait plutôt une explication
cognitive du fonctionnement mental et du symbolisme. Voir Sperber, 1974.
59
Sperber & Wilson, 1986/1995. Le livre a été traduit en français dès 1989.

95
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

Ainsi, si je scrute attentivement le ciel, ceux qui m’observent peuvent en déduire, étant
donnés certains facteurs contextuels et environnementaux, que je veux dire quelque
chose par ce comportement ostensible – par exemple, qu’il va pleuvoir. De la même
façon, dans l’interaction linguistique, le message linguistiquement codé ne véhicule
pas toute l’information qui est en fait transmise dans et par cette interaction. Il fournit
seulement des indices permettant de faire des inférences supplémentaires ; de telle
sorte que la communication n’est pas réussie quand mes interlocuteurs reconnaissent
simplement la signification linguistique de mon énoncé, mais quand ils parviennent à en
inférer la signification que j’ai voulu lui donner. Ils doivent donc identifier l’intention
informative que j’ai de les informer de quelque chose, en même temps que l’intention
communicative que j’ai de les informer de mon intention informative.
Comment de telles inférences sont-elles maintenant possibles ? Comment découvrir
la signification intentionnée ou l’intention informative  ? La réponse de Sperber et
Wilson est purement naturaliste et psychologisante : selon eux, les êtres humains sont
des systèmes complexes traitant l’information de manière pertinente. Une donnée
est pertinente quand elle permet d’inférer de nouvelles informations lorsqu’elle est
combinée à des prémisses déjà là, contenues dans un arrière-plan mental comprenant
différentes hypothèses (sur le monde, l’état des choses, le locuteur, les interlocuteurs,
etc.). Un processus d’inférence vise ensuite à obtenir le plus d’efficacité cognitive,
c’est-à-dire à obtenir un effet contextuel sur les hypothèses représentationnelles
d’arrière-plan des interlocuteurs. Ce qui a le plus d’efficacité cognitive est ce qui est
le plus pertinent. Par exemple, si on répond « Il pleut » à ma question « Voulez-vous
sortir avec moi ? », il peut d’abord sembler que la réponse n’est pas correcte. Aussi
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l’inférence la plus efficiente à faire dans un contexte où je sais que la personne à qui
je m’adresse vient juste de refaire sa permanente chez le coiffeur est-elle de supposer
qu’elle ne veut pas ruiner sa coiffure. Cette inférence permet de donner une pertinence
à la réponse faite, en garantissant l’efficience de l’interaction verbale.
Pour garantir cette pertinence, le locuteur doit s’assurer que l’interlocuteur
considérera que son énoncé vise à être pertinent et doit donc communiquer de manière
ostensible une présomption de pertinence optimale.
Tel est, très brièvement résumé, le principe de pertinence de Sperber & Wilson
– une sorte de processus naturel intervenant nécessairement dans toute interaction
communicative. Ainsi un locuteur rationnel doit-il avoir l’intention que son énoncé
apparaisse suffisamment pertinent pour qu’il attire l’attention de la personne à qui
il s’adresse. Par ailleurs, cet énoncé doit permettre à l’interlocuteur de procéder aux
inférences correctes avec un minimum d’efforts en faisant les meilleures inférences
possibles dans cette situation, afin d’interpréter la signification que le locuteur a
l’intention de communiquer. Par conséquent, pour garantir qu’un locuteur réussit
dans son intention communicative, il doit choisir un énoncé qui rendra son intention
informative mutuellement manifeste.
Aussi peut-on bien dire que Sperber et Wilson offrent une explication intentionnaliste
de l’acte de discours qui, poursuivant la voie initiée par Searle, s’écarte radicalement
des aperçus austiniens60. La signification n’est plus donnée dans le discours, mais est
60
Fait significatif, Austin n’est cité qu’une seule fois dans Sperber & Wilson, 1986.

96
Bruno Ambroise

expliquée par un processus inférentiel – à tel point que, désormais, les phénomènes
linguistiques semblent dépendre de la psychologie. D’ailleurs, la seule efficacité admise
dans ce cadre est une efficacité clairement cognitive – quoi que cela puisse vouloir dire
– qui ne change rien à l’état du monde (en tout cas pas du monde objectif), mais qui agit
seulement sur les croyances d’arrière-plan des participants à la conversation.
Or, il s’agit maintenant d’un nouveau type d’orthodoxie dans la pragmatique
analytique, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, facilitée en France par la réunion,
au sein du même laboratoire61, d’une part des philosophes travaillant de manière
critique l’héritage d’Austin et de Ducrot, et d’autre part de D. Sperber et ses élèves.
Même si la nouvelle mode consiste à y adjoindre une dose de « contextualisme »
(modérée, sous peine de sombrer dans le « relativisme », dont il conviendrait de se
garder), pour défendre une conception minimaliste de la signification selon laquelle elle
est en partie déterminée par le contexte d’énonciation, cette conception reste orthodoxe
dans sa conception des effets produits par le langage, réduits à leur portée cognitive.
D’ailleurs, si les idées contextualistes trouvent bien leur origine chez Austin (et ses
héritiers62), elles sont souvent mélangées dans ce cadre avec une contrepartie mentaliste
cherchant à sauvegarder une détermination parfaite du « contenu » (qui est alors un
mixte de déterminations mentales et de déterminations linguistiques). La pragmatique
est même parfois explicitement rattachée, dans le prolongement des travaux initiaux de
Searle, à une théorie de l’esprit, de telle sorte que, comme le dit Récanati, désormais
« la philosophie de l’esprit constitue un tout indissociable, parfois appelé “théorie du
contenu” et visant à élucider la nature des relations que les représentations, linguistiques
ou mentales, entretiennent avec la réalité extra-linguistique ou extramentale63 » En
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ce sens, la pragmatique standard prend simplement un peu plus en compte le rôle du
contexte64, mais ne modifie nullement sa concentration exclusive sur le contenu des
énoncés et son orientation cognitive – et oublie le plus souvent d’avoir le moindre
interrogation conceptuelle sur la nature de ses objets. D’ailleurs, le nom même de
cette théorie, « la pragmatique véri-conditionnelle »65 montre combien l’attention est
(à nouveau) portée sur les valeurs de vérité et la portée cognitive des énoncés – c’est-
à-dire exactement ce contre quoi s’étaient établies les conceptions austiniennes avec
la « découverte » des actes de parole, qui avaient pu être prolongées un temps, en
France, par les travaux de Ducrot. En un sens, désormais, la pragmatique ne diffère plus
vraiment de la sémantique : elle n’en est qu’une variation complémentaire, qui prend
des traits différents ou extra-linguistiques (tels le contexte, les intentions du locuteurs,
les attentes de l’interlocuteurs, etc.) en compte66.

61
Depuis 2002, l’Institut Jean Nicod (IJN), UMR 8129 du CNRS et de l’EHESS.
62
Chez Searle, par exemple, mais surtout dans les travaux de Ch. Travis.
63
Récanati, 2008, 9.
64
Quand celui-ci n’est pas rapporté, comme chez Sperber & Wilson, aux croyances que les interlocuteurs
ont quant au contexte.
65
Voir le titre du dernier livre de F. Récanati (Récanati, 2010), qui défend un contextualisme assez
fort pour mieux défendre l’idée que les intentions du locuteurs, entres autres, interviennent toujours pour
déterminer la signification des énoncés.
66
Sur cet « écrasement », voir Perrin, 2011. On trouve un des premiers (et rares) plaidoyers argumentés
en faveur de cette réduction dans Récanati, 1982, qui reprend notamment des arguments strawsoniens.

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines

Conclusion :
où sont (et que sont) les effets de la parole ?

On observe ainsi un bouleversement radical de perspective sur le langage depuis


les années 1950, au sein même de ce qui s’appelle la pragmatique : on ne se concentre
plus sur l’acte réalisé au moyen du langage, mais sur la signification (ou le contenu)
non-explicite, convoyée par ce qui est encore souvent appelé un « speech act »,
même si plus personne ne sait quel acte est accompli ici, ni ne s’en soucie, puisque la
recherche « vraiment » scientifique consisterait à établir une explication cognitive des
phénomènes ainsi circonscrits, réduits à des phénomènes d’interaction communicative
entre des consciences dotées d’intentions67. Ce faisant, on comprend aussi que l’on
passe d’une orientation (austinienne) conventionnaliste sur le langage, plutôt ancrée
sur les pratiques spécifiquement humaines, et cherchant à déterminer ce qu’on peut
faire au moyen du langage dans le monde des hommes, à une perspective presque
exclusivement psychologisante visant à déterminer le contenu véhiculé par des énoncés
dans certaines contextes, relativement aux croyances des locuteurs, en revenant presque
par là à la perspective développées dans les années 1920 par la première philosophie
du langage analytique, contre laquelle s’étaient précisément instaurées les premières
recherches pragmatiques.
Reste que d’autres explications de ces phénomènes peuvent toujours être développées,
probablement beaucoup plus fidèles à l’idée d’Austin selon laquelle le discours est avant
tout un phénomène linguistique social, prenant place au sein d’une interaction. Ainsi, de
manière minoritaire, différentes formes d’analyse de la conversation, prenant en compte
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la situation discursive et le contexte social, se développent68. Par ailleurs, une analyse
des actes de parole tâche de poursuivre le travail inaugural d’Austin (et de Reinach) en
qualifiant les actions réalisées par la parole en termes de modalités déontiques (de droits
et obligations)69. Il s’agit là de développements de l’idée d’acte de parole qui cherchent
à en élucider la nature conceptuelle et qui, en tant que questionnements théoriques,
ne supposent pas résolue cette question : en voulant prendre en considération toute
la richesse du langage dans son usage ordinaire et notamment ses effets proprement
pragmatiques liés à certaines circonstances nécessairement sociales, ils s’éloignent
principiellement de la tentative de pragmatique formelle proposée, par exemple, par
Searle et Vanderveken ou de l’appropriation de la pragmatique par la philosophie
de l’esprit contemporaine et les sciences cognitives, qui réduisent ces phénomènes à
l’ordre soit sémantique, soit cognitif.
La question qui se pose est finalement celle-ci : est-ce un véritable gain conceptuel
pour la pragmatique que d’effacer la réalité de « l’effet illocutoire » mis au jour par

67
Dont témoigne, chez Strawson par exemple, la réduction de l’acte illocutoire à un « acte
communicationel ».
68
Voir Goffman, 1981. ; mais aussi Bourdieu, 2002 (qui reprend des textes écrits des années 1970 aux
années 1990) et les travaux d’anthropologie linguistique initiés, en France, par M. de Fornel au sein du LIAS
(Linguistique Anthropologique et Sociolinguistique). Ces travaux se développent depuis quelques années
aux États-Unis, à travers notamment les recherches de W. Hanks ou A. Duranti ; voir Hanks, 1996, Hanks,
2000 et Duranti, 2001.
69
Voir notamment les travaux de M. Sbisà, déjà cités.

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Bruno Ambroise

Austin, et par d’autres avant lui ? Faut-il vraiment essayer de le réduire (explicitement
ou, le plus souvent, implicitement70) à des effets de compréhension (et donc à une espèce
de « contenu »), censés être produits dans le cerveau de chacun, en raison de l’usage
intentionnel supposé de tel ou tel énoncé  ? Pour le dire autrement  : la pragmatique
ne devrait-elle pas, si elle voulait être une véritable étude des actions faites par le
langage (et non pas, de fait, une sémantique contextualisée et mentalisée71), essayer
de comprendre ce que fait le langage – ce que c’est qu’un acte de parole – dans la
communauté humaine, étude qui devrait être préjudicielle à toute autre  ? Mais cela
la conduirait probablement à reconsidérer le caractère foncièrement social de l’acte
réalisé par l’acte de parole et à s’écarter de la voie qu’elle a désormais prise.

Bruno Ambroise
CNRS, CURAPP-ESS (UMR 6054 : CNRS/UPJV)
Université de Picardie – Jules Verne,
bruno.ambroise@u-picardie.fr
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70
Il n’y a presque jamais d’explication, ni de justification, d’une telle réduction, sauf, comme on l’a vu,
chez F. Récanati, ou, dans le monde anglo-saxon, chez Katz, 1986.
71
Dénommée « sémantique pragmatique » par Récanati, 2008.

99
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