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IJapproche de la sociolinguistique
Il existe des disciplines scientifiques dont l'objet ne pose pas de redou-
tables problèmes théoriques ; il est visible, donné dans la natur., même si
pour I'observer et le décrire les chercheurs sont contraints d'inventer des
instruments leur permettant d'accéder au très petit ou à l'infiniment loin,
comme pour la biologie moléculaire et l'astrophysique. En sciences
humaines et sociales, cette évidence empirique de l'objet riexiste pas. Pas
plus la < société ) pour la sociologie que la u langue D pour les linguistes
ne sont des objets narurels. Rappelons que F. de saussure caractérisait la
langue comme un objet théorique consrruir par le point de vue de l'ana-
lyste. Dans le réel de la vie liméraire ou de la vie quotidienne, personne ne
pade, n écrit, riécoute ou n'enregisue n la langue ,. Ce qui est observable
dans le réel de Ia production langagière, ce qui est enregistrable ou lisible,
ce sont des manifestarions ou des ffaces diverses et hétérogènes de l'acti-
vité de langage des locuteurs et des scripteurs : romans, conversations
téléphoniques, exposés magistraux, post-its sur un écran d'ordinateur, erc.
l.a sociolinguistiqud envisage les langues non seulement du côté du qystè-
me, mais aussi du côté de I'usage qu'en ont les locuteurs, traversé par la
diversité et la variation : variation historique, variation géographique, varia-
tion sociale, variation siruationnelle. Quoique peu introduite et peu repré-
sentée dans l'enseignement du français, sinon à ses marges avec les notions
de u registres de langue, er u niveaux de langue o, coÀme nous allons le
montrer (voir p.-20), cette conception permet de changer de regard, de pos-
ture à_l'e1{roit de la représentation corunune de la langue frangise er, par-
ta"!,i. la langue des élèves. En effet, elle a des implications qui ne sonr pas
triviales en matière éducative. Adopter un point de vue roiiolinguistiqu.
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Iæs présentations offenes par les différentes grammaires que nous avons
consultées ne sont évidemment pas toutes semblables, mais elles manifes-
tent des tendances récurrentes ; cette nodon étant généralement conçue de
façon très traditionnelle et proche de la conception du style littéraire : n on
appelle registre de langue le niveau de corection et de recherche du langa-
ge utilisé o (Hachene 5', p. t 1). Nous allons le montrer en quelques points.
la conception courante des grammaires comporte trois niveatx : ( sou-
t€Iru ), ( courant ,, u familier r. ks allusions à un autre niveau, le n popu-
laire ,, sont rares, et toujours dépréciatives. Ainsi : n il ne faut pas
confondre le regisue familier avec le registre vulgaire ou grossier, ni avec
les langages particuliers comme l'argot ou le verlan o (Belin 6', p.32).Un
tel découpage en trois niveaux n'a rien de gênant, car quand on a affaire
à un continuum de phénomènes linguistiques, c'est le fait même de
découper - et l'interrogation sur < où faire passer les frontières u - qui
pose problème, pas le principe du découpage. Le problème serait iden-
tique si l'on devait retenir les quatre niveaux que retient généralement la
sociolinguistique, en tenant compte du n populaire ,.
Mais qu est-ce qu'un niveau ? Les grammaires ne jugent pas toujours
indispensable de définir cette notion, donnée comme une évidence qui
laisse entendre que les niveaux existent bel et bien dans le réel. Quand
elles le font, c'est dans la perspective de la situation de communication
présentée de façon très simplifiée : n adapter son langage à son destina-
taire et à la situation dans laquelle il se trouve o (Belin 6", p.32).
l^a conception que nous appellerons ( équivalence sémantique entre
termes lexicaux u, illustrée par le postulat lexical, est rarement revendi-
quée comme telle. Au contraire, il est souvent dit qu il ne faut pas oublier
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(2) allo oui c'est Gisèle / à qui ai-je I'honneur < / ah bonjour monsieur X
/ je vous les ai envoyés I y a exactement un mois / lorsque j'ai reçu mon
dossier d'adhésion l'inscription a donc été validée / du moins me semble-
t-il / mais I'inscription de laquelle je / a bien été validée / non il est vrai
que nous riavons pas de portable mais tout de mêmeje devais être mise
au courant / ne serait-ce que pour corriger le dossier dans le cas où inter-
viendrait une erreur / tout à fait mais puis-je vous poser une quesdon <
Aucun stagiaire n'a pensé qu il pouvait s'agir de la même personne, et ce
sont des jugements sociaux qui ont été assignés : la première vue comme
peu éduquée, la deuxième comme exerçant une profession prestigieuse.
On en conclura que les locuteurs, s'ils savent fort bien user des registres et
s'ils savent fort bien les évaluer quand ils les entendent, ne savent pas
qu ils le savent et ne sont pas habitués à y réfléchir.
Conclusion
Pour organiser la diversité des produits de I'activité de langage,
M. Bakhtine distinguait entre les ( genres premiers qui se sont constitués
dans les circonstances d'un échange verbal spontané > et les ( genres
seconds qui apparaissent dans les circonstances d'un échange culturel
(principalement écrit) - artistique, scientifique, sociopolitique - plus
complexe et relativement plus évolué (197911984, p.267). Les u genres
"
premiers D ne sont pas, en tant que tels, objets d'enseignement au collège.
On a vu que des nodons cornrne u communication, oral, niveaux de
langue > sont, dans l'univers de I'enseignement du français, pensées et
didactisées par rapport à l'écrit et à son acquisition. L,a variation dans les
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