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FP – OP Business to Consumer
Mémoire de Recherche
Elisa HÉBERT
26 Janvier 2009
Dans quelle mesure peut-on parler de personnalité de la marque?
Résumé
Bien qu’élément central dans la gestion stratégique des marques et dans la
compréhension du comportement du consommateur, la personnalité de la marque
n’a fait l’objet de recherches approfondies que depuis une dizaine d’années. La
théorie mise sur pied par Jennifer Aaker, critiquée par la suite par de nombreux
chercheurs pour ses limites, reste néanmoins la référence dans le domaine, ce qui
prouve qu’aujourd’hui encore ce concept marketing reste très complexe et non
entièrement élucidé. Le présent travail s’attache à montrer la pertinence du concept
de la personnalité de la marque, en présentant tout d’abord l’origine de la naissance
d’un tel concept pour une marque. Il explique dans un second temps la méthode
utilisée pour transposer un concept issu à l’origine de la psychologie au champ
marketing de la marque, et fait état des avancées théoriques sur le sujet ainsi que de
leurs limites. Enfin, il montre en quoi la personnalité de la marque semble presque
insaisissable d’un point de vue professionnel, compte tenu des éléments complexes
qui l’influencent.
Mots clés
Personnalité de la marque, dimensions de la personnalité de la marque, traits de
personnalité de la marque, échelles de mesure de la personnalité de la marque,
gestion de la marque, anthropomorphisme
Abstract
Although being a central element on the brand management strategy and in the
understanding of the consumer’s behaviour, brand personality has only been the
object of deep researches for a decade. The theory settled by Jennifer Aaker, then
criticized by numerous researchers for its limits, stays however a reference in the
field, which proves that this marketing concept remains today very complex and not
entirely clarified. The present work wants to show the pertinence of the concept of
brand personality, by introducing first the origin of the birth of such concept for a
brand. It explains in a second time the method used to transpose a psychological
concept into the brand marketing field, and mentions theoretical advances on the
subject as well as their limits. Finally, it shows in what extent brand personality
seems almost intangible on a manager point of view, considering the complex
elements which influence it.
Keywords
Brand personality, brand personality dimensions, brand personality traits, brand
personality scales, brand management, anthropomorphism
1
Sommaire
Introduction……………………………………………………………………………………5
Conclusion…………………………………………………………………………………………..23
Références bibliographiques………………………………………………………………25
Références bibliographiques complémentaires……………………………………………..26
3
Introduction
4
construction de la personnalité de la marque dans l’esprit du consommateur, et enfin,
sur l’établissement d’échelles de mesure, afin d’en vérifier la connaissance auprès
des consommateurs. Un tournant décisif dans l’étude de la personnalité de la
marque a notamment été marqué lorsque Jennifer Aaker a publié en 1997 ses
recherches, qui transposaient le concept de la personnalité humaine au domaine des
marques, ouvrant ainsi un champ de recherche nouveau. Elle a tenté de déterminer
le nombre et la nature des dimensions de la personnalité de la marque et de
proposer une échelle de mesure qui soit fiable et généralisable à l’ensemble des
marques. Cet intérêt renouvelé pour un concept plutôt ancien a rendu le domaine de
recherche encore plus pertinent, alors que les marketeurs cherchent par tous les
moyens à créer des relations durables et basées sur la confiance entre leur marque
et les consommateurs. Les recherches d’Aaker ont ainsi permis à d’autres études
d’éclore, sur la base de son échelle de mesure.
Toutefois, au-delà des assertions théoriques fondamentales dont J. Aaker est
l’une des pionnières, peu d’études ont véritablement mis en exergue les méthodes
de mise en œuvre managériales pour bénéficier des avantages de la personnalité de
la marque, en ce qui concerne le comportement d’achat du consommateur. Une fois
dépassée la question de la pertinence du concept-même de la personnalité de la
marque, à laquelle nous allons essayer de nous attacher dans cet état de l’art de la
recherche, la mise en pratique de la personnalité de la marque dans le contexte de la
consommation reste difficile voire périlleuse. En effet, la personnalité de la marque
est un concept mouvant, qui fluctue au gré de facteurs, tels que le contexte
situationnel de la marque, ou encore la catégorie de produit à laquelle appartient la
marque et enfin le type de marque en question. Nous allons donc essayer de
comprendre dans quelle mesure il est possible de parler de la « personnalité de la
marque ».
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1. La personnalité de la marque est un concept pertinent
puisqu’elle existe de fait dans l’esprit du consommateur et
dans la pratique opérationnelle actuelle
La personnalité de la marque naît en premier lieu dans l’esprit du consommateur,
qui, par un biais anthropomorphique, associe à une marque des qualités
traditionnellement humaines. Les managers ont ensuite utilisé à des fins
commerciales ce levier à l’achat, en travaillant la personnalité de leurs marques. Bien
avant que la recherche ne s’y intéresse, le concept de la personnalité de la marque
est donc bien une réalité en marketing.
Guthrie (cité par Freling et Forbes, 2005) affirme que l’être humain attribue
spontanément des caractéristiques, des attitudes, des sentiments, et des traits de
personnalité propres à l’homme, à des objets, des animaux, des événements etc.
Les capacités d’observation et d’empathie de l’homme le poussent à prêter aux
choses qui l’entourent des qualités humaines. Il suggère aussi que
l’anthropomorphisme est un phénomène qui régit naturellement et inconsciemment
les pensées et les actions des individus, et qui influence les perceptions humaines.
Par exemple, certaines personnes ont tendance à parler aux plantes, aux voitures et
aux ordinateurs, ou à voir des visages dans les nuages. Kennedy (cité par Freling et
Forbes, 2005), soutient que l’anthropomorphisme est « une propension inhérente à
l’Homme », à laquelle il ne peut pas échapper.
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Dans une étude sur la personnalité de la marque menée en focus groupe (Freling et
Forbes, 2005), les verbatims suivants nous montrent de quelle manière les
consommateurs personnifient les marques :
« Lorsque je pense à une marque avec une personnalité forte et positive, M&M’s
me vient à l’esprit. M&M’s a une personnalité vraiment pleine d’humour et
irrévérencieuse. Les M&M’s sont colorés et sont fun, et quand je les mange, je me
sens rebelle. »
« Marlboro est une marque qui a une personnalité très macho, virile et
américaine. J’entends parler de cette marque depuis aussi longtemps que je me
souvienne, et elle est restée inchangée. Cela peut sembler ridicule depuis que je
sais que fumer des cigarettes est mauvais pour ma santé, mais Marlboro incarne
beaucoup de qualités que j’admire : la masculinité, la stabilité, la sécurité et
l’indépendance. »
Cette étude a confirmé que les consommateurs parlent spontanément des
marques en leur attribuant des qualités humaines, et qu’ils les différencient bien
entre elles, en fonction de leur personnalité.
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1.2.1. Du concept de soi…
Le concept de soi peut être défini comme « l’ensemble des pensées et des
sentiments qu’un individu a de lui-même en tant qu’objet de pensée. » (Rosenberg,
1979, cité par Sirgy, 1982). Selon le courant phénoménologique, « le soi étendu
intègre les objets, lieux, groupes définis comme ‘miens’ ». (Pervin et John, 2001).
tout ce que nous possédons, que ce soient des objets ou des êtres vivants auxquels
nous sommes rattachés, nous permet d’exprimer et de développer le sens de soi. De
ce fait, toutes les possessions que nous avons ou voulons avoir expriment le concept
de soi, révèlent qui l’on est ou qui l’on désirerait être. C’est par ce biais que l’individu
se prouve et montre aux autres qui il est (ou qui il veut être). Il s’agit d’un transfert de
significations et d’émotions entre les individus et les objets qu’ils possèdent.
Les possessions sont de ce fait indispensables pour construire et préserver
l’identité individuelle. Ainsi, les individus transfèrent leur identité aux objets qu’ils
possèdent, et de la même manière, les consommateurs réalisent ce transfert
d’identité vis-à-vis des produits et des marques qu’ils consomment (Ambroise, 2006).
Ambroise (2006), parle d’un transfert de significations, à savoir que c’est ce lien
même qui unit le consommateur avec une marque, qu’il personnifie et humanise. Ces
significations symboliques ont donné aux marques une réelle individualité et
personnalité du point de vue des consommateurs, qu’ils utilisent pour communiquer
leur identité à travers les promesses, les valeurs et les références culturelles qu’ils
prêtent à l’identité des marques. Les consommateurs attribuent donc aux marques
une réelle personnalité pour pouvoir s’identifier et exprimer aux autres leur désir
d’identification. Les consommateurs achètent ainsi des produits de marque se
rapprochant de leur personnalité ou de la personnalité qu’ils aimeraient avoir. C’est
dans ce cadre que Grubb et Grathwohl (1967, cités par Ambroise, 2006), ont
développé une approche théorique selon laquelle « le comportement d’achat du
consommateur est déterminé par l’interaction entre la personnalité de l’acheteur et
l’image du produit acheté ».
Toujours dans cette idée, d’après Phau et Lau (2001), la personnalité de marque
préférée des consommateurs représente ce qui pourrait être soit leur moi idéal, leur
moi désiré, leur moi actuel ou leur moi social. Les consommateurs agissent de la
sorte car les marques jouent un rôle d’expression de soi, d’identité. Ainsi,
l’expression de soi sera différente selon que l’on soit individualiste ou collectiviste.
Les individualistes qui sont fortement influencés par l’intérêt personnel utiliseront la
personnalité d’une marque pour exprimer leur singularité et leurs attributs internes
ainsi que leur personnalité. Selon Aaker et Schmitt, cités par Phau et Lau (2006), les
expressions comportementales des individualistes sont motivées par la volonté de
mettre en avant leur différence par rapport à leur groupe de référence. A l’inverse, les
8
collectivistes utiliseront la personnalité de la marque pour montrer leurs similitudes
avec les autres membres du groupe de référence. Les individualistes et les
collectivistes ont donc des perceptions différentes sur la personnalité de la marque.
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un physique (ce qu’elle apporte), un caractère (ce qu’elle est, sa valeur imaginaire),
et un style (les éléments constants dans la création et la communication qui la font
exister). Dans les années 80, les « copy strategy » proposées par les agences de
publicité à leurs clients commencent à inclure systématiquement une rubrique
décrivant la personnalité de la marque. Aujourd’hui toutes les plus grandes marques
travaillent avec attention leur personnalité et y consacrent des moyens importants.
La personnalité de la marque offre des bénéfices que les managers utilisent dans
leurs stratégies marketing. En effet, celle-ci crée un positionnement souvent original
et permet de différencier des marques ayant les mêmes attributs produit. Elle permet
aux marques appartenant à des marchés fortement concurrencés et mouvants
d’attirer une cible consommateur parfois hésitante dans sa décision d'achat. La
réussite d’une telle stratégie réside dans la capacité à individualiser la marque de
façon claire et intelligible par rapport aux marques concurrentes et à lui octroyer une
personnalité qui attirera la cible consommateur. Cette personnalité se construit
autour d’actions commerciales telles que la publicité, le packaging, le logo, les
relations publiques, ou encore le sponsoring (Gouteron (2006)).
Ainsi, c’est après avoir été utilisé comme outil marketing que la personnalité de la
marque suscite un intérêt plus vif chez les chercheurs. Jennifer Aaker, théorise en
1997 le concept et propose pour la première fois une échelle de mesure spécifique à
la personnalité de la marque, construite pour être généralisable à l’ensemble des
marques.
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2. La personnalité de la marque fait l’objet d’une théorie
approfondie mais qui rencontre toujours de nombreuses
limites
Les études marketing s’intéressent ainsi de près à la compréhension et à la
mesure de la signification des symboles que les consommateurs attribuent aux
marques. Cependant, pendant plusieurs années, les chercheurs se contentaient de
réaliser des études à partir des simples attributs du produit, en laissant de côté les
significations symboliques des marques. Mais lorsqu’ils se sont intéressés à la
conceptualisation des marques, en y incluant les composants symboliques, peu
d’échelles de mesure existaient alors. Seule Jennifer Aaker a présenté une méthode
fiable de mesure de la personnalité de la marque, applicable toutefois avec une
certaine précaution. Celle-ci avait pour objectif de développer un cadre théorique des
dimensions de la personnalité de la marque, et de construire une échelle de mesure
fiable, valide et généralisable aux marques. Cependant, même si cette théorie fait
toujours foi dans le domaine, certaines recherches postérieures ont montré les
limites de l’universalité de l’échelle d’Aaker et ont contesté la définition même du
concept de la personnalité de la marque, tel que l’a définit Aaker.
L’une de ces théories, et sans doute la plus communément admise, est l’échelle
de personnalité de Goldberg (1990, cité par Azoulay et Kapferer, 2003), appelée le
modèle « Big Five », ou encore le modèle « OCEAN ». Elle définit la personnalité
humaine à partir de cinq traits centraux de la personnalité, mis en évidence de manière
empirique, et qui résument chacun un grand nombre d’adjectifs décrivant la
personnalité :
- Ouverture : goût pour l’expérience, l’imagination, la curiosité, tolérance aux
idées nouvelles, aux nouvelles façons de faire. Cette dimension distingue les
personnes imaginatives et créatives des personnes terre-à-terre et
conventionnelles.
- Caractère consciencieux : contrôle des impulsions, autodiscipline, respect des
obligations, organisation plutôt que spontanéité.
- Extraversion : préférence pour les relations sociales et pour l’activité, émotions
positives, tendance à chercher la stimulation.
- Amabilité (ou caractère Agréable) : tendance à être compatissant et coopératif
plutôt que soupçonneux et antagonique avec les autres, désir d’harmonie
sociale.
- Neurotisme (ou stabilité émotionnelle) : capacité à faire face efficacement aux
émotions négatives comme la colère, l’inquiétude ou la dépression.
Plus récemment, Digman (1997, cité par Caprara et al., 2001), en reprenant les
travaux de Goldberg, a dégagé deux dimensions qui représentent « le plus haut
niveau hiérarchique des caractéristiques de la personnalité ». Le premier facteur
comprend des aspects de la personnalité tels que la socialisation, l’intérêt social, la
communion et l’intimité. Il regroupe donc des aspects communs aux dimensions
d’Amabilité, de Caractère consciencieux et de Stabilité émotionnelle du modèle « Big
Five ». Le deuxième facteur, lui, reprend certaines caractéristiques des dimensions
d’Extraversion et d’Ouverture puisqu’il représente les aspects de la personnalité tels
que la recherche de l’excellence, l’individualisme, l’accomplissement personnel,
l’affirmation d’un statut et la soif de pouvoir. Ces deux facteurs peuvent être
considérés comme des « méta-traits », qui n’invalident pas la structure en cinq traits
de Goldberg mais au contraire qui l’élèvent à un niveau plus élevé d’abstraction.
Jennifer Aaker est à l’origine d’un tournant décisif dans la recherche sur la
personnalité de la marque. Alors que jusqu’en 1997, la personnalité de la marque
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n’était abordée que par des études spécifiques à chaque marché, elle propose une
théorie qui se veut générale et universelle, qui définit cinq dimensions de
personnalité de la marque, résumant l’ensemble des traits de personnalité humains
qu’il serait possible de transposer à la personnalité des marques.
Aaker est partie du constat qu’il existait deux grands types d’échelle de mesure.
Les premières, les échelles ad hoc, sont composées de traits de personnalité.
Cependant ces échelles ne sont pas généralisables à toutes les marques car elles
sont souvent développées pour une étude ou un marché en particulier. Des traits
clefs peuvent donc manquer, ce qui fait douter de leur fiabilité.
Le second type d’échelle (de nature plus théorique), est basé sur les échelles de
personnalité humaine mais n’ont pas été validées de manière théorique dans le
cadre des marques. Leur fiabilité est donc également discutable.
Les insuffisances des deux types d’échelle ont donc conduit Aaker à développer
un cadre théorique concernant les dimensions de la personnalité de la marque, afin
d’identifier les différents types de personnalité de la marque. Son étude permet ainsi
de mieux comprendre les multiples façons dont la construction de la personnalité de
la marque influence les préférences des consommateurs.
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cinq dimensions de la personnalité de la marque. Afin de déterminer le degré de
fiabilité de ces traits, des tests de corrélation ont été effectués.
Ces dimensions sont la Sincérité, le Dynamisme, la Compétence, la
Sophistication et la Rudesse. Elles sont décrites chacune par plusieurs adjectifs
appelés « marqueurs ».
La méthode qu’a employée Aaker pour développer cette échelle s’est faite à
partir d’une confrontation entre différentes catégories de produits. Autrement dit, la
catégorie de produits était implicitement considérée comme une facette de
différenciation de la personnalité de la marque. Le cadre de la personnalité de la
marque a donc d’importantes limites car il faut tenir compte des différences entre les
personnalités des marques d’une même catégorie et notamment concernant
l’utilisation symbolique des marques. Il n’y a pas dans le travail d’Aaker de
comparaison entre les personnalités des marques à travers les catégories, qui en
cela n’apporte rien de plus que les échelles de mesure actuellement utilisées (Austin
et al., 2003).
De plus, Aaker elle-même met l’accent sur le fait que cette échelle de mesure a
été développée aux Etats-Unis et qu’elle ne prend donc pas en compte la perception
de la personnalité de la marque à travers les cultures. Il reste à savoir si les
dimensions de la personnalité de la marque peuvent être généralisées d’une culture
à l’autre. L’échelle de mesure de la personnalité humaine elle, est valable d’une
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culture à l’autre. Cependant, l’utilisation symbolique des marques diffère
considérablement à travers les cultures. Par exemple, comme souligné
précédemment, dans les cultures individualistes où l’indépendance et l’autonomie
prévalent, les consommateurs utilisent davantage les marques pour exprimer leur
différence avec les autres personnes de leur groupe d’appartenance. Au contraire,
dans les cultures collectivistes, où l’interdépendance, la conformité et la similarité
prévalent, les consommateurs utilisent plutôt les marques pour exprimer leur
similitude avec les autres membres de leur groupe. Ainsi, l’usage symbolique des
marques est stable d’une culture à l’autre tandis que la nature de la symbolique et de
la signification personnelle de la marque diffèrent énormément (Aaker, 1997).
La théorie d’Aaker est donc très controversée dans la mesure où elle ne peut
s’appliquer à toutes les situations. En effet, l’échelle initiale d’Aaker n’est pas
parfaitement stable sur un plan interculturel. Certains marqueurs des dimensions de
la personnalité comme « Western » ne sont a priori pas pertinents dans le contexte
français (Koebel et Ladwein, 1999, cités par Gouteron, 2006).
D’après Sung et Tinkham (2005), les valeurs et les besoins culturels sont
importants dans la façon dont est perçue la personnalité de la marque. Comme les
cultures sont assez différentes de par leurs valeurs et leurs besoins (exemple les
cultures asiatiques de l’Est par rapport aux cultures occidentales), elles sont
également aptes à exposer des différences spécifiques dans la personnalité des
marques. La culture a longtemps été identifiée comme une caractéristique
environnementale qui influence le comportement des consommateurs, et beaucoup
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d’aspects de la culture affectent différemment les besoins des consommateurs. Dans
les cultures occidentales, les gens recherchent l’autonomie, l’indépendance,
l’intimité, le besoin individuel. Ils préfèrent se concentrer sur les conséquences
positives de leurs actions et sur leurs propres sentiments ou buts, et ils croient à
l’hédonisme ainsi qu’à la compétition. On est ici réellement dans un cadre
d’individualisme. Au contraire, les cultures asiatiques de l’Est recherchent plus la
dépendance émotionnelle, l’harmonie de groupe, la cohésion, la coopération et ils
prônent le collectivisme avant l’individualisme. Leurs attitudes reflètent
l’interdépendance, la sociabilité et l’intégrité familiale. Les consommateurs ont donc
des différences et des similitudes dans les traits de personnalité qu’ils attribuent aux
marques selon leur culture.
Comme nous l’avons vu précédemment, le modèle d’Aaker explique seulement la
façon dont les consommateurs américains perçoivent les marques à travers les
différentes catégories de produits ou services. Elle a ainsi approfondit son étude en
2001 (Sung et Tinkham, 2005), en comparant les différences culturelles de trois pays
(les Etats-Unis, le Japon et l’Espagne). Elle a analysé la façon dont les attributs
symboliques et expressifs associés à la personnalité de la marque sont structurés,
ainsi que leurs variations à travers ces trois cultures. Il s’avère qu’il existe des
dimensions de la personnalité de la marque qui sont partagées par exemple par le
Japon et les Etats-Unis, telles que l’ « Excitation » ou la « Rudesse », qui portent des
significations plus culturelles. Aaker a aussi noté que les attributs utilitaires de la
personnalité de la marque limitent l’importance des significations culturelles. Au
contraire, les symboles associés à la personnalité de la marque tendent à varier
selon le degré des besoins individuels, les points de vue et la socialisation, donc
varient selon les cultures. De plus, les différences culturelles influencent les
variations dans les stratégies et les tactiques utilisées sur le marché par les marques
(McCracken, 1986, cité par Sung et Tinkham, 2005). Cela suggère que les
différences culturelles jouent un rôle dans la façon dont sont perçues les marques en
général, même si celles-ci ont une stratégie marketing standardisée. Néanmoins,
lorsque les stratégies marketing utilisées pour une personnalité de la marque sont
adaptées aux caractéristiques de chaque culture, les différences dans la façon dont
sont perçues les personnalités des marques sont d’autant plus évidentes (Sung et
Tinkham, 2005).
Pour illustrer ces propos, prenons l’exemple de deux cultures bien distinctes, les
Etats-Unis et la Corée. Lorsque l’on évalue des marques sur les mêmes attributs de
personnalité aux Etats Unis et en Corée, il en ressort six dimensions de personnalité
de la marque communes et deux facteurs spécifiques à chacune des cultures. Les
deux facteurs spécifiques en Corée, étant la « Sympathie » et l’ « Ascendance », qui
révèlent l’importance du Confucianisme dans le système économique et social
coréen. Quant aux deux facteurs spécifiques à la culture américaine, qui sont le
« Col blanc » et l’ « Androgénie », ils suggèrent des valeurs culturelles variables
selon le statut social et le genre. Ainsi, il existe des dimensions de la personnalité de
la marque spécifiques à chaque culture, qui rendent la perception de la marque
subjective et non universelle (Sung et Tinkham, 2005).
19
3.2.2. La perception de la personnalité de la marque varie
selon le contexte situationnel dans lequel se trouve la
marque
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marque peut varier d’un consommateur à l’autre s’ils ne disposent pas du même
temps. La personnalité de la marque ne sera donc pas tout à fait la même pour eux,
et le concept de la personnalité de la marque est une fois de plus très instable.
Aaker (1997) souligne le fait que la meilleure façon de combiner les adjectifs qui
décrivent la personnalité de la marque n’a pas encore été trouvée. La question se
pose notamment de savoir si les mêmes adjectifs peuvent être appliqués à toutes les
marques, autrement dit s’ils ont la même signification selon les marques qu’ils
décrivent. Caprara et al. (2001) indiquent tout d’abord que les mêmes adjectifs
peuvent caractériser plusieurs dimensions de la personnalité (au sens d’Aaker),
lorsque l’on compare les descriptions des personnalités des différentes marques.
Plusieurs marqueurs comme « énergique », « consciencieuse », « stable », et
« créative » peuvent être attribués à une dimension ou à une autre en fonction des
marques qu’ils décrivent. Cela vient du fait que la signification d’un adjectif varie
selon le concept auquel l’adjectif fait référence. Un même adjectif peut donc être
employé pour décrire deux concepts différents pour deux marques différentes. Il
s’agit de « l’interaction marque-adjectif ». Ce changement sémantique des adjectifs
vient du fait que les adjectifs ont soit une signification « contextuelle », soit
« relationnelle » : ils ont des sens différents lorsqu’ils passent d’une dimension à une
autre, en fonction de la marque.
Si le sens d’un adjectif varie d’une marque à l’autre, il devient très difficile de
comparer les personnalités des marques entre elles et d’établir la réelle perception
de la personnalité de la marque par le consommateur. La sémantique des adjectifs
étant variable selon le concept auquel on fait référence, il est possible que deux
consommateurs décrivent une marque par le même adjectif alors qu’ils pensent à
deux dimensions différentes de la personnalité. La personnalité de la marque est
donc ici encore un concept instable dans le sens où les adjectifs qui la décrivent ne
sont pas fermement établis comme communs à toutes les marques.
21
plus seulement ce qu’elle offre (produits ou services) mais ce qu’elle est (sa culture
d’entreprise). La personnalité de marque « corporate » définit ce que l’entreprise est
et l’image qu’elle donne aux consommateurs. Bien que le concept de personnalité de
marque soit aussi important pour les marques « produit » que pour les marques
« corporate », la façon dont le concept de personnalité de la marque devrait
s’appliquer est différente. La personnalité de la marque « corporate » peut contenir
un éventail d’associations plus large par rapport à la personnalité de la marque
« produit ». En effet, une personnalité de marque « corporate » va s’appuyer sur des
associations fondées à partir des relations entre les employés, les valeurs ainsi que
la crédibilité de l’entreprise, tout comme elle se fera aussi à partir de ses produits et
de leurs attributs et bénéfices. Ainsi, les marques « corporate » ont un ensemble de
traits de personnalité plus variés et sont composées différemment que leur marque
« produit ». Par nature, une marque « produit » est définie par ce qu’elle fait et
représente, alors qu’une marque « corporate » est plus définie par ce qu’elle est que
par ce qu’elle fait. Par exemple, une entreprise qui a pour valeur fondamentale le
respect de l’environnement, sera alors perçue comme « responsable » et « attentive
à l’environnement ». En résumé, les traits de personnalité de la marque « corporate »
sont beaucoup plus variés que les cinq dimensions de la personnalité de la marque
« produit ».
En effet, pour qu’une entreprise soit compétitive elle doit regrouper les trois
dimensions suivantes : le cœur, l’esprit et le corps. Ces dimensions reflètent trois
fondements de traits de personnalité bien distincts de la marque « corporate », qui
peuvent guider les employés dans l’organisation et influencer la perception de
l’entreprise par les autres. A ces trois dimensions de base s’ajoutent deux traits pour
chacune d’entre elles, cruciales pour la place de l’entreprise sur le marché :
- « passionnée » et « compatissante » (le cœur) : l’entreprise doit être
passionnée de servir ses clients et d’être en concurrence sur le marché, et
doit avoir de la compassion pour ses employés, ses actionnaires, et les
membres des communautés dans lesquelles elle agit.
- « créative » et « disciplinée » (l’esprit) : une entreprise doit être créative dans
sa façon de servir les clients et doit être compétitive sur le marché tout en
adoptant une approche disciplinée qui assure des actions appropriées à
travers l’organisation.
- « agile » et « coopérative » (le corps) : l’entreprise doit être agile pour suivre
les changements du marché et faire preuve d’une approche collaborative qui
assure des buts communs à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.
22
Conclusion
23
qui orientent leurs choix et leur vision des choses. Ainsi, les individus peuvent
interpréter une personnalité de marque de façon différente. Enfin, il faut aussi noter
qu’il existe des différences dans le fondement d’une personnalité d’une marque à
l’autre. En effet, par exemple, les adjectifs caractérisant la personnalité de la marque
peuvent avoir des significations différentes d’une marque à une autre. Il faut aussi
différencier certains types de marque, comme les marques « produit » et les
marques « corporate ». Ces deux types de marques ont une personnalité qui se
forme différemment, car plusieurs éléments rentrent dans la formation de celle-ci.
Ces faits nous donnent à penser que la personnalité de la marque est un concept
très subjectif qu’il est difficile de généraliser.
Il apparaît donc, d’après nos recherches, que la personnalité de la marque existe
et est reconnue par les consommateurs autant que par les professionnels, mais qu’il
s’agit d’un concept subjectif et instable, difficilement généralisable.
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Références bibilographiques
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