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Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse

FP – OP Business to Consumer

Mémoire de Recherche

DANS QUELLE MESURE PEUT-ON PARLER


DE PERSONNALITE DE LA MARQUE ?

Elisa HÉBERT

Directeur de Mémoire : Geneviève CAZES-VALETTE

26 Janvier 2009
Dans quelle mesure peut-on parler de personnalité de la marque?

Résumé
Bien qu’élément central dans la gestion stratégique des marques et dans la
compréhension du comportement du consommateur, la personnalité de la marque
n’a fait l’objet de recherches approfondies que depuis une dizaine d’années. La
théorie mise sur pied par Jennifer Aaker, critiquée par la suite par de nombreux
chercheurs pour ses limites, reste néanmoins la référence dans le domaine, ce qui
prouve qu’aujourd’hui encore ce concept marketing reste très complexe et non
entièrement élucidé. Le présent travail s’attache à montrer la pertinence du concept
de la personnalité de la marque, en présentant tout d’abord l’origine de la naissance
d’un tel concept pour une marque. Il explique dans un second temps la méthode
utilisée pour transposer un concept issu à l’origine de la psychologie au champ
marketing de la marque, et fait état des avancées théoriques sur le sujet ainsi que de
leurs limites. Enfin, il montre en quoi la personnalité de la marque semble presque
insaisissable d’un point de vue professionnel, compte tenu des éléments complexes
qui l’influencent.

Mots clés
Personnalité de la marque, dimensions de la personnalité de la marque, traits de
personnalité de la marque, échelles de mesure de la personnalité de la marque,
gestion de la marque, anthropomorphisme

Can we really talk about brand personality?

Abstract
Although being a central element on the brand management strategy and in the
understanding of the consumer’s behaviour, brand personality has only been the
object of deep researches for a decade. The theory settled by Jennifer Aaker, then
criticized by numerous researchers for its limits, stays however a reference in the
field, which proves that this marketing concept remains today very complex and not
entirely clarified. The present work wants to show the pertinence of the concept of
brand personality, by introducing first the origin of the birth of such concept for a
brand. It explains in a second time the method used to transpose a psychological
concept into the brand marketing field, and mentions theoretical advances on the
subject as well as their limits. Finally, it shows in what extent brand personality
seems almost intangible on a manager point of view, considering the complex
elements which influence it.

Keywords
Brand personality, brand personality dimensions, brand personality traits, brand
personality scales, brand management, anthropomorphism

1
Sommaire

Introduction……………………………………………………………………………………5

1. La personnalité de la marque est un concept pertinent puisqu’elle existe de


fait dans l’esprit du consommateur et dans la pratique opérationnelle actuelle 6
1.1. Une tendance naturelle des individus à l’anthropomorphisme sous-jacente
au concept de la personnalité de la marque ........................................................... 6
1.1.1. La théorie anthropomorphique ................................................................ 6
1.1.2. Application de la théorie anthropomorphique dans la recherche
marketing : les consommateurs prêtent une personnalité aux marques.............. 6
1.1.3. Les consommateurs cherchent de la réassurance à travers la
personnalité de la marque ................................................................................... 7
1.2. La personnification des marques s’explique par un besoin du consommateur
de s’identifier à une marque .................................................................................... 7
1.2.1. Du concept de soi… ................................................................................ 8
1.2.2. …à l’identification du consommateur ...................................................... 8
1.3. La personnalité de la marque est une activité marketing clef pour les
managers ................................................................................................................ 9
1.3.1. Un historique d’application opérationnelle .............................................. 9
1.3.2. Les outils des managers (pub, packaging, sponsoring…) pour
développer la personnalité d’une marque.......................................................... 10
1.3.3. Du concept marketing issu des pratiques vers la théorisation de la
personnalité de la marque ................................................................................. 11
2. La personnalité de la marque fait l’objet d’une théorie approfondie mais qui
rencontre toujours de nombreuses limites .......................................................... 12
2.1. Les fondements de la théorie : la personnalité humaine en psychologie..... 12
2.1.1. Définition de la personnalité humaine ................................................... 12
2.1.2. La mesure de la personnalité humaine ................................................. 13
2.2. Jennifer Aaker, théoricienne incontournable de la personnalité de la marque,
a défini le concept et créé une échelle de mesure spécifique ............................... 13
2.2.1. Les antécédents de la personnalité de la marque : la personnalité
humaine............................................................................................................. 14
2.2.2. Les fondements de la théorie d’Aaker ................................................... 14
2.3. Une théorie pourtant controversée .............................................................. 15
2.3.1. Une théorie qui n’est ni universelle ni généralisable ............................. 15
2.3.2. Les fondements de la théorie seraient biaisés ce qui rendrait invalide la
théorie d’Aaker .................................................................................................. 16
3. La personnalité de la marque est difficile à mettre en œuvre car c’est un
concept mouvant et instable dépendant de plusieurs facteurs ......................... 17
3.1. La catégorie de produit joue un rôle prépondérant dans le degré de
personnalité de la marque..................................................................................... 17
3.2. Le contexte dans lequel se trouve la marque modifie la perception de la
personnalité de la marque..................................................................................... 18
3.2.1. Le contexte culturel rend difficiles les comparaisons de la personnalité
de la marque à travers les cultures ................................................................... 18
3.2.2. La perception de la personnalité de la marque varie selon le contexte
situationnel dans lequel se trouve la marque .................................................... 20
3.3. Le type de marque influence la personnalité de la marque ......................... 21
2
3.3.1. Des adjectifs définissant les traits de personnalité qui ont une
signification différente d’une marque à l’autre ................................................... 21
3.3.2. Des types de marque différents à l’origine de personnalités de marques
différentes : personnalité de marque « corporate » vs personnalité de marque
« produit » ......................................................................................................... 21

Conclusion…………………………………………………………………………………………..23

Références bibliographiques………………………………………………………………25
Références bibliographiques complémentaires……………………………………………..26

3
Introduction

La recherche marketing autour du comportement du consommateur a depuis


longtemps mis en évidence l’importance de la symbolique de la marque, et plus
particulièrement celle du concept de la personnalité de la marque, dans le
comportement d’achat du consommateur. Par ailleurs, d’un point de vue
professionnel, la personnification des marques est devenue courante depuis que des
célébrités ont prêté leur image pour séduire les consommateurs. Autrement dit, la
personnalité de la marque, qui fait référence à « l’ensemble des caractéristiques
humaines associées à la marque » (Aaker, 1997), peut être appréhendée à deux
niveaux distincts : celui du consommateur, qui lui assigne de façon naturelle des
traits de caractère humains, et celui des professionnels, qui, ayant bien compris les
avantages d’un tel mécanisme, façonnent les marques de manière à ce qu’elles
plaisent aux consommateurs.
La personnalité de la marque naît en effet tout d’abord dans le regard du
consommateur, qui lui attribue spontanément une personnalité, une essence
humaine, des valeurs et des attitudes, tout comme à n’importe quel individu. Les
consommateurs n’ont aucune difficulté à répondre à des questions métaphoriques
telles que « Si la marque était une personne, comment serait-elle ? », « Que ferait-
elle ? », « Où vivrait-elle ? », « Que porterait-elle ? », etc. Les consommateurs
perçoivent naturellement les traits de personnalité de la marque, et sont en mesure
de dire, par exemple, que Puma est plutôt une marque performante et ludique, et
que Nike, elle, est davantage persévérante et individualiste. Ce mécanisme répond à
un besoin que ressent l’être humain « d’anthropomorphiser » les objets pour faciliter
les interactions avec le monde. Le consommateur entretiendrait ainsi une relation
métaphorique avec les marques et leur attribuerait des traits de personnalité, comme
si elles avaient une existence propre. Cette personnalité de la marque permet au
consommateur de s’identifier, ou de se projeter dans les valeurs qu’il admire chez la
marque, ou tout simplement de donner un sens à la relation qu’il entretient avec elle.
En effet, la marque n’est pas seulement l’objet d’un jugement évaluatif de la part du
consommateur, elle entre aussi dans une dynamique relationnelle née dans son
imaginaire.
Les professionnels ont ainsi tout de suite compris l’intérêt du concept de la
personnalité de la marque, et ses bénéfices stratégiques ont été rapidement utilisés
en marketing. La personnalité de la marque offre un positionnement souvent original
à la marque, qui lui permet de se différencier de ses concurrents, et d’attirer à elle
des consommateurs, soit troublés par les évolutions complexes des marchés et
cherchant des repères, soit sensibles au caractère des marques. Les marketeurs
sont intervenus très tôt dans la construction de la personnalité de la marque, afin de
créer une certaine proximité avec le consommateur et de favoriser par là, la fidélité et
l’attachement à la marque. La difficulté réside cependant dans la capacité à
individualiser la marque de façon claire et intelligible dans l’esprit du consommateur,
en adéquation avec la personnalité de la cible, ou bien avec son idéal de soi. En
effet, le comportement d’achat du consommateur sera influencé par l’image qu’il
perçoit de la marque, qui n’est pas forcément la même que l’image voulue par
l’entreprise. Parfois, les actions marketing menées par les managers sont
interprétées par les consommateurs, ou bien modifiées par certains facteurs.

Plusieurs études ont été menées autour du concept de la personnalité de la


marque. La recherche s’est notamment focalisée sur la définition du concept, sur la

4
construction de la personnalité de la marque dans l’esprit du consommateur, et enfin,
sur l’établissement d’échelles de mesure, afin d’en vérifier la connaissance auprès
des consommateurs. Un tournant décisif dans l’étude de la personnalité de la
marque a notamment été marqué lorsque Jennifer Aaker a publié en 1997 ses
recherches, qui transposaient le concept de la personnalité humaine au domaine des
marques, ouvrant ainsi un champ de recherche nouveau. Elle a tenté de déterminer
le nombre et la nature des dimensions de la personnalité de la marque et de
proposer une échelle de mesure qui soit fiable et généralisable à l’ensemble des
marques. Cet intérêt renouvelé pour un concept plutôt ancien a rendu le domaine de
recherche encore plus pertinent, alors que les marketeurs cherchent par tous les
moyens à créer des relations durables et basées sur la confiance entre leur marque
et les consommateurs. Les recherches d’Aaker ont ainsi permis à d’autres études
d’éclore, sur la base de son échelle de mesure.
Toutefois, au-delà des assertions théoriques fondamentales dont J. Aaker est
l’une des pionnières, peu d’études ont véritablement mis en exergue les méthodes
de mise en œuvre managériales pour bénéficier des avantages de la personnalité de
la marque, en ce qui concerne le comportement d’achat du consommateur. Une fois
dépassée la question de la pertinence du concept-même de la personnalité de la
marque, à laquelle nous allons essayer de nous attacher dans cet état de l’art de la
recherche, la mise en pratique de la personnalité de la marque dans le contexte de la
consommation reste difficile voire périlleuse. En effet, la personnalité de la marque
est un concept mouvant, qui fluctue au gré de facteurs, tels que le contexte
situationnel de la marque, ou encore la catégorie de produit à laquelle appartient la
marque et enfin le type de marque en question. Nous allons donc essayer de
comprendre dans quelle mesure il est possible de parler de la « personnalité de la
marque ».

Nous commencerons ainsi par explorer la métaphore de la personnalité de la


marque pour déterminer s’il est approprié de parler de « personnalité » concernant
une marque. Il apparaît à travers nos recherches que le concept de personnalité de
la marque existe de fait dans l’esprit des consommateurs et dans les pratiques
opérationnelles. Nous verrons ensuite que la recherche marketing s’est inspirée de
théories issues de la psychologie pour transposer les traits de personnalité humains
aux marques, et construire ainsi un cadre de recherche et de mesure solide, ces
recherches faisant cependant l’objet de plusieurs contestations, du fait des limites
internes à la théorie d’Aaker. Enfin, nous terminerons en montrant la difficulté de la
mise en pratique de la personnalité de la marque, pourtant activité clef des services
marketing des plus grandes marques d’aujourd’hui, et nous donneront en conclusion
les pistes de recherches futures pour améliorer la fiabilité de la théorie.

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1. La personnalité de la marque est un concept pertinent
puisqu’elle existe de fait dans l’esprit du consommateur et
dans la pratique opérationnelle actuelle
La personnalité de la marque naît en premier lieu dans l’esprit du consommateur,
qui, par un biais anthropomorphique, associe à une marque des qualités
traditionnellement humaines. Les managers ont ensuite utilisé à des fins
commerciales ce levier à l’achat, en travaillant la personnalité de leurs marques. Bien
avant que la recherche ne s’y intéresse, le concept de la personnalité de la marque
est donc bien une réalité en marketing.

1.1. Une tendance naturelle des individus à l’anthropomorphisme


sous-jacente au concept de la personnalité de la marque

La personnalité de la marque à pour origine la tendance naturelle humaine à


l’anthropomorphisme, ramenée dans le contexte de la consommation marchande, et
qui s’explique par un besoin de réassurance.

1.1.1. La théorie anthropomorphique

Guthrie (cité par Freling et Forbes, 2005) affirme que l’être humain attribue
spontanément des caractéristiques, des attitudes, des sentiments, et des traits de
personnalité propres à l’homme, à des objets, des animaux, des événements etc.
Les capacités d’observation et d’empathie de l’homme le poussent à prêter aux
choses qui l’entourent des qualités humaines. Il suggère aussi que
l’anthropomorphisme est un phénomène qui régit naturellement et inconsciemment
les pensées et les actions des individus, et qui influence les perceptions humaines.
Par exemple, certaines personnes ont tendance à parler aux plantes, aux voitures et
aux ordinateurs, ou à voir des visages dans les nuages. Kennedy (cité par Freling et
Forbes, 2005), soutient que l’anthropomorphisme est « une propension inhérente à
l’Homme », à laquelle il ne peut pas échapper.

1.1.2. Application de la théorie anthropomorphique dans la


recherche marketing : les consommateurs prêtent une
personnalité aux marques

Ainsi, dans le contexte de la consommation, on retrouve ces influences


anthropomorphiques dans le comportement des consommateurs, puisque ces
derniers ont tendance à attribuer des propriétés humaines à leurs possessions, leurs
biens, leurs produits ou encore leurs services (Aaker 1997). Des recherches ont
montré depuis plusieurs décennies que les consommateurs n’ont aucune difficulté à
personnifier les produits et les marques et à leur attacher des traits de personnalité
humains. « Les gens choisissent leur marque de la même façon qu’ils choisissent
leurs amis. En plus des compétences et des caractéristiques physiques, ils les
aiment simplement comme des personnes. » (King cité par Freling et Forbes, 2005).
Les consommateurs attribuent donc spontanément une personnalité aux marques.

6
Dans une étude sur la personnalité de la marque menée en focus groupe (Freling et
Forbes, 2005), les verbatims suivants nous montrent de quelle manière les
consommateurs personnifient les marques :
« Lorsque je pense à une marque avec une personnalité forte et positive, M&M’s
me vient à l’esprit. M&M’s a une personnalité vraiment pleine d’humour et
irrévérencieuse. Les M&M’s sont colorés et sont fun, et quand je les mange, je me
sens rebelle. »
« Marlboro est une marque qui a une personnalité très macho, virile et
américaine. J’entends parler de cette marque depuis aussi longtemps que je me
souvienne, et elle est restée inchangée. Cela peut sembler ridicule depuis que je
sais que fumer des cigarettes est mauvais pour ma santé, mais Marlboro incarne
beaucoup de qualités que j’admire : la masculinité, la stabilité, la sécurité et
l’indépendance. »
Cette étude a confirmé que les consommateurs parlent spontanément des
marques en leur attribuant des qualités humaines, et qu’ils les différencient bien
entre elles, en fonction de leur personnalité.

1.1.3. Les consommateurs cherchent de la réassurance à


travers la personnalité de la marque

Cette humanisation des marques a trois raisons fondamentales : la familiarité, le


confort et la réduction du risque (Guthrie, 1997, cité par Freling et Forbes, 2005). Le
consommateur recherche tout d’abord à rendre plus familières les choses qui
l’entourent en leur attribuant des caractères humains. Il cherche également du
réconfort lors de l’utilisation de la marque : grâce à la personnalité de la marque, des
relations sincères et durables vont se développer entre le consommateur et celle-ci,
parce qu’il aura appris à la connaître et qu’il lui fera donc confiance, davantage qu’à
une marque X, impersonnelle. Enfin, le consommateur cherche à diminuer
l’incertitude du monde qui l’entoure, caractérisé par une offre de plus en plus étoffée
et complexe, avec de plus en plus d’intervenants, un choix donc qui se complexifie,
et pour réduire ce risque, il se tourne plus facilement vers une marque qui saura lui
parler. Ainsi, les consommateurs ont plus de chance de percevoir un produit avec
une personnalité de marque forte et positive comme un produit familier, plus
confortable et moins risqué, par rapport à un produit concurrent qui a les mêmes
attributs et bénéfices produit, mais dont la marque a une personnalité non distincte
ou perçue comme négative (Freling et Forbes, 2005).

Au-delà de leur tendance naturelle à l’anthropomorphisme, qui régit les


comportements humains et par analogie les comportements d’achat, les individus
cherchent aussi à s’identifier à la personnalité d’une marque.

1.2. La personnification des marques s’explique par un besoin du


consommateur de s’identifier à une marque

Les individus exprimeraient leur « soi » à travers l’utilisation des marques en


s’identifiant à la personnalité des marques.

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1.2.1. Du concept de soi…

Le concept de soi peut être défini comme « l’ensemble des pensées et des
sentiments qu’un individu a de lui-même en tant qu’objet de pensée. » (Rosenberg,
1979, cité par Sirgy, 1982). Selon le courant phénoménologique, « le soi étendu
intègre les objets, lieux, groupes définis comme ‘miens’ ». (Pervin et John, 2001).
tout ce que nous possédons, que ce soient des objets ou des êtres vivants auxquels
nous sommes rattachés, nous permet d’exprimer et de développer le sens de soi. De
ce fait, toutes les possessions que nous avons ou voulons avoir expriment le concept
de soi, révèlent qui l’on est ou qui l’on désirerait être. C’est par ce biais que l’individu
se prouve et montre aux autres qui il est (ou qui il veut être). Il s’agit d’un transfert de
significations et d’émotions entre les individus et les objets qu’ils possèdent.
Les possessions sont de ce fait indispensables pour construire et préserver
l’identité individuelle. Ainsi, les individus transfèrent leur identité aux objets qu’ils
possèdent, et de la même manière, les consommateurs réalisent ce transfert
d’identité vis-à-vis des produits et des marques qu’ils consomment (Ambroise, 2006).

1.2.2. …à l’identification du consommateur

L’individu consomme selon l’idée qu’il a de lui-même, ou l’idée de lui-même qu’il


aimerait revendiquer, pour pouvoir exprimer son image. Les consommateurs
recherchent dans leurs produits ce qui pourrait être leur moi réel (la façon dont un
individu se voit), leur moi rêvé (la manière dont un individu voudrait être), leur moi
social réel (la façon dont les autres le considèrent) et leur moi social rêvé (la façon
dont il voudrait que les autres le considèrent) (Vernette, 2008).

Ambroise (2006), parle d’un transfert de significations, à savoir que c’est ce lien
même qui unit le consommateur avec une marque, qu’il personnifie et humanise. Ces
significations symboliques ont donné aux marques une réelle individualité et
personnalité du point de vue des consommateurs, qu’ils utilisent pour communiquer
leur identité à travers les promesses, les valeurs et les références culturelles qu’ils
prêtent à l’identité des marques. Les consommateurs attribuent donc aux marques
une réelle personnalité pour pouvoir s’identifier et exprimer aux autres leur désir
d’identification. Les consommateurs achètent ainsi des produits de marque se
rapprochant de leur personnalité ou de la personnalité qu’ils aimeraient avoir. C’est
dans ce cadre que Grubb et Grathwohl (1967, cités par Ambroise, 2006), ont
développé une approche théorique selon laquelle « le comportement d’achat du
consommateur est déterminé par l’interaction entre la personnalité de l’acheteur et
l’image du produit acheté ».

Toujours dans cette idée, d’après Phau et Lau (2001), la personnalité de marque
préférée des consommateurs représente ce qui pourrait être soit leur moi idéal, leur
moi désiré, leur moi actuel ou leur moi social. Les consommateurs agissent de la
sorte car les marques jouent un rôle d’expression de soi, d’identité. Ainsi,
l’expression de soi sera différente selon que l’on soit individualiste ou collectiviste.
Les individualistes qui sont fortement influencés par l’intérêt personnel utiliseront la
personnalité d’une marque pour exprimer leur singularité et leurs attributs internes
ainsi que leur personnalité. Selon Aaker et Schmitt, cités par Phau et Lau (2006), les
expressions comportementales des individualistes sont motivées par la volonté de
mettre en avant leur différence par rapport à leur groupe de référence. A l’inverse, les

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collectivistes utiliseront la personnalité de la marque pour montrer leurs similitudes
avec les autres membres du groupe de référence. Les individualistes et les
collectivistes ont donc des perceptions différentes sur la personnalité de la marque.

Ambroise (2006), rajoute que le consommateur attribue naturellement une réelle


personnalité à la marque à laquelle il est plus ou moins attaché, et qui révèlera sa
personnalité propre et celle des autres. Par exemple, une femme qui consomme les
produits Yves Saint Laurent apparaîtra comme sophistiquée, élégante, distinguée et
extravertie, alors qu’un individu consommant du Perrier apparaîtra plutôt comme gai,
dynamique, sympathique et original. Cet exemple illustre un autre aspect de
l’identification du consommateur à travers la personnalité de la marque. En effet,
d’après Fennis et Pruyn (2007), la personnalité de la marque ne permet pas qu’à
l’individu de s’identifier, elle influence également la perception que les autres ont de
la personnalité du possesseur de la marque. Il s’agit de la théorie de la formation de
l’impression : des dimensions saillantes de la personnalité de la marque peuvent
affecter les perceptions sur l’identité du consommateur. Cela implique le transfert des
traits de personnalité de la marque aux traits de personnalité du consommateur via
un processus de formation de l’impression. Par exemple, un individu portant une
marque « compétente » est perçu comme étant plus « compétent » que quelqu’un
portant une marque « incompétente ». Autre exemple, Haire, cité par Fennis et Pruyn
(2007), explique que les attributs des produits sur une liste de course peuvent
influencer la perception du présumé propriétaire de la liste.

Grâce à leurs perpétuels besoins de s’identifier et d’anthropomorphiser, les


individus prêtent naturellement une personnalité aux marques. De ce fait, les
professionnels utilisent cet aspect de la marque comme un outil marketing clef, afin
d’attirer et de capter au mieux leur cible.

1.3. La personnalité de la marque est une activité marketing clef


pour les managers

1.3.1. Un historique d’application opérationnelle

La mesure et la compréhension de la connaissance de la marque par le


consommateur, sont des notions importantes pour les managers car c’est ce qui
compose en partie la valeur de la marque (Keller cité par Romaniuk, 2008). Le
développement de la personnalité de la marque est donc devenu très tôt un objectif
marketing important, avant que la littérature ne s’y intéresse. Les marketeurs et les
publicitaires sont les premiers à avoir utilisé le terme de « personnalité de la
marque ». La personnification des marques à ainsi débuté sous la forme de
stratégies publicitaires, lorsque des célébrités ont commencé à représenter les
marques, et à incarner leurs valeurs (Azoulay et Kapferer, 2003). Les marketeurs ont
façonné la personnalité de leur marque en utilisant l’image de ces stars, afin de
mieux positionner leur marque et de séduire les consommateurs qui s’identifiaient à
ces célébrités. En 1982, Séguéla, créateur de l’agence de publicité RSCG, appelle
ce nouveau mode de management de la marque, devenu désormais commun pour
les marchés matures, la « star strategy » (cité par Azoulay et Kapferer, 2003). Cette
stratégie permet à la marque de sortir de son anonymat et de devenir une star qui a

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un physique (ce qu’elle apporte), un caractère (ce qu’elle est, sa valeur imaginaire),
et un style (les éléments constants dans la création et la communication qui la font
exister). Dans les années 80, les « copy strategy » proposées par les agences de
publicité à leurs clients commencent à inclure systématiquement une rubrique
décrivant la personnalité de la marque. Aujourd’hui toutes les plus grandes marques
travaillent avec attention leur personnalité et y consacrent des moyens importants.

1.3.2. Les outils des managers (pub, packaging, sponsoring…)


pour développer la personnalité d’une marque

La personnalité de la marque offre des bénéfices que les managers utilisent dans
leurs stratégies marketing. En effet, celle-ci crée un positionnement souvent original
et permet de différencier des marques ayant les mêmes attributs produit. Elle permet
aux marques appartenant à des marchés fortement concurrencés et mouvants
d’attirer une cible consommateur parfois hésitante dans sa décision d'achat. La
réussite d’une telle stratégie réside dans la capacité à individualiser la marque de
façon claire et intelligible par rapport aux marques concurrentes et à lui octroyer une
personnalité qui attirera la cible consommateur. Cette personnalité se construit
autour d’actions commerciales telles que la publicité, le packaging, le logo, les
relations publiques, ou encore le sponsoring (Gouteron (2006)).

Les consommateurs recherchent désormais moins dans leur produit un intérêt


utilitaire, mais plus un intérêt relationnel. Ainsi, la personnalité de la marque semble
être un outil de stratégie marketing à utiliser pour construire et renforcer la valeur de
la marque. En donnant une personnalité à la marque, les managers différencient des
marques ayant les mêmes attributs produits. La personnalité de la marque est
l’élément clé pour comprendre les choix du consommateur pour telle ou telle marque.
Celle-ci peut être développée à travers une multitude de variables marketing telles
que l’imaginaire du consommateur, le packaging, le sponsoring, les symboles et la
publicité. L’imaginaire est important dans la décision du consommateur, mais elle
dépend aussi de la spécificité du produit. Keller, (cité par Phau et Lau, 2001) pense
que la personnalité de la marque et l’imaginaire du consommateur sont plus
probablement liés pour des produits tels que les voitures, la bière, l’alcool, les
cigarettes et les cosmétiques. Par exemple, Mercedes et Calvin Klein ont créé une
personnalité « sexy » et « sophistiquée » pour leurs produits. Alors que la
personnalité « robuste » et « rude » des conducteurs de Harley est fortement liée
aux motos Harley, c'est-à-dire au produit dans ce cas. Le sponsoring réalisé par des
marques peut également influencer la personnalité. Par exemple, le sponsoring par
Swatch d’une compétition de ski renforce la personnalité audacieuse et jeune de la
marque (Phau et Lau (2001).

De façon plus approfondie, prenons le cas de la publicité et de ses effets sur la


personnalité de la marque. D’après Ang et Ching Lim (2006), la personnalité de la
marque peut être façonnée par les campagnes publicitaires à travers l’utilisation de
l’imaginaire et des expressions. Les métaphores peuvent être utilisées visuellement
ou verbalement. Il y a plusieurs avantages associés à l’utilisation de métaphores
dans la publicité. Les consommateurs sont plus réceptifs aux conclusions multiples,
distinctes et positives sur la marque lorsque celle-ci utilise la publicité métaphorique.
Cela produit des opportunités pour convaincre de plusieurs messages à propos
d’une marque, qui serait plus concurrencée si la métaphore n’était pas utilisée.
10
Lorsque l’image utilisée dans la publicité est métaphorique, les effets sur les
perceptions de la personnalité de marque sont renforcés si le slogan, en plus, est lui
aussi métaphorique. Lorsque l’image utilisée n’est pas métaphorique, la différence
de perception entre un slogan métaphorique ou non est plus faible. Lorsque l’image
et le slogan sont tous les deux métaphoriques, il y a des effets de synergie qui
renforcent la perception sur personnalité de la marque. Les images attirent plus
l’attention que les mots en faisant appel à l’imagination, et renforcent la persuasion.
Une marque utilisant des métaphores dans le slogan et les images, sera perçue
comme plus « sophistiquée » et plus « excitante » mais aussi moins « sincère » et
moins « compétente ». C’est donc sur ce point que la publicité peut jouer concernant
la personnalité de la marque.

1.3.3. Du concept marketing issu des pratiques vers la


théorisation de la personnalité de la marque

Longtemps envisagé de façon pragmatique par les professionnels, le concept de


personnalité de la marque est par la suite théorisé. Les chercheurs se sont
intéressés relativement tôt au concept de personnalité de la marque, mais sans
vraiment approfondir le sujet et construire une théorie solide. En 1958, Martineau
avait utilisé l’expression pour faire référence aux dimensions immatérielles des
magasins ; un peu plus tard dans les années 70, King indique que les
consommateurs ont tendance à attribuer des facettes de personnalité aux marques
et qu’ils parlent facilement de ces facettes ; puis en 1984, Plummer, dans un article
intitulé « How personality makes a difference » parle d’Orangina comme une marque
« sensuelle » (cités par Azoulay et Kapferer, 2003). Il faut attendre 1997 pour que la
théorie de la personnalité de la marque soit établie, et qu’une échelle de mesure
voulue fiable et généralisable à toutes les marques fasse son apparition. Jennifer
Aaker, véritable théoricienne de la personnalité de la marque vient ainsi répondre au
besoin des marketers de mesurer la personnalité de leur marque. Confrontés déjà
depuis longtemps à la problématique de la personnalité de la marque, les
professionnels n’avaient jusqu’alors aucune méthode de mesure efficace et fiable
pour identifier précisément la vision qu’avaient les consommateurs de la marque.
Depuis, la recherche sur la personnalité de la marque ne cesse de s’enrichir et
d’autres échelles de mesure ont été développées pour aider les marketers dans le
management de leur marque.

Ainsi, c’est après avoir été utilisé comme outil marketing que la personnalité de la
marque suscite un intérêt plus vif chez les chercheurs. Jennifer Aaker, théorise en
1997 le concept et propose pour la première fois une échelle de mesure spécifique à
la personnalité de la marque, construite pour être généralisable à l’ensemble des
marques.

11
2. La personnalité de la marque fait l’objet d’une théorie
approfondie mais qui rencontre toujours de nombreuses
limites
Les études marketing s’intéressent ainsi de près à la compréhension et à la
mesure de la signification des symboles que les consommateurs attribuent aux
marques. Cependant, pendant plusieurs années, les chercheurs se contentaient de
réaliser des études à partir des simples attributs du produit, en laissant de côté les
significations symboliques des marques. Mais lorsqu’ils se sont intéressés à la
conceptualisation des marques, en y incluant les composants symboliques, peu
d’échelles de mesure existaient alors. Seule Jennifer Aaker a présenté une méthode
fiable de mesure de la personnalité de la marque, applicable toutefois avec une
certaine précaution. Celle-ci avait pour objectif de développer un cadre théorique des
dimensions de la personnalité de la marque, et de construire une échelle de mesure
fiable, valide et généralisable aux marques. Cependant, même si cette théorie fait
toujours foi dans le domaine, certaines recherches postérieures ont montré les
limites de l’universalité de l’échelle d’Aaker et ont contesté la définition même du
concept de la personnalité de la marque, tel que l’a définit Aaker.

2.1. Les fondements de la théorie : la personnalité humaine en


psychologie

Jennifer Aaker s’est inspirée des théories sur la personnalité humaine en


psychologie pour construire le concept de la personnalité de la marque, et surtout
développer une échelle de mesure propre à la marque, en transposant les traits de
personnalité humains (notamment théorisés par le modèle « Big Five » de Goldberg
en 1990) aux marques.

2.1.1. Définition de la personnalité humaine

Azoulay et Kapferer (2003) définissent la personnalité humaine comme


l’ensemble des traits qui caractérisent la structure intellectuelle et affective d’une
personne et qui se manifestent dans ses comportements, ces derniers constituant
l’individualité de la personne. La théorie psychanalytique de Freud, qui a contribué de
manière significative à la recherche sur la personnalité humaine, nous apprend que la
personnalité doit être considérée comme quelque chose de dynamique, de cumulatif et
surtout, de durable et relativement stable dans le temps. A noter que la personnalité
humaine est une construction différente des aspects cognitifs de la personne, elle
n’intègre donc pas l’intelligence, les capacités et les connaissances de l’individu, mais
est décrite par des traits de personnalité.
La théorie des traits est cruciale car c’est elle qui a permis l’application pratique
de la théorie de la personnalité, ainsi que la construction des échelles, par
l’indentification d’un corpus de mots qui définissent la personnalité humaine. La
tradition psycholexicale en psychologie de la personnalité, soutient qu’au fil du temps
les différentes langues ont développé une liste d’adjectifs qui décrivent l’ensemble des
traits de personnalité humains (Caprara et al., 2001). La première liste exhaustive de
traits de personnalité a été publiée par Allport et Odbert en 1936, et recensait plus de
1800 traits de caractère humains. La grande majorité des théories qui ont suivi ont
essayé de prouver que dans de nombreuses langues, la plupart des adjectifs qui
12
décrivent la personnalité peuvent être regroupés, et qu’avec un nombre réduit
d’adjectifs, il est possible d’appréhender la personnalité humaine dans son ensemble
(Azoulay et Kapferer, 2003). Les théories ont ainsi convergé vers la conclusion que la
personnalité humaine peut être résumée par un plus petit nombre de facteurs, compris
entre 2 et 16 (selon les théories).

2.1.2. La mesure de la personnalité humaine

L’une de ces théories, et sans doute la plus communément admise, est l’échelle
de personnalité de Goldberg (1990, cité par Azoulay et Kapferer, 2003), appelée le
modèle « Big Five », ou encore le modèle « OCEAN ». Elle définit la personnalité
humaine à partir de cinq traits centraux de la personnalité, mis en évidence de manière
empirique, et qui résument chacun un grand nombre d’adjectifs décrivant la
personnalité :
- Ouverture : goût pour l’expérience, l’imagination, la curiosité, tolérance aux
idées nouvelles, aux nouvelles façons de faire. Cette dimension distingue les
personnes imaginatives et créatives des personnes terre-à-terre et
conventionnelles.
- Caractère consciencieux : contrôle des impulsions, autodiscipline, respect des
obligations, organisation plutôt que spontanéité.
- Extraversion : préférence pour les relations sociales et pour l’activité, émotions
positives, tendance à chercher la stimulation.
- Amabilité (ou caractère Agréable) : tendance à être compatissant et coopératif
plutôt que soupçonneux et antagonique avec les autres, désir d’harmonie
sociale.
- Neurotisme (ou stabilité émotionnelle) : capacité à faire face efficacement aux
émotions négatives comme la colère, l’inquiétude ou la dépression.

Plus récemment, Digman (1997, cité par Caprara et al., 2001), en reprenant les
travaux de Goldberg, a dégagé deux dimensions qui représentent « le plus haut
niveau hiérarchique des caractéristiques de la personnalité ». Le premier facteur
comprend des aspects de la personnalité tels que la socialisation, l’intérêt social, la
communion et l’intimité. Il regroupe donc des aspects communs aux dimensions
d’Amabilité, de Caractère consciencieux et de Stabilité émotionnelle du modèle « Big
Five ». Le deuxième facteur, lui, reprend certaines caractéristiques des dimensions
d’Extraversion et d’Ouverture puisqu’il représente les aspects de la personnalité tels
que la recherche de l’excellence, l’individualisme, l’accomplissement personnel,
l’affirmation d’un statut et la soif de pouvoir. Ces deux facteurs peuvent être
considérés comme des « méta-traits », qui n’invalident pas la structure en cinq traits
de Goldberg mais au contraire qui l’élèvent à un niveau plus élevé d’abstraction.

2.2. Jennifer Aaker, théoricienne incontournable de la personnalité


de la marque, a défini le concept et créé une échelle de mesure
spécifique

Jennifer Aaker est à l’origine d’un tournant décisif dans la recherche sur la
personnalité de la marque. Alors que jusqu’en 1997, la personnalité de la marque

13
n’était abordée que par des études spécifiques à chaque marché, elle propose une
théorie qui se veut générale et universelle, qui définit cinq dimensions de
personnalité de la marque, résumant l’ensemble des traits de personnalité humains
qu’il serait possible de transposer à la personnalité des marques.

2.2.1. Les antécédents de la personnalité de la marque : la


personnalité humaine

Jennifer Aaker définit la personnalité de la marque comme « l’ensemble des


caractéristiques humaines associées à une marque ». Elle est en effet partie d’un
parallèle entre la personnalité humaine, développée en psychologie, et la
personnalité de la marque, puisque comme l’on considère que la marque à une
personnalité, certains traits de personnalité humains sont donc transposables à la
personnalité de la marque (avec plus ou moins de pertinence). La personnalité
humaine et la personnalité de la marque se différencient quant à la manière dont
elles sont formées. D’après Park (1986, cité par Aaker, 1997), la personnalité
humaine dépend du comportement de l’individu, de ses caractéristiques physiques,
de ses attitudes, de ses croyances et de ses caractéristiques démographiques. Au
contraire, la personnalité de la marque peut être formée et influencée par tout
contact direct ou indirect avec le consommateur (Plummer, 1985, cité par Aaker,
1997). De même, les traits de personnalité des personnes associées à la marque
(les employés, la direction, les utilisateurs de la marque…) sont directement
transférés à la marque. Peuvent aussi être associés la catégorie de produit, le nom
de la marque, le symbole ou le logo, le style de la publicité, le prix et le canal de
distribution (McCracken, 1989, cité par Aaker, 1997).

2.2.2. Les fondements de la théorie d’Aaker

Aaker est partie du constat qu’il existait deux grands types d’échelle de mesure.
Les premières, les échelles ad hoc, sont composées de traits de personnalité.
Cependant ces échelles ne sont pas généralisables à toutes les marques car elles
sont souvent développées pour une étude ou un marché en particulier. Des traits
clefs peuvent donc manquer, ce qui fait douter de leur fiabilité.
Le second type d’échelle (de nature plus théorique), est basé sur les échelles de
personnalité humaine mais n’ont pas été validées de manière théorique dans le
cadre des marques. Leur fiabilité est donc également discutable.
Les insuffisances des deux types d’échelle ont donc conduit Aaker à développer
un cadre théorique concernant les dimensions de la personnalité de la marque, afin
d’identifier les différents types de personnalité de la marque. Son étude permet ainsi
de mieux comprendre les multiples façons dont la construction de la personnalité de
la marque influence les préférences des consommateurs.

Dans le cadre d’une étude cross-catégorique, Aaker s’est inspirée du « modèle


OCEAN » de Goldberg (1990), et a cherché à appliquer les traits de personnalité
humains à des marques de plusieurs secteurs d’activité. Elle a emprunté une liste
d’adjectifs établie pour des recherches marketing et psychologiques antérieures. A
partir de 309 différents traits de personnalité humains, en éliminant les redondances,
en croisant avec différentes échelles de mesure déjà existantes, puis en demandant
à des personnes de décrire la personnalité de certaines marques, Aaker est arrivée à

14
cinq dimensions de la personnalité de la marque. Afin de déterminer le degré de
fiabilité de ces traits, des tests de corrélation ont été effectués.
Ces dimensions sont la Sincérité, le Dynamisme, la Compétence, la
Sophistication et la Rudesse. Elles sont décrites chacune par plusieurs adjectifs
appelés « marqueurs ».

Dimensions de la personnalité de marque

Sincérité Excitation Compétence Sophistication Rudesse

• Réaliste • Audacieux • Fiable • Upper class • Outdoorsy


• Honnête • Fougueux • Intelligent • Charmant • Robuste…
• Sain • Créatif • Successful • Féminine…
• Joyeux… • Branché… …

(Les cinq dimensions de la personnalité de la marque - d’après Aaker, 1997)

Seulement trois dimensions de la personnalité de la marque (à savoir la Sincérité,


l’Excitation et la Compétence) sont identiques à celles de la personnalité humaine
(respectivement l’Amabilité, l’Extraversion et le caractère Consciencieux). Les deux
autres dimensions de la personnalité de la marque opèrent de manière différente : la
Sophistication et la Rudesse sont des caractéristiques recherchées par les individus
à travers la marque, tandis que la Sincérité, l’Excitation et la Compétence
représentent des traits de caractère innés chez l’individu et qui donc sont communs à
la personnalité humaine (Aaker, 1997).

2.3. Une théorie pourtant controversée

2.3.1. Une théorie qui n’est ni universelle ni généralisable

La méthode qu’a employée Aaker pour développer cette échelle s’est faite à
partir d’une confrontation entre différentes catégories de produits. Autrement dit, la
catégorie de produits était implicitement considérée comme une facette de
différenciation de la personnalité de la marque. Le cadre de la personnalité de la
marque a donc d’importantes limites car il faut tenir compte des différences entre les
personnalités des marques d’une même catégorie et notamment concernant
l’utilisation symbolique des marques. Il n’y a pas dans le travail d’Aaker de
comparaison entre les personnalités des marques à travers les catégories, qui en
cela n’apporte rien de plus que les échelles de mesure actuellement utilisées (Austin
et al., 2003).
De plus, Aaker elle-même met l’accent sur le fait que cette échelle de mesure a
été développée aux Etats-Unis et qu’elle ne prend donc pas en compte la perception
de la personnalité de la marque à travers les cultures. Il reste à savoir si les
dimensions de la personnalité de la marque peuvent être généralisées d’une culture
à l’autre. L’échelle de mesure de la personnalité humaine elle, est valable d’une

15
culture à l’autre. Cependant, l’utilisation symbolique des marques diffère
considérablement à travers les cultures. Par exemple, comme souligné
précédemment, dans les cultures individualistes où l’indépendance et l’autonomie
prévalent, les consommateurs utilisent davantage les marques pour exprimer leur
différence avec les autres personnes de leur groupe d’appartenance. Au contraire,
dans les cultures collectivistes, où l’interdépendance, la conformité et la similarité
prévalent, les consommateurs utilisent plutôt les marques pour exprimer leur
similitude avec les autres membres de leur groupe. Ainsi, l’usage symbolique des
marques est stable d’une culture à l’autre tandis que la nature de la symbolique et de
la signification personnelle de la marque diffèrent énormément (Aaker, 1997).
La théorie d’Aaker est donc très controversée dans la mesure où elle ne peut
s’appliquer à toutes les situations. En effet, l’échelle initiale d’Aaker n’est pas
parfaitement stable sur un plan interculturel. Certains marqueurs des dimensions de
la personnalité comme « Western » ne sont a priori pas pertinents dans le contexte
français (Koebel et Ladwein, 1999, cités par Gouteron, 2006).

2.3.2. Les fondements de la théorie seraient biaisés ce qui


rendrait invalide la théorie d’Aaker

La plupart des études se sont consacrées à déterminer la validité externe de


l’échelle de mesure de la personnalité de la marque d’Aaker : les chercheurs ont
essayé de reproduire les cinq mêmes dimensions dans d’autres cultures et pour
d’autres marchés, parfois sans succès. Une autre critique sévère quant à la validité
de l’échelle, a été formulée par Azoulay et Kapferer (2003), et concerne les
fondements mêmes de la théorie, c’est-à-dire la validité de la construction du
concept. Cette échelle ne mesurerait en fait pas la personnalité de la marque, mais
combinerait un certain nombre de dimensions de l’identité de la marque, dont la
personnalité ne serait qu’une facette. L’identité de la marque est un concept
beaucoup plus large, qui correspond à ce que la marque revendique et implique. Elle
repose sur quatre piliers fondamentaux : le produit, l’organisation (la réputation du
fabricant, l’histoire, l’origine géographique), la personnalité et les symboles.
La théorie serait donc biaisée par une confusion conceptuelle, venant d’une
mauvaise définition de la personnalité de la marque : Aaker, dans son processus de
construction de l’échelle, définit la personnalité de la marque non pas comme une
partie mais comme un tout : « l’ensemble des caractéristiques humaines associées à
la marque ». Or cette définition est assez imprécise, et beaucoup trop large, car en
définissant la personnalité de la marque comme tout ce qui est relié à l’être humain
et qui peut être appliqué aux marques, elle intègre des concepts qui vont au-delà de
la personnalité de la marque, comme les capacités intellectuelles, le sexe, et la
classe sociale, qui ne font pas partie de la définition de la personnalité humaine en
psychologie. Par exemple, certains traits de personnalité dans la dimension
« Compétence » font référence aux savoir-faire et aux capacités des individus
(exemple, « l’intelligence »), or les compétences et les capacités cognitives sont
exclues de la définition de la personnalité humaine comme nous l’avons vu
précédemment. De même, dans la dimension « Sophistication », certains adjectifs
liés au sexe (« féminine ») et à la classe sociale (« upper class »), confondent la
personnalité de la marque (propre au produit) avec celle du possesseur du produit,
c’est-à-dire la cible.
Toute la théorie d’Aaker serait donc implicitement basée sur une définition
erronée, qui invalide la construction de l’échelle de mesure. Azoulay et Kapferer
16
concluent en disant qu’il aurait été plus précis de rester plus près de la définition du
concept de la personnalité en psychologie, et proposent une définition plus stricte de
la personnalité de la marque : « l’ensemble des traits de personnalité humains qui
sont à la fois applicables et pertinents pour les marques ».

Alors que la théorie de la personnalité de la marque rencontre de sérieuses


limites, et nécessiterait des recherches additionnelles afin d’être totalement fiable,
universelle et généralisable, l’application managériale en marketing fait aussi face à
de nombreuses difficultés du fait de l’instabilité de la personnalité de la marque.

3. La personnalité de la marque est difficile à mettre en œuvre


car c’est un concept mouvant et instable dépendant de
plusieurs facteurs
Si la recherche marketing n’a pas été très prolixe sur l’application de la
personnalité de la marque en management, c’est que la pratique rencontre de
nombreuses difficultés. Il est en effet difficile de théoriser la construction et l’entretien
d’une personnalité de marque, car cette activité clef du marketing est soumise à de
nombreux facteurs à prendre en compte, qui font que la personnalité de la marque
se gère au quotidien au cas par cas dans les services marketing. La catégorie de
produit, le contexte dans lequel se trouvent la marque et son possesseur, ainsi que
le type de marque, influencent de manière importante le degré de perception et le
type de personnalité de la marque.

3.1. La catégorie de produit joue un rôle prépondérant dans le degré


de personnalité de la marque

La personnalité de la marque est plus ou moins perçue par les consommateurs


(et de même plus ou moins construite de manière intentionnelle par les marketers)
selon les catégories de produit : les consommateurs associent d’avantage des
caractéristiques humaines à certains types de produit qu’à d’autres.

Par exemple, il existe une différence de perception de la personnalité des


marques entre les produits tangibles et les produits non tangibles. La personnalité de
la marque existe pour les produits tangibles comme les shampoings, le café, la bière,
les sodas, les réfrigérateurs et les appareils photos, par exemple. Mais la
personnalité de la marque n’est pas un phénomène limité aux produits tangibles, au
contraire elle est plus forte dans l’esprit du consommateur pour les produits non
tangibles, c’est-à-dire les services, comme les restaurants, les services de livraison,
les compagnies aériennes… (Freling et Forbes, 2005).
Il existe également une différence entre les produits « proches » et les produits
« éloignés » du consommateur. La personnalité de la marque est d’autant plus
importante lorsque le produit est proche de l’utilisateur, qu’il le consomme, le porte
ou a un contact quotidien avec lui car il a plus tendance à lui donner une nature
humaine. Cela rejoint la théorie de l’anthropomorphisme qui explique que les
individus, pour se rassurer et réduire le risque, ont besoin de développer des
relations « humanisées » avec les choses qui les entourent, et donc prêtent plus
17
facilement une personnalité à ces marques qui leur sont « proches » (Freling et
Forbes, 2005).
De même, les produits « expérientiels » et les produits « de recherche » ont un
degré de personnalité différent. Un produit « expérientiel » est un produit que les
consommateurs peuvent évaluer entièrement avant leur achat (par exemple une
marque technologique dont les caractéristiques du produit peuvent être facilement
évaluées). Un produit « de recherche » est un produit caractérisé par une expérience
ou une croyance, c’est-à-dire un produit pouvant seulement être évalué après l’achat
(par exemple, un parfum). Ainsi, une personnalité forte et favorable aura moins
d’impact sur les préférences du consommateur pour des produits caractérisés
principalement par des attributs de « recherche » (et aura au contraire beaucoup
plus d’impact sur le consommateur pour les produits « expérientiels »). En effet,
comme le consommateur ne peut pas se fier aux caractéristiques techniques du
produit en amont de l’achat, il se fie à la personnalité de la marque pour son choix
(Freling et Forbes, 2005).
La personnalité de la marque peut aussi être perçue différemment selon le type
de produit, que celui-ci soit symbolique ou utilitaire. Les produits symboliques sont
surtout consommés pour des raisons affectives et de gratification, ou pour
l’amusement. Ils permettent aux consommateurs d’exprimer leur soi actuel et idéal.
Au contraire, les produits utilitaires sont consommés pour des raisons plus
rationnelles, dans la mesure où ils fournissent des bénéfices plus cognitifs. Ce sont
les attributs tangibles que possède le produit utilitaire qui vont être déterminants
dans l’achat de celui-ci. Comme les produits symboliques sont surtout consommés
pour des raisons affectives et d’expression de soi, ils sont plus perçus comme
« sophistiqués » par rapport aux produits utilitaires. Et comme les produits
symboliques sont aussi consommés pour le divertissement et l’amusement, ils sont
plus perçus comme « excitant » par rapport aux produits utilitaires, alors que les
produits utilitaires sont plus perçus comme « sincères » et « compétents » par
rapport aux produits symboliques (Hoon Ang et Ching Lim, 2006).

3.2. Le contexte dans lequel se trouve la marque modifie la


perception de la personnalité de la marque

Selon le contexte culturel ou « situationnel » qui définit la marque, la perception


de la personnalité de la marque va varier. Les différences culturelles apportent en
effet un regard subjectif et non universel sur la personnalité d’une marque donnée, et
l’environnement qui entoure la marque va agir comme un modérateur ou au contraire
un amplificateur sur les traits de personnalité de la marque.

3.2.1. Le contexte culturel rend difficiles les comparaisons de


la personnalité de la marque à travers les cultures

D’après Sung et Tinkham (2005), les valeurs et les besoins culturels sont
importants dans la façon dont est perçue la personnalité de la marque. Comme les
cultures sont assez différentes de par leurs valeurs et leurs besoins (exemple les
cultures asiatiques de l’Est par rapport aux cultures occidentales), elles sont
également aptes à exposer des différences spécifiques dans la personnalité des
marques. La culture a longtemps été identifiée comme une caractéristique
environnementale qui influence le comportement des consommateurs, et beaucoup

18
d’aspects de la culture affectent différemment les besoins des consommateurs. Dans
les cultures occidentales, les gens recherchent l’autonomie, l’indépendance,
l’intimité, le besoin individuel. Ils préfèrent se concentrer sur les conséquences
positives de leurs actions et sur leurs propres sentiments ou buts, et ils croient à
l’hédonisme ainsi qu’à la compétition. On est ici réellement dans un cadre
d’individualisme. Au contraire, les cultures asiatiques de l’Est recherchent plus la
dépendance émotionnelle, l’harmonie de groupe, la cohésion, la coopération et ils
prônent le collectivisme avant l’individualisme. Leurs attitudes reflètent
l’interdépendance, la sociabilité et l’intégrité familiale. Les consommateurs ont donc
des différences et des similitudes dans les traits de personnalité qu’ils attribuent aux
marques selon leur culture.
Comme nous l’avons vu précédemment, le modèle d’Aaker explique seulement la
façon dont les consommateurs américains perçoivent les marques à travers les
différentes catégories de produits ou services. Elle a ainsi approfondit son étude en
2001 (Sung et Tinkham, 2005), en comparant les différences culturelles de trois pays
(les Etats-Unis, le Japon et l’Espagne). Elle a analysé la façon dont les attributs
symboliques et expressifs associés à la personnalité de la marque sont structurés,
ainsi que leurs variations à travers ces trois cultures. Il s’avère qu’il existe des
dimensions de la personnalité de la marque qui sont partagées par exemple par le
Japon et les Etats-Unis, telles que l’ « Excitation » ou la « Rudesse », qui portent des
significations plus culturelles. Aaker a aussi noté que les attributs utilitaires de la
personnalité de la marque limitent l’importance des significations culturelles. Au
contraire, les symboles associés à la personnalité de la marque tendent à varier
selon le degré des besoins individuels, les points de vue et la socialisation, donc
varient selon les cultures. De plus, les différences culturelles influencent les
variations dans les stratégies et les tactiques utilisées sur le marché par les marques
(McCracken, 1986, cité par Sung et Tinkham, 2005). Cela suggère que les
différences culturelles jouent un rôle dans la façon dont sont perçues les marques en
général, même si celles-ci ont une stratégie marketing standardisée. Néanmoins,
lorsque les stratégies marketing utilisées pour une personnalité de la marque sont
adaptées aux caractéristiques de chaque culture, les différences dans la façon dont
sont perçues les personnalités des marques sont d’autant plus évidentes (Sung et
Tinkham, 2005).
Pour illustrer ces propos, prenons l’exemple de deux cultures bien distinctes, les
Etats-Unis et la Corée. Lorsque l’on évalue des marques sur les mêmes attributs de
personnalité aux Etats Unis et en Corée, il en ressort six dimensions de personnalité
de la marque communes et deux facteurs spécifiques à chacune des cultures. Les
deux facteurs spécifiques en Corée, étant la « Sympathie » et l’ « Ascendance », qui
révèlent l’importance du Confucianisme dans le système économique et social
coréen. Quant aux deux facteurs spécifiques à la culture américaine, qui sont le
« Col blanc » et l’ « Androgénie », ils suggèrent des valeurs culturelles variables
selon le statut social et le genre. Ainsi, il existe des dimensions de la personnalité de
la marque spécifiques à chaque culture, qui rendent la perception de la marque
subjective et non universelle (Sung et Tinkham, 2005).

19
3.2.2. La perception de la personnalité de la marque varie
selon le contexte situationnel dans lequel se trouve la
marque

Fennis et Pruyn (2007) ont récemment mis en évidence l’impact du contexte


situationnel sur la perception de la personnalité de la marque. Le contexte
situationnel revêt deux dimensions, d’une part l’environnement physique dans lequel
se trouve la marque, et d’autre part un facteur temps, c’est-à-dire le temps disponible
pour évaluer la personnalité de la marque. Cette influence du contexte situationnel
se manifeste à travers l’impact de la personnalité de la marque sur la personnalité du
possesseur, lorsque le contexte situationnel varie (la théorie de la formation de
l’impression).

Fennis et Pruyn ont tout d’abord montré que la perception de la personnalité de la


marque est plus forte quand le contexte situationnel de la marque et de son
possesseur est en accord avec l’association clef que la marque évoque. Le contexte
situationnel agit comme un amplificateur (ou un modérateur) sur la perception des
traits de personnalité de la marque (et donc du propriétaire). La marque est
considérée comme un indicateur valable des traits de personnalité du propriétaire
quand la situation dans laquelle se trouve le propriétaire n’est pas en contradiction
avec l’association que suggère la marque. Inversement, l’impact de la personnalité
de la marque est beaucoup moins important (mais pas entièrement atténué) quand il
y a une inadéquation claire entre la marque et l’environnement. Fennis et Pruyn
donnent un exemple, extrait de leur étude : lorsqu’un individu porte un pull avec un
logo « Hugo Boss » et qu’il est situé sur un terrain de golf (un contexte situationnel
cohérent) alors, la marque, perçue comme « compétente » (au sens d’Aaker), le sera
d’autant plus que le terrain de golf renvoie une telle image. Par conséquent, l’individu
qui porte le pull sera lui aussi perçu par analogie comme « compétent ». En règle
générale, le golf est pratiqué par des personnes d’une classe sociale élevée. La
notion de Compétence de la marque décrit des associations qui englobent mieux le
golf, par exemple, que le camping. L’individu portant le pull s’était trouvé dans un
camping, la personnalité de la marque, confrontée à un contexte incohérent, aurait
perdu de sa force, et l’individu aurait été perçu comme moins « compétent ».
L’environnement de la marque a donc un effet amplificateur ou réducteur sur la
perception de la personnalité de la marque (et donc de celle de l’individu qui la
possède).

Mais le contexte situationnel de la marque n’est pas uniquement constitué de


l’environnement dans lequel se situe la marque, il faut également y ajouter un facteur
temps. En effet, toujours d’après Fennis et Pruyn (2007), cette interaction entre
l’environnement et la personnalité de la marque implique que celui qui observe la
marque (et son possesseur) doit intégrer avec précision les différentes sources
d’information afin d’en déduire quelque chose à propos de la personnalité de la
marque (et donc celle de la cible). Selon le modèle, cela nécessite un certain effort
mental ainsi qu’une attention consciente. L’impact du contexte situationnel est plus
important lorsque les participants ont beaucoup de temps pour évaluer. Au contraire,
lorsque les sujets sont contraints par un temps fixé dans lequel ils doivent émettre un
jugement, la personnalité de la marque l’emporte sur le contexte situationnel.
Autrement dit plus le temps est limité, plus on a recours à la personnalité de la
marque pour émettre un jugement. Ainsi, la perception de la personnalité de la

20
marque peut varier d’un consommateur à l’autre s’ils ne disposent pas du même
temps. La personnalité de la marque ne sera donc pas tout à fait la même pour eux,
et le concept de la personnalité de la marque est une fois de plus très instable.

3.3. Le type de marque influence la personnalité de la marque

La personnalité de la marque peut varier selon la marque, autrement dit certains


traits de personnalité n’ont pas la même signification en fonction des marques, et de
même, la nature des marques a une incidence sur le type de personnalité
correspondant, à savoir qu’une marque « produit » n’a pas la même personnalité
qu’une marque « corporate ».

3.3.1. Des adjectifs définissant les traits de personnalité qui


ont une signification différente d’une marque à l’autre

Aaker (1997) souligne le fait que la meilleure façon de combiner les adjectifs qui
décrivent la personnalité de la marque n’a pas encore été trouvée. La question se
pose notamment de savoir si les mêmes adjectifs peuvent être appliqués à toutes les
marques, autrement dit s’ils ont la même signification selon les marques qu’ils
décrivent. Caprara et al. (2001) indiquent tout d’abord que les mêmes adjectifs
peuvent caractériser plusieurs dimensions de la personnalité (au sens d’Aaker),
lorsque l’on compare les descriptions des personnalités des différentes marques.
Plusieurs marqueurs comme « énergique », « consciencieuse », « stable », et
« créative » peuvent être attribués à une dimension ou à une autre en fonction des
marques qu’ils décrivent. Cela vient du fait que la signification d’un adjectif varie
selon le concept auquel l’adjectif fait référence. Un même adjectif peut donc être
employé pour décrire deux concepts différents pour deux marques différentes. Il
s’agit de « l’interaction marque-adjectif ». Ce changement sémantique des adjectifs
vient du fait que les adjectifs ont soit une signification « contextuelle », soit
« relationnelle » : ils ont des sens différents lorsqu’ils passent d’une dimension à une
autre, en fonction de la marque.
Si le sens d’un adjectif varie d’une marque à l’autre, il devient très difficile de
comparer les personnalités des marques entre elles et d’établir la réelle perception
de la personnalité de la marque par le consommateur. La sémantique des adjectifs
étant variable selon le concept auquel on fait référence, il est possible que deux
consommateurs décrivent une marque par le même adjectif alors qu’ils pensent à
deux dimensions différentes de la personnalité. La personnalité de la marque est
donc ici encore un concept instable dans le sens où les adjectifs qui la décrivent ne
sont pas fermement établis comme communs à toutes les marques.

3.3.2. Des types de marque différents à l’origine de


personnalités de marques différentes : personnalité de
marque « corporate » vs personnalité de marque
« produit »

D’après Keller et Richey (2006), dans le passé la personnalité de la marque a été


étudiée seulement au niveau du produit (cf. Aaker) or, les marchés sont en
perpétuelle évolution, et aujourd’hui, ce qui assure le succès d’une entreprise n’est

21
plus seulement ce qu’elle offre (produits ou services) mais ce qu’elle est (sa culture
d’entreprise). La personnalité de marque « corporate » définit ce que l’entreprise est
et l’image qu’elle donne aux consommateurs. Bien que le concept de personnalité de
marque soit aussi important pour les marques « produit » que pour les marques
« corporate », la façon dont le concept de personnalité de la marque devrait
s’appliquer est différente. La personnalité de la marque « corporate » peut contenir
un éventail d’associations plus large par rapport à la personnalité de la marque
« produit ». En effet, une personnalité de marque « corporate » va s’appuyer sur des
associations fondées à partir des relations entre les employés, les valeurs ainsi que
la crédibilité de l’entreprise, tout comme elle se fera aussi à partir de ses produits et
de leurs attributs et bénéfices. Ainsi, les marques « corporate » ont un ensemble de
traits de personnalité plus variés et sont composées différemment que leur marque
« produit ». Par nature, une marque « produit » est définie par ce qu’elle fait et
représente, alors qu’une marque « corporate » est plus définie par ce qu’elle est que
par ce qu’elle fait. Par exemple, une entreprise qui a pour valeur fondamentale le
respect de l’environnement, sera alors perçue comme « responsable » et « attentive
à l’environnement ». En résumé, les traits de personnalité de la marque « corporate »
sont beaucoup plus variés que les cinq dimensions de la personnalité de la marque
« produit ».
En effet, pour qu’une entreprise soit compétitive elle doit regrouper les trois
dimensions suivantes : le cœur, l’esprit et le corps. Ces dimensions reflètent trois
fondements de traits de personnalité bien distincts de la marque « corporate », qui
peuvent guider les employés dans l’organisation et influencer la perception de
l’entreprise par les autres. A ces trois dimensions de base s’ajoutent deux traits pour
chacune d’entre elles, cruciales pour la place de l’entreprise sur le marché :
- « passionnée » et « compatissante » (le cœur) : l’entreprise doit être
passionnée de servir ses clients et d’être en concurrence sur le marché, et
doit avoir de la compassion pour ses employés, ses actionnaires, et les
membres des communautés dans lesquelles elle agit.
- « créative » et « disciplinée » (l’esprit) : une entreprise doit être créative dans
sa façon de servir les clients et doit être compétitive sur le marché tout en
adoptant une approche disciplinée qui assure des actions appropriées à
travers l’organisation.
- « agile » et « coopérative » (le corps) : l’entreprise doit être agile pour suivre
les changements du marché et faire preuve d’une approche collaborative qui
assure des buts communs à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.

Ainsi, il apparaît que le concept de la personnalité de la marque est soumis à


l’influence de plusieurs facteurs qui modifient la signification ou l’interprétation de la
personnalité de la marque par les individus.

22
Conclusion

Aujourd’hui, les marchés sont de plus en plus mouvants et concurrencés. Les


consommateurs ne savent plus comment choisir ou différencier une marque d’une
autre. Désormais, la décision d’achat du consommateur ne se fait plus seulement sur
la base des bénéfices et de l’utilité du produit, elle prend aussi en compte son aspect
symbolique. Par ailleurs, les êtres humains ont naturellement tendance à
l’anthropomorphisme, ce qui conduit les consommateurs à prêter aux produits des
caractéristiques humaines, et à s’identifier à travers la consommation des marques
qu’ils possèdent. Par leur intermédiaire ils essaient d’exprimer leur personnalité
réelle ou celle qu’ils désirent afficher. C’est à travers ce transfert de symboles entre
la marque et le consommateur, que celui-ci prête une personnalité à la marque.
Pour répondre à ce besoin des consommateurs, mais aussi pour les attirer et
faire face à la concurrence, les marketeurs jouent depuis plusieurs années sur la
personnalité de la marque. Ils y trouvent le moyen de différencier leur marque (donc
leurs produits). Pour ce faire, ils utilisent des actions commerciales telles que la
publicité, le packaging, le sponsoring, ou les relations publiques.
Cependant, la personnalité de la marque n’a suscité l’intérêt des chercheurs que
tardivement. Ainsi, pour travailler ce concept les managers ne disposaient d’aucune
méthode de mesure globale, fiable et efficace pour identifier précisément la
personnalité de la marque. Ce n’est qu’en 1997, que Jennifer Aaker va proposer une
échelle de mesure de la personnalité de la marque qui se veut à la fois valide et
généralisable à l’ensemble des marques. J. Aaker définit la marque comme
« l’ensemble des caractéristiques humaines associées à une marque ». Elle est
partie d’un parallèle entre la personnalité humaine, développée en psychologie, et la
personnalité de la marque. Puisque l’on considère que la marque a une personnalité,
certains traits de personnalité humains sont donc transposables à la personnalité de
la marque (avec plus ou moins de pertinence). Son étude lui a permis de construire
une échelle de mesure de la personnalité de la marque, comprenant cinq grandes
dimensions, à savoir la « Sincérité », « l’Excitation », la « Compétence », la
« Sophistication » et la « Rudesse ». Il s’agit de la première et pour l’instant unique
échelle de mesure de la personnalité de la marque.
Néanmoins, cette théorie est très controversée et rencontre beaucoup de limites
quant à sa validité et son universalité. En effet, elle est déjà remise en cause dans
son fondement même, dans la mesure où Aaker a pris en compte non pas la
personnalité de la marque, mais l’identité de la marque, concept beaucoup plus
large. De plus, les cinq dimensions qu’elle propose ne sont pas applicables à toutes
les cultures. Elle s’est contentée de fonder sa théorie par rapport au marché
américain, sans tenir compte des différences culturelles. A partir de là, cette théorie
n’est pas généralisable et reste très limitée.
La personnalité de la marque est un concept subjectif qu’il est difficile de
généraliser. A partir de ce constat, il devient compliqué, voire impossible, de
construire une véritable théorie fiable, efficace et surtout généralisable. Beaucoup de
facteurs rentrent en compte dans la personnalité de la marque, et rendent ce concept
mouvant et instable. En effet, d’une part, les produits ont une influence sur la
personnalité de la marque. Selon les catégories de produits, les consommateurs
prêtent plus ou moins une personnalité à la marque, ce qui rend l’existence d’une
réelle personnalité de la marque discutable dans certains cas. D’autre part, le
contexte lié à la marque, qu’il soit situationnel ou culturel, a également une influence
sur la personnalité de celle-ci. Les individus ont différents comportements et valeurs

23
qui orientent leurs choix et leur vision des choses. Ainsi, les individus peuvent
interpréter une personnalité de marque de façon différente. Enfin, il faut aussi noter
qu’il existe des différences dans le fondement d’une personnalité d’une marque à
l’autre. En effet, par exemple, les adjectifs caractérisant la personnalité de la marque
peuvent avoir des significations différentes d’une marque à une autre. Il faut aussi
différencier certains types de marque, comme les marques « produit » et les
marques « corporate ». Ces deux types de marques ont une personnalité qui se
forme différemment, car plusieurs éléments rentrent dans la formation de celle-ci.
Ces faits nous donnent à penser que la personnalité de la marque est un concept
très subjectif qu’il est difficile de généraliser.
Il apparaît donc, d’après nos recherches, que la personnalité de la marque existe
et est reconnue par les consommateurs autant que par les professionnels, mais qu’il
s’agit d’un concept subjectif et instable, difficilement généralisable.

Certaines pistes de recherches doivent donc être explorées plus en profondeur


afin de mieux cerner le concept de personnalité de la marque. Tout d’abord, il
apparaît qu’une étude généralisable est impossible à construire car trop de facteurs
diffèrent selon les marchés et rendent subjectif la personnalité de la marque.
Toutefois il pourrait être intéressant de reprendre l’étude d’Aaker en repartant de la
définition stricte de la personnalité de la marque et en supprimant les éléments
d’analyse trop axés sur la culture américaine pour créer des dimensions plus
généralisables à l’ensemble des cultures.
Mieux comprise et mieux mesurée, la personnalité de la marque pourrait devenir
un concept encore plus structurant pour les services marketing. La poursuite des
recherches autour des développements concrets d’une personnalité de marque
apparaît donc comme un axe de travail incontournable pour mieux appréhender ce
concept et permettre aux responsables opérationnels de disposer à terme de
véritables outils utilisables dans le management de la marque.

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Références bibilographiques

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