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Alain Baudrit
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dit-il, à partir du moment où des personnes de même niveau cognitif, dont les statuts
sont équivalents, sont capables de travailler ensemble dans un but commun. Cette situa-
tion est ensuite considérée comme interactive si ces personnes communiquent de façon
soutenue, argumentent, voire s’opposent en évitant toutefois d’imposer leurs points de
vue. L’accent est donc mis sur l’échange entre égaux, sur la justification des idées émises
par les uns et les autres au sein du groupe. Certains auteurs vont plus loin en ne consi-
dérant pas l’A Coll comme une simple technique, comme un moyen parmi d’autres de
solliciter l’activité collective. Pour T. Panitz, il s’agit surtout «d’une façon de mettre en
relation des personnes qui respecte et met en valeur les habiletés et contributions des
membres du groupe»2. Dans ces conditions, l’A Coll présente l’intérêt de rapprocher les
personnes, de les responsabiliser et, ce faisant, il devrait contribuer à l’émergence d’un
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façon de penser, leur manière de voir les choses. Mais, toujours selon la conception piagé-
tienne, ces bénéfices cognitifs autorisés par le travail en groupes ne sont pas les seuls. Des
bénéfices sociaux sont également escomptés particulièrement au niveau des habiletés à
communiquer ou à partager des idées (DAMON, 1984, p. 333). Outre-Atlantique, plusieurs
chercheurs vont s’inscrire dans cette mouvance au travers d’études portant sur des activités
de raisonnement ou sur l’acquisition des notions de conservation chez les enfants
(SILVERMAN & GEIRINGER, 1973; MURRAY, 1974; BOTVIN & MURRAY, 1975; MILLER &
BROWNELL, 1975; BEARISON, MAGZAMEN & FILARDO, 1986).
D’un autre côté, la perspective vygotskienne (VYGOTSKI, 1962, 1978) n’est pas
étrangère à cette affaire. L’A Coll puise certaines de ses sources dans la psychologie sovié-
tique et chez des continuateurs américains de Vygotski comme Wertsch (1981) ou
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d’exigences : «Les élèves sont moins préparés aux habiletés et rôles inhérents aux groupes
et ils font moins état d’une réflexion structurée sur les interactions en groupes»18. Initier
les élèves au travail collectif, organiser l’activité à plusieurs; voilà qui semble caractériser
l’A Coop. Laisser les élèves s’organiser librement, ne pas les préparer particulièrement à
l’activité collective; telle paraît être une stratégie propre à l’A Coll.
Il faut dire que la notion de groupe structuré revient assez souvent dans la litté-
rature scientifique consacrée à l’A Coop. Deux sens peuvent être identifiés. Le premier
concerne l’activité préparatoire, tout ce qui contribue à éveiller «le sens des autres»
(GILLIES & ASHMAN, 1996). À cette occasion les élèves sont sensibilisés à l’entraide,
incités à travailler ensemble et, le cas échéant, invités à échanger des informations ou
explications relatives aux tâches à réaliser. Parfois encore, ils se répartissent préalable-
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sur un projet commun. Ce qui devrait être à l’origine de rapports de réciprocité assez
étroits au sein des groupes. Une technique d’A Coop illustre tout à fait cela, il s’agit
de la méthode Jigsaw (ARONSON, BLANEY, STEPHAN, SIKES & SNAPP, 1978). Ici le
fonctionnement groupal est assimilé au principe du puzzle. Par exemple, une unité
d’enseignement est divisée en autant de parties qu’il y a d’élèves dans le groupe.
Chacun se voit donc attribuer une partie qu’il doit étudier pour, ensuite, l’enseigner
à ses camarades. De la sorte, les apports respectifs des différents membres du groupe
permettent d’étudier l’unité d’enseignement de façon relativement exhaustive. Mais
qui dit interdépendance dit également responsabilisation dans la mesure où chacun
a une part de travail à assumer. Toute défaillance individuelle a immanquablement des
conséquences au niveau collectif (JOHNSON & JOHNSON, 1980). Telles sont les princi-
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l’existence de biais n’est pas impossible en pareille circonstance. N’est-ce pas l’occa-
sion pour les élèves de bon niveau d’asseoir une certaine suprématie? De faire le travail
à la place des autres? Sans compter que les élèves de milieux sociaux défavorisés ou
appartenant à des minorités ethniques peuvent être marginalisés à l’intérieur de ces
groupes (COHEN, 1986, 1994). Il y a bien lieu de dénoncer de tels travers.
Ainsi, l’A Coop et l’A Coll ne paraissent pas dénués d’inconvénients. Ils ont certai-
nement des défauts respectifs qu’il convient de pointer à côté des avantages autorisés
par ces deux méthodes pédagogiques. D’ailleurs, c’est peut-être dans la balance points
forts/points faibles que se joue le choix de l’une ou de l’autre quand il s’agit de mettre
en place du travail en groupes à l’école.
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s’impliquer dans les groupes coopératifs. Mais la composition de ces derniers répond
aussi au principe d’hétérogénéité. Les élèves en coprésence appartiennent à des milieux
sociaux distincts, leurs origines ethniques ou culturelles ne sont pas obligatoirement
les mêmes et, surtout, leurs niveaux scolaires diffèrent notablement. Des relations
d’autorité au sein de tels groupes ne sont pas impensables. Nous avons déjà vu là une
des principales failles de l’A. Coop (BAUDRIT, 2005). Comment des élèves faibles
pourraient-ils faire jeu égal avec des camarades nettement plus avancés dans les appren-
tissages? Comment les seconds ne bénéficieraient-ils pas d’un certain ascendant sur
les premiers? Une nouvelle fois, des problèmes relatifs à l’égalité des statuts entre
élèves apparaissent. Ils sont toutefois de natures différentes dans les deux cas.
D’un côté, le flou de l’autonomie inhérente à l’A Coll peut amener les élèves à
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En fait, ce tableau met en évidence des traits qu’un regard plus ou moins distant
permet difficilement de distinguer. À plusieurs reprises, n’avons-nous pas aussi parlé
de points communs entre ces deux méthodes? Les apparences peuvent être trompeuses.
Dans l’un et l’autre cas, il y a bien des élèves regroupés, animés par des projets
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comme égaux dans le sens où les personnes participent à la collectivité autant qu’elles
le peuvent en termes de travail, et elles reçoivent de la collectivité ce dont elles ont
besoin»25. Ces principes n’épargneront pas le système éducatif israélien où le groupe
est considéré comme une communauté d’élèves, dont la vocation est d’être un lieu de
discussions et de débats (ELBOIM-DROR, 1986). Nous sommes loin des conceptions
américaines de l’A Coop qui voient dans le groupe une organisation structurée, plus
ou moins contrôlée par l’enseignant, avec des rôles bien spécifiques attribués aux
élèves. Sans compter que, parfois aussi, les groupes peuvent être mis en concurrence
par le biais d’un système de récompenses.
La thèse de la propagation d’une méthode américaine n’est donc pas crédible dans
le cas qui nous intéresse. D’ailleurs, la terminologie de l’apprentissage collaboratif
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être un obstacle à l’association, à la mise en commun des points de vue. Une analyse
plus poussée de cette collaboration nous a permis de constater des progrès, côté
américain comme côté israélien, dans les manières de mettre en œuvre l’A Coop dans
les écoles (BAUDRIT, 2005). Ce qui validerait l’existence de liens de complémenta-
rité entre l’A Coop et l’A Coll, puisque ce dernier s’apparente fortement à la version
israélienne de l’A Coop. Il semble donc qu’il y ait des enjeux que le seul compara-
tisme classique ne permet pas d’appréhender. Un stade est à franchir au sens où le
comparatisme en éducation est de plus en plus confronté à «la complexité de ses
objets d’études» (SCHRIEWER, 2003, p. 47). Alors, il est peut-être possible de parler
de comparatisme critique à partir du moment où le chercheur ne se contente plus
d’appréhender l’A Coop et l’A Coll dans ce qu’ils montrent, au regard de leurs
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Bibliographie
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Cooperative/Collaborative Learning:
from conventional to critical comparative study
Abstract: Collective activity in class that is understood within our pedagogies of groups,
cooperative and collaborative learning may be understood at several levels. These
include the roles taken by pupils; interactions and exchanges between pupils; teachers’
control over groups; expected learning; giving responsibility to pupils. These factors
are revealed by conventional comparative studies. More focussed investigations enable
the identification of different scientific and socio-cultural origins.
Furthermore, the complementary aspects of these two pedagogic methods are revealed
by an unpublished study of an Israeli-American scientific collaboration. Despite
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