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Christiane Alberti
2016/1 N° 92 | pages 22 à 26
ISSN 2258-8051
ISBN 9782905040954
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2016-1-page-22.htm
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© L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168)
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1. Lacan J., Le Séminaire, livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981, p. 152 : « Ce n’est pas simplement parce que nous
ignorons trop la vie du sujet que nous ne pouvons lui répondre s’il vaut mieux se marier ou ne pas se marier dans
telle circonstance, et que nous serons, si nous sommes honnêtes, portés à la réserve – c’est parce que la signification
même du mariage est pour chacun de nous une question qui reste ouverte, et ouverte de telle sorte que, quant à
son application à chaque cas particulier, nous ne nous sentons pas en mesure de répondre lorsque nous sommes
appelés comme directeur de conscience. »
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couple recelait à l’évidence une raison insondable, un sans pourquoi, une jouissance
obscure non questionnée. Faire couple va donc plus loin que l’amour, et c’est pourquoi
ces journées d’étude s’attachent au fondement du couple, au-delà de l’amour et du désir.
Il n’est pas nécessaire d’aimer ou de désirer pour s’apparier : on peut faire couple autour
d’une cause, d’un objet commun, de la jalousie, et aussi bien dans la séparation.
Le couple est d’actualité comme jamais. Pour quelles raisons ? Les identifications qui
traditionnellement nous venaient de la famille sont brouillées, voire obsolètes. L’idéal
du conjugo s’étiole, au point de s’en remettre tendanciellement au pouvoir de l’image
silencieuse, telle cette marque de vêtements qui affiche sur de grands espaces publici-
taires la pose de couples ordinaires. En témoigne également la vogue actuelle du Just
divorced, dont notre blog s’est fait l’écho2, où l’on célèbre gaiement l’événement par un
selfie souriant. Ne s’agit-il pas de fixer dans l’image le fait que ce couple a bien existé, et
même qu’il existe tout court ?
Notre civilisation est celle du règne du consommer sans désirer, celle du primat de la
jouissance hors norme et impérative : un jouir tout le temps et à tout prix, qui nous isole
et nous assigne à nous-mêmes. Cet état de la civilisation gagne et nous pousse précisé-
ment à faire couple, à œuvrer pour se lier à l’Autre, c’est-à-dire à façonner un type de lien
plus ou moins problématique, car pour les êtres parlants que nous sommes, ce lien est
réellement vital. Faire couple nous arrache à nous-mêmes : ce mouvement vers l’Autre a
valeur de cause pour notre vie. En somme, la question du lien social n’étant plus réglée
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2. http://www.fairecouple.fr/just-divorced-par-herve-damase/
3. Miller J.-A., « La théorie du partenaire, les effets de la sexuation dans le monde », Quarto n° 77, juillet 2002.
La Cause du désir no 92 23
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Mais, au-delà de cette fascination, autre chose que l’illusion romantique du couple
parfait vaut réellement. Autre chose nous oriente vers l’autre dans ce qu’il a de plus réel.
C’est ce que Lacan a nommé objet a : « en lui, mon partenaire, il y a plus que lui »,
parfois trois fois rien, un regard, une voix, à partir de quoi tout se construit, sachant
qu’en nous-mêmes également quelque chose de plus fort que nous nous habite. C’est le
couple masqué, celui qui étonne son entourage – Qu’est-ce qu’elle lui trouve ? –, souvent
issu d’une rencontre improbable où deux êtres désassortis (que le film de Lucas Delvaux
nomme excellemment Pas son genre !) finissent par faire la paire.
La psychanalyse parie sur ce lien possible, allégé des idéaux. Elle prend en effet au
sérieux les impasses du couple, ses échecs, afin de rendre le malentendu entre les sexes
plus léger. Car le ratage est aussi le lieu d’une jouissance possible, compatible avec l’autre :
un goût, un désir d’être dans ce rapport-là. En somme, faire couple malgré le malen-
tendu entre les sexes et avec ce qui dans l’autre me touche, fait mouche. Si l’amour
implique l’attente, l’attente d’un être au-delà du partenaire idéalisé, faire couple implique
un travail et donc une énergie, disons-le une santé ! La jouissance de la vie qui nous
déborde passe dans ce faire qui la traite.
Pour terminer, je ne résiste pas au plaisir d’évoquer les tac au tac4 au programme de la
journée du samedi : des duos de psychanalystes que j’ai proposés en ouverture des simul-
tanées. Ces collègues de l’École de la Cause freudienne ont bien voulu se prêter au jeu
de vingt-deux questions sur faire couple aujourd’hui. En voici quelques morceaux choisis.
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Dom Juan 6
« Faire couple avec moi c’est faire couple avec un rêve. Elvire, celle qui m’aima plus
que tout, voulait que je survive pour m’aimer à l’infini, jouir de moi encore et toujours. »
4. Le lecteur peut retrouver ces vingt-deux Tac au tac, publication numérique de l’École de la Cause freudienne :
www.ecf.echoppe.com.
5. Jaudel N. et La Sagna Ph., « Dialogue des ravissements », Tac au tac, op. cit.
6. Lazarus-Matet C. et Hellebois Ph., « Le donjuanisme sera féminin », ibid.
7. Naveau P., « Molly Bloom et la dispute », ibid.
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Molly Bloom : … ce qui le rend fou / c’est les dessous / c’est clair / toujours à zieuter ces
espèces d’effrontées sur leurs bicyclettes avec leurs jupes qui leur remontent jusqu’au nombril…
En tout cas, toute seule au milieu de la nuit, Molly s’étonne de ce que « son » Leopold lui
ait demandé, avant de s’endormir, de lui servir, le lendemain matin, son petit déjeuner au lit
avec deux œufs. Pourquoi, donc, lui a-t-il demandé cela ? Nous aussi on cherche encore !
Une tourniquette
Pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs
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