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Laurent Dupont
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D
ans la « Proposition d’octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École 1 », Jacques
Lacan définit la fin de l’analyse par la traversée du fantasme. Au-delà, il s’agit
de témoigner de l’opacité de la jouissance qui est au cœur de chaque parlêtre.
C’est le versant sacrificiel de ma position, au nom du père. La place du roi est occupée
par le père de substitution. La jouissance sacrificielle est une autre façon de dénier la
castration. L’objet commence à se dessiner : le regard. Ce repérage en séance fit émerger
le signifiant sacrifice que je décomposais en ça crie fils.
Ça crie fils est désarrimé de la chaîne signifiante, on ne peut rien dire d’autre. C’est
l’os du fantasme.
Laurent Dupont est psychanalyste, AE de l’École de la Cause freudienne.
1. Cf. Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, coll. Champ
Freudien, 2001, p. 243-258.
2. Cf. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Être et l’Un » (2010-2011), enseignement prononcé dans le cadre du
département de psychanalyse de l’université Paris VIII, cours du 9 février 2011, inédit.
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Dire cela ne fait pas fin d’analyse. C’est dans la contingence de la séance, en en soule-
vant les termes et les articulations singulières que les poupées russes du fantasme se défont
jusqu’à la plus petite, celle qui dévoile le « c’est ça » du vide.
Le regard
S’en occuper avec enthousiasme à la place du père, implique en fait que si le regard
de ma mère se détournait de moi pour plonger dans « des abysses », au bord du passage
à l’acte, c’est moi qui nommais cela ainsi. L’angoisse tenait autant au risque qu’au senti-
ment de laisser tomber éprouvé dans la chute du regard. Mais ce regard qui chute, c’est
moi qui l’interprétais comme chute. Le regard est toujours logé au champ de l’Autre. Dès
lors, ce qui me regardait, c’était justement cette absence de regard porté sur moi. Ne plus
être vu de ma mère me confrontait à l’insupportable supposition d’une jouissance morti-
fère à l’œuvre chez elle, non sans le réel du passage à l’acte.
Faire tache dans le tableau, c’était être. Se faire voir par la parole, parler pour la sortir
de sa léthargie, mais surtout pour qu’elle me regarde à nouveau. La demande, Che vuoi ?,
est « le fondement réel de l’angoisse […]. “l’angoisse n’est pas sans objet”. Elle n’est pas sans
objet parce qu’elle a comme fondement réel ce qu’il y a de réel dans l’exigence pulsion-
nelle 3 ». Attribuer à l’Autre une demande inconditionnelle à combler me donnait un
appui d’être, pas sans symptôme. La petite mécanique de la pulsion, voir / être vu, se
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3. Ibid.
À la fin de l’analyse, au moment où chutent les objets a et où plus rien n’a de sens, il
y a une modification de la manière de faire avec cette jouissance à jamais inscrite. Il y a
une singularité, le fantasme de virilité : « Être le seul à pouvoir »… se transforme en un
éprouvé de solitude, féconde de faire avec le manque, ouvrant à la dimension de l’in-
vention. Bayard le chevalier sans peur et sans reproche cède peu à peu la place au
4. Cf. Dupont L., « La parole vive », La Cause du désir, no 92, avril 2016, p. 153.
5. Cf. Lacan J., « Joyce le Symptôme », Autres écrits, Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 2001.
6. Miller J.-A. « L’orientation lacanienne. L’Être et l’Un », op. cit.
7. Ibid., cours du 9 février 2011, inédit.
8. Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1964), texte établi par J.-A. Miller,
Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 1973, p. 96.
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9. Cf. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Choses de finesse », (2008-2009), enseignement prononcé dans le cadre
du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, cours du 10 juin 2009, inédit.
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