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ACCOMPAGNER LES FAMILLES SUR LA VOIE D'UNE « BONNE »

PARENTALITÉ. L'EXEMPLE DE LA SÉRIE TÉLÉVISÉE FAMILLE

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D'ACCUEIL
Sarah Lécossais

Union nationale des associations familiales (UNAF) | « Recherches familiales »


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2013/1 n° 10 | pages 39 à 48
ISSN 1763-718X
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2013-1-page-39.htm
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Pour citer cet article :


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Sarah Lécossais, « Accompagner les familles sur la voie d'une « bonne » parentalité.
L'exemple de la série télévisée Famille d'accueil », Recherches familiales 2013/1 (n°
10), p. 39-48.
DOI 10.3917/rf.010.0039
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L’accompagnement des familles
Accompagner les familles

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sur la voie d’une « bonne »
parentalité.
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L’exemple de la série télévisée


FAMILLE D’ACCUEIL
Sarah Lécossais

39
Cet article analyse, à travers l’exemple de la série de France 3 Famille d’accueil, la manière
dont une fiction met en scène le travail des services sociaux en matière de protection de
l’enfance et d’accompagnement des familles. La parentalité et ses dispositifs font aujourd’hui
l’objet d’injonctions et de prescriptions dessinant les contours de ce que devraient être les
« bons » parents. Cet article interroge la promotion d’une « nouvelle police de la paren-
talité » non seulement auprès des travailleurs sociaux et des institutions, mais aussi dans
les médias, notamment par le biais de la fiction. Les séries télévisées participent ainsi des
définitions sociales contemporaines de la « bonne » parentalité et de la promotion d’une
normativité familiale.

Le service public de l’audiovisuel rend-il visibles – ou non – les politiques publiques en ma-
tière d’accompagnement des familles ? C’est l’une des questions que pose la série Famille
d’accueil, diffusée sur France 3 depuis 2001, mettant en scène la famille Ferrière dont la mère,
Marion, est assistante familiale et accueille des enfants sur décision de l’Aide sociale à l’en-
fance (ASE). Cette série télévisée s’inscrit dans la tradition de production du service public,
promouvant des héros ordinaires au service d’institutions républicaines, ou, pour reprendre
les mots de Jean-Claude Soulages, des « héros à mi-temps, à cheval sur leur bulle d’intimité
et leur fonction sociale »[1]. Pour Marion, vie privée et vie professionnelle se confondent : se

[1] Jean-Claude SOULAGES, « Les héros à mi-temps ou les fictions de l’authentique », in Pierre BEYLOT, Geneviève SELLIER,
Les séries policières, L’Harmattan, Paris, 2004, pp. 289-303, p. 292.

Dossier thématique I. « L’accompagnement des familles »


Accompagner les familles sur la voie d’une « bonne » parentalité. L’exemple de la série télévisée FAMILLE D’ACCUEIL

définissant comme « mère d’accueil », elle exerce doublement le « métier de mère »[2]. Cette
série nous permet de nous interroger sur la manière dont une fiction met en scène le travail des
services sociaux en matière de protection de l’enfance et de soutien à la parentalité – voire de
contrôle de cette dernière. Marion Ferrière s’occupe d’enfants en difficultés, mais elle accom-
pagne également leurs familles, avec pour objectif de permettre le retour de l’enfant dans sa
famille d’origine. Cet objectif, cependant, est loin d’être toujours atteint. Nous chercherons

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dès lors à comprendre et à expliciter les raisons pour lesquelles certains parents ne sont pas
considérés comme aptes à exercer leur autorité parentale et à accueillir leur propre enfant au
sein de leur foyer. Pour ce faire, nous nous appuierons sur une analyse de l’intégralité de la
série Famille d’accueil[3]. Cette étude relève d’une sociologie des représentations et s’inspire
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des travaux d’Éric Macé et Sabine Chalvon-Demersay. À leur suite, nous analyserons notre
corpus comme étant un « double du monde social »[4] dont les personnages seront envisagés
comme « de véritables acteurs sociaux »[5]. Dans la mesure où notre objectif est de saisir des
représentations et la mise en scène de problématiques sociétales contemporaines par le biais
de la fiction, notre analyse se concentre sur la série elle-même, ses épisodes, ses personnages
et leurs interactions[6].
Les politiques publiques en matière d’assistance familiale et de protection de l’enfance privilé-
gient aujourd’hui la notion d’« accompagnement »[7], et plus particulièrement d’accompagne-
ment des familles, manifestant ainsi leur volonté d’intégrer ces dernières au dispositif institu-
tionnel, en leur donnant un rôle à jouer aux côtés des travailleurs sociaux. Cette réciprocité de
l’accompagnement rend les familles bénéficiaires, mais aussi partenaires et actrices de la protec-
tion de l’enfance. Cependant, quelle forme cette participation prend-elle ? En tant qu’actrices,
40 les familles ont-elles elles aussi un « travail » à accomplir ? Des compétences à acquérir ? En
effet, les familles doivent intervenir en renfort des actions des services sociaux et donc être en
accord avec leurs politiques. Si les familles sont « accompagnées », nous avons cherché à déceler
ce vers quoi elles étaient accompagnées. Nous posons ici l’hypothèse que la fiction participe
des définitions sociales contemporaines d’une « bonne » parentalité et de la promotion d’une
normativité familiale.

[2] Séverine GOJARD, Le métier de mère, Paris, La Dispute, 2010.


[3] Notre corpus se compose des 60 épisodes de la série, diffusée depuis le 15 décembre 2001. Ces épisodes ont été visionnés à
l’Inathèque et ont subi un traitement à la fois quantitatif et qualitatif. Nous avons ainsi cherché à dénombrer par exemple les
différentes configurations de placement et leur résolution. Nous nous focaliserons ici sur les configurations qui nous ont semblé
les plus significatives, en cherchant à dégager les critères et conditions selon lesquels les parents peuvent – ou non – « récupérer »
leur enfant.
[4] Éric MACÉ, La société et son double. Une journée ordinaire de la télévision, Paris, Armand Colin, 2006, p. 10.
[5] Sabine CHALVON-DEMERSAY, « Le deuxième souffle des adaptations », in L’Homme, n° 175-176, 2005, pp 77-111, p 81.
Nous avons par ailleurs « observé » le personnage de Marion Ferrière de façon à en dresser le « portrait ». Nous avons ainsi relevé
ses occupations, les règles qu’elle édicte, ses réactions ou encore la conception du métier de mère qu’elle se fait. C’est à partir
de ces éléments et de leur récurrence au fil des saisons que nous avons dressé l’idéal-type du bon parent proposé par la suite.
[6] Nous n’avons pas réalisé d’interviews auprès de professionnels de l’audiovisuel ou de téléspectateurs. Nous ne cherchons pas à
mesurer l’impact de la série (qu’il soit escompté du côté des producteurs ou effectif du côté des publics), mais bien à saisir des
représentations dans le cadre d’une médiation spécifique.
[7] Nous pouvons ici nous référer par exemple à Bruno RIBES qui explique les objectifs et enjeux de ces politiques : « Se vouloir à
l’écoute des parents, les accompagner présuppose de reconnaître cette singularité de chaque famille et la “bonne volonté’’ des
parents, de tabler sur leur compétence et de chercher à la valoriser. » (Bruno RIBES, L’accompagnement des parents, Paris,
Dunod, 2003, p. 4).

Recherches familiales, n° 10, 2013


Sarah LÉCOSSAIS

W Présentation de la série Famille d’accueil


La famille Ferrière se compose du couple parental formé par Marion et Daniel et de leurs
quatre enfants : Juliette, Charlotte, Tim et Louise. La tante de Daniel, Jeanne, habite dans
une maison contiguë. Chaque épisode suit un même déroulement, selon deux ou trois arches

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narratives. La première intrigue concerne le placement d’un enfant dans la famille d’accueil :
le directeur de l’ASE confie un enfant à Marion, tout en lui exposant la situation familiale
et les causes du placement. Marion intègre l’enfant à la famille et prend soin de lui. À la fin
de l’épisode, l’enfant, même s’il ne réintègre pas automatiquement sa famille d’origine, est
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heureux et souriant. Les autres arches narratives se concentrent sur le quotidien de la famille
Ferrière et d’un de ses membres tout en permettant de traiter d’un sujet de société (amours
adolescentes ou seniors, connaissance des origines personnelles, séropositivité, etc.).

W Les modalités de l’accompagnement


■ Les travailleurs sociaux au prisme de la fiction
Dans cette fiction, des pans entiers des politiques familiales sont passés sous silence et n’ont que
peu de visibilité médiatique. Les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents
(REAAP) par exemple sont totalement invisibles dans cette série – alors qu’ils pourraient offrir
des ressources narratives intéressantes. Une simplification drastique des dispositifs de protection
de l’enfance est également à noter : celle-ci est réduite à un service – l’Aide sociale à l’enfance – 41
et à un éventail limité de travailleurs sociaux – le directeur de l’ASE (Khaled), l’assistante fa-
miliale (Marion) et quelques psychologues ou pédopsychiatres. Khaled joue à la fois le rôle
de supérieur hiérarchique de Marion et de référent social[8]. Si le fonctionnement des services
sociaux est quelque peu flou, les missions de la famille d’accueil, pour leur part, sont clairement
énoncées. Ainsi, Marion rappelle à son supérieur que sa « mission est de tout faire pour le bien-
être des enfants » (épisode « À mille mètres du bonheur », 2004[9]) ou encore que son « rôle est
d’apporter assistance » à l’enfant qu’on lui a confié (« Une mère à tout prix », 2002). De son
côté, le directeur de l’ASE expose ainsi leur objectif : « que les enfants placés puissent vivre à
nouveau avec leurs parents » (« Un de plus, un de moins », 2003). Le placement se doit donc
d’être à la fois une mesure temporaire et une solution suffisante.

■ « Je travaille avec les parents. Je [ne] travaille pas contre eux »[10]
L’enfant n’est pas responsable du placement. À l’origine de celui-ci, une carence ou défaillance
parentale. La série semble mue par « la conviction que l’enfant est naturellement “bon” [qui]
[8] Selon Agathe LIAGRE, le référent social est « mandaté par le président du Conseil général. [...] Il accompagne l’enfant et vérifie
le déroulement du placement. Il intervient auprès de l’assistante familiale afin de répondre aux questions que pose la situation
de l’enfant ». Dans la série, les deux fonctions de référent social et de directeur de l’ASE sont fusionnées. Référence : Agathe
LIAGRE, Devenir famille d’accueil. Guide juridique et pratique pour l’accueil d’enfants, de personnes âgées ou de personnes
handicapées, Héricy, Éditions du Puits Fleuri, 2008, p. 60.
[9] Les titres d’épisodes seront désormais indiqués entre guillemets, suivis de leur année de diffusion.
[10] Citation de Marion dans « Clair de ronde » (2011).

Dossier thématique I. « L’accompagnement des familles »


Accompagner les familles sur la voie d’une « bonne » parentalité. L’exemple de la série télévisée FAMILLE D’ACCUEIL

entretient l’illusion que de bons soins suffisent à bien le développer et qu’il sera forcément bien s’il
est soustrait à de mauvais parents ou à un environnement insuffisant »[11]. L’enfant placé est une
victime ayant besoin d’aide et de soins, comme un malade en attente de guérison[12]. Marion admi-
nistre à son protégé un traitement multiforme : affection, tendresse, écoute, tolérance, confiance,
alimentation équilibrée, etc. Cependant, les enfants ne sont pas les seuls bénéficiaires des bienfaits
de l’assistante familiale. Leurs familles ont aussi besoin d’aide et doivent être accompagnées vers

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la « guérison ». Selon Bernard Balas et Noël Rousseaux, les enfants placés « peuvent être classés
comme des enfants dont la famille est définie par l’ordre social comme ayant une forme patholo-
gique au sens de la norme statistique »[13]. Ainsi, pour que les enfants puissent retourner dans leur
famille d’origine, il faut avant tout que celle-ci puisse les accueillir, ait guéri de ses « pathologies »
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ou, à tout le moins, se soit engagée dans le processus de guérison. On attend donc de la famille
une sorte de bonne volonté, voire de volontarisme. Dans l’épisode « La grande fille » (2005), Fred
est placée chez les Ferrière suite à la troisième tentative de suicide de sa mère, Sophie. Marion
découvre par la suite que Fred est boulimique et est victime de graves crises. Par ailleurs, Fred
ne sait pas qui est son père et reproche violemment cette ignorance à sa mère. La psychologue de
l’ASE permet à Marion de comprendre comment aider à la fois la mère et la fille. Marion saisit que
« tant que la mère et la fille n’auront pas rétabli une relation un peu plus saine, Fred ne pourra pas
s’en sortir ». Elle va alors tout mettre en œuvre pour modifier les relations familiales entre la mère
et la fille et les « sauver » toutes les deux en « réparant » la relation parent-enfant[14]. Voici alors ce
que Marion dit à Sophie : « En fait, je suis venue pour vous demander de l’aide, parce que... sans
vous, tous mes efforts pour l’aider ne serviront à rien. » Si Sophie apporte son aide à Fred, celle-ci
a également un rôle à jouer dans la guérison de sa mère. Marion va encourager la mère et la fille
42 à parler. La communication est en effet une valeur sans cesse réaffirmée au fil des saisons. Sophie
finit par avouer à Fred qu’elle est le fruit d’un viol et la jeune fille peut alors pardonner le silence
de sa mère. Même si Fred ne retourne pas vivre auprès de sa mère à la fin de l’épisode, certains
indices laissent à penser que les retrouvailles ne sont qu’une question de temps : Fred est apaisée
et heureuse. Chacune est ainsi à la fois bénéficiaire de l’aide sociale et actrice du rétablissement de
la situation. Ce principe d’aide conjointe, de réciprocité dans l’assistance est régulièrement mis en
pratique dans la série, Marion demandant souvent aux membres de la famille de l’enfant placé de
participer, d’aider. Elle rencontre un père, une mère, un frère, lui parle, cherche à comprendre la
situation et la position de chacun, encourage les confidences et apporte son soutien. Marion colla-
bore donc avec les familles pour permettre le retour au foyer de l’enfant dans de bonnes conditions.
En sollicitant leur aide, elle les rend actrices de la protection sociale. Les familles sont dès lors aussi
bien accompagnantes qu’accompagnées.

■ Accompagner la parentalité
L’accompagnement des familles prend à la fois la forme d’une transmission de compétences
parentales et d’un soutien à la parentalité. Dans l’épisode « Âge tendre » (2008), Marion apprend
[11] Myriam DAVID, Le placement familial. De la pratique à la théorie, Paris, Dunod, 2004, p. 93.
[12] Bernard Balas et Noël Rousseaux avancent l’idée que la famille d’accueil est là « pour “réparer’’ les enfants confiés ». Cf.
Bernard BALAS et Noël ROUSSEAUX, Du placement à l’accueil familial. De l’enfant objet des institutions à l’enfant sujet,
Paris, L’Harmattan, 2000, p. 138.
[13] Ibid. p. 75.
[14] Dans l’épisode « Une vie rêvée » (2008), Marion parle de « lancer la phase restauration du lien mère-fille » entre Olivia et sa mère Corinne.

Recherches familiales, n° 10, 2013


Sarah LÉCOSSAIS

ainsi à Camille, adolescente mère de Clément, les gestes de la maternité, lui montrant notamment
comment baigner son bébé. Elle lui enseigne les normes de puériculture à mettre en pratique.
Or, comme le rappelle Sandrine Garcia, « c’est la qualité de mère qui se joue dans la docilité
vis-à-vis des recommandations émises par les professionnelles : les adopter, ce serait être une
“bonne’’ mère, et les rejeter, ce serait en être une “mauvaise’’ »[15]. Marion montre ces gestes
dans le but qu’ils soient reproduits. L’enseignement et la transmission prennent alors la forme de

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prescriptions, voire d’injonctions.
L’accompagnement se veut également soutien, comme dans l’épisode « Un de plus, un de
moins » (2003) dans lequel la famille Ferrière accueille Jessica dont le père, Patrick, est en
prison. Marion s’inquiète pour l’enfant qui, après trois mois chez elle, ne parle presque pas,
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mange peu et ne joue pas avec les autres enfants de la maisonnée, préférant rester seule. Le
médecin de l’ASE considère que Jessica souffre de dépression et conseille alors un « change-
ment environnemental » sous la forme d’un placement en foyer. Marion s’y oppose fermement et
s’emploie à trouver une autre solution. Apprenant que Patrick va être libéré pour bonne conduite,
Marion décide de tout mettre en œuvre pour qu’il puisse à nouveau avoir la garde de Jessica. Elle
demande alors à son mari de l’embaucher dans son entreprise, ce à quoi il répond : « Y a pas à
réfléchir. Notre boulot, c’est de nous occuper des enfants, pas des parents. » Marion retourne
alors la question : « En aidant son père on aiderait sûrement aussi Jessica. [...] Le psychologue a
dit qu’une modification de son environnement pourrait lui faire du bien. La venue de son père ici,
c’en serait une de modification. » La famille d’accueil prend alors en charge la fille et son père :
Patrick vit chez les Ferrière et travaille pour Daniel. Après quelques rebondissements, la fillette
retrouve sa joie de vivre : elle parle à nouveau, joue gaiement avec les autres enfants, etc. À la
fin de l’épisode, Patrick, aidé par l’ASE, a trouvé un appartement et, ayant désormais un emploi, 43
demande « la permission » de vivre avec sa fille, permission qui lui est accordée. Cet épisode
illustre parfaitement la volonté d’accompagner les familles et de les intégrer au processus de
protection de l’enfance.

W Un accompagnement des familles au service d’une parentalité policée


■ Une parentalité sous le signe de la compétence
Si la série Famille d’accueil rappelle, en accord avec les discours institutionnels, que l’objectif
du placement familial est le retour de l’enfant dans sa famille d’origine, tous les épisodes ne se
concluent pas sur cette situation[16]. En effet, tous les parents ne semblent pas considérés comme
aptes à s’occuper de leurs enfants. Patrick est un des rares parents à retrouver l’autorité parentale
sur sa fille. Pourquoi ? Quelles sont les compétences qu’il a bien pu acquérir pour devenir un père
acceptable ? Durant l’épisode, le personnage de Patrick évolue radicalement. Il sort de prison
après avoir purgé sa peine, arrête de boire, trouve un travail et un appartement. Il reproche à sa

[15] Sandrine GARCIA, op. cit., p. 124.


[16] Sur les 59 enfants placés (l’un des placements est traité sur deux épisodes), 14 restent chez les Ferrière ou partent dans une
institution spécialisée. Il est à noter que dans 4 épisodes, le téléspectateur ne sait pas, à la fin, ce qu’il adviendra de l’enfant. Sur
les 40 enfants quittant les Ferrière pour aller chez un membre de leur famille, 10 sont placés chez leur père et 11 chez leur mère.

Dossier thématique I. « L’accompagnement des familles »


Accompagner les familles sur la voie d’une « bonne » parentalité. L’exemple de la série télévisée FAMILLE D’ACCUEIL

mère de l’infantiliser, comme en témoigne ce qu’il lui dit : « J’en ai marre d’être un gosse. Je
veux devenir un homme ! » Il réussit à le devenir en se libérant de l’emprise de sa mère. En plus
d’être un homme, Patrick a le désir d’être un bon père : « La prison, c’est peut-être un mal pour
un bien. Ça m’a mis du plomb dans la tête, et puis ça m’a permis d’arrêter l’alcool. Comme ça
quand je serai libre, je pourrai m’occuper de ma fille, comme un père, comme un vrai père. »
Ce personnage doit donc répondre à une double injonction : être un homme et être un père.

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L’un ne va pas sans l’autre, et chacun de ces rôles inclut une performance : Patrick doit être un
adulte responsable, un citoyen (ré)inséré dans la vie sociale, enfin, un « vrai » père. Être un père,
c’est donc avant tout ici avoir les moyens matériels de prendre en charge son enfant. L’accom-
pagnement a pour objectif de faire prendre conscience au parent de ses responsabilités et de ses
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devoirs envers son enfant. C’est la réunion de toutes ces conditions qui lui permet de récupérer
sa fille. Il en est de même pour le père d’Antoine, Victor, qui après avoir trouvé un emploi et
un appartement, peut de nouveau vivre avec son fils (« À mille mètres du bonheur », 2004). La
mère d’Emma, en revanche, dans l’épisode éponyme (« Emma », 2004) ne récupère pas sa fille.
Au début de l’épisode, Khaled raconte à Marion que Mme Brandt est en « deuil pathologique »
et « shootée aux tranquillisants ». Elle souffre donc d’une maladie reconnue comme telle et se
retrouve de fait dans l’incapacité de s’occuper de son enfant. Alors qu’Emma a été victime d’une
tentative de viol, Khaled contacte sa mère pour qu’elle porte plainte. Celle-ci refusant, il la qua-
lifie de « défaillante ». Marion est très choquée par cette attitude et s’exclame : « C’est une mère,
ça ? Sa fille est agressée et y a personne, je suis pas là ! Mais moi, Khaled, on touche un cheveu
de mes enfants, je prends les armes ! Je me bats ! » La « défaillance » prend ici un tout autre
sens : alors qu’on présente Mme Brandt en début d’épisode comme souffrant de « deuil patho-
44 logique », la dimension maladive disparaît au profit d’une carence parentale dont l’explication
résiderait dans une « mauvaise » maternité. Le statut même de « mère » semble lui être refusé
par Marion. Mme Brandt n’est plus considérée comme incapable de s’occuper de sa fille à cause
de la maladie et elle est progressivement vue comme une « mauvaise mère ». Le glissement est
révélateur de l’existence de normes et d’injonctions très fortes pesant sur la parentalité, et plus
précisément, comme nous allons le voir, sur le « maternage ».

■ L’amour parental aurait-il un genre ?


Sept femmes ne sont pas jugées aptes à élever leur enfant. Ces dernières ont des profils assez
similaires : de milieu défavorisé, célibataires ou en couple avec un homme violent et en grande
détresse psychologique. Elles peuvent également être alcooliques, droguées, dépressives.
Cependant, certaines femmes, dans des conditions similaires, parviennent à récupérer leur
enfant. La question des conditions de vie n’est donc pas la seule à entrer en ligne de compte. Il
apparaît avant tout que les femmes ne récupérant pas leur enfant ne les aiment pas suffisamment,
ce qui est moins flagrant pour les pères. Coline Cardi, dans son article sur la figure maternelle
dans la justice des mineurs, rappelle que l’amour maternel est la norme, et que les mères n’étant
pas suffisamment affectueuses et aimantes sont vite qualifiées de « dangereuses »[17]. Dans la

[17] Coline CARDI, « La figure de la “mauvaise mère’’ dans la justice des mineurs. La représentation de la déviance maternelle
dans les dossiers de mineurs ayant fait l’objet d’une mesure de placement », in Yvonne KNIBIEHLER, Gérard NEYRAND,
Maternité et parentalité, Rennes, Éditions ENSP, 2004, pp. 69-82, p. 75.

Recherches familiales, n° 10, 2013


Sarah LÉCOSSAIS

série, Marion part du principe que l’amour maternel va de soi et que toute mère, quelle qu’elle
soit, aime son enfant. Pour autant, toute forme d’amour n’est pas suffisante à ses yeux et l’amour
maternel doit respecter certaines normes. Comme elle le dit à Alexandra, l’amour doit être donné
« à plein temps »[18] et non par intermittence. Le déficit d’amour représente donc un risque pour
l’enfant et conduit à écarter de la parentalité légitime les mères non ou mal aimantes. Dans la
dernière saison de la série, Marion se voit confrontée à une jeune fille ayant été arrêtée par la

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police pour avoir acheté de l’héroïne pour sa mère, Claude[19]. Vanessa est bonne élève, excel-
lente violoniste et semble équilibrée. Très vite, Marion reproche à Claude son comportement
envers sa fille, comme en témoigne le dialogue suivant :
Claude : C’est quand même ma fille !
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Marion : Il serait temps de vous en souvenir [...]. Il y a une question que je me pose,
Madame Pasquier : est-ce qu’il vous reste encore deux doigts de sentiments maternels ?
Claude : Vous ne pouvez pas vous empêcher de me juger, hein ?
Marion : Je vous parle de Vanessa, Vanessa qui est prête à se jeter par la fenêtre telle-
ment elle vous aime. [...] mais vous lui donnez quoi en retour ? [...]
Claude : Je fais ce que je peux. J’arrive pas à m’en sortir moi-même, comment je pour-
rais l’aider ?
Marion : Laissez-la partir. Et même, faites-la partir, sinon elle le fera jamais.[20]
Dans cet extrait, Marion remet en cause les « sentiments maternels » de Claude et donc sa
capacité même à être une mère pour Vanessa, sans prendre en compte la situation de détresse de
cette femme (droguée, risquant de perdre son emploi et en couple avec un homme qui semble
violent). Marion parvient à convaincre Claude, non pas de se soigner, mais que Vanessa serait
plus heureuse sans elle. Claude dit alors à sa fille : « On se verra moins. Peut-être qu’on se verra 45
mieux ? », acceptant de la laisser partir en internat dans une ville éloignée. On voit bien ici en
quoi Claude est très vite stigmatisée comme mère déviante, et subit les remontrances de Marion,
et à travers elle, des services sociaux. Comme le rappelle Florence Weber, « le métier de parent,
et peut-être plus particulièrement celui de mère, donne lieu à inculcation, rappels à l’ordre,
observations émanant de l’entourage proche, familial ou professionnel »[21]. Ces commentaires
prennent la forme d’un jugement, et d’une injonction à une forme précise de parentalité. Il
n’est plus guère ici question d’accompagnement ou de retour dans la famille d’origine. Marion,
doutant des sentiments même de Claude et de sa capacité à être une mère – selon ses propres
critères –, refuse de faciliter le retour de Vanessa chez sa mère. De la même manière, Marion
encourage Alexandra à renoncer à ses droits parentaux sur sa fille, de façon à ce qu’elle soit
adoptable[22].
On voit bien ainsi de quelle manière ces mères renvoient, pour reprendre les mots de Coline
Cardi, à une « figure féminine du danger ». Les mères sont responsables, par leur manque
d’attention, du malheur de leurs enfants. Comme l’écrit la sociologue, « mère seule, mère vio-
lente, mère déviante, elle est le plus souvent désignée comme la cause première de la situation de
[18] Marion dit ainsi à Alexandra, dans l’épisode « Ma mère à moi », en 2010 : « Mais si vous l’aimez, vous [ne] pouvez pas la laisser
dans l’incertitude, sans cesse en attente d’un coup de fil, d’un SMS, vous croyez que c’est une vie ? [...] Noémie elle a besoin
qu’on l’aime, et qu’on l’aime à plein temps. »
[19] « Une petite héroïne », 2012.
[20] Idem.
[21] Florence WEBER, Le sang, le nom, le quotidien. Une sociologie de la parenté pratique, Paris, Aux lieux d’être, 2005, p. 126.
[22] « Ma mère à moi », 2010.

Dossier thématique I. « L’accompagnement des familles »


Accompagner les familles sur la voie d’une « bonne » parentalité. L’exemple de la série télévisée FAMILLE D’ACCUEIL

danger, voire du délit commis par le mineur »[23]. Le cas de Mme Blériot, la mère de Justine, est
à ce propos assez saisissant[24]. Marion découvre que Justine est victime d’inceste et que le cou-
pable est le père de la petite. L’épisode traite par ailleurs de la question de l’hypersexualisation
des petites filles. Justine porte des t-shirts laissant apparaître son nombril, des strings, et sa mère
l’entraîne pour des concours de danse et de chant. À la fin de l’épisode, alors que le père de Jus-
tine est arrêté, le juge pour enfants ne place pas Justine chez sa mère qui « n’est pas suffisamment

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équilibrée pour s’occuper de sa petite fille ». Marion ajoute alors ce commentaire : « Finalement,
tout ce qu’elle a réussi à faire, c’est la mettre en scène comme un objet de désir pour le père. »
Le père ne porte donc pas ici seul la responsabilité de l’inceste, la mère est elle aussi coupable.
Si ce genre d’exemple est rare dans la série, il n’en existe pas moins pour autant, et véhicule de
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manière ponctuelle l’idée selon laquelle les mères, plus encore que les pères, seraient respon-
sables des malheurs de leurs enfants.

■ La promotion d’un idéal-type du « bon parent »


Au-delà de ces différences genrées, l’assistante familiale s’exprime en général sur ce que doit être
un parent (sous-entendu, un « bon » parent) et en filigrane sur ce qu’est un « mauvais parent »[25].
Marion agit donc de deux manières : elle aide les parents, en quelque sorte, à s’améliorer, mais elle
porte aussi un jugement sur des pratiques qu’elle réprouve et qui ne correspondent pas à sa concep-
tion de la parentalité. La série participe ainsi à la construction de normes de la parentalité : elle nous
dit ce que doit être un bon parent, comment il doit se comporter avec ses enfants, ce qu’il peut ou ne
peut pas dire ou faire. Marion dit ainsi aux parents de Laura, coupables d’« absentéisme aggravé »
46 et dont la relation amoureuse est intermittente[26] : « Je comprends mieux pourquoi votre fille a un
léger manque de limites, de structures, de repères clairs à envoyer. » (« Vue sur Internet », 2012).
Selon l’assistante familiale, les parents doivent écouter leurs enfants, leur dire la vérité – notam-
ment sur leurs origines biologiques –, leur faire confiance, mais aussi occuper leur place d’adulte
vis-à-vis de ces derniers, leur offrir des conditions de vie satisfaisantes, enfin, les aimer. La série
propose dès lors un idéal-type – au sens wéberien – du « bon parent », caractérisé par un certain
nombre de déterminants : l’impératif de communication (et ses corollaires d’écoute, de tolérance et
de vérité), l’impératif de responsabilité et l’impératif d’amour. Nous verrons par la suite apparaître
un dernier trait essentiel, l’impératif de la réflexivité, même si celui-ci semble plus spécifique des
définitions de la maternité. Les parents ne répondant pas à l’un de ces critères deviennent vite de
mauvais parents et sont encouragés à réparer leurs erreurs et à s’améliorer. Les mères refusant de
dire qui est leur père à leur enfant, encouragées par Marion, finissent par dire la vérité : la mère
de Thomas par exemple lui raconte, honteuse, avoir eu des relations sexuelles, en sortant de boîte
de nuit alors qu’elle était saoule, avec un homme qu’elle ne connaissait pas et n’a jamais revu
(« Née sous X », 2004). Ces aveux sont bien souvent douloureux pour ces femmes, mais s’inscri-
vent dans les mouvements contemporains de revendication du droit à la connaissance des origines
personnelles. Selon le discours de la série, une « bonne » mère ne peut cacher à son enfant ses

[23] Coline CARDI, art. cit., p. 70.


[24] « Soupçons », 2005.
[25] Comme le remarquent Bernard Balas et Noël Rousseaux, « pour la famille naturelle, le retrait de l’enfant la stigmatise sociale-
ment comme mauvaise ». Cf. Bernard BALAS, Noël ROUSSEAUX, op. cit., p. 156.
[26] Marion décrit ainsi la situation : « Ils couchent ensemble, mais ils sont pas ensemble. C’est pas évident à comprendre à 15 ans. »

Recherches familiales, n° 10, 2013


Sarah LÉCOSSAIS

origines biologiques. Famille d’accueil, de ce point de vue, porte l’héritage doltoïen de l’injonction
à parler[27]. On voit bien à travers ces divers exemples l’émergence d’un certain nombre de normes
réglementant la parentalité prônées par les médias en général et par la série en particulier.

■ Une fiction au service d’un « nouvel ordre parental » ?

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Comme le souligne Benoît Bastard, la montée en puissance de la parentalité a encouragé
« une production normative d’un genre nouveau dont l’originalité tient au fait précis qu’elle ne
concerne plus la famille et la manière de remplir les rôles de couple et les obligations familiales,
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mais bien les rôles de parents »[28]. Les intervenants du champ psychosocial, en promouvant
un certain nombre de normes relatives à la parentalité, en définissant les caractéristiques du
« bon parent » et les modalités des relations parents-enfants, ont engendré ce que le sociologue
nomme, en contrepoint de ce que Jacques Donzelot appelait à la fin des années 1970 la « police
des familles »[29], un « nouvel ordre parental »[30] ou une « nouvelle police de la parentalité ». Les
différents exemples développés ici sont révélateurs de la circulation de nouvelles normes paren-
tales aussi bien dans les services sociaux que dans les médias. Ce « nouvel ordre parental » est
cependant porteur d’un certain nombre de contraintes, voire d’injonctions, pesant sur les parents,
et ne prend pas en compte la diversité des formes de relations familiales, allant jusqu’à stigmati-
ser certaines populations, et plus spécifiquement les femmes devenues des « mauvaises mères »
ou des mères dangereuses. Benoît Bastard montre bien « à quel point les règles qui s’appliquent
à l’exercice de la parentalité sont devenues sophistiquées et difficiles à assimiler, en même
temps qu’elles sont devenues de plus en plus impératives »[31]. L’idéal-type du « bon parent »
qui émerge dans la série participe de la promotion de cette parentalité policée. L’intervention des 47
travailleurs sociaux montre également que l’être-parent peut s’apprendre et que seuls les parents
acceptant de jouer le jeu, en quelque sorte, accèderont à la reconnaissance. Enfin, ce nouvel ordre
parental s’exprime dans la série à la fois à travers les attentes envers les parents d’enfants pris en
charge par l’ASE et par la parentalité idéale mise en pratique par Marion. L’accompagnement
des familles semble donc se faire sous conditions : les parents doivent accepter les prescriptions
en matière de parentalité, et, en quelque sorte, accepter de s’y soumettre.

W Conclusion : Famille d’accueil : une famille-modèle ?


Les politiques d’accompagnement des familles sont porteuses d’un certain nombre de prescrip-
tions et de normes relatives à la parentalité. Cette « nouvelle police de la parentalité » est promue
auprès des travailleurs sociaux, mais elle l’est également dans les médias, notamment par le biais
de la fiction. Un idéal-type du « bon parent » et de la famille modèle est ainsi proposé, épisodes

[27] Cf. Dominique MEHL, La bonne parole. Quand les psys plaident dans les médias, Éditions de la Martinière, Paris, 2003, p. 39 :
« Elle [Françoise Dolto] condamne le silence des mères célibataires sur l’identité du géniteur, silence qui, selon elle, se révèle
toujours proprement pathogène. »
[28] Benoît BASTARD, « Une nouvelle police de la parentalité ? », Enfances, Familles, Générations, n° 5, automne 2006, pp. 1-9, p. 5.
[29] Jacques DONZELOT, La police des familles, Paris, Les Éditions de Minuit, 2005.
[30] Benoît BASTARD, art. cit., p. 5.
[31] Ibid. p. 7.

Dossier thématique I. « L’accompagnement des familles »


Accompagner les familles sur la voie d’une « bonne » parentalité. L’exemple de la série télévisée FAMILLE D’ACCUEIL

après épisodes, à la télévision. Marion et Daniel Ferrière sont des parents exemplaires : attentifs,
à l’écoute, autoritaires mais justes, affectueux, tolérants, complices, responsables. Ils véhiculent
l’image de parents « compétents ». Cet idéal-type cependant intègre la variable du genre, dans
la mesure où l’impératif d’amour comme l’impératif de réflexivité semblent être une spécificité
maternelle – et donc féminine. Le personnage de Marion, en effet, effectue constamment un retour
réflexif sur ses pratiques parentales. Elle investit pleinement son rôle de mère et se remet en ques-

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tion, ne se sentant jamais à la hauteur. Cette culpabilité est notamment liée aux fortes prescriptions
sociales pesant sur la maternité et sur le modèle répandu de la « bonne » mère se souciant avant tout
du bien de son enfant. Marion est ainsi à la fois victime de ces injonctions – en tant que mère – et
« entrepreneur de morale »[32] au sens beckerien, dans la mesure où elle participe de la mise en
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œuvre de la « police de la parentalité » en tant que travailleur social et mère de métier.


Au-delà de l’image du « bon parent » qui est véhiculée, c’est aussi un modèle de la famille idéale
qui est promu dans Famille d’accueil. En effet, dans la série, la famille Ferrière semble n’avoir
que des qualités et illustre parfaitement les nouvelles normes parentales. Elle correspond d’ail-
leurs à l’idéal-type proposé par Bernard Balas et Noël Rousseaux[33]. De plus, cette famille est
un mélange de différentes configurations familiales[34] : à la fois famille nucléaire, recomposée,
adoptive, élargie, famille d’accueil enfin, avec l’intégration à chaque épisode d’un nouvel enfant
dans la maisonnée. Les membres sont profondément liés, ils sont solidaires, et c’est bien au sein
de la famille que chacun trouve le bonheur. La famille Ferrière représente, selon Khaled, « une
vraie famille » (« Retour d’affection », 2012), caractérisée par sa chaleur. Parents et enfants en
difficultés sont alors accompagnés sur le chemin de la bonne parentalité dans l’objectif de former
à leur tour une « vraie » famille, à l’image de la Famille d’accueil.
48

W Listes des épisodes cités[35] et année de diffusion


Une mère à tout prix, 15 octobre 2002 Une bouteille à la mer, 1er mars 2008
Eddy, 8 avril 2003 Une vie rêvée, 27 septembre 2008
Un de plus, un de moins, 10 juin 2003 Âge tendre, 4 octobre 2008
À mille mètres du bonheur, 20 avril 2004 Ma mère à moi, 19 janvier 2010
Emma, 28 septembre 2004 Clair de ronde, 4 janvier 2011
Née sous X, 18 octobre 2004 Le cadet de mes soucis, 10 janvier 2012
Soupçons, 15 novembre 2005 Vue sur Internet, 10 janvier 2012
La grande fille, 24 mai 2005 Une petite héroïne, 7 février 2012
La mauvaise pente, 11 novembre 2006 Retour d’affection, 7 février 2012

[32] Cf. Howard BECKER, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Métailié, Paris, 1985. L’« entrepreneur de morale » est
notamment la « personne qui s’occupe de veiller à ce que les normes soient appliquées et respectées » (p. 157).
[33] Cf. Bernard BALAS, Noël ROUSSEAUX, op. cit. : « Les familles d’accueil s’affichent donc comme un idéal auquel toute famille
aspire : une maison pour cadre, la campagne pour fond [...], un foyer pour symbole, un homme travailleur pour la sécurité, une
femme ménagère pour les besoins alimentaires, des enfants pour “faire de la vie’’, l’image idyllique du bonheur », pp. 89-90.
[34] Marion et Daniel sont mariés et ont deux enfants issus de ce mariage : Charlotte et Tim. Daniel a une fille d’un premier mariage,
Juliette. Le couple a été la famille d’accueil de Louise depuis son plus jeune âge avant de l’adopter. Enfin, la tante de Daniel,
Jeanne, habite dans une maison contiguë.
[35] La série Famille d’accueil est produite par Jean-Pierre GUÉRIN et Christophe VALETTE, par la société GMT Productions, et dif-
fusée sur France 3 en prime time. Les épisodes, initialement de 90 minutes, sont aujourd’hui de 52 minutes (format international).

Recherches familiales, n° 10, 2013

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