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EN CONTREPOINT - SECRETS DE FAMILLE

Caroline Helfter

Caisse nationale d'allocations familiales | « Informations sociales »

2006/6 n° 134 | pages 19 à 20


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ISSN 0046-9459
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2006-6-page-19.htm
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••• en contrepoint

Secrets de famille
Fondée sur les non-dits, sur
les silences, sur les secrets, la
transmission transgénérationnelle
dite “en creux” ou “en négatif”
peut véhiculer les effets
pathogènes de traumatismes
anciens. “Toute la question réside,
pour chaque sujet, dans la faculté
de pouvoir se construire sans pour
autant tomber dans l’aliénation”,
explique Marie Anaut, professeur
de psychologie à l’Université Lyon-
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II et psychothérapeute familiale (1).
À cet égard,
la mission principale des
psychothérapies centrées sur la
transmission transgénérationnelle
est souvent la mise en récit
de l’histoire autobiographique
et familiale fantasmatique, c’est-
à-dire l’élaboration d’une histoire
qui puisse donner force et
cohérence au vécu du patient.
“Un traumatisme ancien, devenu
secret de famille, agirait comme un
fantôme susceptible
de perturber les familles à travers
les générations”, précise la
clinicienne, en se référant aux
travaux des psychanalystes Nicolas
Abraham et Maria Torok. Il s’agit
souvent de secrets honteux à
propos d’un ancêtre, comme un
décès suspect (mort violente,
suicide), une naissance illégitime
ou un inceste, qui sont dissimulés
d’une génération à l’autre. En
cachant le secret indicible qui est
demeuré un deuil impossible, on
l’installe à l’intérieur de soi, dans
un caveau secret ou “crypte
psychique”. “C’est le non-dit et
le mystère autour du secret, mais
pointés par le silence et
l’évitement, qui deviennent
agissants et peuvent se traduire par
des perturbations psychiques et/ou
comportementales chez un ou des

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sujets, à la génération suivante”, Équité intra et intergénérationnelle
développe Marie Anaut. Les femmes vivent plus longtemps que les hommes,
Or les efforts des enfants pour
c’est un fait bien connu. Ces inégalités de genre se dou-
s’accommoder de la
communication perturbée avec blent d’inégalités sociales. Ainsi, en Finlande, il existe,
leur parent porteur du secret en termes de durée de vie, un “ordre strict”, combinant
peuvent, à leur tour, conduire genre et catégorie sociale. Les valeurs de l’espérance de
à des relations perturbées avec vie à 35 ans mettent en évidence l’existence d’une dou-
leurs propres enfants. Les effets ble hiérarchie : l’une selon le genre et l’autre selon le
pathogènes du secret familial
milieu social (figure 1). Quelle que soit leur catégorie
sont ainsi susceptibles de
traverser les générations. sociale d’appartenance, les femmes vivent toujours plus
Si l’existence de secrets de famille longtemps que les hommes. Au sein des populations
au sens de dissimulations masculines et féminines règne un même “ordre social”.
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d’informations est attestée Les espérances de vie par ordre croissant sont celles des
dans toutes les familles, affirme
ouvriers, des agriculteurs, des employés et des cadres.
Marie Anaut, leurs conséquences
ne seront pas les mêmes d’une Il est curieux de noter que les hommes qui connaissent
situation à l’autre, d’un individu au regard de la mortalité la situation la plus favorable
à l’autre, car les réactions – en l’occurrence les cadres – ont moins d’années à vivre,
et les mécanismes de protection à partir de 35 ans, que les femmes dont l’espérance de
de chaque sujet sont très variables. vie à 35 ans est la plus basse – c’est-à-dire les ouvriè-
Par ailleurs, certains secrets
res. Dans le même temps, l’espérance de vie à 35 ans ne
peuvent jouer, eux-mêmes, un rôle
protecteur. Ils fonctionnent, alors, cesse de progresser au cours du temps pour les hommes
“comme des boucliers en comme pour les femmes ainsi que pour toutes les caté-
empêchant une (plus) grande gories sociales, mais sur trente années d’observation,
souffrance, dans la mesure où un l’ordre n’est pas modifié. Il y a du progrès pour tous
secret peut en cacher un autre plus mais les inégalités demeurent.
douloureux, plus insupportable
encore”.
Les femmes vivent plus longtemps mais, quand elles ont
été actives, elles touchent des retraites généralement
Caroline Helfter inférieures à celles des hommes. Deux facteurs sont en
cause : un salaire moyen des femmes inférieur à celui
1 - In Soigner la famille, Armand
des hommes, lié notamment à une structure des emplois
Colin, 2005, 320 pages, 24 euros.
par qualification différente ; des discontinuités de car-
rière plus fréquentes. Chez les hommes les inégalités de
durée de vie et de pensions de retraite se cumulent
puisque ceux qui ont, à l’âge de la retraite, l’espérance
de vie la plus forte sont aussi ceux qui disposent des
revenus de remplacement les plus élevés. Il est à noter
que, dans l’avenir, les inégalités économiques entre
hommes et femmes à l’âge de la retraite devraient se
réduire, en raison notamment d’une plus grande conti-
nuité dans les carrières féminines. Ces inégalités socia-
les et de genre se combinent avec des inégalités entre
générations.
Le contrat social liant entre elles les générations est mis

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