Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Gilbert Lagouanelle
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Les rapports annuels du Secours catholique révèlent les situations concrètes
(et souvent extrêmes) des familles en demande d’aide. Pas de travail ou un
travail fragile, mal rémunéré, aux horaires atypiques, qui place les femmes
en charge d’enfants dans des situations inextricables. Le Secours catholique
accueille et soutient des travailleurs pauvres ou des pauvres sans travail.
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
Selon son rapport de 2005, le Secours catholique a
accueilli et accompagné 689 500 situations de pauvreté.
En un an, la progression a été de 5,65 %. Compte tenu de
la composition moyenne des familles, ce sont 1,57 million
de personnes qui sont concernées. Ce rapport permet
d’avoir une analyse et une approche significatives de la
grande pauvreté. C’est un indicateur, un révélateur. Mais
le Secours catholique, qui rencontre souvent des situa-
tions extrêmes, repérées par ses 4 100 équipes sur le ter-
ritoire, ne prétend aucunement couvrir la totalité de la
pauvreté en France (1). Les personnes seules et isolées
progressent. Les familles avec enfants ne représentent
plus que 49 % des situations. Ce pourcentage est en dimi-
nution lente mais régulière. Parmi elles, les familles
monoparentales sont majoritaires (59 %). Plus de la moi-
tié des enfants vivent dans ce type de famille (53 %).
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
Pourtant, qu’il s’agisse de “formes particulières d’em-
ploi” ou de contrat à durée indéterminée, les emplois des
salariés rencontrés par le Secours catholique révèlent au
grand jour la fragilité et la pauvreté des familles. Celles
qui bénéficient de “formes particulières d’emploi” vivent
dans la précarité et dans l’absence de sécurité. Elles sont
dans l’impossibilité de se projeter dans l’avenir, même
immédiat. Tout projet de vie est mort-né. Cette insécurité
a essentiellement deux sources : la précarité des statuts de
l’emploi ainsi que l’insuffisance et l’irrégularité des
revenus. Ces personnes ont souvent une formation faible
ou inexistante. 9,3 % rencontrent des difficultés à lire
ou/et à écrire et sont en situation d’illettrisme. 7 sur
10 ont un niveau d’études inférieur à la classe de cin-
quième, au niveau VI.
L’emploi intérimaire et saisonnier de courte durée sert
d’ajustement lorsque la conjoncture de l’emploi s’amé-
liore dans notre pays. Mais il ne se traduit que rarement
par une amélioration durable de la situation des personnes
employées. Dès que la conjoncture se dégrade, celles-ci se
retrouvent aussitôt sans emploi. On pourrait pourtant espé-
rer que l’intérim, le contrat aidé, le contrat à durée déter-
minée permettent progressivement d’accéder à un emploi
plus durable. Il n’en est rien pour la plupart d’entre elles.
L’absence paralysante de formation scolaire et profes-
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
partiel subi, à pénibilité très importante, mais réguliers, à
faible rémunération et à horaires décalés, peu compati-
bles avec leurs responsabilités de mères de famille. Les
emplois dans les grandes surfaces commerciales, de ser-
vice à la personne ou encore dans les entreprises de net-
toyage sont souvent les seules possibilités pour ces per-
sonnes. La garde des enfants devient une réelle difficulté.
Les horaires des crèches – quand elles existent – sont le
plus souvent inadaptés. Les assistantes maternelles ne
sont pas toujours disponibles pour accueillir des enfants
dont les parents sont contraints par une grande amplitude
d’horaires de travail. Les conditions de transport en com-
mun sont harassantes en zone urbaine. En zone rurale, la
faible densité des réseaux de transports collectifs oblige
souvent les familles à utiliser la voiture qui a un coût
important pour de très faibles budgets. Aussi, les équipes
du Secours catholique constatent très fréquemment que
les familles renoncent à prendre une police d’assurance
pour leur véhicule, faute de moyens suffisants. Il faut
choisir entre vivre à minima et l’infraction.
De nombreux impayés
Près des deux tiers des personnes ou familles rencontrées
en 2005 par le Secours catholique ont des impayés
(63,6 %). Cela représente une augmentation de trois
points par rapport à l’année précédente. En revanche,
le montant moyen de ces impayés (1 382 euros) est net-
tement inférieur à celui de 2004 (1 646 euros). Il repré-
sente, en 2005, 1,7 mois de revenus contre 2 mois l’an-
née précédente. La diffusion des impayés sur un plus
grand nombre de ménages qu’auparavant explique cette
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
évolution. Davantage de ménages ont des impayés, mais
ces derniers sont moins dispersés sur plusieurs postes de
dépenses. Ils sont d’un montant moins élevé. Leur nature
est le plus souvent liée au logement. Les dettes de loyer
touchent 36 % des familles, celles d’électricité et de gaz,
31 % des foyers, et les dettes d’eau, 14 %. Ces familles
ont des crédits à la consommation dans 12 % des situa-
tions. 17 % ont des découverts bancaires.
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
emploi, pouvoir nourrir sa famille, c’est être respecté vis-
à-vis de soi-même et des autres. C’est sortir de la honte.
Les dépenses connexes liées à l’emploi (transport, frais
de garde des enfants, habillement…) sont à prendre en
compte dans le budget familial. Le travail peut être ainsi
source d’appauvrissement lorsque les rémunérations sont
trop faibles. Les démarches engagées actuellement
autour de l’intéressement ou du Revenu de solidarité
active (RSA) se trouvent justifiées par les situations des
salariés accueillis par le Secours catholique et employés
dans des “formes particulières d’emploi”. En 2005,
l’augmentation des prix à la consommation a été de
1,8 % en moyenne annuelle. Dans le parc social, le reste
à vivre pour les familles rencontrées par le Secours
catholique était de 686 euros ; dans le parc privé, il était
de 606 euros. Depuis plusieurs années, la hausse des
loyers est désastreuse. Elle absorbe plus que les aug-
mentations des revenus. Le revenu moyen par unité
de consommation était de 489 euros. Le rapport 2003
montrait que parmi les personnes rencontrées, seuls les
couples sans enfant ayant un contrat à durée indéterminée
se trouvaient au-dessus du seuil de pauvreté européen
(60 % du revenu médian). Ainsi, pour une famille avec
deux enfants, le niveau de vie moyen allait de 620 euros
avec un emploi en contrat à durée indéterminée (à temps
emploi sereinement, sachant qu’il faudra, dans un délai 3 - Le taux d’effort est le rapport entre le
loyer et le revenu du ménage. Il mesure la
plus ou moins court, recommencer le circuit des guichets part du loyer dans le revenu. On peut cal-
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 13/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 89.84.81.163)
et de la recherche d’emploi. Les ruptures de revenus sont culer un taux d’effort brut, c’est-à-dire avant
encore trop fréquentes. En 2005, 11,5 % des personnes déduction de l’aide au logement, et un taux
d’effort net, après déduction de cette aide.
ou des familles n’avaient aucune ressource au moment
4 - Les conditions d’attribution de l’aide au
de leur rencontre avec le Secours catholique. logement ne sont pas toujours remplies par
les personnes rencontrées par le Secours
La confiance catholique. Ou bien ces personnes ne
disposent pas d’un logement décent au sens
Le dernier rapport de l’association, réalisé à partir d’en- du Code de la Sécurité sociale (à savoir :
tretiens individuels effectués auprès de 10 452 personnes, insalubrité, manque d’installations sanitai-
res, étroitesse du logement…), ou bien elles
rend compte d’un isolement largement ressenti. Lutter ne remplissent pas les conditions de natio-
contre la pauvreté et l’exclusion passe par la lutte contre nalité ou de séjour régulier.
l’isolement de nombreuses familles taraudées par la peur
du regard, du mépris, de l’humiliation. Ces familles ont
besoin non pas de méfiance, mais de confiance. Les
accompagner est une nécessité, une obligation morale
et sociale.