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LES BALISES 3-6-9-12, UN GUIDE DES ÉCRANS EN FAMILLE, POUR

APPRENDRE À S’EN SERVIR ET À S’EN PASSER

Serge Tisseron

Caisse nationale d'allocations familiales | « Informations sociales »

2021/1 n° 202 | pages 22 à 30


ISSN 0046-9459
DOI 10.3917/inso.202.0022
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Écrans, numérique et parentalités
Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

Les balises 3-6-9-12, un guide


des écrans en famille, pour apprendre
à s’en servir et à s’en passer
Serge Tisseron – psychiatre

L’utilisation des écrans par les enfants peut, et doit, être contrôlée
par les parents grâce à des règles simples. Avant l’âge de trois ans,
la télévision est non seulement inutile, mais nocive. Au-delà, il
faut adapter la consommation des écrans à chaque âge en fonction
des différents risques de la surconsommation. Enfin, l’utilisation
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raisonnée de leurs propres écrans par les parents constitue non
seulement un modèle éducatif décisif pour l’enfant, mais libère
aussi un temps précieux à passer en famille.

Aucun parent ne penserait à mettre de beefsteak dans le biberon de son bébé !


Non pas parce que le beefsteak serait un produit toxique, mais parce que l’enfant
ne peut pas le digérer. C’est exactement la même chose avec la télévision  :
évitons les écrans avant trois ans. Un parent qui fait de la crème au chocolat
ne met pas non plus le saladier sur la table basse du salon avec une cuillère à
côté pour que son jeune enfant puisse se servir quand il en a envie. Il dit que
ce sera pour le dessert ; il place à ce moment-là une assiette devant l’enfant et
lui donne une portion. C’est exactement pareil avec les écrans. Comme pour
les aliments, tout est question d’âge, de quantité, de moment (Tisseron, 2013).
La tranche horaire doit devenir dans l’éducation aux écrans l’équivalent de
l’assiette dans l’éducation alimentaire. Les écrans peuvent être un formidable
support de divertissement, d’apprentissage et de socialisation. Mais pas à tout
âge ni à tout moment.

Hélas, le risque d’un usage excessif des outils numériques est d’autant plus grand
qu’ils proposent à notre attention des produits aussi attractifs pour notre cerveau
que le sont les barres chocolatées et les sodas pour notre alimentation. Ils ne
sont pas « trop gras, trop salés, et trop sucrés », pour reprendre les termes de la
fameuse campagne de l’ancien Institut national de prévention et d’éducation
pour la santé (Inpes) (1) en faveur d’une alimentation équilibrée, mais ils sont
«  trop colorés, trop mouvementés et finalement trop émouvants  ». Au risque

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Écrans, numérique et parentalités
Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

de détourner les enfants d’apprentissages cognitifs, manuels et relationnels


essentiels, avec des conséquences parfois graves. Cette situation est d’autant plus
préoccupante que l’enfant est plus jeune.

C’est la raison pour laquelle j’ai conçu en 2008 les « balises 3-6-9-12 », calées
sur les âges de 3 ans, 6 ans, 9 ans et 12 ans, afin de guider les parents dans leurs
choix éducatifs en prenant en compte les données scientifiques disponibles (2).

Les risques des écrans sur le développement psychoaffectif du jeune enfant


Une vie quotidienne active et interactive à l’âge préscolaire est indispensable
pour développer les compétences cognitives, relationnelles et psycho-motrices
qui joueront un rôle clé dans le développement ultérieur de l’enfant.

Les premières années de la vie constituent un moment particulièrement critique


dans le développement des zones du cerveau impliquées dans l’autorégulation
de l’intelligence émotionnelle. D’autant plus que, dans la petite enfance, le
nombre d’heures de veille dans une journée est limité. Ainsi, plus les enfants
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passent de temps devant la télévision, moins ils en ont pour le jeu créatif, des
activités interactives et d’autres expériences cognitives sociales fondamentales.
En effet, pour un enfant de moins de 24 mois, il est impossible de parler de
programmes «  adaptés  » (Tisseron, 2007). Seul compte le nombre d’heures
passées devant l’écran, ce qui se fait toujours au détriment d’activités essentielles
à cet âge. Chaque heure passée par un jeune enfant devant un écran lui est volée
sur le temps des acquisitions légitimes, et les conséquences s’en font sentir bien
au-delà des premières années.

> L’acquisition du langage (…) la télévision et les


Non seulement la télévision et les DVD n’accroissent DVD n’accroissent pas la
pas la capacité linguistique des enfants qui les regardent capacité linguistique des
mais, au contraire, ils ralentissent leurs apprentissages enfants (…), au contraire,
(Zimmerman et Christakis, 2005). ils ralentissent leurs
apprentissages.
> Les capacités d’attention et de concentration
La télévision nuit au développement des capacités d’attention et de concentration
d’un enfant de moins de trois ans s’il joue dans une pièce où elle est allumée
et cela, même s’il ne la regarde pas (Schmidt et al., 2008). En effet, la télévision
le perturbe dans ses jeux spontanés, ceux-ci durent moins longtemps et cela
laisse présager de difficultés ultérieures de concentration et d’attention. Les
mêmes problèmes ne se rencontrent ni avec la musique, qui est harmonieuse,
ni avec la radio, qui alterne en général des débats et des plages musicales, alors
que la télévision, et notamment avec les séries, impose des sons hachés et des
lumières contrastées. Ces résultats ont été largement confirmés par les études de
Linda Pagani (Pagani et al., 2010). Les enfants ayant grandi avec les écrans sont
globalement moins autonomes, moins persévérants et moins habiles socialement.

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Écrans, numérique et parentalités
Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

> Le rapport au temps


Lorsque l’enfant dessine, empile des cubes ou déplace un jouet, il découvre en
même temps sa capacité à modifier le monde et le fait que cette modification
est irréversible. Mais lorsqu’il regarde la télévision ou un DVD, chaque instant
se suffit à lui-même, rempli de couleurs, de mouvements et d’émotions. D’où
évidemment une difficulté à concevoir l’irréversibilité des actions (Tisseron,
2013).

> La perte « d’agentivité »


L’étude de Linda Pagani et al. (2010) montre que chaque heure de télévision
quotidienne en plus entre deux et trois ans est corrélée avec un risque
supplémentaire de 10 % pour l’enfant de devenir victime ou bouc émissaire des
camarades de classe à l’âge de dix ans. Probablement parce que la télévision
rend passif et qu’un enfant qui se perçoit comme un spectateur du monde, plutôt
que comme un acteur capable d’influencer les situations, est moins enclin à
répondre à des agressions qu’il subit.

> Les dangers sur la construction de l’empathie


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Les premières années de la vie constituent un moment particulièrement critique
pour le développement des zones du cerveau impliquées dans l’autorégulation
de l’intelligence émotionnelle. C’est à cet âge que l’enfant apprend à constituer
le visage de l’autre comme support de construction émotionnelle partagée. Or
chaque heure passée devant un écran est perdue pour un échange en face-à-
face, avec un adulte ou un autre enfant (Pagani et al., 2016).

Les risques des écrans sur la vue et le sommeil


La lumière des écrans, en particulier la composante bleue des LED qui les
constitue, présente deux risques. Le premier est l’atteinte de la rétine, dont
l’épithélium, dans l’état actuel des recherches, semble ne pas se régénérer. Cette
menace est particulièrement importante pour les jeunes enfants dans le cristallin
n’est pas encore opacifié. De ce fait, il est conseillé de mettre des lunettes aux
jeunes enfants lorsqu’ils sont au soleil, et la même vigilance doit conduire à
éviter de les mettre devant les écrans (Anses, 2019).

Le second problème posé par la lumière bleue des LED concerne leur pouvoir
d’inhiber la sécrétion de mélatonine, hormone clé de l’endormissement. Ces
lumières bleues trompent en quelque sorte le cerveau en lui faisant croire qu’il
fait grand jour, de telle façon que la vigilance est exacerbée. La personne qui
se trouve devant un écran la nuit est ainsi amenée à ne pas ressentir le besoin
d’aller dormir. Il en résulte une restriction du temps de sommeil, mais aussi une
perturbation des rythmes de sommeil qui peuvent entraîner une fatigue, des
troubles de l’attention et affecter les résultats scolaires et la vie sociale (Anses,
2019).

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Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

Ces problèmes sont principalement liés aux conséquences de l’utilisation des


écrans le soir et la nuit. Le rôle des parents est donc capital, d’autant plus que,
si ces effets négatifs strictement physiologiques d’une mauvaise utilisation des
écrans concernent tous les âges, ils sont évidemment plus problématiques pour
l’enfant et l’adolescent.

Vers une éducation positive avec « 3-6-9-12 »


Les balises 3-6-9-12 sont fondées sur trois principes valables à tout âge  :
l’alternance, qui consiste à encourager la diversité des activités, avec et sans
écrans, en privilégiant la création sur la consommation ; l’accompagnement,
qui implique en particulier de parler avec l’enfant de ce qu’il fait et voit sur les
écrans ; et, enfin, l’éducation à l’autorégulation, notamment en fixant les temps
de consommation d’écran et en encourageant l’enfant à toujours associer ses
consommations d’écran à une durée, de façon à l’aider à construire les bases
de l’autorégulation dans tous les domaines, qui passe d’abord par la capacité
d’attendre.
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Il en résulte quatre conseils généraux :

- choisir des programmes de qualité avec l’enfant,


- limiter les temps d’écran,
- parler avec l’enfant de ce qu’il voit sur les écrans et fait avec eux,
- encourager les pratiques de création dès que l’enfant a six ans.

Enfin, évitons de parler d’« addiction ». Le mot répond à une définition médicale


précise, réservée à des pathologies particulièrement lourdes. Ces situations
extrêmes sont en outre souvent associées à des troubles psychiatriques tels
que dépression, anxiété, phobies ou troubles de la personnalité. Parlons plutôt
d’« usage pathologique des écrans » (Bach et al., 2013).

> Avant 3 ans, l’enfant a besoin de découvrir avec un adulte ses sensorialités
et ses repères : jouer, parler, arrêter la télé
De la naissance à 2 ans, mieux vaut éviter toute forme d’écran, sauf des logiciels
de visio-téléphonie comme Skype et encore, lorsque l’enfant peut y interagir
avec une personne qu’il a l’occasion de côtoyer dans la réalité, ne serait-ce
qu’épisodiquement. Entre deux et trois ans, mieux vaut éviter le plus possible
la télévision, même en bruit de fond quand un enfant est dans la pièce  : elle
l’empêche de se concentrer sur ses jeux spontanés, ce qui signifie, à cet âge,
qu’elle l’empêche de construire ses capacités d’attention et de concentration. Ne
laissons alors jamais un enfant devant un écran ou dans une pièce où un écran
est allumé. Cela est d’ailleurs rappelé maintenant dans les carnets de santé.
Quant aux tablettes, il est conseillé de les réserver aux usages accompagnés,
sur des périodes courtes et uniquement pour un usage distractif, sans l’intention
de vouloir développer à cet âge des compétences particulières. Cela n’empêche

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Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

pas de jouer de temps en temps avec un jeune enfant en utilisant une appli
amusante, à condition que ce soit pendant une période évidemment courte et en
complémentarité avec les jeux traditionnels.

> De 3 à 6 ans, l’enfant a besoin de découvrir ses dons sensoriels et manuels :


limiter les écrans, les partager et en parler en famille
À partir de 3 ans, mieux vaut préférer les DVD à la télévision. L’enfant a un rôle
actif en choisissant le programme qu’il veut regarder et il peut le revoir plusieurs
fois pour se familiariser avec lui à son rythme. Et si l’enfant peut, seul, regarder
des programmes courts et jouer à la tablette – là aussi pendant des durées courtes
et en complément des jouets traditionnels –, il est important d’être très clair sur
les tranches horaires pendant lesquelles les écrans sont autorisés.

Enfin, à cet âge, les écrans sont à utiliser comme les livres  : lorsqu’un parent
ouvre un livre illustré avec un enfant, ce n’est pas pour se contenter de le regarder
en silence ; le tout-petit attend du parent qu’il mette sur les images regardées
ensemble des mots qui l’introduisent à leur compréhension. Les parents doivent
apprendre à regarder les écrans qui les entourent de la même façon, en parlant
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de ce qu’ils y voient et en comprennent. Pour donner à leurs enfants le goût de
l’échange vivant.

Par ailleurs, les écrans doivent être dans une pièce commune et les outils
numériques doivent être familiaux. Il faut éviter d’acheter une tablette à l’enfant,
il considérerait à juste titre qu’elle lui appartient et il serait très difficile d’en
gérer la consommation. Avec une tablette familiale, il sera beaucoup plus facile
d’en réguler les usages. Il est également important de fixer une tranche horaire
quotidienne à l’enfant pour ses usages d’écrans, de préférence avant une activité
qu’il n’est pas possible de retarder. Par exemple, l’enfant peut regarder un DVD
entre 17 heures et 18 heures, et après il prend son bain. Cela l’habitue à associer
les écrans à une durée et lui apprend à attendre, ce qui lui sera bien utile plus
tard. Ne jamais utiliser les outils numériques dans les cas suivants  : pendant
les repas, pour calmer l’enfant ou pour le récompenser. Enfin, ne pas oublier
d’encourager les activités physiques et toutes les créations manuelles comme le
pliage, le découpage, le collage, la cuisine, le bricolage…

> De 6 à 9 ans, l’enfant a besoin de découvrir les règles du jeu social : créer
avec les écrans et lui expliquer Internet
De 6 à 9 ans, c’est l’apprentissage des règles du jeu social. C’est aussi l’âge à
partir duquel l’enfant commence à utiliser des outils de création : photographie
numérique, initiation au codage comme le logiciel Scratch, logiciels de création
de vidéos d’animation (Stop Motion)… Cela permet d’inviter l’enfant à créer avec
les écrans. On peut aussi commencer à parler avec lui de l’âge où il aura son
premier téléphone mobile et fixer des règles familiales qui interdisent notamment
les mobiles pendant les repas pris en commun et dans les chambres la nuit. Et
pour que l’enfant accepte cette contrainte dès qu’il aura son premier téléphone,

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Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

il est possible d’acheter un réveil pour chaque membre de la famille bien avant
cet événement, afin que l’enfant s’habitue à avoir le sien, et s’habitue aussi à voir
ses parents utiliser le leur.

> De 9 à 12 ans, l’enfant a besoin d’explorer la complexité du monde :


lui apprendre à se protéger et à protéger ses échanges
On encourage l’enfant à gérer son temps d’écran distractif en l’invitant à utiliser
un «  carnet du temps d’écran  ». Les parents parlent aussi avec lui de ce qu’il
voit et fait avec les écrans. Et lui apprennent les trois règles d’Internet pour se
protéger : tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce qu’on
y met y restera éternellement et il ne faut pas forcément croire tout ce que l’on
y trouve.

C’est aussi l’âge où il faut évoquer avec lui ce que j’appelle « les quatre jungles
d’Internet » :

- la jungle des modèles économiques, avec le prélèvement permanent de nos


données personnelles ;
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- la jungle des réseaux sociaux centrés sur l’économie de l’attention, avec le
risque de surexposition de soi et de harcèlement ainsi que d’aggravation d’un
sentiment de solitude et de dépression ;
- la jungle des modèles sexuels contraignants, omniprésents sur Internet ainsi que
dans la publicité et au cinéma, qui fait courir à l’enfant le risque d’être exposé à
des contenus problématiques tels que violences sexuelles et préjugés sexistes ;
- la jungle de l’information, en expliquant l’importance des sources et de la
hiérarchie de l’information, la place des « fake news » mais aussi la toxicité
de l’information en direct : trop émotionnelle, trop peu informée et induisant
un sentiment d’impuissance suscité par l’incapacité d’agir sur les drames
représentés.

> Après 12 ans, l’enfant s’affranchit de plus en plus des repères familiaux :
mais les adultes doivent rester disponibles, il a encore besoin d’eux
Plusieurs études indiquent que l’utilisation des réseaux sociaux par les
adolescents est plutôt bénéfique (Unicef, 2017). Ces effets positifs concernent
notamment la socialisation par l’utilisation des sites de réseaux sociaux, ceux-
ci étant crédités d’augmenter le sentiment d’être en lien avec les camarades
(Spies Shapiro et al., 2014), de réduire la sensation d’isolement (Teppers et al.,
2014) et de favoriser les amitiés existantes (Kardefelt-Winther, 2017). Les usages
pathologiques correspondraient à une fuite face à une situation réelle vécue
comme insurmontable. L’écran fonctionne alors comme une « potion d’oubli ».
Si la réduction du temps de sommeil a des conséquences problématiques
sur la mémorisation, l’humeur, les capacités d’attention et de concentration,
l’alimentation et bien entendu les performances scolaires, dans ces situations une
réduction contrainte du temps d’écran a peu de chances de réussir. L’important
est de comprendre le problème sous-jacent (Griffiths et al., 2016).

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Écrans, numérique et parentalités
Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

(…) le conseil à donner aux Par précaution, le conseil à donner aux parents est
parents est de retarder le plus de retarder le plus longtemps possible le moment
longtemps possible le moment d’acheter un téléphone mobile à leur enfant, de
d’acheter un téléphone mobile préférer un appareil aux fonctions limitées – téléphone
à leur enfant (…).  à clapet sans Internet ni écran tactile – et d’installer
une application qui limite le temps qu’il peut passer
dessus. Il est également recommandé de faire passer la communication avec
leurs enfants avant l’utilisation de leur propre téléphone mobile ! En effet, le fait
que les parents utilisent leur téléphone mobile quand ils interagissent avec un
jeune enfant perturbe celui-ci (Kildare et Middlemiss, 2017).

D’ailleurs, en France, en 2017, 26 % des jeunes dans la tranche d’âge des 12
à 14 ans trouvent que leurs parents utilisent trop leur téléphone (Observatoire
des pratiques du numérique, 2018). Que diraient-ils si, à un ou deux ans, ils
pouvaient parler ? Les règles de bon usage du mobile ne sont efficaces que si
les parents donnent le bon exemple. Ceux-ci doivent s’efforcer d’utiliser leurs
propres appareils technologiques de manière ciblée, pour des activités précises
et non par ennui, et à ne pas manger devant les écrans.
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***

En résumé, avant trois ans, les écrans non seulement ne sont strictement d’aucune
utilité pour l’enfant mais ils présentent de nombreux risques. Ils nuisent à la fois
à la construction du langage, à la reconnaissance des mimiques et aux capacités
de concentration, le défilement très rapide d’images, de sons et d’informations
habituant l’enfant à zapper d’un espace à l’autre. Ils nuisent aussi à la capacité
d’autorégulation, dans la mesure où ils ne favorisent ni la prise de recul ni la mise
en place du contrôle inhibiteur. Mais au-delà de trois ans, les conséquences des
écrans sur le développement ne peuvent pas être estimés seulement en fonction
du temps passé. Il est essentiel de les contextualiser, c’est-à-dire de prendre en
compte ce que chacun fait avec eux.

C’est pourquoi les parents doivent se poser plusieurs questions au sujet des
écrans. Leur place physique tout d’abord : où sont-ils, l’enfant y a-t-il un libre
accès  ? Leur place dans l’emploi du temps de chacun ensuite  : combien de
temps l’enfant passe-t-il par jour à les regarder ? Et enfin, leur place dans les
échanges familiaux  : le repas du soir est-il pris sans télévision, ni téléphone
mobile, ni smartphone, pour en faire un moment convivial  ? Parle-t-on des
écrans en famille pour aider les enfants à construire du sens autour de ce
qu’ils montrent et à développer leurs compétences narratives  ? Par ailleurs,
si mettre un jeune enfant devant un écran peut nuire à son développement
psychomoteur et affectif, l’utilisation par les parents de leur propre téléphone
mobile pendant qu’ils s’occupent de lui est tout aussi problématique  : nos
jeunes enfants ont besoin de notre regard, n’interposons pas notre téléphone
mobile entre eux et nous.

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Effets des écrans et du numérique sur la parentalité

Enfin, rappelons-nous que l’on n’éduque jamais mieux que par l’exemple.
Les parents ont un rôle essentiel à jouer pour le bon usage des écrans et la
construction de l’enfant, aussi bien en tant qu’autorité éducatrice que comme
modèle d’imitation.

Les écrans posent un problème de santé publique qui nous concerne tous. Il
revient aux adultes de ne pas laisser s’installer des situations qui deviendront très
difficiles à gérer lorsqu’elles se seront figées en habitudes partagées.

Notes
1 – L’Inpes a été intégré au sein de l’agence Santé publique France en 2016.
2 – Les conseils pour chacune des tranches d’âge sont présentés dans le flyer et l’affiche disponibles
sur le site www.3-6-9-12.org

Bibliographie
■ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du
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© Caisse nationale d'allocations familiales | Téléchargé le 24/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 113.161.74.215)

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