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L’AUTOMATISME MENTAL CHEZ L’ENFANT

Dominique de Quay, Laetitia Putigny-Ravet, Beila Sciamma-Danan, Éva-Marie Golder

Érès | « Journal français de psychiatrie »

2017/1 n° 45 | pages 83 à 98
ISSN 1260-5999
ISBN 9782749256177
DOI 10.3917/jfp.045.0083
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L’automatisme mental chez l’enfant

L’automatisme mental
chez l’enfant
Dominique de Quay*
Laetitia Putigny-Ravet**
Beila Sciamma-Danan***
Eva-Marie Golder****

D
éjà Bleuler notait dans sa description des schizophrénies d’adultes
que si on effectuait les mêmes observations soigneuses auprès des
enfants, on ne découvrirait pas seulement des psychoses, mais
également les mêmes manifestations de celles-ci que chez l’adulte. Force
est de constater qu’il avait raison 1. Cependant, qu’est-ce qui nous autorise à
parler de psychose chez un enfant parfois très jeune ?
Les avis divergent et donnent lieu à des débats quelquefois très vifs.
Comment peut-on se permettre de parler de psychose chez l’enfant sans le
condamner ipso facto à un avenir sombre ? Pire encore, comment peut-on se
permettre de parler d’automatisme mental chez un enfant, de phénomènes
élémentaires d’une psychose ? C’est sur ces fondements passionnels que la
recherche en la matière court le risque de s’enliser.
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Trouver un point de départ
D’emblée, la question de l’origine se pose et elle est double. Origine de la
pensée et origine des dysfonctionnements de la pensée contribuent à mettre
en lumière les mécanismes qui peuvent se perturber parfois très tôt. Les théo-
risations ne manquent pas. Elles sont toutes issues de la même période, de

1. « La schizophrénie n’est pas une psychose de la puberté au sens strict, bien que dans la plupart
*
Psychanalyste. des cas, l’affection devienne manifeste peu après la puberté. Si l’anamnèse est relativement bien
**
Psychologue, faite, on peut en suivre la trace jusque dans l’enfance, et ce jusque dans les premières années de
psychanalyste. l’existence, dans au moins 5 % de cas. Si on reçoit les malades dans leur enfance, ils présentent les
***
Psychologue. mêmes symptômes que les adultes. Les enfants ne sont pas aussi au clair que les adultes, non certes
****
Docteur en sur leurs souhaits, mais sur le contenu de ceux-ci. La problématique est peut-être dans notre manque
psychologie, d’expérience avec les petits malades mentaux », E. Bleuler, Dementia praecox ou Groupe des schizo-
psychanalyste. phrénies, epel-grec, 1993, p. 310.

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L’automatisme mental chez l’enfant

la première moitié du xxe siècle, féconde à cet égard à la fois en psychia-


trie comme en sciences humaines. Quelques auteurs seront nos références :
Piaget, Merleau-Ponty, Lévi-Strauss pour l’histoire de la pensée, et Bleuler,
Clérambault, Séglas pour la psychiatrie. Ce qui frappe en effet est le cloi-
sonnement dans les deux domaines. Les auteurs cités ont tous travaillé en
exclusivité dans le champ de l’adulte, pour les psychiatres, tandis que celui
qui a élaboré la question de la pensée chez l’enfant, Piaget, se limite exclusive-
ment à l’observation de l’enfant sain. Ce sont respectivement le philosophe et
l’ethnologue qui ouvrent le regard plus largement sur l’interdépendance de la
pensée de l’enfant, de la maladie mentale, de la pensée dite « primitive ». Tous
sont évidemment d’accord sur le fait que l’humain est fait de langage : « on
n’est pas des lunes », dit Lacan. Force est néanmoins de constater combien
les théorisations divergent quant à la manière dont le langage nous saisit/
Les dont nous nous saisissons du langage. Premier point de divergence majeure,
notamment entre Lacan et Piaget.
théorisations Les désaccords sont importants, surtout à propos de la question de la
pensée.
divergent – du point de vue de la pensée et de ses origines d’un côté, l’accent est mis
sur la prééminence de la pensée « adulte » par Piaget, avec l’affirmation qu’il
quant à la manière n’y a pas de pensée sans l’expression verbale de la représentation, donc de
discours, alors que Merleau-Ponty, entre autres, met l’accent sur le corps
dont le langage comme pensée, posant la pensée exprimée comme radicalement séparée du
nous saisit/ corps, en tant qu’« idée du corps », laissant « un espace noir 2 » qui redouble
« l’espace clair » des choses perçues. Le « mi-dire » de Lacan apparaît ici en
dont nous filigrane ;
– du point de vue de la psychopathologie, les recherches portent la marque de
nous saisissons leur époque : l’ethnologie/la sociologie donnent l’empreinte aux affirmations
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de Clérambault (citant Lévy-Brühl) qui met en rapport les fonctionnements
du langage. de l’automatisme mental avec le passé phylogénétique de l’homme 3. Lévi-
Strauss s’insurge contre de telles affirmations, en soulignant qu’il n’y a pas
de pensée du Sauvage, et encore moins une pensée « inférieure », mais qu’il
existe pour tout homme une forme de pensée à l’état sauvage, cette forme
de pensée qui marque précisément une pensée en train de se constituer 4.

2. M. Merleau-Ponty Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 256


3. « Un réveil de l’idéation primitive qui a préparé la science humaine durant sa période prélogique.
[…] L’automatisme mental serait ainsi le réceptacle des mécanismes inférieurs de la pensée […]
parce qu’il représente les mécanismes supérieurs des temps passés, il résumerait la phylogénie de
l’intellect », G. Gatian de Clérambault, Œuvres psychiatriques, Frénésie éditions, 1987, p. 480.
4. « Chaque civilisation a tendance à surestimer l’orientation objective de sa pensée, c’est donc
qu’elle n’est jamais absente. Quand nous commettons l’erreur de croire le sauvage exclusivement
gouverné par ses besoins organiques ou économiques, nous ne prenons pas garde qu’il nous adresse
le même reproche, et qu’à lui son propre désir de savoir paraît mieux équilibré que le nôtre », C. Lévi-
Strauss, La pensée sauvage, Paris, Pocket, 1990, p. 13

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Ajoutons combien Piaget insiste sur le passage chez l’enfant, on découvre que l’évolution dite
obligé de la construction de la pensée chez « normale » parcourt progressivement tous
l’enfant par la période de la pensée magique les écueils décrits avec tant de précision par
et animiste. De même qu’il souligne que les les aliénistes. Quelques exemples rencontrés
« pourquoi ?» de la petite enfance comportent chez les enfants peuvent mettre en lumière
des éléments d’indifférenciation entre but et les accidents qui peuvent être extrêmement
cause efficiente : « … Comme si les pourquoi précoces. On y voit alors avec force l’impact de
de la petite enfance présent[ai]ent une significa- l’entourage. Ce qui fait difficulté est la néces-
tion indifférenciée, à mi-chemin entre le but et sité de différencier des manifestations, subtiles,
la cause, mais impliquant les deux à la fois 5. » parfois patentes, mais encore transitoires, de
Les compactages du type holophrastique sont leur corollaire déjà enkysté.
fréquents. Pensée non pas sauvage, mais en Les expériences de la pensée, de la percep-
train de se construire en ensemble cohérent. Un tion, du langage, qu’on peut observer dans la
réaménagement est en cours. psychose adulte, l’enfant les fait au début de sa
De fait, il ne peut pas être question de début, vie, mais cette expérience est passagère, parfois
que cela soit en matière de pensée ou de maladie fugace, parfois plus longue, selon les tempora-
mentale : le début est toujours mythique, repé- lités de chaque sujet singulier, tandis que chez
rable dans l’après-coup seulement. La fin seule l’adulte, il s’agit d’une cristallisation clairement
explique le commencement et le commence- catégorisable. Ce qui les rapproche est la forme
ment ne saurait expliquer la fin. Cela s’impose de réception et d’articulation du monde, qui
à nous tant pour la maladie que pour le sujet pour l’un est perturbée et pour l’autre en devenir
concerné, en chantier dans l’ordre du symbo- constant. L’« adultocentrisme », même chez les
lique et de la représentation. Comment un enfant professionnels du psychisme, fait bien souvent
se débrouille-t-il avec le déséquilibre auquel il oublier que tardivement encore, l’enfant n’a
est en permanence confronté par la découverte pas les mêmes possibilités mentales de conce-
du monde et la construction de la représentation voir le monde, d’interpréter ses perceptions,
de celui-ci ? À partir de quel moment on repère que l’adulte. On l’admet plus facilement chez
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un début de maladie ? les petits jusqu’à l’âge scolaire, et encore, mais
on se laisse induire en erreur par un discours
qui a tout l’aspect d’un discours d’adulte, chez
La question ontologique certains enfants quelquefois très tôt, dès l’âge
De fait, qu’est-ce donc que l’être-enfant, de 3 ans, alors que la perception du monde
l’être-sujet, l’être-schizo ? À écouter Klein, continue d’être celle d’un petit enfant. L’écart
Despert, entre autres, tout début passe par une entre discours et comportement devrait déjà
forme de psychose. L’on pourrait même affirmer alerter le praticien averti. Tout enfant parcourt
qu’il y a un automatisme mental « normal », tant des phénomènes qui peuvent évidemment nous
il est vrai que normalité et pathologie ont les inquiéter, mais cela fait partie de la découverte de
mêmes débuts. Car, à lire Piaget tout en ayant son monde. Ce qui doit cependant nous alerter,
présentes à l’esprit les difficultés naissantes c’est la durée de ces mêmes phénomènes. Une
observation au long cours peut faire apparaître
5. J. Piaget, Six études de psychologie, Paris, Gallimard, que certains aspects se retrouvent toujours à la
« Folio essais », 1964, p. 39. même place, sans variation. Ces phénomènes

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relèvent alors d’un pur réel qui n’est pas pris dans la chaîne symbolique,
mais qui plutôt la troue.
La description de Clérambault et de Bleuler, croisée à celle de Séglas et
de Piaget, fait apparaître une concordance frappante entre la construction du
langage chez l’enfant et les dégradations progressives du langage chez les
aliénés. Ce travail tout en finesse reste à poursuivre. Car en effet, loin de faire
référence à la « pensée primitive » des Sauvages, les dégradations suivent
La description les lignes de faille et les obstacles de la construction du langage chez le petit
enfant.
de Clérambault
et de Bleuler, Les débuts insidieux de l’automatisme mental
Ce qui fait signe comme potentiellement porteur d’une future pathologie
croisée à celle avérée et classifiable au sens des aliénistes se manifeste préférentiellement
de Séglas par des signaux de cristallisation. À ce sujet, Clérambault, avec son syndrome
d’automatisme mental, nous livre un axe de travail important : il définit les
et de Piaget, phénomènes qui envahissent le sujet comme anidéiques et neutres. Ils sont
anidéiques, c’est-à-dire sans relation avec la constitution, la disposition, le
fait apparaître caractère antérieur du patient, le fond psychique antérieur, que l’auteur diffé-
rencie de l’innéité paranoïaque. La notion d’« anidéisme » montre le fond
une concordance archaïque à l’œuvre dans toute construction pathologique. Ainsi, tel enfant qui
durant des années de travail avec nous se montre toujours d’humeur joyeuse,
frappante entre racontant avec force détails une vie sans souci. Seules les accusations, parfois
sans nuances, de ses parents, contre lui, et peut-être contre le praticien inca-
la construction
pable de mettre cet enfant au travail, notamment scolaire, montrent l’écart
du langage entre la réalité et ce qui apparaît alors comme confabulation réécrivant en
permanence une histoire qui pourrait faire oublier les violences qu’il subit et
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chez l’enfant et dont nous entendons quelquefois parler par l’un des parents, accusant l’autre
parent. Ou tel autre enfant qui construit sa fabulation, cette fois-ci suffisam-
les dégradations ment baroque pour alerter l’oreille du praticien, et qui, pendant qu’il parle,
dessine en lignes très peu élaborées des scènes parfois sans aucun rapport avec
progressives ce qu’il est en train de dire, sans rapport avec lui-même. La différence entre le
premier patient et le second se situe dans la possibilité dont le second dispose
du langage d’organiser, en parallèle aux dessins à la limite du gribouillis, sa production
chez les aliénés. graphique dans un ensemble à valeur artistique frappante, parlant de sa diffi-
culté, et ceci à une condition : c’est de pouvoir dessiner en silence.
Ces phénomènes de l’automatisme mental initiaux possèdent un carac-
tère insidieux et autonome. La liste est bien connue : il s’agit de l’écho de
la pensée, de la pensée anticipée, d’énonciation des actes, de dialogues
intérieurs, d’intuitions, de tendances aux phénomènes psychomoteurs
opposés aux voix objectivées et thématiques plus tardives. Clérambault
décide d’y adjoindre « d’autres laissés dans l’ombre » « subtils », tels que les

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mots explosifs, les jeux syllabiques, les absur- conceptuelle seulement vers l’adolescence. Ce
dités et les non-sens. Le jeu des enfants mais qui surgit dans le cours de sa pensée possède un
aussi l’être-enfant livrent nombre de possibilités caractère exogène pour l’enfant, mais n’est pas
de rencontre avec de tels phénomènes. Cléram­ reconnu comme tel au départ. Bien plus, cela
bault ajoute qu’il est indispensable d’avoir à va de soi. Il faut sans doute que « les créations
l’esprit que nous pouvons tous être concernés hostiles » de l’automatisme mental apparaissent
par eux sous une forme réduite et exception- pour que des sensations ou des états affectifs plus
nellement (fatigue, survenue d’événements intenses alertent d’autres que le sujet lui-même.
exceptionnels). Ces phénomènes fonctionnent Il arrive même que l’enfant s’exprime, décrive,
isolément, s’émancipent, se constituant en un « joue », ce qui l’habite, nous révélant ainsi son
système, une tendance à la verbalisation, une concernement par cette phénoménologie hors de
émancipation. Nous y reconnaissons aisément toute dialectique, mais il faut du temps, jusqu’à
des éléments théoriques évoqués et élaborés de ce que l’enfant puisse exprimer son étonne-
leur côté par Séglas et Bleuler.
ment par rapport à la dimension xénopathique.
L’automatisme mental tel que défini par
Ainsi, quelle différence entre les deux discours
Clérambault ne comporte donc par lui-même
suivants :
aucun délire. C’est comme si à lui seul il ne
pouvait modifier le caractère du patient. Et
A a 3 ans et demi. Nous le rencontrons avec
pourtant, un dédoublement, une scission se
sa maman qui se plaint de ses comportements
produit de façon presque inaperçue à l’aide de
ces processus plus rares. Que faire du passage insupportables. L’école se plaint aussi : il fait
d’une pensée invisible ? pipi et caca sur lui durant la sieste depuis trois
semaines. Questionné quant aux raisons, A
répond à sa mère que « c’est son petit cœur qui
La délicate frontière entre le normal
le lui dit ». La mère s’en énerve, l’accuse de
et le pathologique dire n’importe quoi. Elle a noté également que
depuis qu’ils lui disent qu’il est grand, il se met
L’enfant ne témoigne pas forcément d’une
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à les appeler par leur prénom et proteste quand
quelconque inquiétude ou étonnement, il vit
ils le lui interdisent. 
plutôt avec ce qui lui arrive. Parfois, nous en
apercevons de manière fugace des signes en B a également 3 ans et demi. Dans une
séance : le regard de l’enfant qui brusquement séance, la mère nous raconte qu’il lui a rapporté
se fixe en une direction, nous laissant supposer un cauchemar : « J’ai rêvé que la lumière me
qu’il est en train d’écouter des voix. C’est parle et m’empêche d’aller aux WC. » La
alors seulement, et dans une relation transfé- formulation du rêve nous faisant penser à une
rentielle confiante, que quelquefois l’enfant se hallucination, nous lui faisons préciser. Oui,
laisse aller à dire qu’on lui parle, du coin de la il a eu les yeux ouverts. La mère est réticente
pièce, du plafond. En effet, comment un enfant et insiste sur la dimension de rêve, alors que
s’y prend-il pour reconnaître son discours, ses l’enfant l’interrompt et insiste davantage sur la
pensées comme étant les siens ? Piaget souligne dimension réelle, voire répétitive, de ce phéno-
souvent à quel point l’autoscopie, la réflexion à mène. Il précise que ça lui est arrivé plusieurs
propos de ses propres actes et pensées, se déve- fois et il dit : « La voix me dit de faire dans la
loppe avec une grande lenteur pour devenir culotte. »

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Pendant une semaine, il a hurlé au moment de l’endormissement.


Il précise : « La lumière m’a réveillé et m’a parlé. » La mère lui suggère
comme solution d’apaisement de rapprocher son lit de celui de sa sœur pour
se rassurer.

Dans le premier cas, il s’agit d’un enfant qui a évolué très rapidement
sur le plan du discours, mais qui a été largement encouragé à garder des
comportements de bébé (biberon, couches, endormissement avec parents) et
qui a besoin de plus de fermeté de la part des parents. De toute évidence, il a
amené sa maman en consultation pour qu’on l’aide, elle. Cette petite voix (le
petit cœur) qui dit à l’enfant qu’il doit faire dans la culotte se situe clairement
au niveau d’un début de fabulation, mais s’appuie encore sur ce que l’on
observe à son âge, à savoir la présence d’une voix intérieure pouvant à la fois
être du côté du Surmoi (Piaget parle alors d’« hétéronomie », « se nommer en
Quelque chose s’appuyant encore sur la dépendance de l’autre », au lieu de l’« autonomie »,
à savoir, parler en son nom propre) ou du Ça.
s’est détaché Dans le deuxième cas, il s’agit d’un enfant suivi pendant plus d’un an
en psychothérapie, ayant d’emblée présenté des comportements évoquant
et vient ainsi une forme de schizophrénie, notamment par sa manière très artificielle de
parler, connue chez l’adulte sous le terme de « maniérisme », à savoir une
au premier plan, voix projetée à la cantonade avec un systématisme du « parler bébé », et décla-
matoire, qu’il ne peut laisser tomber qu’à de rares moments de concentration
s’achemine vers sur un jeu.
la construction La théorisation lacanienne du point de capiton vient éclairer ce phéno-
mène. B a déjà saisi la dimension xénopathique de cette apparition halluci-
d’une suite natoire, alors que la mère la rejette, affolée sûrement par ce qu’elle entrevoit
comme menaçant. Ce qui est bruyant et perceptible, même pour l’entourage,
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pathologique. n’est que secondaire au trouble fondamental de la pensée. Pour nous-mêmes,
il faut nous rendre à l’évidence qu’il y a là des points d’attache disparus
dans le capitonnage subjectif représentant la division ratée du signifiant et
du signifié dans l’expérience psychotique. Quelque chose s’est détaché et
vient ainsi au premier plan, s’achemine vers la construction d’une suite patho-
logique. Ces phénomènes qui assiègent le sujet sont premiers, (symptômes
fondamentaux de Bleuler), le délire, (symptôme accessoire chez Bleuler) se
présentera peut-être plus tard.

La délicate différenciation entre rêve et hallucination


Bleuler nous indique des analogies entre la schizophrénie et le rêve, les
images symboliques, les condensations, l’empire des sentiments, les idées
délirantes, les hallucinations, mais ces analogies deviennent identité dans
le cas où les malades traitent leurs hallucinations oniriques comme si elles

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étaient réelles. L’exemple de B montre bien qu’à y ait du discours, dit-il, avant que l’enfant ne
3 ans et demi, cela est déjà possible, à condition parle, et pourtant, il utilise le terme de « révo-
qu’un autre soit récipiendaire de ce dire dans le lution copernicienne » dans le rapport du bébé
transfert. au monde, avant que le premier mot ne soit
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Bleuler dit que le rêve du schizophrène prononcé.
appuie du côté du double et Piaget, qui a inter- C’est en croisant les observations des
rogé de nombreux enfants, insiste sur le fait psychiatres sur les adultes et de la psychologie
que jusqu’à 7-8 ans, pour bien des enfants « le sur le développement de la pensée des enfants
double est dans la chambre 6 ». Le double est « sains » que nous allons tenter d’entendre au
quelque chose qui apparaît déjà en filigrane dans plus près, à partir de plusieurs cas cliniques,
la description piagétienne de la toute première l’émergence de signes psychopathologiques qui
période de vie du bébé, appelée « période pourraient se cristalliser chez l’enfant. Dans les
sensitivo-motrice ». Il insiste sur le fait qu’à ce rêves et cauchemars des petits, riches en fantas-
moment-là il n’y a pas de pensée, mais relève magories, dans le jeu des enfants avec invention
l’importance du mimétisme. L’autre est une de personnages imaginaires, monstres, bandits,
voleurs, sorcières, avec quels phénomènes et à
doublure du bébé. Pas de pensée avant qu’il
quel moment du développement de l’enfant le
6. J. Piaget, La représentation du monde chez l’enfant, Paris, clinicien doit-il s’inquiéter ? L’enfant en bonne
Puf, coll. « Quadrige », 2008, p. 99. santé peut étonner un adulte non averti de la

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particularité de la séparation de la représentation par rapport au corps. Cela


est cependant patent. Ainsi une petite fille de 2 ans 9 mois nous dit qu’elle
est grande, qu’elle ne porte plus de couches de jour : « Je suis grande main-
tenant ! » Nous lui demandons ce qu’il en est de la nuit. « Mais quand je suis
couchée, j’ai des couches ! » Nous : « Explique-nous, comment ça marche.
Peu à Est-ce que tes parents mettent une couche quand ils se couchent ? » Elle :
« Mais non, mais moi couchée, j’ai une couche. » Elle fait une mimique de
peu, l’enfant refus et ne continue plus l’échange. Le mot « couche » est encore collé à
la fois à une seule signification quasi holophrastique « couche-couchée »
va effectuer et visiblement lié à la représentation de l’horizontalité. Nous voyons bien
combien ces phénomènes demandent du temps à se décoller à la fois de la
un découpage qui signification Une, de l’ordre de la coaptation, et du corps lui-même.
va le sortir de l’état
La constitution des images
de confusion
Comment l’enfant s’empare-t-il des sensations provoquées par les premiers
et d’emprise soins maternels pour les constituer en images ? Comment un éprouvé du
corps devient-il image ? Ici, nous pouvons reprendre le terme de « révolution
dans lequel tout copernicienne », parce qu’entre la sensation corporelle, matrice des premières
inscriptions, et l’image formée, matrice de la future représentation, il y a un
vient du dehors écart dont le franchissement restera mystérieux. Dolto faisait remarquer que
nous voyons comment l’enfant réveillé peut accrocher du regard le rideau
et s’impose qui bouge, s’occuper à jouer avec la lumière en ouvrant et fermant les yeux.
en dedans, Ce que l’enfant met en scène bien plus tard, l’accompagnant de commen-
taires solipsistes, tout à son jeu, prend son enracinement dans les moments de
et ce n’est que rassasiement éveillé très précoces. Elle parle du regard « en dehors » et « en
dedans », pas vraiment séparés et dont l’image inconsciente du corps, selon
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progressivement sa définition, est une première synthèse subjective, avant d’être brutalement
séparée par le refoulement secondaire intervenant au moment du stade du
qu’il pourra miroir. Elle y associe, comme Klein du reste, un passage dépressif lié au fait
que son être, confondu à celui de la mère jusqu’alors, n’est plus à même de
ainsi transformer répondre de lui-même pour l’autre, mais que maintenant, il s’agit de prendre
des sensations en compte cette image qui a l’air de le représenter pour ce même autre.
Merleau-Ponty 7 insiste également sur l’existence d’un imaginaire corporel,
en images puis en non scopique, très archaïque. Ce phénomène fonctionne tout seul, un peu à
la manière d’un réflexe. C’est cela qui lui fait dire que le corps est « lisant et
représentations. écrivant ». Nous pouvons rapprocher ces phénomènes des mécanismes pré-
spéculaires, liés au refoulement originaire et primaire. Ils sont spécifiquement
liés au langage, mais à fonctionner tout seuls, ils ont les caractéristiques de
l’automatisme mental sans en présenter les effets de cristallisation que l’on

7. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 215 et suiv.

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L’automatisme mental chez l’enfant

retrouve à l’âge adulte. Peu à peu, et grâce à permet nullement de différencier ce qui naît
l’entourage, l’enfant va effectuer un découpage de sa fantasmagorie onirique par rapport à ses
qui va le sortir de l’état de confusion et d’em- pensées éveillées. Pourtant, cela parle de ses
prise dans lequel tout vient du dehors et s’im- pensées du soir. Le matin, il sait que ce n’était
pose en dedans, et ce n’est que progressivement pas la réalité mais il voit « des voleurs qui volent
qu’il pourra ainsi transformer des sensations une dame, ses parents, tout, même les murs ». Il
en images puis en représentations. Nous pour- précise qu’« une machine avale les murs puis
rions ainsi parler d’un « automatisme mental » les transforme ». Les murs, les séparations entre
normal, universel. Il y a donc une idiosyncrasie les espaces, entre lui et l’autre, ne tiennent pas
normale dans la construction de la représen- pour C. La confusion entre l’espace du dedans
tation chez l’enfant et qui diffère de celle de et celui du dehors se maintient malgré son âge
l’adulte. avancé. « Le voleur a dormi chez moi et a tout
volé, mon argent, la carte et le code de mes
L’enfant accède parents. J’entendais les coups de feu pendant
à la notion de « rêve » toute la nuit. » Il a la certitude qu’il y avait de
vrais coups de feu à l’extérieur.
Piaget insiste sur l’importance des étapes Pour C, ce qui vient du dedans s’impose du
progressives dans la compréhension. La coap- dehors. Cette manière de traiter des éléments du
tation corps-signifiant-signifié ne se défait que rêve comme s’ils étaient réels ne serait-elle pas
lentement pour aboutir à la possible concep- l’ombilic d’une activité hallucinatoire imposée ?
tualisation à l’adolescence. Le passage par la Ainsi maintenues dans la confusion, les images
pensée magique est incontournable. L’enfant formées par C peuvent-elles lui permettre d’ac-
comprend en premier lieu que le rêve a une céder à une fonction de représentance ? Rien
réalité spécifique, qu’il est à la fois réel et irréel, n’est moins sûr, quand bien même une cicatrisa-
puis il s’aperçoit de sa nature privée, en tant tion peut éventuellement le protéger contre une
qu’un rêve n’a d’existence que pour lui, quand aggravation de ces phénomènes. Apparaissant à
bien même il peut encore affirmer que le person- cet âge, ceux-ci forment néanmoins un terrain
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nage du rêve se trouve dans sa chambre. Il saisit de fragilité qui peut céder à une épreuve ulté-
qu’il doit passer par la parole pour le partager rieure, des années après.
avec un autre. Seulement plus tard, il admet son
caractère interne. C’est après l’âge de 10 ans Les défaillances du « comme si »
que les registres sont suffisamment capitonnés
chez l’enfant pour qu’il y ait une compréhension Très jeune, un enfant peut déjà prendre
de la topologie du rêve réelle, privée et interne. distance par rapport à un rêve et dire « qu’il a
C, âgé de 11 ans, nous parle de pensées cru que », ou que « c’était comme si », c’est-
éveillées, de « mauvaises pensées » qu’il à-dire se positionner comme narrateur d’un
distingue des cauchemars, et qui l’empêchent événement dont il cerne la dimension d’illu-
de s’endormir. Il les situe précisément au sion. Quand ce léger décalage manque, il faut
moment de l’endormissement et non dans s’en alerter. Ce sont souvent les prolégomènes
son sommeil, il en a la certitude. La psychia- d’une cristallisation qui deviendra plus percep-
trie parle de phénomènes hypnagogiques. Sa tible quelques années plus tard. L’enfant n’aime
certitude est surprenante alors que son récit ne pas qu’on lui signifie que ce qu’il dit est bizarre.

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Nous l’avons vu avec l’exemple de « couche-couchée ». Au mieux, il change


de sujet, au pire, il se referme, pensant qu’on se moque de lui, ou alors il se met
à broder des fabulations. Nous touchons là au « comme si » au sens de Hélène
Deutsch. Celle-ci, s’intéressant à la différenciation psychopathologique entre
névrose et psychose, propose de baptiser comme si un phénomène clinique.
Il s’agit d’un trouble essentiellement affectif pour lequel elle introduit dans
le vocabulaire clinique le terme de pseudo du fait du manque d’authenticité
dans la qualité du discours de ces patients, alors même qu’il y a adaptation à
la réalisation, maintien des réactions intellectuelles et affectives appropriées.
L’enfant Freud a mentionné la construction des modèles de pensée au niveau de la
société. Deutsch, au niveau de la personnalité, observe que l’individu adopte
psychotique un modèle pour trouver une stabilité psychique « comme s’il n’y avait pas
de manque », tout se passerait comme si. Il ne s’agit pas de l’imitation telle
n’exprime pas que l’être-enfant, l’exerçant, avance dans le processus de l’identification,
le plaisir de mais de la rencontre avec un trou en lien avec une identification impossible.
Hélène Deutsch passe par les notions de collage, d’a-subjectivité, dans un
son observation, registre spéculaire pratiquement pur, comme tentative de boucher la béance.
Elle évoque les effets sur un enfant d’une éducation par trop laxiste ou, au
mais est contraire, sévère, qui relèverait du dressage, les deux menaçant l’identification
œdipienne aux parents. Lacan n’hésite pas à déceler dans ce processus patho-
littéralement avalé logisant « la non-intégration du sujet au registre du significant […] préalable
à la psychose », compensation imaginaire du défaut de signification phallique.
par le point L’hypothèse d’une défaillance de la fonction symbolique pourrait nous
qui se forme. aider à repérer ce qui est en jeu pour C. Il raconte le rêve suivant : « Un
mort-vivant avait mangé toute ma famille, il ne restait plus que moi. Ils étaient
Ce n’est plus des centaines de milliers. Un des zombies avait la bouche grande ouverte sur
ma tête mais sa bouche n’était pas encore fermée. Ma famille devenait morte
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lui qui regarde vivante et le chef paternel était mon grand-père paternel, quand on tapait
dedans ça les transperçait, il n’existait pas pour de vrai… j’hallucinais, je me
le point, mais battais dans l’air. »
Ce rêve fait résonance avec le décès de son grand-père maternel. Autour de
le point le regarde la mort de ce grand-père, il y a eu un trou dans la parole. La mère a mis de côté
le deuil et l’enfant, dans un effet de vase communicant, pleure intensément à
et l’avale. l’évocation de ce grand-père. Une parole vient à manquer pour dire la perte
et fait retour dans le réel sous forme d’apparition.
Lacan nous dit qu’un phénomène élémentaire vient comme un trou dans
la parole défaillante du sujet au moment d’aborder la véritable parole, c’est
un signifiant essentiel qui manque.
B, de son côté, à propos du cauchemar, constate lui-même que ce décalage
fait défaut, d’où sa réaction de terreur que sa maman ne peut pas prendre en
compte autrement qu’en cherchant des aménagements dans la vie concrète :
« Va dormir avec ta sœur, ça passera ! » Quand il n’y a pas ce mouvement de

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L’automatisme mental chez l’enfant

décentrement par rapport à l’événement, mais un phénomène qui s’observe quasi systémati-
fixité, avec ce que cela suppose de rapport avec quement chez les enfants psychotiques. Ainsi,
la pulsion de mort, contre laquelle ces enfants, un autre enfant, D, va illustrer dramatiquement
et d’autres, pas psychotiques du tout, dans une les phénomènes d’inversion : chez cet enfant, il
explosivité désespérée, souvent étiquetée de n’y a plus de sujet qui contemple les éléments
tdah, se défendent par des accès maniaques, du monde, mais les éléments du monde l’enva-
alors il faut s’en inquiéter. hissent au point de l’abolir, et viennent se coller
à son corps. Ces phénomènes de collage sont
Les points de fascination peut-être parmi les premiers à nous alerter. Ils
sont ténus et il faut en avoir fait l’expérience
et d’inversion
systématique auprès de nombreux enfants pour
Un autre aspect permet un repérage précoce attester de leur présence régulière, au point où
de signes d’alerte. Le jeune enfant en bonne l’on peut légitimement se demander s’il ne
santé qui dessine connaît le plaisir de regarder s’agit pas là d’un élément pathognomonique.
l’encre qui s’étale lentement s’il laisse la pointe
du feutre longtemps sur le même endroit de la Une topologie particulière
feuille. L’enfant psychotique, lui, n’exprime de l’espace
pas le plaisir de son observation, mais est litté-
ralement avalé par le point qui se forme. Ce Dans cette topologie envahissante, quelque
n’est plus lui qui regarde le point, mais le point chose va se décoller néanmoins. L’exemple
le regarde et l’avale. C’est ce que nous appe- de D montre la particularité d’une topologie
lons le point de fascination. Ces phénomènes commune entre mère et fils, un espace où tout
ne touchent pas que la flaque de couleur sur la se confond. D est un garçon de 5 ans, scola-
feuille, mais concernent d’autres aspects, analo- risé en dernière année de maternelle lorsqu’il
gues, dans la psychose infantile. Ils touchent à la est accueilli au cmpp, en groupe et en séances
confusion dehors-dedans, sujet-autre. Ainsi E, individuelles. Lorsqu’il se présente au groupe
4 ans et demi, fait le geste d’effacer le grain de d’enfants, il dit : « Je m’appelle D et je suis né à
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beauté qu’il a au creux de ses lèvres en voyant New York. » Sa mère lève les yeux au ciel, d’un
son reflet dans le miroir, puis colle le visage sur air agacé, mais la seconde fois qu’il le dit, elle
le miroir à l’endroit du grain ; il fait Un avec appuie ses dires et ajoute que l’on est bien en
cette image. Ce grain fait défaut, trou, il ne le Amérique. D se sépare facilement de sa mère
reconnaît pas comme appartenant à son corps. quand elle le dépose au cmpp, c’est un enfant
Cette tache pourrait indiquer l’endroit où il ne souriant, parfois même jovial, dans les couloirs
s’agit plus d’une image virtuelle mais d’une sa démarche est sautillante. Dans le groupe,
image réelle qui ne se différencie pas et qui D prend souvent la parole et a un débit très
l’avale. élevé ; il a du mal à laisser les autres parler. Le
Car, en effet – et c’est un des aspects majeurs père de D est très peu évoqué en séance, sauf
à souligner –, la réciprocité, la réversibilité qui quand D explique la signification religieuse
s’instaure avec la phase du miroir spéculaire, de son prénom que son père lui a transmise ;
du miroir plan dont parle Lacan, au moment il signe, d’ailleurs, ses dessins de son prénom
du capitonnage du stade du miroir, n’a pas lieu. puis d’une seconde signature dans sa langue
Ce que nous appelons points de fascination est maternelle. Sinon, il dit de son père qu’« il est

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évanoui ». Par ailleurs, la mère de D dit avoir « tout lâché » concernant l’édu-
cation de son fils, elle ne l’arrête plus, ne le limite plus, ou seulement dans les
cas extrêmes, et généralement avec grande difficulté. Le petit intermède sur
la naissance à New York l’a clairement illustré.
L’exemple de D montre avec force qu’il n’y a pas de pathologie grave sans
entrelacement entre la difficulté de l’enfant et une difficulté de l’entourage.
L’assimilation et l’accommodation, au sens piagétien, ne peuvent pas avoir
D illustre lieu, parce qu’ils se confondent. L’enfant n’assimile pas les éléments signi-
fiants de l’entourage, il ne s’accommode pas à son entourage, mais ce dernier
dramatiquement l’incorpore bien plus que D ne l’incorpore lui-même. Ces deux dynamiques,
les phénomènes allant chacune en sens inverse de l’autre, circonscrivent pour l’enfant qui va
bien un dehors-dedans, qui se complètent et visent un équilibre. Tout nouvel
d’inversion : élément crée un déséquilibre, met l’enfant en danger, d’où l’apparition de
troubles tout à fait passagers, signalant qu’un réaménagement est en cours.
il n’y a plus Pour D, il ne s’agit pas d’un réaménagement, mais d’un effondrement.
Ces phénomènes pseudo fabulatoires ne sont que les prolégomènes d’un
de sujet qui développement que l’observation au long cours, articulée à la confiance crois-
sante pour la personne référente, a permis de mettre en évidence. En effet,
contemple progressivement D va inventer un nom qui lui colle littéralement à la peau,
les éléments l’aire transitionnelle va disparaître, le compagnon imaginaire/halluciné va
faire son apparition et, dans un dernier temps, l’hallucination de ce qui est
du monde, mais indiqué par son nom choisi dans l’espace confondu avec sa mère va devenir
visuelle, dans l’espace partagé avec les autres enfants du groupe.
les éléments D illustre dramatiquement les phénomènes d’inversion : il n’y a plus de
sujet qui contemple les éléments du monde, mais les éléments du monde
du monde l’envahissent au point de l’abolir et viennent se coller à son corps. Ces phéno-
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l’envahissent mènes de collage sont peut-être parmi les premiers à nous alerter. Il arrive que
l’enfant s’exprime, décrive, « joue » ce qui l’habite, nous révélant ainsi son
au point de concernement par cette phénoménologie hors de toute dialectique, mais seul
le travail dans le transfert permet que l’enfant puisse exprimer son étonnement
l’abolir et viennent par rapport à la dimension xénopathique.
Dans une sorte de topologie partagée avec les autres, et pour se situer par
se coller rapport à eux, D se met tout de suite à évoquer Spiderman – qu’il prononce
à l’américaine – et dit à sa référente que Tobey Maguire, acteur qui joue
à son corps. Spiderman, est son frère. Il aurait été vérifier cela sur Internet avec sa mère,
dit-il. Il ajoute qu’il y a des gens qui lui ressemblent et qu’il a un autre frère qui
s’appelle D comme lui et qui a 15 ans. Il conclut qu’il a donc quatre frères et
sœurs mais en cite cinq : Peter Parker (nom de Spiderman dans la vie civile),
Tobey Maguire (nom de l’acteur), Spiderman, l’autre D et sa sœur. La généa-
logie a tendance à se défaire ou à se diluer et dans le décompte des frères, il
devient frère de lui-même.

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L’automatisme mental chez l’enfant

D a l’air fasciné par Spiderman, et répète à complètement le contact avec cet enfant par trop
voix basse, dans un flot continu, des répliques différent ?
entières du film. Des marques de griffures appa- La suite ne se fait pas attendre. Il y a appari-
raissent sur sa nuque, à la suite de gestes comme tion du compagnon « imaginaire/halluciné ». En
s’il arrachait quelque chose. Il n’en dit rien et ne séance individuelle, D évoque des personnages
s’en plaint pas. Dans ces moments, il paraît être que sa mère nomme des « amis imaginaires »
ailleurs, totalement habité par le personnage de et que lui-même nomme plus particulièrement
Spiderman ; du reste, il ne partage jamais ce jeu des « frères imaginaires », sans jamais évoquer
avec un autre enfant, contrairement aux moments la probabilité que ces frères soient des faux. Ils
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où il peut jouer avec les membres du groupe et où font leur brusque apparition en pleine séance,
il peut laisser la place à l’autre. Cependant, lors- lorsque D se lève subitement de sa chaise, la
qu’il « joue » à Spiderman, il n’y a plus de place, main collée à son oreille, et dit sur un ton de
il se trouve comme happé, envahi et ne s’adresse « racaille » qu’il emprunte parfois : « Chui à
pas à l’autre. L’aire transitionnelle disparaît, il n’y mon rendez-vous, à tout à l’heure. » Il dit que
a plus de créativité. Or, une aire transitionnelle est ce sont ses potes et qu’il va les rejoindre plus
nécessaire dès le début de la vie et en continuité tard. Quand nous lui demandons s’il entend les
directe avec l’aire de jeu du petit enfant « perdu » voix de ses amis, il dit qu’il les entend chaque
dans son jeu. jour dans son oreille.
La complicité de la maman qui fait si facile- Le statut de ses « potes » nous interroge sur
ment avec la fabulation de son fils a ici les effets la limite entre ce qui est produit par l’enfant et
les plus délétères. Ne sous-estimons cependant ce qui le traverse malgré lui. Le compagnon
pas la douleur des parents à la découverte de imaginaire est une invention de l’enfant sans
la pathologie de leur enfant. Qui ne serait pour autant avoir statut d’hallucination. L’en-
pas tenté de « faire avec » pour ne pas perdre fant est donc censé savoir que ce personnage est

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issu de son imagination. Ces compagnons lui permettent de « faire son théâtre
intime ». Mais dans les cas où le compagnon imaginaire s’inscrit dans une
dynamique pathologique, comme chez D, les amis/potes/frères n’ont pas le
profil du « compagnon imaginaire » classique mais relèvent déjà d’un auto-
matisme mental.
À partir de ces prodromes, la suite logique est la transformation psychique
qui s’opère entre mot-image-autre, par la condensation des trois dans l’hal-
lucination de l’araignée. Un jour, pendant le goûter du groupe, alors que D
est assis sur sa chaise et mange, il devient soudainement tout rouge et grimpe
brusquement sur sa chaise. Il donne l’impression de s’étouffer. Tous les adultes
autour de la table lui demandent ce qu’il se passe, il répond calmement : « non
rien » et redescend les pieds de sa chaise. Nous lui demandons s’il veut bien
nous le dire dans l’oreille ; il hésite puis se lève et nous dit à l’oreille : « y’a
plein d’araignées sous le gâteau de la fille, mais ne le répète à personne », et
il retourne s’asseoir. La panique de D à ce moment-là n’était pas feinte, ces
araignées qu’il a vues l’ont surpris et terrorisé. Spiderman est son double,
mais aucun jeu n’est possible. Il ne « joue pas à », mais la transformation qui
s’opère dans le moment du saisissement s’empare de son corps qui prend la
Il n’y a pas couleur rouge, trait réel du héros, cependant que le signifiant « spider » se
rend autonome et se transforme en image hallucinatoire de l’araignée. Il n’y
d’identification a plus de sujet. En même temps, cet aveu montre qu’il s’agit là d’une véritable
élection transférentielle qui donne à son dire un statut nouveau, susceptible
mais collage de servir de point d’appui à une élaboration qui fasse suppléance. En effet,
pour les enfants, leurs créations peuvent faire suppléance, dans un temps plus
à un trait. ou moins long, et y introduire de la narration. Mais cela reste plus ou moins
aléatoire, susceptible de céder à nouveau.
Spiderman, que D écrit « spider-man », reliant l’homme et l’araignée,
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revêt dorénavant un caractère persécuteur pour lui. Ses dessins comportent
dans leur grande majorité une araignée, parfois toute petite, gribouillée,
barrée, parfois plus grande. Dans un de ses dessins, il représente même un
personnage de dos et l’araignée se trouve derrière lui, comme accrochée dans
le haut du dos. Corps, signifiant, signifiés et image restent collés ensemble.
L’objet « spider » contamine tout.
D pourrait constituer un cas d’école, en cela qu’il comporte tous les
éléments d’un automatisme mental « en expansion ». Une dilatation de tous
les éléments a lieu. Aux éléments fondamentaux, subtils, vont s’adjoindre
les éléments accessoires, voire objectivables, en termes d’hallucination et de
délire. Il est intéressant de noter ici que Lanteri-Laura et Daumezon ont réar-
ticulé la théorisation de Clérambault 8. Ils ont estimé nécessaire de différencier

8. G. Lanteri-Laura et G. Daumezon, « La signification sémiologique de l’automatisme mental de


Clérambault », dans Recherches sur les maladies mentales, t. I, Imprimerie municipale, Paris, 1961,
p. 61-91.

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L’automatisme mental chez l’enfant

le petit automatisme mental du grand automa- mœbienne, alors que le surgissement de la figure
tisme mental, afin de circonscrire l’aboutisse- de l’autre persécuteur troue le discours de l’en-
ment du mouvement vers le délire. Clérambault fant délirant. Une chose ne renvoie pas à une
ne jugeait pas utile d’aller dans ce sens, mais chose correspondante, un signifiant ne repré-
hésitait même à utiliser ce terme d’automatisme. sente pas un sujet pour un autre signifiant, c’est
Il suggérait de l’appeler syndrome S, entre une bande biface.
autres. Il parle même de syndrome de passivité. L’obsessionnel se rend bien compte que le
Lanteri-Laura et Daumezon marquent la limite jeu ne se joue pas là où il est, dit Lacan. Ceci est
entre les deux temps par la dimension xénopa- vrai pour l’homme aux rats, pas pour l’enfant
thique perçue par le malade. psychotique.
3 ans et demi, 6 ans, 11 ans, et toujours le
même mécanisme, mais avec des variantes. Ces Pour conclure
automatismes ne viennent jamais seuls, et on
peut rarement les observer en première séance. Ces phénomènes qui assiègent le sujet sont
Lorsqu’un enfant s’absente brusquement en premiers, le délire se présente comme une
pleine première conversation, que son regard se « superstructure », une réaction « surajoutée »
révulse ou part dans une direction surprenante, qui peut s’adjoindre des années après le début.
alors que la seconde d’avant il nous regardait, Ce phénomène est en rapport avec l’objet,
parlait, on peut supposer quelquefois ainsi avec une part séparée, pas forcément reconnue
furtivement les éléments d’un probable auto- comme telle ; un objet qui se met à flotter dans
matisme mental. Il est toujours accompagné l’espace commun. Cela peut donner le change,
d’autres signes, ne vient que rarement tout seul. être trompeur, à l’instar du discours de Schreber
La confiance doit être installée, une forme de qui parle dans le discours commun. Tout comme
détente de la part des parents, pour qu’il puisse tel enfant pour qui pensées délirantes, réalité
être question de quelque chose qui les tourmente délirante, réalité quotidienne se concentrent/se
et qu’ils nous en informent. Il faut donc du temps compactent dans l’espace commun, le nôtre, le
pour confirmer une première impression. Les sien. Il n’y a pas d’identification mais collage
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parents eux-mêmes constatent que c’est hors à un trait. Incapable d’assumer son nom qu’il
d’un cadre banal que cela se passe. Ces phéno- écrit à chaque tentative différemment, il reste
mènes fonctionnent comme surgissement hors collé au trait que la famille, déboussolée par son
contexte fantasmatique. Il faut cependant rester agitation, lui a attribué : celui de « monstre ». Il
prudents et se rappeler la proximité de certains s’en arrache par une nomination de suppléance :
phénomènes psychotiques des fonctionnements « je-suis-gentil », holophrase lancée à notre
obsessionnels. Ainsi quand l’homme aux rats de adresse et en présence du parent en question.
Freud utilise une formule typiquement névro- Pour qu’un enfant ose nous faire l’aveu de ce
tique, « un sentiment angoissant, comme s’il qu’il vit lui-même comme un tourment, il faut
devait arriver quelque chose », l’enfant déli- qu’il nous fasse confiance. Seul le travail dans
rant, lui, s’embrouille au même moment dans le transfert permet d’en repérer le statut dès
un dire qui vient effacer le précédent. L’autre l’enfance. Cela est d’autant plus vrai que l’en-
devient obstacle pour lui, voire objet persécu- tourage s’en inquiète et a tendance à minimiser
teur. Il n’y a pas de « comme si » pour lui. Le pour supporter, quand il n’accuse pas l’enfant
« comme si » névrotique relève de la topologie de mentir. Notre premier repérage reste notre

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L’automatisme mental chez l’enfant

propre surprise suscitée par des propos qui mettent sur le même plan les diffé-
rents registres de la réalité et de l’imaginaire. Qu’est-ce que l’enfant perçoit de
sa propre difficulté ? Peu ou presque rien, la plupart du temps, tant il est vrai
qu’il vit avec depuis toujours. Discerner ou ne pas discerner nous ramène à la
question du regard sur soi, comme le dit Lacan 9 « on suppose qu’il y a un sujet
qui comprend de soi et qui se regarde ». Or rien n’est moins sûr.
De fait, la question de l’autoscopie chez l’enfant, sa possibilité d’envi-
sager le dédoublement et d’en parler, nous renvoie à la question du miroir et
des troubles de l’image du corps, comme nous avons vu avec D et le compa-
gnon imaginaire. De là à en parler comme d’un tourment, il y a un écart que
l’enfant ne franchit qu’exceptionnellement.
Parler suppose une adresse, un autre découpé du fond, un autre voué à parler
aussi. Ce découpage est complexe, puisque non seulement il suppose qu’il y
ait une différenciation entre les autres de la vie quotidienne et soi-même, mais
également une adresse à quelqu’un au-delà de celui-ci, quelqu’un qui garan-
tirait l’universalité de la parole, différente de la parole privée d’un seul sujet
(le grand Autre de Lacan). Ces catégories « parole/ autre/objet » impliquent
la nécessité d’avoir rencontré le miroir, d’y avoir saisi l’écart, aussitôt oublié,
Il n’y a pas de entre cet autre qui est moi et le sujet. Le mi-dire est le privilège du névrosé.
Dans les moments critiques, il y a avènement d’un premier plan dont on a
psychose infantile, pu tout ignorer. Les phénomènes fondamentaux, les débuts subtils des mani-
festations de l’automatisme mental peuvent échapper à un observateur non
il y a psychose averti. Freud déjà, à propos du narcissisme, parle d’un premier plan, dont on
ne sait rien et dont on ne peut parler que dans l’après-coup. Dans la psychose,
tout court. il se déduit des manifestations bruyantes et/ou visibles dont Bleuler dit que
ce ne sont que des manifestations accessoires.
Phénomènes élémentaires, automatismes mentaux, quelle différence ?
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Aucune, tant il est vrai que leurs champs se recouvrent. Les premiers relèvent
de l’approche phénoménologique, les seconds du fonctionnement du langage.
Un terme pourrait toujours être utilisé pour l’autre, mais selon l’angle de la
description, l’un convient mieux que l’autre. Qu’observons-nous, qu’enten-
dons-nous ? Gardons ces deux angles d’approche pour donner davantage de
relief au travail clinique !
Il n’y a pas de psychose infantile, il y a psychose tout court. Des éléments
plus ou moins subtils sont entés dès le départ sur la construction même du
sujet, la construction de la pensée, la construction du discours. Seule l’éclo-
sion d’une psychose avérée peut témoigner dans l’après-coup avec certitude
de leur dimension pathologique. Le doute doit toujours nous amener à vérifier
encore et encore la pertinence d’une hypothèse. ■

9. J. Lacan, Le Séminaire, Livre III, Les psychoses, Paris, Le Seuil, 1975, p 45

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