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14 mai 2009
Accepté le :



La maturation cérébrale à l’adolescence
29 janvier 2011

Disponible en ligne Adolescent brain maturation
21 mars 2011


L. Holzera,*, O. Halfonb, V. Thouaa


a
Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (Supea), centre
Disponible en ligne sur
thérapeutique de jour pour adolescents (CTJA), 48, avenue de Beaumont, 1012 Lausanne,

Suisse
b
Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (Supea), 23A, rue du
www.sciencedirect.com Bugnon, 1005 Lausanne, Suisse

Summary Résumé
Recent progress in neuroscience has yielded major findings regard- Les progrès accomplis dans le champ des neurosciences au cours des
ing brain maturation during adolescence. Unlike the body, which dix dernières années ont été à l’origine de découvertes majeures sur
reaches adult size and morphology during this period, the adolescent la maturation cérébrale à l’adolescence. Contrairement au corps qui
brain is still maturing. The prefrontal cortex appears to be an atteint sa taille et son morphotype adulte, le cerveau de l’adolescent
important locus of maturational change subserving executive func- n’a pas fini sa maturation qui se poursuit bien au-delà de la période
tions that may regulate emotional and motivational issues. The recent d’adolescence. L’immaturité touche avant tout le cortex préfrontal
expansion of the adolescent period has increased the lag between the dévolu aux fonctions exécutives qui permettent de contenir et
onset of emotional and motivational changes activated by puberty d’intégrer les mouvements émotionnels. Le décalage entre la puberté
and the completion of cognitive development–the maturation of self- qui survient de manière toujours plus précoce et la maturation
regulatory capacities and skills that are continuing to develop long cérébrale qui suit une chronologie incompressible basée sur l’expé-
after puberty has occurred. This ‘‘disconnect’’ predicts risk for a rience, est à l’origine d’une désynchronisation entre l’émergence
broad set of behavioral and emotional problems. Adolescence is a pubertaire des mouvements émotionnels, de la recherche de sensa-
critical period for high-level cognitive functions such as socialization tions et la capacité de les contenir par un cortex préfrontal parvenu à
that rely on maturation of the prefrontal cortex. Intervention during maturation. Cette désynchronisation est susceptible de générer
the period of adolescent brain development provides opportunities nombre de troubles observés à l’adolescence sans pour autant être
and requires an interdisciplinary approach. déterministe. En outre, l’adolescence est une période critique pour la
ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. maturation cérébrale des structures qui sous-tendent les fonctions
cognitives fines en lien avec les comportements sociaux et émotion-
nels. À ce titre, l’adolescence peut être considérée comme une
période de vulnérabilité. Toutefois les interventions possibles durant
cette phase du développement offrent d’intéressantes opportunités,
elles sont à la fois cruciales et urgentes, elles plaident pour une
approche interdisciplinaire susceptible d’en tirer le meilleur parti.
ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction une incidence sur le regard que nous portons sur le processus
d’adolescence, regard susceptible en retour d’influencer ce
Le monde change, avec une rapidité stupéfiante en ce qui processus. Les progrès réalisés dans le domaine de l’imagerie
concerne les nouvelles technologies et l’accès à la connais- cérébrale ont été une contribution essentielle à la révision des
sance. Ces changements modifient nos représentations et ont conceptions historiques entourant le phénomène de matura-
tion pubertaire. L’imagerie structurelle a permis de quantifier
* Auteur correspondant.
les volumes de substance grise et de substance blanche, de
e-mail : laurent.holzer@chuv.ch suivre leur évolution respective au cours de la période d’ado-

0929-693X/$ - see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
10.1016/j.arcped.2011.01.032 Archives de Pédiatrie 2011;18:579-588
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lescence. De nouvelles avancées technologiques avec l’ima- pensée abstraite, l’organisation et la planification de l’action,
gerie par diffusion de tenseur (DTI) permettent de tracer les les choix décisionnels et l’inhibition des réponses dominantes
faisceaux neuronaux formant différents réseaux et d’évaluer [6]. Les études de neuroimagerie retrouvent des changements
la connectivité de structures cérébrales variées. L’imagerie dans les fonctions et les structures cérébrales qui accompa-
fonctionnelle permet de voir des profils d’activation, c’est-à- gnent les progrès dans les aptitudes cognitives et émotionnel-
dire les circuits que le cerveau active pour réaliser certaines les observées durant l’adolescence [7]. D’une manière générale,
tâches. Des différences importantes peuvent être observées l’adolescence est caractérisée par l’amélioration ou l’affine-
entre les profils d’activation du cerveau de l’adolescent et ment des capacités plutôt que leur émergence. S’intéresser
ceux de l’adulte ou même de l’enfant [1]. Tous ces éléments aux contributions neurocomportementales et biologiques qui
convergent vers une spécificité marquée de la période de éclairent le phénomène de l’adolescence ne renvoie pas à une
l’adolescence qui, du point de vue neurobiologique, se diffé- approche qui réduirait des phénomènes psychiques complexes
rencie fondamentalement du mode de fonctionnement au niveau de mécanismes cérébraux ou d’interventions biolo-
durant l’enfance et à l’âge adulte. Il ne s’agit pas d’une simple giques. La complexité de la période de l’adolescence que nous
transition mais d’une réelle transformation. Les changements considérons comme une phase développementale cruciale
dans les comportements sociaux sont influencés à la fois par requiert une conceptualisation pluridisciplinaire qui intègre
des facteurs sociaux et biologiques. Durant l’adolescence, il est les interactions entre la neurobiologie cérébrale et les contex-
important de spécifier que l’interaction avec les pairs, les tes socioculturels variés. Plus précisément, des changements
influences sociétales ainsi que les déterminants génétiques neurocomportementaux liés au développement pubertaire ont
et hormonaux influencent les comportements sociaux [2]. Les un effet significatif sur la motivation et les émotions, et ces
neurosciences « sociales » ont démontré que les humains sont modifications en profondeur des affects est en lien avec un
dotés d’une certaine plasticité neuronale sensible aux stimuli large éventail de changements qui s’observent à la puberté [5].
sociaux qui peuvent amener des modifications au niveau de la Il s’agit d’une question de registres qui doivent être distingués.
structure cérébrale [3]. On a longtemps cherché à comprendre Si l’on considère, dans une conception moniste voire matéria-
les impacts de la culture et du milieu social sur les causes et le liste (dans la perspective des conceptualisations de Dennett [8],
développement de pathologies psychiatriques. Il semble impor- Searles [9] et Damasio [10] qui exclut toute forme de dualisme
tant pour répondre à la question de l’influence du milieu sur séparant l’esprit du corps), que la neurobiologie constitue le
l’apparition de pathologies psychiatriques de tenir compte de registre de base sur lequel viennent s’articuler d’autres niveaux
plusieurs perspectives dont la génétique, la neurobiologie, les fonctionnels d’une complexité croissante et en interaction
mécanismes cognitifs et socioculturels [4]. Si la puberté renvoie permanente les uns avec les autres, il est essentiel de bien
à une période plus précise qui recouvre l’accession à la maturité situer le niveau sur lequel on se place en gardant à l’esprit que la
sexuelle avec un début qui peut se définir sur le plan neuro- valeur explicative des phénomènes observables aux différents
endocrinien, il n’en va pas de même pour la période de l’ado- niveaux est fort variable et difficile à établir. En plaçant la
lescence qui peut être considérée comme une transition gra- biologie moléculaire au plus bas niveau, cela ne revient pas à
duelle entre l’enfance et l’âge adulte. Si son début coı̈ncide dire que la biologie aurait une plus forte valeur explicative que
généralement avec le démarrage de la puberté, sa fin est plus les autres niveaux, ou qu’elle refléterait un déterminisme
difficile à définir. L’adolescence est un processus qui se compose quelconque affectant les mouvements psychiques. S’il est pour
d’une série d’événements de transition et ne constitue pas un le moins hasardeux de faire correspondre directement une
saut unique d’un phénomène de maturation brutal. Nous donnée biologique accessible par les neurosciences avec un
pouvons la définir, selon la formule de Ronald Dahl, comme fait psychique, il ne s’agit pas pour autant de récuser les liens
la période entre la maturation sexuelle et l’accomplissement qui existent entre ces registres, aussi éloignés soient-ils à
des rôles et des responsabilités d’adulte [5], elle débute ainsi l’échelle du fonctionnement cérébral objectivable. Les données
dans le domaine des modifications physiques et se termine neurocomportementales sur le développement cérébral à
dans le domaine social. L’adolescence est appréhendée comme l’adolescence que nous résumons ci-après ont une valeur
une période critique (ou sensible) pour la maturation du cortex explicative spéculative, ils sont à considérer plutôt comme
préfrontal (PFC) qui sous-tend les fonctions cognitives de haut des pistes de réflexion éclairant la période de l’adolescence
niveau en lien avec les comportements sociaux et émotionnels. sous l’angle d’un niveau de fonctionnement cérébral neuro-
Durant ce stade de développement, les réponses émotionnelles biologique de base.
qui étaient encore immatures au cours de l’enfance vont
évoluer à travers des expériences variées ouvrant un large
répertoire de ressentis affectifs. C’est également durant cette 2. Modèles animaux
période que l’on observe une amélioration significative des
performances cognitives sur le plan de la vitesse de traitement La complexité du fonctionnement psychologique de l’être
de l’information et des capacités intellectuelles, avec un saut humain ne saurait se réduire à un quelconque modèle animal.
marqué dans le registre des fonctions exécutives incluant la Beaucoup de caractéristiques de l’adolescence humaine, telle

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La maturation cérébrale à l’adolescence

la pression du groupe des pairs, la sensibilité au regard, les lience dans la plupart des domaines, la morbidité et la mor-
fluctuations de l’humeur et de l’estime de soi, l’obsession de talité augmentent en moyenne de 200 % [5]. Ce taux qui
l’apparence physique, les variations induites culturellement, double n’est pas en lien avec une prévalence accrue de
ne peuvent évidemment pas se retrouver dans un quelconque cancers, de pathologies cardiovasculaires ou infectieuses, il
modèle animal. Il existe toutefois des similarités susceptibles reflète les difficultés de contrôle du comportement et des
de refléter une base commune (une influence génétique émotions. Ce sont les taux élevés d’accidents, de suicides,
longuement conservée) à certains phénomènes observables d’homicides, de dépressions, de consommations de substan-
durant la période d’adolescence, qu’ils soient comportemen- ces, de comportements à risque, de troubles du comporte-
taux ou neuro-endocriniens. Le développement de nombreux ment alimentaire ou de problèmes de santé consécutifs à des
mammifères comprend une transition ontogénique entre la comportements sexuels à risque qui expliquent cette aug-
dépendance de l’enfance et la relative indépendance de l’âge mentation de mortalité et de morbidité. En ce sens, trois
adulte. Cette transition coı̈ncide avec la puberté dans beau- quarts des décès seraient « évitables » car en lien avec les
coup d’espèces et renvoie à l’acquisition de compétences difficultés à contrôler le comportement. Les garçons sont à ce
permettant de survivre à l’écart des parents ou des adultes titre trois à quatre fois plus vulnérables que les filles [14,15].
donneurs de soins. Des caractéristiques comportementales L’augmentation des conduites à risque et des comportements
communes se dégagent, l’accroissement des interactions avec ordaliques pointe un autre paradoxe : dans la plupart des
les pairs, parfois associées aux conflits avec les parents, champs mesurables, les adolescents ont de meilleures capa-
l’augmentation des comportements de recherche de nou- cités de raisonnement et de décision que les enfants. Les
veauté, de sensations fortes et de prise de risque [11]. Ces adolescents plus âgés ont des performances souvent aussi
comportements pourraient faciliter la dispersion des adoles- bonnes que celles des adultes dans leur capacité de compren-
cents hors de leur famille natale. En acquérant une autre dre sur le plan intellectuel les conséquences de leurs compor-
forme de support social et de nouvelles habiletés, les possi- tements à risque. Malgré cette capacité d’évaluation
bilités de reproduction à l’écart des proches parents augmen- adéquate, ils sont plus sujets à des comportements déviants
tent. La recherche de nouveauté peut se comprendre comme et risqués sous l’influence des émotions [16]. Ces paradoxes
une adaptation évolutive permettant d’éviter la consangui- surprenants justifient les recherches sur les sous-bassements
nité [12]. Le caractère évolutionniste potentiel de ces compor- neurodéveloppementaux qui pourraient participer à ces chan-
tements pourrait expliquer pourquoi il persiste malgré son gements observables au cours du développement.
coût élevé en termes de mortalité. L’augmentation de la
mortalité en lien avec les comportements à risque est plus
élevée que durant les autres périodes de la vie et se retrouve 4. Une période tumultueuse ?
dans beaucoup d’espèces animales [13]. Les comportements
associés à la prise de risque pourraient également avoir Longtemps décrite comme une période de crise [17], de tem-
comme fonction la consolidation des capacités physiques pête et de stress [18], de « rage hormonale » [19], de réchauf-
permettant de renforcer l’attractivité et la séduction et d’écar- fement pulsionnel [20], ce point de vue par trop simplificateur
ter d’autres prétendants concurrents. Les transitions sont a fait l’objet de plusieurs critiques. Arnett [21], dans sa revue
nombreuses à l’adolescence et les jeunes adolescents diffè- de la littérature évaluant la pertinence de la notion d’adoles-
rent considérablement des adolescents plus âgés dans de cence explosive, observait que près de 80 % des adolescents
nombreuses espèces. traversaient cette période avec peu ou pas de problèmes
importants. La surgénéralisation ou la dramatisation des
problèmes comportementaux à l’adolescence ont également
3. Paradoxes de la santé à l’adolescence été soulignés [22]. La plupart des adolescents entretiennent
en général de bons rapports avec leurs parents et leurs
Les changements biopsychosociaux à l’adolescence sont enseignants, ils réussissent scolairement, ont des relations
comparables en intensité à ceux de la période néonatale en positives avec leurs pairs, ne sombrent pas dans la toxicoma-
termes de vitesse de croissance, de modifications hormonales, nie et deviennent des adultes productifs et en bonne santé. Il
d’exigences et de changements dans l’environnement. Par n’en demeure pas moins que certains adolescents vivent une
rapport à l’enfant, l’adolescent est plus fort, plus grand, plus période de stress et de tourmente émotionnelle, et qu’une
rapide, il améliore considérablement son temps de réaction, augmentation de la morbidité et de la mortalité en rapport
ses capacités de raisonnement, de même que ses fonctions avec un large éventail de troubles comportementaux
immunitaires. Il a franchi avec succès la période de fragilité de s’observe. C’est également un temps où les trajectoires
l’enfance et n’est pas encore touché par le déclin lié à l’âge qui s’orientant vers des pathologies qui perdurent à l’âge adulte
s’observe chez l’adulte. L’adolescence révèle ainsi des progrès se dessinent. C’est ainsi que prennent naissance les racines de
considérables sur le plan des capacités physiques et mentales, la dépendance à la nicotine, à l’alcool ou à d’autres substan-
mais alors qu’elle constitue une période de force et de rési- ces, des mauvaises habitudes sur le plan de la santé physique

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et psychique, des difficultés relationnelles. D’où la ferme 6. Modifications neuroanatomiques


conviction que les actions permettant de déjouer ces trajec-
toires vers des issues plus positives durant cette période de la Les changements sont fonction de l’âge et du sexe, certains
vie peuvent avoir des effets bien plus marqués que les mêmes sont linéaires et d’autres non, la progression s’opère de bas en
interventions réalisées plus tard dans la vie. Alors que l’ado- haut et d’arrière en avant. À six ans, le cerveau est déjà d’une
lescence dure typiquement 2 à 4 ans dans les sociétés tradi- taille d’environ 90 % de celle de l’adulte (l’augmentation de la
tionnelles, elle s’étend sur 8 à 15 ans dans beaucoup de taille de la tête est liée à un accroissement en épaisseur du
sociétés occidentales. Elle est plus longue que les âges tee- crâne). Les changements ne sont pas uniquement quantita-
nage débutant entre 9 et 12 ans et le statut d’adulte n’est tifs. La maturation cérébrale est caractérisée par l’élagage
acquis que dans la troisième décade de la vie. L’expansion de synaptique (30 000 synapses disparaissent par seconde
la durée de l’adolescence a cependant quelques avantages. durant la période d’adolescence) aboutissant à une perte
Elle offre plus de temps aux adolescents pour acquérir des finale d’environ la moitié du nombre de synapses par neurone
compétences diverses avant d’être soumis aux exigences des cortical, et par une augmentation de la myélinisation.
responsabilités de la vie d’adulte. Plus de temps est dévolu
aux études, à l’apprentissage des sports et des arts, et à 6.1. La substance blanche
l’exploration des différentes possibilités de carrière profes-
sionnelle. Ce temps permet également de découvrir différents Elle est composée essentiellement d’axones, de myéline et de
types d’amitiés, de groupes de pairs, de relations sentimen- glie. La myélinisation multiplie par 100 la vitesse de trans-
tales. Pourtant cet allongement de la phase développemen- mission. Elle facilite les opérations cognitives et l’intégration
tale spécifique à l’adolescence a un coût, puisqu’il va de pair de multiples sources d’information. Les connections entre
avec une extension de la période de vulnérabilité sur les plans l’amygdale, l’hippocampe et le cortex frontal augmentent
comportemental et émotionnel. considérablement durant l’adolescence. La myélinisation du
PFC a lieu en dernier. Le corps calleux qui comprend 180 mil-
lions d’axones myélinisés et qui permet l’intégration inter-
hémisphérique suit une vague de croissance rostro-caudale.
5. Puberté et développement cérébral
Les cartes de croissance du corps calleux illustrent la comple-
xité et l’hétérogénéité du développement cérébral [26]. Les
Nous pouvons schématiquement identifier des change-
pics de croissance des fibres innervant les cortex temporo-
ments neurobiologiques en amont et en aval ou encore
pariétaux (associatifs et langagiers) s’atténuent après la
indépendants de la puberté. En amont, les changements
puberté et s’accompagnent d’une perte de substance grise
cérébraux précèdent les modifications hormonales de la
sous-corticale.
puberté : ce sont les changements au niveau neural qui
conduisent à la cascade hormonale du début de la puberté.
6.2. La substance grise
En aval, les modifications hormonales pubertaires entraı̂-
nent des changements cérébraux structurels et fonction- Corticale ou sous-corticale, la substance grise est composée
nels. Ces changements affectent principalement le domaine par les corps cellulaires des neurones et leur arborisation
émotionnel. Les comportements de prise de risque et de dendritique. Les changements se déclinent en amincissement
recherche de sensations sont corrélés aux stades de Tanner ou épaississement avec des modifications qui reflètent la
[23,24] et non à l’âge chronologique [11]. Or depuis plus d’un taille et la complexité des neurones avec leurs connections,
siècle, nous assistons à une constante diminution de l’âge mais qui n’affectent pas leur nombre. C’est essentiellement
de début de la puberté [25]. Indépendamment de celle-ci, l’élagage synaptique qui est à l’origine de la réduction de
nous observons des changements en lien avec le dévelop- volume de la substance grise, mais cela ne nous renseigne pas
pement cognitif qui suit l’âge chronologique et l’expérience sur les causes de cet élagage qui peuvent être génétiques,
plutôt que le déroulement de la puberté. La maturation nutritionnelles, toxiques, virales, hormonales. . . L’élagage est
cérébrale à l’adolescence touche l’ensemble du cerveau, associé à la limite supérieure de l’apprentissage facilité de
avec une augmentation de la substance blanche en rapport certaines tâches (12 à 14 ans correspond au déclin de l’appren-
avec une myélinisation accrue des connections interhémis- tissage des langues et au moment où la densité et le nombre
phériques et cortico-sous-corticales, une diminution de la de synapses décroissent dans les aires du langage) [27]. Cet
substance grise en rapport avec le phénomène de synaptic élagage finalise l’arborisation dendritique des neurones et
pruning ou élagage synaptique qui affecte la matière grise spécialise en quelque sorte les circuits cérébraux. Il se déroule
corticale et sous-corticale. L’élagage synaptique est en lien selon le principe du use it or loose it, seules les connections
avec un affinement, une spécialisation des fonctions neu- utilisées vont pouvoir survivre et prospérer. Les activités de
ronales. Il est censé clore une période critique du dévelop- l’adolescent sont ainsi susceptibles d’avoir une grande
pement cérébral en arrêtant la configuration définitive influence sur la structure définitive du cerveau. La perte de
d’une aire corticale. la substance grise commence dans les régions des aires

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La maturation cérébrale à l’adolescence

sensori-motrices primaires et s’achève dans le PFC dorsolaté- maires ou s’ils constituent une adaptation compensatoire à
ral et dans le gyrus temporal supérieur (des fonctions d’autres événements développementaux. Les remaniements
primaires motrices et sensorielles aux fonctions plus comple- dans la régulation sérotoninergique, dans le sens d’une aug-
xes, associatives, qui intègrent les précédentes). Les fonctions mentation de la transmission, sont contradictoires avec les
de base d’une aire cérébrale émergent durant la période de traits classiques de l’adolescence qui s’apparentent à une
prolifération synaptique initiale et renvoient à la notion de faible activité sérotoninergique (impulsivité, hyperréactivité,
période critique ou sensible du point de vue de la plasticité affects négatifs, diminution du sommeil et anxiété). Les
cérébrale [28]. Il existe une différence entre les sexes concer- changements d’équilibre entre les systèmes dopaminergiques
nant le développement cérébral [29]. Pour rappel, la puberté corticaux et mésolimbiques pourraient modifier la valeur
se caractérise par une augmentation de la testostérone chez « stimulante » de différents types d’information pertinente
les hommes et des estrogènes chez les femmes. Les estro- sur le plan motivationnel. Il s’agit de l’importance des ren-
gènes influencent le développement des cellules de l’hippo- forçateurs sociaux à l’extérieur de la famille, de la recherche
campe et le nombre de ramifications dendritiques, la de nouveauté et de prise de risque, du renforcement des
synaptogenèse et retardent l’élagage synaptique tandis que comportements de consommation (aliments et drogues). Ils
la testostérone agit plutôt sur la myélinisation. Au niveau sous pourraient contribuer à l’anhédonie observée à l’adolescence.
cortical, l’amygdale augmente de volume chez le garçon, alors
que l’hippocampe augmente de volume chez les filles. Il existe
une influence hormonale pour ces deux structures due à la 8. Modifications hormonales
présence de récepteurs aux androgènes sur l’amygdale et aux
estrogènes sur l’hippocampe. Une diminution de la substance Elles se réfèrent aux hormones sexuelles (gonadiques) et à
grise ainsi qu’une augmentation plus importante de la sub- l’axe du stress (hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien
stance blanche ont été observées chez les garçons en compa- ou hypothalamus pituitary adrenal (HPA) axis). Le stress est
raison aux filles du même âge. Le développement chez ces une notion qui est consubstantielle de l’adolescence, qu’il soit
dernières s’effectue donc plus lentement que chez les gar- induit par les changements somatiques, psychologiques ou
çons. Cette différence de sexe peut également expliquer la sociaux. L’adolescence s’accompagne de modifications dans la
fréquence de certaines pathologies psychiatrique comme par sensibilité de l’axe HPA. Par rapport à l’adulte, une prolonga-
exemple l’autisme, l’hyperactivité avec déficit attentionnel tion de l’élévation du cortisol induite par le stress s’observe. Le
(ADHD) ou la schizophrénie. La vitesse plus rapide de l’élagage rétrocontrôle (feedback négatif) est immature au cours de
synaptique chez les garçons pourrait expliquer l’apparition l’adolescence. On relève une insuffisance du nombre de
précoce et la sévérité des symptômes chez les patients de sexe récepteurs aux glucocorticoı̈des, notamment sur l’hippo-
masculins atteints de schizophrénie [29]. L’adolescence est campe et l’amygdale. La réactivité accrue de l’axe (hypersé-
une période développementale où s’établissent de nouveaux crétion de cortisol après un stress) serait en rapport avec des
liens entre les structures cérébrales qui améliorent la symptômes internalisés comme la dépression. Le niveau de
connexion des processus cognitifs et émotionnels. Beaucoup cortisol est, en revanche, plus bas chez les adolescents pré-
d’expériences cognitivo-émotionnelles riches et complexes sentant des troubles des conduites et des comportements
surviennent durant cette tranche de vie pour la première fois antisociaux. Le niveau élevé de cortisol pendant l’enfance qui
et le jeune peut l’intégrer dans une temporalité. L’adolescent est corrélé à un bas niveau socioéconomique disparaı̂t au
devient plus à même de se projeter vers le futur en s’affran- cours de l’adolescence. Les systèmes cérébraux touchés par la
chissant progressivement des exigences d’immédiateté dic- maturation cérébrale à l’adolescence sont activés par les
tées par les émotions. hormones du stress. Il s’agit des projections dopaminergiques
dans le PFC, des régions mésolimbiques impliquées dans la
modulation du système de récompense aux drogues. Les
7. Modifications de la neurotransmission modifications hormonales gonadiques ont également des
influences sur la maturation cérébrale. Elles ont des influences
Epstein, en 1974, avançait l’idée que les changements de supposées sur le comportement (flambée hormonale). Elles
comportement abruptes de l’adolescence reflètent les chan- ont un rôle organisationnel sur les structures cérébrales,
gements neuro-anatomiques du cerveau [30]. La survenue à activatrices des comportements impulsifs et agressifs (les
l’adolescence de pathologies psychiatriques comme la dépres- estrogènes chez les filles et la testostérone chez les garçons).
sion ou la schizophrénie ont suscité un intérêt pour les régions D’autres hormones (D-4-androstènedione, la déhydroépian-
antérieures du cerveau. Les modifications de la neurotrans- drostènedione [DHEA]) associées à une diminution des hor-
mission affectent les différents systèmes sérotoninergiques mones gonadiques ont été incriminées dans des
et dopaminergiques. Il est toutefois toujours difficile de savoir comportements antisociaux. Mais contrairement aux idées
si les modifications neuro-anatomiques et biochimiques reçues, l’augmentation des hormones sexuelles interfère
observées reflètent des changements développementaux pri- modestement avec les comportements à l’adolescence. Ces

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hormones ont cependant un rôle dans la maturation céré- type (antisaccade et prosaccade), les enfants font 2 à 3 plus
brale. Outre les modifications hormonales, les impacts des d’erreurs que les adultes. Le protocole alternait des tâches
expériences de stress et des évènements liés à l’adolescence anti- et prosaccades. Lors de la condition « antisaccade »
peuvent favoriser le développement de troubles mentaux. annoncée par une lumière rouge, il s’agissait de regarder
Une étude effectuée auprès de nourrissons ayant subi un dans la direction opposée de celle d’une cible lumineuse
stress dû à des traumatismes relationnels précoces a révélé apparaissant sur un écran (d’éviter de regarder la cible qui
une augmentation de la sécrétion de cortisol [31]. Cette est une tendance dominante). En condition « prosaccade »
augmentation a été suivie d’une atteinte des structures annoncée par une lumière verte précédant l’apparition de la
cérébrales, en particulier de l’hippocampe, entraı̂nant un cible lumineuse, le sujet était autorisé à regarder dans la
dysfonctionnement au niveau de la régulation des émotions direction de la cible. Inhiber la tendance dominante à
avec des répercussions sur le développement futur de regarder en direction de la cible mobilise le PFC et est
l’enfant. Une autre étude longitudinale [32] effectuée sur observée en neuro-imagerie fonctionnelle. Les erreurs dimi-
15 ans a retrouvé une association entre la négligence vécue nuent rapidement avec l’âge et se stabilisent au milieu de
durant l’enfance et les difficultés d’adaptation socioémotion- l’adolescence. La capacité à inhiber la réponse dominante
nelle à l’adolescence pour une majorité d’adolescents (scola- existe dans l’enfance, mais ce n’est qu’à partir de l’adoles-
rité dans des classes spéciales, consommation abusive de cence que cette capacité se développe de manière fiable et
drogue et d’alcool, troubles extériorisés et intériorisés, indices durable. Le PFC est impliqué dans l’enfance, mais sa parti-
de dissociation mentale et difficultés importantes dans les cipation relative change au cours du développement. Les
relations interpersonnelles). Au-delà des effets produits par profils d’activation diffèrent dans l’enfance, à l’adolescence
les modifications hormonales durant la puberté, le fait et à l’âge adulte. Les fonctions exécutives sont progressi-
d’observation majeur à souligner est la tendance séculaire vement desservies par de nombreux systèmes et circuits
de la diminution de l’âge de début de la puberté. En un siècle, cérébraux plutôt que par le PFC uniquement comme c’est le
l’âge de survenue des premières règles a diminué de 2 à 3 ans cas dans l’enfance. L’élagage synaptique et la myélinisation
avec des variations selon les pays [25]. Les causes de cet accrue offrent un gain dans l’efficience du contrôle exécutif
abaissement de l’âge du début de la puberté ne sont pas (top down) du comportement, plus de régions y participent
connues, elles pourraient être en lien avec des « disrupteurs » et les mécanismes d’arrêt sont plus efficaces. La fonction
endocriniens émanant de la dissémination dans la nature de initialement localisée devient distribuée. L’adolescence est
composés « estrogène-like » en lien avec l’industrialisation une période cruciale qui mène vers une collaboration effi-
croissante des pays et la pollution qui l’accompagne [33,34]. cace des systèmes cérébraux entre eux qui ne dépend pas
Une des conséquences de cet abaissement de l’âge du début uniquement de la maturation du PFC. Les fonctions exécu-
de la puberté est une activation plus précoce des change- tives ne deviennent vraiment efficaces que lorsque le cer-
ments de comportement alors que le développement cognitif veau est pleinement mûri dans le sens d’une aptitude à
permettant de réguler ces comportements ne s’accélère pas fonctionner de manière intégrée et distribuée. Le système
puisqu’il suit l’âge chronologique. est à ce titre immature à l’adolescence malgré de bonnes
performances en condition expérimentale. Sa vulnérabilité
apparaı̂t dans les défaillances qui surviennent dans les
9. Émergence de la collaboration entre situations émotionnelles « chaudes » (c’est-à-dire, dans la
fonctions cérébrales vraie vie sociale de tous les jours). L’adolescence marque le
commencement d’une nouvelle étape dans les rapports
De nouveaux modes de fonctionnement, distincts de ceux cerveau–comportement, le fonctionnement distribué et
de l’enfance et de ceux de l’âge adulte voient le jour dans le intégratif prend le dessus sur le contrôle régional. La coor-
cerveau de l’adolescent [35]. Le développement des fonc- dination des fonctions devient essentielle. Le contrôle cogni-
tions exécutives et attentionnelles est un processus qui se tif du comportement résulte d’interactions réciproques
déroule en plusieurs étapes qui s’échelonnent depuis entre des régions différentes du cerveau, à travers des
l’enfance jusqu’en fin d’adolescence [36]. Le contrôle cogni- périodes d’activité synchronisées (et non d’un traitement
tif du comportement est influencé par le PFC. Il s’appuie sur hiérarchique de l’information). Il est possible de faire un
des mécanismes d’inhibition qui sont encore immatures au parallèle avec la transition d’un système de contrôle exo-
début de l’adolescence. Les comportements à risque pour- gène vers celui qui est endogène, le contrôle du comporte-
raient être en rapport avec l’impossibilité d’inhiber les ment se faisant par une planification interne plutôt que par
réponses dominantes dans des situations émotionnellement des stimuli externes. L’émergence de pathologies psychia-
chargées. Plusieurs études dont celle de Luna et Sweeney triques majeures pourrait être vue non pas comme une perte
[37] ont mis en évidence des changements importants dans des capacités cognitives mais comme une impossibilité à
les modes du fonctionnement cérébral en lien avec les changer le mode de fonctionnement qui s’opère normale-
fonctions exécutives. Sur une tâche expérimentale de ce ment à l’adolescence.

584
La maturation cérébrale à l’adolescence

10. Tendance naturelle à la prise de tives des comportements à risque plutôt que leur éradication.
Les mesures politiques et légales sont plus efficaces que
risque, recherche de sensations et d’essayer d’informer et de rendre l’adolescent plus sage, moins
d’émotions fortes impulsif et moins « au jour le jour » (aux États-Unis les
adolescents peuvent conduire dès l’âge de 16 ans, voter à
Le jeune adolescent a plusieurs années à vivre avec un corps 18 ans, boire de l’alcool à 21 ans, mais il faut avoir plus de
sexuellement mature et un cerveau activé pour les passions, 25 ans pour louer des voitures) [5].
mais avec un système de régulation comportementale et
émotionnelle relativement immature. Cette « déconnection »
prédit des risques pour un large éventail de problèmes compor- 11. Adolescence et émergence des
tementaux et émotionnels. Une part de la vulnérabilité obser- pathologies psychiatriques
vable à cette période de la vie est ainsi liée aux changements
dans les systèmes neuro-cérébraux des émotions et de la Les changements neurobiologiques qui s’opèrent à l’adoles-
motivation qui semblent induire une augmentation cence peuvent être mis en perspective avec les hypothèses
« naturelle » des comportements de prise de risque et de étiopathogéniques concernant différents troubles psychiatri-
recherche de sensations fortes au cours de la puberté. D’un ques dont l’incidence croı̂t de manière exponentielle durant
côté, ces changements affectent la plupart des adolescents, de l’adolescence. L’incidence et la prévalence des troubles psy-
l’autre, selon les individus et le contexte social, ces tendances chiatriques (20 % environ) ne dépassent toutefois pas les taux
peuvent entraı̂ner de sérieuses difficultés. Les changements adultes selon les critères diagnostiques utilisés dans les clas-
importants qui s’opèrent dans le domaine affectif s’articulent sifications internationales (Manuel diagnostique et statis-
autour de modifications de l’intensité émotionnelle et du tique des troubles mentaux [DSM] IV, Classification
ressenti qui l’accompagne. La perception de soi, des autres internationale des maladie [CIM] 10). Ce taux est toutefois
et du monde est éclairée par une nouvelle dimension émotion- susceptible de varier considérablement d’un pays à l’autre
nelle qui lui donne plus de relief. C’est dans ce contexte que se [39]. Ces changements neurobiologiques pubertaires ne sau-
développe un intérêt pour la sexualité modulé par une motiva- raient être le seul phénomène en cause dans l’apparition des
tion romantique. Des fluctuations de l’humeur accompagnent troubles psychiatriques à l’adolescence. L’anamnèse des ado-
ces changements, la structure du sommeil se modifie [38]. Cette lescents développant une pathologie psychiatrique à l’ado-
tendance « naturelle » augmente en groupe, dans des condi- lescence retrouve généralement dans l’enfance des troubles
tions « d’excitation » émotionnelle. Les changements de la prémorbides non spécifiques témoignant d’une vulnérabilité
sensibilité dans les circuits de la récompense font que les biologique ou environnementale déjà présente.
niveaux de stimulation doivent être augmentés pour obtenir
le même degré de plaisir. Les adolescents ont ainsi un besoin 11.1. La schizophrénie
accru de stimulation que la prise de risque fournit. L’euphorie L’hypothèse neurodéveloppementale de la schizophrénie [40]
naturelle ou induite par les drogues sous-tend ces comporte- postule que le système nerveux central est affecté en deux
ments. Les adolescents prennent plus de risques que les adul- temps, la première phase atteignant le développement cérébral
tes, ils sont plus influençables par la pression des pairs, ils sont au cours de la période néonatale (hypoxie néonatale, infections
plus orientés vers le présent que vers le futur et moins aptes à virales durant le troisième trimestre de la grossesse, anomalies
réguler leurs états émotionnels. L’auto-régulation est proba- de migration des neurones corticaux d’origine génétique. . .) en
blement desservie par plusieurs systèmes cérébraux, elle est le fragilisant et la seconde phase survenant en fin d’adolescence
influencée par des facteurs cognitifs, mais surtout affectifs et ou au début de l’âge adulte où le stress de cette période de la vie
psychosociaux, incluant la susceptibilité aux pressions des associé au phénomène d’élagage synaptique mène à la psy-
pairs. L’étude des comportements à risque n’est pas pertinente chose. La modélisation de réseaux neuronaux simulant des
en laboratoire. Les adolescents sont aussi performants que les connections synaptiques a permis de constater qu’en diminuant
adultes dans l’évaluation des risques et dans leur capacité de artificiellement la connectivité du réseau, en deçà d’un seuil de
jugement des situations à risque lorsqu’ils sont sollicités « à connections minimal, le système pouvait générer spontané-
froid » comme dans le contexte d’un bureau (laboratoire). Ces ment des bruits. En étendant ce modèle au cerveau, la survenue
bonnes dispositions ne résistent pas à l’épreuve de la réalité de d’hallucinations pourrait provenir d’une diminution trop impor-
la « vraie vie » où l’influence des pairs prend le dessus. Cet état tante de la connectivité synaptique corticale. Une quantité
de fait a bien sûr des conséquences sur les stratégies des insuffisante de synapses avant le début de l’adolescence ou
comportements à risque qui ont une base « normative » avec une accélération trop importante du phénomène d’élagage
des sous-bassements biologiques qui leur confèrent un côté synaptique pourrait conduire à descendre en dessous d’un seuil
inévitable. Les méthodes éducatives et informatives sont peu de connectivité limite (au-delà des 50 % de pertes occasionnées
efficaces car insuffisantes. Par conséquent, l’objectif de la par l’élagage synaptique au cours de la maturation cérébrale
prévention doit favoriser la diminution des conséquences néga- durant l’adolescence) au-delà duquel des symptômes psycho-

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tiques sont susceptibles d’apparaı̂tre [41]. Cette hypothèse est plaisir ». Le déclenchement de ce centre (par exemple, par une
corroborée par des études d’imagerie récentes qui retrouvent réalisation intellectuelle ou athlétique.) permet la libération
une accélération de la perte de substance grise chez des sujets à de dopamine. Les afférences de cette voie dopaminergique
haut risque devenus psychotiques [42]. Les anomalies de la impliquent des substances naturelles, comme les endorphi-
connectivité synaptique peuvent être en lien avec l’émergence nes. Les drogues trouvées dans la nature (cocaı̈ne, héroı̈ne,
de symptômes psychotiques positifs, mais aussi avec l’installa- cannabis. . .) provoquent aussi une libération de dopamine par
tion de symptômes négatifs [43]. Les exigences élevées en terme cette voie mésolimbique court-circuitant les neurotransmet-
de vitesse de traitement de l’information qui caractérisent le teurs cérébraux naturels. Contrairement à l’effet provoqué
processus de socialisation secondaire (la socialisation secon- par les endorphines, le phénomène de récompense induit par
daire de l’adolescence s’oppose schématiquement à la socialisa- les drogues provoquerait un afflux de dopamine plus impor-
tion primaire de l’enfance qui s’effectue par injonctions et tant au niveau des récepteurs dopaminergiques
imitations sur un mode explicite « dis bonjour à la dame, lève D2 postsynaptiques [49]. La consommation, voire l’abus de
la main pour parler. . . ») vont se heurter aux limitations impo- substances et d’alcool sont fréquents à l’adolescence. Les
sées par une baisse de l’efficience de la neurotransmission (les effets de l’alcool sur le cerveau des adolescents sont différents
apprentissages implicites de l’adolescence qui supposent une de ceux qui existent chez les adultes. Les adolescents sont
intégration multimodale de l’information pour l’accès au second moins sensibles aux effets sédatifs de l’alcool, ce qui les
degré et à un décodage rapide du langage non verbal). La conduit plus facilement au binge-drinking [50], en revanche,
difficulté à intégrer et à comprendre le contexte social pourrait ils sont plus vulnérables à l’effet neurotoxique de l’alcool. Un
contribuer au retrait, aux difficultés d’abstraction et à une baisse adolescent qui commence à boire avant 15 ans a quatre fois
de la motivation. plus de risques de devenir dépendant à l’alcool [51]. Les
adolescents alcooliques ont une réduction de leur PFC [51].
11.2. Les troubles de l’humeur Ils ont aussi des déficits cognitifs dus à des lésions dans le
cortex associatif [52]. Enfin, un lien existerait entre l’abus
L’adolescence est caractérisée par l’apparition d’états émotion-
d’alcool à une période essentielle pour le développement des
nels forts, difficiles à distinguer des dépressions cliniques. Le
fonctions exécutives et l’augmentation du risque de dévelop-
facteur transcriptionnel cAMP response-element binding (CREB)
per une dépendance à l’alcool à l’âge adulte, ainsi peut-être
et le facteur trophique brain-derived neurotrophic factor (BDNF),
que d’autres troubles psychiatriques. En ce qui concerne les
activé par CREB, sont très impliqués dans la neurogénèse, dans la
abus de substances, l’une des caractéristiques les plus pro-
mémoire et l’apprentissage, ainsi que dans la plasticité synap-
noncées de l’adolescence est l’augmentation de la prise de
tique. Mais ces facteurs sont aussi impliqués dans de nombreux
risques [21]. Cette conduite est associée à un faible niveau
troubles psychiatriques, notamment les troubles de l’humeur et
d’anxiété quant à sa dangerosité potentielle. L’une des expli-
les troubles bipolaires aussi bien chez l’enfant, chez l’adolescent
cations est la diminution de la sensibilité à la récompense qui
que chez l’adulte [44]. On pense que la diminution de la neu-
conduit l’adolescent à rechercher par des stimuli externes des
rogénèse dans l’hippocampe est à l’origine des troubles de
niveaux toujours plus élevés de nouvelles sensations. Ce
l’humeur qui seraient dus à une altération de l’expression de
changement peut être le reflet de différences de maturation
CREB et BDNF [45]. De même, l’activation de l’axe HPA altère
au niveau du circuit mésolimbique [53] qui régule le passage
aussi la neurogénèse et conduit à une modification de l’humeur
de la motivation à l’action. Ces différences sont elles-mêmes
[46]. Les antidépresseurs sérotoninergiques et noradrenergi-
sans doute dues à un remaniement synaptique des régions
ques augmentent la neurogénèse dans l’hippocampe [47]. Ils
striatale, limbique et frontale [54]. La myélinisation du cortex
augmentent aussi la sérotonine, CREB et BDNF. Cela suggère
préfontal s’effectuant en dernier, celui-ci est par conséquent
que leurs modifications développementales peuvent être à
immature pendant une grande partie de l’adolescence et donc
l’origine des perturbations de l’humeur caractéristiques de
incapable d’inhiber les structures sous-corticales, telles que le
l’adolescence. Mais il est aussi important de signifier l’impor-
noyau accumbens (centre de la récompense), qui sont elles
tance des événements de vie stressant durant l’enfance, surtout
suractivées par un afflux de dopamine. Ainsi la consommation
les phénomènes de négligence ainsi que d’abus, sur le risque
répétée de drogue conduit à un état particulier du cerveau
d’augmentation de la vulnérabilité individuelle pouvant mener
appelé sensibilisation que certains auteurs considèrent
à un trouble de l’humeur ou de l’anxiété durant l’âge adulte. Une
comme l’un des facteurs clés à l’origine de la transition entre
hypersécrétion du corticotropin-releasing factor (CRF) a d’ailleurs
une consommation récréative et une consommation exces-
été observée dans ces situations, induite par une hyperactivité
sive de drogue [55], notamment en conduisant à un désir (ou
de l’axe HPA [48].
une motivation) pathologique (compulsive) pour la drogue. Il
a été démontré que les adolescents ressentent moins l’effet
11.3. Les consommations de substance
déplaisant des drogues que l’effet de récompense [56]. Ils
La voie commune du renforcement et de la récompense est la seraient également moins sensibles au sevrage. Cela peut
voie dopaminergique mésolimbique. Il s’agirait du « centre du découler sur une autre hypothèse suggérant que la résistance

586
La maturation cérébrale à l’adolescence

aux effets déplaisants des drogues au cours de l’adolescence Références


pourrait expliquer les quantités excessives consommées au
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