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MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE

Isabelle Guillamet

Érès | « Figures de la psychanalyse »

2015/2 n° 30 | pages 133 à 146


ISSN 1623-3883
ISBN 9782749248134
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2015-2-page-133.htm
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Maternité et perversion, le cas Joëlle
• Isabelle Guillamet •

Au fil de son enseignement, Lacan dresse un portrait sombre de la figure


inconsciente de la mère en mettant notamment en évidence son vouloir morbide
et fétichiste à l’égard de l’enfant. Rappelons que son travail rend compte bien
évidemment d’un désir mortifère inconscient et que les mères ne passent géné-
ralement pas à l’acte. Pour cette raison, la vignette clinique présentée ici ne doit
pas être prise comme « généralisable ». Bien au contraire, le cas de Joëlle vaut ici
pour sa particularité. Il donne accès par son caractère rare (voire inédit) à l’envers
le plus morbide du désir inconscient maternel et ouvre ainsi la voie à une clinique
lacanienne du passage à l’acte criminel chez la mère.

L’Autre maternel est régulièrement dépeint comme un Autre doux, aimant et


bienveillant à l’égard de sa progéniture. Les théories de la dyade par exemple
prônent le modèle d’un système harmonieux idéal et parfait entre la mère et
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l’enfant. Cette idée rencontre un grand succès et oriente bon nombre de
pratiques cliniques.

La mère, du point de vue de l’inconscient, répond-elle vraiment à cette figure


tendre ? Lacan en a plutôt dressé un portrait sombre et mortifère, portrait
souvent critiqué, qui apporte pourtant un éclairage précieux pour la clinique.
D’où mes questions :

Qu’est-ce qu’une mère du point de vue de la psychanalyse ? À quelle contem-


poranéité la psychanalyse peut-elle prétendre face à la question de la mère ?

Isabelle Guillamet, psychologue clinicienne, docteur en psychanalyse et psycho-


pathologie ; iguillamet@free.fr
Texte réécrit d’une intervention au colloque d’Espace analytique, « La psychanalyse
face au monde contemporain », Paris, 22 et 23 mars 2014.
134 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

La mère chez Lacan

Dans son enseignement, Lacan a écarté définitivement l’idée de l’Autre


maternel comme ce personnage mythique comblant et comblé, où la mère et
l’enfant constitueraient une dyade, un système à deux, clos sur lui-même, un
système harmonieux et parfait où la relation d’objet consisterait à conjoindre à
un besoin un objet qui le satisfait. En effet, si de nombreux courants théoriques
ont fait une large place dans leur approche du développement aux phénomènes
de la vie familiale : les interventions de la mère, les carences, les déceptions de
l’environnement, la somme des bienfaits ou l’adéquation des conduites de cette
mère à chacune des étapes de l’enfant, Lacan, lui, a écarté l’idée d’une relation
d’objet pleine, fermée et achevée pour mettre au cœur de la problématique
analytique le manque comme constitutif du désir. Il ne s’agit plus de relation
d’objet mais du manque d’objet comme ressort de la relation du sujet au
monde 1.

Pour Lacan, « même dans la relation la plus primitive l’enfant ne se trouve pas
seul en face de la mère 2 », donc il ne s’agit pas d’une dyade, mais il y a dès le
départ en tiers un au-delà, et cet au-delà, c’est le phallus, dit Lacan « autrement
dit, le signifiant de son désir à elle ». Voilà ce sur quoi Lacan va insister : sur le
désir de la mère.

On note d’ailleurs que Lacan se démarque ici de Freud puisqu’il ne s’agit non
plus comme chez Freud du désir de l’enfant pour la mère mais bien – j’insiste –
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du désir de la mère 3. Et quel est ce désir de la mère à l’égard de l’enfant ? Pour
Lacan, le désir de la mère est comparable à un désir vorace, il utilise plus tard la
figure de la mère crocodile : « Le rôle de la mère, c’est le désir de la mère. C’est

1. J. Lacan, Le Séminaire, Livre IV, La relation d’objet, (1956-1957), Paris, Le Seuil, 1994.
2. J. Lacan, Le Séminaire, Livre V, Les formations de l’inconscient, (1957-1958), Paris, Le
Seuil, 1998.
3. Sur le désir d’enfant, Lacan remarque dans son séminaire Le transfert, le caractère
ambigu de cette formule dont on ne sait finalement pas s’il s’agit du désir du côté de
l’enfant, l’enfant et son désir ou celui de la mère qui désire son enfant : « Quelqu’un
ici, un jour, a écrit un article qu’il a appelé, si mon souvenir est bon : “Un désir
d’enfant”. Cet article était tout entier construit sur l’ambiguïté qu’a ce terme désir de
l’enfant, au sens où c’est l’enfant qui désire ; désir d’enfant dans le sens où on désire
avoir un enfant. Ce n’est pas un simple accident du signifiant si les choses en sont
ainsi. » J. Lacan, Le Séminaire, Livre VIII, Le transfert (1960-1961), Paris, Le Seuil, 2001.
MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE 135

capital. Le désir de la mère n’est pas quelque chose qu’on peut supporter comme
ça, que cela vous soit indifférent. Ça entraîne toujours des dégâts. Un grand
crocodile dans la bouche duquel vous êtes — c’est ça, la mère. On ne sait pas ce
qui peut lui prendre tout d’un coup, de refermer son clapet. C’est ça, le désir de
la mère 4. »

Donc, pour Lacan, le désir de la mère est comparable à un désir d’engloutir


l’enfant, de réintégrer son produit, dit-il. La mère lacanienne serait par là une
mère pour laquelle l’enfant incarnerait le phallus qu’elle n’a pas et, dit Lacan, il
pourrait être assimilé à un fétiche qui la comblerait.

On aperçoit ainsi combien Lacan se démarque de l’idée de faire de la mère ce


personnage bienveillant dont elle est souvent l’emblème. Bien au contraire, dès
1938 Lacan met en évidence l’aspect mortifère de l’Autre maternel. Et je précise
ici, l’Autre maternel qu’il ne faudrait pas confondre avec la personne, mais bien
la mère du point de vue de l’inconscient.

Donc dès 1938, Lacan met en évidence l’aspect mortifère de l’Autre maternel.
Dans son texte « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu 5 »,
Lacan décrit un imago maternel qui doit être sublimé sans quoi, dit-il, « l’imago,
salutaire à l’origine, devient facteur de mort 6 ».

En effet, du fait de sa prématurité, le petit d’homme est entièrement dépen-


dant de l’Autre nourricier qu’est la mère. C’est pourquoi, face au sevrage, dans
une sorte de nostalgie morbide maternelle, le sujet chercherait à retrouver
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l’imago de la mère, à retourner dans la mère et par là à occuper une position
d’objet de jouissance de celle-ci. Lacan compare cette pente au retour au sein de
la mère à une tendance psychique à la mort 7 dont le sujet doit alors s’extraire.

Il s’agit bien pour le sujet de sortir de cette morbide nostalgie maternelle,


autrement dit de se déprendre de cette mère qui veut réintégrer son produit
plutôt que de la reconduire sous les motifs d’une illusoire plénitude.

4. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVII, L’envers de la psychanalyse, (1969-1970), Paris, Le


Seuil, 1991, p. 129.
5. J. Lacan, « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu » (1938), dans
Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2000, p. 33-34.
6. Ibid., p. 34.
7. Cette pente à la mort se révèle au plan clinique, selon Lacan « dans les suicides “non
violents”, les grèves de la faim de l’anorexie mentale, empoisonnement lent de
certaines toxicomanies par la bouche et le régime de famine des névroses gastriques »,
Ibid., p. 34.
136 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

L’enfant fétiche

Lacan va loin, car comme mentionné plus haut, il appréhende bel et bien l’en-
fant du côté du fétiche de la mère.

En 1958, dans Les formations de l’inconscient 8, Lacan indique : « C’est pour


autant que le pénis est d’abord un substitut – j’irais jusqu’à dire un fétiche –
que l’enfant lui aussi, par un certain côté, est ensuite un fétiche. Voilà les voies
par lesquelles la femme rejoint ce qui est, disons, son instinct, et sa satisfaction
naturelle 9. »

Un an plus tard, dans Le désir et son interprétation 10, il indique que « s’il y a
moins de perversion chez les femmes que chez les hommes c’est que leurs rela-
tions perverses, elles les satisfont en général dans leur rapport avec leurs
enfants 11 », donc comme mères.

C’est une idée que l’on trouve déjà chez Freud dans son texte « Un souvenir
d’enfance de Léonard de Vinci 12 ». Freud y décrivait une mère qui éveille le petit
sujet à l’excitation sexuelle, une mère qui prend l’enfant pour substitut sexuel. Il
parle alors « d’une satisfaction sans reproche » et des « motions de désir depuis
longtemps refoulées et qu’il convient de designer comme perverses 13 ».

Ainsi, abordée par Freud, cette notion de satisfaction perverse maternelle est
entérinée par Lacan. Rappelons ici que Lacan va différencier la femme de la
mère. Il loge la femme du côté du désir d’être le phallus : d’être ce phallus qui
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circule entre les hommes du fait même des règles de l’exogamie, de l’échange
social et de la prohibition de l’inceste. C’est une définition qu’il prélève chez Lévi-
Strauss 14 ; femme qu’il différencie de la mère qui n’est pas du côté du désir d’être

8. J. Lacan, Les formations de l’inconscient, op. cit.


9. Ibid., p. 351.
10. J. Lacan, Le Séminaire, Livre VI, Le désir et son interprétation (1958-1959), Paris, Le
Seuil, 2013.
11. Ibid., p. 530.
12. S. Freud., « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci », (1910), dans Œuvres
complètes, vol. X, Paris, Puf, 1998.
13. Ibid.
14. C’est chez Lévi-Strauss (Les structures élémentaires de la parenté [1947], Berlin/New
York, Mouton de Gruyter, 2002), que Lacan prélève la définition anthropologique des
Structures élémentaires de la parenté, où les femmes sont définies comme ce qui circule
entre les hommes, du fait même des règles de l’exogamie, de l’échange social et de la
MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE 137

le phallus. La mère, pour Lacan, est du côté des satisfactions des avoirs phalliques.
Il s’agit là d’avoir le phallus qu’incarne l’enfant fétiche. Bref, la mère est du côté
des satisfactions fétichistes selon Lacan.

Reconnaissons qu’aborder la question de la mère et de la maternité du point


de vue de Lacan donne toujours l’impression d’aborder un sujet sensible.

Loin de la figure aimante et bienveillante habituellement convoquée, loin des


clichés d’une clinique « mise à l’enseigne du bon lait 15 », comme ironisait Lacan, ce
dernier nous conduit d’avantage à explorer la part sombre et obscure du maternel
où l’enfant, encore une fois, est un fétiche pour la mère. Et cela me conduit main-
tenant à entrer dans le vif de mon propos avec le cas de Joëlle qui, de ce point de
vue, permet de mesurer combien l’apport lacanien sur ces questions, et plus parti-
culièrement sur la question de la perversion maternelle est éclairant.

Joëlle

Quand j’écoute Joëlle pour la première fois, elle est sortie de la maternité
depuis quelques jours. L’enfant est encore en observation à l’hôpital, « Moi je
trouve qu’il va bien », me dit-elle, et elle poursuit, « mais ils veulent le garder, je
crois que c’est par rapport à mon affaire… bien sûr ça doit être mon affaire ».

Joëlle raconte cette « affaire ». Elle a vécu 15 ans avec un homme pédophile.
« Je ne touchais jamais aux enfants », « mais c’est moi qui les amenais », me
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précise-t-elle.

Elle m’explique qu’elle était toujours très alcoolisée dans ces moments. Elle ne
participait jamais mais se tenait assise à côté de ces scènes d’horreur, « fermant
les yeux », dit-elle aux atrocités infligées aux petites victimes.

« Je n’ai rien dit parce que je l’aimais. » C’est par amour, répète-t-elle, qu’elle
a supporté tout cela. L’affaire est découverte. Elle fait huit années de prison pour
« complicité de pédophilie » dit-elle. Elle formule : « La prison, ça m’a mis du
plomb dans la tête. » Elle y a demandé le divorce. Elle apprend entre-temps
qu’avant de la connaître, ce mari avait eu une affaire similaire. Ce Monsieur est
encore incarcéré à ce jour.

prohibition de l’inceste. Pour Lacan, la femme est un phallus qui doit se proposer ou,
plus exactement, précise-t-il, s’accepter elle-même comme un élément du cycle des
échanges.
15. J. Lacan, La relation d’objet, op. cit.
138 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

Je suis d’emblée surprise par l’aisance avec laquelle elle aborde ces scènes. Elle
parle des enfants, des petits-cousins, des voisins qu’elle lui amenait. Et elle
répète : « Ça m’énervait quand même qu’il fasse ça. »

Elle parle beaucoup de son mari qu’elle avait rencontré très jeune. Elle pense
beaucoup à lui. Elle avoue avoir encore des sentiments pour lui, « N’empêche, ça
m’embêtait qu’il fasse ça aux petits », elle répète, « moi je fermais les yeux. »

On s’interroge forcément sur ce curieux et non moins ignoble montage où


elle « amenait les petits » comme elle le formule, puis assistait « les yeux fermés »
aux jouissances atroces de son pédophile de mari.

Elle me confie alors qu’en 15 ans de mariage, ils n’avaient jamais eu de rela-
tion sexuelle. « Lui, il lui fallait des petits, précise-t-elle, des fois je me disais, y a
que les petits qui comptent. »

À sa sortie de prison elle rencontre un autre homme. Elle me précise alors que
si son mari « n’était pas câlin », « le nouveau », comme elle le désigne, se montre
plus avenant : « Il me prend dans ses bras, me fait des bisous. »

Elle ne lui cache ni son passé ni son affaire, « Il est au courant de tout » dit-
elle. Pourtant, rapidement il lui demande un enfant. Elle tombe enceinte le mois
suivant et attend des jumeaux. Sa grossesse est compliquée. Elle perd l’un des
fœtus. Son accouchement se déroule dans des conditions extrêmes. Son fils naît
en état de mort apparente, il est réanimé et a plusieurs séquelles. Il reste donc
hospitalisé plusieurs semaines. C’est à ce moment-là que je rencontre Joëlle.
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Elle rend visite à son enfant chaque jour à l’hôpital. Elle a du mal à le porter,
lui donner les soins, le bain. Elle dit : « J’ai peur qu’il glisse de mes mains, après
on va dire que je l’ai fait exprès. » Peu à peu, l’enfant est investi par le nouveau
compagnon. Elle dit : « Ils sont proches, trop proches. » « Il m’énerve à lui faire
des bisous tout le temps. » En faisant allusion à son ex-mari, elle dit : « C’est
comme l’autre, y a que les petits qui comptent », « On ne fait plus l’amour », se
plaint-elle. « Il n’en a que pour son fils, j’en étais sûr, ça y est une fois encore je
n’existe plus. Il n’embrasse que son fils, il passe toute la journée avec lui »,
s’énerve-t-elle. Elle finit par dire : « Je ne servais qu’à ça, qu’à lui donner un fils.
Maintenant qu’il a le petit, moi il s’en fout. »

Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour examiner pleinement les


fondements inconscients de cet amour que voue Joëlle pour les hommes qui
aiment les petits. Tentons tout de même d’apporter une réflexion sur le désir de
l’homme, c’est-à-dire le désir du point de vue de l’homme, en l’occurrence ici un
homme pervers, et la façon dont Joëlle y implique sa maternité.
MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE 139

Le fétiche de Freud à Lacan


Je repartirai de cette phrase qu’elle répète, « Y a que les petits qui comptent. »

Sur ce point Freud nous dit : « L’enfant, tout comme le pénis, s’appelle le
“petit”. C’est un fait connu que souvent la langue symbolique ne tient pas
compte de la différence des sexes. Le “petit” qui à l’origine signifiait le membre
viril, a donc pu secondairement servir à désigner l’organe génital féminin 16. »

On se souvient que Freud, dans son texte de 1917 « Sur les transpositions des
pulsions plus particulièrement dans l’érotisme anal 17 », propose l’équivalence au
plan inconscient du cadeau/excrément, de l’enfant et du pénis : « […] selon toute
apparence dans les productions de l’inconscient – idées, fantasmes et symptômes
– les concepts d’excrément (argent, cadeau), d’enfant et de pénis se séparent mal
et s’échangent facilement entre eux 18. »

On a ainsi le petit comme substitut de l’organe génital appréhendé du côté du


fétiche, d’où l’équivalence de l’enfant comme fétiche. Qu’est-ce que le fétiche ?

En 1905, dans les Trois essais sur la théorie sexuelle 19, Freud découvre le féti-
chisme du pied et de la chevelure et il fera le lien avec ce qu’il désigne en 1908 20
comme « théories sexuelles infantiles » qui consiste à attribuer à toutes les
femmes un phallus.

Cinq ans plus tard, dans « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci 21 », le


fétiche prend valeur de substitut du phallus de la mère : « Le fétiche est le substitut
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du phallus de la mère […] d’un certain pénis, tout à fait particulier, qui a une grande
signification (Bedeutung) pour le début de l’enfance. Il est le substitut du phallus de
la femme (la mère) auquel a cru le petit enfant et auquel il ne va pas renoncer 22. »

C’est ce qu’il reprend en 1927, dans son texte « Le fétichisme 23 », où Freud


explique que ce pénis-là aurait dû être abandonné et disparaître. Mais le fait que

16. S. Freud, « Sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l’érotisme
anal » (1917), dans La vie sexuelle, Paris, Puf, 2002, p. 108.
17. Ibid., p. 106- 116.
18. Ibid., p. 107.
19. S. Freud, « Trois essais sur la théorie sexuelle » (1905), Paris, Gallimard, folio essais,
1987.
20. S. Freud, « Les théories sexuelles infantiles » (1908), dans La vie sexuelle, op. cit.
21. S. Freud, « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci », op. cit.
22. S. Freud., Ibid.
23. S. Freud, « Le fétichisme », (1927), dans La vie sexuelle, op. cit., p. 134.
140 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

la mère ne possède pas de pénis implique pour le sujet une lourde menace, à
savoir la perte de son pénis, bref sa propre castration.

C’est là que le sujet pervers érige le fétiche dont la fonction est justement de
le garantir contre cette disparition. Alors que l’homme éprouve une horreur à la
vue du sexe féminin, horreur de la castration, le fétiche constitue le substitut du
pénis qui manque à la femme. Ainsi, la perversion ne relève ni du refoulement ni
de la forclusion, mais du déni, c’est-à-dire de la double position où, à la fois, il y
a reconnaissance que la mère n’a pas le phallus mais aussi la négation de cette
reconnaissance, pour continuer de croire que la mère l’a, par le fétiche comme
phallus déplacé.

Freud décrit un arrêt du regard avant la vision d’horreur de ce manque de


pénis. Qu’on choisisse des objets ou des organes, dit Freud, « on a affaire à un
processus qui rappelle la halte du souvenir dans l’amnésie traumatique 24 » ; « La
dernière impression de l’inquiétant, du traumatisant est en quelque sorte rete-
nue comme fétiche 25. »

C’est pourquoi, nous dit-il, le pied, la chaussure, élus souvent comme fétiches
préférés renvoient au regard du sujet qui parcourt de bas en haut-le-corps de la
femme et qui s’arrête juste avant la vision d’horreur que constitue le manque de
pénis. De même que la fourrure et le satin fixent, dit Freud, « le spectacle des poils
génitaux qui auraient dû être suivis du membre féminin ardemment désiré […] 26 ».

Lacan reprend cela et établit un rapprochement entre fantasme et fétiche en


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tant que l’un comme l’autre se construisent et se fixent sur le modèle du souve-
nir-écran : ce qui se fixe au souvenir-écran, c’est le moment « où la chaîne de la
mémoire s’arrête 27 », c’est-à-dire au « bord de la robe, […] là où l’on rencontre
la chaussure, et c’est bien pourquoi celle-ci peut, […] prendre la fonction de
substitut de ce qui n’est pas vu, mais qui est articulé, formulé, comme étant vrai-
ment pour le sujet ce que la mère possède 28 ».

Bref, pour Lacan, le fétiche est cet objet métonymique qui « objecte » au
manque de pénis de la mère. « Freud nous l’a appris, c’est sur le corps de la mère
et nulle part ailleurs que l’enfant a découvert le scandale du manque phallique.

24., Ibid., p. 135.


25. Ibid., p. 136.
26. Ibid., p. 136.
27. Ibid., p. 119.
28. Ibid., p. 119. Je souligne.
MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE 141

C’est donc à restaurer la mère phallique que le pervers s’emploie, tandis que le
reste des femmes le reconvoque sans cesse à pratiquer son déni 29 ».

Dès lors posons-nous la question : un enfant peut-il être traité (par et pour un
homme) dans le registre équivalent d’un fétiche susceptible d’être érigé comme
ce pénis qui manque à la mère ? En effet, le pédophile ne trouve-t-il pas, dans
l’enfant, le fétiche susceptible de restaurer la mère phallique, notamment s’il a
cru repérer chez la mère un rapport à l’enfant en tant que fétiche capable d’ob-
jecter au manque chez la femme ? Cela mériterait d’effectuer une analyse plus
précise du ressort inconscient des pratiques pédophiles, mais concentrons-nous ici
sur le montage dont il est question pour Joëlle et qui intéresse ma question du
point de vue de la femme et comment ici elle y implique sa maternité.

La maternité comme « production »


de l’enfant-fétiche pour l’homme

Joëlle porte son amour sur l’homme qui aime les petits. Durant quinze ans,
elle est mariée à cet homme, auquel elle amène, comme elle dit, « les petits ».
Consciente de l’horreur à laquelle elle participe, elle répond : « Je l’aimais, je
disais rien par amour pour lui. »

Bien qu’ils n’aient jamais eu de relation sexuelle, puisque « lui, il lui fallait des
petits », elle participe néanmoins par ce montage à fournir les objets propres à
soutenir la jouissance de ce mari.
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Son second compagnon, lequel semble répondre selon elle au même goût
pour les petits lui demande un enfant. Elle se précipite, pourrais-je dire (puis-
qu’elle tombe enceinte le mois suivant), à reconduire un montage similaire :
c’est-à-dire fournir l’objet (le fétiche) susceptible de soutenir la jouissance de son
partenaire et par là jouir de ce partenaire.

Ajoutons que les conditions extrêmes de son accouchement peuvent conduire


à supposer que l’enfant constitue ce bout d’elle-même qu’elle s’extrait du corps,
sorte de fétiche qu’elle produit au compte de l’homme.

Peu à peu, l’enfant prend pour elle les traits du rival : « Depuis qu’il a son fils
il ne m’embrasse plus », « il ne me regarde plus il passe ses journées à lui faire des
bisous. »

29. J. Lacan, La relation d’objet, op. cit., p. 154.


142 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

Elle supporte de moins en moins la place que ce fils occupe auprès de son
compagnon. Dès lors elle imagine qu’elle ne compte plus, « y a que les petits qui
comptent », finissant par formuler : « Je servais qu’à ça, qu’à lui faire un petit. »

Joëlle a cette spécificité de choisir l’homme pervers, homme au désir pédo-


phile auquel elle arrime en quelque sorte son propre désir.

On repère là le montage particulier par lequel elle soutiendrait la jouissance


de l’homme via sa maternité, ici en l’occurrence lui « faire un petit » qui renvoie
clairement à produire l’enfant fétiche pour l’homme.

Cette femme qui a le goût des hommes qui aiment les petits, est un cas
évidemment très particulier qui permet d’interroger la figure de l’enfant-fétiche
appréhendé du côté de l’homme pervers, mais aussi du côté de Joëlle où l’on a
affaire à une fétichisation de l’enfant, encore une fois l’enfant comme ce fétiche
qu’une femme va jusqu’à s’extraire du corps (dans la maternité) pour répondre
au désir de l’homme pervers dont elle est amoureuse.

Et je pourrais aller jusqu’à poser la question suivante : n’est-ce pas – d’une


certaine manière – une stratégie pour la mère, c’est-à-dire du point de vue de la
mère consistant à « tester » la valeur de son propre fétiche ? Il s’agirait d’un
montage consistant ainsi à jouir comme mère fétichiste, jouir de la jouissance que
produit sur le pervers son propre fétiche. Cette hypothèse supposerait dans le cas
de Joëlle que, derrière le pédophile, il y ait la figure de cette mère qui jouisse en
coulisse de l’effet que produit son propre fétiche sur l’homme.
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On aperçoit ici comment une femme, et plus précisément une mère, n’est pas
sans rapport avec la perversion, ni sans rapport avec la perversion de l’homme (ici
l’homme pédophile), et comment elle collabore d’une certaine manière à cette
perversion.

Pour conclure…

On voit bien combien l’apport lacanien permet d’éclairer ce type de clinique


des jouissances maternelles, une clinique sans doute portée dans ses extrêmes
avec le cas de Joëlle, mais il permet aussi d’éclairer une clinique moins criante,
plus classique, où très régulièrement les femmes font apercevoir au plan incons-
cient ce désir nocif maternel à l’égard de leur progéniture 30.

30. Je fais ici référence à ma thèse de doctorat sur la grossesse du point de vue de
l’inconscient où j’examine, entre autres, les manifestations morbides de la jouissance
MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE 143

Ainsi, rappeler avec Lacan que « l’enfant ne se trouve pas seul en face de la mère,
mais qu’en face de la mère, il y a le signifiant de son désir, à savoir le phallus 31 »
permet d’entrevoir que, pour la mère, l’enfant n’est pas « seulement l’enfant »
mais qu’il est aussi dans la ligne substitutive un phallus. Ceci permet de mettre en
évidence :

– du côté de la mère : ce désir nocif et mortifère de l’Autre maternel et les jouis-


sances perverses de la mère telles que je les ai décrites avec le cas de Joëlle ;

– du côté de l’enfant : la série de solutions qui s’en déduit pour lui à savoir être
ou ne pas être le phallus 32.

Nous sommes donc très loin de l’harmonieuse dyade mère/enfant. Mais alors
pourquoi cette thèse de la dyade a-t-elle autant de succès dans et hors le champ
analytique ? Pourquoi faudrait-il toujours reconduire cette image mythique de la
mère bienveillante, voire cette fascination et même cette passion pour la mère ?

fétichiste de la mère qui émergent au moment de la grossesse et du devenir mère chez


une femme. L’enfant étant cet objet susceptible de saturer le manque, manque comme
constitutif du désir et plus largement comme constitutif de l’organisation du sujet
comme manquant. Ainsi, si la fille entre dans l’Œdipe en demandant au père l’objet
qu’elle n’a pas, sans doute est-ce bien à la condition de préserver ce ne pas avoir que la
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fille devient femme. D’où l’intérêt de suivre au plan clinique les remaniements
subjectifs chez celle qui devient mère. (I. Guillamet, Psychopathologie psychanalytique
de la périnatalité. Envers inconscient et destins cliniques du devenir mère, février 2013,
Thèse de Doctorat en Psychanalyse et psychopathologie – Paris 7- CRPMS, sous la
direction de M. Zafiropoulos).
31. Ce qui met, dit Lacan, « une barrière infranchissable à la satisfaction du désir de
l’enfant, qui est d’être, lui, l’objet exclusif du désir de la mère. Et c’est ce qui le pousse
à une série de solutions, qui seront toujours de réduction ou d’identification de cette
triade. » Quand le sujet aperçoit que ce que la mère désire est un phallus, la question
qui se pose est : être ou ne pas être, to be or not to be le phallus, autrement dit, sur le
plan imaginaire “jusqu’à quel point y met-il du sien ?“ » J. Lacan, Les formations de
l’inconscient, op. cit., p. 57.
32. Car quand le sujet aperçoit que ce que la mère désire est un phallus il doit alors
traverser l’épreuve qui consiste pour lui à choisir d’être ou de n’être pas le phallus de
la mère, nous dit Lacan, autrement dit à la maintenir manquante ou pas. Il faut que
l’enfant, propice à toute saturation en elle, puisse être maintenu à une marge, à une
distance. Le sujet doit pouvoir se déprendre de cette place de toute jouissance
mortifère d’avec la mère.
144 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

Sur ce point, je renvoie le lecteur aux recherches de M. Zafiropoulos dans


lesquelles il examine les fondements de la thèse du déclin de la fonction pater-
nelle constamment renouvelée dans le champ analytique. Dans son ouvrage
Lacan et les sciences sociales. Le déclin du père 33, et plus récemment dans Du
Père mort au déclin du père de famille. Où va la psychanalyse ? 34 M. Zafiropou-
los explique la reconduction incessante de ces théories du déclin du père par le
roman familial du névrosé mis en évidence par Freud, roman familial qui fait
« éprouver à tous les hommes la nostalgie du père 35 ». C’est pourquoi il rappelle
combien « La question du père […] n’est pas une simple affaire de famille 36. »

Je propose ici de penser dans la même logique la question de la mère et d’in-


terroger les motifs inconscients au ressort desquels nous reconduisons sans cesse
l’illusion d’un système dyadique, idéal et parfait entre la mère et l’enfant alors
que ce système dyadique n’existe pas puisque – encore une fois – il y a la présence
dès le départ de ce troisième terme : le phallus dont je viens d’exposer quelques
conséquences cliniques.

J’avance l’hypothèse selon laquelle l’idée d’une prétendue complétude


archaïque mère-enfant répondrait à une fiction, voire un fantasme logé au
ressort même des montages théoriques de la dyade. Quel fantasme ? Celui
énoncé dès le début de mon article avec le texte « Les complexe familiaux », où
Lacan décrivait cette tendance, cette pente à la nostalgie maternelle, où le sujet
chercherait à retrouver l’imago de la mère, cette tendance à vouloir sans cesse
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retourner au sein de la mère, voire à s’abîmer dans la mère.

33. M. Zafiropoulos, Lacan et les sciences sociales. Le déclin du père, Paris, Puf, 2001.
34. M. Zafiropoulos, Du Père mort au déclin du père de famille. Où va la psychanalyse ?,
Paris, Puf, 2014.
35. « Vouloir enrôler cette découverte freudienne en faveur d’une “orthopédie du
père” (Je souligne) – tant la “mission” d’étayage du père semble aller de soi pour tous,
psychanalyste ou non – est une contradiction qu’il convient d’élucider : elle sert à
colmater l’angoisse d’abandon infantile, mais c’est alors ignorer le discours freudien des
années 1930 luttant contre toutes les illusions politico-religieuses. Quant à la thèse
lacanienne de 1938 sur le déclin de la famille patriarcale, elle motive aussi trop souvent
les attendus « cliniques » de l’appel au père. Or, depuis son retour à Freud en 1953,
Lacan s’en est radicalement détaché – pourtant cette thèse insiste, et les lecteurs les
plus avertis du corpus lacanien ne parviennent pas toujours à se déprendre de la
nostalgie de l’imago paternelle. Il arrive même qu’ils la renforcent. » Ibid.
36. M. Zafiropoulos, Lacan et les sciences sociales. Le déclin du père, op. cit., p. 229.
MATERNITÉ ET PERVERSION, LE CAS JOËLLE 145

En bref, il s’agit donc de rappeler que, tout comme « La question du père […


] n’est pas une simple affaire de famille 37 », comme le dit M. Zafiropoulos, « et
qu’il faut nettement distinguer […] la présence du père dans la famille et le
statut du complexe paternel dans l’inconscient 38 », il conviendrait selon moi
d’être aussi prudent à propos de la mère dans la famille. Mère encore une fois
qu’il ne faudrait pas confondre avec la mère dans l’inconscient, une mère dans
l’inconscient qui pour des sujets (et sans doute des sujets masculins 39) constitue
sans cesse l’horizon fantasmatique d’un retour à une illusoire plénitude.

Bibliographie

FREUD, S. 1905. Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, folio essais,
1987.
FREUD, S. 1908. « Les théories sexuelles infantiles », dans La vie sexuelle, Paris, Puf,
2005.
FREUD, S. 1910. « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci », dans Œuvres
complètes, vol. X, Paris, Puf, 1998.
FREUD, S. 1927. « Le fétichisme », dans La vie sexuelle, Paris, Puf, 2005.
LACAN, J. 1938. « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu », dans
Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001.
LACAN, J. Le Séminaire, Livre IV (1956-1957), La relation d’objet, Paris, Le Seuil,
1994.
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LACAN, J. Le Séminaire, Livre V (1957-1958), Les formations de l’inconscient, Paris,
Le Seuil, 1998.

RÉSUMÉ
Contrairement aux théories de la dyade mère-bébé fondées sur l’idée d’une relation d’ob-
jet pleine, fermée et achevée et qui prônent le modèle d’un système harmonieux idéal et
parfait entre la mère et l’enfant, Lacan met au cœur de la problématique analytique le
manque comme constitutif du désir. Ainsi, en montrant que « l’enfant ne se trouve pas seul

37. Ibid., p. 229.


38. Ibid., p. 231.
39. Notamment par rapport à une identification voire une idéalisation de la mère dans
l’homosexualité masculine (homosexualité latente ou réalisée). Voir Freud, « Un
souvenir d’enfance de Léonard de Vinci », op. cit.
146 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 30 •

en face de la mère, mais qu’en face de la mère, il y a le signifiant de son désir, à savoir le
phallus », il apporte un éclairage clinique et théorique considérable à la question du désir
et des jouissances fétichistes maternelles.

MOTS-CLÉS
Maternité, désir de la mère, perversion, enfant-fétiche, pédophilie.

SUMMARY

Maternity and perversion, Joëlle’s case


Unlike mother-baby dyad theories which are based on the idea of an exclusive mother child
object relations and which advocate a model of an harmonious and a perfect system
between mother and child, Lacan puts at the center of his psychoanalytical theory the lack
as a the foundation of desire. Thus demonstrating that « the child is not alone in front of
the mother, since in front of the mother, there is the signifier of her desire, namely the
phallus », he provides significant clinical and theoretical insights on the issue of desire and
fetishistic maternal jouissances.

KEYWORDS
Maternity, mother desire, perversion, fetish child, pedophilia.
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