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La religion

Introduction

Délimitation de la notion

Comment délimiter une telle notion qui pose tant de problèmes et crée
tant de querelles qu'elle ne donne presque jamais lieu à une
interrogation national au bac ? Qu'est ce qui existe en elle et peut-être
dans nos pays pour faire en sorte qu'il soit devenu si difficile ? Pour certains
c'est le sacré qui caractérise la religion or le sacré Kadosh en hébreu
imparfaitement traduit par « élu » renvoie à ce qui est mis à part, ce qui
doit faire l'objet d'une distinction particulière.
L'existence de ce sacré est destinée ainsi précisément à montrer qu'il
existe des limites et des valeurs. Il montre que tout ne peut pas être mis
sur le même plan ni traite de manière équivalente. Cela ne signifie pas qu'il
faut établir des privilèges. Cela signifie qu'il ne faut pas traiter de la
même manière ce qui est différent soit par essence soit tout simplement
par culture ou nature.

Les haines suscitées par le religieux s'expliquent-elles par l'envie et la


jalousie ? C'est la thèse soutenue par R. Girard dans ses différents
écrits. S'expliquent-elles au contraire par le refus de certains de la
mission qui leur a été confiée ? S'explique-t-elle, d'une autre manière,
par le fait que La religion pour chacun c'est la sienne et mieux encore la
manière dont il interprète celle-ci ? La tolérance, si intimement liée à
toutes les grandes religions comment expliquer qu'elle soit si difficile à
mettre en œuvre sur ce sujet ?
Le mot religion vient du verbe religare qui signifie relier. La religion est
ce qui relie à un Dieu, a ce que l'on considère comme sacré, a d'autres fidèles,
a une communauté et a une é g l i s e . Le terme « Église » provient du latin
Ecclésia qui signifie assemblée. La religion peut aussi relier au sens de
relier à une foi que l'on n'a pas toujours choisie et qui est souvent celle de
sa culture d'origine.
Distinctions à établir
Le terme religion est en lien étroit avec celui de « croyance ». La
croyance est liée elle-même au verbe croire qui est souvent oppose
au verbe savoir. Dans son texte intitule De la certitude, Wittgenstein
met en évidence que contrairement à ce que l ’ o n pense bien souvent la
croyance vient avant le savoir chez tous les humains et tout le travail
d'une bonne éducation consiste sans doute dans le fait de devoir pour
chacun d'identifier les croyances premières qui constituent le fond de
son être. Ces croyances premières forment-elles SA religion ?

Le mot religion est également lie mais ii est à distinguer de la foi. La


foi c'est la fides en latin qui renvoi a la fidélité. Avoir la foi c'est croire. La
religion implique souvent une croyance mais aussi des dogmes, des
préceptes et des règles. Là laïcité, en France, a été mise en application
par la loi de 1905. Elle implique une neutralité de l'Etat en matière
religieuse et permet à chacun de vivre librement sa foi sauf si celle-ci met
en péril la République.
La religion est également liée à l'idée de loi. Est-ce toujours le cas ? La
religion est-ce la loi ou bien la parole ou pour certains simplement
l’amour ? Elle est également liée à la notion de sacrifice. Pour quelles
raisons ?
Les problématiques envisageables

Pour permettre une meilleure compréhension entre Les peuples faut-il écarter
la religion du débat public ou du public ? C'est la thèse soutenue par Spinoza
dans son Traité théologique et politique. Elle donnera lieu à la laïcité. Cette
laïcité est-elle en crise ? Est-elle encore d’actualité ? Ne faut-il pas la rénover et
l'adapter à notre époque ?

Quels sont les rapports que la religion entretient avec la science ? Le discours
scientifique a-t-il remplace le discours religieux ? Faut-il nécessairement
opposer l'un a l'autre ou doit-on comme Averroès le pensait associer la raison
et la religion (L'Islam et la raison) ? Pourquoi les Anciens ignoraient-ils le terme
de religion inventé par Les Romains ? Peut-on vivre sans religion ou au contraire
peut-on être heureux dans la religion ? La religion est-elle une invention des
puissants afin de mieux opprimer les plus faibles ou bien est-ce le la condition
du salut d'une vie ?

Illustrations artistiques du thème

Les Dix commandements de Cecil B. DeMille qui raconte un épisode célèbre


de la Bible, l'histoire de Moise qui est reconnu par les trois grandes religions
dites monothéistes. Le Destin de Youssef Chahine qui raconte la montée en
puissance d'une guerre de religions en Espagne. Les sorcières de Salem, film
et roman. Il raconte comment une communauté religieuse est tombée dans une
forme de folie a force d'enfermement sur elle-même.
Le roman Joseph et ses frères de Thomas Mann qui raconte l'histoire de
Joseph, personnage de la Bible, sous forme romancée. Ce texte a été écrit par
Thomas Mann alors qu'il était en exil en France afin de fuir le régime nazi. Ici le
retour sur un texte religieux a-t-il permis a Mann de survivre à cette épreuve ?
Dans ce cas, la religion aide-t-elle à surmonter Les épreuves de l’existence ?

Les enjeux contemporains de la notion

Toutes les guerres qui existent aujourd'hui dans le monde contemporain sont
liées de manière directe ou indirecte a la religion. Comment expliquer ce
phénomène alors que l'on assiste dans le même temps a une montée à la fois du
rejet de la religion par certains et un désir de plus grand chez d'autres de
spiritualité ? Une spiritualité laïque peut-elle s’envisager ?
Comment expliquer le sentiment de rejet que ressentent toutes Les
communautés aujourd'hui ? Les croyants s'estiment incompris. Il en est de
même de ceux qui ne croient pas et qui considèrent que la religion
occuperait une place trop grande dans nos sociétés.
Pour permettre le dialogue inter-religieux, devons-nous enseigner à chacun
la religion de l'autre afin
D’entrer dans ce que certains appellent une laïcité dynamique dans
laquelle au lieu de craindre la différence de l'autre celle-ci est perçue
comme une richesse pour chacun ?

La religion est-elle une illusion ou est-elle l'opium du peuple ?


De Marx à Freud, en passant par Epicure, nombre sont les auteurs qui ont
voulu dénoncer les effets négatifs de la religion. Dans la Lettre a
Ménécée, Epicure considère qu'il faut écarter la peur pour être heureux.
Epicure n'est pas athée (étymologiquement il n'est pas sans Dieu. Il croit
donc aux Dieux) mais il considère que les Dieux sont heureux parce qu'ils
ne s'occupent pas des problèmes des humains.
En effet Epicure s'oppose aux platoniciens qui considèrent que les Dieux
nous surveillent et qu'ils nous punissent lorsque nous fautons. Epicure
considère que cette peur paralyse la plupart des hommes et elle leur
interdit de vivre selon ce qui est essentiel pour eux à savoir leurs envies.
Marx quant à lui est athée. Il ne croit pas en ou aux Dieu(x). Il pense que
la religion est une invention des puissants afin de mieux gouverner les
opprimés. Il utilise le terme d'opium du peuple pour la caractériser.
L'opium a deux caractéristiques : c'est une drogue qui permet d'échapper
aux souffrances de quotidien. Mais c'est aussi un puissant somnifère qui
endort.

Pour Freud, la religion est bien une illusion car elle aide Les hommes à
vivre. Elle leur permet de supporter la dure réalité de l'existence. Dans un
de ces texte, il a cependant écrit :

Dans mon écrit, l'Avenir d'une illusion, ii s'agissait beaucoup moins des
sources les plus profondes du sentiment religieux que, bien plut6t, de ce
que l'homme de la rue entend par religion...Cette providence, l'homme
de la rue ne saurait se la représenter autrement que sous les traits d'un
père rehausse jusqu'au grandiose... L'ensemble est si manifestement
infantile, si éloigne du réel qu'il devient douloureux pour celui qui se
voudrait ami des hommes de se dire que la grande majorité des humains
ne pourra jamais dépasser cette conception de la vie. S. Freud, Le
malaise clans la civilisation, Trad. B. Lortholary, Seuil 2010, p.59

Ce que Freud reproche (en particulier aux religions constituées) c'est


d'avoir interdit, écrit-il, aux femmes d'appliquer leur pensée ace qui les
intéresserait le plus, selon lui, c'est-à-dire aux problèmes de la vie
sexuelle. Pour Lui, celle-ci maintiendrait dans une forme infantilisme
(lorsqu'elle est pensée de manière vulgaire et lorsque toute sa subtilité
n'est pas envisagée). La religion reposerait ainsi sur l'image d'un monde
hostile qui, de ce fait, pourrait favoriser certains troubles d'ordre
psychique. Ce qui le gène dans cette illusion, lorsqu'elle est envisagée
de manière infantile, c'est le fait qu'elle interdirait d'avancer, de voir le
monde tel qu'il est. En ce sens, Freud n'est pas anti-religieux. Il reproche
au peuple de vivre dans l'apparence religieux tout en ignorant l'essentiel
du message. Freud caractérise de manière très originale l'illusion. Dans
sa pensée, une illusion consiste dans le fait de refuser de voir la réalité
et de mettre à la place de celle-ci ses désirs. L'illusionne refuse de voir
ce qui est. Il remplace ce qui est par ce qu'il désire. En soutenant cette
thèse Freud s'amuse à contredire Pascal qui soutenait précisément le
contraire. Pour lui, ce sont les athées qui refusent de voir ce qui est car
ils ne savent pas regarder au-delà des apparences.

La religion comme lien avec l'être profond et le cœur ?

Le Dieu de la Bible se présente comme « celui qui est ». Il est celui qui
n'a pas de nom mais qui renvoi à l'être et au soi. Curieusement ce soi et
cet être ne peuvent cependant être vu de face car ils entrent dans le monde
du « sacré » et du monde qui est à part. Seuls ceux qui sont admis
peuvent toutefois l'entendre ; ce qui sera le cas des Prophètes de toutes les
religions dites du Livre Judaïsme, christianisme, Islam).
Comment interpréter ces passages religieux qui interdisent à L’homme
d'être face au Divin ? Faut-il les relier au mythe de la Caverne de Platon
dans lequel l'auteur soutient que rares sont ceux qui voient la vérité en
face et doit-on ajouter a ceci le fait qu'en plus pour avoir ce privilège une
grande humilité est nécessaire ?
Dans le Traite théologique et politique, Spinoza rappelle qu'une des plus
grandes qualités du prophète Moise est l'humilité. Qu'est-ce que
l’humilité ? C'est le lien avec l'humus qui est la partie la plus vivante de la
terre et qui permet la vie. L'humilité ce n'est pas le fait d'être écrasé mais
d'accepter qu'il y ait un lien entre ciel et terre. La religion permet-elle ce
lien et si oui par quel organe ?

Serait-ce le cœur ?

Pour Pascal, le cœur a des raisons que la raison ignore et cette foi ne
peut être, en effet, perçue que par le cœur. On croit ou on ne croit pas.
Certes Pascal propose aux hommes de faire un pari : si Dieu n'existe pas
et que je crois je ne perds rien mais je perds tout s'il existe vraiment et
que je me refuse à le croire écrit-il dans ses Pensées. La religion permet
ainsi de relier avec le monde et avec l'harmonie de celui-ci. Elle permet
surtout de mettre en contact avec l’essentiel et avec ce qui est éternel. Le
Dieu de la Bible prend d'ailleurs parfois le nom d'Eternel. La religion relie
ainsi l'homme, être à mi-chemin entre l'animal et le divin, être entre-deux
proche de ce qui pourrait l'élever ou au contraire rabaisser, réduire. C'est
ce que pense Kierkegaard. Selon Lui,

L'homme est une synthèse d'infini et de fini, de temporel et d'éternel, de


liberté et de nécessite. Une synthèse est un rapport entre deux choses.
S. Kierkegaard, La maladie et la mort.
La religion remet donc l'homme au milieu du monde et lui permet d'être
en rapport harmonieux avec lui. Elle le sort de son quotidien banal. Pour
les Anciens grecs et les hébreux, le mot religion n'existait pas car ils
vivaient dans un monde enchanté, empli des miracles des Dieux. Le
Monde des Modernes est un monde désenchanté, purement circonscrit
aux phénomènes, c'est-à-dire a ce qui apparait.
C'est la raison pour laquelle, ceux qui vivent dans la foi sont appelés
religieux. Les Modernes les ressentent comme attachés à une foi qu'ils
ne comprennent pas toujours. Cette position s'explique sans doute aussi
parce que la Modernité occidentale s'est construite telle qu'elle est en
glorifiant une science qui devait lui permettre d'éviter des guerres de
religion qui l'avaient ensanglantée.

N'a-t-elle pas pour autant sécurisé certains aspects de la religion ? N'a-


t-elle pas repris dans, nombre de ses modes de fonctionnement, des
règles qui appartenaient autrefois aux religions qu'elle a dû exclure du
champ public pour les placer dans le champ privé ? N'a-t-elle pas
constamment cherché des substituts à la religion ? Le sport et l'art
n'ont-ils pas ainsi servis d'illusions de remplacement à certains ?

Ill. N'y aurait-il pas deux types de religions ; une qui libèrerait et
une qui opprimerait ?
Comment distinguer la religion qui libère de celle qui opprimerait ?
Les trois grandes religions dites monothéistes se sont toutes construites
contre un dogme qu'ils critiquaient : les juifs, comme l'écrit la Genèse,
sont apparus avec la figure d'Abraham lorsque ce dernier rejette le culte
des idoles de son père. Ensuite le christianisme se construit pour
échapper aux interprétations de la Bible juive par les Pharisiens devenus
majoritaires chez les enfants d'Israël et l'Islam se constitue lorsque le
Prophète Mahomet est appelé pour rappeler un message qui aurait été
obscurci par les précédents monothéismes.
Tous les fidèles d'une foi pensent que certaines croyances sont
dénaturées et que la leur est la seule qui soit digne d'être suivie et
entendue. Souvent, celle-ci se construit contre une autre foi. Lorsque
d'autres difficultés viennent s'ajouter à ces désaccords théologiques,
ceux-ci se transforment parfois en guerres. Mais faut-il opposer les
différentes religions entre elles, le problème ne vient-il pas plutôt de la
pratique religieuse elle-même ? C'est la thèse du philosophe Henri
Bergson.

Extrait : Dans Les deux sources de la morale et de la religion, Bergson,


distingue deux formes religieuses, la forme statique qui opprime les
hommes et les conduits à la routine. Cette forme est celle de la norme qui
n'est pas comprise et qui n'apporte pas grand-chose aux hommes.
A cette forme statique, il oppose la véritable religion, celle qui libère les
hommes et leur permet de s'élever. Cette religion trouve son origine dans
une personne exceptionnelle qui l'incarne bien souvent et qui, par sa vie
héroïque, donne aux hommes l'envie de se dépasser et de s'accomplir.

En conclusion, il semble donc que pour Bergson lorsque la religion ne fait


que reprendre les schémas de la société, lorsqu'elle ne fait que les
reproduire, celle-ci n'apporte rien à l'humanité elle n'élève pas Les hommes.
En revanche, lorsque la religion est incarnée véritablement par des êtres
d'exception qui, par leurs comportements héroïques, donnent aux hommes
l'envie de reconstruire une humanité qui s'est perdue, alors elle permet de relier
à soi et au monde. Au lieu d'être close comme la precedente, elle est ouverte,
c'est à dire qu'elle ouvre l'homme vers la vérité et Lajoie.

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