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La Religion (L, E.

S, S)

Quand je dis « Je cherche une religion », c’est un langage que je cherche et qui me
transfigure. Trouver sa vérité, c’est trouver son langage, celui qui fait s’épanouir le plus de soi - même
à la conscience » Saint - Exupéry à propos de la notion de Salut dans les Fleurs du Mal

Introduction

Le mot religion vient du latin religare qui veut dire relier deux sphères distinctes : celle
sacrée et celle profane (du latin pro fanum : devant le temple). La religion est à la fois une pratique
culturelle, sociale, artistique ce qui en fait et une manifestation de l’esprit humain et, à la fois
manifeste l’intimité de l’expérience intérieure de l’homme ce que signifie la Foi. La religion est un
ensemble de représentations symboliques qui permettent à l’homme de s’ajuster au monde dans lequel
il vit. En ce sens, elle noue deux sortes de relations : celle verticale qu’elle entretient avec une instance
supérieure, transcendante à l’homme, et celle horizontale qu’entretiennent les hommes entre eux sous
la forme d’une communauté. La religion réunit donc les trois composantes suivantes : un contenu
doctrinal sur Dieu ou les dieux qui illustrent la nature des rapports entretenus avec les hommes. Un
ensemble de rites garantis par une classe sociale (le clergé) qui les institutionnalise et les transmet.
Enfin une communauté qui partage cette croyance et qui se différencie ainsi des autres hommes. Nous
tenterons de développer la problématique qui remarque la présence constante de la religion au sein de
l’humanité. Quelles que puissent être ses formes et même lorsqu’elles sont aberrantes il n’en demeure
pas moins qu’il ne se trouve aucune société humaine qui n’ait de religion. Nous nous distinguons des
animaux en ce qu’ils n’ont pas de religion. Certes nous ne connaissons d’autres consciences que la
nôtre, mais si la religion se manifeste par des attitudes identifiables alors il n’en existe pas chez
l’animal. C’est donc chez l’être intelligent que se trouvent des formes de pensée défiant toute
intelligence. La définition kantienne de la religion est la suivante : « La religion (considérée
subjectivement) est la connaissance de tous nos devoirs comme commandements divins » La religion
dans les limites de la simple raison. Il n’est donc pas nécessaire suivant cet auteur d’une connaissance
de l’existence de dieu, mais seulement une hypothèse qui commande notre action dans une fin pratique
c’est-à-dire en s’accordant avec l’idée de Dieu. C’est donc afin de soutenir un effort moral sérieux que
la religion est une manifestation de la spiritualité humaine qui fonde celle philosophique. Nous
commencerons par examiner les rapports complexes entretenus entre la Foi et la Raison. L’échec d’un
discours rationnel sur des objets suprasensibles réaffirme la dimension pratique de la religion qui doit
composer avec la question de l’existence du mal qui alimente les critiques à son égard. Enfin, nous
conclurons par le rôle social de la religion qui engendre une lecture critique à son égard tout en ne
réussissant pas à abolir ce besoin profond de spiritualité qui anime le cœur humain.

L’homme peut –il se passer de religion ?

Analyse La religion ouvre un large champ de significations. Derrière l’étymologie (du latin
religare) qui connote une notion de respect, de scrupule qui s’associe à la crainte au respect se profile
l’idée de lien social. La profusion des significations (religare, re- legere ; relegare : relier, relire,
reléguer) interdit que l’on puisse en privilégier un sens. Tout au plus peut- on penser qu’il ne peut y
avoir de religion qui ne puisse influer sur nos comportements, que l’on privilégie un sens particulier de
la vérité à l’exclusion de toute autre. Il ne peut y avoir de religion sans église, du moins peut- elle être
rigoureusement personnelle ? Hypothèse 1 La religion comme croyance désigne une attitude
subjective qui ne se réfère à aucune preuve objective ou rationnelle. Elle est donc un engagement qui
peut s’apparenter à une forme de savoir, contrairement à la certitude scientifique. Cependant, pourquoi
croit- on ? Hypothèse 2 Cependant, il n’existe pas que des religions faisant référence à une
transcendance. Certaines contrairement à leur expression naturelle sont assujetties à un ensemble de
dogme et jouent un rôle social. Problème La croyance religieuse pourrait facilement se réduire à une
illusion voire une erreur, néanmoins, les faits montrent qu’elle accompagne toute l’histoire de
l’humanité. Il ne peut y avoir de civilisation sans rapport au sacré. En d’autres termes il est de fait que
la religion nous dépasse, pour autant pouvons- nous nous en passer, c’est-à-dire la dépasser, et partant
la conserver ?

Axes problématiques :

1. La religion rationnelle
2. La question du mal
3. Le rôle social de la religion

I/ la religion rationnelle

La religion, dans ses rapports avec la raison humaine offre deux alternatives : soit elle présente
un savoir préalable me faisant reconnaître mon devoir ; elle est alors révélée ou historique ; soit je dois
savoir par avance ce qu’est mon devoir (comme conforme à ma nature) et, elle est alors naturelle. Il y
a donc deux attitudes face à la religion soit celle d’un rationaliste soit celle d’un naturaliste. Cette
distinction nous permet de remettre en question l’idée d’une pluralité des religions comme expression
de l’attitude religieuse des hommes. Finalement la seule vérité religieuse possible est celle naturelle
comme raison suffisante de celle révélée.

A/ La misère anthropologique de l’homme sans Dieu

Pascal, Pensées T C p119

A. La condition humaine relève de l’absurde. Nous sommes confrontés à un immense


univers « muet » et nous- mêmes « sans lumière » nous ne pouvons lui donner aucune signification.
Nous ne pouvons trouver en nous- mêmes aucune raison, justification de notre condition nous sommes
projetés dans l’être et « embarqués » nous devons vivre en ayant constamment pour horizon notre
finitude. La pensée de la mort nous apparaît comme un terme qui occupe une part primordiale dans
notre vie, elle est la seule certitude que nous ayons. Le monde tel qu’il nous apparaît semble en proie à
un dieu caché Deus absconditus et il est inutile d’en rechercher des preuves puisque notre esprit ne
peut connaître la nature radicalement transcendante du divin.
B. « il ne faut pas avoir l’âme fort élevée pour comprendre qu’il n’ y a point ici de
satisfaction véritable et solide , que tous nos plaisirs ne sont que vanité, que nos maux sont infinis et
qu’enfin la mort, qui nous menace à chaque instant doit infailliblement nous mettre dans peu d’années,
dans l’horrible nécessité d’être éternellement ou anéantis ou malheureux ». Cette pensée montre que le
peu de souci de leur salut de ceux qui se distraient est contre nature et n’est que de l’ordre des esprits
vulgaires. Elle ne provient que de l’opinion et la distraction n’en est que plus pathétique qu’elle peine
à masquer le désespoir d’un monde sans espérance. Il s’agit donc d’une forme négative de l’existence
de Dieu celle- ci obscure montre son caractère incernable.
C. Pascal croit, c’est-à-dire fait confiance à l’autorité divine qui n’a pas besoin de preuve
manifeste pour être fondée. Il existe au- delà des apparences, mais n’a pas à se manifester autrement
que par « quelque marque de soi » qui sont justement une apparente absence. C’est donc cette absence
du monde qui en est la preuve la plus profonde.

B/La preuve ontologique de l’existence de Dieu

Saint –Anselme, Proslogion T A p120


A. La preuve de l’existence divine passe par l’idée de grandeur infinie de Dieu. Cette idée
l’Insensé le comprend dans son intelligence sans savoir que cela existe. Cette dichotomie de
l’entendement est possible, nous pouvons nous rendre par la raison à l’existence d’une chose selon
son concept ou sa définition, sans savoir pour autant que cette chose existe. La représentation d’une
chose n’implique pas son existence, ou la seule possibilité ne se distingue pas dans sa seule
représentation du réel.
B. Selon l’exemple du peintre qui possède déjà en idée son tableau, mais ne sait pas que
celui- ci existe avant de l’avoir réalisé. Ce n’est qu’une fois peint qu’il « l’a dans son intelligence »
et comprend ce qu’il a créé. Il y a donc une représentation « en puissance d’une chose » lorsqu’elle
n’est pas encore réalisée ou « en acte » .c’est uniquement lorsque cette chose est effectivement
arrivée à l’existence que cette chose quoique dans l’intelligence et maintenant saisie comme
existante.
C. Nous avons donc en nous une idée de l’infini car nous la comprenons et ce que nous
comprenons est dans notre intelligence. Cependant, ce qui est infiniment grand ne peut être limité à
n’être que dans l’intelligence, car alors il y aurait dans la réalité une existence qui le dépasse. Il y a
donc un paradoxe à concevoir ce qu’il n’y ait rien de plus grand qui ne soit que dans l’intelligence et
qui soit dépassé par quelque chose de plus grand dans la réalité. La grandeur infinie de Dieu fait qu’il
est à la fois dans l’intelligence et dans la réalité.
D. Il est plus grand d’exister que de ne pas exister, ors concevoir quelque chose comme
existant est plus grand que de ne le concevoir que comme non existant ; donc concevoir un être
comme le plus grand sans qu’il ne possède l’existence serait contradictoire, car ce serait concevoir
un être comme le plus grand qui ne le serait pas puisqu’il lui manquerait l’existence. Cet argument
dit de « la preuve ontologique » de dieu possède une grande postérité en métaphysique. Fondé sur
une preuve de l’existence avant l’existence il sera reformulé par Descartes qui dans ses recherches le
traduit selon le nom de la perfection divine, ou de la preuve par les effets.
Kant enfin dans sa critique de la théologie rationnelle montre que l’existence n’est pas un
concept et que cet argument confond le possible et le réel qui ne diffèrent que selon l’existence elle-
même que l’on ne peut fonder que sur l’expérience ce qui est bien évidemment impossible pour Dieu.

II/ La question du mal

A/ La preuve cosmologique de l’existence de Dieu

G.W. Leibniz, De la production originelle des choses TA p.122

A. Leibniz développe une preuve de l’existence de dieu selon la perfection de sa création.


L’ordre et l’ordonnancement de l’univers exige l’idée d’une cause qui ne doit pas seulement en être le
producteur, mais aussi le principe organisateur. C’est du reste, la perfection même de celui- ci qui
atteste celle de son créateur. Simplement l’expérience nous apprend qu’il existe dans ce monde des
injustices intolérables difficilement compatible avec l’idée présumée de perfection divine. Si bien que
plus qu’un ordre postulé par cette idée c’est plutôt l’affirmation dans les faits d’un chaos qui bat en
brèche la preuve de l’existence de dieu.
B. Leibniz dénonce ces critiques qui ne s’arrêtent qu’à l’apparence phénoménale des
choses, en effet notre condition humaine ne nous donne pas accès à la totalité du plan divin. En cela il
reprend l’argument stoïcien qui postule un ordre dans le cosmos qui justifie tous les évènements qui
s’y déroulent. Nous ne jugeons que d’expérience sans connaître la raison des choses et en l’absence de
cette connaissance exhaustive nos jugements sont donc alors forcément erronés. Nous ne sommes que
de misérables prisonniers de notre condition d’homme et prétendons néanmoins percer les secrets de la
volonté divines ce qui est d’avance voué à l’échec.
C. Les exemples du peintre dont le tableau masqué ne laissant qu’un détail qui plus est
observé de près ne laisse percevoir qu’ un amas confus de couleurs qui se révèleront être un détail
signifiant une fois toute l’organisation de la toile dévoilée, ou du musicien qui crée une mélodie à
partir de l’organisation complexe et apparemment désordonnée de sons montrent que la volonté divine
possède la connaissance infinie d’un dessein d’ensemble qui ne nous est pas donnée d’apercevoir ,
mais pour autant, notre ignorance ne peut servir d’argument à son encontre. Dieu crée un ordre des
choses qui est commandé par la fin qu’il cherche à atteindre, simplement entre celle- ci est les moyens
utilisés il peut y avoir un hiatus dû à la liberté humaine cela ne peut lui être imputable, de même que
l’existence du mal n’est qu’un épiphénomène qui ne peut remettre en cause l’infinité de sa sagesse.

B/ La religion naturelle

D. Hume, Dialogue sur la religion naturelle T B p 123

Hume dans la personne de Philon qui l’incarne use de l’argument de l’analogie entre une
œuvre et son créateur. Dieu comme architecte de ce monde est représenté par son œuvre et il ne serait
question qu’il ne puisse en rendre totalement compte. L’idée d’une causalité divine admet la
production du monde selon un plan idéal représentée dans son entendement et un ordre de ce monde
idéal est la cause suffisante de l’harmonie du monde réel. Ce postulat d’un Etre dont tirent l’harmonie
et l’ordre d’un monde représenté ne peut être issu de l’expérience, et, est donc de caractère purement
métaphysique. Hume dialogue avec Leibniz en ce qu’il ne refuse pas on argumentation au sujet d’un
dessein d’ensemble divin des choses qui explique une apparente anomalie d’un détail. Simplement, il
radicalise cet argument au sujet de la conception du possible. Ce n’est pas parce que l’on ne connaît
pas les possibles implications d’une chose qu’il est impossible de les prévoir toutes.

B. L’argument d’un monde imparfait compatible avec la perfection divine est irrecevable parce qu’il
va en l’encontre de la représentation même du « divin artisan ». Hume récuse l’argument d’une
bienveillance divine au profit d’une explication du monde à partir de la contingence des phénomènes.
Celle- ci s’oppose à l’idée a priori que nous pouvons avoir de la divinité qui omnisciente ne peut
ignorer les failles et défaillances qu’elles engendrent. Il y aurait donc un recours à l’idée d’une finalité
morale : la finalité de la nature est au service d’une finalité morale. Car peut –on se représenter que la
divinité ne crée un ordre harmonieux du monde qui n’ait pour fin le bonheur des hommes ? La réalité
du mal est cependant incontournable, puisque les hommes ne sont pas heureux.

C. L’argument de la douleur censé servir une fin plus élevée telle que la conservation de
l’espèce ne vaut pas. En effet, Hume développe au cours de ce texte l’argument des 4 circonstances.
1) Dans le règne animal les peines et les plaisirs aiguisent l’action alors qu’une simple
diminution du plaisir pourrait suffire à la place de la douleur.
2) 2) L’antagonisme entre les règles générales de l’économie du monde, et la conduite
humaine. Alors que, la providence pourrait agir par des moyens suffisamment fins pour
œuvrer à notre bonheur sans perturber le cours du monde.
3) 3) Chaque faculté et pouvoir sont attribués avec une trop grande parcimonie à chaque
être ; alors qu’il aurait suffi d’en accorder plus à l’homme.
4) 4) Il n’y a rien de si avantageux dans l’univers qui accordé avec trop d’excès ou de
défaut ne soit fâcheux.
E. Si Hume reconnaît l’existence d’une finalité propre à expliquer l’organisation du monde,
celle- ci ressort plus d’un besoin irrépressible de la raison humaine de rechercher
l’origine des choses que de celles- ci en propre. En effet, on ne peut admettre une
parfaite harmonie dans l’ordre des choses et souvent les phénomènes naturelles
dépassent leur fonction utilitaire pour devenir des fléaux incontrôlés. Ce qui manque
fondamentalement à cet argument de l’utilité c’est l’idée de mesure ; donc de raison qui
pourtant est l’attribut principal du divin.

C/ Le mal radical

Kant, La religion dans les limites …


Il existe dans la nature humaine un penchant au mal qui provient de notre liberté. Nous
sommes constitués à la fois par une sensibilité ou une nature et une volonté ou un libre- arbitre. Nous
ne pouvons imputer à la première l’origine du mal car elle ne noue aucun rapport avec le mal. Ces
dispositions étant innées nous n’en sommes pas imputables. C’est le second en tant que penchant au
mal en tant qu’il concerne la moralité du sujet qui comme être faillible doit être tenu responsable de
ses actes. Ce penchant n’est pas non plus de l’ordre « d’une dépravation de la raison législatrice
morale ».car il serait alors possible d’en retirer la force d’obligation. Ce serait alors concevoir « une
cause agissant en dehors de toute loi ».Donc il ne peut suffire de donner à la sensibilité la cause de ce
penchant au mal, ni non plus, à la raison qui élèverait au rang de motif son opposition à la loi. Ce qui
ferait de l’homme un être diabolique.
Le penchant naturel au mal se trouve chez l’homme dans son libre- arbitre. C’est à dire
selon l’ordre dans lequel il organise ses motifs d’action. Soit il privilégie l’amour de soi au détriment
de la loi morale dans ses maximes et il est alors méchant, soit il n’agit qu’en vue de maximes morales
qui sont à elles- seules le motif de ses actes. Il y a donc un penchant naturel de l’homme au mal en ce
qu’il corrompt profondément toutes les maximes de nos actes et qu’il ne peut être extirpé par des
forces humaines, car il faudrait alors de bonnes maximes ce qui ne peut se produire si le fondement
subjectif de toutes nos maximes est présumé corrompu. L’homme n’est donc pas simplement méchant
c’est-à-dire qu’il admettrait comme principe d’action le mal en tant que mal ; mais plutôt connaît une
« perversion de cœur » qui n’est pas incompatible avec une bonne volonté. Simplement c’est le
résultat de la fragilité de la nature humaine incapable de se conformer à des principes qu’elle a
pourtant reconnus bons et qu’elle a adopté. C’est-à-dire à agir uniquement conformément aux
principes de la loi morale, sans que ses actes en dérivent complètement c’est-à-dire à considérer cette
loi comme ses uniques motifs. C’est donc une manière de considérer l’absence de vice comme la
vertu, ce qui doit être considéré comme « une perversion radicale » de l’homme qui n’agit que selon
la lettre de la loi et non en en faisant le motif unique de sa conduite. Ce travers imputable à l’homme
dès qu’il fait usage de sa liberté est le fait d’une certaine « malice du cœur humain » qui se trompe
lui- même en considérant que ses actes ne valent que par leurs conséquences et non selon la valeur de
leur motifs. C’est ce qui permet une bonne conscience chez beaucoup d’hommes qui pensent agir
moralement sans même se référer à la loi morale pourvu qu’ils échappent à leurs conséquences. Cette
duplicité agissant d’ailleurs aussi le plus souvent à l’égard d’autrui.
Il faut donc conclure de ceci que l’homme a été créé bon et que sa disposition générale
est au bien, mais qu’il ne résulte pas de cela qu’il fut bon. C’est selon qu’il accueille en lui les motifs
admis dans cette disposition, ce qui ne peut être que le fait de sa liberté, qui fait qu’il ne dépend que de
lui- même d’être bon ou mauvais.il est certes extrêmement difficile de comprendre comment un
homme mauvais par nature puisse devenir bon, comme de concevoir que d’un arbre mauvais puissent
provenir de bons fruits, l’inverse aussi d’ailleurs cependant il s’agit plutôt de penser un relèvement de
la nature humaine qui nous impute « l’obligation de devenir meilleur » et donc de le pouvoir. C’est
donc ce recours nécessaire à une aide supérieure qui nous est incompréhensible et qui agit sur une
disposition originelle au bien qui n’a pas pu nous être extirpée en dépit des effets néfastes de l’amour
se soi et qui justifie la possibilité pour l’homme de recevoir les enseignements de la religion.

III/ Les critiques de la religion

A/ La critique psychanalytique

Freud, l’Avenir d’une illusion texte B p 119.

A. La religion serait le résultat d’une illusion et non pas le produit de l’expérience ou de


raisonnement. Elle serait à la rigueur « le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion » si
l’on pouvait donner du crédit aux tentatives de justifications finalistes ou de démonstrations
rationnelles de l’existence de dieu. Sa seule raison d’être est de répondre aux des désirs humains et en
tout premier lieu celui profond de protection d’une figure paternelle tel que nous l’avons éprouvés
dans notre enfance.
B. b Nous développons devant l’aspect terrifiant de nos peurs infantiles le besoin d’une
figure réconfortante : celle du père. Cette figure nous accompagne durant toute notre existence et
satisfait nos désirs au fur et à mesure qu’ils se présentent dans notre existence. C’est ainsi, qu’il palie à
l’incertitude pleines de dangers de l’existence, assure un ordre moral des récompenses et peines
fondement de la justice que n’assure pas notre culture. Enfin, la possibilité d’une vie future est une
assurance de voir assouvis nos désirs actuels si souvent contrariés.
Cet ensemble de croyance est propre à satisfaire des questions proprement humaines sur
l’origine du monde, ou l’immortalité de l’âme. La religion est donc la résolution du conflit de
l’individu avec la figure paternelle qu’il sublime dans l’idée unique de Dieu.

B/ La critique marxiste

Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel, texte B p 125

A. Marx inverse l’idée religieuse d’une création de l’homme par Dieu. Il montre que la
religion n’est qu’une forme de prise ou de perte de conscience de l’homme qui ainsi se représente ou
se perd à nouveau. L’homme n’est pas une pure abstraction, mais une réalité politique, sociétale qui
produit dans chacune de ses manifestations une forme particulière de religion. Toute religion n’est
donc que l’expression renversée de la société dont elle provient. La religion représente donc une forme
sublimée de la société qui y correspond, elle s’apparente à une forme de superstition elle est la forme
la plus généralisée de « consolation et de justification » de la société. Elle est donc l’idéologie de
toute société en prétendant exposer un ordre naturel des choses au sujet de ce qui n’est que le résultat
d’une exploitation d’une classe sur une autre. La religion représenterait la vérité de l’homme sous
forme fantasmée. L’homme n’a d’autre vérité que celle de son existence matérielle et lutter contre la
religion n’est que lutter contre les formes de société qui l’instaure.
B. « La misère religieuse » est à la fois la parfaite correspondance avec celle réelle de nature
économique et sociale, et à la fois son occultation en proférant l’existence d’un au- delà qui viendra y
remédier tout en laissant notre condition en proie à de terribles inégalités. Elle joue donc un rôle
narcotique et il n’est possible d’accéder au bonheur qu’en renonçant à une situation qui exige et
encourage l’illusion religieuse. C’est donc, renoncer à cette situation politique et économique qui est le
ferment de ce besoin de consolation religieuse.

La critique marxiste de l’usage politique de la religion dans ses rapports avec l’Etat est déjà
anticipée par Nietzsche au paragraphe 472 de son ouvrage Humain, trop humain. Quels sont les
relations entre la religion et le gouvernement ? Afin de mettre en lumière l’extraordinaire ingéniosité
humaine et la plasticité de son esprit. Il est en effet, indéniable que les gouvernements monarchiques,
c’est-à-dire qui tiennent en tutelle leur peuple use de la religion comme moyen de gouvernement. La
religion joue un rôle consolateur devant les insuffisances et défaillances de l’Etat. Elle assure une
stabilité au pouvoir en donnant à la masse une image du pouvoir politique là où « les
intelligents »seraient poussés à la rébellion. Elle est donc ce qui assure une continuité nécessaire à
l’exercice du pouvoir ainsi qu’elle lui offre une classe intermédiaire en la figure du clergé qui lui offre
une éducation des masses sans pour autant donner l’impression de le servir. Cette critique est héritée
de l’esprit des Lumières, mais Nietzche remarque qu’elle a planté des germes qui vont eux- mêmes
fournir une critique de cette critique.
En effet, si « le gouvernement absolu tutélaire et maintien de la religion vont nécessairement
de pair », les classes dirigeantes en ayant conscience de se servir de la religion comme un moyen s’y
sentent supérieures et sont à l’origine de la liberté de pensée. Celle- ci est aussi à l’origine d’une
conception démocratique de l’Etat issue de l’idée rousseauiste de la Volonté Générale qui ne possède
aucune supériorité par rapport à sa forme antérieure mais juste se fonde sur un transfert du centre de
gravité du pouvoir. En effet, il supplée un pouvoir unique et privatif de la figure du souverain
individuel à celle de la souveraineté du peuple. De ce fait, le peuple récupère l’usage de la religion tel
que l’avait le souverain et la religion prend une fin politique (Le culte de l’Etre suprême de la
révolution française). Cette substitution n’est pas sans conséquences puisqu’en l’absence d’utilité
politique ou en proie à une diversité d’interprétations religieuses, le gouvernement fera de la religion
une affaire privée et la fera « s’en rapporter à la conscience et l’habitude de chacun ».
La religion s’en trouvera fortifiée en développant des aspirations particulières que limitait
l’Etat, elles se diffuseront jusqu’à l’extrême pointe de la particularité. Ce qui conduit
immanquablement à une multitude de pratiques sectaires qui entreront en confit et relèveront « les
faiblesses des doctrines religieuses » ce qui aura pour conséquences que « les meilleurs et mieux
doués fassent leur affaire privée de l’irréligion ». Ce sentiment se transmettant aux gouvernants qui
prendront alors des mesures de cette nature, ce qui entrainera de la part d’hommes encore animés de
sentiments religieux une haine de l’Etat, alors qu’auparavant ils le vénéraient de façon presque
religieuse. Cette véhémence fera de son côté que les hommes irréligieux vont se mettre à avoir un
engagement presque fanatique pour l’Etat accentuer par le manque d’aspiration spirituelle qu’ils
connaissaient depuis leur rupture avec la religion.
Cette opposition conduira soit à un retour de la part des religieux d’un gouvernement
despotique éclairé, soit de la part des irréligieux à la suppression de ces derniers par « l’école et par
l’éducation ». Mais avec la suppression de cette attitude religieuse disparaît aussi admiration de l’Etat
lui- même quasi religieux. Il n’est plus alors qu’un instrument évalué par les individus selon son
utilité, on ne lui obéit que par intérêt ou crainte servile. Seule sa force vaut et fait force de loi. Cette
défiance à l’égard de l’Etat, la compréhension de cette nuisance que présentent toutes ces luttes
conduiront à une abolition des domaines public et privé en faveur de ce dernier jusqu’à qu’il assure
des fonctions essentielles telles que la sécurité. C’est donc la conséquence fondamentale de la
démocratie d’achever « la décadence et la mort de l’Etat ».
Une fois achevée ce qui ressort de la séparation de l’église et de l’Etat c’est-à-dire à une
origine mystérieuse et divine du pouvoir l’Etat perd le respect et disparaît. Nietzsche fait de la
démocratie l’expression privilégiée de cette « décadence de l’Etat » qui n’est pas pour autant une
tragédie car l’homme possède dans sa nature des ressources capables de former des institutions qui
transcendent l’Etat. Il verra un retour de « la communauté de race » selon la forme antique, c’est-à-
dire la résurgence d’une compréhension historique de l’Etat que favorise sa rupture avec la sphère
religieuse.

C/ l’absolue liberté humaine

Sartre, L’existentialisme est un humaniste T B p 127

A. Sartre en citant Dostoïevski reprend l’idée de la mort de Dieu comme affirmation de


l’absolue liberté humaine qui est aussi un absolu délaissement. Nous ne pouvons plus nous en remettre
à des valeurs morales transcendantes censées servir de référence à nos actes. Au contraire, nous
devons nous agir indépendamment de toute justification extérieure ou mauvaise foi qui nous
dédouanerait de la portée de nos actes. Ce thème de la mort de Dieu déjà analysé par Nietzche
dévoilait chez cet auteur le poids de la culpabilité de cet acte. « Les esprits libres » ont aboli l’idée de
Dieu mais le plus grand nombre ignorant la portée du sens historique ce cet acte vivent encore dans
des valeurs issues de cette croyance. Sartre admet et assume cet évènement il ne peut y avoir aucune
autre alternative que de vivre pleinement sa liberté.
B. Indépendamment de toute essence prédéterminée qui ne serait qu’une limitation de
notre liberté, nous devons d’abord exister c’est-à-dire avoir à être ce que nous ne sommes pas au sein
du monde. Celui- ci nous offre toutes les opportunités et consiste à réaliser le pour- soi comme acte de
néantisation de l’en – soi. Notre réalité humaine n’est autre que d’acquérir la conscience de soi comme
un appel d’être.
C. L’homme se trouve projeté dans l’existence sans ne reconnaître d’autre raison à son
existence que la contingence de sa présence au monde. Dénué de raison d’être il a à conquérir celles-
ci ce qui n’est autre que sa liberté qui seule va donner de la valeur à ses choix dont il est le seul
responsable indépendamment de tout jugement autre que celui de ses semblables. En d’autres termes
l’homme en existant veut être Dieu.
D. La condamnation de notre liberté absolue qui est celle de ce choix indépassable que
nous devons faire de nous- même sur nous-même nous intime de nous former, de nous affirmer dans
nos choix, donc de nous créer à chaque moment de notre existence. Nos actes qui sont notre seule
preuve de notre présence au monde nous engagent et sont la preuve de notre constante création dans la
réalisation de nos projets.
E. La personne divine s’exprime dans l’échelle des valeurs qu’elle signifie. En créant
nos propres valeurs dans nos choix nous ne signifions que l’absence de sens a priori de l’existence.
Seule la vie que nous vivons engage ces choix et affirment la valeur qu’elle acquiert en la vivant.

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