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S, S)
Quand je dis « Je cherche une religion », c’est un langage que je cherche et qui me
transfigure. Trouver sa vérité, c’est trouver son langage, celui qui fait s’épanouir le plus de soi - même
à la conscience » Saint - Exupéry à propos de la notion de Salut dans les Fleurs du Mal
Introduction
Le mot religion vient du latin religare qui veut dire relier deux sphères distinctes : celle
sacrée et celle profane (du latin pro fanum : devant le temple). La religion est à la fois une pratique
culturelle, sociale, artistique ce qui en fait et une manifestation de l’esprit humain et, à la fois
manifeste l’intimité de l’expérience intérieure de l’homme ce que signifie la Foi. La religion est un
ensemble de représentations symboliques qui permettent à l’homme de s’ajuster au monde dans lequel
il vit. En ce sens, elle noue deux sortes de relations : celle verticale qu’elle entretient avec une instance
supérieure, transcendante à l’homme, et celle horizontale qu’entretiennent les hommes entre eux sous
la forme d’une communauté. La religion réunit donc les trois composantes suivantes : un contenu
doctrinal sur Dieu ou les dieux qui illustrent la nature des rapports entretenus avec les hommes. Un
ensemble de rites garantis par une classe sociale (le clergé) qui les institutionnalise et les transmet.
Enfin une communauté qui partage cette croyance et qui se différencie ainsi des autres hommes. Nous
tenterons de développer la problématique qui remarque la présence constante de la religion au sein de
l’humanité. Quelles que puissent être ses formes et même lorsqu’elles sont aberrantes il n’en demeure
pas moins qu’il ne se trouve aucune société humaine qui n’ait de religion. Nous nous distinguons des
animaux en ce qu’ils n’ont pas de religion. Certes nous ne connaissons d’autres consciences que la
nôtre, mais si la religion se manifeste par des attitudes identifiables alors il n’en existe pas chez
l’animal. C’est donc chez l’être intelligent que se trouvent des formes de pensée défiant toute
intelligence. La définition kantienne de la religion est la suivante : « La religion (considérée
subjectivement) est la connaissance de tous nos devoirs comme commandements divins » La religion
dans les limites de la simple raison. Il n’est donc pas nécessaire suivant cet auteur d’une connaissance
de l’existence de dieu, mais seulement une hypothèse qui commande notre action dans une fin pratique
c’est-à-dire en s’accordant avec l’idée de Dieu. C’est donc afin de soutenir un effort moral sérieux que
la religion est une manifestation de la spiritualité humaine qui fonde celle philosophique. Nous
commencerons par examiner les rapports complexes entretenus entre la Foi et la Raison. L’échec d’un
discours rationnel sur des objets suprasensibles réaffirme la dimension pratique de la religion qui doit
composer avec la question de l’existence du mal qui alimente les critiques à son égard. Enfin, nous
conclurons par le rôle social de la religion qui engendre une lecture critique à son égard tout en ne
réussissant pas à abolir ce besoin profond de spiritualité qui anime le cœur humain.
Analyse La religion ouvre un large champ de significations. Derrière l’étymologie (du latin
religare) qui connote une notion de respect, de scrupule qui s’associe à la crainte au respect se profile
l’idée de lien social. La profusion des significations (religare, re- legere ; relegare : relier, relire,
reléguer) interdit que l’on puisse en privilégier un sens. Tout au plus peut- on penser qu’il ne peut y
avoir de religion qui ne puisse influer sur nos comportements, que l’on privilégie un sens particulier de
la vérité à l’exclusion de toute autre. Il ne peut y avoir de religion sans église, du moins peut- elle être
rigoureusement personnelle ? Hypothèse 1 La religion comme croyance désigne une attitude
subjective qui ne se réfère à aucune preuve objective ou rationnelle. Elle est donc un engagement qui
peut s’apparenter à une forme de savoir, contrairement à la certitude scientifique. Cependant, pourquoi
croit- on ? Hypothèse 2 Cependant, il n’existe pas que des religions faisant référence à une
transcendance. Certaines contrairement à leur expression naturelle sont assujetties à un ensemble de
dogme et jouent un rôle social. Problème La croyance religieuse pourrait facilement se réduire à une
illusion voire une erreur, néanmoins, les faits montrent qu’elle accompagne toute l’histoire de
l’humanité. Il ne peut y avoir de civilisation sans rapport au sacré. En d’autres termes il est de fait que
la religion nous dépasse, pour autant pouvons- nous nous en passer, c’est-à-dire la dépasser, et partant
la conserver ?
Axes problématiques :
1. La religion rationnelle
2. La question du mal
3. Le rôle social de la religion
I/ la religion rationnelle
La religion, dans ses rapports avec la raison humaine offre deux alternatives : soit elle présente
un savoir préalable me faisant reconnaître mon devoir ; elle est alors révélée ou historique ; soit je dois
savoir par avance ce qu’est mon devoir (comme conforme à ma nature) et, elle est alors naturelle. Il y
a donc deux attitudes face à la religion soit celle d’un rationaliste soit celle d’un naturaliste. Cette
distinction nous permet de remettre en question l’idée d’une pluralité des religions comme expression
de l’attitude religieuse des hommes. Finalement la seule vérité religieuse possible est celle naturelle
comme raison suffisante de celle révélée.
B/ La religion naturelle
Hume dans la personne de Philon qui l’incarne use de l’argument de l’analogie entre une
œuvre et son créateur. Dieu comme architecte de ce monde est représenté par son œuvre et il ne serait
question qu’il ne puisse en rendre totalement compte. L’idée d’une causalité divine admet la
production du monde selon un plan idéal représentée dans son entendement et un ordre de ce monde
idéal est la cause suffisante de l’harmonie du monde réel. Ce postulat d’un Etre dont tirent l’harmonie
et l’ordre d’un monde représenté ne peut être issu de l’expérience, et, est donc de caractère purement
métaphysique. Hume dialogue avec Leibniz en ce qu’il ne refuse pas on argumentation au sujet d’un
dessein d’ensemble divin des choses qui explique une apparente anomalie d’un détail. Simplement, il
radicalise cet argument au sujet de la conception du possible. Ce n’est pas parce que l’on ne connaît
pas les possibles implications d’une chose qu’il est impossible de les prévoir toutes.
B. L’argument d’un monde imparfait compatible avec la perfection divine est irrecevable parce qu’il
va en l’encontre de la représentation même du « divin artisan ». Hume récuse l’argument d’une
bienveillance divine au profit d’une explication du monde à partir de la contingence des phénomènes.
Celle- ci s’oppose à l’idée a priori que nous pouvons avoir de la divinité qui omnisciente ne peut
ignorer les failles et défaillances qu’elles engendrent. Il y aurait donc un recours à l’idée d’une finalité
morale : la finalité de la nature est au service d’une finalité morale. Car peut –on se représenter que la
divinité ne crée un ordre harmonieux du monde qui n’ait pour fin le bonheur des hommes ? La réalité
du mal est cependant incontournable, puisque les hommes ne sont pas heureux.
C. L’argument de la douleur censé servir une fin plus élevée telle que la conservation de
l’espèce ne vaut pas. En effet, Hume développe au cours de ce texte l’argument des 4 circonstances.
1) Dans le règne animal les peines et les plaisirs aiguisent l’action alors qu’une simple
diminution du plaisir pourrait suffire à la place de la douleur.
2) 2) L’antagonisme entre les règles générales de l’économie du monde, et la conduite
humaine. Alors que, la providence pourrait agir par des moyens suffisamment fins pour
œuvrer à notre bonheur sans perturber le cours du monde.
3) 3) Chaque faculté et pouvoir sont attribués avec une trop grande parcimonie à chaque
être ; alors qu’il aurait suffi d’en accorder plus à l’homme.
4) 4) Il n’y a rien de si avantageux dans l’univers qui accordé avec trop d’excès ou de
défaut ne soit fâcheux.
E. Si Hume reconnaît l’existence d’une finalité propre à expliquer l’organisation du monde,
celle- ci ressort plus d’un besoin irrépressible de la raison humaine de rechercher
l’origine des choses que de celles- ci en propre. En effet, on ne peut admettre une
parfaite harmonie dans l’ordre des choses et souvent les phénomènes naturelles
dépassent leur fonction utilitaire pour devenir des fléaux incontrôlés. Ce qui manque
fondamentalement à cet argument de l’utilité c’est l’idée de mesure ; donc de raison qui
pourtant est l’attribut principal du divin.
C/ Le mal radical
A/ La critique psychanalytique
B/ La critique marxiste
A. Marx inverse l’idée religieuse d’une création de l’homme par Dieu. Il montre que la
religion n’est qu’une forme de prise ou de perte de conscience de l’homme qui ainsi se représente ou
se perd à nouveau. L’homme n’est pas une pure abstraction, mais une réalité politique, sociétale qui
produit dans chacune de ses manifestations une forme particulière de religion. Toute religion n’est
donc que l’expression renversée de la société dont elle provient. La religion représente donc une forme
sublimée de la société qui y correspond, elle s’apparente à une forme de superstition elle est la forme
la plus généralisée de « consolation et de justification » de la société. Elle est donc l’idéologie de
toute société en prétendant exposer un ordre naturel des choses au sujet de ce qui n’est que le résultat
d’une exploitation d’une classe sur une autre. La religion représenterait la vérité de l’homme sous
forme fantasmée. L’homme n’a d’autre vérité que celle de son existence matérielle et lutter contre la
religion n’est que lutter contre les formes de société qui l’instaure.
B. « La misère religieuse » est à la fois la parfaite correspondance avec celle réelle de nature
économique et sociale, et à la fois son occultation en proférant l’existence d’un au- delà qui viendra y
remédier tout en laissant notre condition en proie à de terribles inégalités. Elle joue donc un rôle
narcotique et il n’est possible d’accéder au bonheur qu’en renonçant à une situation qui exige et
encourage l’illusion religieuse. C’est donc, renoncer à cette situation politique et économique qui est le
ferment de ce besoin de consolation religieuse.
La critique marxiste de l’usage politique de la religion dans ses rapports avec l’Etat est déjà
anticipée par Nietzsche au paragraphe 472 de son ouvrage Humain, trop humain. Quels sont les
relations entre la religion et le gouvernement ? Afin de mettre en lumière l’extraordinaire ingéniosité
humaine et la plasticité de son esprit. Il est en effet, indéniable que les gouvernements monarchiques,
c’est-à-dire qui tiennent en tutelle leur peuple use de la religion comme moyen de gouvernement. La
religion joue un rôle consolateur devant les insuffisances et défaillances de l’Etat. Elle assure une
stabilité au pouvoir en donnant à la masse une image du pouvoir politique là où « les
intelligents »seraient poussés à la rébellion. Elle est donc ce qui assure une continuité nécessaire à
l’exercice du pouvoir ainsi qu’elle lui offre une classe intermédiaire en la figure du clergé qui lui offre
une éducation des masses sans pour autant donner l’impression de le servir. Cette critique est héritée
de l’esprit des Lumières, mais Nietzche remarque qu’elle a planté des germes qui vont eux- mêmes
fournir une critique de cette critique.
En effet, si « le gouvernement absolu tutélaire et maintien de la religion vont nécessairement
de pair », les classes dirigeantes en ayant conscience de se servir de la religion comme un moyen s’y
sentent supérieures et sont à l’origine de la liberté de pensée. Celle- ci est aussi à l’origine d’une
conception démocratique de l’Etat issue de l’idée rousseauiste de la Volonté Générale qui ne possède
aucune supériorité par rapport à sa forme antérieure mais juste se fonde sur un transfert du centre de
gravité du pouvoir. En effet, il supplée un pouvoir unique et privatif de la figure du souverain
individuel à celle de la souveraineté du peuple. De ce fait, le peuple récupère l’usage de la religion tel
que l’avait le souverain et la religion prend une fin politique (Le culte de l’Etre suprême de la
révolution française). Cette substitution n’est pas sans conséquences puisqu’en l’absence d’utilité
politique ou en proie à une diversité d’interprétations religieuses, le gouvernement fera de la religion
une affaire privée et la fera « s’en rapporter à la conscience et l’habitude de chacun ».
La religion s’en trouvera fortifiée en développant des aspirations particulières que limitait
l’Etat, elles se diffuseront jusqu’à l’extrême pointe de la particularité. Ce qui conduit
immanquablement à une multitude de pratiques sectaires qui entreront en confit et relèveront « les
faiblesses des doctrines religieuses » ce qui aura pour conséquences que « les meilleurs et mieux
doués fassent leur affaire privée de l’irréligion ». Ce sentiment se transmettant aux gouvernants qui
prendront alors des mesures de cette nature, ce qui entrainera de la part d’hommes encore animés de
sentiments religieux une haine de l’Etat, alors qu’auparavant ils le vénéraient de façon presque
religieuse. Cette véhémence fera de son côté que les hommes irréligieux vont se mettre à avoir un
engagement presque fanatique pour l’Etat accentuer par le manque d’aspiration spirituelle qu’ils
connaissaient depuis leur rupture avec la religion.
Cette opposition conduira soit à un retour de la part des religieux d’un gouvernement
despotique éclairé, soit de la part des irréligieux à la suppression de ces derniers par « l’école et par
l’éducation ». Mais avec la suppression de cette attitude religieuse disparaît aussi admiration de l’Etat
lui- même quasi religieux. Il n’est plus alors qu’un instrument évalué par les individus selon son
utilité, on ne lui obéit que par intérêt ou crainte servile. Seule sa force vaut et fait force de loi. Cette
défiance à l’égard de l’Etat, la compréhension de cette nuisance que présentent toutes ces luttes
conduiront à une abolition des domaines public et privé en faveur de ce dernier jusqu’à qu’il assure
des fonctions essentielles telles que la sécurité. C’est donc la conséquence fondamentale de la
démocratie d’achever « la décadence et la mort de l’Etat ».
Une fois achevée ce qui ressort de la séparation de l’église et de l’Etat c’est-à-dire à une
origine mystérieuse et divine du pouvoir l’Etat perd le respect et disparaît. Nietzsche fait de la
démocratie l’expression privilégiée de cette « décadence de l’Etat » qui n’est pas pour autant une
tragédie car l’homme possède dans sa nature des ressources capables de former des institutions qui
transcendent l’Etat. Il verra un retour de « la communauté de race » selon la forme antique, c’est-à-
dire la résurgence d’une compréhension historique de l’Etat que favorise sa rupture avec la sphère
religieuse.